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Code de l’urbanisme de Saint-Martin
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2019-235 du 27 mars 2019 relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l’urbanisme de Saint-Martin (projet n° 594 [2018-2019], texte de la commission n° 95, rapport n° 94).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, je porte depuis plusieurs mois une ambition pour nos territoires ultramarins, que j’ai appelée la « trajectoire 5.0 ».
Parmi les cinq objectifs fixés, le « zéro vulnérabilité au dérèglement climatique » répond aux enjeux de nos territoires soumis à des risques majeurs, parmi lesquels vient immédiatement et évidemment à l’esprit le cas de la collectivité de Saint-Martin, qui a eu à faire face il y a plus de deux ans maintenant à l’ouragan Irma et à ses conséquences dévastatrices.
J’étais présente dès les premiers jours pour constater les dégâts causés par Irma – vous le savez. Et je veux réaffirmer ici que la République a été à la hauteur dans sa gestion de la crise provoquée par un ouragan d’une violence que nous n’avions jamais connue dans nos territoires.
Nous avons pu constater l’ampleur des dégâts sur les constructions qui étaient manifestement trop exposées et insuffisamment résistantes.
La collectivité de Saint-Martin relève de l’article 74 de la Constitution. La loi organique qui la régit consacre le principe d’autonomie dans l’exercice de ses compétences. À ce titre, cette collectivité définit ses propres règles en matière d’urbanisme, d’habitat, de logement et de construction. Mais l’État reste compétent pour fixer les dispositions de droit pénal et de procédure pénale applicables sur l’île.
Le projet de loi qui est examiné aujourd’hui permet la ratification de l’ordonnance relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l’urbanisme de Saint-Martin présentée le 27 mars 2019 en conseil des ministres et ayant reçu un avis favorable de la collectivité le 18 février 2019.
L’ordonnance complète le code de l’urbanisme de Saint-Martin en consacrant les sanctions applicables en cas d’infraction. Elle encadre également les modalités de constatation des infractions et d’interruption des travaux et prévoit des obligations de remise en état dans certaines circonstances. Elle reprend en grande partie les dispositions du code de l’urbanisme qui s’applique à l’échelon national pour les décliner dans le code de l’urbanisme local.
Au-delà de la consolidation juridique du droit applicable à Saint-Martin, l’ordonnance revêt un enjeu particulièrement fort pour ce territoire : il s’agit de contribuer à l’effectivité réelle des règles d’urbanisme édictées par la collectivité. Ces règles communes sont encore trop souvent considérées, par certains de nos concitoyens, comme une base de discussion, voire de négociation, alors qu’elles fixent un cadre qui doit s’imposer à tous, notamment dans un souci de protection des biens et des personnes.
Cela m’amène à vous dire quelques mots sur le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN). Comme vous le savez, la préfète déléguée a pris, le 6 août dernier, un arrêté portant application par anticipation de la révision du PPRN.
Un travail de concertation a été mené pendant le printemps et l’été. Sans doute aurait-il fallu associer davantage et plus en amont les parlementaires – je l’ai déjà dit, d’ailleurs, aux élus du territoire –, mais nous le ferons beaucoup plus régulièrement à l’avenir, et ce texte y contribue.
Je tiens également à rappeler que l’approbation du PPRN par anticipation ne préjuge pas du projet définitif. Celui-ci prendra en compte les conclusions de l’enquête publique qui a été lancée au début du mois d’octobre et qui vient de se terminer. Dans ce cadre, la collectivité territoriale a formulé un certain nombre de recommandations. Elles seront examinées avec beaucoup d’attention ; j’en ai pris l’engagement.
J’ai demandé expressément à Mme la préfète que chacun à Saint-Martin puisse s’exprimer dans le cadre de ce travail. Vous le savez, à Saint-Martin, les habitants parlent souvent plusieurs langues, et certains n’en parlent qu’une seule, qui n’est pas obligatoirement le français. J’ai donc réclamé la présence d’un traducteur en anglais et d’un autre en espagnol aux côtés des commissaires enquêteurs, ainsi que la possibilité de délocaliser les bureaux dans les différents quartiers – ces deux requêtes ont été satisfaites. Mon objectif était que l’ensemble de la population puisse s’exprimer.
Je comprends évidemment que les populations et les acteurs économiques puissent se montrer très inquiets lorsqu’on leur montre un plan de zonage sur une carte – j’ai moi-même déjà vécu, d’ailleurs, une telle situation dans ma collectivité. Il est problématique de délivrer ce type de cartes sans explication suffisante et sans précision quant aux conséquences réelles des différentes zones envisagées ; nous avons, à cet égard, un rôle à jouer. Il faut accompagner les populations et les acteurs économiques.
Soyez assurés que ma priorité et celle du Gouvernement sont la sécurité et la protection de toutes les populations sans distinction.
Nous passons progressivement, à Saint-Martin, de l’étape de la reconstruction à une étape de consolidation du développement économique et social. Il est temps d’ouvrir la réflexion, notamment sur le tourisme et sur les adaptations nécessaires en matière d’aménagement du territoire, sans oublier néanmoins la trajectoire du « zéro vulnérabilité ».
Je remercie Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois, pour la qualité de ses travaux et pour sa justesse d’appréciation quant aux enjeux de cette ordonnance. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous des dehors techniques, la présente ordonnance soulève en réalité, comme vous venez de l’indiquer, madame la ministre, d’importantes questions politiques et de sécurité publique.
En effet, la collectivité de Saint-Martin se caractérise par l’importance de l’habitat diffus et informel. Et les infractions aux règles de l’urbanisme y demeurent fréquentes et nombreuses, en dépit des efforts des services de l’État et des autorités locales. À cet égard, je tiens à remercier d’emblée vos services, qui nous ont aidés pour la rédaction du rapport, ainsi que la préfecture de Saint-Martin. Je salue aussi tout particulièrement notre collègue Guillaume Arnell, qui a bien voulu nous expliquer beaucoup de choses en sa qualité de sénateur de ce territoire, ainsi que notre ami l’ancien ministre Victorin Lurel, qui a donné des conseils précieux.
Les infractions à la réglementation sont d’autant plus préoccupantes que l’île de Saint-Martin se situe dans l’arc antillais, qui est frappé chaque année par des épisodes cycloniques ; et chacun garde en mémoire l’ouragan Irma, dont les conséquences ont été très lourdes.
Dans ces conditions, il apparaît évident à tout le monde, me semble-t-il, qu’il faut des règles d’urbanisme extrêmement précises, pour ce qui concerne notamment la construction ou la reconstruction des édifices ; et il faut aussi se donner les moyens d’appliquer ces règles. C’est une question de sécurité publique.
Le présent texte a été adopté à l’unanimité par la commission des lois. Personne n’a déposé un seul amendement. Je n’irai pas jusqu’à dire que le projet de loi atteint la perfection, mais nous nous retrouvons visiblement tous sur la nécessité que les règles soient bien définies et bien appliquées.
À cet égard, madame la ministre, vous avez choisi la formule la plus simple et la plus justifiée, consistant à aligner les dispositions pénales qui seront en vigueur à Saint-Martin sur celles qui s’appliquent d’ores et déjà à l’échelon national.
Je le rappelle : l’ouragan qui a frappé les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy dans la nuit du 6 au 7 septembre 2017 est le plus violent jamais enregistré dans la région, avec des vents qui ont soufflé à plus de 370 kilomètres-heure. Le bilan humain est lourd : 11 personnes sont décédées, il y a aussi eu des blessés et 7 000 personnes ont dû quitter lesdites îles pour trouver refuge en Guadeloupe, en Martinique ou en métropole.
L’État a été réactif, tant par la livraison de matériel que par les mesures de sécurité qu’il a prises, notamment pour éviter des pillages, et par l’apport financier qu’il a fourni, d’ailleurs complété par celui de l’Europe. Je tiens aussi à souligner l’importance de la délégation interministérielle pour la reconstruction des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, placée sous l’autorité du préfet Philippe Gustin, chargé de coordonner l’action de l’ensemble des services de l’État.
Toutefois, je dois souligner – ce sera sans doute le point le plus important de notre analyse – que de nombreuses constructions illégales, souvent en bord de mer, ont été reconstruites avec des moyens de fortune depuis que l’ouragan a eu lieu ; elles demeurent naturellement très vulnérables. C’est irresponsable ! Après un tel ouragan, avec toutes ses conséquences humaines, financières et matérielles, tant de victimes et de destructions, il est irresponsable de reconstruire à l’identique, c’est-à-dire dans la précarité, de manière informelle ! L’État et la représentation nationale ne peuvent pas l’accepter.
C’est pourquoi nous avons formulé trois recommandations, qui ont été approuvées à l’unanimité par les membres de la commission des lois. Elles sont tout à fait cohérentes avec ce que vous avez vous-même exprimé, madame la ministre.
Première recommandation : adopter d’ici à la fin de l’année un PPRN définitif et soutenir les efforts des services de l’État pour le faire appliquer avec rigueur sur le terrain. En effet, vous avez rappelé que Mme la préfète – nous ne lui donnons pas tort ! – a été amenée à édicter un PPRN par anticipation. Elle a bien fait : lorsque des mesures de sécurité publique sont à prendre, il faut veiller au bien-être des populations concernées, mais aussi à leur vie. Ce document a donné lieu à beaucoup de discussions. Vous avez souligné, madame la ministre, tout ce qui a été fait pour qu’elles soient les plus efficaces possible. Malheureusement, nous ne sommes pas encore arrivés au bout du chemin. C’est la raison pour laquelle nous nous fixons pour objectif que le plan soit adopté d’ici à la fin de l’année.
Deuxième recommandation – elle découle de la première : mener à son terme l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) mis en cohérence avec les prescriptions du PPRN et dont le respect doit être contrôlé conjointement – je dis bien « conjointement » – par les services de l’État et par la collectivité locale. La bonne solution est qu’ils travaillent main dans la main.
Nous avons approuvé, sur ma proposition, une troisième recommandation : elle consiste à œuvrer à une résolution du différend territorial entre Saint-Martin et Sint Maarten. Je le précise pour ceux qui l’ignoreraient : une partie de l’île de Saint-Martin dépend de la République française tandis que l’autre dépend du Royaume des Pays-Bas, et il existe un contentieux persistant sur la frontière. Le fait que celle-ci ne soit pas définie pose des problèmes très concrets, en particulier pour la gendarmerie.
J’espère donc que vous pourrez aussi agir pour la mise en œuvre de cette troisième recommandation, madame la ministre. Vous avez l’honneur de siéger dans des instances quadripartites avec les représentants des Pays-Bas, de Saint-Martin et de Sint Maarten. Nous formons le vœu que ce différend très ancien puisse ainsi être résolu, favorisant la bonne coopération entre les deux parties, l’objectif étant naturellement le développement dans tous les domaines. Le tourisme, que nous avons évoqué dans le rapport, est important, mais ce n’est pas le seul enjeu pour ce territoire de la République française auquel nous sommes bien entendu attachés.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a déjà deux ans, dans la nuit du 6 au 7 septembre 2017, l’ouragan Irma frappait violemment les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, provoquant d’importants dégâts.
Ouragan de catégorie 5, il est le plus violent jamais enregistré dans la région, avec des vents soufflant à plus de 370 kilomètres-heure. Le bilan humain fut par conséquent particulièrement lourd, 11 personnes y ayant laissé la vie et environ 7 000 personnes ayant quitté ces îles pour trouver refuge en Guadeloupe, en Martinique ou en métropole. Les conséquences matérielles ont également été très importantes : 95 % du bâti de l’île a été détruit ou endommagé.
Le passage de l’ouragan a en outre mis un coup d’arrêt à l’activité économique, largement dépendante du tourisme, dont les infrastructures ont particulièrement souffert.
Deux ans après ce tragique événement, ses conséquences se font encore sentir. De fait, certains équipements ne sont toujours pas totalement reconstruits, seuls 74 % des logements sinistrés ayant à ce jour été réhabilités. L’économie locale n’a pour sa part pas encore retrouvé son niveau d’avant l’ouragan.
Comme cela a été mis en avant dans l’excellent rapport de notre non moins excellent collègue rapporteur Jean-Pierre Sueur, le non-respect chronique de la réglementation en matière d’urbanisme avait accru la vulnérabilité de certaines constructions : des bâtiments avaient ainsi été construits sans permis, parfois dans des zones inondables ou soumises aux risques de submersion. D’ailleurs, si les dégâts ont été moins importants sur l’île voisine de Saint-Barthélemy, cela s’explique en grande partie par la meilleure qualité des constructions, résultat d’une meilleure application des réglementations.
Malgré la gravité du sinistre de 2017, et bien que ses causes soient connues, nous observons aujourd’hui que de nombreuses constructions illégales ont été reconstruites avec des moyens de fortune, et souvent en bord de mer. Elles ne respectent par définition pas le droit de l’urbanisme local, et seront vraisemblablement les premières touchées en cas de nouvelle tempête tropicale.
Or nous savons, changement climatique oblige, que ce genre de catastrophe est appelé à se répéter plus souvent, et plus fortement.
Il est donc plus qu’urgent d’agir pour que soit pleinement respecté le code de l’urbanisme de Saint-Martin, dans l’intérêt de la population locale et de l’activité économique de l’île. C’est là tout l’enjeu du présent projet de loi de ratification.
Si, depuis le 1er mars 2015, Saint-Martin s’est dotée de son propre code de l’urbanisme, le droit pénal et la procédure pénale demeurent de la compétence de l’État. Le code local reste donc muet, jusqu’à aujourd’hui, sur les sanctions encourues en cas d’infraction aux règles qu’il édicte. La présente ordonnance vient combler ce vide en y transposant pour l’essentiel les dispositions pénales du code de l’urbanisme métropolitain, avec l’objectif affiché que l’imposition de sanctions mette fin aux constructions anarchiques sur l’île de Saint-Martin. Nous soutenons bien évidemment cette démarche.
Allant au-delà de cette mesure attendue par les autorités locales, le rapporteur du texte a par ailleurs pris l’initiative d’énoncer trois recommandations : adopter un PPRN d’ici à la fin de l’année ; élaborer un PLU cohérent avec celui-ci ; régler le différend territorial persistant entre les parties française et néerlandaise de l’île.
Si ces suggestions ne sont pas à proprement parler directement liées au texte de l’ordonnance, elles s’inscrivent néanmoins dans la même perspective. Si elles devaient être suivies d’effets, ce que nous souhaitons, elles permettraient en effet de protéger les populations locales en limitant l’ampleur des constructions illégales et informelles, prévenant ainsi des destructions d’ampleur au passage du prochain ouragan.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste soutiendra bien évidemment ce texte, en espérant que ses dispositions soient rapidement effectives. Nous invitons également le Gouvernement et les autorités de Saint-Martin à suivre les recommandations du rapporteur. Il y va de la protection de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Jacky Deromedi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter du projet de loi déposé par le ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, ratifiant l’ordonnance du 27 mars 2019 relative aux dispositions pénales et de procédure pénale du code de l’urbanisme de Saint-Martin.
Saint-Martin, qui était jusqu’en 2007 un arrondissement de la Guadeloupe, est une collectivité territoriale ultramarine régie par l’article 74 de la Constitution. À ce titre, elle est dotée d’un statut propre qui lui accorde certaines compétences relevant auparavant de l’État, de la région ou du département. Parmi celles-ci, la compétence en matière d’urbanisme lui est attribuée par l’article LO. 6314-3 du code général des collectivités territoriales. La collectivité a ainsi adopté, en 2015, son propre code de l’urbanisme.
Cependant, cette attribution de compétence intervient sous plusieurs réserves, l’une d’entre elles, en particulier, ayant trait à la compétence de l’État dans la fixation de la loi pénale. Il n’est de ce fait pas possible à Saint-Martin de fixer les règles relatives à la constatation et à la répression des infractions pénales au droit de l’urbanisme.
Il était donc juridiquement nécessaire que l’État intervienne. Il l’a fait, par une ordonnance prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, qui permet au Gouvernement d’étendre et d’adapter, pour ce qui relève de la compétence de l’État, les dispositions législatives en vigueur en métropole à l’outre-mer.
Je ne reviendrai pas sur les détails du contenu de l’ordonnance, que le ministre et le rapporteur ont déjà suffisamment exposés. En somme, le dispositif étendrait à Saint-Martin certaines des dispositions pénales et procédurales qui s’appliquent en métropole, tout en les adaptant, complétant utilement le code de l’urbanisme local. Ces adaptations ne s’éloignent par ailleurs pas excessivement du droit national. Elles ne posent donc pas de difficultés.
Je tiens également à profiter de cette intervention sur l’urbanisme en outre-mer pour m’associer aux recommandations formulées lors de l’examen par la commission des lois du rapport sur ce texte. En effet, au regard des dégâts causés aux Petites Antilles par l’ouragan Irma en 2017, la commission a présenté trois recommandations visant à améliorer la résilience de l’aménagement et de l’urbanisme de l’île de Saint-Martin.
Nous recommandons d’abord l’adoption d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles définitif, document essentiel dans une région inévitablement appelée à connaître, à l’avenir, d’autres tempêtes tropicales. À cet égard, les dégâts récemment causés par l’ouragan Dorian aux Bahamas constituent un rappel : nous devons être mieux préparés.
Nous encourageons également la mise en place d’un PLU mieux adapté et mis en cohérence avec le plan de prévention des risques naturels prévisibles.
Enfin, nous émettons le vœu que l’on puisse résoudre le différend territorial existant entre les deux moitiés, française et néerlandaise, de l’île, qui gêne inutilement l’action des autorités sur place.
Plus de deux ans après l’ouragan Irma, l’adoption de ce texte contribuera à réaffirmer l’engagement de toute la France aux côtés des collectivités ultramarines des Antilles. Et nous espérons que l’État se fera le relais d’un tel engagement.
Le groupe Les Républicains votera sans difficulté ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. Guillaume Arnell. Aujourd’hui nous parlons de ma collectivité, Saint-Martin, qui souffre d’un déficit de connaissance de sa réalité socio-économique et de son statut, où se superposent à la fois des compétences d’une commune, d’un département et d’une région. À cette complexité s’ajoute l’exercice d’un certain nombre de compétences autrefois dévolues à l’État.
Aussi, mes chers collègues, ne soyez pas surpris que je m’écarte légèrement du contenu du projet de loi pour vous livrer plus largement des éléments de contexte qui éclaireront, je l’espère, votre vision du texte.
Il me paraît indispensable de commencer par quelques éléments historiques. Saint-Martin est devenue collectivité d’outre-mer au titre de l’article 74 de notre Constitution au mois de juillet 2007. Le transfert de compétences ayant été effectué progressivement, ce n’est qu’en 2012 que nous avons obtenu la compétence urbanisme.
Tout juste nommé au poste de vice-président de la collectivité chargé du pôle développement durable, qui est chargé des compétences en matière d’habitat, de construction et d’urbanisme, je me suis attaché, trois années durant, à travailler avec des juristes et des professionnels du secteur pour édicter notre propre code de l’urbanisme, qui est entré en vigueur le 1er mars 2015.
Dans ses grandes lignes, celui-ci reprend les dispositions du code national, en les simplifiant parfois, mais surtout en les délestant de mesures non adaptées. Mais il comprend aussi des innovations et des procédures propres au territoire.
À Saint-Martin, de très nombreuses constructions ont été réalisées au cours des quatre ou cinq dernières décennies sans être en conformité avec la plupart des prescriptions nationales en matière d’urbanisme. Cette situation résultait parfois d’une méconnaissance des textes, mais elle était le plus souvent la conséquence de l’absence de conseil d’un architecte ou d’un manque de vigilance et de contrôle de la part des autorités compétentes, qu’il s’agisse de la direction départementale de l’équipement, en son temps, de la commune ou de l’actuelle collectivité ; étaient en cause, également, des services judiciaires sous-dimensionnés, préférant se consacrer à leurs autres prérogatives.
C’est d’ailleurs ce qui a conduit à de vives tensions lorsque, avec la présidente Mme Aline Hanson, nous avons essayé de mettre en place le plan local d’urbanisme. Malgré le respect strict des procédures et de multiples réunions pédagogiques dans les quartiers, nous n’avons pas su fédérer. Une certaine résistance de nos concitoyens persiste face aux règles en matière de construction, d’habitat, d’organisation et de schéma d’aménagement du territoire.
J’évoquerai, à titre d’illustration, la zone des cinquante pas géométriques, aux termes de laquelle, à partir de la ligne des plus hautes marées, une bande de littoral de 81,20 mètres de largeur est inaliénable et imprescriptible. Cette zone est en effet considérée comme une partie de l’espace maritime qui, sauf dérogation, ne peut être vendue ni aménagée. Mais c’est en théorie : à Saint-Martin, une grande partie du littoral a été urbanisée, et la régularisation des constructions peut s’avérer impossible.
Face à ce qui était vécu à l’époque comme une révolution culturelle, des contestataires se sont érigés contre la réforme, parfois de manière très véhémente, me conduisant, pour préserver la paix sociale, à suspendre l’enquête publique.
À l’heure où nous parlons, c’est toujours le plan d’occupation des sols de 2003 qui s’applique à Saint-Martin, avec ses insuffisances et ses incohérences.
Je souscris donc pleinement à la recommandation de notre collègue Jean-Pierre Sueur visant à doter la collectivité d’un PLU dans les plus brefs délais.
Le 6 septembre 2017, l’ouragan Irma nous a sévèrement rappelé qu’un territoire se construit et s’aménage en intégrant tous les risques et aléas climatiques et en respectant scrupuleusement les normes de construction en vigueur. C’est d’ailleurs l’objet des deux rapports qu’a bien voulu me confier la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont le deuxième, relatif à la reconstruction et à l’organisation de la résilience des populations, sera publié dans les prochains jours.
Face à un tel constat, nous devons nous poser deux questions.
Premièrement, faut-il reconstruire à l’identique ou rebâtir autrement ? À l’évidence, au regard des dégâts subis par le bâti, la réponse ne fait aucun doute : oui, il faut reconstruire différemment ! Pour reprendre en partie les propos tenus par le Président de la République lors de sa visite, il faut reconstruire vite, bien, mais mieux.
Deuxièmement – de mon point de vue, c’est la question la plus importante –, comment évaluer avec certitude et équité quels sont les espaces où il ne sera pas possible de reconstruire, parce que le risque y est trop élevé ?
Deux ans après l’ouragan, l’État et la collectivité ont des vues divergentes sur le nouveau plan de prévention des risques naturels prévisibles. Pour ma part, j’aimerais croire que, depuis cette catastrophe, les habitants sont convaincus de la nécessité de disposer de règles d’urbanisme qui encadrent et protègent.
Il y a donc dans la situation actuelle une responsabilité collective qu’il convient de corriger. Cette ordonnance fait œuvre utile en offrant les outils essentiels au respect des règles de l’urbanisme, indispensables à la protection de la population.
Dans son contenu, elle complète simplement le code de l’urbanisme de Saint-Martin par un volet pénal calqué sur les dispositions du droit métropolitain.
Il est impératif de montrer à la population que, si les règles ne sont pas respectées, des sanctions pourront être prises, sans aucune forme de discrimination.
En revanche, au vu du contexte et des contraintes locales, il me semble indispensable de passer par une phase pédagogique en s’appuyant sur des professionnels, des urbanistes et des architectes notamment, mais également d’appliquer une politique cohérente, sans dissocier l’urbanisme, la construction, l’habitat et la protection de l’environnement.
Je forme le vœu que toutes les parties retrouvent de la lucidité et travaillent de concert et en bonne intelligence à la reconstruction d’un territoire innovant, prospère, attractif et préservant l’avenir des générations futures.
Comme le RDSE le fera, je vous invite, mes chers collègues, à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur, Mme Éliane Assassi et M. Victorin Lurel applaudissent également.)