M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 10 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, sur l’article.
M. Jean-Marc Gabouty. Les délais auxquels cet article renvoie doivent être compris de manière globale. À ce sujet, j’insiste à mon tour sur les inquiétudes que peut inspirer la concomitance des élections régionales et départementales : les difficultés d’aujourd’hui ne sont pas exactement celles d’hier.
Madame la ministre, pour ce qui concerne ces délais, il faut prendre en compte le dépôt des listes, la possibilité de fusion des listes pour les élections régionales et, éventuellement, la rédaction d’une nouvelle profession de foi. Or, pour la réalisation des documents, il faut bien avoir conscience que les imprimeurs ne sont pas forcément les mêmes pour les élections départementales et régionales : ceux qui se chargent des premières n’ont pas toujours les capacités matérielles de couvrir les secondes – c’est tout simplement une question de volume. De fait, on peut aboutir à des répartitions territoriales différentes selon les élections.
À mon sens, les élections régionales sont celles qui posent le plus de problèmes : elles exigent des moyens relativement importants, compte tenu du nombre d’électeurs et de délais excessivement courts. Une organisation par territoire peut faciliter les choses, mais elle ne répond pas tout à fait à la logique assez libérale que suit l’État en matière d’imprimés électoraux. On aurait tout intérêt à organiser les élections régionales de sorte que les bulletins soient imprimés dans chaque région, lorsque c’est matériellement possible. Ainsi, on conserverait la proximité et on limiterait l’impact écologique.
À cet égard, on stigmatise à tort le papier, qui est recyclable six fois. Le problème, c’est de devoir transporter des imprimés électoraux d’un bout à l’autre de la France : nombre de documents sont imprimés dans le sud, expédiés de nuit dans le nord pour être mis sous enveloppe, puis, la nuit suivante, réexpédiés dans un centre de tri du sud de la France pour être distribués. L’empreinte carbone n’est pas dans la réalisation des documents ; elle est dans le transport !
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Jean-Marc Gabouty. Une nouvelle organisation est possible à l’échelle des imprimeurs ; en revanche, la question est plus délicate pour ce qui concerne la mise sous enveloppe et la distribution. Ces sujets mériteraient une réflexion en amont.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
(Supprimé)
Article 3 (nouveau)
I. – Le code électoral est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I de l’article L. 388, la référence : « n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale » ;
2° À l’article L. 395, la référence : « n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale ».
II. – Au premier alinéa de l’article 26 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, la référence : « n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale ».
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen
par les mots :
n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur. Il s’agit là d’un simple amendement de coordination avec la loi Richard du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4 (nouveau)
La présente loi entre en vigueur au 1er septembre 2020. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur. Madame la ministre, dans mon propos liminaire, j’ai appelé votre attention sur la concomitance des élections départementales et régionales, en particulier sur le second tour. Il faut anticiper l’ensemble des événements qui vont se produire : dépôt des candidatures le mardi soir, réunion des commissions de propagande le mercredi, puis envois le jeudi et le vendredi.
On risque bel et bien de se heurter à un problème d’organisation tout à fait inédit, susceptible de parasiter fortement les élections et, donc, de créer des polémiques défavorables au Gouvernement. Les professionnels du secteur nous ont fait part de ces difficultés. Or, à ce jour, on ignore encore quels moyens le Gouvernement entend mettre en œuvre pour éviter cet écueil.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le rapporteur, n’étant pas ministre de l’intérieur – cela ne vous aura pas échappé –, je ne suis pas responsable des élections. Toutefois, j’ai bien entendu votre interrogation, que je vais transmettre à M. Castaner : évidemment, il vous apportera une réponse.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La durée de la suspension sera bien entendu décomptée des quatre heures attribuées au groupe Les Indépendants – République et Territoires pour son espace réservé.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ?
Débat organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, sur le thème : « Le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, je souhaite remercier notre collègue Alain Fouché, qui est à l’origine de ce débat.
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. Franck Menonville. Je me réjouis que notre assemblée se saisisse de cette thématique et mène une réflexion sur la pertinence des outils de régulation du foncier agricole.
Dans un ouvrage intitulé Utopie foncière, Edgard Pisani écrivait : « J’ai longtemps cru que le problème foncier était de nature juridique, technique, économique et qu’une bonne dose d’ingéniosité suffirait à le résoudre. J’ai lentement découvert qu’il était le problème politique le plus significatif qui soit parce que nos définitions et nos pratiques foncières fondent tout à la fois notre civilisation et notre système de pouvoir, façonnent nos comportements. »
La politique foncière agricole s’est construite en France après la Seconde Guerre mondiale afin de permettre à notre pays d’atteindre l’autonomie alimentaire. Elle a permis d’encourager l’investissement et d’accroître la productivité. Elle a été renforcée dès la fin des années 1950 par la création de la PAC.
La première véritable politique des structures agricoles est née de la nécessité d’entamer un processus de modernisation de notre agriculture. Elle s’est fondée non seulement sur une politique de marché et de renforcement des filières, mais aussi sur un changement profond des structures d’exploitation agricole.
Les lois d’orientation de 1960 et 1962 ont offert un ensemble cohérent de textes visant à infléchir et à encadrer l’évolution des exploitations, changeant ainsi profondément le paysage agricole et rural français. Ces deux lois ont constitué une étape absolument décisive dans le processus de modernisation de notre agriculture. Elles ont notamment permis la création des Safer (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), en leur octroyant un droit de préemption. Elles ont aussi promu les structures d’exploitation familiale et établi la parité de revenus entre l’agriculture et les autres activités économiques.
Ces transformations supposaient une politique d’aménagement foncier adaptée et des transferts de terres très importants. L’État s’est alors doté d’outils de maîtrise de cette politique foncière.
Il s’agissait d’abord de mettre en valeur le droit d’usage au même titre que le droit de propriété. À cette fin, la loi d’orientation de 1960 s’est appuyée sur le statut du fermage, datant de 1946, en le consolidant et en élargissant notamment les possibilités de modernisation de l’exploitation. Ce statut a encore été complété dans les années 1970, pour conforter la stabilité et la liberté d’investissement des fermiers.
Aujourd’hui, malgré leur consolidation, ces outils de régulation du foncier sont fortement fragilisés par l’évolution de la structuration de notre agriculture, notamment par la progression de diverses formes sociétaires. En effet, les enjeux actuels de la régulation foncière sont multiples. Bien entendu, je ne peux que les évoquer rapidement, tout en gardant à l’esprit leur complexité.
Les exploitations sont moins nombreuses et leur taille est de plus en plus souvent capitalistique. Leurs montants complexifient leur transmission et aggravent les difficultés de l’accession au foncier, laquelle est pourtant essentielle, notamment pour les jeunes agriculteurs. Le développement de l’évolution de la structuration en société rend, dans un certain nombre de cas, les outils de régulation du foncier inopérants. On vend et on achète de plus en plus de parts de société, mais de moins en moins de foncier classique. Force est de constater que ce phénomène est encore plus important dans la filière viticole.
Les exploitations agricoles sont donc portées, le plus souvent, sous des formes sociétaires, comme les GAEC, les EARL, les SCEA ou les SA, complétées par d’autres dispositifs sociétaires concernant plus spécifiquement le foncier et l’immobilier, tels que les GFA et les SCI, entre autres structures.
Ces évolutions ne sont pas négligeables. D’une part, les Safer et, plus largement, la politique des structures sont limitées quant à leur possibilité d’orientation. D’autre part, ces transformations ouvrent la voie à une financiarisation croissante du foncier et à des acquisitions extérieures non contrôlées et non régulées. Elles peuvent entraîner des concentrations foncières très importantes, fragilisant ainsi le tissu agricole et viticole.
S’y ajoute un autre phénomène : le mode classique de faire-valoir indirect, qui permet notamment aux propriétaires bailleurs de louer en fermage leurs terres à des fermiers exploitants, est concurrencé par le travail à façon. Les exploitants font ainsi réaliser leurs travaux agricoles par une entreprise. Cette délégation représente aujourd’hui 12 % des exploitations dites « de grandes cultures ». Cela doit nous inviter à réfléchir à la redéfinition du statut de l’exploitant agricole, réflexion sans doute à relier à la négociation de la nouvelle PAC.
Je souhaiterais développer beaucoup d’autres enjeux, mais, faute de temps, je ne pourrai que les citer. Je pense à l’artificialisation des sols ; au changement climatique et à la gestion de la ressource en eau ; ou encore à d’autres conflits d’usage, en lien avec les énergies renouvelables et les compensations forestières et écologiques, qui sont d’autres sources de pression sur le foncier agricole.
D’autres acteurs interagissent dans l’aménagement foncier. Ainsi, les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire, en partenariat avec les EPF (établissements publics fonciers) et les Safer.
Les notaires concourent eux aussi à la transparence du marché. Le notariat français a d’ailleurs consacré son congrès de 2018 au foncier agricole, proposant notamment de fixer de nouveaux objectifs afin d’être en ligne avec les besoins de demain.
Un ajustement législatif nous semble une nécessité incontournable. Il permettrait à nos outils de régulation d’être modernisés et, ainsi, de garder toute leur efficacité.
Notre politique foncière, depuis près de soixante ans, a permis de bâtir une agriculture moderne performante, diversifiée et présente sur l’ensemble du territoire, avec comme fil conducteur l’autonomie et la souveraineté agricole et alimentaire de notre pays.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, il y a urgence à se préoccuper de cette question. C’est la raison pour laquelle les élus du groupe Les Indépendants ont souhaité l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat. Faisons le vœu que ce débat nous permette d’abord d’évaluer la pertinence des outils de régulation et, ensuite, de trouver les solutions pour les améliorer et les adapter aux réalités d’aujourd’hui.
Il faut limiter les excès tout en laissant à la liberté d’entreprendre toute sa place et sa créativité.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Franck Menonville. C’est aussi l’une des qualités de la France et de son expression dans le monde. Ainsi, une ligne de crête est à trouver, et notre système doit être adapté. Mais comme le disait Edgard Pisani : « Cessons de toujours mettre en avant les difficultés à faire les choses et prenons plutôt en compte, avant tout, la nécessité de les faire ! » (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier le groupe Les Indépendants d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour. Les outils de régulation du foncier agricole sont en effet un enjeu très important.
La terre agricole n’est pas un bien marchand comme les autres. Vous le savez tout particulièrement, monsieur le sénateur Menonville. J’ai récemment décoré Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer. À cette occasion, il a évoqué votre long engagement à ses côtés comme secrétaire général. Vous connaissez parfaitement la question dont il s’agit, et je vous remercie d’avoir travaillé sur ce sujet.
Merci également d’avoir cité à deux reprises Edgard Pisani ; il restera sûrement comme le plus grand ministre de l’agriculture que notre pays ait connu.
M. Emmanuel Capus. Un Angevin ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume, ministre. Il a été le premier à travailler longuement sur le sujet du foncier.
Vous le savez, le Gouvernement s’est saisi de cette question à deux niveaux. Tout d’abord, le foncier est l’un des points clés de l’agenda rural : on ne peut pas parler d’agenda rural sans évoquer ce sujet. Ensuite, nous travaillons au projet de loi foncière annoncé l’année dernière par le Président de la République, lors de l’ouverture du salon international de l’agriculture.
Le foncier agricole est, tout simplement, un préalable à notre souveraineté alimentaire, parce que tout démarre par le sol, outil de production de nos agriculteurs – ce n’est pas rien ! La responsabilité qui nous incombe, après nos prédécesseurs, est donc de garantir une régulation efficace de l’accès à ce foncier agricole. La défense de nos modèles dépend de l’efficacité de cette régulation.
C’est dire si la question mise en débat cet après-midi est importante. Elle est également très complexe, d’autant que les uns et les autres ont des avis assez partagés.
J’entends ceux qui insistent sur la nécessité de réformer ces outils et critiquent leur manque d’efficacité. Pour autant, je commencerai par souligner que ces outils de régulation nous sont absolument indispensables.
Alors que nous sommes confrontés à des enjeux forts en matière de foncier agricole – j’y reviendrai –, la France s’est dotée d’un arsenal complet de régulation, que, d’ailleurs, d’autres pays examinent au moment où nous-mêmes voulons aller plus loin ; c’est même le cas de nos plus proches voisins, comme l’Allemagne et la République tchèque, deux pays agricoles importants.
Dans les années 1950, cet arsenal s’est construit autour du statut du fermage, dont vous avez eu raison de souligner qu’il est d’ordre public : il limite la liberté contractuelle du propriétaire et de l’exploitant fermier en vue d’assurer la stabilité des structures foncières des exploitations agricoles en location et de garantir au fermier le bénéfice de ses gains de productivité par la limitation des loyers. Acquis fondamental, le statut du fermage a garanti l’équilibre des relations bailleurs-preneurs.
Dans les années 1960, l’instauration du contrôle des structures et la création des Safer ont répondu aux enjeux de renouvellement des générations et de consolidation d’exploitations viables dans les territoires. Comme vous le savez toutes et tous, les Safer ont contribué en 2018 à l’installation de plus de 1 600 jeunes exploitants, sur un total de 15 000 installations. Ces outils sont donc pertinents.
Pour autant, le monde agricole évolue, les demandes aussi. Les outils doivent être adaptés aux transformations en cours, après évaluation précise des impacts qu’auront ces adaptations sur nos exploitations.
En vingt-cinq ans, le nombre de petites et moyennes exploitations a été divisé par trois, et 50 % des agriculteurs français prendront leur retraite dans les dix années qui viennent. Dans ce contexte, notre responsabilité est immense ! C’est pourquoi nous travaillons, mais en nous gardant de tout casser, de jeter, si je puis dire, le bébé avec l’eau du bain. Tant que nous n’aurons pas stabilisé de nouvelles orientations ayant fait consensus, ne touchons pas sans trembler aux outils de régulation qui existent.
L’artificialisation des sols est aujourd’hui un drame, vous l’avez dit, monsieur le sénateur Menonville. Reste qu’il est difficile de regarder avec les yeux d’aujourd’hui ce que nos prédécesseurs, notamment les élus locaux, ont fait hier. Car, hier, nous avions besoin de logements, de lotissements, d’étendre nos villages. Seulement, après avoir vu les habitations entrer dans les champs et s’installer au bord des vignes selon les besoins de cette époque, les agriculteurs se trouvent aujourd’hui handicapés.
L’artificialisation des sols doit s’arrêter. L’objectif du Gouvernement, comme de la profession, c’est le zéro artificialisation nette. C’est la raison pour laquelle mon ministère a lancé une immense consultation avec toutes les parties prenantes, du printemps jusqu’à l’automne de l’an dernier. Cette consultation était un préalable indispensable, car, j’insiste sur ce choix de méthode, il est hors de question que seuls les parlementaires travaillent sur ces outils ; la profession agricole doit être le plus largement, le plus unanimement possible à nos côtés.
D’abord, nous devons tirer les enseignements des difficultés actuelles pour résoudre les problèmes d’installation et d’accès au foncier. Ensuite, il nous faut contrôler les structures, car il n’est plus possible que des sociétés financières achètent de bonnes terres agricoles pour en faire ce qu’elles ont à en faire – nous devons aborder ce sujet. Enfin, nous devons avancer sur le statut du fermage.
Je souhaite vivement que nous travaillions avec les Safer, qui étaient, demeurent et resteront un outil essentiel pour contrôler et sauver le foncier agricole. C’est à partir de la contribution de leur fédération nationale, ainsi que de celles des organisations professionnelles agricoles et des associations – nous avons mené une consultation très large – que l’État établira les pistes d’évolution.
Ces évolutions seront mises en œuvre en deux temps : le plus rapidement possible pour celles qui seront réglementaires, dès lors qu’il y aura consensus autour des Safer ; dans le cadre d’une proposition ou, plutôt, d’un projet de loi, en fonction des souhaits que vous exprimerez lors de la consultation que je mettrai en place avec l’Assemblée nationale et le Sénat.
S’agissant de ce texte, je nous mets en garde, nous connaissant bien : si nous commençons, au-delà du foncier agricole, à vouloir traiter toutes les questions d’urbanisme qui n’ont pas été réglées ces dernières années, nous aurons raté notre but. Le foncier agricole est une question importante : j’en appelle à notre sagesse collective pour qu’elle reste l’objet prioritaire du texte à venir.
Monsieur Menonville, monsieur Malhuret, vous avez souhaité que nous débattions de la pertinence des outils de régulation du foncier agricole. Pour moi, ces outils sont toujours pertinents, mais nous devons travailler à en améliorer encore la pertinence ! (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et Les Indépendants. – MM. Marc Laménie et Vincent Segouin applaudissent également.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et le Gouvernement d’une durée équivalente pour y répondre.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Noëlle Rauscent.
Mme Noëlle Rauscent. Chacun sait que l’accès au foncier reste difficile pour les agriculteurs qui souhaitent s’installer : les fermes sont de plus en plus grandes et les terres agricoles, qui représentent une valeur refuge pour les financiers, sont de plus en plus convoitées. Alors que seulement 8,5 % de nos agriculteurs ont moins de 35 ans, l’agriculture française entre dans une période charnière. Nous devons tout mettre en place pour que le renouvellement générationnel s’opère.
Aujourd’hui, la diminution des surfaces agricoles est un fléau qui menace notre souveraineté alimentaire. Dans ce contexte, toute nouvelle décision de passer d’une terre agricole à une zone constructible doit être justifiée par une réelle nécessité. De plus, nous devons freiner le développement des panneaux photovoltaïques au sol et favoriser leur installation sur les bâtiments agricoles.
Par ailleurs, nous observons un réel besoin de moderniser le contrôle des structures. Les départements, qui sont au plus près de nos territoires, sortent perdants des nouveaux schémas de régulation. Comme j’ai pu l’entendre, les CDOA ne sont plus que des chambres d’enregistrement…
Le rôle des Safer est essentiel, notamment pour éviter que l’agrandissement des exploitations ne s’opère de façon anarchique et pour maîtriser efficacement les tendances inflationnistes du foncier agricole. Mais le contrôle des structures et le statut du fermage sont fragilisés par la progression de montages sociétaires destinés à échapper au contrôle, l’accaparement du foncier par des investisseurs étrangers, l’installation d’activités de loisir et de nouvelles formes d’exploitation conduisant à l’éviction des agriculteurs.
La profession ne milite pas pour une refonte complète de ces outils, mais pour leur rénovation mesurée et leur renforcement. Seule une définition de l’agriculteur actif professionnel, doté d’un véritable statut et d’un registre donnant des droits et des devoirs, permettra de faire cesser les contournements qui appauvrissent nos territoires.
Monsieur le ministre, compte tenu de ces différents enjeux, comment comptez-vous favoriser l’accès au foncier des jeunes agriculteurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Alors que nos exploitations s’agrandissent et se concentrent, comme M. Menonville l’a expliqué, vous soulevez, madame la sénatrice Rauscent, la question, absolument essentielle, de l’accès au foncier, notamment pour les jeunes agriculteurs. À cet égard, nous travaillons beaucoup avec les Jeunes agriculteurs, qui ont de nombreuses idées pour nous aider à élaborer le texte dont j’ai parlé, s’agissant notamment du contrôle des structures.
L’installation des jeunes agriculteurs et la transmission des terres sont un enjeu majeur pour l’agriculture de demain : sans accès aux terres, l’installation des jeunes sera impossible.
En ce qui concerne les panneaux photovoltaïques, ma position est très simple : non, non et non ! Nous ne voulons pas de panneaux au sol sur des terres agricoles. D’aucuns expliquent qu’on pourrait mettre des panneaux photovoltaïques à deux mètres de hauteur et faire paître des animaux au-dessous : ce n’est pas notre modèle. Je vois que M. Louault n’a pas l’air convaincu… Des exceptions peuvent exister – un coteau inaccessible qu’on ne peut pas entretenir, ou que sais-je –, mais le principe, pour moi, c’est : non aux panneaux photovoltaïques sur les sols ! Les panneaux, on peut les mettre sur les toits ou où vous voulez, mais les sols sont faits pour servir à l’agriculture, pas pour produire de l’énergie.
Nous aurons l’occasion de revenir sur la définition de l’actif et les montages sociétaires, car c’est en effet la question fondamentale. L’accès au foncier doit être réservé à des agriculteurs professionnels, comme M. Menonville l’a excellemment souligné, à l’exclusion de sociétés financières. Au-delà de ce que la loi prévoit déjà, nous allons travailler pour que ces montages sociétaires n’entravent pas l’accès au foncier des agriculteurs.