Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, sur l’article.
Mme Michelle Meunier. Je prends la parole, sur cet article, au nom de notre collègue Maryvonne Blondin, qui, en 2017, a rédigé un rapport au nom de la délégation aux droits des femmes sur les enfants présentant une variation du développement sexuel. C’était le premier rapport parlementaire portant sur ce sujet, que beaucoup de collègues ont découvert à cette occasion.
Il faut savoir que, dans la seconde moitié du XXe siècle, la pratique consistait à opérer ces enfants, sans informer réellement les familles, sans évoquer, bien sûr les conséquences sur la vie de l’enfant et sans chercher de réel consentement. Imaginez, mes chers collègues, le désarroi des parents soumis, dans ce moment difficile, à une double pression : celle de l’appréhension binaire de notre société et celle de l’injonction à déclarer le sexe administratif de leur enfant.
L’orientation systématique vers les centres de référence spécialisés est déjà, pour nous, essentielle ; cela permet de garantir une prise en charge adaptée par des équipes pluridisciplinaires et d’instaurer, pour les cas les plus complexes, un échange avec les familles et les enfants avant toute intervention, si l’urgence vitale le nécessite.
L’objectif est de protéger l’intégrité physique de l’enfant et de permettre à celui-ci d’avoir la possibilité de faire son choix. Le Conseil l’État le rappelle, hors motif médical d’urgence vitale, « il convient d’attendre que le mineur soit en état de participer à la décision, et notamment de faire état de la souffrance qu’il associe à sa lésion et de moduler lui-même la balance avantage-risque de l’acte envisagé ». Il s’agit ainsi de ne plus laisser le monopole de la décision aux seuls médecins, de donner à l’enfant le temps d’être en mesure d’exprimer sa volonté et de participer à la prise de décision le concernant.
Il faut trouver un équilibre fragile entre un principe de non-interdiction, visant à laisser la capacité aux équipes médicales d’appréhender la nécessité d’une intervention, et la volonté de prévenir le recours systématique à la chirurgie précoce en l’absence d’une urgence vitale.
Les travaux de ma collègue Maryvonne Blondin rejoignent les conclusions des rapports internationaux et la convention internationale des droits de l’homme.
Mme la présidente. L’amendement n° 209, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Ma collègue vient de le souligner, l’article 21 bis est très important ; il peut constituer une avancée considérable pour les enfants présentant une variation du développement sexuel. Dans ce contexte, nous proposons deux amendements.
Le premier – celui que je suis en train de présenter – pourrait paraître anodin ou susciter quelques interrogations, puisqu’il tend à supprimer la référence, introduite par la commission spéciale, à la Haute Autorité de santé. Malgré tout le respect que nous avons pour cette instance, nous émettons régulièrement des doutes sur les bonnes pratiques qu’elle recommande, qui peuvent parfois être contre-productives ou, paradoxalement, limiter les innovations des professionnels de santé. Selon nous, ces bonnes pratiques s’apparentent à un protocole à suivre absolument et imposent aux équipes médicales une standardisation des soins.
Par conséquent, nous estimons que, dans le cadre précis de l’article 21 bis, relatif au diagnostic et à la prise en charge des enfants dits « intersexes », il n’est pas nécessaire de faire référence à la Haute Autorité de santé ; le texte initial se suffit à lui-même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Effectivement, la question des enfants présentant une variation du développement génital, si elle peut paraître quasi anecdotique du point de vue du nombre de personnes concernées, est symboliquement importante. Elle est surtout marquante, en raison de la souffrance exprimée par les enfants devenus adultes, de la difficulté à vivre cette situation et du fossé qui s’est souvent creusé entre ces personnes et les professionnels de santé. Ces derniers nous ont d’ailleurs souvent paru sur la défensive ; ils semblaient vouloir justifier des actes pour lesquels ils étaient mis durement en accusation.
Ce constat, que nous avons fait ensemble lors des auditions, le Comité national d’éthique l’a également partagé, au travers de son avis n° 132, rendu au mois de novembre dernier. La commission a donc fait le choix de rapprocher les points de vue, afin que chacun s’exprime et soit écouté, pour que les souffrances des uns et les pratiques des autres soient respectées et que de nouvelles pistes de prise en charge soient élaborées pour l’avenir.
Ainsi, en droite ligne de la recommandation que le Comité national d’éthique a formulée au travers de l’avis précité, la commission a choisi de soumettre le diagnostic et la prise en charge de ces enfants à des recommandations de bonnes pratiques arrêtées par la Haute Autorité de santé. Pourquoi ? Parce que ces recommandations correspondent à un référentiel, à une méthodologie, permettant à chacun d’être écouté, entendu, afin que les différents points de vue soient pris compte.
Selon nous, la commission ne peut pas régler par elle-même les questions liées à cette prise en charge, mais elle peut décider de pistes d’améliorations. Telle était la philosophie du texte que nous ont transmis nos collègues de l’Assemblée nationale, et nous avons choisi, pour ce qui concerne cette question difficile, de progresser dans ce cadre.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Mme la sénatrice Cohen l’a souligné, cet ajout n’est pas utile.
Dans la rédaction du projet de loi issue de l’Assemblée nationale, l’article 21 bis renvoie déjà à un arrêté pour la fixation des modalités de prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Or cet arrêté sera pris sur le fondement de l’article L. 1151-1 du code de la santé publique, qui prévoit précisément que les règles de bonnes pratiques sont définies après avis de la Haute Autorité de santé.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement de suppression d’une mention redondante.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 206, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Sont dépourvus de nécessité médicale et interdits les actes de conformation sexuée visant à modifier les caractéristiques sexuelles primaires et secondaires d’une personne, sauf en cas d’urgence vitale ou de consentement personnellement exprimé par cette dernière, même mineure. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Aux termes du code de déontologie médicale, « aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement ».
Malheureusement, cette partie du code ne nous semble pas toujours appliquée, notamment pour les 1,7 % d’enfants qui naissent, en France avec une variation du développement sexuel. Trop souvent, même si, visiblement, cette pratique tend à disparaître, ces enfants subissent, dès leurs premières années, une ablation du clitoris ou une castration. Ce sont des actes traumatisants, qui sont pratiqués en fonction de l’état des connaissances médicales et psychologiques du moment. Ils sont rarement pratiqués au nom d’une nécessité médicale ; ils reposent plutôt sur une certaine obligation, énoncée par la société, d’être assigné à un sexe biologique bien déterminé.
Lors des auditions, des spécialistes nous ont dit qu’ils avaient changé de regard sur la question – c’est en tout cas l’impression que j’ai ressentie – et que les opérations étaient désormais rarissimes. On ne peut que s’en réjouir, me semble-t-il, car comment peut-on imposer arbitrairement à des enfants des choix aussi binaires que le masculin ou le féminin, avec le risque que, quelques années plus tard, ce sexe ne corresponde pas à leur genre, à leur identité ?
Malheureusement, malgré les bonnes intentions ayant inspiré l’alinéa 7 du présent article, le texte ne nous semble pas permettre, en l’état, d’éviter ces opérations chirurgicales. Nous proposons donc de prévoir clairement leur interdiction, avec, évidemment, des dérogations : en cas d’urgence vitale ou de consentement explicitement et personnellement exprimé par la personne, même mineure.
Ces opérations constituent une violence infligée à des personnes et elles ont des effets secondaires multiples et lourds. En outre, elles donnent le sentiment que le corps médical peut décider pour autrui de ce que doit être un corps, pour que chacun se conforme à l’apparence soit d’un homme soit d’une femme.
Les témoignages d’enfants intersexes devenus adultes que nous avons entendus sont très clairs et émouvants ; ils nous conduisent à une position assez tranchée en faveur de cette interdiction. Le choix de l’intervention ou de la non-intervention doit revenir à ces personnes et uniquement à elles – pas même à leurs parents –, de façon libre, éclairée et consentie.
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par Mmes Blondin, Meunier et Rossignol, M. Jacques Bigot et Mmes Monier, Lepage et Jasmin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La seconde phrase du septième alinéa de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Aucun traitement irréversible ou acte chirurgical sur les organes génitaux visant seulement à définir les caractéristiques sexuelles et à conformer l’apparence au sexe déclaré ne peut être entrepris avant que la personne mineure soit apte à y consentir après avoir reçu une information adaptée. En cas de nécessité vitale, le médecin délivre les soins indispensables. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Sur le fond, cet amendement est identique à celui de ma collègue Laurence Cohen, qui l’a très bien défendu.
Sur la forme, nous proposons d’ajouter que, « en cas de nécessité vitale, le médecin délivre les soins indispensables. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Les amendements nos 206 de Mme Cohen et 61 rectifié bis de Mme Blondin ont le même objet : interdire les actes de conformation sexuée, sauf en cas d’urgence vitale ou de consentement personnel du patient mineur, lorsque celui-ci a suffisamment de discernement.
L’adoption de ces amendements limiterait les opérations précoces pratiquées sur les enfants présentant des variations du développement génital aux seuls cas d’urgence ou de nécessité vitale. Les témoignages que nous avons entendus à ce sujet étaient effectivement tout à fait émouvants, comme l’a rappelé Mme Cohen. Toutefois, cela exclurait les autres cas de nécessité médicale, dont les opérations visant à éviter des pertes de chance fonctionnelle, sans laisser de marge d’appréciation aux médecins.
Par ailleurs, il semble difficile de définir ce qui relève de la seule conformation sexuée et qui serait ainsi soumis à interdiction. En effet, les interventions chirurgicales sont complexes et concernent également souvent l’appareil urinaire, par exemple en cas d’hypospadias.
La commission comprend parfaitement l’intention des auteurs des présents amendements, mais il lui semble que ce n’est pas encore l’heure des conclusions définitives, en inscrivant une telle interdiction dans la loi. Il convient de prendre le temps d’élaborer de bonnes pratiques, en réunissant toutes les parties prenantes. Comme l’a recommandé le Comité national d’éthique, il nous faut, sur ces questions, « passer du dissensus au consensus ».
C’est dans cet esprit que la commission spéciale a adopté la disposition relative aux recommandations de bonnes pratiques, auxquelles seraient soumis le diagnostic et la prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital. C’est dans le cadre de ce référentiel que pourrait être arrêté un premier cadre commun des interventions précoces.
Enfin, je note que l’adoption de l’amendement n° 61 rectifié bis ferait disparaître une disposition du code de la santé publique qu’il paraît important de conserver : la possibilité, pour un médecin, de délivrer les soins indispensables sur un mineur ou un majeur sous tutelle, malgré l’opposition de la personne titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur.
Nous entendons bien la préoccupation que traduisent ces amendements, mais nous pensons qu’il faut prendre un peu plus de temps. Peut-être le consensus aboutira-t-il à la proposition que vous faites au travers de ces amendements, mais cela me semble, à l’heure actuelle, prématuré. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous avons déjà eu l’occasion de l’indiquer, le Gouvernement partage, comme – je pense – l’ensemble des travées de cet hémicycle, la volonté d’assurer la meilleure protection possible de la santé des enfants présentant des variations du développement génital. C’est même l’objet de l’article 21 bis, dont les dispositions permettront de mieux accompagner les enfants et leurs familles, au travers des centres de référence spécialisés, qui offriront une prise en charge par des équipes spécialisées et pluridisciplinaires.
Les dispositions qui sont proposées au travers de ces amendements présentent un risque important, rappelé par le rapporteur : en limitant la nécessité médicale au seul risque vital, elles peuvent empêcher la réalisation d’actes médicaux pourtant nécessaires. Une fois de plus, dans un souci de réaffirmation constante de ma confiance inébranlable en la science et en la médecine, je crois qu’il appartient au médecin de définir ce qui relève ou non de cette nécessité médicale. C’est pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis sensible aux arguments développés, mais je maintiens cet amendement d’appel.
Je veux citer la recommandation du Conseil d’État de 2018 sur ce sujet : « Hors motif médical très sérieux, il convient d’attendre que le mineur soit en état de participer à la décision, et notamment de faire état de la souffrance qu’il associe à sa lésion et de moduler lui-même la balance avantage-risque de l’acte envisagé. […] L’acte médical ayant pour seule finalité de conformer l’apparence esthétique des organes génitaux aux représentations du masculin et du féminin afin de favoriser le développement psychologique et social de l’enfant ne devrait pas pouvoir être effectué tant que l’intéressé n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté et de participer à la prise de décision. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 321, présenté par M. Jomier, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Supprimer les mots :
mentionné à l’article L. 2131-6 du même code,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 21 bis, modifié.
(L’article 21 bis est adopté.)
Article 22
I. – L’article L. 2141-11 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-11. – I. – Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée peut bénéficier du recueil ou du prélèvement et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, en vue de la préservation ou de la restauration de sa fertilité ou en vue du rétablissement d’une fonction hormonale.
« Le recueil, le prélèvement et la conservation mentionnés au premier alinéa du présent I sont subordonnés au consentement de l’intéressé et, le cas échéant, à celui de l’un des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou du tuteur, lorsque l’intéressé est mineur, après information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites. Dans l’année où elle atteint l’âge de la majorité, la personne dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent I reçoit une information par l’équipe pluridisciplinaire du centre où sont conservés ses gamètes ou ses tissus germinaux sur les conditions de cette conservation et les suites de la démarche.
« Le consentement de la personne mineure doit être systématiquement recherché si elle est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.
« S’agissant des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne, l’article 458 du code civil s’applique.
« Une étude de suivi est proposée aux personnes dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent I, sous réserve de leur consentement ; ce consentement est exprimé à la majorité lorsque la personne était mineure lors du recueil ou du prélèvement.
« Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue à l’article L. 2141-1, dans les conditions déterminées au même article L. 2141-1.
« La modification de la mention du sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à l’application du présent article.
« II. – Les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale d’une personne mineure dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent article sont contactés chaque année par écrit pour recueillir les informations utiles à la conservation, dont un éventuel changement de coordonnées.
« Il ne peut être mis fin à la conservation des gamètes ou des tissus germinaux d’une personne mineure, même émancipée, qu’en cas de décès.
« En cas de décès de la personne mineure dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés, les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale peuvent consentir par écrit :
« 1° À ce que ses gamètes ou ses tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ;
« 2° À ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux.
« Le consentement est révocable jusqu’à l’utilisation des gamètes ou des tissus germinaux ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« Le délai mentionné au IV du présent article ne s’applique à la personne mineure, même émancipée, qu’à compter de sa majorité.
« III. – La personne majeure dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent article est consultée chaque année. Elle consent par écrit à la poursuite de cette conservation.
« Si elle ne souhaite plus la maintenir, elle consent par écrit :
« 1° À ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ;
« 2° À ce que ses gamètes ou ses tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ;
« 3° À ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux.
« Dans tous les cas, ce consentement est confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement. L’absence de révocation par écrit du consentement dans ce délai vaut confirmation.
« Le consentement est révocable jusqu’à l’utilisation des gamètes ou des tissus germinaux ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« IV. – En l’absence du consentement de la personne majeure prévu aux 1° ou 2° du III du présent article, recueilli simultanément à son consentement au recueil, au prélèvement et à la conservation mentionné au I, il est mis fin à la conservation des gamètes ou tissus germinaux :
« – en l’absence de réponse pendant vingt années consécutives. Ce délai court à compter de la majorité si la personne était mineure au moment du recueil ou prélèvement ;
« – lorsque la personne atteint un âge ne justifiant plus l’intérêt de la conservation. Cette limite d’âge est fixée par un arrêté du ministre en charge de la santé, après avis de l’Agence de la biomédecine ;
« – en cas de décès de la personne. »
II. – (Non modifié) En cas de décès de la personne et, si celle-ci est majeure, en l’absence de consentement à ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique ou à ce que ses gamètes ou ses tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 du même code, il est mis fin à la conservation des gamètes et tissus germinaux conservés à la date de publication de la présente loi. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 22
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mmes Berthet et Noël, MM. Saury, Morisset, Bonhomme et J.M. Boyer, Mmes A.M. Bertrand et Lanfranchi Dorgal, M. Cuypers et Mmes Lamure et Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1243-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1243-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1243-2-…. – I. – Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible de provoquer une dégénérescence cellulaire peut bénéficier, après avis de l’équipe médicale pluridisciplinaire, du recueil et de la conservation de ses cellules, en vue de l’administration ultérieure, à son bénéfice, d’un traitement innovant défini au 17° de l’article L. 5121-1 du présent code.
« Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement écrit de l’intéressé, dûment informé de l’objet du recueil et de la conservation, et le cas échéant, à celui de l’un des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou du tuteur, lorsque l’intéressé est mineur. Ce consentement est révocable à tout moment jusqu’à l’utilisation des cellules ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« L’intéressé est consulté chaque année pour consentir par écrit à la poursuite de cette conservation. S’il ne souhaite plus la maintenir, il consent par écrit à ce que ses cellules fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ou à ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses cellules.
« En l’absence de réponse de la personne durant dix années consécutives ou en cas de décès de la personne, il est mis fin à la conservation des cellules.
« Le recueil et la conservation ne peuvent donner lieu à une prise en charge au titre de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale.
« II. – Les modalités d’application du présent article, notamment concernant d’une part les conditions spécifiques d’éligibilité des patients et d’autre part les procédés de conservation et de stockage des cellules, sont fixées par décret. »
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Les thérapies cellulaires et géniques représentent un espoir de guérison pour des patients souffrant de maladies extrêmement graves, au travers notamment des cellules CAR-T. En effet, dans certains types de cancers du sang, les lymphocytes T sont prélevés, cryopréservés, puis modifiés génétiquement afin de reconnaître et de détruire les cellules cancéreuses, avant d’être réinjectés au patient. La qualité des cellules prélevées et sélectionnées en amont joue un rôle important dans la faisabilité et la qualité du lot de cellules CAR-T produit.
Or le prélèvement et la cryopréservation ne sont actuellement réalisés que tardivement dans l’avancement de la maladie, entraînant une possible altération de la qualité et de la quantité des cellules prélevées. Cela a pour conséquence une perte de chance pour les patients. C’est pourquoi, après plusieurs années d’expérimentation, les praticiens experts souhaiteraient que l’on puisse réaliser un prélèvement et une conservation des cellules dès les tout premiers stades de la maladie. Cela permettrait au traitement de mieux réussir. Cela correspond notamment à une recommandation du récent symposium international sur les cellules CAR-T, organisé par la faculté de médecine de Lille.
Il existe un vide juridique et éthique, auquel il convient de remédier. Le cadre législatif actuel ne prévoit en effet pas d’encadrement adéquat, notamment pour ce qui concerne la durée de conservation et l’utilisation des cellules, lorsque celles-ci ne sont pas utilisées à des fins thérapeutiques, ainsi que les responsabilités relatives au stockage.
Afin de lutter contre les pertes de chance pour les patients pouvant bénéficier des traitements par cellules CAR-T, le présent amendement vise à prévoir, à l’instar de ce qui a été fait pour l’autoconservation des gamètes en cas d’altération de la fertilité du patient, les conditions strictement encadrées de réalisation d’aphérèse et de cryopréservation « historiques », dans le contexte spécifique des thérapies géniques et cellulaires.
Selon les experts, qui attendent ce dispositif et qui ont sollicité, sans obtenir de réponse, la HAS et l’INCa (Institut national du cancer), il serait délétère d’attendre la prochaine loi de bioéthique pour encadrer les risques éthiques associés à cette pratique thérapeutique, qui existe d’ores et déjà – l’hôpital Saint-Louis est le deuxième centre mondial en la matière – et qui voit augmenter le nombre de patients traités.