M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Merci !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … pour rendre compte de la manière dont les textes d’application seront préparés, concertés le plus en amont possible et publiés, afin que l’ensemble des dispositions soit effectif aussi rapidement que possible.
Je vous remercie toutes et tous de votre concours à l’élaboration de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la fonction publique est au cœur de notre vie démocratique, mais aussi des attentes de nos concitoyens. Ceux-ci les ont d’ailleurs vivement exprimées lors du grand débat : une plus large intervention publique et un retour à des services publics de proximité, mais sans augmentation de la pression fiscale. Ces demandes font ainsi de l’avenir de la fonction publique un véritable défi.
Ce projet de loi, qui n’est qu’une première étape, a pour objectif de transformer la fonction publique, sans en renier pour autant les fondements issus des lois statutaires de 1946 et de 1983.
Il vise à mettre en œuvre les moyens indispensables à sa modernisation, en portant une série de modifications, souvent techniques, dans trois domaines essentiels : tout d’abord, la simplification du dialogue social et les nouveaux outils managériaux ; ensuite, l’élargissement du recours aux contractuels ; enfin, le renforcement de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Je me félicite que la commission mixte paritaire soit parvenue à un texte de compromis grâce aux apports du Sénat.
Je me réjouis tout particulièrement que le travail au Sénat ait permis de mieux répondre aux attentes des employeurs locaux. En effet, notre assemblée a donné de nouveaux outils aux employeurs territoriaux, notamment pour lutter contre les grèves perlées qui perturbent le bon fonctionnement des services publics.
Le Sénat a également donné plus de prévisibilité aux élus locaux en obligeant l’État à publier une feuille de route triennale, dans laquelle il préciserait les incidences financières de ses décisions en matière de ressources humaines sur les budgets locaux.
Je suis heureux que le texte permette de renforcer les obligations des fonctionnaires territoriaux momentanément en recherche d’emploi, tout en améliorant leur accompagnement pour un retour vers l’emploi. Ce projet de loi mettra ainsi fin à des situations qui n’étaient bénéfiques ni pour les agents ni pour les employeurs.
Je me réjouis aussi que notre assemblée ait amélioré les procédures disciplinaires en supprimant les commissions de discipline de recours, l’agent pouvant toujours contester sa sanction devant un juge administratif.
Enfin, je suis satisfait que le Sénat ait assoupli le recours aux agents contractuels, notamment pour ceux de catégorie C, tout en renforçant leur formation. De même, il a facilité le recrutement des agents titulaires d’un diplôme d’État et allégé les obligations de formation des policiers municipaux lorsqu’ils sont anciens gendarmes ou policiers.
Je me félicite que le texte élaboré par la commission mixte paritaire comporte plusieurs avancées importantes du Sénat qui visent à mieux récompenser le mérite des agents et à leur garantir de nouveaux droits.
Parmi ceux-ci, je tiens à souligner la création d’un entretien de carrière pour les métiers les plus pénibles, l’extension du congé de proche aidant, le télétravail ponctuel et le droit à l’allaitement.
Je souhaite également mettre l’accent sur les apports de notre assemblée qui permettront de mieux accompagner les personnes en situation de handicap. En effet, je me réjouis que le texte permette, non seulement de généraliser les référents handicap et d’autoriser la titularisation des apprentis handicapés, mais également de consulter davantage les associations représentant les personnes handicapées.
Avant de conclure, je souhaite saluer le travail considérable fourni par nos rapporteurs, notre collègue Catherine Di Folco, qui s’est attachée aux questions statutaires, au dialogue social et à la discipline, et notre collègue Loïc Hervé qui, lui, s’est chargé des questions de déontologie, de formation et d’égalité professionnelle.
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est tout à fait ça !
M. Dany Wattebled. Je voudrais ajouter que la décision du Gouvernement d’engager sans cesse la procédure accélérée est regrettable.
Mes chers collègues, l’urgence fait parfois faire des erreurs. Réjouissons-nous que la commission mixte paritaire soit parvenue à ce consensus sur un projet de loi important pour la fonction publique. Les vacances approchent, nous allons pouvoir lever un peu le pied ! (Sourires.)
Les apports substantiels du Sénat ayant été introduits dans ce texte, la majorité du groupe Les Indépendants – République et Territoires le votera ! (M. Jean-Louis Lagourgue applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, il faut saluer l’intelligence collective qui a prévalu dans le cadre de l’examen de ce texte : malgré l’engagement de la procédure accélérée, il faut saluer le travail collectif et de grande qualité qui a été mené. Il s’agit là d’une œuvre rare, équilibrée, qui mérite d’être confortée et soutenue à l’avenir.
Les deux assemblées ont travaillé de concert pour consolider et compléter les dispositions initiales de ce texte, notamment grâce à l’adoption de plusieurs centaines d’amendements lors de son examen en commission et en séance publique.
Je tiens à mon tour à saluer la qualité des échanges que nous avons eus avec nos deux rapporteurs, Catherine Di Folco et Loïc Hervé, leur homologue députée Émilie Chalas et son collègue Guillaume Gouffier-Cha, les présidents des commissions des lois, ainsi qu’avec l’ensemble des chefs de file et des membres des groupes qui ont participé à cette œuvre commune.
Cela nous a permis d’aboutir lors de la réunion de la commission mixte paritaire à un texte commun qui conserve l’essentiel des nombreux apports de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Cet esprit d’écoute et de dialogue qui a présidé lors de nos échanges procède, il faut le rappeler, de la méthode insufflée par le secrétaire d’État, Olivier Dussopt. Ce texte est aussi le fruit d’une grande concertation, menée très en amont, avec les organisations syndicales de la fonction publique et les représentants des collectivités locales et des employeurs hospitaliers.
Réformer les règles applicables aux 5,5 millions d’agents du service public sans préjudice des lois statutaires n’était pas une mince affaire : le défi est relevé. Le projet de loi répondait à cet enjeu indispensable de modernisation de la fonction publique, au travers de cinq titres.
Le titre Ier visait à adapter et renforcer le dialogue social dans la fonction publique à travers notamment la mise en place des futurs comités sociaux. La création du rapport social unique représente également un nouvel outil de pilotage des ressources humaines. Si la réforme des commissions administratives paritaires a parfois suscité le débat, nous sommes arrivés à une position de compromis, grâce notamment aux propositions du Sénat.
Le titre II qui porte sur les leviers managériaux a été considérablement consolidé par nos deux assemblées. Je me réjouis à mon tour du renforcement des obligations de formation au bénéfice de l’ensemble des agents publics.
Enfin, je me félicite du consensus trouvé autour de l’article 10 ter, afin d’introduire une prime de précarité pour les contrats d’une durée inférieure à un an, notamment dans la fonction publique hospitalière. Nous mettons fin à une inégalité entre secteur public et secteur privé, qui n’était pas justifiée.
En ce qui concerne les questions de transparence, nous pouvons être collectivement fiers des avancées de ce texte, avec le renforcement des prérogatives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP.
Nous avons également avancé sur le droit de grève en trouvant une position de compromis qui reprend des éléments figurant dans deux amendements déposés en première lecture au Sénat.
Concernant l’habilitation prévue à l’article 22, nous avons abouti à une rédaction plus précise, tout en laissant une latitude suffisante pour permettre à la mission de M. Frédéric Thiriez de travailler sans bride.
Le Sénat a largement pris sa part dans l’élaboration du titre V, notamment s’agissant de la politique du handicap dans la fonction publique : il généralise les référents handicap, autorise la titularisation des apprentis handicapés, et prévoit une plus large consultation des associations représentant les personnes handicapées.
Le Sénat a enrichi ce projet de loi en adoptant, au total, 154 amendements en commission et 125 amendements en séance publique. Nous avons travaillé en fonction de la pertinence des propositions sans posture politique excessive, voire sans posture politique du tout.
Ce texte est donc le fruit d’un travail constructif, qui respecte la philosophie initiale du projet de loi, tout en améliorant de nombreuses dispositions longuement discutées lors de l’examen parlementaire. Je forme le vœu que cette méthode de travail…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Fasse florès !
M. Arnaud de Belenet. … fasse jurisprudence ! (Applaudissements au banc des commissions. – M. Didier Rambaud applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a donc abouti. La belle affaire !
Au sein de notre groupe, nous ne sommes pas surpris, tant les convergences sont grandes entre la majorité sénatoriale et la majorité présidentielle pour briser le modèle social de notre pays, en affaiblissant la puissance publique au profit des intérêts privés…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est exactement l’objet du projet de loi. Vous lisez en nous à livre ouvert ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
M. Pascal Savoldelli. … et en organisant l’impuissance de l’État à assurer l’intérêt général.
Alors que les services publics de notre pays sont exsangues à cause des politiques d’austérité menées depuis des décennies, et pas uniquement par l’exécutif actuel, vous vous attaquez maintenant au statut de leurs agents,…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous êtes encore en dessous de la réalité ! (Mêmes mouvements.)
M. Pascal Savoldelli. … c’est-à-dire à ceux qui assurent au quotidien l’accès aux droits et qui, par leur esprit de responsabilité, pallient tous les dysfonctionnements pour garantir la continuité du service public.
Nous pensons bien au contraire qu’au lieu d’accabler et de vouloir faire passer ces fonctionnaires pour des sortes de privilégiés, vous feriez mieux de vous intéresser à ce qu’ils vous disent. Cela d’ailleurs pour vous aussi, monsieur Bas !
N’entendez-vous pas, par exemple, ces urgentistes en grève depuis plusieurs semaines qui vous disent qu’ils n’en peuvent plus, que c’est dangereux et qu’il va y avoir non-assistance à personne en danger ? Vous ont-ils demandé l’instauration de saisonniers dans la fonction publique hospitalière ? Pas du tout, ils demandent de la stabilité et des moyens supplémentaires !
N’entendez-vous pas ces personnels de l’éducation nationale qui vous alertent sur l’école inégalitaire que vous êtes en train de bâtir ?
Ne voyez-vous pas le mal-être de ces agents qui ne trouvent plus de sens à leur mission, alors qu’on leur demande de faire toujours plus avec moins, de ces fonctionnaires qui voient les conséquences dramatiques de la dégradation du service public décidée au plus haut niveau et devant laquelle ils sont impuissants ?
Ne voyez-vous pas, enfin, les difficultés de ces fonctionnaires qui touchent de petits traitements et dont les conditions de vie sont toujours plus difficiles, notamment en raison du gel du point d’indice ?
Non, manifestement, vous ne les entendez et ne les voyez pas, car vous êtes trop occupés à satisfaire les intérêts de ceux qui savent se faire entendre de votre majorité : les lobbies, les grandes entreprises, les exilés fiscaux, les vrais privilégiés en somme, ceux qui ont intérêt à rendre confus le sens de l’action de la puissance publique.
Dans ce cadre, les quelques avancées du texte en matière de déontologie sont de simples trompe-l’œil, puisque la porosité entre le public et le privé sera renforcée, tout comme les pratiques de pantouflage et de rétropantouflage. On verra bien si l’histoire nous donne tort.
Ce projet de loi s’inscrit incontestablement dans une démarche cohérente. Vous bradez les biens publics qui sont le patrimoine de tous. Vous libéralisez les services publics pour permettre à vos amis de faire des profits, et, maintenant, vous remplacez les fonctionnaires par des contractuels, afin « de promouvoir la diversification des viviers de recrutement », comme si ces hommes et ces femmes étaient de vulgaires poissons d’élevage ! (M. le président de la commission des lois rit.)
Vous poursuivez votre casse des outils de l’égalité républicaine. Eh oui, les fonctionnaires sont bel et bien les outils privilégiés de l’égalité républicaine, garantie par la loi. Pour ce faire, notre modèle républicain a permis l’émergence d’une fonction publique de carrière, donc du temps long, fondée sur les notions d’égalité, de responsabilité et d’impartialité. Ce modèle visait à garantir l’accès aux services publics à l’ensemble de nos concitoyens et en tout lieu.
Avec ce projet de loi, vous jouez un jeu extrêmement dangereux qui affecte la continuité territoriale de l’action publique et l’égal accès ou l’accès non discriminatoire au service public.
Ce texte jette le trouble sur la probité des agents du service public, qui demain seront contractuels, donc soumis aux aléas des jeux politiques, puisqu’ils seront très directement employés par l’autorité politique. Nous craignons non seulement le retour de l’arbitraire et du clientélisme, mais également le retour du fonctionnaire sujet, rouage de l’administration, contre lequel le statut s’est construit.
Votre projet, au fond, revient à faire disparaître l’État et à supprimer 120 000 fonctionnaires, que ce soit par le biais des ruptures conventionnelles ou des procédures de détachement d’office.
À ce titre, nous sommes satisfaits que la commission mixte paritaire ait permis de maintenir l’exclusion des conseillers techniques sportifs des détachements d’office votés par le Sénat. C’est un moindre mal.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Tout de même !
M. Pascal Savoldelli. Pour le reste, toutes les aggravations ont été maintenues, notamment les attaques contre le droit de grève. Après la remise en cause du rôle des commissions administratives paritaires, voilà un nouvel exemple du peu de cas que vous faites du dialogue social et des droits fondamentaux.
Enfin, ce projet de loi favorise une précarité accrue par un recours étendu aux futurs contrats de projet, qui concerneront demain l’ensemble des catégories de la fonction publique. Il s’agira de fonctionnaires de seconde zone pour un service de seconde zone, qui justifiera demain la privatisation de pans entiers de service public.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre ce texte qui organise le dépérissement de la fonction publique et la captation de l’appareil d’État par les intérêts privés, en détournant de l’intérêt général les finalités de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. Tout ce qui est excessif est dérisoire !
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jérôme Durain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, les sénateurs et sénatrices socialistes portent un regard nuancé sur la version finale d’un projet de loi issu d’un compromis entre la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat.
Il serait pourtant incorrect de ne pas rappeler que le projet de loi avait été profondément amélioré après son passage au Sénat en première lecture. C’est la preuve que la droite sénatoriale avait su faire preuve d’écoute à cette occasion.
Nous sommes déçus de ne pas avoir trouvé la même oreille du côté de La République En Marche, ce qui explique que plusieurs des avancées défendues en séance par les sénateurs socialistes soient absentes du texte de la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire a toutefois conservé deux de nos apports importants, à savoir l’exclusion des conseillers techniques sportifs du détachement d’office et le contrôle de la HATVP lorsque les collaborateurs de l’Élysée et les membres de cabinets ministériels créent une entreprise en cas de pantouflage et de rétropantouflage. M. Kanner, les amoureux du sport dans cet hémicycle, d’un côté, M. Sueur et les sénateurs de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla, de l’autre, s’en féliciteront à n’en pas douter !
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument, nous nous en félicitons ! (Sourires.)
M. Jérôme Durain. Pour le reste, l’essentiel des apports du groupe socialiste qui ont été adoptés par le Sénat a été supprimé.
La liste en est longue : la généralisation de la règle selon laquelle un emploi ne peut être réservé à un contractuel ; le délai minimal du contrat de projet fixé à dix-huit mois ; la définition des centres des intérêts matériels et moraux par décret ; le recouvrement automatique des sommes dues par un fonctionnaire qui n’a pas honoré son engagement de servir ; l’interdiction par les représentants d’intérêts d’exercer toute action pour le compte ou auprès d’une personne morale de droit public, dont ils ont été l’agent public au cours des trois dernières années ; l’allongement à dix-huit mois du délai laissé aux employeurs pour négocier la durée du temps de travail ; l’évaluation à mi-parcours de l’expérimentation de la rupture conventionnelle ; enfin, la suppression du caractère obligatoire de la pénalité financière pour défaut d’élaboration d’un plan d’action d’égalité professionnelle entre femmes et hommes – il y avait pourtant là matière, nous semble-t-il, à enrichir le travail collectif.
Toutes ces mesures positives, la majorité La République En Marche – Les Républicains de la commission mixte paritaire n’en a pas voulu.
Cette majorité s’est en revanche entendue pour conserver l’élargissement du recours au contrat de projet à toutes les catégories d’emploi et du recours au contrat sur les emplois permanents de la fonction publique territoriale ; une version de la prime de précarité réduite à la portion congrue, puisque les plus précaires des contrats de la fonction publique hospitalière en sont exclus ; la restriction du droit de grève dans la fonction publique territoriale ; la cessation de la prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d’emploi au bout de cinq ans ; enfin, la prise en charge du financement de l’apprentissage par le CNFPT à hauteur de 50 %.
Vous aurez compris que notre regard, déjà sévère sur le projet de loi originel, se soit considérablement assombri. Nous voterons donc contre ce projet de loi, d’ailleurs rejeté par les organisations syndicales représentatives de la fonction publique.
M. Vallaud a rappelé à l’Assemblée nationale que nous sortions de la longue histoire de la fonction publique avec ce texte. Permettez-moi d’ajouter que vous imposez ce tournant dans un contexte social pourtant difficile. Alors que M. le secrétaire d’État a confirmé le gel du point d’indice, nos inquiétudes persistent sur la manière dont le dialogue social pourra être mené avec les reculades que comporte ce texte.
La santé au travail et les risques professionnels seront relégués au second plan avec la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La transparence des évolutions de carrière ne sera plus assurée, puisque les commissions administratives paritaires ne seront plus consultées sur les mutations, les avancements et les promotions.
Récemment, on a vu une députée du groupe La République En Marche proposer un jour de carence universel pour revenir sur l’inégalité entre salariés du privé couverts par une mutuelle et fonctionnaires. Ce jour de carence pour le public n’était-il pas supposé instaurer l’égalité entre les salariés du public et du privé ? Ce nivellement par le bas sur les absences de courte durée illustre bien la tendance à l’œuvre aujourd’hui.
En outre, je crains que nous ne vivions la même histoire avec la réforme des retraites à venir : les fonctionnaires titulaires et contractuels ne semblent pas sauter au plafond à l’annonce de cette réforme à venir, ou alors il s’agit de manifestations de soutien qui m’ont échappé.
Cette réforme bénéficiera-t-elle aux employeurs publics ? Si certaines mesures faciliteront leur quotidien, je crains que, très vite, nous ne regrettions le peu de progrès sociaux que cela entraînera pour la fonction publique en termes d’attractivité.
Votre philosophie est de privilégier le recours aux contractuels pour répondre à des besoins qui sont, selon vous, trop difficiles à satisfaire à cause de l’inertie supposée de la fonction publique. Mais ce faisant, vous courez le risque de faire perdre à la fonction publique l’un de ses principaux avantages concurrentiels : le statut de ses agents.
J’aime à rappeler cet exemple, relevé par la presse, d’une SNCF qui peine à attirer des candidats aux postes les plus exposés à la concurrence en termes de recrutement. Il ne suffit pas de rappeler les vertus supposées d’une nouvelle culture managériale pour compenser cette faiblesse.
Mes chers collègues, nous rejetons cette réforme de la fonction publique dont les effets délétères se feront probablement sentir sur le long terme. Ce gouvernement supprime sans doute moins de postes de fonctionnaires que ne l’aurait souhaité M. Fillon, mais ce texte menacera la fonction publique dans son ADN d’égal accès aux emplois publics, garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yves Daudigny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure du bilan du travail parlementaire accompli lors de ces quelques mois d’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, je tiens, tout d’abord, à souligner l’extrême efficacité de notre procédure législative.
Entre son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale le 27 mars dernier et notre vote d’aujourd’hui, quatre mois ont suffi pour parvenir à un compromis transpartisan sur des sujets aussi sensibles que l’encadrement du droit de grève, la réforme des commissions administratives paritaires ou l’encadrement du temps de travail. Si certains d’entre nous y voient de la précipitation, notre groupe en fait une tout autre lecture, en considérant que ce texte donne force de loi à des propositions restées en souffrance pendant plusieurs années.
Il suffit de relire les comptes rendus des auditions de commission ou le compte rendu de la séance pour en prendre conscience.
À l’Assemblée nationale comme ici, à l’image de notre représentativité, les points d’opposition sont connus depuis longtemps : le poids des syndicats dans la fonction publique, l’articulation entre un statut de la fonction publique territoriale et l’autonomie des collectivités, l’équilibre entre les droits et les obligations des agents, ou encore le périmètre de leur statut. En réalité, la question reste toujours la même : quelle forme donner à l’État pour qu’il satisfasse les besoins de nos concitoyens ?
« Ce qu’il faudrait faire aujourd’hui, c’est un État plus ramassé, mais plus efficace dans l’accomplissement des missions qui sont les siennes » déclarait M. Jacques Toubon le 3 mai 1983, en réponse à M. Anicet Le Pors. Quelle intemporalité, me direz-vous !
Il faut donc saluer notre rigueur collective, qui nous a conduits à ne pas laisser errer davantage nos débats sur des sujets pour lesquels nous connaissons ô combien la position des uns et des autres et à nous concentrer sur des problématiques qui nécessitaient un consensus.
C’est le cas du contrôle de déontologie pour les mobilités entre les agents du secteur privé et du secteur public. Dès lors que l’on encourage davantage ces mobilités, notamment depuis la loi du 3 août 2009, il fallait nécessairement adapter un dispositif qui avait été pensé au moment où celles-ci avaient vocation à rester marginales.
Il est clair que, depuis 1983 et, plus encore, depuis 1946, les parcours professionnels des Français ont évolué en s’allongeant et en se diversifiant. La fonction publique ne peut rester hermétique à ces changements, et c’est pourquoi, au sein du groupe du RDSE, nous avons toujours défendu une approche pragmatique en la matière : autoriser les mobilités tout en prévenant les conflits d’intérêts.
Le système finalement retenu devrait permettre de simplifier la vie de la majorité des agents souhaitant se reconvertir professionnellement, à l’exception de « ceux dont la nature ou le niveau de fonction le justifient ».
Nous saluons la version finale de l’article 16 retenue par la CMP – cela m’offre l’occasion de saluer également le travail de nos rapporteurs –, notamment l’inscription d’un contrôle en cas de réintégration d’un fonctionnaire et la publicité de la HATVP. Nous verrons à l’usage si les sanctions prévues et la composition du nouveau collège permettent de mettre fin aux travers attribués à la commission de déontologie.
Alors que, en 1983, on débattait de la suppression de la catégorie D, ce sujet déontologique a fait émerger la question de la reconnaissance d’une catégorie A+. Nous pensons qu’une telle reconnaissance serait opportune, dès lors qu’elle concernerait les catégories d’emploi les plus proches du pouvoir politique, afin d’appliquer à celles-ci des règles spécifiques.
Enfin, le maintien d’une obligation de documenter le phénomène de pantouflage et l’obligation de remboursement de frais de scolarité à l’article 16 ter constituent une première étape dans la restauration de la force de l’engagement décennal.
Je voudrais également souligner quelques avancées en matière sociale : une meilleure prise en compte du handicap des agents publics, pour laquelle le Sénat a fourni un travail décisif, mais également certaines évolutions législatives destinées à améliorer l’articulation entre vie de famille et vie professionnelle pour les femmes et adapter les avantages familiaux à la nouvelle fragilité des couples. Sur ce dernier point, je fais référence à l’adaptation du supplément familial de traitement, introduite sur notre initiative, qui devrait contribuer à apaiser les relations financières après la séparation d’un couple d’agents publics.
Nous retenons par ailleurs des avancées contrastées selon la fonction publique concernée.
Dans la fonction publique territoriale, les avancées sont considérables pour les employeurs locaux, grâce au maintien par la CMP des apports du Sénat dans un texte déjà imprégné de la sensibilité du secrétaire d’État à ces sujets. Nous espérons que le texte permettra de faciliter le recrutement d’anciens agents du ministère de l’intérieur dans les rangs des policiers municipaux, un sujet que j’avais soulevé dès l’examen en commission.
Concernant la fonction publique hospitalière, nous retenons également quelques avancées, telle que la création d’une prime collective, bien que la situation de départ soit particulièrement dégradée.
Concernant la fonction publique d’État, enfin, les portées des modifications introduites sont les plus difficiles à anticiper et divisent les membres de notre groupe.
Pour certains d’entre nous, la marginalisation des commissions administratives paritaires, ou CAP, et les mesures visant à renforcer le recours aux contractuels menacent à terme le statut.
D’autres y voient au contraire des moyens de revitaliser une machine étatique, par la diversification des modes de recrutement et le renforcement de la notion de carrière, qui peuvent s’avérer être un moyen de sauver le statut. Ces derniers considèrent pour autant qu’une attention particulière doit être portée aux risques de précarisation des contractuels, qui sont finalement les plus vulnérables de nos agents publics.
Dans l’attente que l’avenir infirme ou confirme ces dernières observations, les votes seront donc divisés au sein du groupe du RDSE, avec une majorité d’abstentions, quelques voix pour et quelques voix contre, comme il sied à la liberté de vote de notre groupe. (Applaudissements sur le banc des commissions.)