compte rendu intégral

Présidence de M. David Assouline

vice-président

Secrétaires :

Mme Agnès Canayer,

Mme Françoise Gatel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour une mise au point au sujet d’un vote.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, après réflexion, je souhaite modifier le vote que j’ai exprimé lors du scrutin public n° 170 portant sur le projet de loi relatif à l’énergie et au climat. J’avais voté contre ce projet de loi, mais je veux finalement m’abstenir.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Candidatures à une commission mixte paritaire et à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi relative à la création d’un Centre national de la musique et au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles
Discussion générale (suite)

Exploitation des réseaux radioélectriques mobiles

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles (texte de la commission n° 632, rapport n° 631).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles
Article 1er

Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 3 juillet dernier, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi dite « 5G » est parvenue à un accord, dont nous examinons aujourd’hui la lettre.

Je ne reviendrai pas sur les détails du texte ; je rappellerai seulement qu’il permet à l’État de s’assurer de la sécurité des réseaux de cinquième génération de standards de télécommunications mobiles, en mettant en place un dispositif d’autorisation préalable à l’exploitation de certains équipements.

Ce texte fait l’objet d’un consensus politique, et ses dispositions doivent rapidement entrer en vigueur, afin que les opérateurs, qui sont amenés à se prononcer d’ici au mois de septembre sur la proposition de cahier des charges, publiée par l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, relative à l’attribution des premières fréquences 5G, disposent d’un cadre juridique clair. En conséquence, trouver un compromis était notre devoir.

L’accord obtenu par la commission mixte paritaire n’est d’ailleurs probablement pas sans lien avec le fait que l’Arcep a publié dans la foulée, le 15 juillet dernier, sa proposition de cahier des charges.

C’est donc par esprit de responsabilité que nous avons accepté de ne maintenir que la quasi-totalité des dispositions introduites par le Sénat, à défaut de pouvoir les conserver toutes. Nous avons en effet dû renoncer à deux points.

Le premier portait sur l’exigence de proportionnalité renforcée que le Premier ministre devrait respecter pour examiner les demandes d’autorisation. Il s’agissait de faire en sorte que le Premier ministre ne puisse refuser une installation que dans les cas où un tel refus ne se traduirait pas par un ralentissement des déploiements disproportionné au regard de la sécurité nationale.

Devant la Haute Assemblée, le Gouvernement puis, en commission mixte paritaire, les députés ont fait valoir qu’une telle disposition fragiliserait à l’excès les décisions du Premier ministre, augmentant ainsi les risques de contentieux, ce qui pourrait se traduire par un ralentissement des déploiements. Or nous ne le souhaitons pas.

Nous avons donc accepté de supprimer cette disposition, tout en la transcrivant dans la demande de rapport au Gouvernement, introduite par le Sénat. L’attention à la couverture numérique du territoire, fil conducteur des modifications que nous avions introduites, est ainsi préservée.

Second point auquel nous avons dû renoncer : nous souhaitions que soit pris en compte par le Premier ministre le fait que l’opérateur ou ses prestataires se trouvent sous le contrôle, ou soumis à des actes d’ingérence, de tout État étranger plutôt que seulement d’un État non membre de l’Union européenne. Gouvernement et députés ont estimé que cela fragiliserait juridiquement le dispositif. Ce n’était pas notre analyse, mais il s’agissait d’un potentiel point de rupture ; nous avons par conséquent cédé.

Je souhaite maintenant insister sur les principales avancées adoptées par le Sénat et acceptées par nos collègues députés.

De nombreuses modifications visant à rééquilibrer le texte en faveur de l’aménagement du territoire ont été entérinées. Il en va ainsi de la limitation du champ d’application du texte destinée, d’une part, à ce que les déploiements de la 4G dans le cadre du « New Deal mobile » ne soient pas affectés, d’autre part, à ce que seuls les équipements à risque soient concernés.

Il en va également ainsi de la suppression, dans le dossier de demande, de la référence au périmètre géographique, pour qu’il soit bien clair qu’il ne revient pas à l’État de dicter la politique d’achat des opérateurs.

Ont par ailleurs été préservées la disposition tendant à éviter les surcharges administratives en fusionnant deux autorisations et celle qui garantit que le Premier ministre pourra soumettre son autorisation à certaines conditions.

Les modifications proposées par la commission saisie pour avis ont été maintenues : elles amélioraient la rédaction du dispositif, tant sur le régime de la motivation de la décision du Premier ministre, que sur celui des indices à prendre en compte pour caractériser le risque sérieux d’atteinte à la sécurité nationale.

Enfin, l’introduction en séance d’une demande de rapport et du rehaussement du quantum de l’amende encourue en cas d’atteinte aux câbles sous-marins, infrastructure stratégique pour notre pays, a aussi été conservée.

Bref, c’est sur un texte substantiellement enrichi par le Sénat que nous sommes appelés à voter aujourd’hui.

Je souhaite saluer le rapporteur pour avis et l’ensemble de nos collègues, avec qui un dialogue de qualité nous a permis d’aboutir à ces solutions. Je tiens également à remercier Mme la secrétaire d’État et ses services de leur ouverture d’esprit.

Je crois que les travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui auront adopté ce texte en cinq mois, démontrent, s’il le fallait, que le Parlement est capable d’adopter rapidement des dispositions dont l’importance est majeure tout en améliorant le projet initial. Je crois également que les vertus du bicamérisme ont pu être démontrées à cette occasion.

Madame la secrétaire d’État, les parlementaires ont fait preuve de réactivité. Ils ont décidé, malgré l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, d’enrichir le texte initialement proposé. Il vous revient désormais d’être à la hauteur de la confiance que vous accorde le Parlement, en adoptant le plus vite possible les textes réglementaires d’application de cette proposition de loi et, au-delà, en faisant en sorte que la France soit dans le peloton de tête de la 5G.

Il conviendra notamment sans doute d’éviter de privilégier les recettes publiques lors de l’attribution des fréquences, comme cela a pu être constaté chez certains de nos voisins.

Par ailleurs, le processus d’harmonisation des positions sur la sécurité des réseaux 5G va se poursuivre à l’échelon européen. Le Gouvernement avait jusqu’au 30 juin pour transmettre sa copie à la Commission européenne. Mme la secrétaire d’État, avez-vous eu des retours sur les évaluations effectuées par nos partenaires européens et sur les suites concrètes qui pourraient y être données ?

Cela dit, le présent texte tenant suffisamment compte des travaux de la Haute Assemblée, je vous invite à l’adopter, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, madame la rapporteur, chère Catherine Procaccia, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui, en lecture définitive, la proposition de loi relative au déploiement de la 5G et à la sécurité de nos réseaux.

Je ne reviendrai pas sur le défi que représente le déploiement de la 5G pour notre économie ni sur les grandes orientations que nous défendons en la matière ; ces questions vous sont bien connues, et j’ai eu, à plusieurs reprises, l’occasion de vous présenter nos orientations et nos objectifs.

Je veux plutôt insister sur le travail mené par la Haute Assemblée sur ce texte important, sur les récentes avancées du Gouvernement dans le déroulement de notre feuille de route et sur nos prochaines étapes.

Vous avez, de concert avec l’Assemblée nationale, amélioré, simplifié et clarifié le texte.

Je tiens donc à saluer le travail mené par le Sénat. Je pense en particulier à la précision permettant de limiter le champ d’application du dispositif aux équipements de cinquième génération et de générations ultérieures. Je pense aussi à la simplification de notre dispositif de contrôle ; c’était une demande des opérateurs et vous avez su y répondre de manière pragmatique.

Je tiens également à saluer l’esprit de consensus de la commission mute paritaire, grâce auquel nous pouvons aujourd’hui examiner ce texte final. Cette commission a permis d’améliorer la proposition de loi en demandant que la vitesse de déploiement fasse l’objet d’un suivi. Nous avons trouvé une solution de compromis : le Gouvernement remettra un rapport annuel sur les éventuelles incidences du nouveau dispositif sur les coûts et le rythme de déploiement du réseau par les opérateurs.

Ces avancées nous permettent d’établir un cadre juridique stable, simple, protecteur, sans entraver le déploiement.

Nous avançons parallèlement pour déployer la 5G dans les meilleurs délais. La semaine dernière, l’Arcep a lancé, vous l’avez signalé, une consultation publique sur un projet de cahier des charges pour attribuer la bande de 3,5 gigahertz. Cette consultation est ouverte jusqu’au début du mois de septembre, et elle permettra d’améliorer ou de préciser, si nécessaire, les conditions d’attribution.

Ce projet de cahier des charges répond aux orientations du Gouvernement en matière de concurrence, d’aménagement du territoire et d’innovation.

En matière de concurrence, le déploiement du réseau se fera en préservant la concurrence entre opérateurs, de façon que le rapport qualité-prix des offres reste compétitif, comme c’est le cas aujourd’hui quand on compare l’offre française aux offres européennes, laquelle est classée dans les deux meilleures offres parmi les offres européennes.

En matière d’aménagement du territoire, le déploiement doit permettre à tous les territoires d’avoir accès à la 5G et à ses usages spécifiques, dans un calendrier raisonnable. On ne développera pas, d’un côté, la 5G dans les villes pour oublier, de l’autre côté, la 5G dans les campagnes.

Je vous rappelle les objectifs de la feuille de route. En 2020, chaque opérateur devra couvrir deux grandes villes et, en 2025, les principaux axes de transport devront être couverts. Selon une obligation d’origine européenne, la couverture doit concerner une grande ville et tous les axes de transport ; nous avons porté à deux le nombre de grandes villes.

En outre, nous avons deux objectifs chiffrés : 12 000 sites équipés en 5G par opérateur en 2025, dont un quart dans les zones rurales, dès le démarrage du déploiement de la 5G intégrale, ou stand alone. Nous ne voulons pas reproduire les erreurs du passé ; nous voulons éviter de déployer la 5G dans toutes les grandes villes, puis, seulement une fois ce déploiement réussi, de la déployer dans les zones rurales. Il n’y aura donc pas une 5G des villes dès 2020 et une 5G des champs en 2030. C’est contraire à notre politique économique, c’est injuste et c’est inefficace.

Cette vision n’est que le prolongement du New Deal 4G, qui nous a amenés à multiplier par trois la vitesse de déploiement de ce réseau sur le territoire, car, aujourd’hui, l’accès au débit, quelle que soit la technologie sous-jacente, est aussi nécessaire que l’accès à l’eau ou à l’électricité.

En matière d’innovation, enfin, le déploiement doit répondre aux besoins des industriels. Il doit permettre aux nouveaux usages, notamment industriels, de se développer. Les nouveaux titulaires des fréquences devront donc permettre des accès à des industriels ou à des fournisseurs de services – je pense notamment aux services de la santé –, à des bonnes conditions, même dans les zones les moins denses du territoire.

Les obligations de couverture présentes dans le cahier des charges s’articulent autour de trois axes.

Le premier axe a pour but d’en finir avec la saturation des réseaux dans les zones denses ; le deuxième axe a pour objectif de développer des usages professionnels avec des services différenciés ; et, enfin, le troisième axe consiste à permettre une montée en gamme – débit et services différenciés – progressive de tout le réseau, avec plusieurs jalons, jusqu’en 2030. Des objectifs ambitieux – parmi les plus ambitieux d’Europe – ont été fixés en matière d’amélioration du débit pour tous et de faible latence, toutes technologies et toutes bandes de fréquences confondues.

Vous savez maintenant où nous en sommes, mesdames, messieurs les sénateurs. Quelles sont nos prochaines étapes ?

Pour le Gouvernement, la prochaine étape sera de fixer les redevances associées à ces attributions et de lancer la procédure d’attribution sur la base d’une version définitive du cahier des charges proposé par l’Arcep. Ainsi, l’attribution des fréquences commencera à l’automne.

Fin septembre, la Commission des participations et des transferts de l’État rendra un avis sur le prix de réserve des enchères, qui sera ensuite déterminé par arrêté. Les fréquences étant un bien public, il est normal que l’État ne brade pas les blocs attribués, tout en veillant à ce que leur montant ne compromette pas les capacités d’investissement des opérateurs pour déployer la 5G sur le territoire. Notre premier objectif n’est pas budgétaire ; il est de prendre une avance technologique pour gagner en compétitivité, créer de l’activité partout en France, et surtout, créer des emplois.

M. Patrick Chaize. Très bien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Vous savez donc d’où nous venons, le travail qui a été réalisé et les étapes qu’il nous reste à franchir. Il faut effectivement tenir compte des textes d’application de cette proposition de loi, que nous sommes en train de finaliser, ainsi que de l’échange que nous aurons avec la Commission européenne, pour nous assurer que le texte convient bien à la liberté de circulation des marchandises. Sur cette base, nous serons définitivement armés pour déployer la 5G.

Encore une fois, je vous remercie de votre esprit de consensus, de l’engagement de vos rapporteurs et de la qualité du travail technique réalisé. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent.

Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis vivement que nous puissions nous retrouver aujourd’hui, à la suite du dénouement heureux de la commission mixte paritaire qui s’est réunie sur cette proposition de loi 5G.

Je veux tout d’abord saluer la qualité et la richesse de nos échanges, et l’état d’esprit constructif dans lequel nous avons débattu ; il était primordial de nous saisir rapidement de cet enjeu. Nos débats ont été nombreux et passionnants. Ils ont permis d’enrichir considérablement le texte, à chacune des étapes de son examen, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Nous sommes ainsi parvenus, je pense, à un texte équilibré qui répond aux exigences de sécurité tout en préservant la capacité d’innovation des entreprises et en permettant un déploiement rapide du réseau ; effectivement, il ne fallait pas pénaliser les opérateurs et l’innovation.

L’état d’esprit initial de la proposition de loi est préservé, tandis que le texte final, sur lequel nous nous prononçons ce jour, tire le meilleur parti des ajouts du Sénat. Nous pouvons nous satisfaire du compromis atteint en commission mixte paritaire, qui démontre une fois de plus l’importance du Sénat et la pertinence du bicamérisme.

Mes chers collègues, les lignes rouges que nous nous étions fixées ont été respectées et les apports du Parlement ont permis de renforcer la sécurité juridique du dispositif nouvellement créé, afin de le rendre simple, efficace et robuste, en rappelant son lien exclusif à la 5G, en précisant la liste des appareils concernés, en élargissant les motifs de refus d’autorisation, en intégrant la protection des communications électroniques des pouvoirs publics, en supprimant la référence au périmètre géographique.

Conformément au souhait du Sénat, le Gouvernement devra évaluer, dans un rapport remis au Parlement, les conséquences des décisions du Premier ministre sur le rythme et sur le coût de déploiement d’appareils de 4G et de 5G. Ce compromis permet de réaffirmer l’attachement des élus à la lutte contre les zones blanches, sans affaiblir la portée juridique du dispositif.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe La République En Marche voteront évidemment en faveur de ce texte avec un enthousiasme massif.

Nous ne le rappellerons jamais assez : nous sommes à l’aube d’une rupture technologique majeure. Les ambitions de la 5G sont immenses. Le déploiement d’un tel réseau plus puissant et plus rapide que dans les autres pays européens constitue un moteur de croissance et de compétitivité crucial pour l’ensemble du tissu économique français.

Avec la couverture en 5G, les réseaux pourront traiter instantanément une énorme quantité de données et ainsi permettre de franchir un cap dans les usages des entreprises tant industrielles que de service. C’est maintenant aux entreprises de se mobiliser et de se saisir de cette nouvelle technologie. Ce tournant technologique déterminant permettra d’installer une infrastructure stratégique capable de faire fonctionner les usines du futur, la voiture autonome, ou encore la télémédecine.

Tout reste à inventer, en particulier dans nos territoires ruraux. Le déploiement de la 5G ne sera pas utile qu’aux villes ; il permettra l’émergence de formidables innovations et de nouveaux usages, en créant de véritables fermes intelligentes.

Grâce à de nouveaux outils numériques connectés, l’agriculteur pourra optimiser l’irrigation de ses terres et l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires au moyen de capteurs. Il pourra alors enrichir ou irriguer des parcelles de manière ciblée, ou lutter contre les parasites.

L’emploi de drones, de machines et tracteurs automatisés, de robots agricoles détectant et arrachant les mauvaises herbes en remplacement des pesticides pourra être généralisé.

L’agriculteur pourra administrer toute son exploitation en temps réel ; il pourra gérer son cheptel grâce à des colliers connectés, et il pourra ajuster ses coûts, piloter ses appareils, recevoir des alertes immédiates en cas de problème et même favoriser la distribution directe.

Mes chers collègues, la 5G sortira nos campagnes de l’isolement en encourageant une nouvelle dynamique ; elle permettra de réinventer une partie de nos métiers agricoles en les rendant plus attractifs, de transformer la charge de travail en la rendant moins pénible, et elle favorisera une meilleure alimentation pour tous.

Ces changements technologiques prometteurs entraînent mécaniquement des risques accrus en termes de cybersécurité ; nous pourrons prévenir ces risques plus efficacement une fois le texte adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et au banc des commissions. – M. Jean-Pierre Moga applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le développement de la 5G étant inéluctable, nous nous prononcerons en faveur du présent texte, qui vise à apporter certaines garanties.

C’est sur les modalités de déploiement que nous avons, en plus d’un désaccord, des inquiétudes et des interrogations.

En raison de tout ce qu’elle permettra, la 5G est une révolution, qui exige ses propres règles. Les fonctionnements concurrentiels et la confiance dans les acteurs privés sont des principes incompatibles avec les potentiels de la 5G, qu’ils soient prometteurs ou nuisibles.

Le passage d’une infrastructure de réseau physique à une infrastructure virtuelle et décentralisée devrait appeler une véritable politique de maîtrise publique sur le développement de la 5G, et non des mesures palliatives telles que l’autorisation de tel ou tel équipement.

Je le redis, nous sommes pour ce texte et nous saluons les tentatives de réponse à ces enjeux. Nous déplorons en revanche leur portée limitée, qui contraste avec le caractère infini des potentiels de la 5G. En effet, quelles sont aujourd’hui les garanties permettant d’affirmer qu’un équipement est préférable à un autre ? Le géant américain ne s’est-il pas rendu coupable, par le passé, des crimes mêmes dont il accuse aujourd’hui la firme chinoise ?

Au-delà de l’équipement, la 5G elle-même ne suffit-elle pas à détourner les mesures que nous tenterions de prendre ? Europol s’apprête ainsi à faire paraître un rapport, dont il a déjà publié les grandes lignes, soulignant notamment la perte d’emprise des opérateurs et des policiers sur l’infrastructure de 5G.

Il s’agit là d’un ensemble de questions qui touchent tant à la souveraineté nationale qu’à la préservation des libertés individuelles ; la solution devrait être recherchée dans l’indépendance numérique de la France. J’attends d’ailleurs avec grande impatience le rapport de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique.

M. Jérôme Bascher. Très bien !

M. Fabien Gay. Cela supposerait une véritable maîtrise industrielle dans ces domaines. Coopérer avec tel ou tel équipementier, parce qu’il serait plus avancé sur le marché, revient à se précipiter dans une brèche de risques que nous aurions pu éviter.

Certains me diront que nous n’avons pas le choix ; je leur répondrai qu’ils ont raison, parce que, à ce jour, nous n’avons pas les outils industriels pour mener cette bataille de la souveraineté numérique, et pour cause : en plus de la privatisation de France Télécom, la France a vendu Alcatel-Lucent à Nokia – nous avons déjà eu ce débat, madame la secrétaire d’État, mais je le répète –, achevant ainsi de démanteler le patrimoine industriel nécessaire à l’innovation technologique.

Nous voilà donc aujourd’hui bien obligés de coopérer avec Huawei ou Qualcomm, entreprises qui, elles, ont été préservées et défendues par les pouvoirs publics de leur pays. Faut-il le rappeler ?, le président américain – il n’est pas, que je sache, communiste – s’est opposé par décret au rachat de Qualcomm par Broadcom, alors basée à Singapour.

En gardant leurs outils d’innovation dans le giron national, les États-Unis ont pu s’assurer une position hégémonique sur le marché de la 5G. En comparaison, quelles sont à présent les perspectives françaises ? Allons-nous nous contenter de travailler avec les plus avancés dans la course mondiale ou est-il envisagé de construire des filières françaises ? Cela revient à demander si les considérations économiques sont sincèrement envisagées à hauteur de leur potentiel.

Selon la Commission européenne, le marché de la 5G représentera 225 milliards d’euros dans le monde, dont 113 milliards d’euros de bénéfices. Du point de vue des retombées sociales, 2,4 millions de créations d’emploi sont espérées en Europe. Je le demande de nouveau : quelles perspectives industrielles sont planifiées en France ? Quels profits économiques sont envisagés en dehors de ceux du privé ?

En l’état, le résultat à venir consistera en des risques accrus pour la sécurité publique et les libertés citoyennes tandis qu’en parallèle une manne financière exponentielle est promise aux acteurs privés.

Au regard de toutes les anticipations sociales, économiques et environnementales qu’exigerait une transition vers la 5G réussie, nous considérons que le projet actuel nous interdit de parler de souveraineté numérique de la France.

C’est donc parce que toutes les précautions sont bonnes à prendre que nous voterons pour ce texte, tout en continuant d’alerter sur les risques que suppose une perte de maîtrise à l’égard de tels enjeux d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux avant toute chose saluer la qualité du travail collectif et des débats qui ont présidé à l’examen de ce texte, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et qui nous ont permis d’arriver à un compromis satisfaisant.

Je veux aussi rappeler le rôle essentiel du Parlement, singulièrement du Sénat, lorsque l’on aborde des sujets de sécurité nationale et d’aménagement du territoire.

Certes, le Gouvernement a très tôt pris la mesure des différents défis que le déploiement progressif de la 5G posera à court terme. Néanmoins, l’idée de créer un régime d’autorisation préalable devait initialement passer par voie d’amendement lors de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, le projet de loi Pacte.

Cela nous aurait privés d’un débat enrichissant entre les deux assemblées et particulièrement utile pour attirer l’attention sur un enjeu majeur et sensible.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui satisfaisait globalement les deux chambres – c’est assez rare pour être souligné –, prouve bien que le Parlement garde toute son utilité.

Je regrette simplement que le recours à une proposition de loi, forme choisie pour ce texte, nous ait privés d’une étude d’impact qui eût été particulièrement bienvenue. Elle nous aurait permis, par exemple, de disposer d’une évaluation précise des conséquences du régime d’autorisation préalable pour les opérateurs et les constructeurs de réseaux.

Pourquoi ce débat était-il indispensable ? Parce que la 5G constitue une véritable rupture technologique, porteuse d’opportunités, mais aussi de risques qu’il faut pouvoir anticiper, à défaut de les maîtriser totalement. La réponse gouvernementale à ce défi, qui consiste à créer un régime d’autorisation préalable permettant au Premier ministre de refuser l’exploitation d’équipements de réseaux en cas de risque avéré pour la sécurité nationale, était certes bienvenue, mais nécessitait néanmoins quelques précisions que le Sénat a apportées.

Notre objectif était clair : mettre au point un régime juridique simple, efficace et solide non seulement pour garantir au mieux notre sécurité, mais aussi pour assurer une nécessaire visibilité juridique aux opérateurs, avant l’attribution des fréquences de la 5G.

Nous avons ainsi défendu et obtenu un meilleur encadrement du régime d’autorisation préalable, en rappelant son lien exclusif avec la 5G et en précisant la liste des appareils concernés.

Autres ajouts non négligeables : l’élargissement des motifs de refus d’autorisation, en intégrant notamment la protection des communications électroniques des pouvoirs publics ; la possibilité de déroger à la communication des motifs d’une décision qui mettrait en péril la sécurité nationale ; la simplification de l’articulation entre les deux régimes d’autorisation préalable applicables aux opérateurs.

Le Sénat, en tant que chambre représentant les territoires, a également veillé à ce que ce nouveau régime juridique n’emporte aucune conséquence négative sur la couverture numérique des territoires, en particulier celle des territoires ruraux qui comptent encore de nombreuses zones blanches, afin que l’égalité des chances économiques soit respectée.

À ce titre, je veux souligner que l’Arcep a mis en place un dispositif permettant justement d’éviter un déploiement à deux vitesses des réseaux, ce qui aggraverait encore davantage la fracture numérique que connaît notre pays.

Ainsi, dès 2020, chaque opérateur devra s’engager à couvrir en 5G au minimum deux villes de plus de 150 000 habitants sur au moins la moitié de leur surface. D’ici à 2025, les opérateurs concernés devront avoir couvert près des deux tiers de la population française en 5G avec la mise en place de 12 000 sites, dont 20 à 25 % devront être installés en zone rurale en ciblant l’activité économique, notamment l’industrie.

Pour servir cet objectif ambitieux et nécessaire, il paraissait indispensable de ne pas entraver le déploiement de la 5G tout en sécurisant autant que possible ce nouveau système.

Aussi, d’un commun accord avec l’Assemblée nationale, le Sénat a accru le droit de regard du Parlement sur la mise en œuvre du dispositif, en particulier face aux évidentes évolutions de la technologie 5G, en demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport annuel.

Par le biais de deux amendements introduits en séance publique par le Sénat ont été soulignées en effet quelques craintes concernant les conséquences des décisions du Premier ministre sur le rythme et le coût des déploiements d’appareils 4G et 5G et sur la couverture numérique des territoires.

Bien que soumis à une forme d’injonction paradoxale, entre préservation de notre sécurité et préservation de l’innovation, du développement de nos entreprises et de l’aménagement de nos territoires, nous avons réussi à trouver un équilibre. Le compromis final nous convient. Grâce à notre travail commun, in fine, le champ d’application de la loi a été clarifié et le système a été sécurisé, ce qui doit nous permettre, et je m’en félicite, d’adopter ce texte définitivement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme le rapporteur applaudit également.)