Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, rapporteur pour avis.
M. Antoine Karam, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons eu, voilà moins d’un mois, un débat riche et constructif sur l’avenir de l’enseignement agricole. Nous avons pu constater, à cette occasion, l’attachement de tous nos groupes politiques à cet enseignement, véritable « pépite » pour la formation de nos jeunes, selon les mots de Didier Guillaume, ministre de l’agriculture.
Dans ce budget, 1,47 milliard d’euros sont consacrés à l’enseignement agricole, soit une augmentation de 7,15 millions d’euros. Celle-ci est due au protocole PPCR et à la poursuite de la campagne de communication et de promotion de l’enseignement agricole intitulée « L’aventure du vivant : les métiers grandeur nature ».
La rentrée de 2019 a constitué – du moins, je l’espère – un tournant pour l’enseignement agricole. En effet, après une érosion continue des effectifs et une baisse d’encore 4 000 élèves l’an dernier, on constate, pour la première fois depuis dix ans, une augmentation des effectifs, de plus de 750 élèves. Cette hausse est la conséquence des efforts importants d’information et de valorisation de l’enseignement agricole.
Il est toutefois nécessaire de poursuivre l’effort de communication à l’échelon local. En effet, l’enseignement agricole présente la spécificité d’être un enseignement national à ancrage territorial ; la déclinaison de cette campagne de communication sur les territoires est donc essentielle.
En outre, il me semble nécessaire de répercuter sur les équivalents temps plein (ETP), dans les prochains arbitrages budgétaires, cette inversion de la tendance, si elle vient à se pérenniser. L’enseignement agricole perd en effet 60 ETP en 2020, et, selon le schéma d’emploi pluriannuel, il devrait perdre encore 80 ETP en 2021 : le nombre d’élèves augmente et les effectifs du personnel diminuent.
Je souhaite, pour terminer ce propos, évoquer la crainte d’un décrochage entre l’enseignement scolaire et l’enseignement agricole, pour ce qui concerne le personnel d’assistance éducative. Il semblerait que le budget de l’enseignement agricole n’ait pas pris en compte la revalorisation de l’indice des assistants d’éducation de septembre dernier. Le personnel d’assistance éducative joue un rôle essentiel, nous le savons, particulièrement en lycée agricole. En effet, près de 60 % des élèves sont internes ; de plus, l’enseignement agricole accueille un nombre important d’élèves ayant des besoins particuliers. Monsieur le ministre, nous connaissons la priorité donnée par le Gouvernement à l’école inclusive. J’espère donc qu’une solution sera rapidement trouvée sur ce sujet.
J’en suis convaincu, l’enseignement agricole est une filière d’avenir, en prise avec les défis émergents. Ce budget en hausse et le rapprochement tant attendu entre les deux ministères témoignent de l’intérêt que porte le Gouvernement à cet enseignement. C’est pourquoi la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 143, consacré à l’enseignement agricole, de la mission « Enseignement scolaire ».
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget est en hausse de 1,9 % par rapport au budget précédent, mais il reste malheureusement bien inférieur aux objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques adoptée en 2017. C’est donc une augmentation en trompe-l’œil, car le milliard d’euros supplémentaire permettra seulement de financer des augmentations de charges mécaniques, sans même y suffire.
En ce qui concerne les emplois, on déshabille Pierre pour habiller Paul, puisque si 440 emplois sont créés dans le premier degré, 440 postes sont supprimés dans le second degré.
On sait que, en raison de l’abaissement à 3 ans de l’âge de la scolarité obligatoire, la rentrée de 2020 verra l’arrivée de 28 000 élèves supplémentaires dans le premier degré.
De plus, vous annoncez, monsieur le ministre, que toutes les classes de grande section de maternelle, en REP et en REP+, seront dédoublées à la rentrée de 2020, après celles de CP et de CE1, et que les effectifs de toutes les autres classes de ces trois niveaux seront progressivement limités à vingt-quatre élèves. C’est très bien, mais, pour atteindre tous ces objectifs, au demeurant parfaitement louables, les 440 créations d’emploi que vous prévoyez dans le premier degré seront très insuffisantes. Selon nos calculs, il faudrait en effet procéder à la création de 10 000 postes sur trois ans dans le premier degré, soit 3 300 emplois par an, pour un coût d’environ 200 millions d’euros.
Je le rappelle, il y avait eu 1 850 suppressions de poste en 2019, dont 1 050 pour le seul premier degré public. Au total, il y aura eu plus de 6 200 suppressions de poste dans le second degré, pour les trois exercices 2018, 2019 et 2020, alors que les effectifs auront enregistré, dans le même temps, une hausse de 99 000 élèves.
On est donc très loin du compte et tous ces chiffres ne sont pas du tout satisfaisants, mais vous balayez souvent d’un revers de main la problématique des postes, monsieur le ministre, pour privilégier les heures supplémentaires. Or, justement, comme en 2019, il n’apparaît aucun fléchage des crédits destinés au financement des heures supplémentaires demandées aux enseignants pour compenser les suppressions de postes, sans compter que ces heures supplémentaires sont subies, et non choisies, par les professeurs. Le fameux « travailler plus pour gagner plus », que vous prônez, s’accorde mal avec le métier d’enseignant et ses contraintes.
S’ajoutent à cela l’absence de prise en compte de la revalorisation salariale des enseignants et la non-résolution des difficultés que connaissent les directeurs d’école ; vous le savez, ce n’est pas la mobilisation de jeunes gens au titre du service civique qui va y remédier.
Toutes ces questions non réglées, ainsi que l’insuffisance du nombre des AESH et des moyens de remplacement, restent des points sensibles pour la bonne prise en charge de nos élèves.
Enfin, votre volonté affichée que les enseignants se forment sur leurs temps de vacances me paraît extrêmement grave. Quel salarié accepterait cela ? Je le rappelle d’ailleurs à tous ceux qui considéreraient que les vacances des enseignants sont trop nombreuses et trop longues : si l’on compte leurs heures de correction, de recherche et de préparation des cours, le temps de travail des enseignants dépasse largement les 35 heures par semaine ; ceux qui ont exercé ce métier le savent.
Les fonds sociaux dédiés aux collégiens et aux lycéens en difficulté diminuent exceptionnellement de moitié, alors qu’ils permettent d’aider des jeunes issus de milieux défavorisés. Ils sont d’une grande utilité, et l’on sait que beaucoup n’y accèdent pas, alors qu’ils le pourraient. C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain proposera un amendement visant à rétablir les crédits destinés à ces fonds sociaux à hauteur de leur montant de 2019.
Monsieur le ministre, vous affichez des intentions légitimes, mais vous ne prévoyez pas les moyens nécessaires. Cela engendre beaucoup de frustrations et d’inégalités.
Vous affirmez essayer de rendre attractive la profession d’enseignant ; c’est bien, mais les actes ne suivent pas, même si nous soutenons certaines actions, comme le prérecrutement des enseignants, qui ressemble d’ailleurs étrangement aux emplois d’avenir professeur, lancés en 2013 par l’un de vos prédécesseurs, Vincent Peillon.
Monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous présentez, s’il paraît volontariste dans les intentions affichées, est tout à fait insuffisant au regard de l’avenir et des enjeux de notre système éducatif en 2020. Dans ces conditions, malheureusement, nous ne pourrons pas l’approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits alloués à la mission « Enseignement scolaire » pour 2020, en progression de 1,37 milliard d’euros par rapport à 2019. Si l’investissement de la France dans l’éducation augmente encore en 2020, cette évolution doit être mise en perspective ; les comparaisons internationales nous enseignent que le budget public total de l’éducation représente, en moyenne, 10,8 % des dépenses publiques totales dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), contre 8,4 % seulement en France.
Cette hausse des crédits a notamment vocation à rééquilibrer les financements au profit de l’école élémentaire, en accompagnant la très importante poursuite du dédoublement des classes de CP et de CE1 dans le réseau d’éducation prioritaire, ainsi que son extension aux classes de grande section. Sachant que la France dépense l’équivalent de 7 600 dollars pour un élève dans l’élémentaire, contre 8 500 dollars, en moyenne, pour les pays comparables, l’effort consenti en faveur de ces classes depuis 2018 paraît fondé. Toutefois, nous aimerions disposer d’un bilan scientifique précis de cet effort en matière de résultats scolaires. Peut-être pourrions-nous saisir le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) de cette question.
Cette progression des dépenses concerne également des mesures de revalorisation catégorielle d’une profession qui, nous le savons, manque d’attractivité sur le long terme, le salaire des enseignants français restant, en 2019, inférieur de 7 % à la moyenne de l’OCDE en début de carrière et de 22 % en milieu de carrière. Ainsi, 58 millions d’euros seront utilement consacrés en 2020 au renforcement de la rémunération des enseignants en REP et en REP+, ce que Max Brisson et moi-même avions appelé de nos vœux au travers de notre rapport conjoint.
La progression des crédits couvre également l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, ce qui comprend une amélioration des conditions d’emploi des AESH, dont nous avons beaucoup discuté cette année. En effet, depuis la rentrée de 2019, tous les accompagnants sont recrutés sous contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois avant une possible transformation en contrat à durée indéterminée (CDI). Les mesures de la conférence nationale du handicap et la « CDIsation » des AESH expliquent ainsi une augmentation de 28,6 millions d’euros, soit de 5 %, du programme Vie de l’élève, alors que celle des autres programmes de la mission plafonne entre 1 % et 2 %.
Si nous approuvons globalement la progression de ces crédits et les politiques qu’ils soutiennent, certaines interrogations quant à l’avenir de notre enseignement demeurent. Ainsi, la suppression de 440 emplois d’enseignant dans le secondaire public n’est pas acceptable. Il faut garder l’avantage de l’investissement réalisé dans l’enseignement secondaire sur plusieurs décennies, et ne pas le « détricoter » pour alimenter le premier degré. Le groupe RDSE proposera donc plusieurs amendements visant à annuler ces suppressions de postes.
Par ailleurs, des solutions au problème du nombre croissant de postes d’enseignant non pourvus lors des concours – 1 400 cette année, je crois – doivent être apportées d’urgence.
La formation continue est un autre enjeu majeur, dont nous avions débattu lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance. Or ces crédits sont en baisse de 3,45 %, soit de près de 30 millions d’euros, pour les enseignants du premier degré, ce qui est contradictoire avec l’objectif affiché.
Sur le plan de l’accompagnement social des élèves, nous regrettons la baisse drastique de 29 millions d’euros, soit la moitié des financements affectés aux fonds sociaux versés aux établissements. Ces fonds permettent d’apporter une aide exceptionnelle aux familles défavorisées, quand la pauvreté ne cesse de progresser dans notre pays. Si cette baisse n’a, selon un habile discours budgétaire, pas d’impact sur les fonds versés par les établissements, en raison de la sous-consommation de ces crédits année après année, nous pensons que la solution est non pas de les supprimer, mais plutôt d’encourager les établissements à mieux identifier et accompagner leurs élèves en difficulté. Comment cette baisse, monsieur le ministre, est-elle compatible avec la stratégie du Gouvernement de lutte contre la pauvreté, qui vise notamment la division par deux du taux de pauvreté des enfants d’ici à 2022 ? Je proposerai donc un amendement visant à annuler cette baisse des crédits affectés aux fonds sociaux des établissements.
Par ailleurs, cela fait plusieurs années que le Sénat alerte sur l’état inquiétant de la santé scolaire en France. Déjà, le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2017 relevait une baisse, de l’ordre de 20 % en dix ans, des effectifs de médecins scolaires, qui ne permettent pas de couvrir le territoire. Les derniers chiffres montrent que le nombre de médecins et d’infirmiers a encore baissé en 2019. La médecine scolaire joue pourtant un rôle essentiel en matière de dépistage précoce et de prévention. Afin d’affirmer la priorité que nous lui accordons, nous proposerons deux amendements visant à renforcer l’attractivité de la profession de médecin scolaire. Les médecins scolaires sont aujourd’hui les médecins de la fonction publique les moins bien rémunérés.
Je terminerai en évoquant l’enseignement technique agricole. Nous nous interrogeons sur la cohérence du schéma d’emploi pluriannuel pour la période 2019-2022. Cette année encore, ce schéma prévoit une réduction des effectifs de 60 ETP, alors que 2020 est une année charnière, qui verra au contraire cette filière accueillir 750 élèves de plus, grâce à l’action positive en matière de communication du ministère de l’agriculture. Nous devrions donc redoubler d’efforts dans la valorisation de ces cursus, qui font aussi la richesse de nos territoires.
En conclusion, malgré une hausse des crédits des trois principaux programmes de la mission, ce projet de budget soulève encore trop de questions, dans un contexte budgétaire que nous savons contraint, et on lui applique le principe des vases communicants. En conséquence, le groupe RDSE s’abstiendra sur les crédits de la mission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, vous présentez ce projet de budget sous l’angle d’une augmentation des moyens de l’éducation nationale. Malheureusement, nous ne partageons pas votre enthousiasme. En effet, si les crédits augmentent bien de 1,9 %, cette hausse est inférieure à l’inflation et elle profite essentiellement aux lignes budgétaires « glissement vieillesse-technicité » et « parcours professionnels, carrières et rémunérations » : la progression de la première est mécanique et celle de la seconde est destinée à financer l’augmentation des salaires des professeurs qui avait été décidée par le précédent gouvernement, puis gelée par le vôtre, monsieur le ministre, avant d’être finalement mise en œuvre.
Surtout, ce projet de budget semble bien en deçà des engagements du Gouvernement et du Président de la République. On voit mal, en effet, comment la création de seulement 440 postes dans le premier degré permettrait de soutenir le dédoublement des classes en REP et en REP+, d’étendre la limitation à vingt-quatre élèves de l’effectif des classes en grande section, en CP et en CE1, d’ici à la fin du quinquennat, ou de concrétiser les annonces faites au travers du plan de rattrapage des services publics en Seine-Saint-Denis, oubliée dans votre projet de budget. On aurait d’ailleurs pu espérer que le soutien aux collectivités locales pour l’adaptation des lieux d’enseignement aux dédoublements de classes concerne aussi les autres départements, puisque bien des communes rencontrent des difficultés en la matière. On est donc loin de la priorité affichée en faveur du premier degré.
Dans le secondaire, les coupes sont claires, avec une diminution de bien plus de 440 postes, redéployés vers le primaire, alors que l’on attend entre 30 000 et 40 000 nouveaux élèves.
À l’évidence, vous n’avez pas pris la mesure du malaise qui traverse l’éducation nationale. S’agissant par exemple des directeurs d’école, il manque cruellement de solutions concrètes pour les soulager d’une charge de travail devenue trop lourde. Je regrette que notre amendement tendant à mettre en place un plan de recrutement d’assistants d’éducation à même de prendre en charge une partie du travail administratif incombant aux directeurs ait été déclaré irrecevable. Je ne désespère toutefois pas de vous convaincre de la pertinence de cette idée, que nous continuerons de défendre, monsieur le ministre.
Il y a les postes de dépense pour lesquels les financements nécessaires manquent ; il y a aussi ceux pour lesquels le budget est carrément réduit. Il en est ainsi des fonds sociaux, dont les crédits sont divisés quasiment par deux, au prétexte que les familles ne les sollicitent pas assez. Il s’agit là d’un raisonnement qui n’est pas recevable pour les élus de terrain que nous sommes, qui savent à quel point le pouvoir d’achat est une préoccupation quotidienne pour les familles en situation précaire et combien les efforts de notre système scolaire pour y répondre sont insuffisants. L’école française est l’une de celles qui perpétuent le plus les inégalités ; alors que la précarité des élèves et des étudiants s’impose comme un problème central, cette décision est pour le moins choquante.
Je veux évoquer une autre question cruciale touchant à la précarité : la situation des accompagnants d’élèves en situation de handicap, sans contrat, sans salaire ou recevant des acomptes qu’on leur demande ensuite de rembourser…
Monsieur le ministre, j’ai déjà pu aborder ce sujet avec vous en commission, mais le problème reste malheureusement d’actualité, avec des contrats non signés ou bâclés, sans parler de notifications toujours non pourvues plus de trois mois après la rentrée. Si la situation des AESH, qui sont souvent de jeunes femmes, reste catastrophique en Seine-Maritime, il me semble qu’elle n’est guère meilleure dans un certain nombre d’autres départements.
Votre projet de budget nous renseigne bien sur votre vision sur ce point : l’augmentation de 17 % du budget de recrutement des AESH hors titre 2, c’est-à-dire par les établissements pour des postes mutualisés et de droit privé, est sans équivoque. Vous vous éloignez de l’objectif de faire des AESH un corps de fonctionnaires, en déresponsabilisant l’État de leur recrutement, et vous renforcez nos craintes d’une inversion des priorités entre les besoins en accompagnement des enfants en situation de handicap, définis par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), et les moyens que l’institution, adoptant une approche purement comptable, envisage de mobiliser. La colère gronde chez ceux et celles qui sont méprisés et précarisés, ainsi que dans les familles d’enfants en situation de handicap.
La colère secoue aussi l’enseignement agricole, frappé de plein fouet par votre réforme du lycée et qui doit faire face à d’autres mesures, comme les modifications des seuils de dédoublement pour la réalisation de travaux pratiques, entre autres problèmes spécifiques à cette filière.
Je ne peux clore mon propos sans évoquer la situation des collectivités territoriales, marquée d’abord par une désertification scolaire qui continue malheureusement de s’aggraver, au grand désarroi de nos concitoyens des territoires ruraux et de leurs élus. Malgré les promesses présidentielles, la rentrée scolaire de 2019 a vu la fermeture de 112 écoles supplémentaires et 240 fusions.
Sur cette question des fermetures d’écoles, je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que, lors de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, vous m’aviez assuré que les élèves relevant d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) seraient désormais comptabilisés dans les effectifs. Ce n’est malheureusement toujours pas le cas. Cela traduit un manque d’humanité assez insupportable pour les familles concernées et conduit, dans bien des cas, à la fermeture de classes qui pourraient, et même devraient, être maintenues. De même, les enfants qui atteignent l’âge de 3 ans durant l’année scolaire et entrent à l’école en cours d’année ne sont pas toujours comptabilisés.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce projet de budget, qui est, à nos yeux, une preuve supplémentaire de la déconnexion de ce gouvernement des besoins de notre système scolaire et de la souffrance de ceux qui le font vivre au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 74 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 1,2 milliard d’euros supplémentaires par rapport à 2019, le budget de la mission « Enseignement scolaire » pour l’année 2020 représente le premier poste de dépense de la Nation et témoigne de la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts engagés pour promouvoir l’égalité des chances et l’acquisition des savoirs fondamentaux.
Le Gouvernement a fait le choix de renforcer les moyens du premier degré. Cet effort se concrétise, dans le programme 140, consacré à l’enseignement scolaire public du premier degré, avec l’extension du dédoublement des classes de CP et de CE1 en REP et en REP+ aux grandes sections de maternelle de ces mêmes zones, le plafonnement progressif de l’effectif des classes à vingt-quatre élèves en grande section, CP et CE1 et l’entrée en vigueur, depuis la rentrée, de l’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire à 3 ans.
Les réformes destinées à renforcer la scolarisation en milieu ordinaire des élèves présentant un handicap se poursuivent, avec pour objectif de faire de l’école républicaine une école véritablement inclusive dans les trois années à venir.
Des avancées importantes sont à saluer, comme le recrutement, cette année, de plus de 4 000 AESH, rattachés au programme 230, la transformation des contrats de ces accompagnants en CDD de trois ans et le déploiement de 3 000 pôles inclusifs d’accompagnement localisés. Il faut poursuivre sur cette voie pour valoriser le métier d’AESH et améliorer le taux d’encadrement particulier des enfants ayant besoin d’un accompagnement. L’école et, plus largement, l’enseignement scolaire doivent être le lieu où s’effacent les différences et où chaque enfant est accompagné sur le chemin de l’émancipation et de la réussite.
Le programme 140 contient les premières mesures destinées à simplifier le travail des directeurs d’école : une journée supplémentaire de décharge et un allégement de leur charge de travail administratif.
Le programme 141 de la mission porte sur l’enseignement scolaire public du second degré. Il finance notamment la nouvelle obligation de formation pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans. Nous regrettons la suppression, au sein de ce programme, de 440 postes, redéployés au profit de l’enseignement du premier degré. Si la lutte contre le décrochage scolaire commence dès l’école maternelle, le collège et le lycée sont les passages les plus sensibles pour les jeunes les plus exposés et les plus fragiles. L’allongement des durées d’enseignement pour les enseignants, à travers la généralisation des heures supplémentaires, ne pourra compenser pleinement les postes supprimés. Par ailleurs, la revalorisation du métier d’enseignant, en termes tant d’image que de salaire, reste une priorité.
Le programme 230, consacré à la vie de l’élève, bénéficie de la plus importante hausse, avec 5,11 % de crédits supplémentaires, profitant en grande partie au financement de l’école inclusive. Il consacre également les crédits réservés à la lutte contre le harcèlement scolaire, dont plus de 11 % des élèves sont victimes. Ces crédits serviront au financement de plateformes de signalement de situations de harcèlement, en particulier de cyber-harcèlement. La vie de nombreux enfants peut basculer à cause d’insultes, de moqueries ou de photos postées sur les réseaux sociaux, et leur scolarité peut vite devenir un calvaire.
Nous devons poursuivre nos efforts pour valoriser l’enseignement agricole, qui fait l’objet du programme 143, notamment auprès des jeunes élèves urbains. Plus de 208 000 élèves par an s’engagent dans cette voie, mais les effectifs baissent d’année en année.
Monsieur le ministre, j’aimerais attirer votre attention sur une problématique souvent occultée dans les débats publics. Alors que 60 % des jeunes vivent en dehors des grandes métropoles, comme le dit la présidente de l’association Chemins d’avenirs, Salomé Berlioux, « un jeune qui a grandi dans le Puy-de-Dôme ou les Vosges – pour ne citer que deux exemples – a moins accès à l’information, moins de figures modèles auxquelles s’identifier pour choisir un métier, moins confiance en lui, moins de mobilité ». Cette accumulation d’obstacles fait qu’une grande partie de la jeunesse issue de la France périphérique reste prisonnière d’un plafond de verre et n’a pas la liberté de choisir son avenir.
Pour paraphraser Nelson Mandela, je dirai que l’éducation est une « arme d’intelligence massive ». Nous rêvons d’une école qui soit le lieu de tous les savoirs, un temple de la culture partagée et de la tolérance. Une école du courage, de la saine curiosité, où l’on apprend aussi le respect de la République et de ses valeurs. Voilà ce que nous souhaitons pour tous nos enfants et pour chaque citoyen.
Les membres du groupe Les Indépendants –République et territoires voteront le projet de budget de cette mission, en vous demandant, monsieur le ministre, de poursuivre vos efforts pour faire véritablement de l’école un levier de réussite pour tous les élèves.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Depuis deux ans, vous avez mis en place, monsieur le ministre, plusieurs mesures devant assurer une meilleure prise en charge ainsi qu’une meilleure réussite des élèves : le dédoublement des classes en REP et en REP+, la réforme du baccalauréat ou encore la scolarisation obligatoire dès l’âge de 3 ans. Nous vous avons soutenu dans ces démarches, qui nous semblent positives pour l’avenir de nos enfants.
Par ailleurs, la revalorisation des salaires des enseignants dans le cadre de la mise en œuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) nous paraît indispensable. En effet, les salaires des enseignants sont, en moyenne, inférieurs à ceux des autres fonctionnaires de l’État. De plus, ils sont très disparates selon que les intéressés exercent dans le primaire ou dans le secondaire.
La revalorisation de l’enseignement en REP+ et l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires défiscalisées sont également bienvenues. Pour autant, le PPCR est encore axé sur une hausse de salaire en fin de carrière, ce qui peut poser question dans l’hypothèse de la mise en place d’un système de retraite par points. Il en est de même, d’ailleurs, pour une augmentation des salaires au travers des heures supplémentaires. Un travail de revalorisation tout au long de la carrière des enseignants est donc nécessaire pour rendre à ce métier sa valeur et son attractivité. Il nous paraîtrait également intéressant de trouver un juste équilibre et de se rapprocher de la moyenne salariale européenne.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, vous faire part d’une inquiétude des territoires ruraux : avec quels moyens humains sera assuré le dédoublement des classes de CP et de CE1 ? En effet, notre collègue Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis, estime entre 7 000 et 8 000 le nombre d’enseignants supplémentaires nécessaires pour mettre en place ces dédoublements et le plafonnement à vingt-quatre élèves de l’effectif des classes de grande section, de CP et de CE1, sur l’ensemble du territoire. Or, seulement 440 nouveaux postes sont créés pour l’année à venir ! Sachant que le calcul du taux d’encadrement des élèves repose sur des moyennes départementales, ce qui ne veut rien dire pour des territoires aussi vastes et hétérogènes que les départements ruraux, vous comprendrez que l’on craigne qu’il ne faille déshabiller Pierre pour habiller Paul… Si j’ai bien compris qu’« aucune école ne serait fermée », je redoute que de nombreuses classes ne le soient encore malgré tout !
Pourtant, comme vous l’avez constaté vous-même, on enseigne mieux dans une classe qui n’est pas surchargée, un élève apprend mieux s’il n’a pas deux heures de temps de trajet par jour et nos classes à plusieurs niveaux sont très souvent gages de réussite. Merci donc de ne pas les sacrifier !
Puisque me voici à la campagne, je poursuis en évoquant les « petits-déjeuners » que les écoles rurales sont invitées à mettre en place. Pour tenir compte des contraintes liées au transport scolaire et ne pas obliger les élèves à se lever trente minutes plus tôt, ce petit-déjeuner doit être servi sur le temps scolaire. Or les enseignants n’ont pas reçu de consignes claires sur le sujet : ce petit-déjeuner doit-il être pris sur le temps d’enseignement ? Doivent-ils le servir eux-mêmes ? Les enseignants des écoles maternelles peuvent s’appuyer sur les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), mais quid des enseignants des écoles primaires ? Ce point mérite d’être éclairci.
Pour en finir sur la ruralité, j’aurais aimé apporter mon soutien à l’amendement de mon collègue Laurent Lafon, qui visait à la création d’un observatoire de la scolarité en milieu rural, aucune donnée sur ce sujet n’ayant, semble-t-il, été collectée depuis 1995. Je comprends que la création d’un tel observatoire puisse être coûteuse – cela a justifié le rejet de cet amendement –, mais collecter et faire remonter des données devrait être considéré comme un devoir de l’éducation nationale, qui est présente sur tout le territoire, et non comme un coût supplémentaire.
Monsieur le ministre, ces quelques inquiétudes, bien légitimes, n’empêcheront pas les membres du groupe Union Centriste de voter le projet de budget de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)