M. Guy-Dominique Kennel. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.
Mme Laurence Rossignol. Je suis toujours étonnée de constater à quel point l’association des mots « droits » et « enfants » provoque des inquiétudes, des crispations et à quel point l’idée que les enfants aient des droits bouscule les certitudes des adultes, l’organisation sociale et la représentation que chacun se fait de sa place dans l’organisation de la société.
Je rappelle que les droits de l’enfant passent d’abord par la satisfaction de ses besoins fondamentaux, qu’ils soient affectifs, physiques, cognitifs ou éducatifs.
C’est aussi la question du respect de l’enfant. Nous n’avons pas seulement besoin de lois pour protéger les enfants, nous avons besoin de politiques globales pour que les enfants grandissent, s’épanouissent et deviennent des adultes citoyens et responsables.
Je connais ces crispations, car je les observe depuis plusieurs années dans cet hémicycle.
Je n’ai pas oublié que, lorsque nous avons envisagé pour la première fois une mesure abolissant les châtiments corporels sur les enfants, en 2016, le Sénat a saisi le Conseil constitutionnel pour la faire annuler.
Je n’oublie pas non plus que la majorité des amendements que nous proposons, qui portent sur la parole de l’enfant, le droit de l’enfant à être entendu pour les décisions le concernant, le droit de l’enfant à participer à son orientation scolaire et, finalement, le droit de l’enfant à choisir ce qu’il peut choisir en fonction de sa maturité ne sont jamais très bien acceptés dans cet hémicycle.
Même si nous ne sommes pas d’accord avec ces arguments et que nous ne plierons pas pour autant, nous pouvons comprendre que l’on s’oppose à ce texte pour une question de moyens : la création de cette nouvelle délégation exigerait trop de temps, trop de fonctionnaires… En revanche, les autres arguments qui ont été avancés ne me semblent pas recevables. Quand on explique que les droits de l’enfant sont déjà traités par la commission des affaires sociales, la commission de la culture et de l’éducation ou la commission des affaires étrangères, c’est contre-productif, car cela met justement en lumière le découpage des politiques en faveur de l’enfance.
Nous avons besoin d’une approche globale. Sur ce point, le Sénat n’est pas beaucoup plus responsable que les gouvernements successifs, qui ne comprennent même pas systématiquement un ministère chargé de l’enfance. En refusant aujourd’hui la création de cette délégation, vous confirmez, mes chers collègues, la précarité de la politique globale de l’enfance. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Je vous rassure, madame la rapporteure, je n’ai pas d’hallucinations, mais je ne savais pas qu’allaiter protégeait les enfants des souffrances et des maltraitances, comme vous l’écrivez à la page 7 de votre rapport !
Je savais bien, à l’issue des travaux de la commission, que notre proposition de loi ne serait pas adoptée aujourd’hui, en particulier à la demande de la majorité sénatoriale. Pourtant, beaucoup d’arguments qui ont été avancés ne sont pas recevables – cela a d’ailleurs été démontré par plusieurs orateurs lors de la discussion générale.
Pourquoi croyez-vous, mes chers collègues, que l’ONU somme notre pays d’améliorer la manière dont il met en œuvre la convention internationale des droits de l’enfant ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Pourquoi, monsieur Bonhomme ?
M. Jean-Raymond Hugonet. Pourquoi lui ? (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Parce que la France ne fait pas assez d’efforts pour comprendre, prévenir et combattre les injustices et les violences que subissent les enfants.
Est-il vraiment nécessaire de rappeler que tous les cinq jours, dans notre pays, un enfant meurt des suites de violences qui sont le plus souvent commises au sein de la famille ? Cet après-midi même, alors que nous débattons, au moins deux enfants subissent un viol. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Cela ne vous interpelle-t-il pas un peu ?
M. François Bonhomme. Ce n’est pas la question !
Mme Éliane Assassi. Si, c’est la question !
M. Jean-Raymond Hugonet. Mais on est où là ?
Mme Éliane Assassi. Car quand et où parle-t-on de ces sujets au Sénat ou à l’Assemblée nationale ?
Créer une délégation aux droits des enfants enverrait évidemment un message fort. Le législateur accompagnerait ainsi les préconisations du Défenseur des droits et des associations qui ont interpellé ce matin même le Président de la République sur la nécessité de mettre en œuvre des solutions concrètes pour mieux appliquer la CIDE dans notre pays. Ni les associations ni le Défenseur des droits ne sont des législateurs – nous le sommes !
De quoi avez-vous donc peur, mes chers collègues ? Que le groupe communiste demande la présidence de cette délégation ? Nous vous la laissons ! Que cette instance coûte cher au Sénat ? Personne n’y croit ! Qu’elle désorganise l’agenda du Sénat ? Franchement, si c’est ce que vous croyez, je vous invite à supprimer toutes les délégations qui existent aujourd’hui !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Exactement !
M. François Bonhomme. Tout dans la nuance !
Mme Éliane Assassi. Au fond, rejeter cette proposition de loi n’est rien d’autre qu’un choix politique. Nous en prenons acte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Je voudrais répondre aux arguments qui ont été avancés pour justifier la création d’une délégation aux droits des enfants.
Tout d’abord, même si, à entendre certains, on pourrait presque croire le contraire, il est évident que personne ne conteste le fait que la question des enfants est primordiale.
Ensuite, je ne crois pas que certains d’entre nous seraient crispés et obtus, tandis que d’autres seraient détendus et perspicaces. Je crois simplement que la multiplication des instances en tout genre – comités, organismes, hauts conseils, offices… – n’est pas en soi le gage d’une amélioration de la manière dont nous traitons les sujets. Cela rend simplement les choses indigestes comme un plat de lasagnes ! Ce n’est pas une délégation supplémentaire qui arrangera les choses dans ce domaine.
Il nous faut revenir aux fondamentaux. Nous nous interrogeons souvent pour savoir comment améliorer le travail parlementaire. Roger Karoutchi et Alain Richard, qui se sont penchés sur cette question, ont fait preuve de discernement et de rationalité pour nous éviter, je les cite, la polysynodie – j’ai appris à cette occasion que cette expression faisait référence à un système de gouvernement par conseil instauré en France du temps de la Régence. La conclusion des travaux de nos collègues était que nous ne devions pas multiplier les organismes ni externaliser le travail parlementaire, au risque de nuire à son efficacité.
Finalement, les débats du type de celui que nous avons aujourd’hui ne servent qu’à multiplier les propos généraux, les considérations globales, les grandes déclarations et les hyperboles. Ils ont un effet inverse à celui qui est affiché, en jetant une sorte de voile sur la véritable question, si bien que ceux qui nous regardent pourraient considérer que créer une structure nouvelle apporte réellement une solution.
Je crois justement que nous devons nous méfier des symboles. Il me semble que c’est Mme Assassi qui disait que la création de cette délégation marquerait symboliquement les trente ans de la convention internationale des droits de l’enfant. Il est certain que nous devons fêter cet anniversaire, mais devrons-nous créer une autre délégation pour ses quarante ans, puis pour ses cinquante ans ? (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Ce n’est pas cela qui va changer les choses. Le 20 novembre est la Journée de l’enfant ; devons-nous aussi créer une semaine ou un mois de l’enfant ?
Mme Laurence Cohen. C’est une caricature !
M. François Bonhomme. Il faut savoir s’arrêter et se concentrer sur l’essentiel de nos missions : approfondir les voies et moyens pour améliorer les droits des enfants. C’est cette question que nous devons traiter, car elle est tout à fait légitime.
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je suis également convaincue que nous devons rationaliser le travail parlementaire et diminuer le nombre de délégations, mais je suis vraiment choquée que l’on puisse faire un parallèle entre les droits des enfants et les sujets traités par les délégations existantes. Si l’on n’est pas favorable à la mise en place de délégations, alors il faut examiner et évaluer leur travail et voir si elles peuvent être regroupées ou absorbées par une commission.
La problématique des enfants et de leur intérêt supérieur est extrêmement importante – je dirais même qu’elle nous dépasse ! Les enfants sont l’avenir, et nous devons dès aujourd’hui préparer cet avenir. Les femmes, dont il a beaucoup été question, forment 50 % de l’humanité, les enfants 100 % !
L’honneur du Sénat est donc de voter en faveur de la création de cette délégation. Je trouve qu’il est très grave, sur un sujet aussi essentiel, de se gargariser de belles paroles, de lire de beaux discours tout préparés, de faire des effets de manche !
Je le redis, il serait vraiment à l’honneur du Sénat de voter cette proposition de loi. Elle nous est demandée, elle n’a pas beaucoup de conséquences en termes de coût ou de temps, mais elle porte sur quelque chose de fondamental. Je suis extrêmement triste d’entendre des collègues dire qu’ils se moquent que ce soient le Défenseur des droits et les Nations unies qui nous demandent ce geste.
Ce soir, j’ai presque honte d’être sénateur ! (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains. – Mmes Laurence Cohen et Christine Prunaud applaudissent.)
Mme Laurence Rossignol. Venez siéger avec nous !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je suis embarrassé de vous dire qu’en matière de protection de l’enfance je ne me sens pas moins légitime que d’autres, puisque je suis l’auteur de la loi de 2007. Cette loi, votée à l’unanimité, vise justement à lutter contre la maltraitance et à la prévenir pour faire en sorte que nous n’ayons plus tous ces enfants qui souffrent en secret et en silence pendant des années avant d’être pris en charge et protégés.
Fort de cette expérience, je peux vous dire, chère Joëlle Garriaud-Maylam, que l’honneur du Sénat n’est pas d’avoir le fétichisme des structures, c’est de faire en sorte que les enfants soient protégés.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bien sûr !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le lien automatique que vous semblez faire entre une délégation sénatoriale aux droits de l’enfant et l’amélioration de la protection de l’enfance n’existe pas. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Bravo !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ce n’est pas cela !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il existe d’autant moins que notre charge de travail actuelle et l’ordre du jour du Parlement montrent à quel point l’organisation entre les commissions permanentes, les délégations et les autres instances du Sénat ne laisse guère de temps pour multiplier délégations et instances – vous êtes sénatrice, ma chère collègue, vous le savez fort bien.
Nous devons éviter les structures qui travaillent en apesanteur, en roue libre et où l’on cause à n’en plus finir sans agir. N’oubliez pas que ces délégations n’ont pas de rôle législatif – seules les commissions permanentes en ont un.
Si vous étiez capable de nous démontrer que le Sénat n’a pas à cœur la protection de l’enfance,…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas seulement une question de protection, c’est une question de droits !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … ne défend pas les droits de l’enfant et n’a jamais pris la moindre initiative dans ce domaine et si nous étions convaincus par cette démonstration, alors peut-être pourrions-nous nous dire qu’il faut organiser les choses autrement. Cela ne serait d’ailleurs pas une raison suffisante pour créer une énième délégation qui n’aurait ni substance ni moyens de travailler.
Mes chers collègues, arrêtons d’utiliser des mots grandiloquents. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui défendent sincèrement les enfants quand ils sont menacés et, de l’autre, ceux qui ne le font pas. Nous pouvons être pleinement engagés en faveur des droits de l’enfant – c’est mon cas – et trouver dans le même temps que la création de cette délégation serait inopérante. À mon avis, une telle délégation n’apporterait rien, et nous avons déjà passé beaucoup trop de temps sur cette question. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, sur l’article.
M. Jean-Raymond Hugonet. Je remercie le président Philippe Bas de ses paroles sereines et équilibrées. Chacun connaît la qualité des débats qui ont lieu dans cet hémicycle, mais, à entendre certains propos, on pourrait croire qu’il existe un camp contre un autre.
Mme Éliane Assassi. C’est le cas !
M. Jean-Raymond Hugonet. Non, ce n’est pas le cas !
La question des droits de l’enfant est évidemment importante, et je n’autorise personne à dire que nous ne les respecterions pas. Dans cet hémicycle, tout le monde les respecte et il nous faut finalement trouver les meilleurs moyens de les faire appliquer effectivement – les démonstrations du président de la commission des lois et de la rapporteure, Muriel Jourda, étaient très claires sur ce point. Nous sommes ici pour écrire la loi et être efficaces ; une délégation supplémentaire ne va rien changer de ce point de vue.
Permettez-moi de dire une dernière chose. Je ne voudrais pas non plus que, dans cet hémicycle, nous passions notre temps à montrer notre pays du doigt – j’entends cela trop souvent. Les organisations internationales sont parfaitement louables, mais elles n’ont pas de leçon à donner à un pays comme la France ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, sur l’article.
Mme Christine Prunaud. Mon cher collègue, sur toutes nos travées, nous sommes persuadés de l’importance de la défense des droits des enfants.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci, madame !
Mme Christine Prunaud. Pour autant, il est intéressant de faire le parallèle entre notre débat et la création, il y a vingt ans, de la délégation aux droits des femmes.
Rappelons-nous que la création de cette délégation a été une chose difficile à obtenir et que les arguments de l’époque étaient les mêmes que ceux utilisés aujourd’hui par certains d’entre vous : à quoi va-t-elle bien servir, puisque les autres instances travaillent déjà sur ces questions ? Or chacun sait que la délégation aux droits des femmes est très utile, elle est un lieu de réflexion et de contrôle. Grâce à elle et à votre concours à tous, nous avons fait avancer les droits des femmes.
J’ai toujours beaucoup d’espoir, et je crois que nous pouvons nous rejoindre. D’ailleurs, des sénateurs appartenant à des sensibilités politiques différentes se sont déjà exprimés en faveur de la création d’une délégation aux droits des enfants, à laquelle je suis également favorable.
Au sein de la délégation aux droits des femmes, nous avons travaillé de manière transversale sur des sujets divers : les mariages forcés, l’excision, les violences… La future délégation aura le même rôle de réflexion sur la question des droits fondamentaux des enfants.
Chacun reconnaît qu’il faut être plus incisif sur cette question. Nous pensons que le meilleur moyen pour cela est de créer cette délégation. Madame la rapporteure, vous avez dit que nous y travaillions déjà ; je crois que nous pourrions le faire davantage grâce à cette délégation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je ne crois pas que certains de nos collègues se désintéressent de la problématique des droits des enfants.
M. Stéphane Piednoir. Heureux de l’entendre !
Mme Laurence Cohen. Nous devons simplement réfléchir ensemble sur la meilleure façon de faire avancer cette cause.
Je trouve très bonne l’idée de notre collègue Roger Karoutchi d’inciter le Gouvernement à se saisir de cette question et à déposer un projet de loi. Je la soutiens à 200 % ! Pour autant, cela ne doit pas nous interdire de réfléchir de notre côté à la manière d’améliorer notre propre façon d’intervenir, d’autant que chacun peut constater des défauts importants en la matière.
J’ai entendu plusieurs collègues parler de protection ou de vulnérabilité des enfants. C’est évidemment un sujet, mais ce n’est pas le seul. Les droits des enfants vont bien au-delà de la seule question de leur protection. La convention internationale des droits de l’enfant met d’ailleurs l’accent sur la question des droits fondamentaux des enfants. Je ne sais pas si nous devons recevoir des leçons de tel ou tel organisme, mais, en tout cas, nous devons nous inspirer des expériences internationales pour faire progresser les droits, que ce soit ceux des enfants ou ceux des femmes.
Par ailleurs, j’ai entendu des arguments qui ne me convainquent pas sur les prétendus coûts, pesanteurs ou dépenses d’énergie qu’entraînerait une telle délégation. Je trouve que ces arguments sont bien petits par rapport à notre rôle de législateur. Surtout, si on va par là, il faut aller jusqu’au bout et reconnaître que certaines missions d’information n’ont pas beaucoup d’intérêt, alors même qu’elles mobilisent des moyens et de l’énergie.
Mme Éliane Assassi. Et que dire des groupes d’amitié !
Mme Laurence Cohen. C’est donc vraiment un faux argument.
Si le Sénat ne crée pas une délégation aux droits des enfants, il loupera clairement une occasion d’avancer. Je suis persuadée qu’il y a une spécificité que nous n’abordons pas aujourd’hui en tant que législateur, ce qui est tout à fait dommage.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l’article.
M. Jacques Bigot. Je n’avais pas l’intention de prendre de nouveau la parole, puisque je me suis exprimé lors de la discussion générale pendant dix minutes au nom de mon groupe. C’est l’intervention du président de la commission des lois qui me conduit à réagir. Cette intervention nous a montré combien il était difficile pour quelqu’un qui est l’auteur, en tant que ministre, de la loi de 2007, loi qui est globalement saluée, d’arriver à justifier un avis défavorable à la création d’une délégation parlementaire aux droits des enfants.
La question que nous devons aborder quand nous parlons des droits des enfants, c’est celle de leur mise en œuvre, et nous ne devons pas réfléchir uniquement en termes de protection. En effet, selon la convention internationale des droits de l’enfant, que nous avons ratifiée en 1990, l’enfant est titulaire de droits.
Une délégation parlementaire permettrait de nous faire réfléchir sur toute une série de domaines liés aux droits des enfants. Je pense, par exemple, à l’autorité parentale : les parents organisent les choses au nom du droit à l’enfant et certains disent que la bonne solution est la résidence alternée, mais diverses questions se posent. Comment s’organiser concrètement ? Comment la justice doit-elle auditionner les enfants sur ce type de question ? Comment l’enfant peut-il faire valoir ses droits et être représenté en justice ? Est-il vraiment facile pour un adolescent de 14 ans de changer de lieu de vie tous les huit jours ? Certes, nous le vivons un peu en tant que sénateurs, mais, pour nous, c’est un choix…
Je pense aussi à l’instruction, puisque le Comité des Nations unies estime que nous ne sommes pas complètement au point.
Je pense enfin à la loi Blanquer, qui a prévu la formation des enfants au droit et à leurs droits – c’est d’ailleurs un point utile en termes de citoyenneté.
Une délégation aux droits des enfants pourrait aborder ces sujets différemment et dans de meilleures conditions que les commissions permanentes, qui font plutôt un travail légistique.
Mon cher collègue Hugonet, notre travail n’est pas seulement de faire la loi, nous devons aussi contrôler l’action du Gouvernement et le fonctionnement de la République. Or celle-ci a l’obligation, depuis trente ans, de respecter les droits des enfants !
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, sur l’article.
Mme Marie Mercier. C’est justement parce que Philippe Bas était ministre chargé de la famille en 2007 qu’il est sensible à la question des droits des enfants. Il m’a d’ailleurs confié il y a deux ans la responsabilité de travailler sur la question des violences sexuelles sur mineurs ; pendant six mois, nous avons organisé cent cinquante auditions et nous avons conclu que, si des dispositions législatives existaient bien, elles n’étaient pas toujours bien connues et appliquées.
J’ai également été rapporteur de la loi Schiappa ; nous avons ainsi modifié la définition du viol, ce qui est un apport important de ce texte.
Je me suis alors demandé, en l’absence d’une délégation parlementaire ad hoc, que faire de plus et comment faire connaître tous ces travaux à l’extérieur du Sénat. Je me suis donc rendue dans les dix-sept intercommunalités de mon département pour relater nos travaux et expliquer que les violences sexuelles peuvent se produire dans tous les milieux et à tout moment et que l’important est donc d’y être sensibilisé pour pouvoir alerter les personnes compétentes à temps.
C’est notre rôle de porter cette parole dans les territoires, notamment lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi grave et difficile. Expliquer ce qui peut se passer à l’intérieur des familles n’est pas toujours agréable, mais il faut le faire. J’ai par exemple participé à une table ronde il y a trois semaines à Chalon-sur-Saône avec plus de cent professionnels et représentants d’associations. Notre rôle est donc aussi d’expliquer sur le terrain qu’il faut prévenir les violences. Cette prévention est essentielle, car, quand on légifère, il est malheureusement trop tard. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Il n’y a pas, dans cet hémicycle, ceux qui aiment les enfants et ceux qui ne les aiment pas, ceux qui s’intéressent à leur sort et ceux qui les négligent.
M. Guy-Dominique Kennel. À vous écouter, si !
Mme Laurence Rossignol. Néanmoins, le vote qui va avoir lieu dans quelques instants révélera que nous n’avons pas la même approche de cette question.
Ceux qui vont repousser cette proposition de loi ont une approche des droits de l’enfant qui est limitée à l’aspect de protection. Or, dans la convention internationale des droits de l’enfant, comme dans l’esprit de Janusz Korczak, il y a des droits, et pas uniquement la protection. Vous connaissez peut-être Janusz Korczak : médecin pédiatre, il dirigeait un orphelinat à Varsovie et, pendant la Seconde Guerre mondiale, il a protégé les enfants du ghetto et les a accompagnés jusqu’à la chambre à gaz ; on peut dire que c’est l’un des pères fondateurs des droits de l’enfant.
Parmi les droits de l’enfant, on peut en fait distinguer la protection, les prestations et les libertés. Vous soutenez les droits liés à la protection et vous n’adhérez pas aux droits liés aux libertés.
M. Guy-Dominique Kennel. C’est n’importe quoi !
Mme Laurence Rossignol. Si vous adhériez à cette approche globale des droits de l’enfant – protection, prestations et libertés –, vous voteriez la proposition de loi et feriez en sorte que les choses se passent bien ensuite en termes d’organisation.
Par ailleurs, le Sénat a mis en place une délégation aux entreprises ; il peut bien le faire pour les droits de l’enfant !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Exactement !
Mme Laurence Rossignol. J’ai écouté les propos de Marie Mercier sur la manière dont elle essaye de promouvoir dans son département ce que fait le Sénat, mais, personnellement, j’aurai bien du mal à expliquer à l’extérieur de notre assemblée que nous avons une délégation aux entreprises et que nous refusons de créer une délégation aux droits de l’enfant ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)
Enfin, je voudrais revenir sur quelque chose qui a été dit à plusieurs reprises. Oui, la délégation aux droits des femmes s’occupe de sujets qui pourraient relever de celle aux droits de l’enfant, mais nous le faisons justement, parce que celle-ci n’existe pas et que, si nous ne le faisons pas, personne ne le fera ! Pour autant, il serait quand même beaucoup plus sain pour le fonctionnement de cette assemblée que les femmes ne soient pas obligées de s’occuper des questions sur les enfants ! (Mme Éliane Assassi marque son approbation.) Ne nous renvoyez pas encore et encore à cette répartition des tâches que vous semblez continuer d’admettre !
Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Laurence Rossignol. Si vous estimez que nous devons continuer, c’est que vous nous faites confiance. Si c’est le cas, faites-nous confiance pour toutes les propositions que la délégation aux droits des femmes formulera à l’avenir ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi.
Je vous rappelle que le vote sur l’article unique vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 39 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 90 |
Contre | 249 |
Le Sénat n’a pas adopté.