M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Votre jugement me paraît un peu court, madame la ministre.
Certes les rapports ne sont pas toujours la solution, mais si j’insiste pour que soit réaffirmé l’intérêt de la filière de cogénération bois, c’est parce que je sais que votre ministère compte des gens qui pensent qu’elle n’est pas importante.
Si vous disiez très clairement, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous attachez beaucoup d’importance à cette filière et que vous la soutiendrez à l’avenir, j’accepterais de retirer mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Vous allez me trouver bavard, monsieur le président, mais ce sujet est important. Je vais ensuite être obligé de quitter l’hémicycle pour assister à d’autres travaux sénatoriaux.
L’amendement de M. Adnot est intéressant, mais on peut faire beaucoup mieux avec le bois. Je saisis l’occasion qui m’est ici offerte pour vous en parler.
Le Commissariat à l’énergie atomique, le CEA, a développé à Bure – vous voyez de quoi je veux parler – un système de transformation du bois en carburant, le procédé Fischer-Tropsch, que vous connaissez bien.
Par manque de financement, et parce que le baril de pétrole coûte non plus 100 dollars, mais 60, le CEA a arrêté de travailler sur ce procédé. On sait cependant aujourd’hui transformer le bois en gaz et le gaz en kérosène, par exemple.
Je trouve dommage qu’un organisme d’État ne prépare pas l’avenir, même s’il est un peu lointain. Un jour, le prix du baril de pétrole s’établira de nouveau à 100 dollars. Il sera alors intéressant de transformer le bois en kérosène ou en tout autre carburant.
Monsieur Adnot, on peut toujours faire brûler le bois de façon très moderne et très efficace, mais on peut faire beaucoup mieux : on peut le transformer en carburant. Les constructeurs de réacteurs d’avion sont très intéressés par ce carburant issu du bois, car, étant très pur, il serait très bon pour les réacteurs.
Par conséquent, madame la ministre, je ne peux que vous inciter à permettre au CEA de poursuivre ses études.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. En fait, on peut faire beaucoup de choses avec le bois. C’est ce qui fait la richesse et les vertus de ce matériau.
Aujourd’hui, grâce à la recherche et au développement, grâce à l’innovation, nous trouvons d’autres usages du bois, précieux pour l’avenir, et nous n’avons pas fini d’en découvrir.
Mon collègue a raison. Comme lui, j’aimerais, madame la ministre, que vous vous prononciez sur les multiples usages du bois. Il ne faudrait pas fermer systématiquement la porte à la cogénération. Dans un certain nombre de cas, après transformation du bois, des unités se retrouvent avec des déchets connexes qu’il serait tout à fait judicieux d’utiliser pour faire de la cogénération, pour alimenter ici les séchoirs, là une unité en électricité.
Je le répète, il ne faut pas fermer la porte à cette utilisation, dans le respect toutefois de la hiérarchie des usages. Nous plantons des arbres d’abord pour faire du bois d’œuvre, ensuite pour faire de nombreuses autres choses avec les déchets ou les produits connexes.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je partage le point de vue de notre collègue Loisier sur la filière du bois et sur les multiples usages de ce matériau, notamment dans le contexte du réchauffement climatique.
Vous avez certainement lu, madame la ministre, le rapport qui a été remis par des scientifiques le 5 juillet dernier, dans lequel est expliqué que pour absorber deux tiers des gigatonnes de carbone émis par les humains, il faudrait replanter 1 200 milliards d’arbres, soit une grande partie de la surface de l’Europe.
À cet égard, il me paraît difficile de ne pas évoquer la Guyane, qui comprend une partie du poumon de l’humanité, lequel est aujourd’hui menacé par la déforestation massive, pas uniquement du côté brésilien, par M. Bolsonaro, mais également du côté français. Ainsi, 360 000 hectares de forêt – je dis bien : 360 000 hectares ! – sont aujourd’hui menacés du fait de l’orpaillage illégal – c’est un véritable fléau contre lequel il nous faut lutter –, mais aussi en raison des projets de mines industrielles.
Alors que nous examinons l’article 1er du projet de loi et que nous souhaitons parvenir à la neutralité carbone, il ne faut pas que les actes viennent contredire les beaux discours et les belles ambitions. Nous ne pouvons contribuer à la déforestation massive de la forêt amazonienne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. La filière bois est évidemment importante à de nombreux égards, notamment en raison des enjeux énergétiques.
Je souligne toutefois que la ressource est contrainte. On ne peut pas utiliser le bois dans tous les cas. Aujourd’hui, c’est pour produire de la chaleur que ce matériau est le plus efficace. Nous avons donc eu tendance, dans nos appels à projets récents, à orienter le bois vers la production de chaleur.
Nous devrons aussi travailler sur les biocarburants aériens. Vous le savez, nous avons préparé une feuille de route. Il faudra trouver, en attendant les générations d’avions post-2035 fonctionnant avec des piles à combustible ou à hydrogène, les bonnes filières de production de biocarburants aériens. Dans ce cadre, la filière bois est l’une des pistes sur lesquelles nous pourrons travailler.
M. le président. Monsieur Adnot, l’amendement n° 81 est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. J’ai dit que je le retirerais si j’avais des réponses…
M. le président. Vous vous êtes déjà exprimé en explication de vote, monsieur Adnot. Votre amendement est-il retiré ?
M. Philippe Adnot. Non,…
M. le président. L’amendement n° 81 est donc maintenu. (M. Philippe Adnot continue de s’exprimer.) Je le mets aux voix !
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 158, présenté par M. Courteau, Mmes Préville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’énergie est ainsi modifiée :
1° À la première phrase de l’article L. 141-1, les mots : « La programmation pluriannuelle de l’énergie, fixée par décret, », sont remplacés par les mots : « Les orientations pluriannuelles en matière de politique énergétique sont définies par une loi de programmation qui » ;
2° L’article L. 141-4 est ainsi modifié :
a) Au début du I, après le mot : « La » , sont insérés les mots : « loi de » ;
b) Au premier alinéa du III, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « de loi » ;
c) À la seconde phrase du deuxième alinéa du III, après le mot : « première », sont insérés les mots : « loi de » ;
d) Les deux derniers alinéas du III sont supprimés ;
3° L’article L. 141-5 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa du I est ainsi rédigé : « Pour la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon et les îles Wallis et Futuna, la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet de dispositions distinctes, qui s’appuient sur… (le reste sans changement). » ;
b) À la première phrase du premier alinéa du II, après la seconde occurrence du mot : « la », sont insérés les mots : « loi de » ;
c) Le III est abrogé.
d) Au IV, après le mot : « la », sont insérés les mots : « loi de » ;
4° À l’article L. 141-6, après la seconde occurrence du mot : « la », sont insérés les mots : « loi de ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à faire passer la programmation pluriannuelle de l’énergie du niveau réglementaire à l’échelon législatif, en prévoyant une loi de programmation. Certes, il ne nous a pas échappé que l’article 1er bis A, introduit par les députés, prévoit désormais l’adoption tous les cinq ans d’une loi fixant les objectifs et les priorités d’action de la politique énergétique nationale.
C’est une avancée, et nous nous félicitons que le Parlement puisse de cette manière être associé à la programmation pluriannuelle de l’énergie grâce à une loi quinquennale.
Notre ambition est toutefois beaucoup plus large, et nous restons sur notre faim.
Nous proposons donc, par le biais de cet amendement, une vraie loi de programmation. Non seulement celle-ci fixera des objectifs, mais elle entrera également dans les détails, en comprenant ce qui est le plus important : les annexes budgétaires et la planification des moyens consacrés à l’atteinte des résultats souhaités – j’insiste sur ce dernier point, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. La finalité de cet amendement, qui vise à permettre au Parlement de fixer les priorités d’action en matière d’énergie, est légitime. Pour autant, le dispositif proposé est redondant avec la loi quinquennale créée par l’article 1er bis A, qui permet au législateur de fixer, notamment, les priorités d’action dans le domaine de l’énergie.
Au demeurant, il est moins ambitieux que cette loi, dont le champ s’étend également à la politique climatique.
En outre, tel qu’il est rédigé, cet amendement conduit le législateur à se prononcer, non seulement sur les priorités d’action, mais aussi sur le contenu même de sept volets très techniques, qui relèvent clairement du domaine réglementaire.
Enfin, il nie la spécificité de la Corse et des collectivités d’outre-mer, en tendant à supprimer l’existence des huit PPE distinctes et à retirer une compétence à certaines collectivités où la PPE est intégrée au schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie.
Plutôt que de créer une nouvelle loi, il est préférable de tout mettre en œuvre pour appliquer la loi quinquennale, d’autant que la commission l’a renforcée par huit amendements. C’est donc à une véritable inversion de la hiérarchie des normes que nous nous sommes attelés et je suis convaincu qu’elle restaurera pleinement le rôle de législateur par rapport au pouvoir réglementaire dans les domaines de l’énergie et du climat.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Cet amendement me semble en effet largement satisfait par l’article 1er bis A, qui met en place une loi quinquennale visant à revoir tous les cinq ans les objectifs de la politique énergétique. Ce même article prévoit que la PPE est établie douze mois après cette loi et qu’elle précise les actions à mettre en œuvre.
En conséquence, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 158 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Nous souhaitions aller beaucoup plus loin que la loi quinquennale. Mais ne voulant pas avoir de problèmes avec la Corse, je préfère retirer cet amendement, monsieur le président… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 158 est retiré.
L’amendement n° 297, présenté par Mme Benbassa et M. Gontard, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autorisation mentionnée à l’article L. 311-1 ne peut être délivrée pour une nouvelle installation de production d’électricité nucléaire. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La part du nucléaire civil dans le mix énergétique français représente environ 70 % de notre production électrique. À titre de comparaison, les énergies renouvelables en totalisent moins de 20 %.
Alors que les gouvernements successifs nous assurent que la transition énergétique est enclenchée et que nous allons, dans les années à venir, nous tourner davantage vers les énergies vertes, force est de constater que les efforts sont pour le moment timides.
Il semble ainsi évident que l’ouverture de nouvelles centrales nucléaires tuerait dans l’œuf toute ambition en matière d’énergie verte. Le présent amendement vise donc à introduire dans la loi l’interdiction de l’ouverture de nouvelles centrales nucléaires, afin de rendre effective la volonté affichée par l’exécutif de produire des énergies plus propres.
Nous ne prenons pas à la légère les nombreux emplois que représente encore aujourd’hui le parc nucléaire français, tout comme nous ne nions pas que cette énergie est décarbonée.
Nous ne pouvons toutefois accepter le risque dû à l’exploitation de cette énergie pour nos concitoyens. Personne ne veut qu’un Tchernobyl ou un Fukushima se produise sur notre territoire. Si développé soit-il, le savoir-faire français ne peut assurer un risque zéro lorsqu’il s’agit de manipuler de la matière radioactive. Il est temps de passer à un modèle énergétique véritablement durable.
Le présent amendement ne peut que nourrir cette dynamique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le dispositif présenté empêcherait de mettre en place de nouveaux équipements permettant de remplacer les anciens, ce qui nuirait in fine à la sûreté nucléaire ainsi qu’à la réalisation concrète de la trajectoire de réduction de la production nucléaire à 50 % de la production d’électricité d’ici à 2035, comme le prévoit l’article 1er.
De surcroît, cet amendement relève du domaine réglementaire.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. La centrale de Flamanville, par exemple, n’a pas encore reçu son autorisation d’exploiter au titre de l’article L. 311-1 du code de l’énergie. Adopter une telle disposition empêcherait donc cette centrale de produire et de valoriser son électricité.
Par ailleurs, comme cela a été explicité dans le projet de PPE, le Gouvernement souhaite laisser ouverte l’option de construction de nouveaux réacteurs. Un rapport sur le sujet doit être remis mi-2021.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable, afin de laisser ouverte cette option et de permettre la mise en exploitation de la centrale de Flamanville.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je voterai naturellement contre cet amendement, en m’appuyant notamment sur deux arguments.
Premièrement, vous ne précisez pas, ma chère collègue, que votre proposition vise les centrales nucléaires en vue de la production d’électricité. N’oubliez pas que celles-ci peuvent également servir à produire de l’eau potable, ce qui est important pour beaucoup de pays en période de réchauffement et de dérèglement climatiques.
Le Commissariat à l’énergie atomique a aussi dans ses cartons le projet de centrales à neutrons rapides Astrid, extrêmement prometteur pour la France. Je me demande d’ailleurs ce qu’attend le Gouvernement pour donner le feu vert et les moyens au CEA de développer cette filière.
Deuxièmement, s’agissant de sûreté nucléaire, vous semblez oublier que les accidents de Tchernobyl, Fukushima et Three Mile Island aux États-Unis ont été provoqués par des fautes humaines. Le nucléaire n’est pas en cause. La lecture des rapports sur les fautes commises à Fukushima est édifiante : c’est véritablement scandaleux ! Quant à Tchernobyl, ce sont des savants un peu fous qui ont tenté une expérience interdite.
Il ne faut pas crier haro sur le nucléaire par principe. En revanche, il faut faire le maximum sur la sûreté nucléaire.
Je vais d’ailleurs devoir vous quitter, madame la ministre, mes chers collègues, pour assister à une audition consacrée à Flamanville. Je serais certainement amené à me rapprocher de vous par la suite, madame la ministre, car le sujet est très grave.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je veux réagir aux propos de l’orateur précédent sur la question de l’eau. Le nucléaire participe peut-être à la production d’eau potable, mais il en consomme aussi énormément et il réchauffe les eaux des fleuves. Or certains cours d’eau sont très bas à l’heure actuelle. Environ 54 % de l’eau de surface est pompée pour produire l’énergie, puis réinjectée sous forme d’eau chaude incomplètement traitée, avec des conséquences sur la biodiversité.
Certes, le nucléaire est une énergie décarbonée, mais il a quand même des conséquences directes sur l’environnement, sans même parler du problème des déchets.
Quant à l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % dans la production d’électricité d’ici à 2035, il va falloir se donner les moyens de l’atteindre. J’entends qu’il faudra ouvrir de nouvelles centrales pour compenser celles qui ferment, mais on prolonge aussi celles qui devaient fermer.
J’ai l’impression que nous restons dans une logique de dépendance à l’égard du nucléaire. À un moment, il faudra peut-être réfléchir différemment.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ce débat sur le nucléaire irrigue l’ensemble de la société et des courants politiques et nous serons un certain nombre, au sein de mon groupe, à ne pas voter pour cet amendement.
Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises : sur ce sujet comme sur d’autres, il faut éviter tout extrémisme. Il ne faut pas renforcer le sentiment de peur, parfois irrationnel, qui s’exprime au sein de la population et qui peut nous empêcher de progresser sur la voie d’une production énergétique répondant aux besoins de nos concitoyens et relevant les défis des années à venir. En même temps, il ne faut pas sous-estimer les risques inhérents aux différentes productions d’énergie.
Je le dis toutefois très tranquillement : affirmer d’ores et déjà que nous nous opposerons à toute nouvelle installation de production d’électricité nucléaire reviendrait à remettre en cause notre indépendance énergétique. En effet, nous n’avons pas aujourd’hui les moyens de pallier le non-remplacement des centrales nucléaires existantes avec les seules énergies dites alternatives ou renouvelables.
Nous avons débattu à plusieurs reprises de cette question ici même, à l’occasion de l’examen de plusieurs textes. La plupart des énergies renouvelables sont livrées au marché et ne permettent pas de répondre aux mêmes enjeux qu’une électricité soumise à une gestion nationale.
En l’état, affirmer qu’il n’y aura plus de nouvelles installations de production d’électricité nucléaire serait à mon avis un grand recul pour notre indépendance énergétique et pour la satisfaction des besoins de la population, notamment s’agissant des transports ou du développement industriel.
Sans surprise, et très sereinement, nous aurons donc des votes différents sur cet amendement au sein du groupe CRCE. (MM. Sébastien Meurant et Bruno Sido applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Cette dernière explication de vote me rassure, monsieur le président : Mme Benbassa a exprimé une position personnelle, et en aucun cas celle du parti communiste.
Je considère que, lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, la décision de diminuer la part de l’électricité provenant du nucléaire à 50 % était une véritable bêtise.
Nous avions par ailleurs tracé une ligne rouge : les deux réacteurs de Fessenheim ne fermeraient que lorsque la centrale de Flamanville démarrerait.
Madame la ministre, vous venez de nous rappeler que cette centrale ne commencerait peut-être à produire qu’en 2022. J’aurais aimé aussi que vous rassuriez toute l’économie française, en vous engageant à ne pas toucher à Fessenheim tant que Flamanville n’aura pas démarré.
Madame Benbassa, votre formation politique avait voté avec nous, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, lors du vote du projet de loi relatif à la transition énergétique. Mais je suis à présent rassuré : le parti communiste partage notre ligne s’agissant des atouts du nucléaire.
Mme Cécile Cukierman. Pas complètement non plus !
M. Ladislas Poniatowski. N’allons pas trop vite dans la diminution de la part du nucléaire, car la France, aujourd’hui, ne peut pas s’en passer.
J’espère au demeurant que ce qui est inscrit dans la loi ne sera pas respecté. Sinon, notre économie ne tiendra pas le coup.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je tiens à apporter une petite correction : je ne suis pas communiste, je suis écologiste ! (Sourires.) C’est sans doute plus clair ainsi.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Notre position sur le sujet est connue : nous ne sommes pas pour le tout nucléaire, mais nous ne sommes pas non plus contre le nucléaire. Nous sommes pour le rééquilibrage du bouquet énergétique de la France, d’où notre volonté, lors du débat sur la loi relative à la transition énergétique, en 2015, de ramener la part du nucléaire de 76 % environ à 50 %.
Nous n’avons pas été très réalistes, je le reconnais volontiers, ayant moi-même défendu l’horizon 2025 à cette même tribune. En revanche, il me semble possible d’atteindre l’objectif en 2035.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous n’avons pas fini d’avoir ce débat, compte tenu des enjeux.
Il me semble également que, en l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, nous ne pouvons pas nous passer du nucléaire. Si nous ne produisions plus cette énergie en France, nous pourrions être contraints d’en importer, voire d’importer de l’énergie provenant de sources encore plus dangereuses, notamment au regard des enjeux climatiques. Nous ne voterons donc pas en faveur de cet amendement.
Des engagements ont en effet été pris pour que la centrale de Fessenheim ne ferme pas tant que celle de Flamanville ne sera pas en service.
M. André Reichardt. Il faut les rappeler !
Mme Céline Brulin. Le nucléaire, c’est dangereux. Personne ne le contestera ici. Mais c’est encore plus dangereux dans le cadre du libéralisme. (M. Bruno Sido s’exclame.)
À Flamanville, on assiste à de la sous-traitance en cascade, à l’emploi de travailleurs détachés. Des entreprises extrêmement connues ont même frôlé la correctionnelle pour ce motif.
Nous voyons des choses extrêmement inquiétantes et nous devons être très vigilants. Le nucléaire doit rester public, et certains de nos collègues devraient nous rejoindre dans la défense de cet objectif.
M. Roland Courteau. C’est le cas en ce qui nous concerne.
Mme Céline Brulin. Le libéralisme est très dangereux pour cette filière, et c’est pourquoi nous nous battrons pour un mix énergétique équilibré sous maîtrise publique et citoyenne.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 297.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er bis A
I. – Avant l’article L. 100-1 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 100-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 100-1 A. – I. – Avant le 1er janvier 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique.
« Cette loi précise :
« 1° Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour trois périodes successives de cinq ans ;
« 2° Les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale et notamment les objectifs de réduction de la consommation énergétique primaire fossile, par énergie fossile, pour deux périodes successives de cinq ans, ainsi que le niveau des obligations d’économies d’énergie prévues à l’article L. 221-1, pour une période de cinq ans ;
« 3° Les objectifs de développement dans la consommation finale brute d’énergie des énergies renouvelables pour l’électricité, la chaleur, le carburant et le gaz pour deux périodes successives de cinq ans ;
« 4° Les objectifs de diversification du mix de production d’électricité pour deux périodes successives de cinq ans ;
« 5° (nouveau) Les objectifs de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, pour deux périodes successives de cinq ans ;
« 6° (nouveau) Les objectifs permettant l’atteinte ou le maintien de l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer.
« II. – Sont compatibles avec les objectifs visés au I :
« – la programmation pluriannuelle de l’énergie, mentionnée à l’article L. 141-1 du présent code ;
« – le plafond national des émissions de gaz à effet de serre, dénommé “budget carbone”, mentionné à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement ;
« – la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone, dénommée “stratégie bas-carbone”, ainsi que les plafonds indicatifs des émissions de gaz à effet de serre dénommés “empreinte carbone de la France” et “budget carbone spécifique au transport international”, mentionnés à l’article L. 222-1 B du même code ;
« – le plan national intégré en matière d’énergie et de climat et la stratégie à long terme, mentionnés respectivement aux articles 3 et 15 du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil ;
« – la stratégie de rénovation à long terme, mentionnée à l’article 2 bis de la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments.
« III. – Le cas échéant, lorsqu’un plan ou un programme de niveau national mentionné au II fait l’objet d’un débat public devant la Commission nationale du débat public, en application du IV de l’article L. 121-8 du code de l’environnement, ce débat ne peut être tenu qu’après la publication de la loi prévue au I. »
II. – La section 1 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de l’énergie est ainsi modifiée :
1° La première phrase de l’article L. 141-1 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « établit les priorités » sont remplacés par les mots : « définit les modalités » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ainsi que par la loi prévue à l’article L. 100-1 A du même code » ;
2° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 141-3, les mots : « , sauf pour la première période de la première programmation qui s’achève en 2018 » sont supprimés ;
3° Le I de l’article L. 141-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est publiée dans un délai de douze mois à compter de l’adoption de la loi prévue à l’article L. 100-1 A du présent code et couvre les deux premières périodes de cinq ans de cette dernière. »
III. – La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre II du livre II du code de l’environnement est ainsi modifiée :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 222-1 B est ainsi modifié :
a) La première phrase du I est ainsi modifiée :
– les mots : « la marche à suivre » sont remplacés par les mots : « les modalités d’action » ;
– sont ajoutés les mots : « afin d’atteindre les objectifs définis par la loi prévue à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie » ;
b) À la fin de la première phrase du premier alinéa du II, les mots : « ainsi que par catégories de gaz à effet de serre lorsque les enjeux le justifient » sont remplacés par les mots : « par secteur d’activité, ainsi que par catégorie de gaz à effet de serre » ;
3° (nouveau) Le second alinéa de l’article L. 222-1 C est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour la période 2029-2033, le budget carbone et l’actualisation concomitante de la stratégie bas-carbone sont publiées au plus tard le 1er janvier de la neuvième année précédant le début de la période.
« Pour les périodes 2034-2038 et suivantes, le budget carbone et l’actualisation concomitante de la stratégie bas-carbone sont publiés au plus tard dans les douze mois qui suivent l’adoption de la loi prévue à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie. »
IV (nouveau). – Après le 3° du II de l’article 206 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2019 de finances pour 2019, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Un état évaluatif des moyens de l’État et de ses établissements publics qui seraient nécessaires à la mise en œuvre des objectifs déterminés par la loi prévue à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie. »
V (nouveau). – Par dérogation aux articles L. 100-1 A et L. 221-1 du code de l’énergie dans leur rédaction résultant de la présente loi, au plus tard six mois avant l’expiration de la quatrième période d’obligations d’économies d’énergie prévues à l’article L. 221-1 du même code, le niveau des obligations à réaliser entre la fin de ladite période et le 31 décembre 2022 est fixé par la loi après publication, au plus tard le 31 juillet 2020, de l’évaluation mentionnée au dernier alinéa du même article L. 221-1 pour la période considérée.