M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de la mission « Anciens combattants » est toujours pour nous une invitation à évoquer le sacrifice ultime de nos aînés dans les guerres qui ont affecté notre pays. Cette réalité d’hier fait tristement écho, aujourd’hui, au drame qui vient de se dérouler au Mali. En pleine opération de combat, treize hommes, militaires aguerris, sont allés au bout de leur engagement pour servir leur pays. Je souhaitais, au nom du groupe du RDSE, rendre hommage à leur courage et adresser toutes nos pensées aux familles touchées, avec une attention particulière pour notre collègue Jean-Marie Bockel.
Mes chers collègues, je commencerai par évoquer les moyens consacrés à la reconnaissance et à la réparation en faveur du monde combattant, qui mobilisent l’essentiel des crédits alloués à cette mission. Comme chaque année, ils enregistrent une diminution.
La baisse du nombre d’allocataires des pensions d’anciens combattants ne devrait-elle pas nous conduire à profiter de la marge budgétaire naturellement dégagée pour enrichir le droit à réparation ?
Il nous faudrait notamment revaloriser le point d’indice de la pension militaire d’invalidité. Du fait de son quasi-gel, la PMI individuelle moyenne aura décru de près de 300 euros entre 2018 et 2020. Il est regrettable que la réduction des crédits de ce programme ait pour effet la baisse du pouvoir d’achat de nos anciens combattants. Aussi, j’invite le Gouvernement à envisager un coup de pouce afin de mieux couvrir la diversité des situations qui font la réalité du monde combattant.
En attendant, je salue la seule mesure nouvelle, qui consiste en l’amélioration sous condition des modalités d’attribution de la pension de réversion allouée aux conjoints survivants de grands invalides de guerre. Cependant, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, ce dispositif ne profitera malheureusement qu’à 461 personnes ; peut-être faudrait-il, à l’avenir, élargir son bénéfice à d’autres aidants.
Au sein de ce même programme, je tiens à dire l’inquiétude que suscite l’actuelle restructuration de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre. La subvention qui lui est allouée pour charges de service public diminue de 12 millions d’euros, à mettre en rapport avec une baisse de 3,7 % de ses effectifs, autant dire une véritable ponction pour l’opérateur. Cette solution n’est ni durable ni souhaitable.
Rappelons que l’Office est le principal acteur de cette mission et qu’il est perçu, grâce à son maillage territorial, comme la « maison des combattants ». Son action diffuse et essentielle au plus près du monde combattant légitime le maintien de sa trésorerie. En effet, si le nombre global des anciens combattants diminue, le champ de ses missions s’élargit, comme ses catégories de ressortissants, des militaires envoyés en opération extérieure aux victimes d’attentats terroristes.
J’ajoute que cet office est le référent privilégié des 8 000 associations d’anciens combattants et qu’il devra demain préserver leur patrimoine mémoriel pour en pérenniser la transmission. Il assure l’entretien des hauts lieux de la mémoire nationale et des sépultures, avec l’aide du Souvenir français ; il accueille le public sur les lieux de mémoire, reçoit les enfants de harkis ou encore participe aux modules « mémoire » du service national universel.
C’est pourquoi la restructuration en cours doit être envisagée non comme une réduction, mais plutôt comme une réinvention de l’Office.
Je veux dire aussi quelques mots du programme « Liens entre la Nation et son armée », qui nous est cher également.
La baisse des crédits qu’emporte la fin du cycle des commémorations est compréhensible, mais je regrette les conséquences qu’elle aura sur l’entretien des sépultures et autres lieux de mémoire, que l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre devra compenser par un prélèvement sur sa trésorerie.
Dans ce domaine aussi, l’effort doit être constant, car il incarne l’hommage indéfectible rendu par la France à ceux de ses enfants qui sont morts pour elle. Il en va de même pour les monuments aux morts, et nous ne pouvons que saluer l’inauguration du monument aux morts en OPEX érigé dans le jardin Eugénie-Djendi, le 11 novembre dernier.
Enfin, s’agissant des crédits du programme relatif à l’indemnisation des victimes des spoliations et persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, ils accusent une diminution de 12 %. Là aussi, si cette contraction est structurelle, assurons-nous, près de vingt ans après la création de ce dispositif de réparation, que l’indemnisation soit la plus large possible. Dans un souci d’équité, mon groupe souhaiterait ainsi étendre le dispositif de réparation aux pupilles de la Nation dont les parents résistants sont morts pour la France les armes à la main.
Madame la secrétaire d’État, bien qu’il souhaite quelques améliorations, le groupe du RDSE approuvera ce budget, qui, malgré tout, permettra de continuer à accorder réparation à ceux qui, faisant preuve d’un immense courage, ont servi la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 – nous en avons adopté le texte il y a près d’un an et demi – a été voulue par ses auteurs, qui en ont fait l’une de leurs priorités, comme une loi « à hauteur d’homme », destinée à redonner du souffle à nos armées, à témoigner notre reconnaissance sans cesse renouvelée aux anciens combattants et à renforcer le lien entre armées et Nation.
L’actualité, avec la mort au Mali de treize de nos soldats, dont le fils de l’un d’entre nous, doit souder encore plus fortement – je l’espère – la Nation avec ses armées.
La mission interministérielle « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » rassemble les crédits consacrés à l’adhésion de la population aux efforts en faveur de la défense et de la sécurité nationales, depuis la fin de la conscription en 1997.
Avec un total de 2,16 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2020, le budget de cette mission est en baisse, alors même que les dispositions existantes sont maintenues.
Cette baisse ne traduit aucun désengagement politique. Elle est seulement la conséquence mécanique d’une décroissance démographique naturelle du nombre de bénéficiaires. En 1945, la France comptait plus de 12,5 millions de vétérans ; ils seront moins de 900 000 en 2020. On note aujourd’hui une baisse des effectifs de 6 % par an.
Dans ces conditions, la diminution de 142 millions d’euros de la dotation budgétaire, cette année, paraît naturelle quand on sait que 94 % des montants alloués à la mission correspondent à des aides économiques et financières versées aux anciens combattants et aux victimes de guerre.
Ce budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer est équilibré et ambitieux, pour trois raisons.
Tout d’abord, il traduit la priorité donnée au maintien des revenus des 2,4 millions de bénéficiaires, avec 912 millions d’euros de pensions militaires d’invalidité et 660 millions d’euros de pensions de retraite en faveur des anciens combattants.
Cette priorité s’accompagne de la consolidation des droits des pensionnés, selon une approche renouvelée de la reconnaissance que leur accorde la Nation.
Les pensions militaires des conjoints de grands invalides qui ont renoncé à toute activité pendant plus de quinze ans pour prodiguer des soins constants à leur conjoint invalide sont revalorisées.
En concertation avec les associations, le Gouvernement avait tenu à reconnaître l’engagement des oubliés de la guerre d’Algérie ; cette reconnaissance concerne potentiellement 50 000 militaires ayant combattu en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964. Le PLF pour 2020 prévoit la poursuite de l’attribution de la carte du combattant à ces anciens militaires, ainsi que la mise en œuvre du plan d’action en faveur des harkis et de leurs familles, via le versement d’allocations de solidarité destinées aux enfants en difficulté.
Nous saluons par ailleurs l’introduction dans le texte, par l’Assemblée nationale, de l’article 73 E, qui vient dissiper un flou créé par l’ouverture à la concurrence de la SNCF : l’avantage tarifaire dont bénéficient les anciens combattants dans les transports ferroviaires est maintenu.
Ce budget comporte par ailleurs plusieurs mesures nouvelles en matière de politique de reconnaissance et de mémoire collective : 500 000 euros sont dédiés à des actions pédagogiques dans le domaine de la mémoire, contre la haine et les préjugés ; l’indemnité de transport allouée aux jeunes convoqués pour la Journée défense et citoyenneté est revalorisée à hauteur de 1 million d’euros ; une enveloppe de 25 millions d’euros est fléchée vers la rénovation de l’Institution nationale des Invalides, dont 13 millions d’euros d’investissements pour la création d’un pôle de réhabilitation post-traumatique.
Enfin, les auteurs de ce budget pensent à l’avenir : s’y exprime la volonté de rationaliser l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, afin d’améliorer son efficacité dans l’exercice de ses missions d’assistance tout en maintenant une présence locale assurée par les offices départementaux des anciens combattants.
Madame la secrétaire d’État, ce budget est donc un budget des engagements tenus. Permettez-moi de vous en remercier. Pour cette raison, le groupe La République En Marche votera les crédits de cette mission marquée par l’équité, la reconnaissance et le profond respect envers ceux qui ont consacré leur vie à notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, comme mes collègues l’ont fait, à présenter toutes mes condoléances, et celles de mon groupe, aux familles des treize soldats décédés, et notamment à notre collègue M. Bockel, qui a perdu son fils.
S’agissant de ce budget, madame la secrétaire d’État, on prend chaque année les mêmes remarques, et on recommence. Surprise, en effet : comme les années précédentes, je dis mon regret que nous discutions de la mission « Anciens combattants » sans qu’un secrétariat d’État spécifique ait été créé.
Comme les années précédentes, je dénonce la baisse des crédits – elle est constante et s’élève cette année à 142 millions d’euros, soit 6,2 % par rapport à l’année dernière, ce qui porte la baisse totale, depuis 2012, à 660 millions d’euros. Faire des économies en spéculant sur la baisse démographique naturelle du nombre de bénéficiaires des pensions et de la retraite du combattant n’honore pas le Gouvernement.
Il faut reconnaître néanmoins un certain nombre d’avancées : je citerai la revalorisation consentie l’année dernière, l’extension de la carte « à cheval » et la mise en place d’un fonds de soutien en faveur des enfants de harkis, au début de 2019.
Cela dit, alors que nous pourrions satisfaire les droits à réparation du monde combattant depuis des années, le Gouvernement fait fondre le budget de la mission « Anciens combattants » et laisse ainsi dans la précarité des femmes et des hommes qui ont permis à la France d’être la terre de paix qu’elle est. Cet héritage qui leur est dû, nous devons le préserver, à l’heure où la haine, les extrémismes, les intégrismes et le rejet de l’autre sont toujours plus exacerbés, en France et en Europe.
Donnons enfin réparation à ceux dont nous sommes légataires. Le droit à réparation a été institué à la suite de la mobilisation générale et massive de la Première Guerre mondiale, dont la durée et le bilan effroyable ont logiquement imposé une obligation de reconnaissance envers ceux qui avaient dû répondre à l’appel de la Nation.
La réparation est donc le point central des revendications du monde des anciens combattants, et je me félicite, de ce point de vue, du vote par l’Assemblée nationale d’un amendement ayant pour objet l’octroi aux veuves d’anciens combattants, à compter de 74 ans, d’une demi-part fiscale supplémentaire, disposition que nous avons collectivement défendue ici même chaque année.
La réparation ne se cantonnant pas à cette seule disposition, je souhaite, mes chers collègues, attirer votre attention sur deux autres points.
En premier lieu, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller sur les critères d’attribution de la campagne double, cette attribution souffrant d’un terrible manque de traçabilité et de lisibilité.
Au chapitre du manque de traçabilité, je note que le décret de juillet 2010 prévoit que « [l]’exposition invoquée en faveur de ce bénéfice sera établie par les archives collectives de l’unité à laquelle les intéressés appartenaient ou étaient rattachés ». Tout le problème réside dans cette dernière phrase, puisque l’on dénombre aujourd’hui 135 unités combattantes pour lesquelles la France ne dispose plus de l’historique des opérations.
J’évoquais également un manque de lisibilité : contrairement aux anciens combattants d’Afrique du Nord, en effet, les anciens combattants d’Indochine bénéficient de la campagne double sur le seul critère de la présence sur le territoire – vous conviendrez, madame la secrétaire d’État, qu’une telle inégalité de traitement est inacceptable.
En second lieu, comment traiter de réparation sans évoquer le rapport constant ?
Avec la réforme du rapport constant, en 2005, la valeur du point de PMI a été révisée proportionnellement à l’évolution de l’indice Insee des traitements bruts de la fonction publique d’État. Pour autant – cela a déjà été dit –, le retard constaté sur son évolution par rapport à l’indice antérieur n’avait fait l’objet d’aucun rattrapage. Les blocages de salaires constatés dans la fonction publique ont eu pour effet un dérapage de l’écart, qui s’est aggravé, entre l’indice des prix à la consommation et la valeur du point de PMI.
Si l’examen du projet de loi de finances pour 2020 coïncide avec l’augmentation de 0,83 % de la valeur du point de PMI, le retard demeure de 7,13 %.
Je conclurai en citant les propos de Michel Huet, responsable de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca) dans mon département – il en est également un responsable national – : « Je crois qu’il est urgent de stopper les mesquineries à l’égard des anciens combattants et de satisfaire une fois pour toutes leur droit à réparation. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Lherbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite rendre hommage aux treize militaires décédés, morts pour défendre leur patrie. Morts d’hier, morts d’aujourd’hui, la France doit être digne de leur mémoire.
Le cimetière et la basilique de Notre-Dame-de-Lorette, situés dans le Pas-de-Calais, sont des sites de mémoire. Le président Macron, comme chaque Président de la République au cours de son mandat, s’est rendu à Ablain-Saint-Nazaire sur la tombe des 45 000 soldats morts lors de la Première Guerre mondiale. Sur l’Anneau de la mémoire sont rassemblés rien de moins que 600 000 noms de soldats tombés dans le Nord-Pas-de-Calais entre 1914 et 1918. Je suis originaire de ce village et j’ai compris très vite, enfant, combien la paix est fragile, et que rien n’est jamais acquis, qu’il ne faut rien oublier.
Les manifestations patriotiques sont une occasion de comprendre qu’un pays a une histoire et un passé rempli de sacrifices – le présent, en la matière, n’est d’ailleurs pas en reste.
Il faut combattre la guerre, mes chers amis. La mort de milliers d’êtres humains est toujours une tragédie, quelle que soit l’époque. Rechercher l’entente entre les nations doit être la priorité avant de tomber dans l’irréparable.
L’année 2018 a été une année historique d’anniversaire et de transmission. Si nous comprenons parfaitement qu’une partie des crédits affectés à la commémoration du centenaire de la Grande Guerre n’aient pas été reconduits au titre des années suivantes, nous avions déjà constaté, l’année dernière, une baisse de 2,79 millions d’euros des crédits qui n’avait rien à voir avec la fin de la commémoration du centenaire.
Pour 2020, nous constatons une nouvelle baisse, de 5 millions d’euros cette fois, des crédits relatifs à la politique de mémoire. À l’heure où l’obscurantisme fait retour, où l’antisémitisme progresse, où les fake news circulent sur les réseaux sociaux, où de nombreux jeunes se radicalisent, il me semble que le Gouvernement ne prend pas toute la mesure des enjeux auxquels est confronté notre pays.
Un sondage récent indiquait que 25 % des Français de 18 à 25 ans ne savaient pas ce qu’était l’Holocauste ! Nous ne pourrons faire face à de tels fléaux que par la transmission des valeurs républicaines et patriotiques. La politique de mémoire est donc indispensable, et je regrette sincèrement cette baisse des crédits. Investir dans le devoir de mémoire est une évidente nécessité pour former les citoyens de demain. La baisse continue des crédits affectés à cette politique démontre que la transmission des valeurs patriotiques n’est pas une priorité du moment.
J’ai malgré tout envie de croire dans le succès futur du service national universel obligatoire, pour peu que les crédits suivent. Les jeunes ont une réelle envie de recréer du lien entre eux en allant, sur le terrain, dans les territoires, à la découverte de nos institutions et de l’histoire de notre pays ; ils veulent être au cœur de la citoyenneté. Ce service national de quinze jours a du sens ; il est plébiscité par les jeunes et par leurs parents. Mais sa création s’assortit-elle des moyens nécessaires ?
L’appartenance à un pays, à une communauté nationale, n’est pas toujours une évidence. Elle doit faire l’objet d’un travail auprès des nouvelles générations.
Pour conclure, malgré ma réserve sur les crédits relatifs à la politique de mémoire, et après réflexion, je préfère voir le verre à moitié plein. Je voterai donc les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, honorer nos combattants, honorer leur engagement, honorer leur mémoire, nous le faisons lors des différentes manifestations patriotiques et remises de décorations, mais nous ne devons surtout pas oublier de le faire aussi chaque année à l’occasion de l’examen de la mission budgétaire « Anciens combattants », afin de veiller au respect du droit à la reconnaissance et à la réparation.
Madame la secrétaire d’État, les budgets relatifs aux anciens combattants se suivent et se ressemblent : ils sont en baisse régulière. La diminution pour 2020, de l’ordre de 6,2 %, est une nouvelle fois justifiée par la baisse naturelle du nombre des bénéficiaires, mais surtout par la rigueur budgétaire.
Nos anciens combattants doivent-ils subir la rigueur budgétaire, en être les otages ? Personnellement, je ne le pense pas.
Il est vrai que, une fois de plus, vous n’avez pu obtenir de Bercy le bénéfice d’un budget constant. On peut donc regretter que les marges de manœuvre dégagées cette année ne viennent pas financer des mesures de revalorisation, les principales revendications maintes fois émises, depuis plusieurs années, par le monde des anciens combattants n’étant pas prises en compte.
Dans ce contexte budgétaire, l’année 2019 a vu la mise en place d’une mesure maintes fois réclamée, elle aussi, dans cette assemblée, à savoir l’extension de la carte du combattant : 35 000 cartes devraient être attribuées en 2019. Cette réussite a été rendue possible grâce à la mobilisation des associations d’anciens combattants, de l’ONAC-VG et de son réseau de proximité. C’est l’occasion, aujourd’hui, de les remercier.
Madame la secrétaire d’État, depuis votre prise de fonction et dans le cadre de la feuille de route que vous nous aviez présentée en 2018, vous avez engagé un temps de concertation avec les grandes associations sur toutes les questions qu’elles souhaitent voir traiter ; mais elles attendent désormais des avancées significatives, car seule, à ce jour, depuis votre prise de fonction, l’extension de la carte du combattant a été prise en compte.
Concernant le budget pour 2020, vous avez tenu à maintenir l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation au profit des anciens combattants.
Vous avez tenu à prévoir plusieurs mesures au profit des personnes vulnérables : une augmentation de la pension militaire d’invalidité des conjoints survivants de grands invalides de guerre ayant passé auprès d’eux plus de dix ans de soins constants ; le maintien des crédits d’action sociale au niveau qui est le leur depuis plusieurs années, en dépit de la diminution du nombre de ressortissants ; la revalorisation de l’allocation de reconnaissance bénéficiant aux anciens harkis et la mise en place d’un fonds de solidarité au profit de leurs enfants en difficulté.
On peut toutefois regretter le prélèvement de 17,5 millions d’euros sur la trésorerie de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, prélèvement qui ne bénéficie pas au monde des anciens combattants alors même que restent en suspens des dossiers souvent évoqués lorsque nous rencontrons leurs représentants.
Ce fut le cas dernièrement lorsque les membres de l’union départementale des anciens combattants et victimes de guerre (UDAC) des Deux-Sèvres ont réuni les parlementaires du département pour faire le point sur le projet de budget pour 2020.
Ils demandent depuis longtemps que la valeur du point servant de base de calcul pour plusieurs dispositifs puisse être actualisée et redéfinie. Vous aviez d’ailleurs donné votre accord pour l’installation d’une commission tripartite chargée d’évaluer l’impact du protocole relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations. Pouvez-vous nous confirmer qu’une telle commission sera bien mise en place en 2020 ?
Ils demandent également que le bénéfice de la campagne double soit attribué en fonction du temps passé sur un territoire de guerre, et non plus en fonction des actes de feu.
Ils demandent que soit accordé le bénéfice de la demi-part fiscale supplémentaire aux veuves dont le mari est décédé avant 74 ans.
Ils demandent la revalorisation de la retraite du combattant – la dernière augmentation date du 1er septembre 2017.
Ils demandent enfin le maintien des offices départementaux en tant qu’échelon de proximité. Ils craignent en effet que la réorganisation des services de l’État ne fasse évoluer également l’organisation des offices sur notre territoire. En la matière, la nouvelle directrice de l’ONAC-VG nous a rassurés lors de son audition, mais nous resterons vigilants.
Je sais, madame la secrétaire d’État, que ces demandes ne pourront pas toutes être prises en considération dans les prochaines années. Je formule le souhait que le budget pour 2021 puisse au moins prendre en compte l’une ou l’autre des revendications que je viens d’évoquer.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, vous le savez, le monde des anciens combattants ne demande pas de récompense ; il demande seulement un droit à la reconnaissance et une réparation qui s’impose. Nous comptons sur vous pour ne pas le décevoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce jour de présentation devant vous du budget relatif au monde combattant et au lien entre l’armée et la Nation est un jour particulier – vous l’avez tous noté. Il suit une journée très difficile pour notre ministère des armées, mais aussi pour la France, avec la disparition tragique, au Mali, au cours de combats contre des terroristes, de treize soldats français.
Je veux à mon tour, devant vous, rendre hommage à ces combattants, à ces héros morts pour la France, à leur engagement sans faille pour protéger notre pays. Je veux avoir une pensée émue pour toutes leurs familles, qui sont si éprouvées, et une pensée particulière, ici, au Sénat, pour Jean-Marie Bockel, votre collègue et ami, mais aussi un de mes prédécesseurs en charge du monde combattant ; je veux lui dire toute mon affection et tout mon soutien.
Je veux dire aussi notre solidarité avec tous nos soldats, toutes ces femmes et tous ces hommes qui assurent notre sécurité et notre liberté. Le monument aux morts pour la France en opérations extérieures inauguré le 11 novembre dernier par le Président de la République permettra de rappeler à tous les Français l’intensité permanente de cet engagement, et aux familles de savoir la reconnaissance de la Nation et de se recueillir ; il nous permettra à tous d’honorer nos héros.
Les symboles et les monuments de notre mémoire nationale sont malmenés depuis quelques mois ; ils l’ont été récemment encore, place d’Italie, ici, à Paris. Outre mon indignation, je veux redire que le lien entre l’armée et la Nation est un guide essentiel pour notre communauté nationale et pour sa cohésion ; que ce lien est indissociable de la reconnaissance et du respect de tous envers nos anciens combattants et nos combattants d’aujourd’hui ; qu’il doit être entretenu par un travail de mémoire actif et qu’il doit être développé auprès de la jeunesse de France.
C’est l’ambition que je porte avec le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.
Ce budget pour 2020 est à la fois un budget de continuité, de pérennisation et d’évolution.
Continuité, car tous les droits des anciens combattants sont préservés. Tous !
Pérennisation, avec la traduction budgétaire de la montée en puissance de l’attribution de la carte du combattant « 62-64 » : 35 000 cartes auront été attribuées à la fin de l’année, sur les 50 000 qui, à terme, sont prévues. De ce point de vue, je veux à mon tour saluer le travail de l’ONAC-VG, qui a su anticiper pour mettre en œuvre très efficacement cette mesure dès le 1er janvier de cette année, avec l’appui des associations.
Pérennisation et évolution, afin de toujours mieux prendre soin des personnes les plus vulnérables – j’ai fait de ce sujet un axe majeur des politiques que je souhaite mener auprès du monde combattant. Nous maintenons à 26 millions d’euros la dotation d’action sociale de l’ONAC-VG malgré la diminution du nombre de ses ressortissants. Nous majorons les pensions militaires d’invalidité versées aux conjoints survivants d’un grand invalide de guerre présents à leur côté pendant de nombreuses années – j’en profite pour dire combien ces aidants sont remarquables.
Pérennisation des missions de l’Office national des anciens combattants, opérateur essentiel pour le monde combattant, et pérennisation de son ancrage départemental. Oui, l’ONAC-VG va évoluer par ses modes opératoires et va s’adapter à l’évolution du monde combattant pour mieux servir.
Vous avez tous noté la baisse de 12 millions d’euros. En réalité, nous ne demandons que 2,5 millions d’euros d’économies à la structure, puisque 10 millions d’euros sont prélevés, de manière exceptionnelle, cette année sur la trésorerie de l’établissement. Il s’agit d’une mesure de saine gestion dans les budgets et pour l’Office national des anciens combattants. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ces 2,5 millions d’euros d’économies se traduiront par une organisation territoriale qui s’adaptera à l’évolution du monde combattant. Ces mesures ont été votées à l’unanimité par le conseil d’administration de l’Office national des anciens combattants. Vous pouvez être assurés de notre volonté de maintenir le maillage territorial de l’ONAC-VG et de la volonté du Président de la République, conformément à ce qu’il a affirmé aux associations le 11 novembre dernier.
Pérennisation de notre engagement fort auprès de l’Institution nationale des invalides (INI), en fonctionnement, bien sûr, mais aussi en investissement : 13,5 millions d’euros seront consacrés en 2020 à de lourds travaux d’infrastructure qui démarreront en janvier prochain. Nous voulons accompagner cet établissement dans son évolution vers un grand pôle de réhabilitation physique et psychique pour nos blessés. À cet égard, je viens de signer une convention de partenariat entre le service de santé des armées et l’INI, convention qui vise à créer ce grand pôle de réhabilitation post-traumatique de défense. C’est une avancée concrète pour la prise en charge des blessés et des anciens combattants.
Le budget « mémoire » est consolidé : 11 millions d’euros de dotations budgétaires, auxquelles s’ajoute un prélèvement à hauteur de 4 millions sur la trésorerie de l’ONAC, toujours de manière exceptionnelle. L’effort sera fait sur l’entretien et la réhabilitation des hauts lieux de mémoire et des sépultures, sur la préparation des thématiques mémorielles de 2020, qui sera l’année du général de Gaulle, et sur la préparation de toutes les actions que nous menons envers la jeunesse, notamment les actions pédagogiques.
Ce budget prévoit une augmentation de 500 000 euros en faveur des actions pédagogiques pour la jeunesse. Je propose de les consacrer à la lutte contre la haine et les préjugés en cette année 2020 où nous célébrerons le soixante-quinzième anniversaire de la libération des camps de concentration.
Enfin, un effort est fait sur les crédits consacrés au lien entre les armées et la jeunesse. Le service militaire volontaire est pérennisé dans son fonctionnement dans la loi de programmation militaire. Pour le budget de la Journée défense et citoyenneté, il vous est proposé d’augmenter l’indemnité de transport des jeunes, comme vous l’avez souligné. Je précise que 98 % de la jeunesse participe à cette journée. Il n’y a donc pas d’absentéisme. Nous enregistrons plutôt une forte présence des jeunes. La Journée défense et citoyenneté sera bien sûr progressivement remplacée par la montée en puissance du service national universel.
En conclusion, c’est un budget global de 2,16 milliards d’euros, en diminution comme chaque année en raison de la baisse régulière du nombre de bénéficiaires. Cette année, la baisse des crédits sera de 130 millions d’euros, les baisses moyennes se situant aux alentours de 100 millions ou de 110 millions d’euros. Pour mémoire, nous avons eu 218 millions d’euros de moins en 2009, 149 millions de moins en 2015 et 129 millions de moins en 2016. La baisse que nous enregistrons cette année n’a donc rien de singulier.
Ce budget respecte tous les engagements pris au fil des législatures en termes de reconnaissance et de réparation. C’est un budget qui prend soin des plus fragiles et qui continue à tisser le lien indispensable entre l’armée et la Nation.
C’est un budget réaliste, sincère, volontariste. Il met en œuvre des mesures qui étaient très attendues depuis de nombreuses années. Je pense à la mesure « 62-64 » : c’est un engagement qui a été honoré. Je continuerai, bien sûr, à travailler avec les associations, en suivant la méthode que je leur avais proposée lorsque j’ai pris mes fonctions. Je m’appuierai en particulier sur des groupes de travail qui nous permettent d’avancer ensemble toujours plus, pour reconnaître ce monde combattant, pour l’accompagner et surtout pour lui dire au quotidien le respect que nous lui portons, ainsi qu’aux familles, aux veuves et aux enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et UC.)