Sommaire
Présidence de M. Philippe Dallier
Secrétaires :
M. Éric Bocquet, Mme Agnès Canayer.
3. Amélioration de la trésorerie des associations. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 12 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 13 de Mme Céline Brulin et sous-amendement n° 49 rectifié de M. Jean-Marc Gabouty
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Joël Guerriau
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Souhaits de bienvenue à une délégation de Wallis-et-Futuna
5. Questions d’actualité au Gouvernement
Mme Marie-Noëlle Lienemann ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Marie-Noëlle Lienemann.
grenelle des violences conjugales
Mme Laurence Rossignol ; Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
grève des professeurs lors du bac
M. Claude Malhuret ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
M. Michel Savin ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Michel Savin.
difficultés du financement de l’apprentissage
Mme Catherine Fournier ; Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail ; Mme Catherine Fournier.
M. Richard Yung ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
extension du plateau continental au large de saint-pierre-et-miquelon
M. Stéphane Artano ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Stéphane Artano.
Mme Christine Lavarde ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics ; Mme Christine Lavarde.
interdiction des serres chauffantes
M. Joël Labbé ; M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Joël Labbé.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
M. Philippe Madrelle ; M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice
ruptures de stocks de médicaments et officines
M. Michel Canevet ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; M. Michel Canevet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
6. Amélioration de la trésorerie des associations. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Article 1er bis (supprimé) (suite)
Amendement n° 13 de Mme Céline Brulin et sous-amendement n° 49 rectifié de M. Jean-Marc Gabouty (suite). – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.
Amendements identiques nos 19 du Gouvernement, 25 rectifié de M. Patrick Kanner et 47 de M. Thani Mohamed Soilihi (suite). – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Joël Guerriau (suite). – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 1er bis
Amendement n° 2 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié quater de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Articles additionnels après l’article 3
Amendement n° 37 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 10 rectifié bis de M. Rachid Temal. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 35 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Adoption de l’article.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 39 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet.
Amendement n° 30 rectifié bis de M. Henri Leroy. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 27 rectifié de M. Patrick Kanner. – Adoption.
Amendement n° 28 rectifié de M. Patrick Kanner. – Adoption.
Amendement n° 29 rectifié de M. Patrick Kanner. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 5 bis
Amendement n° 42 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Articles additionnels après l’article 5 ter
Amendement n° 14 rectifié bis de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 8 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Article 6 (suppression maintenue)
Intitulé de la proposition de loi
Amendement n° 5 rectifié ter de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
7. Création du Centre national de la musique. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Franck Riester, ministre de la culture
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 20 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 19 rectifié de M. Patrice Joly. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié de M. Vincent Delahaye. – Adoption.
Amendement n° 21 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Retrait.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 38 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 32 rectifié de M. Stéphane Artano. – Devenu sans objet.
Amendement n° 17 rectifié bis de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 30 de M. Pierre Ouzoulias. – Retrait.
Amendement n° 22 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Adoption.
Amendement n° 23 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 29 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Adoption.
Amendement n° 5 rectifié bis de Mme Marta de Cidrac. – Retrait.
Amendement n° 25 rectifié ter de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 6 rectifié bis de Mme Marta de Cidrac. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié ter de Mme Sylvie Robert. – Rejet.
Amendement n° 37 rectifié bis de Mme Nicole Duranton. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 27 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Retrait.
Amendement n° 3 rectifié bis de Mme Sylvie Vermeillet. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié de Mme Catherine Conconne. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Articles 4 bis, 5, 6, 7, 7 bis et 8 – Adoption.
Articles 8 bis et 8 ter (supprimés)
Article 9 (suppression maintenue)
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Dallier
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Agnès Canayer.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 4 juillet 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Raymond Tarcy, qui fut sénateur de Guyane de 1980 à 1989.
3
Amélioration de la trésorerie des associations
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer la trésorerie des associations (proposition n° 410, texte de la commission n° 600 rectifié, rapport n° 599).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons une nouvelle fois pour aborder les enjeux relatifs à la vie associative, après avoir examiné ensemble la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif. Nous travaillons à favoriser le développement des associations de notre pays, à promouvoir leur action, à assurer leur utilité sociale, leur pérennité et leur capacité de mutation, d’évolution et de diversification.
Le texte qui nous réunit cet après-midi traite d’un sujet majeur pour les structures associatives : leur trésorerie.
Comme le consacre l’adage, « l’argent est le nerf de la guerre » ; cela est d’autant plus vrai s’agissant d’associations dont les ressources sont, pour la grande majorité d’entre elles, limitées et complexes à obtenir et à élargir. Cette conviction, nous l’avons tous ici ; je la partage, en tant que secrétaire d’État chargé de la vie associative, mais aussi en tant qu’élu local, puisque, à mesure que les forums des associations se succèdent chaque année, nous prenons le pouls de ce qu’est aujourd’hui la réalité de la vie associative dans notre pays.
Nous avons lancé plusieurs chantiers pour développer et diversifier le financement des associations ou pour les aider à accroître leurs ressources. Je pense aux annonces que j’ai faites dans le cadre de ma feuille de route, que j’ai présentée le 29 novembre dernier, sur les groupements d’employeurs associatifs, pour faire des économies d’échelle, ou sur le plancher de dons à 10 000 euros, pour favoriser le mécénat des TPE et des PME dans les territoires, au plus près des organisations, dans une logique de synergie territoriale.
Cette proposition de loi intervient directement dans le cadre de ces chantiers et de cet objectif.
Elle a notamment pour objectif de lever les freins à la constitution de fonds propres par les associations, leur permettant d’investir ou de se projeter dans le plus long terme – nous savons combien c’est important pour elles. Elle a également pour objectif de leur permettre de recevoir leurs subventions dans des délais qui correspondent aux réalités de gestion quotidienne d’une association, et d’une structure en général. Elle a pour objectif, enfin, de leur permettre de profiter, par le biais du fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, notamment, des fonds bancaires associatifs inactifs, et donc non utilisés aujourd’hui ; ce sujet revient régulièrement dans le débat depuis maintenant plusieurs années.
Ce texte fait suite à un travail de longue haleine mené par l’ensemble des acteurs associatifs. Le Mouvement associatif a travaillé pendant un an à un rapport qui a été remis au Premier ministre il y a maintenant plus d’un an. Ce rapport, ensuite repris par un certain nombre de groupes politiques, m’a moi-même aidé à nourrir la feuille de route que j’ai présentée le 29 novembre dernier. Les mesures qui se retrouvent dans ce texte font directement écho à ce rapport du Mouvement associatif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce texte a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
Ce vote était important ; c’est un vote en faveur des associations et du développement de leur action dans les territoires, jour après jour, au plus près des citoyens, afin de répondre aux attentes et aux besoins sociaux : animer le périscolaire, gérer un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, mener des actions culturelles pour tous les âges, être aussi, parfois, des éclaireurs, qui nous alertent, nous, élus locaux, élus nationaux, dirigeants politiques, mais aussi, plus largement, qui alertent la société, sur des problématiques spécifiques.
Les associations sont indispensables à la vitalité de notre pays ; leur assurer des facilités complémentaires pour développer et gérer leur trésorerie, c’est participer à cette indispensable action.
Les deux ans qui viennent de s’écouler ont entretenu des doutes, des inquiétudes, parfois des critiques, dans le monde associatif, que la fin des emplois aidés a cristallisés. Cette mesure était essentielle, car il n’est pérenne pour aucune structure de bénéficier d’une forme de subventionnement déguisé, au travers d’un emploi, alors que les ressources ne sont ni stables, ni récurrentes, ni variées. Il faut penser la solidité et la pérennité des modèles associatifs en favorisant la diversification des ressources, des modèles d’organisation, des modèles économiques et des modèles de gouvernance, ainsi que le travail collaboratif, toutes ces mesures permettant une véritable structuration et un développement robuste.
Nous l’avons fait avec la baisse pérenne des cotisations sociales. Je rappelle que la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en baisse de charges, c’est 1,4 milliard d’euros de trésorerie rendus au secteur associatif, mesure qui se cumule, en 2019, avec les 500 millions d’euros inhérents au crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires.
Évidemment, il est question ici des associations qui salarient, donc pas de toutes les associations, et pas, en particulier, des associations de bénévoles ; mais c’est une mesure qu’il me semble important de rappeler, puisque des associations ayant un certain nombre de salariés voient nettement la différence sur leur trésorerie.
Nous l’avons fait aussi avec le lancement, le mois dernier, des premiers postes Fonjep, financés par l’intermédiaire du fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, dédiés aux groupements d’employeurs associatifs dans les territoires.
Nous allons continuer à le faire en poursuivant la simplification des demandes de subvention et la hausse progressive des conventions pluriannuelles d’objectifs qui sécurisent les ressources des associations.
C’est une demande très forte qui vient des associations : elles veulent plus de prévisibilité pour ce qui concerne leurs ressources. Nous y travaillons, nous avons commencé à y travailler s’agissant de la politique de la ville, et nous poursuivons ces travaux qui nécessitent évidemment une coordination avec les collectivités locales.
L’article 1er de cette proposition de loi a été supprimé en commission. Je le regrette ; c’est pourquoi je demanderai, au nom du Gouvernement, son rétablissement. Il permet en effet aux associations de conserver les excédents raisonnables liés à une subvention publique.
Cette disposition permettrait très concrètement de renforcer des logiques de performance sans rien renier de la mission d’intérêt général portée par les associations. Cela leur permettrait également de renforcer leurs fonds propres, leur donnant les moyens, demain, d’investir et de développer leurs actions sur les territoires, dans une logique, toujours, de prévisibilité et de prospective.
L’article 1er bis, quant à lui, visait à instaurer un délai maximal pour assurer le versement des subventions publiques. La discussion autour de ce délai a été l’occasion d’échanger avec un certain nombre d’associations d’élus des territoires, qui partageaient l’idée qu’il est nécessaire de donner de la visibilité aux associations et de se fixer des objectifs réalistes. Ce délai de soixante jours, donc, a été discuté avec les associations d’élus ; son instauration donne de la visibilité et sécurise l’action des associations au plus près des citoyens tout en préservant un délai de paiement réaliste et raisonnable, à la fois pour l’État et pour les collectivités locales.
L’article 2, qui n’a pas été modifié en commission, porte une mesure indispensable pour la simplification de la vie des associations, en leur permettant de réaliser des prêts à taux zéro entre structures d’un même groupement d’employeurs ou d’une même fédération. Il s’agit aussi d’une mesure d’incitation à la mutualisation des compétences et des ressources.
Cette mutualisation est un levier majeur pour le développement du monde associatif ; pour qu’elle soit réalisée, il faudra parfois passer outre des sentiments de concurrence ou d’animosité qui ont pu exister par le passé, mais qui minent la capacité de certains acteurs à travailler ensemble.
Cette mutualisation est dans bien des cas la condition d’une dynamique plus importante, du passage à l’échelle supérieure ou, tout simplement, de la concrétisation du premier emploi, dont on sait qu’il est souvent une marche très difficile à atteindre pour des structures associatives.
L’article 3 concerne l’analyse rendant possible la récupération des fonds des comptes bancaires associatifs inactifs, lesquels, au bout de trente ans, passent dans le budget général de l’État.
C’est là un serpent de mer, qui revient régulièrement, s’agissant du financement de la vie associative. L’an passé, ce sont 1,9 milliard d’euros de comptes bancaires inactifs qui ont été versés au budget général. Quelle part de ce montant relevait de comptes d’associations qui avaient été laissées en déshérence ? Nul ne le sait, puisque le tri et l’analyse ne sont pas faits aujourd’hui.
Il y a dans ce montant une part liée aux associations, nous le savons. Il nous faut l’identifier et en évaluer le volume. Cette part, je souhaite la voir réutilisée pour le développement de la vie associative ; c’est justice que des fonds en déshérence qui étaient liés à des associations d’hier puissent finalement bénéficier à des associations d’aujourd’hui. Tel est l’enjeu, très important, de cet article 3.
L’article 3 bis est né d’une très forte attente des parlementaires. Nous en avions parlé longuement, ici, dans le cadre de l’examen d’autres textes et de la procédure budgétaire : il s’agit en effet de prévoir la présence des parlementaires dans les commissions départementales du fonds pour le développement de la vie associative.
Ces commissions paritaires regroupent les représentants de l’État, des collectivités et des associations ; désormais, elles pourront intégrer des parlementaires. Il s’agit en définitive de se caler sur le même format que celui des commissions relatives à la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. Ce choix a été fait par parallélisme des formes, mais aussi et surtout dans l’objectif d’assurer une représentation garantissant le maintien du caractère mixte de ces commissions. La diversité des regards et des expertises est indispensable pour faire les choix les plus pertinents possible pour les territoires.
L’article 4 consistait, quant à lui, à permettre aux seules structures associatives reconnues d’intérêt général et fondations reconnues d’utilité publique de bénéficier de la mise à disposition d’un bien immobilier dont la propriété a été transférée à l’État, ce que l’on appelle communément les biens mal acquis. La commission du Sénat y a ajouté des organismes qui ne sont ni sous statut associatif ni reconnus d’intérêt général.
J’entends les arguments qui ont été développés ; nous pourrons en discuter tout à l’heure. Mais j’ai la conviction que cet ajout nous éloigne de l’objectif d’aider prioritairement les associations. Je vous proposerai donc d’adopter un amendement visant à revenir à l’écriture initiale de cet article, pour rester dans un périmètre d’action cohérent.
De la même manière, je vous proposerai de réintégrer l’article 4 bis, supprimé alors qu’il ouvrait à toutes les structures associatives et fondations la possibilité de ne pas faire l’objet d’un droit de préemption, ce qui leur assurerait une sécurité juridique forte, s’agissant notamment des dons immobiliers qu’elles pourraient recevoir.
L’article 5, que vous n’avez pas modifié – je vous en remercie –, porte sur l’évaluation de la fiscalité liée aux dons ainsi que sur le modèle économique des organismes d’intérêt général, qui repose majoritairement sur la générosité.
L’article 5 bis introduit dans les textes une cohérence sémantique destinée à assurer une lisibilité et une meilleure compréhension de la générosité du public.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent texte est un texte très concret, important pour la trésorerie et la vie des associations – nous le voyons. Des amendements qui ont été adoptés en commission ou qui ont été déposés et seront examinés à l’occasion de cette discussion font émerger des débats et des enjeux légitimes ; je partage la conviction qu’ils le sont.
Je prends un exemple : celui des délais qui permettent, dans le cadre d’une succession, de bénéficier d’abattements pour certains dons et legs. C’est selon moi un vrai sujet, et je travaille sur cet enjeu de l’héritage et de la succession, qui peuvent favoriser le financement de l’intérêt général. Une mission est en cours sur le sujet ; son traitement relève donc davantage, me semble-t-il, du travail de ladite mission, qui aboutira dès la rentrée, que de celui que nous effectuons autour de ce texte.
J’ai surtout la conviction qu’il nous faut aller assez vite sur cette proposition de loi, qui, je le redis, est issue d’un rapport du Mouvement associatif, dont les travaux ont commencé en 2017. C’est un enjeu pour les associations de pouvoir dès 2020 bénéficier de ces mesures, qui améliorent leur trésorerie. C’est aussi, selon moi, un enjeu pour les parlementaires de pouvoir être présents dans les commissions départementales du fonds pour le développement de la vie associative dès la session de 2020, la prochaine ; à défaut, il faudra attendre 2021 pour que les parlementaires puissent participer au choix et à l’attribution des subventions dans les territoires.
L’adoption rapide de ce texte me semble donc revêtir une importance centrale, d’autant que d’autres textes vont nous permettre de parler de ces enjeux selon d’autres perspectives. Je pense à la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif, dont nous avons déjà débattu ici ; je pense au projet de loi de finances et à d’autres vecteurs qui pourront nous rassembler.
Je souhaite donc que nous puissions avancer, toujours dans l’optique de faciliter la vie quotidienne de nos associations, qui en ont besoin, et surtout de renforcer le lien social et la vie démocratique de notre pays, qui a besoin de ces associations partout sur le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, dont nous discutons aujourd’hui, a été adoptée par l’Assemblée nationale le 26 mars dernier. Elle est issue d’une proposition de loi de Mme Sarah El Haïry, qui a ensuite été nommée rapporteure de la commission des lois de l’Assemblée nationale, et de plusieurs membres du groupe MoDem. Composée initialement de six articles, elle a été considérablement réécrite et étoffée en séance publique à l’Assemblée nationale ; elle se composait de dix articles avant son examen par la commission des lois du Sénat.
Nous sommes tous attachés au monde associatif et nous avons conscience du rôle de plus en plus important qu’il joue dans la vie de nos communes. Simplifier la gestion des associations et alléger la tâche de ceux qui s’y consacrent est évidemment un objectif partagé.
Aujourd’hui, c’est la commune qui est le premier partenaire des quelque 1,5 million d’associations actives que compte notre pays, et il existe un réel lien de confiance entre collectivités et associations. La commission des lois a cherché à préserver ce lien en refusant de faire peser sur les collectivités territoriales des contraintes excessives qui risqueraient de le fragiliser.
Il est vrai que la relation entre collectivités et associations a évolué au cours des dix dernières années. Les subventions aux associations ont baissé, tout comme les dotations aux collectivités. Pour autant, collectivités et associations continuent de travailler ensemble, généralement en bonne intelligence.
La commission a supprimé l’article 1er, qui inscrivait dans la loi l’obligation de prévoir, dans les conventions signées entre l’autorité administrative et les associations qui perçoivent une subvention, les conditions dans lesquelles l’organisme à but non lucratif peut conserver un « excédent raisonnable » sur les ressources non utilisées.
Cette notion d’excédent raisonnable, à vrai dire très mal définie, vient du droit européen. Elle renvoie à l’origine à une simple faculté. Elle s’inscrit dans le cadre très particulier du régime des subventions, qui ne sont pas considérées comme des aides d’État par les instances de l’Union. En pratique, les collectivités peuvent donc déjà, en droit, laisser une part des subventions non consommées aux associations.
Ce que prévoyait l’article 1er de la proposition de loi allait au-delà, en reconnaissant implicitement un droit à la conservation de subventions publiques sans tenir compte de la réalité des collectivités territoriales.
La commission a considéré que cette disposition imposait une contrainte supplémentaire aux collectivités dans leurs relations avec les associations, sans pour autant garantir que ces dernières auront de l’argent à conserver. En effet, si la subvention est calculée au plus juste, il n’y aura pas d’excédent. La commission a donc supprimé cet article.
Elle a également supprimé l’article 1er bis, issu de deux amendements identiques qui ont été respectivement présentés, en séance publique à l’Assemblée nationale, par le Gouvernement et par le groupe La République En Marche, sans quoi ils auraient été frappés par l’article 40 de la Constitution.
À l’instar des délais de paiement applicables aux contrats de la commande publique, le délai de paiement pour l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements est fixé à soixante jours à compter de la notification de la décision d’attribution ou, le cas échéant, de la survenance de l’événement prévu par la convention entraînant attribution d’une subvention. Ici encore, l’intention consistant à préserver la trésorerie des associations est tout à fait louable.
Mais telle n’est pas la réalité des collectivités territoriales. Aucune collectivité ne peut verser en une seule fois une subvention de plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers d’euros, comme semble le prévoir le texte de l’article 1er bis. Les collectivités doivent avoir la possibilité de gérer dans le temps les subventions qu’elles versent, car elles-mêmes reçoivent leurs dotations de manière fragmentée, et de plus en plus tardivement. Inscrire dans la loi une obligation que les collectivités ne pourront pas toujours honorer paraît mettre inutilement en cause leur responsabilité et celle de l’État.
La commission a adopté sans modification les articles 2 et 3 de la proposition de loi, même si, à titre personnel, je m’interroge sur leur portée et sur leur intérêt.
Après débat, la commission a maintenu l’article 3 bis, qui tend à permettre la participation des parlementaires aux collèges départementaux de la commission régionale du fonds pour le développement de la vie associative. Cette mesure est justifiée par le fait que ce FDVA bénéficie d’une dotation qui relevait auparavant de la réserve parlementaire ; il s’agit de donner aux députés et sénateurs un droit de suivi sur ces sommes.
C’est là, à mon sens, un bien maigre palliatif à la suppression de la réserve parlementaire, dont pouvaient bénéficier certaines associations. (Murmures sur plusieurs travées.)
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. En effet, les montants alloués aujourd’hui sont largement inférieurs à ceux dont les associations bénéficiaient dans le cadre de la réserve parlementaire, ce qui les pénalise.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. La commission a été favorable à l’article 4, qui entend inscrire dans la loi la possibilité de confier à des associations d’intérêt général ou à des associations et fondations reconnues d’utilité publique la gestion d’immeubles saisis lors de procédures pénales. Cette disposition répond à une demande ancienne du monde associatif et peut se révéler très intéressante. La commission l’a complétée pour inclure les foncières, qui interviennent dans le domaine du logement social, dans le champ des associations susceptibles de se voir confier la gestion d’immeubles.
L’article 4 bis est issu de deux amendements identiques respectivement déposés en séance, à l’Assemblée nationale, par plusieurs membres du groupe socialiste et par les membres du groupe MoDem. Il tend à exclure du droit de préemption les aliénations à titre gratuit au profit des organisations non lucratives, et donc à instaurer une restriction du droit de préemption des communes.
Cette disposition a un passé législatif tortueux, et je tiens à saluer le travail de notre collègue Jacky Deromedi, qui était notre rapporteur sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, ordonnance dont le Gouvernement n’a jamais mené à terme le projet de ratification. La commission a estimé que, si une collectivité décide d’user de son droit de préemption, par ailleurs très encadré, sur un bien qu’elle entend utiliser pour un projet, il n’est pas illégitime qu’elle puisse acquérir ce bien, même dans le cas d’un legs à une association, fondation ou congrégation. Elle a donc supprimé cet article.
L’article 5 consiste en une demande au Gouvernement d’un rapport sur la fiscalité des dons et legs et sur les moyens de développer et de promouvoir la philanthropie. L’Assemblée nationale travaille déjà sur cette question, et ce rapport interviendra dans ce cadre.
La commission a adopté les articles 5, 5 bis et 5 ter de la proposition de loi, et l’ensemble du texte ainsi modifié.
Incontestablement, plusieurs des mesures de ce texte peuvent être utiles aux associations. D’autres ne sont pas acceptables, selon nous, car, malgré l’importance des associations dans la vie de notre pays, elles ne sauraient être placées par la loi au même niveau que les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « Vive la République ! » : c’est par ces mots que les sénateurs conclurent leurs débats lors de l’adoption du projet de loi relatif au contrat d’association, le 22 juin 1901.
Quoi de plus républicain, en effet, qu’une loi qui, consacrant la chose publique, combinait l’objectif de laïcisation tel qu’il était recherché à l’époque et la liberté d’association, dans un contexte de peur des congrégations ?
Quoi de plus républicain qu’une loi mettant fin à un interdit de 110 ans, celui de constituer des groupements professionnels et de se syndiquer ?
Ce cadre, établi grâce à l’habileté de Pierre Waldeck-Rousseau, a résisté à l’épreuve du temps et reste aujourd’hui le socle de la vie associative française.
Nos associations sont le creuset de notre vie sociale, le rempart face à l’individualisme croissant ; aussi, je souhaite rendre hommage aux 16 millions de bénévoles que compte ce pays, ces femmes et hommes qui ne comptent pas leurs heures et n’exigent rien en retour.
Disons-le : l’objectif de cette proposition de loi déposée par le groupe MoDem à l’Assemblée nationale est louable, et notre commission, grâce au travail de sa rapporteur, a simplifié un texte qui, sur certains aspects, revenait à imposer des contraintes supplémentaires à nos collectivités.
Si je comprends les motivations de ceux qui souhaitaient, à l’article 1er, permettre aux associations de conserver un excédent de subvention, le maintien dudit article aurait posé quelques difficultés : il aurait laissé pendante la difficulté inhérente à la définition de l’excédent raisonnable et aurait, en conséquence, modifié les pratiques des collectivités, qui auraient dû faire face à la difficulté de définir avec chacune des associations la hauteur de cet excédent raisonnable.
Reconnaissons qu’il y a plus simple.
L’article 2, qui rend possibles des opérations entre associations d’une même fédération ou d’une même union nationale, va dans le bon sens, selon nous. Ce peut être un vrai outil de solidarité en cas de coup dur d’une structure, qui pourra dès lors être aidée par sa maison mère. Se posera sans doute le problème du non-recouvrement, mais, si un tel cas de figure devait se présenter, le droit commun ferait loi.
Nous approuvons également les mesures visées aux articles 3 et 3 bis.
La transformation par l’Assemblée nationale de la disposition censurée de la loi Égalité et citoyenneté permettant l’affectation du produit des comptes bancaires d’associations en déshérence gérés par la Caisse des dépôts et consignations au fonds pour le développement de la vie associative est une bonne chose.
Toutes les associations ne roulent pas sur l’or ; chaque initiative susceptible d’améliorer leur quotidien et de leur permettre d’offrir davantage de services ou de mener plus d’actions doit ainsi être encouragée.
Plus surprenante, mais tout aussi appréciable, est l’ouverture aux parlementaires de la participation aux collèges départementaux de la commission régionale du FDVA.
Ce droit de regard accordé aux parlementaires prouve peut-être que la réserve parlementaire avait toute son utilité et n’était pas, comme nous avons pu l’entendre à l’époque, « un mécanisme venant entretenir le soupçon du clientélisme ».
M. Olivier Paccaud. Ça, c’est sûr !
Mme Maryse Carrère. Deux ans après sa disparition, aurait-on quelques doutes sur une décision teintée de démagogie ?
À vrai dire, ce qui nous interroge, dans ce texte, c’est qu’il tend à s’appliquer à toutes les associations, sans distinction.
L’équilibre proposé par Waldeck-Rousseau, dont je faisais l’éloge au début de mon propos, est peu à peu dévoyé : la distinction entre les associations de droit commun et les associations cultuelles instaurées par loi de 1905 s’est peu à peu effacée.
Dans certains cas particuliers, comme celui d’associations cultuelles ayant pris la forme de la loi de 1901, la question du financement public est problématique, ce financement étant en totale contradiction avec la loi de 1905.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
Mme Maryse Carrère. Cette situation devient absolument inacceptable lorsque les exonérations fiscales permises par l’article 200 du code général des impôts dépassent le montant des subventions accordées. Il s’agit d’une entorse frontale à l’interdiction de financement des cultes. Un peu de cohérence législative serait nécessaire sur ces sujets.
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
Mme Maryse Carrère. En adoptant l’article 4 tel quel, nous permettrions à l’État de mettre des locaux saisis à la disposition d’associations ou fondations cultuelles, certes reconnues d’utilité publique, mais assurant malgré tout l’exercice et l’enseignement d’un culte.
Aussi proposons-nous – tel est le sens de l’amendement que nous avons déposé à cet article – de supprimer l’article 4 de la loi de 1907, qui permet aux associations de type loi de 1901 d’assurer l’exercice d’un culte à titre dérogatoire.
Il est prévu que les associations concernées aient jusqu’à juillet pour changer leurs statuts et devenir ce qu’elles auraient toujours dû être : des associations cultuelles régies par la loi du 9 décembre 1905.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Maryse Carrère. J’entends bien que ce que nous vous proposons ici demanderait un débat plus large. Mais c’est un signal que de nombreux membres de mon groupe, attachés au principe de séparation des Églises et de l’État, souhaitaient envoyer, dans la perspective des futurs débats sur la laïcité – il est toujours bon de faire quelques piqûres de rappel.
Dans sa grande majorité, le groupe du RDSE sera favorable à cette proposition de loi, tout en restant vigilant sur le sort accordé à ses amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais emboîter le pas de la collègue qui m’a précédée en vous parlant moi aussi des associations cultuelles. Puisque les associations sont des associations, qu’il s’agisse de pêche à la ligne ou de gestion des lieux de culte, il se trouve que la loi est la même pour tout le monde. Si, donc, favoriser le financement des associations est un objectif extrêmement louable, il ne faut pas être naïf pour autant, et je voudrais, à ce titre, faire quelques observations.
Le financement des associations ne peut aller sans transparence. Je sais bien que le travail parlementaire est un travail de répétition ; je vais donc répéter ce que j’ai déjà dit plusieurs fois à cette tribune.
Le dernier rapport de Tracfin contient cette année encore un chapitre entier intitulé « Renforcer la transparence des associations à but non lucratif », relevant des carences dans le fonctionnement du secteur, tout autant que le manque de transparence dans la gestion de certaines associations.
Tracfin réitère un certain nombre de préconisations faites dans de nombreux rapports de mission. Je citerai le rapport n° 388 (2014-2015) du Sénat d’avril 2015 sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, un autre rapport, du Sénat également, déposé le 5 juillet 2016, sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte, ainsi que, pour faire bonne mesure, un rapport de l’Assemblée nationale, extrêmement important, que je vous suggère de consulter, déposé le 6 juin dernier, sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France, où l’on trouve exactement les mêmes préconisations. De ce point de vue, nous sommes sur la même longueur d’onde.
Tracfin suggère de façon itérative – ces suggestions ne naissent évidemment pas avec son dernier rapport – de nombreuses modifications de bon sens. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai, sans beaucoup d’espoir, des amendements qui vont dans le sens de telles modifications, en demandant à la majorité sénatoriale qu’elle renonce à ses hésitations.
M. Roger Karoutchi. Allons !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Ce n’est pas si simple.
Mme Nathalie Goulet. Il est en effet pour le moins curieux de demander la pleine transparence des associations cultuelles, ainsi que la transparence des associations étrangères, voire l’interdiction de financements étrangers, et de refuser en même temps de voter au Sénat, chaque fois qu’elles sont proposées, des mesures qui vont dans le sens d’un peu plus de transparence.
Il en est ainsi de l’alignement des statuts, dont vient de parler ma collègue, pour ce qui concerne la réglementation financière des associations gérant un lieu de culte placées sous le régime soit de la loi de 1905, soit de celle de 1901.
Monsieur le secrétaire d’État, le 4 octobre 2016, lors de l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté, le Sénat a adopté, contre l’avis de l’excellente rapporteur Françoise Gatel, un alignement des statuts de 1901 et 1905 dans le cadre de la gestion d’un lieu de culte.
Il en est ainsi des obligations comptables au premier euro de financement public. Il en va ainsi de la création d’un fichier comportant éventuellement le nom des trésoriers et présidents d’association.
Nous péchons par naïveté. Pourtant, nous avons un exemple formidable. Dans son excellent rapport sur la laïcité (L’oratrice brandit le document.), l’excellent président Gérard Larcher…
M. Rachid Temal. Ah !
Mme Nathalie Goulet. … déclare ceci : « On peut […] mettre en place autoritairement [ce changement de statut], ou pousser les associations gérant un lieu de culte vers le statut de 1905. Aujourd’hui, c’est plutôt la forme d’association de la loi de 1901 qui est privilégiée par les musulmans. On peut les inciter à adopter le statut de 1905, mais cela peut poser problème vis-à-vis des cultes installés. » Je suis désolée de vous déranger pendant la méditation, mais nous avons un problème d’égalité devant la loi !
Le président Larcher poursuit en ces termes : « On pourrait ainsi inciter toute nouvelle association gérant un lieu de culte à se ranger sous ce statut. Autre niveau d’intervention, on pourrait abaisser, comme le demande Tracfin, le seuil de contrôle des comptes. » Je rappelle qu’il est actuellement établi à 153 000 euros. « Mais je sais l’importance – précise-t-il – de la vie associative en France et cela aurait pour conséquence de soumettre à l’obligation de recours à un commissaire aux comptes toute association loi de 1901. »
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Bref, il y a des marges de progrès, et j’espère que le Sénat adoptera les amendements que je défendrai tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, les associations sont des acteurs majeurs de la vie publique. Elles contribuent à l’activité sociale, économique, culturelle, patrimoniale et écologique de nos territoires.
Constitué de plus de 1,5 million d’entités, le monde associatif est indispensable dans l’animation de nos villes et de nos campagnes. Il compte environ 2 millions de salariés, soit 5 % du salariat national, pour un volume financier de 110 milliards d’euros.
Les associations sportives, mais aussi les associations d’insertion ou d’aide, comme le réseau Aide à domicile en milieu rural, créent des liens sociaux solidaires dans nos territoires. Ce ne sont pas moins de 16 millions de bénévoles qui agissent, sans être rémunérés, donc, pour l’intérêt général et le bien d’autrui. Cela représente en heures de travail plus de 19 milliards d’euros si on prend le SMIC horaire comme valeur de référence, et plus de 40 milliards d’euros si on compare aux salaires moyens.
Toutes ces personnes consacrent donc gratuitement de leur temps. Elles doivent être soutenues. Il faut apporter plus de souplesse à leur fonctionnement. Tel est l’intérêt que nous voyons dans cette proposition de loi. Je souhaite tout particulièrement saluer à cette tribune le travail de ces bénévoles, leur engagement et leur dévouement, qui est admirable.
Il est naturel que les pouvoirs publics soient des partenaires pour nos associations. Le versement de subventions est la juste reconnaissance de leur contribution dans la mise en œuvre des politiques publiques sur nos territoires.
Ces dernières années, la réduction de la dotation globale de fonctionnement a mis en péril le monde associatif, victime par ricochet de la diminution des moyens financiers dont disposaient les collectivités locales.
La trésorerie des associations est ainsi devenue un enjeu important, leurs fonds propres étant généralement trop faibles, ce qui constitue un frein à leur capacité à innover dans la mise en œuvre d’actions ou de projets.
En ce sens, l’article 1er de la proposition de loi déposée par notre collègue députée Sarah El Haïry constituait une avancée nécessaire. Il devait permettre aux associations de conserver légalement un éventuel excédent trop versé au-delà d’un bénéfice raisonnable, dans la définition de la subvention. Je le rappelle, un excédent doit finalement être restitué.
En effet, les associations disposent en général de peu de fonds propres, ce qui peut constituer un obstacle à leur fonctionnement. Cette situation est liée à leur modèle économique, non capitalistique, et à la nature de leurs activités, essentiellement à but non lucratif.
Dans le cadre de la relation avec les financeurs publics, des solutions peuvent être trouvées pour faire reconnaître et appliquer le principe d’excédent raisonnable.
Cet excédent consiste à conserver une partie des fonds octroyés dans le cadre d’un financement public, pour autant que les objectifs partagés aient été atteints et que l’excédent constitué relève d’une maîtrise des dépenses n’ayant pas nui à l’exécution des missions.
Pour ces raisons, j’ai déposé un amendement visant à rétablir l’article 1er.
Dans la même optique, l’article 1er bis venait répondre aux besoins de trésorerie des associations. En effet, les associations, notamment les plus petites, peuvent, lorsque la subvention qui leur est attribuée est versée tardivement, faire face à des difficultés de trésorerie. Aussi, cet article avait pour objet d’encadrer les délais de versement des subventions.
À l’instar des délais de paiement applicables aux contrats de la commande publique, le délai de paiement pour l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements était fixé à soixante jours à compter de la notification de la décision d’attribution ou, le cas échéant, de la survenance de l’événement prévu par la convention portant attribution d’une subvention.
J’ai donc déposé un amendement visant à rétablir l’article 1er bis, supprimé par la commission des lois du Sénat, mais en modifiant toutefois le délai de versement des subventions par rapport à la version issue de l’Assemblée nationale : quatre-vingt-dix jours au lieu de soixante jours, laissant ainsi plus de souplesse pour les collectivités. Il me semble que c’était l’un des points litigieux.
Enfin, je regrette que l’article 4 bis ait été supprimé par le Sénat en commission des lois sous prétexte qu’il contrevenait au droit de regard des communes et instituait une restriction du droit de préemption des collectivités, sachant qu’elles ont toujours le droit de faire une expropriation.
Les donations constituent une source importante d’apports pour les associations et les fondations. À titre d’exemple, entre 2013 et 2015, 35 % des fondations reconnues d’utilité publique ont une dotation allant de 500 000 euros à 17 millions d’euros. Dans de nombreux cas, les immeubles apportés à la dotation sont ceux qui permettent la réalisation de l’objet social de la structure.
L’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations avait exclu les biens de ces dernières du champ du droit de la préemption urbaine. Or la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a récrit un article du code de l’urbanisme avec pour effet involontaire de faire disparaître cette mesure et de soumettre de nouveau ces biens au droit de préemption.
Un amendement avait été présenté et adopté en première lecture du projet de loi Égalité et citoyenneté au Sénat. Toutefois, pour des raisons de forme, le Conseil constitutionnel l’avait censuré.
L’article 4 bis, introduit à l’Assemblée nationale, visait donc simplement à corriger les effets de cette suppression malencontreuse. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à le rétablir.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les chiffres concernant le secteur associatif sont éloquents. Les associations sont très présentes dans les territoires. Elles contribuent au maillage de notre cohésion sociale. L’État et l’administration n’ont pas vocation à tout faire. Il est heureux que des femmes et des hommes agissent avec l’élan du cœur pour mener à bien des actions qui témoignent que, vivre en société, c’est aussi se prendre en charge sans systématiquement se tourner vers la puissance publique. Les représentants associatifs sont des personnes motivées, qui constituent un vivier d’interlocuteurs indispensables pour les élus locaux, nous aidant ainsi à répondre au mieux aux attentes des habitants de nos communes. À notre tour, montrons-leur de la solidarité face aux difficultés qu’elles peuvent rencontrer.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Joël Guerriau. Les associations peuvent également constituer des leviers économiques et font vivre le tissu économique local. Elles animent la vie de nos territoires et des quartiers de nos villes.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Joël Guerriau. Les associations ont besoin de souplesse, et non de contraintes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, le Mouvement associatif fait preuve d’une vitalité exceptionnelle. On estime à 1,3 million le nombre d’associations en activité, au sein desquelles sont engagés 16 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés. Chaque année, 70 000 associations nouvelles se créent. Dans mon département, où l’on compte plus de 2 000 associations, l’engagement citoyen est également très actif.
Le « travail » – je mets des guillemets à dessein – qu’accomplissent les associations est remarquable, qu’elles œuvrent dans les secteurs culturel, sportif, sanitaire ou social. Elles créent du lien social, assurent le relais de l’État et des collectivités, et pallient malheureusement parfois leurs défaillances.
Je parle en connaissance de cause, car mon engagement en politique a été fortement motivé par mon expérience dans le milieu associatif.
En 2003, face à la problématique encore naissante de l’exclusion des plus jeunes à Mayotte et à l’absence de prise en charge par les institutions, j’ai décidé de cocréer l’association dite Tama, qui signifie « espoir » en shimaoré, avec l’objet social que j’ai rappelé, étant précisé que, pour nous, le premier facteur d’exclusion était la délinquance. Devenue mlézi maoré – je vais me livrer à un petit cours de shimaoré aujourd’hui (Sourires.) –, c’est-à-dire « l’éducateur mahorais », cette association, que j’ai eu à cœur de présider pendant quinze années, de 2003 à 2017, compte aujourd’hui plus de 200 salariés.
Le 28 janvier 2015, j’inaugurais le seul et unique établissement de placement éducatif de l’île, appelé Dago Tama, c’est-à-dire la « maison de l’espoir » si vous avez bien suivi la leçon de shimaoré, afin de répondre à la problématique des mineurs sous main de justice répondant au dispositif de l’ordonnance de 1945.
Voilà pourquoi je considère, à titre personnel, que la présente proposition de loi de nos collègues députés du groupe MoDem, qui nous réunit aujourd’hui, est particulièrement importante pour les associations. Elle s’intéresse à un sujet fondamental pour leur fonctionnement : leur trésorerie.
Les quatre mesures qu’elle contenait initialement, issues du rapport du Mouvement associatif remis au Premier ministre le 9 novembre 2017, elles-mêmes issues du rapport du Haut Conseil à la vie associative de 2014, répondaient à des revendications anciennes et légitimes du monde associatif.
L’Assemblée nationale était parvenue au vote de ce texte à l’unanimité. Je dis bien « à l’unanimité » ; c’est suffisamment rare pour être souligné.
C’est la raison pour laquelle je regrette que, lors de son examen en commission des lois, le Sénat soit revenu sur certaines de ces avancées et compromette au sein de notre Haute Assemblée un tel consensus.
Je pense notamment aux suppressions de la possibilité pour les associations de conserver l’excédent raisonnable d’une subvention et de la mise en place du délai de soixante jours pour le versement des subventions, qui nous apparaissent comme un véritable recul. L’argument selon lequel ces dispositions pourraient venir troubler les relations d’équilibre entre associations et collectivités ne semble pas pertinent, car celles-ci ne comportent aucune contrepartie coercitive pour les collectivités. Au demeurant, les associations d’élus n’ont pas manifesté le moindre désaccord depuis le mois de mars.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe La République En Marche présentera cinq amendements visant à rétablir le texte tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale. Il réservera bien évidemment son vote à l’adoption de ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le million et demi d’associations que compte notre pays joue, grâce à ses 16 millions de bénévoles, un rôle essentiel dans notre société : d’abord, par les missions que ces associations assurent, depuis les actions de solidarité à destination des plus démunis aux activités sportives ou culturelles, en passant par des missions de service public dévolues à l’État ou même à certaines collectivités ; ensuite, par les valeurs qu’elles portent, celles du bénévolat, de l’engagement et de la solidarité, qui sont au cœur de notre pacte républicain ; enfin – plusieurs l’ont souligné –, par la place qu’elles occupent dans la vie économique de notre pays, avec presque 2 millions de salariés et un budget total de 113 milliards d’euros, soit l’équivalent de plus de 3 % du PIB.
Soutenir ces structures, qui sont au cœur de la cohésion sociale et qui ne suscitent pas toujours l’intérêt et la reconnaissance qu’elles méritent, est donc indispensable. Cette proposition de loi vise à leur apporter un tel soutien en améliorant leur trésorerie, ce qui – vous l’avez noté à juste titre, madame la rapporteur – revient à tenter d’accroître leurs ressources.
C’est indispensable tant les associations sont mises à rude épreuve ces dernières années. La diminution extrêmement importante des contrats aidés a été un coup d’une violence telle que certaines associations n’y ont tout simplement pas résisté. Beaucoup d’autres se sont retrouvées dans de très graves difficultés. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez considéré il y a quelques instants que ces emplois étaient en quelque sorte des subventions déguisées pour des associations n’ayant pas forcément des reins assez solides. Effectivement, ces emplois comportaient, par définition, une forme de précarité ; à ce titre, ils n’ont jamais constitué la panacée pour nous. Mais on ne peut pas nier qu’ils ont permis de mettre le pied à l’étrier de nombreux jeunes et de développer des compétences au sein des associations. Il ne faut pas, me semble-t-il, le passer sous silence.
La fin de la réserve parlementaire, également évoquée par un certain nombre de collègues, n’a pas été compensée par un abondement du fonds pour le développement de la vie associative du même montant ni à destination des mêmes types d’associations. Cela a évidemment des répercussions sur les associations, en particulier les plus petites et les plus locales.
La liste des mesures qui handicapent la vie associative est malheureusement longue. On pourrait également évoquer – vous ne serez pas surpris que je le fasse – la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui a entraîné une diminution des dons aux associations, ou la baisse du budget destiné à ces dernières.
Enfin, et la chose n’est malheureusement ni nouvelle ni négligeable, la diminution des dotations des collectivités locales continue d’avoir d’importantes conséquences sur les subventions attribuées aux associations.
Dans ce contexte, la commission des lois a fait le choix, regrettable de notre point de vue, de supprimer un certain nombre de dispositions favorables aux associations au motif qu’elles contraindraient les collectivités locales. Certains articles étaient peut-être imparfaits. Ils mériteraient au moins d’être discutés, voire améliorés en séance publique. C’est en ce sens que, comme d’autres groupes, nous avons déposé des amendements de réintroduction des articles, certes un peu modifiés, en écho aux revendications que le monde associatif, dans sa diversité, porte depuis bien longtemps maintenant.
La question du trop-perçu et celle des délais de versement des subventions sont essentielles pour les structures associatives sans pour autant, à notre sens, placer les collectivités territoriales devant des difficultés insurmontables, pour peu que l’on travaille à des solutions adaptées.
Nous regrettons que, au lieu de considérer que les collectivités, comme les associations, font face aux mêmes politiques austéritaires et que les difficultés des unes se répercutent inévitablement sur les autres, on contribue, en quelque sorte, à les opposer, dans une logique de gestion de la pénurie. Certes, la pénurie est toute relative, puisque les choix de diminuer la dépense publique sont évidemment politiques.
L’ambition première de cette proposition de loi est modeste, mais pertinente. Elle permet au fond de trouver des sources de financement et de faciliter le fonctionnement budgétaire des associations sans avoir besoin de dégager énormément de ressources supplémentaires. Malheureusement, la suppression des articles 1er, 1er bis et 4 bis rend cette proposition de loi encore plus modeste.
En revanche, l’article 3 permettra d’avancer vers une proposition portée, là encore, depuis longtemps par le monde associatif : récupérer les fonds dormants des comptes inactifs des associations. Je ne sais pas si c’est un « serpent de mer », monsieur le secrétaire d’État, mais voilà en tout cas une occasion à ne pas négliger. Bien entendu, cela ne doit pas mener à de nouveaux désengagements de l’État, d’autant que, je le répète, nombre d’associations prennent des initiatives ou mènent des actions relevant précisément de la responsabilité de ce dernier.
Rien que pour cela, la présente proposition de loi mériterait d’être votée. Mais, vous l’aurez compris, notre groupe souhaite profiter du débat en séance publique pour continuer de défendre les propositions du monde associatif qui avaient donné lieu à ce texte et qui nous semblent conserver toute leur pertinence, tant elles constituent des avancées importantes dans la gestion quotidienne des associations. J’espère que nous nous retrouverons en ce sens, en faveur de nos associations. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en commission, j’ai salué cette proposition de loi, déjà améliorée lors de son examen par l’Assemblée nationale.
Malheureusement, des amendements déposés bien tardivement, madame la rapporteur, ont fait exploser l’esprit de consensus qui aurait dû nous animer sur un sujet comme le financement du secteur associatif. C’est vraiment dommage !
En tant qu’ancien ministre chargé de la vie associative, ayant porté la loi Égalité et citoyenneté, évoquée à plusieurs reprises aujourd’hui, je souscris à la volonté affichée d’amplifier l’engagement dans notre pays ou, du moins, de simplifier la vie des bénévoles et de faciliter l’accès aux financements.
Le fait que 16 millions de bénévoles fassent vivre cette démocratie au quotidien est une richesse exceptionnelle pour la France. Ces Français nous obligent, nous, responsables politiques, à être à leur hauteur pour que tout soit fait en faveur de ce don de soi. Je n’oublie pas les quelque 2 millions de salariés qui œuvrent dans le secteur à but non lucratif.
L’esprit de consensus que j’évoquais ne doit pas se traduire par un blanc-seing donné au Gouvernement. Cette proposition de loi doit être vue pour ce qu’elle est : un petit pas visant à prendre en compte les attentes d’un secteur associatif en difficulté.
En reprenant des demandes du secteur, ainsi que des mesures validées sous le précédent quinquennat, notamment certaines votées dans le cadre de cette fameuse loi Égalité et citoyenneté, mais censurées par le Conseil constitutionnel, la proposition de loi allait dans le bon sens avant son passage en commission.
Il convient néanmoins de ne pas oublier que ce texte intervient dans un contexte de désengagement de l’État envers le milieu associatif.
La suppression de plus de 250 000 contrats aidés en deux ans est un coup terrible asséné par le Gouvernement au monde associatif. Combien de structures sont aujourd’hui en péril, en grande difficulté faute de pouvoir embaucher ? Combien de personnes sont privées d’une réinsertion sociale par le biais d’un emploi dans une association ?
Le secteur associatif, les réseaux de l’éducation populaire ou les clubs sportifs, en renfort du service public, de l’école notamment, doivent être soutenus pour irriguer l’ensemble des territoires et apporter par leur présence un cadre et des repères aux enfants et aux adolescents.
C’est dès le plus jeune âge que l’incitation à l’engagement citoyen doit être une priorité. La République a besoin de contenu et de réalité. Il faut dire plus clairement quelle République nous voulons et ce que nous entendons par le terme « égalité ». Et cela doit se traduire concrètement, en amenant les nouvelles générations à s’impliquer dans le secteur associatif.
J’évoquerai la situation du service civique. En 2012, il y avait quelques milliers de volontaires, contre 125 000 à la fin du quinquennat précédent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir stabilisé, voire conforté le budget correspondant : 500 millions d’euros, pour un objectif d’environ 150 000 jeunes en service civique par an. Permettez-moi de rappeler le coût potentiel de votre service national universel, le SNU : 1,6 milliard d’euros ! J’espère qu’il n’y aura pas de conséquences sur d’autres financements plus utiles ou, en tout cas, plus pertinents à mes yeux.
L’évolution du financement des associations se traduisant par le recul du financement public, la proposition de loi vise à leur accorder de nouveaux moyens permettant de diversifier leurs sources de financement.
La part du financement public des associations représentait 51 % de leurs ressources en 2005. Cette part ne cesse de se réduire. En 2011, elle atteint 49 %. Les subventions publiques ont reflué de 34 % à 24 % des ressources.
Désormais, les associations, qui deviennent des outils de politique publique, sont mises en concurrence entre elles ou avec d’autres opérateurs publics, privés ou lucratifs.
Ce changement pourrait aller à l’encontre de la spécificité du modèle français d’engagement associatif, dont tous les acteurs de terrain ont conscience. Les associations créent un lien social précieux à la Nation, notamment dans les territoires ruraux et périurbains de la République, par le service complémentaire au service public. Cela a été évoqué.
Le risque d’une baisse de l’activité du monde associatif en raison d’une diminution des financements est également celui de faire reposer sur l’État une partie des missions que ce secteur assume.
On constate que les mesures fiscales des précédents budgets favorisent fortement l’épargne. Cela n’est pas critiquable en soi, mais on remarque que la traduction concrète de ces mesures est une baisse très importante des dons aux associations, alors que ces dons sont vitaux pour le mouvement que nous défendons.
Il faut également noter que la mise en place du prélèvement à la source a déstabilisé le système de soutien des associations par les dons des particuliers. À cela s’ajoute – ma collègue l’a évoqué – la fin de l’ISF, avec son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, qui a eu pour effet la réduction des dons en général.
La réforme a fait passer le nombre de foyers assujettis à cet impôt de 358 000 à 120 000, soit 66 % de foyers en moins, supprimant l’incitation qu’avaient de nombreux contribuables à faire preuve de générosité envers les fondations reconnues d’utilité publique. Cette baisse de la collecte auprès des particuliers fortunés doit être replacée dans le contexte d’une baisse générale de la collecte grand public en raison de la réévaluation du taux de contribution sociale généralisée, qui touche notamment les retraités. La CSG est un frein à la générosité collective.
Sur le texte qui nous est présenté aujourd’hui, on ne peut que constater que la position adoptée par la commission est, du début à la fin, assez déconcertante. Avec la majorité de la commission des lois du Sénat, nous faisons du surplace, voire, avec la suppression de l’article 1er, nous avons reculé.
L’article 1er est la traduction législative d’une proposition sur le financement privé du secteur associatif émise par le Haut Conseil à la vie associative depuis 2014 et défendue par le président du Mouvement associatif, que j’ai pu rencontrer.
Il ne s’agit en aucun cas d’une contrainte pour les collectivités, dès lors, je le précise, que le dispositif ouvre une simple faculté. La droite sénatoriale, je le regrette, invoque des risques de tensions dans les relations que les collectivités territoriales entretiennent avec les associations, alors que c’est sur l’association intéressée que pèsera l’obligation de définir la notion d’excédent raisonnable en démontrant le niveau de fonds propres nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.
Je le dis sans animosité, mais avec détermination, cette position de principe de la majorité est incompréhensible, tout comme la suppression de l’article 1er bis au motif qu’il serait inadapté à la réalité des collectivités territoriales.
Contrairement aux observations émises par Mme la rapporteur, les collectivités pourront toujours gérer dans le temps les subventions qu’elles versent dès lors que le délai de versement de soixante jours court à partir de la notification de la décision dont elles sont à l’origine. En aucun cas le dispositif n’impose le versement de la totalité de la dotation, ce qui risquerait de créer des distorsions de trésorerie des collectivités territoriales.
Enfin, la suppression de l’article 4 bis nous interroge. Cet article avait pour objet de rendre inapplicable le droit de préemption aux immeubles cédés à titre gratuit à des fondations, des congrégations ou des associations ayant la capacité de recevoir ce type de libéralités.
Les motivations apportées à l’appui de la suppression de cet article par la majorité de la commission des lois du Sénat sont inappropriées. Une fois encore, madame la rapporteur, vous entendez opposer le droit des collectivités territoriales et l’intérêt du monde associatif, alors que l’objet principal de ce dispositif vise à corriger les contradictions apportées par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques avec les dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations. Relevons, d’ailleurs, que le Sénat avait adopté cette mesure sans modification lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Je ne pense pas me tromper en disant que la majorité est la même aujourd’hui qu’à l’époque…
Heureusement, vous n’avez pas touché à l’affectation du produit des comptes bancaires en déshérence des associations gérées par la Caisse des dépôts et consignations au FDVA. C’est une petite consolation.
Certes, avec la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale, le groupe socialiste et républicain restait sur sa faim.
Une réflexion lancée par le Gouvernement rassemblant l’ensemble des organisations et têtes de réseaux représentatives de la vie associative avait permis d’évoquer 59 propositions. Monsieur le secrétaire d’État, il faut reconnaître que nous sommes loin de les satisfaire avec le texte que vous avez soutenu à l’Assemblée nationale.
Même si nous aurions préféré une grande loi pour le secteur associatif, nous n’oublions pas que ce dernier a grandement besoin de ces premières mesures. Step by step ! Je rappelle que l’Assemblée a adopté la proposition de loi à l’unanimité. Je lance donc un appel à mes collègues de la majorité sénatoriale pour qu’ils reviennent sur leur vote en commission, afin que nous puissions rétablir les articles tels qu’adoptés par l’Assemblée nationale et nous diriger vers un vote conforme. Ces mesures sont urgentes. Ne ralentissons pas leur adoption en renvoyant ce texte en navette parlementaire !
Par conséquent, le groupe socialiste et républicain déterminera son vote selon la position qu’adoptera la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Loïc Hervé. Quel suspense ! (Sourires sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne-Marie Bertrand. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’État ne peut pas tout, et les 1,3 million d’associations sur notre territoire en sont quelque part la preuve.
Nos concitoyens s’investissent avec ferveur dans la vie publique. Ainsi, un Français sur quatre est bénévole et un foyer sur deux fait des dons à une association.
Nous pouvons en être fiers, comme nous le sommes de nos élus municipaux, dont, je le rappelle, 370 000 sont bénévoles. Ils sont les artisans de la citoyenneté. Ces forces vives permettent à tous de se rencontrer, à travers une passion commune, mais aussi des convictions.
En effet, à l’évocation de ce statut, nous pensons spontanément aux associations caritatives, culturelles ou aux clubs sportifs. Mais leurs activités sont très variées. En tant qu’ancien maire, je peux affirmer que le tissu associatif est une véritable richesse pour une commune.
Je souhaite profiter de cette tribune pour évoquer, devant vous, une association que nous connaissons peu : l’Association d’Aide Pénale. Elle a été créée en 1978 afin d’apporter son concours au traitement de la délinquance et de contribuer à l’insertion sociale. Avec le temps, ses missions se sont élargies, allant jusqu’à la médiation pénale en 1990, à la réparation pénale en 1993, à l’organisation de stages de sensibilisation à la violence en 2011 et, enfin, en 2012, aux stages de soutien à la parentalité.
Au vu de ces missions, pouvons-nous véritablement parler d’association au sens commun du terme ? Cette association joue un rôle d’auxiliaire de justice puisqu’elle est agréée par des tribunaux et chargée de la mise en œuvre de mesures ordonnées par des magistrats.
Je souhaite ici démontrer que les associations pallient trop souvent les manquements de l’État. Ce dernier ne doit en aucun cas se défausser ni se satisfaire de la situation.
En ces temps où la menace terroriste pèse sur chaque événement, nous demandons de plus en plus aux associations d’assurer elles-mêmes la sécurité de leurs manifestations, notamment via des entreprises spécialisées. Au-delà du coût, où est l’autorité de l’État ? Le général Bertrand Soubelet titrait un de ses livres : Sans autorité, quelle liberté ? Rappelons que la liberté d’association ne vaut que si elle peut s’exercer.
Ce texte entend encourager une « philanthropie à la française » et je m’en réjouis, car cela va vers plus de responsabilisation et une prise en main de la chose publique par nos concitoyens. Cependant, cette philanthropie ne doit pas faire oublier à l’État qu’il doit se reformer afin de réaliser de réelles économies.
Comprenez que nous ne pouvons pas encourager nos concitoyens à financer davantage les associations et « en même temps » – pour reprendre une expression à la mode – ne pas réduire leurs prélèvements obligatoires lorsque ces associations prennent, d’une certaine manière, le relais d’une administration trop lourde.
Nous évoquons souvent les doublons au sein des collectivités, mais nous pouvons et devons également nous interroger sur des doublons entre les institutions et les associations, car toutes, répétons-le, ont directement ou indirectement la même source de financement : nos concitoyens.
Comme beaucoup ici, je souhaite un État délesté et fort là où il doit l’être. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le monde associatif a explosé. Il est désormais un acteur incontournable de la vie économique. Ses missions se sont multipliées.
Là où aucune collectivité n’a la fameuse « compétence », ni parfois les moyens, pour répondre à certaines attentes et besoins de la population, le monde associatif, tel un petit soldat providentiel, se lève et propose ses services.
Les associations, désormais, rendent des quasi-services publics : il est grand temps que le législateur leur facilite la tâche.
Alors, quelle bonne nouvelle que ce texte, qui présente un caractère d’urgence ! Enfin, on se penche sur ce sujet.
Si la complexité administrative devenait rédhibitoire, si le monde associatif renonçait, alors il n’y aurait plus personne pour relever le défi et faire vivre la pratique sportive, artistique, mais également l’humanitaire, le social, les associations environnementales, la défense des consommateurs, l’enseignement privé, les Ehpad associatifs, les fédérations, les œuvres, les centres sociaux et autres services d’aide à domicile, qui sont parfois devenus les plus gros employeurs de nos territoires.
Ce texte, entre autres dispositions, prévoit que les parlementaires puissent siéger dans les commissions d’attribution du FDVA. Nous connaissons la plupart de nos associations, nous connaissons leurs acteurs et leurs actions. En retrouvant une place légitime dans cette instance, nous participerons concrètement au soutien de ce maillage de nos territoires.
L’article 3 propose également une mesure très intéressante. Nous connaissons tous, en effet, le cas des associations, qui, devenues « sans objet » ou ayant perdu leurs leaders, tombent dans un profond sommeil. Telle Blanche-Neige, elles attendent le baiser qui les ramènera à d’autres aventures. (Sourires.)
M. Loïc Hervé. C’est beau !
Mme Nathalie Goulet. Mais un peu sexiste !
Mme Nadia Sollogoub. Elles gèlent des trésoreries qui seraient fort utiles à d’autres causes. Ces comptes dits inactifs pourraient être fléchés vers le FDVA. Il nous faudra seulement veiller à ce qu’ils ne s’égarent pas en route vers les gouffres sans fond d’autres déficits totalement étrangers à l’affaire.
La mesure, par ailleurs, n’aura de sens que si elle vient s’ajouter aux fonds d’État fléchés chaque année vers le monde associatif, et non pas permettre un retrait discret des finances publiques devant l’arrivée de cette manne providentielle.
Sans entrer dans le détail des autres dispositions, je dirai que, dans sa globalité, ce texte recevra le soutien du groupe Union Centriste, pour la souplesse et la dynamique qu’il apporte, pour son ouverture à la mutualisation et au secteur privé, la seule limite étant de ne pas apporter de contrainte supplémentaire aux collectivités.
Pour aller encore plus loin, je souhaite profiter de l’occasion pour attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur une proposition portée initialement par notre collègue Catherine Troendlé.
Les associations sans but lucratif organisent un nombre toujours plus grand de manifestations, qui contribuent à l’attractivité de la vie locale. Pour ce faire, elles recourent bien souvent de façon ponctuelle à des aides de type gardiennage, manutention, service, entretien, etc. Pour tous ces emplois, et sans aucune dérogation, il faut réaliser, chaque fois, des déclarations à l’Urssaf, même pour un poste occupé quelques heures.
Cette lourdeur administrative les étouffe.
C’est pourquoi nous proposons, pour les associations à but non lucratif, une dérogation, dans la limite de six fois par an, à ces obligations déclaratives. Ce serait un simple alignement de la réglementation sociale sur la réglementation fiscale, puisque la loi exonère les recettes de six manifestations annuelles. Je vous remercie d’étudier cette disposition, qui entre parfaitement dans le cadre des débats de ce jour, raison pour laquelle je me suis autorisée cette digression.
En pensant à toutes les associations que nous croisons quotidiennement, de la plus petite jusqu’aux énormes vaisseaux, je réalise que tous les acteurs ont le même visage. Le visage de l’engagement, le visage de la passion pour une cause, le visage de mon voisin. Il faut savoir le voir, le reconnaître, le regarder droit dans les yeux, lui donner ce dont il a besoin pour continuer – j’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, que tel était votre souhait –, faute de quoi, il rentrera tout simplement un jour chez lui.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nadia Sollogoub. J’attire une nouvelle fois votre attention sur le fait que personne, à ce jour, n’a les moyens humains et financiers de remplacer le monde associatif et son armée de bénévoles. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France compte aujourd’hui 1,3 million d’associations et 13 millions de bénévoles. C’est une richesse extraordinaire. Je le mesure chaque jour dans mon département où il existe une réelle dynamique associative.
J’ajoute que le nombre de personnes souhaitant s’engager ne cesse d’augmenter. C’est une bonne nouvelle : cela veut dire que la France sait se montrer solidaire.
Cette solidarité, il faut l’encourager, surtout dans une société où les rapports interpersonnels peuvent parfois être violents, où les repères de notre modèle démocratique sont bousculés, où le relativisme a cassé tous les repères existants et où l’individualisme est croissant.
Tocqueville définit ainsi l’individualisme dans De la démocratie en Amérique : il s’agit du « désintérêt pour les affaires publiques » et de « l’amour des jouissances matérielles ». Cet individualisme menace la responsabilité politique du citoyen à l’égard du bien commun. C’est ce contre quoi nous devons lutter et c’est ce que permet justement l’engagement associatif : bâtir une société plus solidaire, active, concrète, au plus près des réalités quotidiennes. J’imagine que nous partageons tous ce constat.
Avec cette proposition de loi, qui vise à améliorer la trésorerie des associations, on ne peut s’empêcher de penser que le Gouvernement se lance dans une opération de séduction à l’égard du monde associatif. (Mme le rapporteur approuve.) Or on ne peut pas dire, compte tenu de la politique fiscale e des évolutions législatives qu’il leur a imposées, que le Gouvernement soit totalement étranger à certaines des difficultés financières auxquelles les associations sont confrontées.
Ainsi, en 2018, 47 % des associations déclaraient être inquiètes quant à l’évolution de leur situation financière. Pourquoi ? Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d’abord, le Gouvernement a décidé de réduire drastiquement le nombre de contrats aidés. Entre 2017 et 2018, le nombre de ceux-ci, dans les associations, est passé de plus de 80 000 à une trentaine de milliers et 12 500 employeurs associatifs ont disparu en 2017. Il y a eu la même année la suppression de la réserve parlementaire, qui permettait aux parlementaires de soutenir les associations, souvent les plus petites,…
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. André Reichardt. Absolument !
M. Guillaume Chevrollier.… et de participer à la vitalité de nos territoires.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Guillaume Chevrollier. Aujourd’hui, vous nous présentez un texte dont l’ambition principale est d’accompagner le développement des associations en leur permettant de renforcer leurs fonds propres et d’obtenir de nouvelles formes de financement.
Cette initiative législative vise à pallier l’absence, à l’heure actuelle, d’un plan d’action du Gouvernement, pourtant initié il y a déjà plus d’un an.
Elle reprend certaines préconisations du rapport du Mouvement associatif, remis au Premier ministre en mai 2019. Ainsi, toutes les mesures qui simplifient la gestion des associations et allègent la tâche de ceux qui s’y consacrent sont un objectif partagé.
J’aimerais revenir sur ce qui a motivé les amendements de la commission des lois et la réflexion menée par notre collègue rapporteur, Mme Eustache-Brinio.
En effet, certains articles ont été supprimés : il s’agit de ceux qui soumettaient les collectivités territoriales à des obligations de paiement ou à des limitations en matière de préemption manifestement excessives par rapport à la réalité des relations entre les associations et les collectivités sur le terrain.
Ne faisons pas peser sur le dos des collectivités des contraintes supplémentaires. Je rappelle qu’elles sont déjà soumises à une insécurité financière, avec la disparition de la taxe d’habitation et, parfois, la poursuite de la baisse des dotations.
Faisons, par ailleurs, attention à ne pas altérer la relation de confiance qui existe entre les collectivités territoriales et les associations.
Nous, au Sénat, en tant que représentants des collectivités, nous avons la responsabilité de défendre les collectivités. Certaines des contraintes prévues dans le texte initial n’étaient pas acceptables.
Le groupe Les Républicains votera ainsi le texte modifié par la commission et rappelle son soutien au monde associatif, si important dans la vie de nos territoires. Car c’est souvent dans le tissu associatif d’aujourd’hui que l’on trouve les citoyens engagés qui seront les élus de demain au service de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un texte en faveur du monde associatif est toujours une bonne chose, surtout à l’heure où celui-ci est confronté à de graves difficultés financières. Je suis bien placé pour le savoir puisque j’ai codirigé, avec notre collègue Jacques-Bernard Magner, la mission d’information sur les conséquences de la baisse des contrats aidés dans le secteur associatif.
De tout temps, la situation financière des associations a été une préoccupation, mais, depuis quelques mois, leurs difficultés de trésorerie se sont aggravées. C’est un vrai sujet d’inquiétude pour la pérennité de nos associations et de leurs actions.
En effet, depuis le début de ce quinquennat, des signaux désastreux, d’une violence inouïe, ont été envoyés au monde associatif. La transformation de l’ISF, la hausse de la CSG, le prélèvement à la source ou bien encore les mouvements sociaux ont eu indéniablement, cela a été dit, une incidence sur la collecte de dons.
La fin des contrats aidés – 459 000 en 2016 contre 100 000 attendus en 2019 –, la baisse des subventions publiques, la suppression de la réserve parlementaire et l’inadéquation du fonds pour le développement de la vie associative sont autant de coups fatals assénés au tissu associatif.
Que dire de ce FDVA, mis en place par pur dogmatisme, qui devait être abondé à hauteur des sommes accordées à nos associations dans le cadre de l’ancienne réserve parlementaire, soit 120 millions d’euros, et qui ne l’est finalement qu’à hauteur de 25 millions d’euros ? Une fois de plus, le compte n’y est pas.
Ce gouvernement fait des économies sur le dos du monde associatif alors que les besoins sont immenses. Continuer à faire mieux avec moins n’est plus acceptable. Je vous l’assure, monsieur le secrétaire d’État, les associations sont à l’os.
J’en veux pour preuve la situation du FDVA dans mon département, le Vaucluse, en 2019. Il bénéficiait de 270 600 euros de crédits. Les services ont reçu des demandes de 191 associations à hauteur de 1 105 316 euros. Ce delta entre les sommes nécessaires pour couvrir les besoins et les crédits octroyés est abyssal : c’est dire, ô combien, que le compte n’y est pas !
Monsieur le secrétaire d’État, vous ne semblez pas prendre la mesure de la résonance sur le terrain de vos choix, dont les répercussions sont désastreuses. Les parlementaires que nous sommes, eux, le savent. Nous le mesurons au quotidien quand, dans nos départements, nous rencontrons ces bénévoles désespérés de n’avoir pu acheter de nouveaux maillots pour les équipes de jeunes ou de n’avoir pu transporter gratuitement les enfants au tournoi du village d’à côté. Nous mesurons aussi leur désarroi grandissant lorsqu’on leur demande d’être porteurs de projets innovants dans le cadre d’appels à projets de plus en plus complexes, tout en continuant de jouer un rôle pivot dans notre société.
Je porte ce combat avec énergie, car je suis convaincu que l’altruisme de ces hommes et de ces femmes impliqués dans le quotidien des autres mériterait plus de reconnaissance et beaucoup plus de considération.
C’est grâce à ces 16 millions de bénévoles que nos communes connaissent une vie culturelle, sportive et sociale particulièrement dense ; sans oublier, bien sûr, l’engagement de nos jeunes sapeurs-pompiers volontaires. Ces hommes et ces femmes de bonne volonté sont souvent, aux côtés des maires, « les premiers de cordée », dans nos villages, dans nos quartiers. Personne ne peut se substituer au travail remarquable qu’ils effectuent au quotidien.
Les remercier aujourd’hui est bien la moindre des choses et ce texte est aussi une façon de leur exprimer notre infinie reconnaissance.
Cette proposition de loi, même si elle aurait pu être beaucoup plus ambitieuse, va dans le bon sens. En prévoyant diverses mesures financières de soutien aux associations, elle donne corps à plusieurs propositions que le Haut Conseil à la vie associative réclamait depuis plusieurs années.
Il est primordial de renouer le lien de confiance avec les associations. J’espère que cette politique « du petit pas » y contribuera un peu. Car, il ne faut pas s’y tromper, elle ne corrigera pas totalement les signaux désastreux qui ont été envoyés au monde associatif depuis le début de ce quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations
Article 1er
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 15 rectifié ter est présenté par MM. Guerriau, Wattebled, Mizzon, Henno, Fouché et Bonnecarrère, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Canevet, Mmes Garriaud-Maylam, Noël et Kauffmann et MM. Chasseing, Paccaud, Chatillon, Nougein, Grand, Decool, Gabouty, Daubresse et Laménie.
L’amendement n° 18 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Kanner, Sueur, Temal, Kerrouche et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et Sutour, Mme Conconne, MM. Vaugrenard et Magner, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 46 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Patient et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le mot : « versement », la fin de la première phrase du quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi rédigée : « , les conditions d’utilisation et les modalités de contrôle et d’évaluation de la subvention attribuée ainsi que les conditions dans lesquelles l’organisme, s’il est à but non lucratif, peut conserver un excédent raisonnable sur les ressources non consommées affectées à une dépense déterminée. »
La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié ter.
M. Joël Guerriau. Les associations ont des difficultés, cela a été dit, à se constituer une assise financière suffisante pour faire face aux imprévus – décalages de trésorerie, notamment –, mais aussi pour investir et se rendre visibles ou crédibles aux yeux de leurs partenaires.
L’article 1er visait à intégrer la possibilité pour les associations de conserver un éventuel excédent trop versé au-delà d’un bénéfice raisonnable, dans la définition de la subvention. En effet, bien que rien ne les empêche juridiquement de réaliser des bénéfices, les associations disposent en général de peu de fonds propres, ce qui peut constituer un obstacle à leur développement. Cette situation est liée à leur modèle économique, non capitalistique, et à la nature de leurs activités, essentiellement à but non lucratif.
Dans le cadre de la relation avec les financeurs publics, des solutions peuvent être trouvées pour faire reconnaître et appliquer le principe d’excédent raisonnable. Il s’agit de conserver une partie des fonds octroyés dans le cadre d’un financement public pour autant que les objectifs partagés aient été atteints et que l’excédent constitué relève d’une maîtrise des dépenses n’ayant pas nui à l’exécution des missions.
Tel est l’objet de cet amendement. En droit, ce qui n’est pas utilisé doit être restitué. La collectivité locale est souveraine pour décider si elle veut ou non récupérer son reliquat.
L’avantage de reconnaître un excédent raisonnable, c’est aussi d’éviter que les bénéficiaires des fonds dépensent pour dépenser, afin d’atteindre le montant de la subvention accordée. C’est donc plutôt une mesure de bon augure.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 18.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Je ne serai pas très long, puisque j’ai déjà abordé ce sujet dans mon intervention liminaire.
Cela a été rappelé, cet amendement tend à rétablir l’article 1er adopté à l’Assemblée nationale, qui vise à permettre aux associations de conserver et de reporter un bénéfice raisonnable sur une subvention qui n’a pas été entièrement consommée.
Il s’agit d’un article essentiel pour les associations, car il revient à les pousser à la meilleure performance, la meilleure efficience, dans l’utilisation des fonds publics. Aujourd’hui, les associations peuvent être incitées à consommer le plus vite possible la subvention qu’elles reçoivent dans la mesure où elles ne pourront pas reporter l’éventuel excédent.
Parce que nous croyons à l’efficience de leur gestion, nous voulons leur permettre de reporter l’excédent raisonnable. Je dis bien, comme l’a souligné Patrick Kanner, « leur permettre » : nous ouvrons ici une possibilité, mais personne n’est contraint à rien. C’est une flexibilité, une possibilité pour les associations de se constituer des fonds propres, afin de pouvoir investir, d’avoir davantage de prévisibilité. Voilà une mesure très importante pour leur quotidien. J’espère donc que l’article 1er sera rétabli.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.
M. Patrick Kanner. J’ai eu l’occasion d’évoquer l’« insécurisation » qui régnait dans le secteur associatif en raison de décisions n’allant pas dans le bon sens. Je n’y reviens pas.
On peut néanmoins regretter que toutes les précautions n’aient pas été prises. Une étude d’impact sur les effets de telles mesures sur le fonctionnement du secteur associatif aurait dû être réalisée.
Aujourd’hui, mes chers collègues, nous avons la possibilité d’adresser un signal fort aux associations en adoptant une mesure simple, qui leur permettrait de mieux fonctionner au quotidien, pour se développer, innover, investir et, finalement, remplir les missions d’intérêt général que nous-mêmes, en tant que décideurs locaux, nous leur confions bien souvent.
L’ensemble des acteurs du secteur associatif partagent le même constat. Alors que nous étions sur le bon chemin après l’examen du texte par les députés et leur vote unanime, la commission des lois du Sénat a supprimé cet article. Nous le regrettons très sincèrement.
Cet article, comme vient de le rappeler M. le secrétaire d’État, offre une simple possibilité : il permettrait aux seuls organismes à but non lucratif de conserver l’excédent d’une subvention non dépensé en introduisant la notion d’excédent raisonnable, afin de renforcer leur assise financière.
Est-il sérieux de susciter de fausses peurs pour les collectivités territoriales sur le dos du secteur associatif, lequel serait finalement trop dépensier ? Je ne le crois pas. Une telle attitude n’est pas à la hauteur du respect que nous portons tous ici au secteur associatif, comme l’ont montré les nombreuses interventions à la tribune.
La mesure proposée ne constitue en aucun cas une contrainte, je le redis. La commission des lois a évoqué des risques de tension dans les relations que les collectivités pourraient entretenir avec le secteur associatif. Or, nous le savons, c’est dans une démarche de dialogue et de confiance que nous travaillons bien souvent et, heureusement, avec nos partenaires associatifs au niveau local.
Ces partenaires doivent disposer de fonds propres afin d’avoir une visibilité budgétaire. Pour les acteurs locaux, cette bonne pratique existe déjà au quotidien sur le terrain. Nous savons que les collectivités continueront à exercer un contrôle vigilant, dans la confiance. Tel est l’esprit de cet amendement de rétablissement.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 46.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’objet de cet amendement est de rétablir l’article 1er dans la rédaction adoptée par nos collègues de l’Assemblée nationale. Comme cela vient d’être rappelé, cet article vise à intégrer la possibilité, pour les associations, de conserver un éventuel excédent de fonds octroyés dans le cadre d’un financement public, pour autant que les objectifs partagés aient été atteints et que l’excédent constitué relève d’une maîtrise des dépenses n’ayant pas nui à l’exécution des missions de l’association.
Cet article est très important. Nous ne comprenons pas vraiment pourquoi Mme la rapporteur a voulu le supprimer, vidant ainsi le texte d’une grande partie de sa substance.
Les associations ne disposent que de peu de fonds propres. Elles n’ont donc pas de grandes marges de manœuvre en termes de trésorerie et de finances.
Les autoriser à conserver un excédent trop versé leur permettra de renforcer la trésorerie des associations, afin qu’elles aient les moyens d’investir et de développer leur action sur l’ensemble du territoire, dans le but de remplir leurs missions d’intérêt général.
Dans sa version adoptée par nos collègues de l’Assemblée nationale, le champ d’application de cet article était limité aux seuls organismes à but non lucratif, c’est-à-dire à ceux qui souffrent le plus du manque de moyens.
Cette proposition figurait déjà dans le rapport de 2014 du Haut Conseil à la vie associative sur le financement privé du secteur associatif. C’est une mesure que nombre d’acteurs du milieu associatif appellent de leurs vœux depuis plusieurs années. Ne leur donnons pas l’impression que la représentation nationale les oublie dans un texte qui les concerne au premier chef.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le mot : « versement », la fin de la première phrase du quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi rédigée : « , les conditions d’utilisation et les modalités de contrôle et d’évaluation de la subvention attribuée ainsi que les conditions dans lesquelles l’organisme, s’il est à but non lucratif, conserve un excédent raisonnable sur les ressources non consommées affectées à une dépense déterminée. Un décret pris en Conseil d’État définit ce que représente un excédent raisonnable. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous désapprouvons également la suppression de l’article 1er pour les raisons expliquées à l’instant. Je rappelle que, sur le fond, nous parlons ici d’associations à but non lucratif. Elles ne peuvent donc pas être soupçonnées de réaliser des bénéfices trop importants sur le dos des collectivités, car c’est un peu cela que l’on laisse entendre ici même. Par ailleurs, il ne s’agit que d’un excédent « raisonnable ».
La commission a estimé que l’article 1er était un peu trop imprécis : nous proposons des aménagements visant à préciser la possibilité introduite par les députés de conserver un excédent, pour lui donner réalité.
Il convient de rappeler que cette notion d’excédent raisonnable qui semble faire débat est issue du droit européen et qu’elle a été mentionnée dans une circulaire du Premier ministre il y a quelques années. Nous suggérons de prévoir – nous le faisons rarement et je vous demande donc de prendre cette demande en considération ! – un décret en Conseil d’État, pour préciser le dispositif. Ainsi, tout sera sécurisé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Je ferai une réponse commune. En tout état de cause, revenons-en au fond, car j’ai le sentiment que nous ne parlons pas tous de la même chose.
L’article 1er ne visait qu’à ouvrir une simple possibilité : il n’y avait rien d’obligatoire. Au-delà d’une opération de séduction ou d’un signal fort envoyé aux collectivités et aux associations, il n’emportait aucune contrainte.
Nous sommes tous, pour la plupart, des élus locaux, ou nous l’avons été. Nous savons que toutes les collectivités et toutes les associations ont déjà la faculté de se mettre d’accord pour décider qu’un excédent ne sera pas récupéré en totalité.
Par ailleurs, toutes les associations ne doivent pas être mises sur un pied d’égalité. Comment comparer une association de boulistes – n’y voyez aucun mépris !– avec un budget de 500 euros et une association à caractère d’utilité publique dotée de fonds beaucoup plus importants ? Il me paraît donc normal que les financeurs puissent discuter avec celles et ceux qui bénéficient de subventions publiques.
D’expérience, je sais qu’aucune collectivité ne met en péril l’avenir d’une association en lui reprenant les fonds dont elle a besoin. Donc, sauf à vouloir envoyer une espèce de signal politique aux associations, je ne vois pas l’intérêt de légiférer sur une pratique qui existe déjà de façon parfaitement naturelle et logique dans nos bassins de vie, entre les collectivités territoriales, que ce soient les communes, les départements ou les régions, et les associations avec lesquelles elles travaillent.
Je maintiens donc mon avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 12 ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Il est effectivement utile de procéder à quelques rappels. Je ne considère pas qu’il faille opposer les collectivités locales aux associations. Je suis moi aussi élu local et je sais que les collectivités qui vont bien sont celles où les associations se portent bien, et réciproquement. Je n’oppose jamais les uns aux autres !
Cette disposition ne vise absolument pas à opposer les collectivités locales aux associations. Au contraire, elle n’oblige personne à rien ; elle ouvre une faculté. Aux financeurs de discuter, de définir un excédent raisonnable qui pourra ensuite être reporté.
Vous dites, madame la rapporteur, que cela est déjà possible. Mais s’il n’y avait aucun problème, cette mesure ne figurerait pas parmi les premières revendications exprimées par le Mouvement associatif dans son rapport ! Les représentants des associations demandent des mesures concrètes et utiles.
J’ajoute que les associations d’élus ne nous ont jamais demandé la suppression de cette disposition, qui ne leur pose aucune difficulté. Je suis donc assez étonné qu’elle soit supprimée au motif qu’elle gênerait les collectivités locales : ce n’est pas le cas !
Le report est possible aujourd’hui, certes, mais il est alors considéré non pas comme un ajout aux fonds propres susceptible de permettre à l’association de développer des projets, mais statutairement comme une nouvelle subvention pour l’année suivante.
Pour toutes ces raisons, je souhaite que le Sénat rétablisse l’article 1er. C’est une demande très forte des associations, ce qui prouve qu’elle correspond à un besoin. Cet article ne pose pas de problème aux collectivités locales, qui n’ont jamais demandé sa suppression. Par ailleurs, cette mesure permettra concrètement d’aider les associations dans notre pays sur tout le territoire.
L’amendement n° 12 vise à définir par un décret en Conseil d’État l’excédent raisonnable. Les amendements identiques nos 15 rectifié ter, 18, 24 rectifié et 46 tendent précisément à laisser la possibilité aux financeurs de définir cet excédent au plus près du terrain, au plus près de la réalité des associations et des subventions concernées. Il me semble important de maintenir une telle fluidité. Je demande donc le retrait de l’amendement n° 12 au profit des amendements identiques précités. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je n’aime pas trop qu’on légifère pour envoyer des signaux ici et là. On légifère, par définition, pour faire la loi.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Absolument !
M. Alain Marc. Quant à la notion d’excédent raisonnable, encore faudrait-il la définir. On pourrait, certes, reporter cet excédent pour un an, mais alors il faudrait que la collectivité ait le droit de ne pas accorder de subvention l’année suivante, puisque l’excédent raisonnable de l’année n’a pas été dépensé. Je ne comprends pas l’objet d’une telle mesure.
Vous êtes jeune, monsieur le secrétaire d’État, je ne sais pas si vous avez membre d’une association. Pour ma part, comme beaucoup ici, je viens du monde associatif. Vous affirmez que ce dernier demande cette mesure, mais je n’ai jamais entendu une association du département dont je suis élu demander cela !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Moi non plus, jamais !
M. Alain Marc. Je ne sais donc pas où vous avez entendu cette idée.
Je ne voterai donc pas pour ces amendements.
M. le président. La parole est à Muriel Jourda, pour explication de vote.
Mme Muriel Jourda. Je veux abonder, en quelques mots, dans le sens de Mme la rapporteur.
Comment se passe, aujourd’hui, l’attribution de subventions aux associations par les collectivités ? Exactement comme cela a été dit : chaque association sollicite une subvention, négocie avec la mairie ; les élus communaux chargés du suivi du budget examinent les demandes et les besoins, ils regardent si ces associations ont ou non des salariés – quand c’est le cas, il y a un besoin de trésorerie dont on peut tenir compte –, et si elles ont des projets. Tout cela se négocie, si j’ose dire, entre adultes consentants.
Je ne vois donc pas pourquoi nous devrions inscrire cette possibilité dans la loi, suivant des modalités plus ou moins précises selon les amendements.
Au-delà même de la lutte contre la volonté d’affichage, lutte que je partage avec les intervenants précédents, il faut faire attention à cette maladie bien française : nous prenons toujours les espaces de liberté pour des vides juridiques ; continuons à avoir des espaces de liberté ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. François-Noël Buffet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je ne crois pas que nous soyons dans cet hémicycle pour faire plaisir aux uns ou aux autres ; ce n’est pas le rôle premier du législateur. Son rôle premier est de faire la loi, d’établir des règles, si possible simples, claires, qui ne souffrent pas trop la contestation ou l’interprétation.
Les collectivités locales entretiennent toutes, sans exception, des relations de confiance avec le monde associatif, et elles maintiennent ces relations dans le cadre de leur liberté de gestion et d’action ; cela vient d’ailleurs d’être rappelé par notre collègue Mme Muriel Jourda.
Pour ma part, je ne sais pas caractériser, sur le plan juridique, la notion d’excédent raisonnable ; par conséquent, comment en donner, dans la loi, une interprétation claire et précise ? Cette notion sera appréciée diversement selon l’association à laquelle elle s’appliquera et selon des critères qui seront subjectifs pour la collectivité locale ou pour l’association.
En réalité, monsieur le secrétaire d’État, je crains que, à vouloir à tout prix inscrire cette référence dans la loi, vous ne créiez des nids à contentieux, si vous me passez cette expression peut-être inadaptée à notre hémicycle. Cela aboutira à une situation dans laquelle des collectivités seront placées au contentieux, afin que le tribunal interprète cette notion, contentieux suscité par l’association ou par la collectivité elle-même, pour différentes raisons.
On fera donc face à des difficultés de plus en plus grandes ; plutôt que de conserver un système simple et de laisser les collectivités organiser leurs relations avec le monde associatif de façon raisonnable, dans un lien de confiance, on crée les germes d’un conflit permanent.
M. Jacques Grosperrin. C’est très clair.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. J’abonderai dans le sens des propos qui viennent d’être tenus.
Le paysage associatif est divers ; il n’y a pas deux associations qui se ressemblent, ni dans leurs comptes, ni dans leur fonctionnement, ni dans leur objet. Par conséquent, eu égard à cette diversité, se prévaloir de ceci ou de cela n’a pas grand sens.
De même, se prévaloir du prétendu Haut Conseil de la vie associative, dont la représentativité, pardon de le dire, laisse à désirer, n’a pas de sens ; ce n’est pas parce que tel ou tel membre réclame ceci ou cela que c’est légitime.
Par ailleurs, la notion d’excédent raisonnable, outre son caractère juridique incertain, qui engendrerait des difficultés, alimenterait une confusion tout à fait préjudiciable aux relations entre les collectivités et les associations, relations qui sont plutôt bonnes. Quand ce n’est pas le cas, c’est précisément parce que les collectivités n’exercent pas véritablement leur droit de contrôle, mais les outils, les moyens et les règles qui président aux relations entre le monde associatif et les collectivités locales existent. Ainsi, les dérives qui peuvent être signalées ici ou là sont le signe d’un défaut d’exercice de ces prérogatives.
Enfin, à M. Kanner, qui propose le rétablissement de l’article 1er, je veux dire que la notion d’insécurisation me paraît aussi hors de propos, parce que, s’il y a eu une époque où les associations ont connu des difficultés de trésorerie et de fonds de roulement, c’est quand les collectivités ont dû subir 11 milliards d’euros de baisse de dotations !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Bravo !
M. François Bonhomme. Souvenez-vous-en, on en a parlé à l’époque ; dans la plupart des cas, les collectivités, compte tenu des difficultés auxquelles elles étaient confrontées, ont eu pour position d’appliquer la règle de trois : elles ont répercuté, dans leurs relations financières avec les associations, cette baisse de dotation. C’est donc à cette époque que les associations ont eu les plus graves difficultés de trésorerie, monsieur Kanner ; il faut le rappeler et insérer cet élément dans votre analyse.
Tout cela me paraît donc hors de propos. Laissez les collectivités exercer pleinement leurs prérogatives ; le reste n’est que littérature. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Je ne ferai pas de littérature, mais je veux que l’on sorte de cette espèce d’hypocrisie.
On connaît bien le rôle des associations, à l’échelon local, aujourd’hui, en France ; bien souvent, les collectivités laissent faire ou utilisent les associations pour pallier certaines défaillances.
Le rapport entre la collectivité et l’association existe, et il s’inscrit souvent dans un cadre précis – conventions annuelles, trisannuelles, ou autres – qui organise les choses.
Ce qui est proposé ici ne consiste pas à mettre en péril le système existant ni à laisser un acteur exercer une forme de chantage à l’égard de l’autre ; il s’agit de permettre à une association de conserver, le cas échéant, un reliquat de sa subvention, pour mener telle ou telle action, pour pouvoir se développer au bénéfice des habitants, donc de la collectivité.
Mme la rapporteur l’a dit, tout cela existe ; ce qui est simplement proposé, c’est de l’inscrire tranquillement dans la loi. Rien n’interdit du reste aux collectivités de demander aux associations d’indiquer, dans leur dossier de demande de subvention, le niveau de leur fonds de roulement et de leurs réserves.
Il ne s’agit donc pas d’adopter une mesure susceptible de défavoriser les collectivités. Au travers de cet amendement, qui ne relève pas de l’affichage, nous demandons, d’une part, de rendre hommage aux associations, de les soutenir – nous sommes tous d’accord là-dessus, je crois –, et, d’autre part, de favoriser leur développement. Au-delà de tout ce que l’on a entendu, cette disposition favorise simplement le développement des associations. Or, on le sait tous, il est aujourd’hui difficile de disposer de bénévoles et d’associations. Permettons donc simplement à celles-ci de continuer leur travail.
Quant au fait de remettre en cause le Haut Conseil de la vie associative, si l’on commence ce petit jeu-là, mon cher collègue, on risque de passer de longues journées dans cet hémicycle à parler de nombreuses autres structures. (M. Patrick Kanner applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié ter, 18, 24 rectifié et 46.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le délai de paiement de la subvention ou de son premier acompte est fixé à soixante jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention ou, le cas échéant, à compter de la date à laquelle les modalités de versement prévues dans la convention mentionnée à la première phrase du présent alinéa sont remplies. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Cette disposition ne s’applique » sont remplacés par les mots : « Ces dispositions ne s’appliquent ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Ce sera la seconde fois que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste partage le constat de Mme la rapporteur, en l’occurrence sur la mesure proposée à l’article 1er bis.
Il est vrai que les collectivités n’ont pas toujours une trésorerie suffisante pour pouvoir, dans les soixante jours suivant la notification d’une subvention, verser la somme promise. L’objet de notre amendement est donc de prendre en compte la diversité de situation des collectivités, notamment des communes n’ayant pas forcément une grande réactivité de trésorerie.
Toutefois, plutôt que de supprimer totalement la disposition, il nous semble qu’une légère adaptation du dispositif serait bienvenue. Ainsi, nous proposons que, à défaut d’un versement complet de la subvention, au moins le premier acompte soit provisionné dans les soixante jours suivant la notification.
Cela a plusieurs buts.
Premièrement, si les collectivités territoriales font effectivement face à des difficultés de trésorerie, les associations subissent également cette situation. Les subventions constituent un levier vital de leur fonctionnement, et il n’est pas rare qu’une association doive mettre ses activités en suspens pendant quelque temps en raison d’un retard de versement ; nous l’avons tous vécu.
Deuxièmement, l’engagement d’un versement complet ou partiel dans les soixante jours permet à la fois à la collectivité d’échelonner ses subventionnements, ce qui n’est pas rien, mais aussi aux associations de construire leurs projets au fil de l’eau. En effet, nous en sommes tous conscients, les associations doivent procéder à des achats au dernier moment. Quand elles se préparent en avance, elles trouvent d’autres sources de financement, qui entraînent des flux financiers et complexifient largement le contrôle du financement des associations. Tous, ici, nous connaissons des associations dont les bénévoles avancent sur leurs fonds propres des achats et se font rembourser une fois la subvention versée. Dernière option, qui entraîne encore des flux financiers à rebours : les associations achètent à crédit.
Troisièmement, il nous semble essentiel de le rappeler, les associations font une multitude de demandes de subvention pour chaque projet. Or, bien souvent, les différents échelons territoriaux conditionnent leur soutien à la participation financière d’autres collectivités, dans la limite des plafonds de financement public. De fait, lorsqu’une collectivité territoriale fait courir un très long délai entre sa notification de subvention et le versement de cette dernière, elle bloque parfois le processus pour d’autres collectivités et, in fine, le projet associatif dans sa totalité.
Aussi, au vu des difficultés que peut engendrer cette situation, il nous semble qu’une réintroduction adaptée du dispositif dans le texte serait de bon ton.
M. le président. Le sous-amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Gabouty et Requier et Mme Costes, est ainsi libellé :
Amendement n° 13, alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le délai maximal de notification de la subvention ou de son premier acompte est fixé à deux mois à compter de la décision portant attribution de la subvention. » ;
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Encadrer les délais de versement des subventions sans avoir préalablement encadré les délais de notification ne servirait pas à grand-chose. En effet, si on ne veut pas verser tout de suite, on peut toujours différer la notification, et alors le délai de versement à partir de la notification n’a plus vraiment de sens. Par conséquent, pour que le délai soit raisonnable, il faut prévoir un délai de notification.
Je dirais même que le délai de notification est peut-être plus important que le délai de versement, pour la sécurisation financière des associations à l’égard de leurs fournisseurs, des banques et de leurs engagements contractuels. Dans le cadre de l’organisation d’un festival, on peut faire signer un contrat avec un intervenant si on n’a pas encore perçu la subvention, mais il est difficile de le faire tant qu’on n’a pas la notification officielle de la subvention.
C’est pour cette raison que je préférerais que l’on introduise dans le texte cette notion de délai de notification après la délibération d’une collectivité locale. Cela serait source de sécurisation pour l’association, pour ses fournisseurs et pour les personnes avec lesquelles elle veut contracter.
Ce sous-amendement porte davantage la notion de sécurisation que celle de trésorerie.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. Kanner, Sueur, Temal, Kerrouche et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et Sutour, Mme Conconne, MM. Vaugrenard et Magner, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 47 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le délai de paiement de la subvention est fixé à soixante jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention ou, le cas échéant, à compter de la date à laquelle les modalités de versement prévues dans la convention mentionnée à la première phrase du présent alinéa sont remplies. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Cette disposition ne s’applique » sont remplacés par les mots : « Ces dispositions ne s’appliquent ».
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 19.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à rétablir l’article 1er bis, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Cet article permettait de garantir le versement de subventions aux associations, dans les soixante jours qui suivent la notification de cette attribution de subvention.
J’insiste sur le fait que le délai commence à courir à compter de la notification. J’entends qu’un sous-amendement vise à contraindre le délai de notification. Ce n’est pas le choix du Gouvernement, qui souhaite, précisément, ne pas ajouter de contrainte aux collectivités locales, préoccupation très forte, que je comprends parfaitement.
Ce délai de soixante jours a été longuement discuté à l’Assemblée nationale, mais, préalablement à ces discussions, il avait été abondamment débattu avec les associations d’élus. Il y a eu de très nombreuses propositions pour un délai de trente jours, il y a eu des propositions à quatre-vingt-dix jours, aussi nombreuses ; mais, après consultation et discussion avec l’Association des régions de France, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et l’Assemblée des départements de France – l’ARF, l’AMF et l’ADF –, un consensus s’est dégagé autour de ce délai de soixante jours.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de rétablir cet article.
Encore une fois, c’est du concret pour les associations, puisque, pour solliciter d’autres financements ou pour s’engager sur un certain nombre de projets, les associations ont besoin de pouvoir garantir que le versement des fonds aura lieu. Le fait de savoir que ce versement aura lieu dans les soixante jours qui suivent la notification est un gage de sécurité pour ces associations.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié.
M. Rachid Temal. Je m’inscris dans ce que vient d’indiquer le secrétaire d’État.
Encore une fois, l’idée ne consiste pas à pénaliser les collectivités ; bien au contraire, ce dispositif permet de stabiliser les choses. Une concertation a été menée, et une durée de soixante jours représente un délai acceptable. Surtout, ce délai court à partir de la notification et, très honnêtement, mettre plus de soixante jours pour verser une subvention que l’on a notifiée, c’est clairement parce qu’il y a eu une décision en ce sens.
C’est vrai que c’est compliqué, pour une association, d’avoir été informée d’une décision d’attribution d’une subvention et d’attendre, parfois pendant six mois, pour percevoir celle-ci. Cela pénalise l’association dans ses actions, oblige les bénévoles à engager leurs fonds personnels.
C’est pour cela que nous considérons que cette mesure permet de trouver un point d’équilibre. À partir du moment où la notification a eu lieu – je le rappelle, la notification relève de la décision de la collectivité –, le versement doit intervenir dans les soixante jours. Cela nous paraît acceptable.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons le rétablissement de l’article 1er bis.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Thani Mohamed Soilihi. Les associations, notamment les plus petites, rencontrent souvent des difficultés de trésorerie.
Pour faire face aux délais trop longs de paiement, certaines d’entre elles ont recours aux cessions Dailly, mais cela suppose des frais bancaires qui fragilisent encore les trésoreries et qui peuvent poser des difficultés financières se répercutant sur l’ensemble de l’année.
L’article 1er bis, inséré en séance publique à l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, répondait à ces difficultés, en inscrivant dans la loi un délai de paiement pour l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. L’objectif de cet article était de faire en sorte que les subventions obtenues par les associations leur soient versées dans un délai raisonnable. Les communes garderont la maîtrise de leur budget dans l’attribution des subventions.
Au regard de toutes ces considérations, il nous paraît pertinent d’encadrer les délais de versement des subventions, sur le modèle des délais de paiement applicables aux contrats de la commande publique. C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, de rétablir l’article 1er bis.
Le délai, fixé à soixante jours à compter de la notification de la décision d’attribution ou, le cas échéant, de la survenance de l’événement prévu par la convention portant attribution d’une subvention, répond parfaitement à l’exigence d’un paiement rapide, et il convient à nombre d’associations.
Il s’agit d’une mesure symbolique, sans aucune sanction prévue, qui vise plutôt à atteindre certains objectifs propres à simplifier la vie associative. Cela ne mettra pas les collectivités en difficulté de paiement ; si ces dernières ne disposent pas de fonds suffisants pour verser les subventions, elles pourront tout simplement retarder la notification de l’attribution.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Wattebled, Mizzon, Henno et Fouché, Mme Mélot, M. Bonnecarrère, Mme Noël, MM. Canevet et Lagourgue, Mmes Garriaud-Maylam et Kauffmann et MM. Chasseing, Nougein, Paccaud, Chatillon, Patriat, Mohamed Soilihi, Requier, Grand, Decool, Delcros, Daubresse et Laménie, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le délai de paiement de la subvention est fixé à quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention ou, le cas échéant, à compter de la date à laquelle les modalités de versement prévues dans la convention mentionnée à la première phrase du présent alinéa sont remplies. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Cette disposition ne s’applique » sont remplacés par les mots : « Ces dispositions ne s’appliquent ».
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. J’exposerai les mêmes arguments que mon collègue Thani Mohamed Soilihi.
L’idée de cet amendement consiste à se caler sur les règles de la commande publique, en faisant en sorte que le délai de paiement auquel s’astreignent les collectivités et, en particulier, l’État pour le règlement de leurs commandes puisse s’appliquer aux subventions aux associations.
Je propose une légère différence, en portant ce délai à quatre-vingt-dix jours, parce que la commission a rejeté mon amendement. Je considère en tout cas qu’il faut, de toute façon, prévoir un délai, parce que le calendrier des associations n’est pas celui des collectivités locales. La collectivité a son rythme, ses dates de décision, ses dates d’orientation du budget prévisionnel et des comptes administratifs. En outre, à l’ordre du jour du conseil municipal peut survenir une demande de subvention assez tardive par rapport aux besoins de l’association qui en est l’auteur et qui est soumise au rythme de fonctionnement de la collectivité.
Ainsi, la collectivité peut accroître ces problèmes de délai et de trésorerie.
Je pense donc qu’il est de bon ton de se fixer ce type de limite. Cela atténuerait l’effet négatif, pour une association, d’une dépense n’ayant pas encore été couverte par une subvention publique et qui peut entraîner des difficultés financières, de trésorerie, parfois lourdes.
Rétablir cet article serait donc une bonne chose, que le délai soit de soixante ou de quatre-vingt-dix jours, car prévoir un délai de versement d’une subvention me paraît de nature à rassurer les associations et à éviter un certain nombre de situations que j’ai moi-même pu constater comme élu local, depuis un certain nombre d’années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Cet article procédait du même esprit que le précédent : aujourd’hui, pour les subventions d’un montant très important, les collectivités territoriales et les associations se mettent d’accord sur le fractionnement des versements, qui sont liés à leurs charges, trimestrielles ou semestrielles. Cela se fait naturellement.
Cet article est donc conçu, je le répète, dans le même état d’esprit que l’article 1er : on pense pouvoir tout régler, mais cela n’est pas possible.
D’abord, les collectivités bénéficient de dotations elles-mêmes très fragmentées et versées de plus en plus tardivement. Si l’on n’aide pas les collectivités à fractionner les subventions aux associations, elles n’y arriveront pas.
Je ne sais pas quelles associations d’élus vous avez auditionnées, monsieur le secrétaire d’État, mais je n’en ai vu aucune mention dans le rapport de l’Assemblée nationale ; peut-être l’avez-vous fait directement, en dehors de la commission des lois. En tout état de cause, le fractionnement de ces montants correspond à une forte demande des élus.
Par ailleurs, la vie d’une association est liée à la relation qu’elle entretient avec ses banques. Or, celles-ci ont aussi un rôle à jouer : elles peuvent soutenir les associations quand les délais de versement d’une subvention sont longs, et éviter de se faire un peu d’argent sur un retard de deux ou trois semaines. C’est aussi le rôle du Gouvernement d’attirer l’attention sur ces organismes financiers ; je pense que, en disant cela, je fais plaisir à un certain nombre de sénateurs, sur toutes les travées.
L’article 1er bis n’apporterait, lui non plus, pas grand-chose : quand les collectivités locales éprouveront des difficultés à verser, dans les soixante jours, l’intégralité d’une subvention, elles ne pourront pas plus le faire. Il est donc sage de laisser subsister le fonctionnement naturel des relations entre collectivités et associations, comme cela s’est toujours passé. Aucune collectivité ne souhaite mettre en péril une association, quelle qu’elle soit, en ne versant pas, dès qu’elle le peut, les subventions accordées.
Avis défavorable sur tous les amendements et sur le sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 49 rectifié et sur les amendements n° 13 et 16 rectifié bis ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Il semble y avoir une incompréhension ; en tout cas, je vais tâcher de clarifier l’objet de l’article 1er bis.
Cet article n’impose pas une contrainte aux collectivités territoriales, il donne une garantie aux associations.
M. François Bonhomme. C’est subtil !
M. André Reichardt. Il faudra nous expliquer !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Prenons un exemple concret. Une association bénéficie d’une subvention de la part d’une collectivité territoriale et reçoit donc une notification à ce titre. Elle peut devoir recourir à des prestataires pour la réalisation d’une manifestation ayant donné lieu à cette notification de subvention. Or lesdits prestataires peuvent demander à l’association si celle-ci dispose réellement des fonds pour la payer.
Grâce à cette disposition, l’association pourra prouver qu’elle sera en mesure de payer, puisqu’elle saura que, dans les deux mois suivant la notification, la collectivité territoriale lui versera la subvention notifiée.
Cela dit, la collectivité continue de pouvoir notifier sa subvention quand elle le souhaite ; on ne lui impose pas de le faire dans un délai précis. Simplement, quand l’association reçoit sa notification, elle peut indiquer à ses éventuels partenaires ou prestataires qu’elle sera payée dans les deux mois qui suivent – la collectivité est d’accord puisqu’elle a envoyé sa notification en connaissance de cause –, et qu’elle pourra payer ses fournisseurs, ce qui garantit que la manifestation prévue pourra avoir lieu. Il ne s’agit que de cela.
Pour répondre à votre question sur l’audition des associations d’élus, madame la rapporteur, par définition, ce ne sont pas les députés qui l’ont conduite, puisque cette mesure a été introduite par un amendement gouvernemental en séance à l’Assemblée nationale.
Nous avons échangé avec l’ARF, l’AMF et l’ADF, qui sont favorables à cette solution. Nous avons même discuté de l’ampleur du délai, puisqu’il y avait des propositions pour trente jours, d’autres pour quatre-vingt-dix jours, comme le suggère M. Guerriau. Ces trois associations se sont accordées pour le délai de soixante jours, qu’elles considèrent comme tout à fait tenable, et cela constitue, elles en sont bien conscientes, une garantie très concrète pour les associations. C’est précisément cela que propose le Gouvernement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 13 et sur le sous-amendement n° 49 rectifié, puisque nous souhaitons que les collectivités conservent leur liberté sur le délai de notification. Il demande le retrait de l’amendement n° 16 rectifié bis de M. Guerriau – un amendement de repli, si je comprends bien.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de la majorité présidentielle ou de la gauche, s’il vous plaît, pour paraphraser, en quelque sorte, le président Pompidou, cessez d’emmerder les maires !
Nous passons notre temps à regretter l’inflation législative, mais nous sommes là face à un cas typique de nouvelle réglementation, dans une situation où les relations entre les communes et les associations se régulent très facilement, dans toutes les municipalités qui tournent bien.
Pour ma part, je ne connais pas de maire qui décide d’accorder des subventions à des associations mais qui décide, en même temps, de les verser avec retard, créant ainsi des dysfonctionnements dans la trésorerie de ces associations. Chaque municipalité entretient un dialogue permanent, normal, avec les associations, et elle tient compte des besoins de trésorerie tant de la commune que des associations, quand elles en sont tributaires.
Par ailleurs, je ne sais pas si vous avez été maires, monsieur le secrétaire d’État, monsieur Gabouty, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de notification ? Les droits d’une association courent non pas à compter de la notification, mais à partir du vote de la délibération, dès lors que celle-ci est affichée. Une délibération est créatrice de droits, et ceux-ci ne peuvent pas être retirés unilatéralement par le conseil municipal, même en respectant le parallélisme des formes.
M. Jackie Pierre. Absolument !
M. François Grosdidier. Nul besoin, donc, de ces garanties législatives supplémentaires !
D’ailleurs, si une garantie devait être instituée aujourd’hui en matière de délai de paiement, ce serait à propos des dotations de l’État et de l’Union européenne accordées aux communes !
M. Rachid Temal. Aussi, oui !
M. François Grosdidier. Les communes comptent ces délais en mois, en années parfois, et le législateur n’y apporte aucune réponse ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Rachid Temal. Mais ce n’est pas l’un ou l’autre !
M. Ladislas Poniatowski. L’intervention de M. Grosdidier est pleine de bon sens !
M. Jackie Pierre. Comme d’habitude !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Comme précédemment, avec l’excédent raisonnable, je ne vois pas ce que le fait de prévoir un délai soixante jours pour verser une subvention va apporter.
Je le rappelle, toute association n’a pas droit, par nature, à une aide financière d’une collectivité ; mais, lorsque la seconde a décidé d’attribuer une subvention, on peut penser qu’elle a la volonté d’aider la première et non de compliquer les choses.
On laisse entendre, en proposant le rétablissement de l’article 1er bis, que les associations qui ont manifesté leur volonté d’aider la collectivité veulent les mettre en difficulté en laissant traîner les versements ensuite. C’est une première contradiction, monsieur le secrétaire d’État.
Par ailleurs, vous dites que c’est non pas une contrainte pour les collectivités, mais une garantie pour les associations. Vous m’excuserez, mais je trouve cela très subtil, trop subtil, trop intelligent, peut-être, pour que je comprenne le distinguo.
En tout cas, cette volonté d’imposer une contrainte inutile me semble surtout constituer une opération de rachat, d’expiation par rapport à ce qui s’est passé, au début de ce gouvernement, à l’égard des associations. En supprimant la réserve parlementaire, vous avez affaibli inutilement les associations qui étaient aidées par ce biais-là. À la suite de votre réforme de l’ISF, il y a eu une baisse des dons aux associations,…
M. Patrick Kanner. Rétablissez-le !
M. François Bonhomme. … ce qui a également fragilisé le secteur associatif.
Que vous souhaitiez mener une opération de câlinothérapie ou de rachat, je le comprends, mais que cela ne prenne pas la forme de contraintes nouvelles pour les collectivités ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je rejoins tout à fait les intervenants précédents ; faisons confiance aux relations qui existent depuis toujours entre les communes et les associations.
Voyons, les maires ne font pas exprès de ne pas verser en temps et en heure leurs subventions ! D’ailleurs, bien souvent, ils versent une partie de celles-ci en avance, pour que la trésorerie des associations s’en porte mieux.
Cela ne vous aura pas échappé, monsieur le secrétaire d’État, les maires sont des élus ; et les associations, par exemple par le biais de la presse, peuvent exercer une pression considérable sur une commune qui ferait exprès de retarder le versement de ses subventions ! Je ne comprends pas pourquoi nous en sommes là aujourd’hui.
Je ne sais pas s’il faut cesser d’emmerder les maires, pour paraphraser à mon tour le Président Pompidou, mais il me semble que les choses se passent pour le mieux dans nos territoires.
La secrétaire de mairie de ma commune que j’ai eue aujourd’hui au téléphone m’indiquait qu’il est possible de prendre une délibération attribuant une subvention à une association dès janvier et de l’intégrer ensuite au budget qui ne sera voté qu’en mars.
Aujourd’hui, on peut quasiment tout faire en termes de comptabilité publique. C’est une simple question de volonté et de bonne entente entre les dirigeants de l’exécutif de la collectivité locale et les associations demanderesses. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Claude Kern. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J’ai l’impression de revivre les débats de la loi sur la parité.
M. François Bonhomme. Il n’y a aucun rapport !
Mme Catherine Conconne. Selon certains, les choses allaient se faire naturellement, il n’était pas nécessaire d’imposer quoi que ce soit… Or nous savons bien que, sans contrainte, ça ne marche pas ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. Claude Kern. Si, ça marche !
Mme Catherine Conconne. S’il vous plaît, ne m’interrompez pas !
J’ai été élue municipale pendant dix-sept ans.
M. Ladislas Poniatowski. Ça ne se voit pas !
Mme Catherine Conconne. J’ai siégé dans un conseil général et dans un conseil régional pendant plusieurs années. La réalité est tout autre que ce que vous décrivez.
Bien évidemment, certaines choses fonctionnent bien, notamment dans les petites mairies, mais, dès que la commune a une certaine taille, la réalité est tout autre pour les associations. Il est donc légitime d’imposer une certaine contrainte, car, généralement, obtenir le paiement d’une subvention relève pour elles du parcours du combattant. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Il faut changer les élus, alors ! Il faut les virer !
Mme Catherine Conconne. Vous pouvez hurler tant que vous voudrez, vous ne m’enlèverez pas mon droit de parole !
M. le président. Mes chers collègues, ayez l’obligeance de vous écouter les uns les autres.
Mme Catherine Conconne. Merci, monsieur le président, de rétablir l’ordre dans le camp d’en face !
Après avoir reçu une notification, les associations doivent souvent attendre une bonne année pour percevoir ne serait-ce que la moitié de leur subvention. Ce retard peut parfois s’expliquer par des raisons de trésorerie – je le sais d’autant mieux que j’ai été élue municipale d’une commune qui tire le diable par la queue chaque fin de mois. Toutefois, certaines collectivités dorment sur des dizaines de milliers d’euros de trésorerie ! Ces dernières, par un phénomène de lenteur naturelle, prennent leur temps pour verser les subventions prévues. Et des dizaines et des dizaines de milliers d’associations, confrontées à ce rythme qui ne correspond pas à leur quotidien, sont en souffrance !
Je voterai cette disposition pour rendre hommage et faire justice à ces associations qui s’occupent de la misère du monde. On ne peut les installer dans une souffrance permanente !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Souhaits de bienvenue à une délégation de Wallis-et-Futuna
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, des trois rois de Wallis-et-Futuna, territoire de la République française, qui nous rendent visite ensemble pour la première fois. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
Il s’agit de Lavelua Takumasiva Patalioné Kanimoa, roi d’Uvea, de Tuiagaifo Lino Leleivai, roi d’Alo, et de Keletaona Eufenio Takala, roi de Sigave, accompagnés de leurs ministres coutumiers. Au nom du Sénat, je leur renouvelle mes souhaits de bienvenue.
Ils sont en déplacement officiel à Paris, monsieur le Premier ministre, pour la signature du contrat de convergence et de transformation de Wallis-et-Futuna. Ils sont également venus échanger avec nous sur des questions statutaires et de vie quotidienne, accompagnés de notre collègue Robert Laufoaulu, sénateur des îles Wallis et Futuna.
Nous connaissons leur attachement à la République, tout comme à la Haute Assemblée. Je forme le vœu que leur séjour à Paris soit l’occasion d’échanges fructueux pour leurs territoires et pour la République française. (Applaudissements.)
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Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat.
J’appelle chacun de vous à être attentif au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.
pénurie de médicaments
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Depuis plusieurs années, la pénurie de médicaments ne cesse de s’accentuer. Le Gouvernement a tardé à réagir, à tel point que la situation est désormais alarmante : des bébés ne peuvent être vaccinés à temps, des personnes touchées par le cancer ne peuvent recevoir leurs médicaments, des malades de Parkinson peuvent être gravement atteints par la rupture de leur traitement. La liste est longue…
Face à ce constat, vous avez annoncé, madame la ministre, la volonté d’agir du Gouvernement. Pourtant, vos déclarations ne semblent pas montrer une volonté de s’attaquer à l’impuissance publique face aux laboratoires pharmaceutiques. Or ce point est majeur.
Les laboratoires renchérissent les coûts en organisant les pénuries, prônent le recours aux flux tendus en réduisant les stocks pour maximiser les profits et délocalisent hors de France la production et la recherche. Sanofi, par exemple, après avoir fermé de nombreux sites, prévoit la suppression de 1 500 emplois en 2019, dont 300 dans le secteur de la recherche-développement, alors même que cette entreprise a touché chaque année 150 millions d’euros de crédit d’impôt recherche, sans même compter ce qu’elle a perçu au titre du CICE.
Par ailleurs, les laboratoires laissent arriver d’Asie des lots de mauvaise qualité, qui sont bloqués lors des contrôles et contribuent à la pénurie.
Il est temps que tout cela change, que la filière pharmaceutique soit considérée comme stratégique et vitale, que l’État soit capable d’assurer l’approvisionnement de médicaments de qualité à des prix abordables. Que compte faire concrètement le Gouvernement pour atteindre ces objectifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, je ne suis pas d’accord avec vous : le Gouvernement n’a pas tardé pour agir. L’Agence du médicament a demandé à tous les industriels de la pharmacie de mettre en place des plans de gestion des risques pour éviter les ruptures.
Cela étant, vous avez raison, il s’agit d’un phénomène mondial, qui s’accélère. Les pénuries sont vingt fois plus nombreuses aujourd’hui qu’elles ne l’étaient voilà dix ans. Nous avons donc décidé de monter notre dispositif d’un cran pour agir contre ces pénuries, qui inquiètent énormément nos concitoyens et les professionnels de santé.
J’ai présenté lundi une feuille de route autour de quatre grands axes pour mieux prévenir, gérer et informer les patients.
Le premier vise à faire toute la transparence sur ces pénuries et à mieux informer à la fois les patients et les professionnels afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs.
Le deuxième axe vise à mieux lutter contre les pénuries par de nouvelles actions de prévention et de gestion des risques sur l’ensemble de la chaîne de production et de distribution du médicament.
Le troisième axe consiste à renforcer non seulement la coordination nationale pour lutter contre les pénuries, mais aussi la coordination internationale. Comme je l’ai souligné, il s’agit d’un phénomène mondial, et l’Europe doit aussi s’organiser.
Enfin, nous allons mettre en place une nouvelle gouvernance nationale en instaurant un comité de pilotage, que j’installerai en septembre prochain, afin de réunir tous les acteurs autour de la table.
Je souhaite aussi rassurer nos concitoyens : l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, notamment les pharmaciens et les médecins, font aujourd’hui tout leur possible pour assurer la distribution des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Je les remercie sincèrement de leur implication.
Le comité de pilotage permettra de rendre compte régulièrement de l’avancée de cette feuille de route.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces déclarations me semblent tout de même très en deçà de l’enjeu et des risques.
Nous vous demandons, madame la ministre, de prendre en compte des propositions que nous avons déjà faites dans cette assemblée.
La première consiste en la création d’un pôle public du médicament, tant pour la production que pour la recherche. Nous voyons bien que nous ne pouvons rester à la merci du bon vouloir des laboratoires pharmaceutiques, car il y va de la santé de nos concitoyens et de la souveraineté nationale.
La deuxième consiste en l’élaboration d’un plan public de distribution en mobilisant, d’une part, la pharmacie centrale des armées,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et, d’autre part, l’Agence générale des équipements et produits de santé.
Enfin, notre troisième proposition consiste à nous opposer immédiatement à toutes les délocalisations dans le secteur du médicament. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
grenelle des violences conjugales
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Laurence Rossignol. Soixante-quinze féminicides depuis le début de l’année : soixante-quinze meurtres – non pas passionnels, comme on le lit encore, mais possessionnels – commis dans de nombreux cas par des hommes qui préfèrent leur femme morte plutôt que libre ; soixante-quinze femmes âgées de 20 à 90 ans tuées par la violence machiste.
À la demande des associations et des familles de victimes, le Gouvernement, par votre voix, madame la secrétaire d’État, a annoncé un Grenelle des féminicides, qui se tiendra de septembre à novembre. La mise en commun des expériences sera bien évidemment utile. J’espère que, d’ici là, les conclusions de l’Inspection générale de la justice seront connues et que la même enquête sera menée dans les services de police et de gendarmerie. Toutefois, plusieurs décisions pourraient d’ores et déjà être prises, sans devoir patienter cinq longs mois supplémentaires.
Ni la lutte contre les violences faites aux femmes ni la faiblesse des budgets pour les prévenir et pour protéger les victimes ne datent de mai 2017. J’en tiens pour preuve, madame la secrétaire d’État, que vous êtes chargée de mettre en œuvre le cinquième plan triennal de mobilisation, ce qui veut dire que le premier remonte à quinze ans.
Le budget qui y est consacré, lequel avait pourtant augmenté de 50 % entre 2012 et 2017, n’a jamais été à la hauteur des besoins. Vous ne manquerez sans doute pas de me répondre que la hausse des moyens s’est poursuivie ces deux dernières années. Mais vous admettrez sans doute avec moi que les moyens ne sont toujours pas suffisants. Ainsi, le CIDFF de Saint-Nazaire m’indiquait il y a quelques jours que, en 2018, il n’avait pu traiter que 1 300 des 2 300 demandes de rendez-vous.
Le ministère des finances est en train d’établir les budgets de tous les ministères pour 2020. Vous bénéficiez, grâce à la mobilisation des féministes, des associations, des familles, des militantes, des médias d’un rapport de force exceptionnel. Madame la secrétaire d’État, je n’ai qu’une question à vous poser : avez-vous aujourd’hui la certitude que votre budget sera doublé en 2020 pour enfin répondre aux besoins ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Laurence Rossignol.
À la demande des associations, le Gouvernement a effectivement décidé d’organiser un Grenelle des violences conjugales du 3/9/19 – date qui fait écho au 3919, le numéro d’aide pour les femmes victimes de violence que nous devons faire davantage connaître – au 25 novembre, journée mondiale de lutte contre les violences envers les femmes.
Nous voulons que ce Grenelle soit le plus large possible. J’ai passé plus de deux heures, ce matin, avec la totalité des associations accueillant, à l’échelle nationale, des femmes victimes de violences conjugales. Elles seront toutes parties prenantes et ont toutes salué l’engagement du Gouvernement dans la construction de ce Grenelle.
La question des moyens est importante. En face de toute nouvelle politique publique, il faut évidemment de nouveaux moyens. J’ai d’ailleurs assuré aux associations que nous mobiliserons des moyens supplémentaires pour accueillir le surcroît d’appels que nous espérons au 3919. Je rappelle que nous avons alloué plus de 120 000 euros supplémentaires à ce numéro et que le budget des associations a augmenté de 21 % en moyenne – le budget de certaines d’entre elles a même été multiplié par deux, par trois voire par quatre.
Toutefois, il faut aller au-delà de la question des moyens pour se pencher sur celle de l’effectivité des politiques publiques que nous mettons en œuvre. Il faut véritablement que toutes les administrations, que les services de police, de justice et de gendarmerie sur les territoires puissent être engagés. C’est le sens de ce Grenelle.
Tous les ministres concernés seront présents pour travailler et coconstruire avec les associations, les parties prenantes, les experts, les familles et les proches de victimes. Ce Grenelle sera conclu par le Premier ministre Édouard Philippe, pour arrêter ensemble un agenda concret et des mesures concrètes qui pourront s’appliquer partout sur le territoire. Il s’agit également de lutter contre les disparités entre territoires, notamment dans les zones rurales et dans les territoires d’outre-mer.
Tout le monde sera bienvenu pour participer à ce Grenelle. Tout expert, tout élu, toute partie prenante peut nous contacter à l’adresse électronique grenelle@pm.gouv.fr.
Sans attendre, nous avons ouvert cet été…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. … 240 places d’hébergement et demandé une évaluation des moyens du 3919…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. … pour les améliorer encore. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
grève des professeurs lors du bac
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Claude Malhuret. « Nous désapprouvons la politique du ministre, vengeons-nous sur les élèves », voilà comment résumer la farce sinistre qui vient de se jouer dans nos lycées, transformés en ZAD – zones à délirer (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) – par moins de 1 % de grévistes, condamnés par une grande majorité de Français et par une grande majorité de leurs collègues.
Angéline, bachelière parmi beaucoup d’autres cités par Ouest-France, déclarait : « On a fait notre travail. Respectez-le et redonnez nos notes, ce n’est pas à nous de payer. » Aujourd’hui, ce sont les élèves qui sont forcés enseigner la morale à certains de leurs professeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Le premier devoir des enseignants est celui de l’exemplarité devant leurs élèves. L’exemple que l’on veut donner aux enfants est-il celui de ne pas remettre ses copies ? Il ne viendrait jamais à l’idée des médecins d’arrêter de soigner les malades quand nous faisons grève ou même de ne pas remettre l’ordonnance. Les zadistes des salles d’examen en folie n’ont pas ces scrupules : manque de respect envers les élèves, dont cette grève a tellement à cœur les intérêts qu’elle en fait ses premières victimes, manque de respect envers les familles qui leur confient leurs enfants, manque de respect envers leurs collègues, dont ils abîment l’image.
Maintenant qu’ils ont perdu face à un ministre déterminé – ce qui n’était pas arrivé depuis des années (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.) –, ils dénoncent les inégalités. Mais qui a créé les inégalités entre les candidats si ce n’est les escamoteurs de copies ? Les mêmes annoncent déjà des préavis de grève en septembre. Ne pourraient-ils pas déposer un jour un préavis de travail ? (Rires et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
« On ne peut se permettre la réforme Blanquer », disent-ils. Mais peut-être l’éducation nationale ne peut-elle se permettre ces offusqués professionnels et leurs drôles de méthodes, qui auraient fait rougir de honte leurs ancêtres les hussards noirs.
Monsieur le Premier ministre, je souhaite que vous nous assuriez de votre fermeté face aux révolutionnaires à statut protégé et de votre détermination à appliquer une réforme qui n’est pas seulement la réforme Blanquer, mais aussi celle de l’Assemblée nationale et du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le bac, c’est important, non pas simplement parce que c’est un examen qui vient sanctionner la fin de la scolarité dans l’enseignement secondaire, mais parce qu’il est la voie d’entrée dans l’enseignement supérieur. Pour nombre de nos concitoyens, le bac, c’est le moment où l’on accède à une forme non pas de majorité légale, celle-ci dépend de l’âge, mais de majorité intellectuelle. Avec l’obtention du bac, on franchit une étape particulière, non seulement symbolique, mais aussi de savoir.
Nous avons tous eu au moment de passer le bac ou au moment où nos enfants passent le bac– ce n’est pas le cas pour moi, les miens sont trop jeunes – un sentiment d’angoisse et de fierté. Nous connaissons tous des Françaises et des Français qui sont les premiers de leur famille à avoir eu le bac. Je n’ai jamais vu celui qui était le premier dans sa famille à avoir eu le bac ne pas en concevoir une immense fierté.
Chacun le comprend, pour les élèves et leurs familles, cet examen est un moment de fierté et, parfois, d’angoisse. Or les conditions dans lesquelles se sont déroulées les épreuves du baccalauréat en 2019 sont à bien des égards insatisfaisantes, dans la mesure où des revendications, que je ne commenterai pas, ont été formulées.
Formuler des revendications lorsque l’on est fonctionnaire, enseignant, ou même lorsque l’on n’est ni fonctionnaire ni enseignant, ce n’est pas illégitime. Toutefois, dans le cas qui nous occupe, les revendications formulées ont été associées, pour une infime minorité d’enseignants, monsieur le président Malhuret, à la menace d’une perturbation des épreuves : il s’agissait de ne pas se présenter dans les centres d’examen, puis de gêner l’accès aux centres d’examen, puis de ne pas corriger les copies, puis de ne pas rendre les copies corrigées. Bref, on a installé du désordre et de l’angoisse dans un moment qui mérite mieux que cela.
Ces agissements d’une infime minorité – je le dis très clairement, monsieur le président Malhuret – ne sont pas à la hauteur de la mission exceptionnelle qui revient à tous les enseignants de notre République. Le ministre de l’éducation nationale a adopté à juste titre une position ferme et déterminée, afin que ce bras de fer – ceux qui en subissent les conséquences sont non pas le ministre ou vous-même, monsieur le président Malhuret, ni moi-même, mais bien les élèves qui passent le bac – ne s’achève pas par une victoire de ceux qui veulent perturber l’organisation d’un moment aussi important. Il a bien fait, et je lui apporte évidemment tout mon soutien, car nous devons faire en sorte que cet examen et ceux qui le passent soient respectés.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire que ce choix d’une petite minorité, qui ne me semble pas à la hauteur, ne doit pas masquer l’exceptionnel travail d’une immense majorité, laquelle peut partager les interrogations de cette petite minorité et être opposée à tel ou tel aspect de la politique menée par le ministre de l’éducation nationale et le Gouvernement, mais qui considère qu’un enseignant doit transmettre un savoir et donner l’exemple. Ainsi, monsieur le président Malhuret, je veux saluer tous ceux qui ont considéré que l’essentiel, pour faire leur métier et aider leurs élèves, était de transmettre un savoir et de donner l’exemple. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
burkini
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Dans l’agglomération grenobloise, depuis plusieurs semaines, des actes communautaires viennent chaque jour fracturer un peu plus notre contrat républicain.
À deux reprises, des femmes militantes, qui ont la volonté d’aller contre les interdits, ont fait le choix de défier l’autorité publique en venant se baigner en burkini dans les piscines municipales, ce qui est pourtant interdit par les règlements intérieurs.
Dans le même temps, nous avons appris qu’une école salafiste que le ministre de l’éducation nationale a décrite comme « inspirée par des idéologies radicales » est toujours ouverte. Elle devait pourtant fermer, mais cette décision est suspendue dans l’attente d’un procès qui ne se déroulera pas avant novembre prochain.
De telles situations illustrent une seule et même orientation qu’il faut dénoncer haut et fort : la fracturation communautaire de notre société, conjuguée à l’offensive d’une forme d’agression identitaire.
Face à de tels actes, c’est notre pacte républicain qui chaque jour s’abîme un peu plus.
Peut-on accepter que, tout l’été, la question du burkini se pose dans les piscines municipales ? Comment accepter qu’une école salafiste radicalisée puisse continuer d’accueillir des élèves lors de la prochaine rentrée ?
Les élus locaux sont dans l’attente d’une réponse claire et stricte de l’État, afin de faire respecter sur l’ensemble du territoire la laïcité et les principes républicains de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous évoquez une action menée par une association bien connue à Grenoble visant à se présenter dans une piscine municipale vêtue d’un burkini, tenue de bain interdite en application du règlement intérieur de cette piscine, comme c’est le cas dans la plupart des piscines publiques du territoire national, essentiellement pour des raisons relatives à l’hygiène et à la sécurité. Le maire est chargé de veiller à la bonne application de ces règles.
Toutefois, vous avez raison de le souligner, ne soyons pas naïfs, cette action est d’abord un acte militant à grand renfort de communications de presse. C’est aussi une provocation, pour voir jusqu’où vont les limites de notre République, jusqu’où nous sommes capables de résister.
Il nous faut résister face au communautarisme et au repli identitaire. Nous devons être droits dans nos bottes et solides dans nos valeurs. Je pense bien sûr au respect des libertés individuelles et de la liberté de culte, mais aussi à celui du principe de laïcité et de l’ordre public.
Face à ce type de comportements, partout dans les quartiers victimes de replis identitaires et de communautarisme, qui en souffrent, nous avons lancé dans le cadre du plan interministériel de prévention de la radicalisation de nombreuses actions de contrôle de lieux, d’individus et de structures associatives. Partout où ces contrôles sont effectués il y a des fermetures de lieux de culte ou de débits de boisson. Nous fermons également des écoles hors contrat. (M. Michel Savin le conteste.)
Si, monsieur le sénateur, ne hochez pas la tête ! Nous menons ces actions de manière extrêmement efficace et très déterminée, mon passé professionnel me permet de le dire.
Dans le cas que vous citez, le ministre de l’éducation nationale a fait injonction aux parents de ne pas inscrire leurs enfants dans l’école que vous avez évoquée, dans l’attente de l’appel qui sera rendu. Croyez-le bien, nous sommes déterminés à traiter ce dossier jusqu’au bout.
Par ailleurs, des actions éducatives sont menées…
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. … dans le cadre du plan que je viens d’évoquer. De nombreuses mesures sont prévues pour éduquer l’ensemble des enfants et des acteurs en matière de vivre ensemble,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. … valeur à laquelle nous sommes tant attachés.
Vous pouvez compter sur notre détermination pour éradiquer les phénomènes de repli communautaire.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse n’est pas à la hauteur des enjeux. Vous nous répondez hygiène, alors que je vous parle laïcité et principe républicain.
L’ensemble de ces actes, nous le savons tous, n’a qu’un seul objectif : tester la République pour mieux la déstabiliser.
Votre réponse doit être sans ambiguïté et de la plus grande fermeté, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, malgré les propos que vous venez de tenir.
Nous sommes nombreux à appeler de nos vœux un débat sur la laïcité, afin de mieux la protéger et de la renforcer. Sans cela, vous laisserez perdurer, malheureusement avec une lâche complicité, un flou qui accentue les tensions dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
difficultés du financement de l’apprentissage
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Catherine Fournier. Je souhaite revenir sur la partie « Apprentissage » de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, son application et ses conséquences sur les financements délégués aux régions.
Nous avons constaté que les chambres de métiers et de l’artisanat et certains directeurs de CFA réclament l’application de la réforme dès le mois de septembre 2019, soit à la prochaine rentrée scolaire. En effet, conformément au décret du 28 mars dernier, le paiement des CFA au « coût contrat » serait plus avantageux pour une majorité d’entre eux que l’ancien système dit des « coûts préfectoraux ».
Madame la ministre, comptez-vous proposer aux CFA qui le souhaitent d’utiliser le nouveau système de financement dès la rentrée de 2019 ? Sinon, y aura-t-il une remise à plat en janvier 2020 pour tous les contrats antérieurement souscrits, afin qu’il n’y ait pas de distorsion financière entre anciens et nouveaux contrats ?
L’État s’est aussi engagé à verser aux régions une enveloppe de 250 millions d’euros, au titre des dépenses de fonctionnement. Celles-ci pourront ainsi moduler territoire par territoire le taux de prise en charge des contrats et assurer le maintien de certaines formations en zone rurale. Rien n’est encore figé, mais l’annonce a été faite d’un versement en octobre. Qu’en est-il exactement ?
Les régions disposeront également de fonds d’investissement. Ces investissements doivent faire l’objet de conventions d’objectifs et de moyens conclues avec les OPCO. Le projet de loi prévoit que les critères d’attribution de ces fonds seront fixés par décret, après concertation avec les régions. Qu’en est-il du calendrier ? Les régions attendent.
Madame la ministre, ces enveloppes régionales guideront l’action des acteurs de l’apprentissage après l’entrée en vigueur de la réforme. Quand serez-vous en mesure de nous renseigner sur leurs montants ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Catherine Fournier, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, que vous connaissez très bien, puisque vous aviez été rapporteur de son volet formation, a effectivement prévu de favoriser le développement l’apprentissage. Grâce à ce contexte, la dynamique du développement de l’apprentissage est aujourd’hui très forte, le nombre d’apprentis ayant augmenté de plus de 7,7 % l’année dernière. La tendance est de plus de 10 % depuis le début de l’année.
Vous m’interrogez sur les demandes des chambres de métiers, lesquelles, dans un premier temps, avaient demandé à ne pas mettre en œuvre trop rapidement la nouvelle réforme. Or, désormais, constatant que les coûts contrats sont plus favorables, elles souhaitent anticiper l’application de la réforme. Je trouve encourageant que des acteurs demandent l’application anticipée d’une loi. Ainsi, tous ceux qui avaient des inquiétudes souhaitent aujourd’hui avancer plus rapidement. Comment faire ?
Nous sommes en train de discuter avec les chambres de métiers des modalités financières et juridiques permettant d’accélérer la mise à disposition des coûts contrats.
S’agissant du financement des régions, avec le Premier ministre, nous avons reçu, voilà quelques jours, les présidents de région. Pour ce qui concerne l’investissement, les régions disposeront toujours d’une fraction de la TICPE. En matière de fonctionnement, elles bénéficieront d’une somme permettant de mettre en œuvre la péréquation.
Pour autant, une situation très préoccupante s’est fait jour. En effet, 600 millions d’euros provenant de la taxe d’apprentissage et de la TICPE ne sont toujours pas affectés à l’apprentissage. Pis, quatre régions ont décidé de baisser fortement, pour 2019, leurs dotations de fonctionnement, mettant en péril un certain nombre de CFA, qui nous ont alertés. Par ailleurs, trois régions ont décidé de priver de trésorerie à la fin de l’année tous les CFA de leur région au moment de la transition.
J’en appelle donc à l’intérêt général. On ne peut pas jouer avec les jeunes et les entreprises au motif d’un transfert de compétences !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il faut se ressaisir ! Je rencontrerai les présidents de région dans cette perspective.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour la réplique.
Mme Catherine Fournier. Madame la ministre, certaines régions sont exemplaires, ne l’oublions pas. Dans le cadre de la refonte totale que vous avez préconisée, il faut mettre la pression, c’est important ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
iran
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche.
M. Richard Yung. Ma question concerne les tensions liées au nucléaire iranien. Depuis quelques semaines, ce dossier suscite de vives préoccupations.
Dimanche dernier, Téhéran a annoncé avoir commencé à enrichir son uranium au-delà du seuil fixé par l’accord de Vienne. C’est la deuxième violation de cet accord par l’Iran. Les autorités iraniennes cherchent ainsi à adresser un message aux parties à l’accord de 2015, en particulier aux États-Unis. Je le rappelle, cet accord prévoit que l’Iran ne se dotera pas de l’arme nucléaire en échange de la levée des sanctions politiques et économiques.
Téhéran menace de prendre d’autres mesures si Paris, Londres et Berlin se comportent « de manière étrange ». D’une certaine façon, ces pays européens sont pris en otage par les positions extrêmes des États-Unis et de l’Iran. Cette crise est la conséquence directe du retrait unilatéral des États-Unis de l’accord de Vienne, effectif depuis 2018, et du rétablissement des sanctions économiques américaines, sans doute dans l’espoir de faire tomber le régime de Téhéran. L’économie iranienne est désormais en récession.
L’initiative prise par l’Iran risque de faire voler en éclat un instrument essentiel pour la sécurité de l’Europe, de la région et du monde, même si la provocation américaine en est à l’origine. Face à cette crise, la France a déployé d’importants efforts diplomatiques, ce dont nous nous réjouissons. Hier, le chef de l’État s’est entretenu avec son homologue américain. Il a également décidé de dépêcher un conseiller diplomatique à Téhéran. Celui-ci est chargé d’« assembler les éléments d’une désescalade, avec des gestes qui doivent être faits immédiatement avant le 15 juillet », soit dans moins d’une semaine. Nous saluons cette initiative.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les messages que la France doit transmettre aux autorités iraniennes…
M. le président. Il faut conclure !
M. Richard Yung. … en vue de favoriser au plus vite cette « désescalade » ? (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marie Bockel et Mme Sophie Joissains applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Yung, les faits que vous avez évoqués ont été constatés aujourd’hui par l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’Iran a rompu à deux reprises les accords de Vienne, à la fois par l’augmentation du stockage d’uranium faiblement enrichi, limité à 300 kilos, ainsi que par l’augmentation du taux d’enrichissement de l’uranium, au-delà de 3,67 %.
Si ces dépassements, constatés par l’AIEA, sont légers, ils entérinent néanmoins une rupture. Avec mon collègue britannique, Jeremy Hunt, et mon collègue allemand, Heiko Maas, nous avons publié aujourd’hui un communiqué sur ce point.
La situation, mesdames, messieurs les sénateurs, est très préoccupante. C’est une mauvaise réaction iranienne à une mauvaise décision américaine, celle de se retirer du JCPoA, soit l’accord de Vienne, et celle d’avoir remis en place des sanctions et, surtout, de leur avoir donné une dimension extraterritoriale en y intégrant de nombreux partenaires commerciaux de l’Iran.
Face à une telle situation, que faut-il faire ? Il convient de tout mettre en œuvre pour créer un espace de dialogue. C’est la raison pour laquelle le Président de la République s’est entretenu samedi avec le Président Rohani et hier avec le Président Trump. En effet, cet espace de dialogue peut être proposé par les signataires, dont nous sommes, mais aussi par les Américains, bien qu’ils ne soient plus signataires – ils peuvent faire les gestes d’apaisement nécessaires. La mission du conseiller diplomatique que le Président de la République vient d’envoyer à Téhéran est bien d’essayer d’ouvrir un espace de discussion,…
M. le président. Il faut penser à conclure !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … afin d’éviter une escalade non contrôlée, voire un accident. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
extension du plateau continental au large de saint-pierre-et-miquelon
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Stéphane Artano. Édith Piaf disait : « Il y a des silences qui en disent long, comme il y a des paroles qui ne signifient rien. » Depuis le dépôt, en 2014, du dossier d’extension du plateau continental, le Gouvernement français est extrêmement silencieux sur ce sujet. Les propos tenus par Emmanuel Macron lors du grand débat à l’Élysée, en février 2019, ne nous ont pas rassurés. J’aimerais qu’on nous explique quelle est la stratégie de la France dans le cadre de la négociation de l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la résolution du différend entre la France et le Canada s’agissant de la délimitation du plateau continental de la France au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Vous le savez, nos deux pays sont parties à la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Tous deux ont déposé un dossier de demande d’extension du plateau continental. La convention de Montego Bay prévoit un dispositif nommé la Commission des limites du plateau continental, que vous connaissez…
M. Stéphane Artano. Oui !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … et qui pourrait être saisie de la délimitation. Toutefois, cette commission n’ayant pas vocation à trancher des litiges, la seule solution, pour la France, est de parvenir à un compromis bilatéral avec le Canada. À cette fin, la France a proposé en 2016 le lancement d’un dialogue d’experts franco-canadiens pour en discuter. Pour le moment, le Canada n’a pas souhaité entamer cette discussion, mais nous restons ouverts sur ce point.
Sans attendre qu’une solution puisse être trouvée à ce différend, le Président de la République a évoqué récemment la question de Saint-Pierre-et-Miquelon avec le Premier ministre du Canada, lors des cérémonies du 6 juin, en vue de renforcer l’intégration régionale de l’archipel. Cette intégration renforcée doit pouvoir se matérialiser en particulier dans le domaine clé que constitue le domaine de la pêche pour l’archipel.
Au-delà du différend juridique entre la France et le Canada, la priorité du Gouvernement reste d’assurer le développement économique et social de l’archipel. Sachez, monsieur le sénateur, que Mme la ministre des outre-mer est particulièrement attentive à ce sujet. Nous avons l’occasion d’en parler très souvent pour essayer d’avancer. Mais, pour avancer, il faut être deux !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.
M. Stéphane Artano. Vous l’aurez compris, j’ai cité Édith Piaf à dessein.
La France et le Canada, amis et voisins, sont résolument condamnés à trouver une solution négociée et mutuellement satisfaisante. Le Canada persiste à nier l’évidence et à refuser tout dialogue avec la France concernant le plateau continental, alors même qu’« il n’a pas hésité à trouver des solutions intelligentes avec d’autres États et partenaires en la matière », comme le rappelait Annick Girardin, députée à l’époque et actuelle ministre des outre-mer. À ses côtés, j’avais défendu la demande par la France de l’extension du plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Depuis 2014, il ne s’est pas passé grand-chose, ce que je regrette. Sont toutefois intervenues les négociations sur l’accord de libre-échange avec l’Union européenne, le CETA, pour lequel le Canada avait fondamentalement besoin de l’accord diplomatique et du soutien de la France. Si je me réjouis de l’amitié naissante entre MM. Trudeau et Macron, qui sont à tu et à toi dans les conférences de presse, attitude extrêmement symbolique, j’ai le sentiment que, en matière de souveraineté, la France se couche en permanence devant les Anglo-Saxons, en l’occurrence devant le Canada.
Le général de Gaulle, qui doit se retourner dans sa tombe, affirmait que nous entrerions comme convenu dans le Marché commun, mais debout. Or, aujourd’hui, j’ai l’impression que nous sommes couchés face au Canada.
Vous venez de valider le CETA,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Artano. … qui sera ratifié par l’Assemblée nationale. Je m’y opposerai au Sénat, parce que nous sommes en position de soumission face au Canada. C’est inacceptable pour la population. C’est une question de souveraineté nationale,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Artano. … et pas seulement pour Saint-Pierre-et-Miquelon. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
action publique
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Au début du quinquennat, le programme Action publique 2022 était présenté comme l’alpha et l’oméga de la transformation de l’État. Il devait sortir le pays de l’ornière.
Aux premiers jours de l’été 2018, nous vivions un psychodrame autour de la publication du rapport du comité Action publique 2022.
Quatre mois plus tard, en octobre 2018, à l’occasion du second comité interministériel de la transformation publique, on apprenait que « près de 75 % des recommandations du comité se retrouvent dans les chantiers lancés par le Gouvernement ». Une telle rapidité et un tel taux de mise en œuvre pour un rapport réputé écrit par des experts indépendants laissent pantois.
En avril 2019, dans son programme national de réforme, le Gouvernement se félicitait des résultats obtenus : « Les transformations issues d’Action publique 2022 vont notamment se traduire par des baisses du nombre d’emplois publics, déjà mises en œuvre par les lois de finances pour 2018 et 2019. » On aurait aimé y croire !
Malheureusement, ni la Cour des comptes ni la Commission européenne ne partagent votre autosatisfaction. En effet, la Cour des comptes, dans son rapport sur le budget de l’État en 2018, indique : « Bien que les créations de postes aient été très limitées par rapport aux trois années précédentes […], la baisse nette des effectifs […] prévue par la LPFP n’est pas encore engagée. » Quant à la Commission européenne, sa lecture du programme de stabilité et du PNR 2019 est sévère. Permettez-moi de citer son avis du 5 juin : « Il n’apparaît pas clairement comment, et dans quels délais, ce programme de réforme contribuera par des mesures concrètes […] à l’objectif très spécifique de réduction du ratio des dépenses au PIB d’ici à 2022. »
Monsieur le ministre Darmanin, ma question est simple : qu’avez-vous à répondre aux critiques avisées de ces experts indépendants ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice Lavarde, vous avez vous-même participé aux travaux du comité Action publique 2022. Vous connaissez donc mieux que personne ses préconisations et le sens dans lequel ce comité a voulu travailler.
Outre les préconisations du comité Action publique 2022, le Gouvernement mène, dans tous les domaines, un programme de réformes structurelles pour moderniser l’action publique. Je pense, par exemple, à la loi pour un État au service d’une société de confiance que Gérald Darmanin a défendue devant vous et qui a été adoptée. Il s’agit de modifier profondément les rapports entre l’administration et les usagers.
Nous mettons également en œuvre ce programme en matière de transformation de la fonction publique. Nous examinerons dans quelques jours le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire sur ce sujet.
Nous mettons en œuvre ce programme dans chaque ministère, avec des plans de transformation ministériels, dont l’objectif est de garantir la qualité du service public, de permettre aux agents publics d’exercer leur mission dans les meilleures conditions, de maîtriser la dépense publique et de réaliser des économies.
Nous le mettons enfin en œuvre en retenant un certain nombre de préconisations du rapport Action publique 2022. C’est ainsi que nous travaillons à rapprocher le recouvrement fiscal et social, à limiter l’usage des espèces dans l’administration, pour une meilleure sécurité et des économies plus importantes, et à développer les moyens de lutte contre la fraude ou de recherche d’une plus grande efficacité, que Gérald Darmanin a eu l’occasion de présenter, notamment en termes de data mining, pour le dire en mauvais français.
Vous nous interrogez plus particulièrement sur la question des effectifs de la fonction publique. Elle accompagne la modernisation que nous menons dans chaque domaine. Nous travaillons là aussi avec une ligne de conduite : garantir la qualité des services et rapprocher, à chaque fois que nous le pouvons, les services publics des usagers. Nous défendons ensemble un process de géographie revisitée, pour faire en sorte qu’il y ait plus de points de contact, notamment en matière de finances publiques. Nous travaillons avec le ministère de la cohésion des territoires pour développer une offre de services de qualité dans les maisons de services au public.
Notre objectif est double.
Il s’agit, à chaque fois que nous le pouvons, de réduire les effectifs de la fonction publique, pour réaliser des économies. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle nombre d’élus locaux suivent attentivement ce travail. Je le souligne, le respect du contrat dit de Cahors permet de tenir cet objectif.
Notre deuxième engagement ou ligne de crête est de ne pas remettre en cause la qualité du service public rendu aux usagers et la présence des services publics sur le territoire. À l’occasion de sa conférence de presse du 25 avril dernier, M. le Président de la République a eu l’occasion de dire combien cet objectif était prioritaire sur tous les autres.
Nous avons pris connaissance de l’ensemble des préconisations, et je peux vous assurer qu’avec le projet de loi de finances pour 2020…
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … et l’ensemble des réformes structurelles à venir, toutes vos questions trouveront des réponses. Surtout, je crois que nous pouvons travailler ensemble à une modernisation qui ne prive pas les Français de la qualité de service qu’ils attendent. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de me faire une rapide synthèse de tous les documents que vous avez pu fournir à la Cour des comptes ou à la Commission européenne. Or ce ne sont pas les sites www.voxusagers.gouv.fr ou www.oups.gouv.fr qui les convaincront de vos efforts en matière de réduction du déficit.
J’ai consulté les 48 fiches relatives à la mise en œuvre des réformes prioritaires du Gouvernement. J’y ai lu des choses intéressantes, mais je n’y ai vu nulle part une réduction de la dépense publique. Il faut aller plus vite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste)
interdiction des serres chauffantes
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Il y a quelques semaines, monsieur le ministre, je vous interrogeais sur l’interdiction des serres chauffées en agriculture biologique. Votre réponse m’avait alors paru ambiguë, et je vous l’avais fait savoir.
Depuis, la Fédération des agriculteurs bio, les citoyens et les ONG se sont emparés de cette question avec force, notamment via une pétition, qui a recueilli à ce jour plus de 80 000 signatures. Des distributeurs, et non des moindres, se sont engagés à ne pas vendre de produits bio récoltés sous serres chauffées. Ce matin, le journal Le Monde publiait une tribune, signée par une centaine de parlementaires, vous appelant à prendre position en faveur de l’interdiction de la production bio à contre-saison.
Cette mobilisation et sa forte médiatisation sont la preuve de l’attachement des acteurs de la filière bio et des consommateurs-citoyens au cahier des charges AB, garantie de qualité et de respect de l’environnement.
Monsieur le ministre, à la veille de la réunion du Comité national de l’agriculture biologique, pouvez-vous nous dire si, comme le laissent penser vos dernières interventions dans les médias, vous soutiendrez une interdiction claire des serres chauffées en agriculture biologique ? (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Joël Labbé, l’usage des serres chauffées est un sujet d’actualité, puisque le Comité national de l’agriculture biologique va se réunir jeudi pour prendre une décision sur cette question. Pour ma part, j’ai trop de respect pour la société civile et pour les organisations associatives pour ne pas leur laisser prendre leurs responsabilités. De plus, comme le veulent les textes, ce n’est pas au Gouvernement de dire aux associations ce qu’elles doivent faire.
Aujourd’hui, le débat est non pas de savoir si on doit ou non chauffer les serres, mais si on surtranspose ou non des directives européennes. Le Gouvernement n’est pas favorable à la surtransposition de directives européennes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Je le dis très clairement.
Il est clair également qu’il n’est pas question que, en France, des légumes ou des fruits bio sortent de serres chauffées en janvier ou en février. Ce serait scandaleux. Il faut travailler sur la saisonnalité. L’éducation à la saisonnalité et au goût est absolument indispensable. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.) Tel est le cadre que souhaite fixer le Gouvernement ; c’est dans ce cadre que les acteurs de la culture biologique devront se prononcer. C’est à eux de le faire, c’est très important.
J’ajoute cependant que, lorsqu’il gèle en avril ou en mai, ou lorsque de fortes pluies créent des problèmes, nous sommes bien contents d’avoir des serres chauffées. La question n’est donc pas d’être pour ou contre le chauffage des serres – même la Fédération nationale d’agriculture biologique n’y est pas opposée –, elle est de savoir dans quel cadre nous fixons les règles. C’est la ligne que j’ai fixée au Comité national de l’agriculture biologique, qui devra prendre une décision jeudi.
Nous ne sommes pas opposés au chauffage des serres. Nous sommes contre la surtransposition et la contre-saisonnalité des fruits et légumes. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Certes, monsieur le ministre, c’est aux acteurs de prendre leurs responsabilités, mais la voix du Gouvernement, vous le savez bien, a une importance forte.
Le cahier des charges de l’agriculture bio, élément de notre patrimoine national, est exigeant et cohérent. Il est important d’en préserver la qualité.
Le bio – c’est son essence – doit être local. Il doit respecter la saisonnalité et le lien au sol. Ouvrir la voie à l’industrialisation de ce label est un non-sens, à la fois sur le plan environnemental, à l’heure de l’urgence écologique et climatique, et sur le plan économique, puisque c’est toute la filière bio qui risque d’être déstabilisée, décrédibilisée, banalisée.
Aujourd’hui, votre réponse ne me satisfait toujours pas. J’espère vivement qu’elle deviendra plus claire.
islam et rôle des préfets
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ma question s’adresse à M. Castaner, ministre de l’intérieur, chargé des cultes.
Alors que notre pays est de plus en plus confronté aux tentatives de certains de remettre en cause les fondements mêmes de notre unité, en particulier la laïcité, nous avons appris par un journal de province, monsieur le ministre, que vous auriez adressé aux préfets une circulaire pour accompagner l’émergence de structures départementales des acteurs du culte musulman, préfigurant ainsi la mise en place d’un maillage territorial, comme le souhaite l’association Musulmans de France, l’ancienne UOIF, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est la branche française des Frères musulmans.
Si cette information est exacte, est-ce bien le rôle de l’État, des préfets, de s’immiscer dans l’organisation d’une religion, quelle qu’elle soit ? Si cette immixtion du représentant de l’État dans l’organisation d’un culte se confirme, vous engagez le pays dans un recul de la laïcité ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous faites allusion à un document qui a effectivement été adressé à tous les préfets, lequel fait suite aux assises territoriales de l’islam de France qui se sont tenues en septembre 2018 dans tous les départements. Ces assises ont réuni plus de 3 000 représentants du culte musulman. Il s’agissait de les écouter et de discuter avec eux, absolument pas de s’immiscer dans l’organisation du culte musulman. Le principe de laïcité est totalement respecté.
Le but était également d’encourager une structuration départementale, comme le souhaitaient un certain nombre d’organisations représentatives du culte musulman. Comme vous le savez, il existe pour l’heure une structure nationale, le CFCM, et ses déclinaisons régionales.
Un certain nombre de propositions ont émergé à l’issue de ces assises. Nous avons ensuite demandé aux préfets de relancer ces discussions à l’échelon départemental, encore une fois dans le respect de l’organisation du culte musulman, afin d’encourager une structuration à cet échelon, qui est celui de nos préfets, lesquels sont chargés des relations avec le culte musulman, mais aussi, je l’ai rappelé à M. le sénateur de l’Isère, de la lutte contre la radicalisation.
Pour lutter contre la radicalisation, notamment islamique, il nous faut des acteurs structurés, qui puissent être des interlocuteurs, ce qui explique notre volonté d’avoir une structuration départementale. Il ne s’agit là que d’une incitation, d’un accompagnement. L’État ne saurait imposer une structuration à l’organisation d’un culte, quel qu’il soit. Il me paraît important de le rappeler.
C’est uniquement dans ce cadre que cette circulaire a été adressée aux préfets, qui nous rendront compte d’ici à la fin du mois de juillet. D’autres assises territoriales se tiendront au mois de septembre.
Je m’inscris donc en faux contre vos propos, madame la sénatrice. Il ne s’agit absolument pas pour nous, je le répète, de nous immiscer dans l’organisation du culte musulman. Bien loin de nous cette idée !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Comment allez-vous vous assurer, monsieur le secrétaire d’État, que les organisations les plus dures ne mettront pas la main sur l’organisation que vous souhaitez et qu’elles respecteront les principes que vous posez ? Que devient le CFCM dans cette organisation ?
Nombreux sont les citoyens de notre pays qui attendent une prise de parole claire du Président de la République et du Gouvernement sur ce sujet, sur les valeurs de la République et sur la laïcité.
Il appartient à toutes les religions de se fondre dans la République, sans accommodement, et non l’inverse. La loi de la République est au-dessus de la foi pour chacun d’entre nous, quelle que soit sa religion. Les menaces qui pèsent sur la cohésion nationale sont réelles, monsieur le secrétaire d’État.
Arrêtons de tolérer l’intolérable ! Cessons de céder aux pressions religieuses ! Pour faire appliquer tout cela, il n’est nul besoin de réunion chez le préfet, il faut simplement du courage politique et la volonté de refuser toutes les pratiques religieuses qui mettent à mal notre liberté et la neutralité de l’État.
Entendez, monsieur le secrétaire d’État, le cri d’alarme de l’Association des femmes élues de l’Isère, entendez le cri de femmes courageuses qui s’appellent Zineb, Zohra, Fatiha… Votre responsabilité est de ne jamais laisser vaciller la République et la laïcité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, pour le groupe socialiste et républicain. Je salue amicalement le doyen de notre assemblée pour son mandat exceptionnel ! (Applaudissements.)
M. Philippe Madrelle. Le mouvement de grève au long cours qu’ont choisi les pompiers pour exprimer non seulement leur lassitude, mais aussi leur colère risque de durer, alors que l’été est là, avec ses menaces de feux de forêt, rendues encore plus inquiétantes par les fortes chaleurs et la canicule.
De plus en plus sollicités et trop souvent pour des missions qui ne correspondent pas à leurs compétences, confrontés à des manques d’effectifs et de moyens, ainsi qu’à de très nombreuses agressions, les pompiers doivent faire face à la disparition des services publics de proximité. C’est ainsi que, dans les zones rurales touchées de plein fouet par la désertification médicale, la situation devient particulièrement préoccupante. Les pompiers sont fréquemment appelés à remplacer les ambulanciers. Dans les départements de la Gironde et de la Dordogne, cette catégorie d’intervention a augmenté de 13 %, ce taux ayant atteint 33 % dans les Landes.
De 2003 à 2018, le nombre d’interventions annuelles effectuées par les pompiers est passé de 3,5 millions à 4,6 millions. Le département de la Gironde a subi une hausse de 16 %, celui des Landes de 26 %. Cette année, la Gironde prévoit de dépasser le seuil des 140 000 interventions, contre 115 000 en 2017. Cette hausse de l’activité opérationnelle ne peut se compenser par une rationalisation et une mutualisation des moyens, dont les limites inquiètent à juste titre toute une profession.
Je fais bien naturellement confiance à mes collègues Catherine Troendlé, Loïc Hervé et Patrick Kanner, membres de la mission d’information sur la sécurité des sapeurs-pompiers, pour proposer des solutions susceptibles d’assurer la protection des pompiers et la nécessaire coordination avec les autres acteurs de la sécurité sur l’ensemble des territoires.
Monsieur le secrétaire d’État, quelle réponse avez-vous l’intention d’apporter aux pompiers, qui n’en peuvent plus ? Il y a véritablement urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – Mme Marie Mercier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Philippe Madrelle, les pompiers ont effectivement déposé un préavis de grève le 26 juin dernier jusqu’au 31 août. Sachez que Christophe Castaner et moi recevons régulièrement les organisations syndicales de sapeurs-pompiers, comme nous l’avons fait en mars. En outre, les sapeurs-pompiers sont en contact permanent avec l’ensemble de nos services.
Vous avez évoqué un certain nombre de difficultés ; j’interviendrai sur trois points.
Pour commencer, j’évoquerai la question importante de la sécurité, que vous avez rappelée. Les agressions dont sont trop souvent victimes les sapeurs-pompiers sont en augmentation. Nous avons mobilisé les préfets dans le cadre de protocoles départementaux pour mieux lutter contre ce phénomène, d’abord en organisant l’action coordonnée des secours et des forces de l’ordre, puis en assurant une plus grande communication sur la prévention de nos sapeurs-pompiers. Une grande campagne est prévue à l’automne 2019 sur ce sujet.
Vous avez ensuite évoqué la question importante du secours aux personnes, qui explose dans notre pays. Vous avez donné les chiffres pour le département de la Gironde. Il faut savoir que, à l’échelon national, 85 % des sorties de sapeurs-pompiers sont liées au secours aux personnes. Nous travaillons avec Mme Agnès Buzyn pour essayer de rationaliser les appels d’urgence et les sorties liées à l’urgence, avec les sapeurs-pompiers bien sûr, avec les SAMU et les ambulanciers. Nous effectuons ce travail avec beaucoup de détermination.
Enfin, je rappelle que le ministre de l’intérieur et moi-même nous sommes beaucoup engagés, avec certains sénateurs – je pense notamment à Mme Catherine Troendlé, investie sur ces sujets –, pour maintenir le système français de volontariat chez les sapeurs-pompiers. Nous avons de bonnes raisons d’espérer une modification de la directive européenne et l’obtention d’un certain nombre de dérogations.
Croyez bien, monsieur le sénateur, que nous sommes très déterminés à soutenir l’action des sapeurs-pompiers, dont je veux ici, devant le Sénat, de nouveau saluer l’engagement, le courage, la détermination et le grand professionnalisme. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
Souhaits de bienvenue à une nouvelle sénatrice
M. le président. Avant de poursuivre notre séance de questions au Gouvernement, je souhaite saluer notre nouvelle collègue de l’Hérault, Agnès Constant, qui vient de nous rejoindre. Je lui souhaite la bienvenue et un exercice heureux de son mandat. (Applaudissements.)
ruptures de stocks de médicaments et officines
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Michel Canevet. J’ai deux questions à poser.
Sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, une mission d’information a travaillé l’année dernière sur la pénurie de médicaments et de vaccins. Cette mission, dont le rapporteur était Jean-Pierre Decool, a formulé trente propositions. Parmi ces propositions figuraient bien entendu une meilleure coordination de l’action à l’échelle européenne, mais aussi des solutions pour accroître la relocalisation de la production de médicaments et la recherche de principes actifs dans notre pays. Je souhaite donc savoir, en complément de ce qu’a demandé précédemment Mme Lienemann, où on en est dans la mise en œuvre de ces propositions.
Ma seconde question porte sur l’homéopathie. Ces médicaments sont largement prescrits par de nombreux médecins. Plus de la moitié des Français y ont régulièrement recours, 72 % d’entre eux ayant confiance dans l’homéopathie. Le Gouvernement ayant saisi la Haute Autorité de santé sur la question de son remboursement, quelle est sa position sur ce sujet ? (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Michel Canevet, vous rappelez l’excellent rapport de MM. les sénateurs Decool et Daudigny sur les pénuries de médicaments et de vaccins. Nombre de leurs trente propositions ont été reprises dans la feuille de route que j’ai présentée hier, en leur présence d’ailleurs.
Vous le savez, les causes de pénuries de médicaments sont multiples. Ces pénuries peuvent être dues à un manque de matières premières, à un accident sur un site de production, à une compétition entre les pays conduisant l’industrie à vendre au mieux offrant. Il arrive également parfois que des médicaments très anciens, très peu utilisés, soient peu rentables à produire. Nous devons donc trouver un panel de solutions pour lutter contre toutes ces causes, qui sont extrêmement diverses.
Il existe en fait une distorsion à l’échelon mondial entre l’offre et la demande, car la demande est croissante dans tous les pays émergents. Nous devons donc travailler sur l’ensemble de la chaîne du médicament.
Permettez-moi de vous citer quelques-unes des propositions, très concrètes, que j’ai faites hier pour répondre aux inquiétudes légitimes des Français.
Nous travaillons par exemple sur une mutualisation des achats à l’échelon européen. Il pourrait s’agir là d’une piste pour régler le problème des vaccins, qui sont très difficiles à obtenir, car très difficiles à produire. Nous nous efforçons également de renforcer la capacité de régulation des pénuries par l’Agence de sécurité du médicament et des produits de santé en développant sa capacité d’anticipation et son pouvoir de régulation, voire en augmentant son pouvoir de sanction. Nous expertisons la mise en place d’une solution publique permettant d’organiser, de façon exceptionnelle et dérogatoire, l’approvisionnement en médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en cas d’échec des négociations avec des laboratoires.
Différentes pistes sont donc à l’étude. Les grandes orientations proposées se traduiront par des mesures concrètes, qui seront présentées au comité de pilotage à la rentrée, auquel participeront l’ensemble des parties prenantes impliquées.
Concernant l’homéopathie, vous aurez ma réponse demain, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.
M. Michel Canevet. Il est bien évident que nombreux sont ceux qui s’inquiètent dans notre pays des réelles pénuries de médicaments. Les grossistes-répartiteurs, mais aussi les pharmaciens se rendent compte que ces pénuries se multiplient. Il est donc urgent d’agir.
Sur l’homéopathie, j’appelle le Gouvernement à se rendre compte de la réalité de la situation sur le terrain. Si l’homéopathie était déremboursée, le risque serait bien évidemment de mettre en place une médecine à deux vitesses. Je rappelle que l’homéopathie est très utilisée par le grand public, qui lui fait confiance pour se soigner. Il faut en tenir compte, madame la ministre. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 18 juillet, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Amélioration de la trésorerie des associations
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer la trésorerie des associations.
Article 1er bis (supprimé) (suite)
M. le président. Nous poursuivons les explications de vote sur les amendements en discussion commune.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je souhaite réagir aux propos de nos collègues Grosdidier, Bonhomme et Marc, qui considèrent manifestement que tout va bien dans le meilleur des mondes pour le secteur associatif et qu’il n’y a jamais aucun problème de trésorerie.
M. André Reichardt. Ils n’ont pas dit ça !
M. Patrick Kanner. Peut-être ai-je mal interprété leurs propos… Mais si tel était le cas, aurait-on imaginé de mettre en place, dans des collectivités, voire au niveau de l’État, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, qui visent à offrir de la lisibilité dans le fonctionnement du secteur associatif ? Si tel était le cas, aurions-nous imaginé d’adopter une loi qui a maintenant près de quarante ans, sauf erreur de ma part, la loi Dailly, qui permet à une association d’aller taper à la porte de la banque, comme une entreprise, pour obtenir la trésorerie qu’elle ne reçoit pas de ses financeurs normaux, les collectivités territoriales, qui, si j’ose dire, passent commande au secteur associatif pour bien des missions de service public ?
Au regard de ce contexte, fixer un délai de soixante jours pour officialiser, pour graver dans le marbre le paiement d’une subvention qui est due, parce qu’elle fait suite à une délibération, ne me semble pas superfétatoire par rapport à ce qui se fait habituellement dans les relations entre associations et collectivités territoriales. Le groupe socialiste et républicain soutiendra donc les amendements visant à rétablir l’article 1er bis.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Ces amendements me paraissent totalement injustifiés. Je reprendrai les propos de mon collègue François Grosdidier, qui a paraphrasé Georges Pompidou : effectivement, il faudrait arrêter d’emmerder les maires ! Comment peut-on leur imposer ainsi ce délai de soixante jours ? La confiance entre le maire – élu de base, élu local – et les associations ne peut-elle pas être le leitmotiv du versement de cette subvention ?
Reprenons le problème de la trésorerie. Si votre trésorerie est négative, qu’un délai de soixante jours, de quatre-vingt-dix jours ou de cent vingt jours soit imposé, cela ne changera strictement rien au moment de versement de la subvention. Qui plus est, en spécifiant que ce délai sera de soixante jours, on prend un risque énorme. En effet, comme les maires ne reçoivent pas de dotations le premier trimestre de chaque année – c’est notamment le cas de la DGF –, c’est en septembre ou en octobre qu’ils feront voter par le conseil municipal les subventions aux associations, de manière à les verser à la fin de l’année.
Il y a tout de même une chose à faire : arrêter ! On se plaint tout le temps, même sur nos travées, de ce que nous légiférons trop ; nous posons trop de problèmes. Or on va encore en créer ! Il faut vraiment qu’on fasse confiance aux maires, il faut qu’on les laisse gérer.
Pour ma part, j’ai été maire pendant vingt et un ans : je peux vous dire qu’il n’y a jamais eu de problème. J’avais pris la décision de faire voter les subventions par le conseil municipal en janvier, afin que toutes les associations puissent les recevoir en février. C’était un choix que j’avais fait, d’autres maires font d’autres choix. C’était ma liberté de leur dire : « Je vais vous la verser en début d’année. Ainsi, vous pourrez disposer d’un tout petit peu de trésorerie et recevoir quelques intérêts des livrets sur lesquels vous déposez votre argent, ce qui m’évitera d’avoir à vous donner un peu plus l’année suivante. »
Il faut laisser la liberté aux maires, de manière à ce qu’il y ait une vraie confiance entre les élus et les associations. En effet, je ne connais pas de maire qui affirme lors des délibérations de son conseil qu’il va donner une subvention à telle association avant de dire, d’un seul coup, qu’il ne la donnera plus. Franchement, il faut qu’on arrête et qu’on ne rétablisse pas cet article ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Claude Kern. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. Je ne doute pas que nous n’ayons parmi nous que d’excellents maires, dont l’expérience parfaite a permis aux associations d’obtenir les subventions qu’elles souhaitaient au bon moment. Oui, chacun d’entre nous, quand il était maire, avait la volonté de faire en sorte que tout se passe merveilleusement bien ! Mais si l’on veut s’assurer que ce soit effectivement le cas partout, sur tous les territoires, fixer des règles et des bornes n’est pas forcément un inconvénient ; c’est, au contraire, une sécurité.
Puisque cela fonctionnait bien chez vous, mon cher collègue Longeot, on peut en conclure que vous ne rencontreriez pas plus de problèmes s’il existait une règle vous imposant une limite de temps pour le versement de la subvention. Par ailleurs, une telle règle éviterait qu’il se produise, comme cela a été le cas dans un certain nombre de situations qui nous ont été rapportées, des décalages tels que l’association connaisse des difficultés certaines de trésorerie.
J’ai entendu certains opposants à cette mesure employer des expressions telles que « nous, on a le bon sens ». Cela voudrait dire que quiconque n’est pas de leur avis n’a pas de bon sens… Pardonnez-moi, mais le bon sens n’est pas une formule que seuls certains peuvent utiliser, et non les autres. J’estime plutôt que le bon sens serait de reconnaître que, puisque les choses se passaient bien, il n’y a pas de raison que l’imposition d’une limite de temps pose un problème. Cette limite serait plutôt de nature à clarifier la situation et à rassurer les associations dans le cas où elles se trouvent dans des situations différentes de ce qui a été décrit, ce qui peut se produire et qui s’est déjà produit.
Mme Catherine Conconne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. M. le secrétaire d’État a affirmé qu’il suffisait à une collectivité locale de retarder la date de notification pour retrouver, le cas échéant, la possibilité de faire le versement dans des conditions optimales. Excusez-moi de vous le dire ainsi, monsieur le secrétaire d’État, mais cette affirmation traduit à tout le moins une certaine méconnaissance de la vie communale.
Que se passe-t-il dans les faits ? À partir du moment où l’association a demandé sa subvention, elle sait naturellement quand aura lieu la délibération à cet égard du conseil municipal. Dès lors que cette délibération aura eu lieu, l’association considérera que la notification est là, qu’elle est avérée, même si, comme vous l’avez compris, le terme de notification est un terme juridique ayant une signification différente. L’association, quant à elle, ne s’en préoccupera pas, elle croira que la notification et là et ne retiendra qu’une seule chose de cet article, s’il devait être rétabli : le délai de soixante jours. Elle fera donc le siège de la collectivité pour demander le versement dans ce délai, et il faudra lui expliquer que la notification n’a pas encore eu lieu et qu’elle lui sera donnée quand ce sera possible. Excusez-moi de le dire ainsi, mais c’est un facteur de zizanie dont aucun maire n’a besoin.
À mon sens, si le conseil municipal attribue effectivement une subvention à une association, c’est parce qu’il sait qu’elle en a besoin et que cette subvention est justifiée par les besoins d’un projet à réaliser. J’imagine que la municipalité essaiera de trouver une solution basée sur la confiance avec cette association pour opérer le versement au moment opportun. En tout cas, je le répète, les soixante jours représentent une contrainte qui ne se justifie pas en tant que telle et qui va créer au sein de la commune des problèmes dont on peut se passer. (MM. Claude Kern et Jean-François Longeot applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Chacun réagit en fonction de son expérience personnelle. Dans l’immense majorité des municipalités, notamment dans les petites et les moyennes communes, tout se passe bien. Je ne suis en revanche pas sûr que, dans toutes les grosses collectivités, en particulier dans les EPCI, la fluidité soit de même nature que dans les communes moyennes. Sur le principe, je suis donc plutôt favorable à la proposition du Gouvernement.
Au passage, je regrette que François Grosdidier ne soit plus présent ; il ne savait pas combien de temps j’avais été maire ni combien de voix j’avais obtenu aux dernières élections. Je ne dirai rien de désagréable à son égard en son absence ; nous reviendrons sur ce sujet un autre jour.
Quant à la rédaction proposée par le Gouvernement pour le rétablissement de cet article, je ne suis pas d’accord sur les modalités. Pour ce qui est de la notification, Grosdidier disait : « C’est la délibération qui vaut. » Je veux bien l’entendre, mais allez donc voir un banquier avec un procès-verbal de conseil municipal, et vous verrez s’il vous ouvre un crédit ! Ce n’est pas le procès-verbal de conseil municipal qui importe : le banquier demandera à ce que ce soit confirmé par un courrier. Une notification, c’est un courrier !
À l’égard des tiers, il faut disposer d’un document qui atteste d’une suite donnée à la délibération. Certes, on n’en a pas besoin dans la majorité des cas, mais, dans un certain nombre de situations, c’est le cas, par exemple quand on passe un contrat avec un artiste ou qu’on est obligé de préfinancer des frais liés à une manifestation culturelle, sportive ou autre. On a besoin de rassurer des partenaires, et la notification est dans ce cas l’élément réellement important.
Cela étant, baser le versement d’une subvention par rapport à une notification n’est pas très rigoureux. Il n’y a rien de fixe sinon la date de délibération et la date de versement. Si vous fondez le délai sur la date de notification, qui est aléatoire, puisqu’elle peut être envoyée au bout de quinze jours, de trois semaines ou d’un mois après la délibération, le délai de paiement imposé perd un peu de sa signification.
Concernant le problème des deux mois, peu importe. Cela dit, il ne faut pas faire de rapprochement avec le code des marchés publics ou avec la commande publique. En effet, dans ces situations, c’est celui qui va recevoir l’argent qui envoie une facture alors que, dans le cas présent, c’est celui qui décide de donner de l’argent qui envoie le document qui déclenche le versement. Techniquement, le rapprochement avec la commande publique est, à mon avis, un petit peu scabreux.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Marc Gabouty. J’aurais préféré qu’on écrive : « dans les quatre mois suivant la délibération, sauf convention contraire ». Cela aurait été plus simple et aurait évité ces problèmes de notification et d’autres inconvénients encore.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Dans cette affaire, il ne faut pas confondre les étapes budgétaires. Dans le budget communal, dont je rappelle qu’il s’agit d’une prévision, on vote un certain nombre de crédits, puis un certain nombre de dépenses, dont des subventions. Si certaines communes ont un fonds de roulement important, d’autres ont besoin d’attendre les rentrées. Les communes ne sont pas toutes logées à la même enseigne.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Absolument !
M. Jean-Pierre Grand. Qu’est-ce que cela veut dire ? Eh bien, dans ces dernières communes, on va plus vite pour formaliser le paiement de la subvention à certaines associations, pour diverses raisons. Je pense en particulier aux associations qui s’occupent d’aide aux enfants ou d’activités périscolaires : elles ont besoin de leur subvention dès la rentrée. Pour d’autres associations, en revanche, on peut attendre le milieu, voire la fin de l’année, pour la formalisation de la subvention.
Toutes les communes ne sont pas égales en matière de disponibilité de trésorerie. Cela signifie que, en cas d’urgence, elles peuvent envoyer une notification. La mairie peut expliquer aux associations que la subvention a été votée, et les associations vont voir leur banquier, qui fait l’avance.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 49 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19, 25 rectifié et 47.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 1er bis
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au deuxième alinéa du III de l’article 788 du code général des impôts, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. L’article 788 du code général des impôts offre à tout ayant droit redevable des droits de mutation par décès la possibilité, en accordant un don à un organisme reconnu d’utilité publique, dans les six mois du décès, de réduire d’autant le montant de son imposition successorale.
Dans les faits, ce délai de six mois est trop court pour la réalisation à titre définitif de la libéralité, même lorsqu’il s’agit d’un don en espèces. En effet, le donateur potentiel n’a pas nécessairement une connaissance immédiate de sa qualité d’héritier, de l’existence de l’avantage fiscal auquel il peut prétendre ou même, parfois, des disponibilités successorales. Je propose donc de prévoir l’allongement de ce délai de six à douze mois afin de faciliter les dons sur les successions.
Je suis bien conscient que cette proposition aurait plus sa place dans une loi de finances, mais elle vise également à améliorer la trésorerie des associations. Son adoption permettrait d’augmenter les dons sur les successions et de compenser ainsi, en partie, l’importante diminution des dons aux fondations relevée à la suite du remplacement de l’ISF par l’IFI.
Je suis également conscient que les successions doivent être réglées dans les six mois et que cette mesure conduirait à dépasser ce délai. Néanmoins, nous le savons tous, l’État, en particulier les services fiscaux, met de nombreux mois à répondre aux notaires ; les six mois sont toujours dépassés ! Il faudrait peut-être que, sur ce sujet-là aussi, le Gouvernement revoie les délais qui s’imposent pour les successions. L’État bloque, et il faut ensuite s’excuser auprès de lui d’avoir dépassé ces délais de son fait ! Je pense que ce discours plaira à tous les notaires de France et de Navarre. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission n’a pas retenu cet amendement, mais a souhaité qu’un débat se tienne dans cet hémicycle.
Nous voudrions entendre l’avis du Gouvernement avant de prendre notre décision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Grand, les questions que vous soulevez, qui sont, à mon sens, tout à fait légitimes, ne feront pas seulement plaisir aux notaires, mais aussi à beaucoup de Français qui sont, comme je l’ai malheureusement été récemment, confrontés à ces procédures dans le cadre d’une succession.
Les héritiers peuvent faire des legs à des associations, à des fondations ou à des œuvres. Le droit successoral impose cependant un certain nombre de règles, telles que des délais ou la réserve héréditaire. Du fait de ces règles, un contribuable ne peut pas donner tout ce qu’il voudrait à une association ou à une fondation.
On pourrait envisager une évolution d’un certain nombre de ces règles. Pour ma part, j’ai déjà eu l’occasion de donner mon avis personnel sur la question de la réserve héréditaire : elle pourrait bénéficier d’un assouplissement dans le cas où un contribuable voudrait donner à des œuvres d’intérêt général plus que ce qu’il a le droit de donner aujourd’hui. En effet, la règle actuelle crée une insécurité : certaines personnes font d’importants dons à des fondations ou à des associations de leur vivant, mais, après leur décès, ses dons sont contestés par les héritiers au titre de la réserve héréditaire ; cela force des associations à restituer l’argent qu’elles avaient reçu.
Il est nécessaire de réfléchir à toutes ces questions, mais, évidemment, cela va soulever beaucoup de problèmes par rapport à notre modèle de droit successoral, qui est constant, en France, depuis un certain nombre d’années, voire de siècles. Cela va aussi avoir des conséquences pour les professionnels du droit qui sont directement concernées par ces sujets. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que soit créée une mission parlementaire, qui a été confiée aux députées Naïma Moutchou et Sarah El Haïry. Cette mission doit mettre tout cela à plat, discuter avec l’ensemble des acteurs et déterminer quel paquet global on pourrait proposer sur ce sujet. Elle réfléchira à la réserve héréditaire et aux assouplissements à apporter au droit successoral de manière à favoriser davantage les dons. Ses travaux ont commencé ; le rapport me sera rendu au mois de septembre ou d’octobre. Dès lors, on pourra avancer.
Faire en sorte que des dons plus importants puissent être réalisés tant du vivant du donateur qu’au moment de la succession serait une bonne chose, mais cela doit selon moi s’inscrire dans un paquet global, puisque d’autres enjeux relatifs à la succession seront mis sur la table. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Grand, l’amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Non, je le retire. Considérons qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, je vous saurais gré de bien vouloir transmettre à nos collègues députées chargées de cette mission les éléments que je viens de vous exposer, en particulier sur la nécessité d’allonger le délai de six mois qui s’impose pour le règlement des successions. Chacun sait que ce délai est impossible à tenir et que, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, le retard est dû au fonctionnement de l’administration fiscale : il est assez lent, c’est le moins qu’on puisse dire !
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.
L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, MM. Guerriau, Canevet et Henno, Mme Guidez, M. Lafon et Mmes Morin-Desailly, Férat et Sollogoub, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 612-4 du code de commerce, les mots : « dont le montant global dépasse un seuil fixé par décret » sont supprimés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je me suis déjà un peu exprimée sur ce sujet durant la discussion générale.
L’article L. 612–4 du code de commerce dispose que toute association ayant reçu annuellement des autorités administratives une ou plusieurs subventions dont le montant global dépasse un seuil fixé par décret doit établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe.
Notre amendement a pour objet de suivre les préconisations de Tracfin, dont vous savez combien les services sont précieux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et d’autres malversations encore. Selon le dernier rapport de cette agence, qui contient certaines préconisations relatives à la gestion des associations et à la tenue d’un registre dont nous parlerons peut-être plus tard, « le seuil de 153 000 euros de perception de subvention publique pour l’obligation de réaliser un audit légal est trop élevé pour garantir un véritable contrôle. Tracfin propose de le supprimer et de le remplacer par un audit légal spécifique intégrant les vigilances Lutte contre le blanchiment et Financement du terrorisme, qui pourrait être défini et appliqué dès le premier euro d’argent public versé ».
J’entends déjà les commentaires et les cris d’orfraie pour évoquer les joueurs de boules ou les comices agricoles, mais, pour leur répondre, je citerai l’excellent fascicule du président Larcher sur la laïcité.
M. Rachid Temal. Pour la deuxième fois en séance ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Que voulez-vous, la lutte contre la fraude est un travail de répétition. (Nouveaux sourires.)
Selon le président Larcher, « supprimer le seuil de contrôle financier nécessiterait des modifications dans le code de commerce » – nous y voici ! –, « mais c’est envisageable… »
Tout le monde aura compris qu’il s’agit ici d’un amendement d’appel. Le seuil de 153 000 euros est beaucoup trop élevé pour garantir la transparence. Comme il nous est impossible de modifier le décret qui le fixe, je propose, comme Tracfin, de supprimer de la loi la référence au décret, de façon à ce que nous puissions avoir un débat et à ce que vous puissiez faire étudier par vos services, monsieur le secrétaire d’État, la possibilité de réduire ce seuil de façon à garantir plus de transparence dans la gestion des associations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Nous avons longuement débattu de cet amendement, et nous avons estimé que ce changement serait tout de même disproportionné et gênerait les petites associations. C’est pourquoi la commission en demande le retrait, faute de quoi son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Madame la sénatrice Goulet, j’entends parfaitement votre préoccupation : vous souhaitez garantir une meilleure transparence de l’utilisation des fonds publics par les associations.
Il existe un seuil au-delà duquel des obligations comptables assez lourdes s’imposent : il est fixé à 153 000 euros. Une association au budget supérieur à ce seuil doit disposer d’un expert-comptable et faire certifier ses comptes. Une telle certification représente en moyenne une dépense de 20 000 euros. Si ce seuil devait être supprimé ou abaissé, cela ferait peser ce poids financier sur des associations qui, aujourd’hui, ne sont pas soumises à toutes ces obligations. Elles devraient les assumer : ce serait ajouter pour elles des difficultés d’administration et de trésorerie, ce qui n’est pas vraiment l’objet de la présente proposition de loi, bien au contraire. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Cela ne signifie pas que ce sujet n’existe pas. Si vous souhaitez y travailler avec le Gouvernement, j’y suis totalement ouvert. On réfléchit afin de déterminer si des différences sont envisageables entre la tenue de la comptabilité et la publicité qui en est faite, afin de mieux respecter les exigences en matière de transparence sans pour autant alourdir le formalisme demandé aux associations.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 4 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Comme il s’agit d’un amendement d’appel, je le retire, pour mieux me concentrer sur l’amendement n° 3 rectifié quater, qui me semble beaucoup plus important.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut absolument évaluer quelles sont les associations qui reçoivent des subventions à hauteur de 153 000 euros de façon à améliorer la transparence. Ce seuil pose en effet des problèmes : Tracfin n’est pas un organisme écervelé, ce sont des gens qui font des évaluations. Or on n’a pas de politique d’évaluation dans ce pays !
Il est donc très important de travailler sur un nouveau seuil. J’espère que, d’ici à l’examen du projet de loi de finances pour 2020, vous pourrez nous proposer un nouveau seuil, afin que nous puissions au moins en discuter, dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’ordre réglementaire.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 3 rectifié quater, présenté par Mme N. Goulet, MM. Guerriau, Canevet et Henno, Mme Morin-Desailly, M. Moga et Mmes Férat et Sollogoub, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifiée :
1° L’article 19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le sixième alinéa du présent article est applicable aux associations constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dont l’objet ou l’activité effective relève en tout ou partie de l’entretien ou de l’exercice public d’un culte au sens de l’article 18 de la présente loi. » ;
2° L’article 21 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « année », sont insérés les mots : « des comptes annuels, ainsi que » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable aux associations constituées sous le régime de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association dont l’objet ou l’activité effective relève en tout ou partie de l’entretien ou de l’exercice public d’un culte au sens de l’article 18 de la présente loi. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. J’ai également évoqué cet amendement au cours de la discussion générale.
Mme la rapporteur est intervenue dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement sur un sujet brûlant : le contrôle d’un certain nombre d’associations cultuelles. Pour ma part, je propose d’aligner les obligations financières des associations cultuelles, qu’elles soient sous le régime de la loi de 1901 ou de celle de 1905.
Une telle mesure avait été adoptée par le Sénat, le 4 octobre 2016, puis par l’Assemblée nationale, au sein de la loi Égalité et citoyenneté. Simplement, le Conseil constitutionnel a considéré que cet article 16 constituait un cavalier législatif et l’a fait sauter. C’est pourtant un dispositif de bon sens. Je ne vous dirai pas, mes chers collègues, à quel point le président Larcher, à la même page du fascicule que je vous ai déjà cité (Exclamations amusées sur la plupart des travées), a prôné son adoption… Verba volant, scriba manent : je le rappelle, parce qu’il est bon qu’à la fin on puisse l’écrire dans la loi et le voter.
Par ailleurs, l’Union des mosquées de France, dans une délibération du mois de juin de l’année dernière, a proposé d’inscrire les associations gestionnaires des mosquées sous le régime de la loi de 1905, plutôt que de celle de 1901. Ce ne sont donc pas les associations gérant le culte musulman qui s’opposent à cette mesure. L’égalité devant la loi que nous proposons peut en revanche déranger d’autres cultes dits « installés », suivant l’expression du président Larcher, mais si on a l’égalité devant la loi, tant pis ! Pour ma part, je crois que cette égalité représente une grande sécurité pour l’ensemble des citoyens.
M. Patrick Kanner. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Nous avons eu un long débat sur cet amendement en commission. L’idée de cette mesure est issue d’un rapport que vous avez rédigé, madame Goulet, avec M. Reichardt sur l’islam de France, dans lequel un certain nombre de propositions étaient formulées.
Ce débat s’est déjà tenu au Sénat. D’ailleurs, lors de nos échanges en commission des lois, nous avons reconnu, tous bords politiques confondus, qu’il s’agissait d’un vrai sujet. C’est pourquoi M. Philippe Bas, président de notre commission, souhaite que nous travaillions de nouveau sur la question que vous posez au travers de cet amendement. À partir du mois de septembre ou, au plus tard, d’octobre, nous travaillerons donc, sur l’initiative de M. Bas, sur les liens entre les cultes et l’État.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Sur ce point, la position de la commission est la bonne. Cet enjeu dépasse toutefois l’objet de la présente proposition de loi, qui est de faciliter, d’une manière générale, la trésorerie des associations.
J’entends les préoccupations qui sont les vôtres, madame la sénatrice ; elles soulèvent un débat qui est tout de même un peu plus large que ce texte. Je me réjouis si un travail peut être engagé par votre commission des lois, et je le suivrai avec attention.
Par ailleurs, une partie de cet amendement est satisfaite par les dispositions légales actuelles, puisque la tenue de comptes annuels est aujourd’hui une obligation, y compris pour ces associations. Quant aux autres questions, je prendrai connaissance avec attention des travaux qui seront menés au Sénat.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Comme l’a fort justement rappelé Mme la rapporteur, j’étais corapporteur de la mission d’information sur l’islam. Cet amendement reprend l’une de nos propositions. À la suite de notre travail, comme l’a indiqué Mme Goulet, le Sénat a approuvé cette disposition, de même que l’Assemblée nationale, mais le Conseil constitutionnel l’a retoquée parce qu’il s’agissait d’un cavalier.
On peut donc considérer que cette disposition a une certaine pertinence ; je dirais qu’elle est d’autant plus pertinente qu’elle gêne. Il est arrivé que quelqu’un vienne me voir pour me dire : « Écoutez, j’ai bien vu ce que vous faites, mais cela va me gêner. » Sans vous révéler qui m’a tenu ce discours, je vous dirai du moins que, étonnamment, ce n’était pas ceux que, si je puis dire, on entendait viser. Alors, quand on affirme dans cet hémicycle que, certes, cette disposition est pertinente, mais qu’elle pourrait gêner des associations organisées sous le régime de la loi de 1901 qui gèrent d’ores et déjà des lieux de culte de certaines religions dites « reconnues », vous me permettrez d’affirmer qu’il faut qu’on en discute sérieusement.
Je voulais insister, après Mme Goulet, sur la nécessité de faire enfin avancer ce dossier, définitivement. Si cela ne passe pas par ce texte-ci, relatif à la trésorerie des associations, pourquoi pas, mais je voudrais vraiment qu’on se préoccupe enfin de la question. Si M. le président de la commission des lois s’est engagé à cet égard, il n’y a pas lieu d’en douter. Il faut qu’on prenne enfin ce dossier à bras-le-corps. Encore une fois, si cela gêne, c’est qu’il y a manifestement lieu de s’en préoccuper.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. En effet, cette question gêne. Comme vous venez de le rappeler, il y a déjà eu une mission d’information, un vote au Sénat et à l’Assemblée nationale. Or on nous propose, de fait, de reporter le problème en créant une nouvelle mission.
L’amendement va dans le bon sens. C’est pourquoi il faut le voter. Il permet de préciser la manière dont on finance les cultes et les contraintes applicables à ce financement. Aujourd’hui – n’ayons pas peur des mots –, c’est naturellement à l’islam de France que l’on pense. Mais encore faudrait-il s’assurer que ce culte n’est pas financé par des autorités établies hors de France. Pour cela, il est nécessaire de garantir la transparence et de s’assurer de sa capacité à se financer dans notre pays. Cet amendement est la première pierre d’un édifice permettant de construire un nouveau rapport de confiance entre la deuxième religion de notre pays et la puissance publique, dans le cadre de la loi de 1905.
Deux ans seulement après le vote de la loi Égalité et citoyenneté, portée par Patrick Kanner, je regrette que ma collègue du Val-d’Oise appelle simplement à la constitution d’une nouvelle mission, alors que je connais son engagement sur ces questions. Je pense qu’elle s’exprime davantage au nom de la commission des lois qu’en son nom personnel.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 3 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Cela ne pose aucun problème, par exemple, à l’Union des mosquées de France, l’une des associations les plus importantes de notre pays, de passer sous le régime de la loi de 1905 et d’aligner les obligations financières des associations relevant de la loi de 1901.
Nous sommes en train de reculer face à un problème extrêmement important et de refuser une disposition demandée par le culte musulman lui-même, qui estime en effet que, pour regagner la confiance des fidèles, les institutions doivent promouvoir des principes de moralisation et de transparence s’inspirant de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique et des textes encadrant les associations relevant de la loi de 1905. Pourtant, tous les jours, les uns et les autres – et plutôt les autres – demandent un contrôle de ceci ou de cela, une interdiction des subventions, une interdiction des financements étrangers et font part de leurs suspicions. Nous avons tous des suspicions dans le climat très compliqué qui règne aujourd’hui en France. Notre rapport avait fait le point de façon très claire et très républicaine.
De façon très républicaine, je maintiens cet amendement. De façon très républicaine, je considère que c’est la loi de 1905 qui doit s’appliquer aux associations loi 1901 qui gèrent un lieu de culte et, donc, qui détournent la législation pour pouvoir toucher des subventions et alléger leurs obligations financières.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit que cette loi s’appliquait aux joueurs de pétanque, aux comices agricoles et à toutes les autres associations, petites ou grandes. Le problème de la transparence se posant pour toutes les associations, cette disposition me semble indispensable, et j’espère que le Sénat la votera.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. J’entends vos arguments, mes chers collègues. Toutefois, si le président Bas a souhaité que nous réfléchissions de nouveau collectivement sur ce sujet, c’est qu’il n’est pas si simple à résoudre.
Nous devons réunir tous les cultes autour d’une table, et nous ne pouvons pas régler ce problème à travers un amendement. Il y a des sujets de fond qu’il nous faut aborder ensemble, clairement et courageusement, et je pense que la proposition de M. Bas pourra faire avancer les choses assez rapidement.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je veux me faire l’écho de nos discussions devant la commission des lois sur ce sujet, qui surgit au détour d’une proposition de loi visant, selon son intitulé, à « améliorer la trésorerie des associations ».
L’amendement de Nathalie Goulet, s’il était adopté, aurait des conséquences très importantes sur l’organisation historique des cultes en France et des associations qui concourent à l’exercice de cette liberté publique. Je ne pourrai donc pas le voter.
À l’heure où l’on réclame des études d’impact et où l’on veut mesurer précisément les conséquences des dispositions que nous adoptons, la position du président Bas me semble pertinente, même si je partage bon nombre des arguments de Nathalie Goulet.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Pour avoir été rapporteur de la loi Égalité et citoyenneté et de la proposition de loi de nos collègues Goulet et Reichardt, je confirme que nous tournons de façon assez empruntée autour de cette question difficile, mais très importante.
Je comprends la volonté et la détermination de nos collègues qui s’expriment à l’occasion de l’examen de cet amendement, qui n’est pas qu’un amendement d’appel – il y a longtemps que l’appel a été lancé. Cela montre que nous devons travailler sérieusement sur la laïcité, l’organisation de certains cultes et leur rapport à la collectivité. Je salue donc la proposition du président Bas.
Monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a déjà accompli un travail très sérieux sur le sujet, mais nous n’avancerons pas sans l’engagement du Gouvernement. Nous ne pouvons plus fuir cette question qui nous rattrape sans cesse. Elle cause des dégâts importants sur la cohésion sociale. Pour la traiter, il est nécessaire de respecter chacun et d’admettre qu’elle s’étend bien au-delà du culte musulman, car on voit aujourd’hui des Églises nouvelles se développer de manière sinon clandestine, du moins diffuse. Je vous demande donc de prendre cette question très au sérieux. Nous devons construire ensemble des réponses précises et nous fixer des échéances. Nous sommes prêts à le faire.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. La question est en effet très importante, et je suis convaincu par les deux argumentaires.
Il me semble nécessaire d’aligner les obligations financières de toutes les associations cultuelles, quelles qu’elles soient. En même temps,…
M. André Reichardt. « En même temps »… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thani Mohamed Soilihi. … ce n’est pas au détour d’un tel texte que nous pouvons prendre cette décision, qui aura de grandes conséquences. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Je m’en voudrais de ne pas répondre à l’interpellation bienveillante de Mme Gatel.
Je prends ce sujet très au sérieux, tout comme je prends au sérieux la décision du président Bas et de la commission des lois d’engager un travail nourri sur ce sujet. Je ne suis toutefois pas le seul membre du Gouvernement légitime pour aborder cette question.
Mme Françoise Gatel. C’est vrai !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Mon collègue ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, est tout à fait fondé également à s’asseoir autour de la table, étant chargé des relations avec les cultes.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. La solution avancée me semble être la bonne, et nous recevrons, Christophe Castaner et moi-même, vos propositions avec beaucoup d’attention, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er bis.
L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une annexe annuelle budgétaire comprend la liste et l’objet des associations entrant dans le champ du régime de l’article 200 du code général des impôts.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Comme l’illustre la rédaction des articles 2 et 4 de cette proposition de loi, l’article 200 du code général des impôts présente une importance particulière dès lors que, au-delà des exonérations fiscales qu’il permet, son champ d’application sert également de référence pour l’application d’un certain nombre de dispositions relatives aux associations.
Le domaine de l’article 200 est particulièrement vaste : il réunit des associations relevant du régime de la loi de 1901 et du régime de la loi de 1905. Dès lors qu’une disposition s’applique aux associations bénéficiant du dispositif de cet article 200, elle bénéficie aux associations non cultuelles comme cultuelles. C’est par exemple le cas de l’article 2, qui ouvre le droit à un prêt inter-associations, ou de l’article 4, qui permet à l’État de confier à des associations la gestion de biens immeubles dont il est devenu propriétaire à l’occasion d’une instance pénale.
Cet amendement vise donc à évaluer la portée financière des ambiguïtés et les incohérences découlant de toutes les dispositions postérieures à la loi de 1905 qui entrent directement en contradiction avec son article 2, lequel prévoit que la République ne subventionne aucun culte – cette disposition a également valeur constitutionnelle.
Comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi dans l’exposé des motifs, la part des exonérations fiscales dans le budget des associations est devenue supérieure à celle des subventions. Cela s’applique aussi aux associations cultuelles.
Ainsi, afin de préparer une clarification plus vaste des régimes entre les associations de type loi 1901 et celles de type loi 1905, cet amendement vise à introduire la liste et l’objet de toutes les associations demandant à bénéficier de l’exonération prévue à l’article 200 du code général des impôts dans les annexes annuelles au projet de loi de finances, afin de mesurer la part des associations cultuelles au sein de celles-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Cet amendement intéressant nous semble plutôt ressortir du projet de loi de finances. Nous vous demandons donc de bien vouloir le retirer et de le représenter dans ce cadre, ma chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Je comprends vos intentions, madame la sénatrice, mais l’adoption de votre amendement aboutirait à consigner dans un registre les objets sociaux des 1,5 million d’associations environ dont le financement peut donner lieu à une déduction fiscale dans notre pays. Très concrètement, je ne vois pas comment on pourrait le faire aujourd’hui.
Je comprends votre objectif : garantir qu’aucun don à une association cultuelle ne puisse donner lieu à une déduction fiscale. Mais je rappelle que des contrôles existent, notamment pour garantir que ces associations relèvent bien de l’article 200 du code général des impôts si l’on suspecte un éventuel dévoiement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Voilà quelques semaines, j’ai posé une question d’actualité au ministre de l’intérieur, ministre chargé des relations avec les cultes, au sujet d’une association tout à fait bienveillante qui a monté des dîners caritatifs et une tournée de collecte de fonds, notamment dans le département du président de séance, au profit d’une école d’oulémas en Mauritanie, fermée pour cause d’islamisme. Ces dîners étaient organisés par la frange dure des Frères musulmans, dont certains membres sont bannis du territoire. Sur l’invitation, il était écrit : « Don déductible des impôts ».
À un moment, il faut dire les choses ! Tracfin souhaite un registre des associations, de même que la mission de l’Assemblée nationale sur les associations d’extrême droite, qui a rendu son rapport le 6 juin dernier. En la matière, la transparence doit valoir pour tout le monde.
Nous renvoyer à la loi de finances, c’est un peu fort de café ! Voilà un certain nombre d’années que je siège dans cet hémicycle, et mes amendements sont souvent retoqués au motif que ce n’est pas le bon texte ou pas le bon moment. En l’occurrence, il s’agit pour moi du bon sujet !
Je soutiendrai donc cet amendement, et je suis prête, monsieur le secrétaire d’État, à vous transmettre tous les justificatifs que vous souhaitez sur ces dîners caritatifs organisés par des personnes absolument indésirables sur notre territoire, qui mettent en avant de surcroît une défiscalisation, ce qui signifie que tous les contribuables français vont d’une certaine manière soutenir les écoles d’oulémas en Mauritanie. Je ne veux pas de cela !
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 36 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Oui, monsieur le président.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Maryse Carrère. Cet amendement aurait sans doute davantage sa place au sein du projet de loi de finances, mais, comme le précédent, c’est surtout un amendement d’appel. S’il est adopté, il sera au moins gravé – certes, temporairement, car je ne me fais pas d’illusions – dans la loi.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er bis.
Article 2
(Non modifié)
Après le 1 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :
« 1 bis. Aux associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrites au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ainsi qu’aux associations et fondations reconnues d’utilité publique qui octroient sur leurs ressources disponibles à long terme des prêts à moins de deux ans à taux zéro aux membres de l’union mentionnée à l’article 7 du décret du 16 août 1901 pris pour l’exécution de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou de la fédération d’associations constituée sous forme d’association dont elles sont membres ; ». – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
I. – Après le 2° du I de l’article L. 312-20 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il dépose les dépôts et avoirs mentionnés au premier alinéa du présent I à la Caisse des dépôts et consignations, l’établissement lui communique les informations qu’il détient permettant de distinguer les personnes physiques et les personnes morales et, pour ces dernières, leur statut juridique. Les conditions d’application du présent alinéa sont déterminées par décret. »
II. – L’article 15 de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport précise le montant des sommes acquises à l’État qui sont reversées au bénéfice du développement de la vie associative. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa des articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier, les mots : « par les associations cultuelles ainsi que par les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle » sont supprimés.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement s’oppose à une disposition introduite dans la loi pour un État au service d’une société de confiance, contre laquelle je m’étais battue, qui étend les dons par SMS aux associations cultuelles, selon le même régime que celui des organismes faisant appel à la générosité publique.
Ces derniers bénéficient d’un régime d’agrément allégé pour l’utilisation de services de paiement dématérialisés et d’une possibilité de défiscalisation à hauteur de 66 % du don, introduite par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Or il apparaît que ce régime n’offre pas de garanties suffisantes concernant l’usage à venir de ce mode de paiement, même si ces dons sont limités à 300 euros par mois et par numéro.
Son extension aux associations cultuelles pose de véritables problèmes de sécurité, qu’il s’agisse du manque de transparence de ce moyen de financement, de la question de la provenance, de l’utilisation du don ou encore de l’identité du donateur et du bénéficiaire. De telles opérations auraient dû a minima faire l’objet d’une demande d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, plutôt que de bénéficier de ce régime allégé.
Cette disposition a modifié la loi de 1905, qui établit la séparation des Églises et de l’État et qui reste un texte constitutif de notre République. Cette modification de la loi de 1905 aurait mérité un temps d’étude et de débat dédié. C’est pourquoi je tente de nouveau, à travers cet amendement, de vous alerter et de vous mobiliser contre l’extension des dons par SMS aux associations cultuelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Je connais votre mobilisation pour tout ce qui touche à la laïcité, madame Delattre, mais je ne souscris pas à cet amendement.
Le don par SMS s’est beaucoup développé, de même que le don par cagnotte, via le numérique. Il me semble logique que toutes les associations puissent en bénéficier. J’entends votre argument selon lequel ces dons seraient difficilement traçables, mais il me semble curieux d’exclure certaines associations, a fortiori cultuelles, de cette pratique du don. Si l’on suit votre raisonnement, il faudrait aussi supprimer la quête à la messe, qui, par définition, n’est pas traçable non plus.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je comprends l’intention de notre collègue Delattre, mais il ne faut pas confondre le mode à travers lequel on fait appel à la générosité publique et les moyens de contrôle. En l’espèce, depuis la loi pour une République numérique, c’est un moyen très favorable pour développer des ressources qui manquent parfois cruellement, notamment pour le denier du culte. Je ne voudrais pas que cet amendement produise l’effet inverse de celui recherché par son auteur.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Vous évoquez le denier du culte, soit, mais une mosquée moyenne comme celle d’Asnières, regroupant 2 000 fidèles, collecte 1 million d’euros en espèces pendant le ramadan au titre de la zakat ! Jean-Pierre Sueur le sait bien, lui qui a été rapporteur de l’excellente commission d’enquête dont j’avais demandé la création.
Par ailleurs, tous les comptes Nickel, Orange et autres sont aujourd’hui très suspicieux. Les travaux de l’Autorité de contrôle prudentiel, de la Banque de France et de Tracfin montrent qu’il y a un problème. On ne peut pas ouvrir grand les vannes aux réseaux de blanchiment et de financement du terrorisme, lesquels empruntent les mêmes circuits.
L’ouverture des dons par SMS a créé des difficultés. C’est un peu plus compliqué que le Téléthon ! En fait, chaque fois que l’on ouvre une facilité aux entreprises pour créer de l’emploi ou que l’on dématérialise, on crée immédiatement de nouvelles possibilités de fraude. Ne serait-ce que pour évoquer ce sujet en commission mixte paritaire, je voterai cet amendement.
L’Autorité de contrôle prudentiel fait son travail, notamment avec les banques dématérialisées, qui n’ont plus de guichets. Mais il va falloir appliquer à ces comptes ouverts dans les bureaux de tabac la même jurisprudence que celle appliquée à la suite de la commission d’enquête sur les réseaux djihadistes : au bout d’un mois, faute d’identité prouvée, le compte devra être fermé, tout comme la ligne téléphonique. Je vous charge, monsieur le secrétaire d’État, de transmettre le message à Gérald Darmanin.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy, Frassa, Guerriau, Laménie, Meurant, Longeot et Regnard, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud, Menonville, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Guillotin, M. Vogel, Mme Kauffmann et M. Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième et à l’avant-dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 52-5 du code électoral, les mots : « établissements reconnus d’utilité publique » sont remplacés par les mots : « associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ou inscrites au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ».
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Cet amendement vise à ouvrir de nouvelles voies de financement aux associations.
Aujourd’hui, le code électoral permet à un candidat, lorsque celui-ci a recours à une association de financement électoral, de reverser l’excédent qui figure sur son compte de campagne à une association de financement politique ou à un établissement reconnu d’utilité publique.
La notion d’établissement reconnu d’utilité publique est trop restrictive. Nous proposons donc d’élargir la liste des organismes bénéficiaires de cet excédent à tous ceux qui sont visés à l’article 200 du code général des impôts. Ainsi, un candidat, une fois les élections passées, pourra par exemple reverser l’excédent de son compte de campagne à des œuvres ou à des organismes d’intérêt général présentant un caractère philanthropique, éducatif, social, humanitaire ou encore lié à la défense de l’environnement.
Cette disposition vise à ajouter de la souplesse à notre droit et permet de diversifier les sources de financement des associations, dans un contexte où beaucoup ont du mal à boucler leur budget.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. La commission ne s’oppose pas à cet amendement, mais elle souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaitait obtenir un vote conforme, pour que le texte soit adopté rapidement, notamment pour les associations. Puisque nous nous sommes sensiblement éloignés de cet objectif au cours de la discussion et que cet amendement me semble positif, j’émets un avis favorable. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 31 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy, Frassa, Guerriau et Regnard, Mme Deromedi, MM. Laménie, Meurant et Longeot, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud, Menonville, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Guillotin, M. Vogel, Mme Kauffmann et M. Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième et à la troisième phrase du dernier alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral, les mots : « établissements reconnus d’utilité publique » sont remplacés par les mots : « associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ou inscrites au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ».
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Cet amendement a pour objet d’élargir la liste des associations pouvant bénéficier d’excédents du compte de campagne lorsque le candidat a eu recours à un mandataire personne physique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Même avis que précédemment.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
Article 3 bis
(Non modifié)
I. – Le I de l’article 27 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Chaque collège départemental consultatif de la commission régionale du fonds comprend l’ensemble des députés et sénateurs élus dans le département lorsque celui-ci compte moins de cinq parlementaires.
« Lorsque le département compte cinq parlementaires ou plus, le collège comprend deux députés et deux sénateurs. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier suivant la date de publication de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 44 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Patient et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
1° Après le mot :
fonds
insérer les mots :
ou, le cas échéant, chaque commission territoriale du fonds exerçant les mêmes compétences,
2° Remplacer les mots :
lorsque celui-ci
par les mots :
ou dans la collectivité de Corse ou dans celles régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution lorsque le département ou la collectivité
II. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Lorsque cinq parlementaires ou plus sont élus dans le département ou, le cas échéant, dans la collectivité, le collège départemental ou, le cas échéant, la commission territoriale exerçant les mêmes compétences, comprend deux députés et deux sénateurs. »
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 22
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de la première lecture du texte à l’Assemblée nationale, qui prévoit la possibilité pour les parlementaires de siéger au sein des collèges départementaux du Fonds de développement de la vie associative, sur le modèle des collèges existant aujourd’hui pour la DETR.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 44.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il est défendu.
M. le président. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Temal, Iacovelli, P. Joly et Antiste, Mme Jasmin et MM. Houllegatte, Duran, Manable, Marie, Vaugrenard, Fichet et Tissot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
lorsque celui-ci compte moins de cinq parlementaires
II. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. On pourrait certes considérer la proposition qui nous est faite – passer de rien à quelques-uns – comme une avancée. Reste à savoir qui seront ces « quelques-uns ».
Très peu de départements français comptent moins de cinq parlementaires. Dans les autres cas, seuls deux députés et deux sénateurs seront représentés. Ce sera le cas dans le Val-d’Oise, qui compte pourtant quinze parlementaires. Le même problème se pose d’ailleurs pour la DETR.
Nous souhaitons donc que tous les parlementaires soient présents autour de la table, d’autant que le Fonds d’aide à la vie associative remplace la réserve parlementaire. Pour ma part, j’étais opposé à la suppression de la réserve parlementaire – même si je n’étais pas encore sénateur à l’époque –, qui laissait à penser que les députés et les sénateurs avaient de l’argent caché qu’ils pouvaient distribuer, alors que les règles d’attribution étaient publiques et transparentes.
Il nous faut sortir de cette première période du quinquennat, qui entendait mettre de côté les corps intermédiaires. Il me semble que le Gouvernement est revenu à une vision plus apaisée du rôle des parlementaires, qui servent l’intérêt général. Ils doivent donc tous être présents au sein de ce fonds.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les amendements identiques nos 22 et 44, par cohérence.
En revanche, cher collègue du Val-d’Oise, je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 10 rectifié bis. Comme pour les représentations dans les autres institutions, il reviendra à l’Assemblée nationale et au Sénat de définir de manière proportionnelle qui siégera au sein de ces commissions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 10 rectifié bis. Comme pour les commissions liées à la DETR, les chambres parlementaires désigneront leurs représentants dans ces commissions.
Si tous les parlementaires étaient représentés, on pourrait craindre un effet agora et des difficultés pour prendre des décisions. Dans le Nord, il y a trente et un parlementaires, dans les Hauts-de-Seine, où je suis élu, vingt parlementaires… Ce serait beaucoup !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je suis très confortable à l’égard de cette disposition, car, dans mon département, il n’y a que deux sénateurs et la parité est parfaitement respectée. Donc, tout va bien !
M. François Bonhomme. C’est remarquable ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Simplement, j’ai le souvenir assez difficile et douloureux de la réforme territoriale de 2010. J’avais déposé un amendement portant sur la constitution des commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI, arguant que, comme je ne cumulais aucun mandat, et ce bien avant que la loi ne l’impose, je ne pouvais assister aux réunions de ces commissions et donc participer au charcutage de mon département, les parlementaires n’étant pas prévenus. Monsieur le secrétaire d’État, il y a neuf ans, votre homologue assis au banc m’avait alors répondu : vous comprenez, le Nord compte quinze parlementaires, et il y a un risque d’agora. Son argumentation fut parfaitement identique à la vôtre ! Les mêmes causes produisant les mêmes effets…
Mais cela pose quand même un problème d’égalité. Comment allez-vous choisir ?
Mme Nathalie Goulet. Certes, mais comment vont-ils faire pour concilier égalité politique, parité, etc. ? Il y aura toujours des personnes qui resteront hors du dispositif !
Je vais vous dire ce qui s’est passé dans mon département, qui compte trois députés et deux sénateurs. Le président de l’Assemblée nationale a nommé deux députés ; le président du Sénat a nommé deux sénateurs – la difficulté était moindre. Qu’a fait le préfet ? Il a associé la députée qui n’avait pas été désignée par le président de l’Assemblée nationale de façon qu’elle ne soit pas exclue de la commission DETR, ce qui n’est pas complètement absurde. Dès lors qu’il n’y a plus de cumul de mandat et que tous les parlementaires sont à égalité, il faut trouver une solution.
Même si je comprends le problème, vous savez très bien que nous sommes tous très occupés et que personne n’ira à ces réunions qui se tiendront en même temps et le même jour que d’autres. C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement de M. Temal.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Je soutiens totalement cet amendement.
La suppression de la réserve parlementaire a été une faute majeure du Gouvernement. Les régions qui soutenaient les associations ne le font plus aujourd’hui ; je pense, par exemple, à la région Nouvelle-Aquitaine où je suis élu, qui soutenait quantité d’associations. Les petites associations se tournent vers le département, qui ne peut pas les soutenir toutes ; et l’État ne les soutient plus non plus, ce qui pose un véritable problème.
Il me paraît intéressant que tous les parlementaires siègent au sein de cette commission. Il y a des commissions, présidées par le préfet, qui se réunissent dans mon département et ailleurs auxquelles tous les parlementaires sont invités. Je ne vois donc pas où est le problème pour cette commission. D’ailleurs, comme vous voulez réduire le nombre de parlementaires, monsieur le secrétaire d’État – c’est une idée fixe ! –, ce ne sera pas gênant ! (Rires.)
Il est absolument indispensable, je le répète, que tous les parlementaires siègent au sein de cette commission. Sinon sur quels critères seront-ils choisis ? Des critères politiques ? Parce que le président du département est de gauche ou de droite ?… Non ! C’est clair, tous les parlementaires doivent être à égalité et doivent siéger dans ces commissions. (M. François Bonhomme et Mme Sylvie Goy-Chavent applaudissent.)
M. Rachid Temal. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je me réjouis moi aussi de cet amendement, qui pourrait en quelque sorte être un amendement de contrition, voire d’expiation, eu égard à la discussion que nous avons eue ici il y a environ deux ans lorsque la ministre de la justice a proposé la fin de la réserve parlementaire.
On a beaucoup glosé sur le fonctionnement de cette réserve, en disant que ce dispositif relevait du clientélisme et en jetant la suspicion. Il n’empêche que le FDVA tel qu’il fonctionne aujourd’hui n’est pas plus satisfaisant.
D’abord, il a réduit les moyens : on n’a pas retrouvé dans le FDVA les fonds qui avaient été supprimés dans la réserve parlementaire. Ce sont autant de moyens en moins pour les associations.
Ensuite, concernant le mode de fonctionnement, je ne vois pas pourquoi les parlementaires sont jusqu’à présent exclus de ces commissions pour choisir les aides qui peuvent être versées dans ce cadre.
Je suis sensible à l’amendement de notre collègue Temal ; je ne vois pas pourquoi une catégorie de parlementaires serait exclue de la liberté de participer à la discussion pour s’assurer de la bonne utilisation des fonds publics, des crédits d’État qui sont discutés lors de l’examen du projet de loi de finances. De ce point de vue, on peut faire un parallélisme des formes avec les commissions DETR.
À cet égard, permettez-moi de dire que la commission DETR telle qu’elle fonctionne n’est pas encore tout à fait satisfaisante : des circulaires sont nécessaires pour formaliser le dossier.
J’ai participé cette semaine à la commission DETR. Le préfet nous a présenté une partie des dossiers moins de trente-six heures avant la réunion. C’est le jour même que nous avons eu connaissance du montant global à attribuer, ainsi que des éléments de détail sur tel ou tel dossier. Sauf à avoir des capacités hors normes, je vous laisse imaginer les conditions de la discussion… Elles n’étaient pas satisfaisantes. Le préfet de mon département m’a répondu : vous comprenez, vous avez déjà beaucoup de boulot, vous ne pouvez pas tout faire. Voilà la réponse d’un préfet qui est chargé, dans le cadre de ses prérogatives, de s’assurer de l’impartialité de l’État !
M. Alain Fouché. Oui, c’est vrai, ça se passe comme ça !
M. François Bonhomme. Même si, je le concède, le FDVA constitue aujourd’hui un progrès, il convient d’améliorer son fonctionnement de ce point de vue parce qu’on est encore loin de la réserve parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Je salue le retour à la sérénité dans le traitement de la proximité. Comme l’a dit mon collègue précédemment, arrêtons de considérer que les parlementaires sont des extraterrestres, des aliens, qui vivent sur une autre planète et qui ne devraient se mêler que de ce qui se passe en séance ! Non, la crise des « gilets jaunes » et les revendications des citoyens, qui ont eu beaucoup d’échos ces derniers mois, montrent que l’on a besoin de cette proximité. L’élu doit être au plus près de tout ce qui concerne le citoyen au quotidien.
En plus, il s’agit de dispositifs que nous votons en séance, soit dans le cadre de la loi de finances, soit au quotidien, quand il s’agit d’encadrer telle ou telle démarche. Il est aussi important de les voir vivre ! C’est de cette façon que l’on apprend à se remettre en question et que l’on peut, au travers d’une future loi, décider de modifier tel ou tel dispositif pour corriger d’éventuelles erreurs.
La présence des parlementaires dans ces instances de débat de proximité est extrêmement salutaire, et je ne peux que voter cet amendement des deux mains.
M. Alain Fouché. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je ferai deux remarques.
Tout d’abord, j’indique à Mme Goulet que le département du Nord compte non pas quinze parlementaires, mais trente-deux. Ne minorez pas l’importance démographique de mon département !
Mme Nathalie Goulet. Pardon !
M. Patrick Kanner. Ce n’est pas grave, madame Goulet. Il est vrai que nous serons peut-être moins nombreux dans quelques années (Rires), mais c’est là un autre débat !
Ensuite, monsieur le secrétaire d’État, au travers de l’amendement de M. Temal, que nous allons bien sûr soutenir, nous voyons réapparaître la question de la réserve parlementaire.
La suppression de la réserve parlementaire est une faute politique fondée sur l’idée du clientélisme, qui serait la marque de fabrique des parlementaires dans notre pays.
Vous êtes membre du Gouvernement ; j’ai été ministre avant vous, avec les mêmes responsabilités ou, en tout cas, une partie de vos responsabilités. Aussi, je peux vous assurer que les collaborateurs de cabinet passaient un temps fou à vérifier la qualité des demandes formulées dans le cadre de la réserve parlementaire pour éviter précisément d’éventuels abus, et c’est tant mieux comme cela. Vous avez – quand je dis « vous » : non pas vous-même, car vous n’étiez pas à l’époque au gouvernement, mais vous avez voté cette mesure en tant que parlementaire – mis en œuvre une machine un peu infernale.
Résumons : vous avez contesté par cette loi la légitimité des élus du peuple. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) Pensez-vous que cette légitimité soit moindre que celle d’un fonctionnaire de l’État que vous nommez ? Je ne la remets pas en cause, mais je considère que, en exigeant, par cet amendement, que tous les parlementaires intéressés siègent dans cette commission, nous faisons ici œuvre utile pour notre démocratie.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. J’ai entendu tous les arguments avancés par les uns et les autres. Étant nouvellement élue, je n’ai pas l’expérience de certaines et de certains d’entre vous, mais la question de la répartition des parlementaires au sein de la commission DETR me semble n’avoir posé aucun problème. D’ailleurs, je n’ai pas l’impression qu’elle ait fait l’objet d’un long débat.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement en vue de se caler sur le même principe d’organisation. Pourquoi vouloir aujourd’hui un mode de désignation quelque peu différent, alors que cela n’a posé aucun problème pour la commission DETR ?
M. Alain Fouché. Et pourquoi pas ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Je vous livre juste la réflexion d’une sénatrice nouvellement élue.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Là encore, on parle de la solution à un problème que l’on a peut-être inventé en supprimant la réserve parlementaire.
Au travers de la question de notre collègue apparaît le souhait légitime de savoir, d’être informé et d’être associé. La réserve parlementaire, à qui on a attribué beaucoup de maux, était, il faut l’affirmer, très transparente et très claire, et ceux qui étaient parfois trop clientélistes n’étaient pas plus nombreux que les mauvais acteurs de quelque profession que ce soit. Mais la situation étant ce qu’elle est aujourd’hui, il nous faut la gérer.
J’entends le souhait de notre collègue, mais, sincèrement, à un moment, nous devons aussi nous préoccuper de l’efficience et de l’efficacité. Or je ne suis pas sûre que le fait de mettre tous les parlementaires autour de la table contribue à régler le problème.
Dans mon département, qui n’est ni plus ni moins vertueux que d’autres – et j’invite le Gouvernement à publier des circulaires et donner des directives aux préfets pour que l’ensemble des parlementaires soient associés aux propositions et informés de celles qui ont été émises –, les sous-préfets nous réunissent au moins une fois par an pour nous présenter les dossiers proposés par les communes. Nous en discutons ensemble de manière très libre. Aussi, lors de la réunion de la commission DETR, le préfet qui porte les propositions a aussi entendu celles des parlementaires.
Je crains que l’on n’invente là une nouvelle usine à gaz, même si votre question, qui est légitime, émane d’un problème dont on aurait pu se dispenser.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. La situation a évolué. Tout d’abord, avec la fin du cumul des mandats, l’appétence que nous avions d’être au plus près du terrain a été mise à mal. Ensuite, depuis la suppression de la réserve parlementaire, nous n’avons plus les contacts sur le terrain que nous avions auparavant. Enfin, nous serons moins nombreux demain, avec des circonscriptions plus grandes pour les députés, ce qui constituera, là encore, un élément d’éloignement. Aussi, il importe de donner aux parlementaires toutes les possibilités d’être au plus près des réalités. C’est pourquoi il faut, me semble-t-il, traiter de la même manière l’ensemble des parlementaires.
On parle de la commission DETR, mais que se passe-t-il quand on crée finalement une certaine élite, c’est-à-dire ceux qui, parmi les parlementaires, sont retenus ? Les élus locaux s’adressent directement à eux et pas aux autres. On instaure donc une inégalité, une iniquité, sans compter que, parfois, les choses n’étant pas toujours dites, dans les CDCI, les élus locaux se demandent pourquoi les autres parlementaires sont absents lorsque deux d’entre eux sont présents. Ils se retrouvent donc accusés d’absentéisme, par manque de connaissance de la réalité des désignations, puis très rapidement, avec le temps, on les oublie. Sont ainsi rendus coupables ceux qui auraient bien voulu être présents, mais qui ne l’ont pas été pour la simple raison qu’ils n’ont pas été désignés.
Ce sont là des éléments d’inégalité qui ne sont pas du tout conformes à notre devise, le triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité ». L’égalité en la matière, il faut la respecter !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Je ne reviendrai pas sur les bienfaits de la réserve parlementaire, qui, on peut le dire, aidait nombre de communes, avec l’octroi de petites sommes en faveur de projets qui, pour beaucoup d’entre eux, n’étaient pas subventionnés par ailleurs. Pour ma part, je tiens à dire que cette réserve parlementaire manque terriblement au département de l’Ain, que je représente ici.
J’ai assisté hier à une réunion DETR. Pour avoir discuté avec mes collègues sénateurs dans les couloirs, j’ai l’impression qu’il n’y a pas deux préfets qui travaillent de la même manière.
M. Rachid Temal. C’est vrai !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Mme Gatel a expliqué que, dans son département, les sous-préfets réunissaient les parlementaires tous les ans. Tel n’est pas le cas dans le département de l’Ain. Les réunions DETR sont organisées à la préfecture.
Mon collègue Patrick Chaize et moi-même siégeons dans cette instance, mais pas mon collègue Rachel Mazuir, soit deux sénateurs de droite et aucun de gauche, ce qui, moralement, me pose problème. En effet, nous sommes tous trois élus par les grands électeurs et, donc, nos communes. De plus, on ne nous présente que les dossiers à fort taux de subvention, c’est-à-dire à plus de 100 000 euros. On ne voit pas passer les dossiers en dessous de cette somme. J’ai dû demander au préfet la liste des dossiers pour savoir ce qui avait été proposé et présenté par les communes, puis accepté par lui. Je n’ai aucun problème à donner du pouvoir aux préfets, mais il ne faut pas non plus interdire aux parlementaires de défendre en leur âme et conscience toutes les communes de leur territoire.
Cet amendement a au moins le mérite de clarifier les choses. Si trente parlementaires doivent se retrouver autour de la table, on prévoira des salles un peu plus grandes. Refuser qu’ils se mettent tous autour la table constitue largement, excusez-moi de le dire, un déni de démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je ne relancerai pas le débat sur la suppression de la réserve parlementaire. À l’époque, j’étais vice-président aux finances dans mon département. Je peux vous dire que la majorité des courriers que je recevais émanaient d’organisations humanitaires et caritatives.
On peut débattre ici du comportement de tel ou tel parlementaire. Moi, dans mon département, je n’avais pas de problème à légitimer telle ou telle demande, mais je sais que tous les courriers dans lesquels les associations nous informaient d’un énorme problème émanaient essentiellement d’associations humanitaires ou caritatives. Je ne sais pas si la situation est la même partout ailleurs, car mon département compte 1,4 million habitants, mais je vous le dis : l’expérience du pudding, c’est de l’avoir mangé… Voilà comment ça se passait dans mon département pour la réserve parlementaire. Et, vous savez, même à cette époque-là, il n’y avait pas onze députés communistes et six sénateurs communistes dans le Val-de-Marne.
Concernant l’amendement, je vais aussi vous parler de mon département : nous sommes six sénatrices et sénateurs, autant de sénateurs de gauche et de droite, et pas plus l’un que l’autre n’a plus de légitimité à défendre l’intérêt général. Quand on se retrouve dans les réunions, on ne se livre pas à des joutes, on ne fait pas valoir je ne sais quel sens partisan idéologique. On essaie de définir avec le représentant de l’État ce qui relève de l’intérêt général. Ici, certains sujets nous opposent parfois du point de vue de l’analyse ou de la pensée politique, mais nous bénéficions tous de l’expertise des uns et des autres. Excusez-moi de le dire, mais, lorsque je traite de certains sujets, ce n’est pas pareil dans un département comme le mien, qui ne compte pas beaucoup de villes – 49 villes –, mais a 1,4 million d’habitants et un tissu associatif important. C’est franchement un atout que d’avoir une expertise de qualité de l’ensemble des parlementaires lorsqu’on aborde en réunion une ou deux fois par an la question du Fonds d’aide à la vie associative.
Monsieur le secrétaire d’État, sans vouloir vous taquiner, d’un côté, vous faites l’éloge du grand débat et, de l’autre, vous dites que réunir les parlementaires reviendrait à créer une agora qui ne saurait fonctionner. Mais vous avez été bien contents de trouver les élus pour organiser des réunions ! Vous ne pouvez pas tenir deux langages différents selon le moment, qui plus est à l’endroit des parlementaires ! (Mme Christine Prunaud applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 44.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 10 rectifié bis n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 4
Le 1° de l’article 706-160 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cadre, l’agence peut mettre à disposition, au bénéfice d’associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrites au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités entre dans le champ du b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ainsi que d’associations et de fondations reconnues d’utilité publique et d’organismes mentionnés à l’article L. 365-2 du code de la construction et de l’habitation, le cas échéant à titre gratuit, un bien immobilier dont la propriété a été transférée à l’État, dans les conditions et selon des modalités définies par décret ; ».
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
associations et fondations reconnues d’utilité publique
insérer les mots :
ne contribuant pas à l’exercice ou à l’enseignement d’un culte de quelque moyen que ce soit
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. En écho avec la position que nous avons défendue à l’article 1er bis, cet amendement vise à sortir du champ d’application de l’article 4 les associations cultuelles.
L’article 4 prévoit de façon très intelligente que puissent être mis à la disposition des associations les biens immobiliers saisis par l’État dans le cadre de procédures judiciaires. Cette volonté n’est absolument pas remise en cause pour toutes les associations autres que les associations cultuelles. Toutefois, par cohérence avec le régime particulièrement complexe et précis des biens immobiliers mis à disposition des cultes prévu par la loi de 1905, nous demandons que les associations cultuelles soient exclues du périmètre de l’article 4, sans quoi cela constituerait une nouvelle atteinte au principe de laïcité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Un certain nombre de textes encadrent déjà les choses. Aussi, il ne nous semble pas nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques en la matière.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande aussi le retrait de cet amendement, tout simplement parce que la précision proposée est inutile. En effet, l’article 4 vise les associations relevant du b du 1 de l’article 200 du code général des impôts, dont ne font pas partie les associations cultuelles.
Mme Nathalie Delattre. Les associations cultuelles font partie de l’article 200 !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Non, elles ne font pas partie de la disposition visée. En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Je le retire, monsieur le président, si les explications sont avérées…
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 45 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Patient et Rambaud, Mmes Rauscent et Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer les mots :
et d’organismes mentionnés à l’article L. 365-2 du code de la construction et de l’habitation
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Cet amendement, qui vise à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, prévoit la mise à disposition au profit d’associations dont l’ensemble des activités entre dans le champ du b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ainsi que des associations et des fondations reconnues d’utilité publique des biens confisqués dans le cadre de procédures pénales – des biens mal acquis, comme on le dit régulièrement. Cette mesure répond à une demande légitime des associations.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 45.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cette disposition, introduite par notre commission, qui vise à étendre la possibilité prévue à l’article 4 aux associations concourant aux objectifs de la politique d’aide au logement, nous paraît inadaptée. Si les associations régies par la loi de 1901 peuvent relever de ce champ, d’autres relèvent également de cette catégorie, notamment des sociétés commerciales.
L’ajout de cette disposition, par un amendement de Mme la rapporteur, aura des conséquences bien plus larges que l’objet de la proposition de loi, qui vise les seules associations. Aussi, je m’interroge sur la réelle portée et la place de cette mesure dans ce véhicule législatif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Nous avons émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, parce qu’il s’agit non pas d’une obligation, mais d’une autre possibilité donnée au Gouvernement de pouvoir désigner celui ou celle qui s’occupera de ce bien. Il est étonnant de se priver parfois d’une foncière, qui a les capacités à gérer des biens et à travailler en particulier sur le logement social.
Dans le cadre de nos auditions, le Haut Conseil à la vie associative nous a convaincus qu’il apparaissait nécessaire d’offrir cette possibilité aux foncières – comme l’État décide au dernier moment, il n’y a aucun caractère d’obligation –, et vous pourriez vous en saisir, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 17 rectifié ter est présenté par MM. Guerriau, Wattebled, Mizzon, Henno et Fouché, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Bonnecarrère et Canevet, Mmes Garriaud-Maylam, Noël et Kauffmann et MM. Chasseing, Nougein, Paccaud, Chatillon, Grand, Decool, Daubresse et Laménie.
L’amendement n° 21 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 26 rectifié est présenté par MM. Kanner, Sueur, Kerrouche et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sutour et Temal, Mme Conconne, MM. Vaugrenard, Magner et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 48 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le 4° de l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Au profit des fondations, des congrégations, des associations ayant la capacité de recevoir des libéralités et, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des établissements publics du culte et des associations inscrites de droit local. »
La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié ter.
M. Joël Guerriau. L’ordonnance du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations avait exclu les biens de ces dernières du champ du droit de la préemption urbaine. Or la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a réécrit l’article L. 213-11 du code de l’urbanisme avec, pour effet involontaire, de faire disparaître cette mesure et de soumettre de nouveau ces biens au droit de préemption.
Lors de la première lecture du projet de loi, la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté un amendement de la rapporteur visant à réinstaurer cette exonération des biens des associations du régime de préemption. L’article 4 bis corrigeait simplement les effets de cette suppression malencontreuse. Or cet article a été supprimé en commission sénatoriale au prétexte qu’il contrevenait au droit de regard des communes et instituait une restriction du droit de préemption des collectivités, déjà très encadré. Le Sénat, par cette suppression, entendait réaffirmer la priorité des projets publics sur tout autre, autorisant, pour ce faire, à user de la préemption sur tout bien.
Il convient de rappeler que cet amendement ne visait qu’à rétablir l’exonération instaurée par l’ordonnance du 23 juillet 2015, mais dont l’article avait ensuite été censuré par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme ; que l’objet de cette mesure était d’accroître le financement du secteur associatif, de permettre à une fondation reconnue d’utilité publique à l’occasion de sa création de se constituer une dotation initiale via ce type de libéralité et mutation d’immeuble à titre gratuit.
Les donations constituent une source importante d’apports pour les associations et les fondations. À titre d’exemple, entre 2013 et 2015, 35 % des fondations créées reconnues d’utilité publique ont reçu une dotation composée de biens immobiliers issue d’une donation, pour une valeur globale allant de 500 000 euros à 17 millions d’euros.
Dans de nombreux cas, les immeubles apportés à la dotation sont ceux qui permettent la réalisation de l’objet social de la structure. Pour les associations reconnues d’utilité publique, les donations constituées de biens immeubles ont représenté entre 2013 et 2015 respectivement 37,5 %, 53 % et 27 % des donations consenties.
Face à ce constat, associé à celui de la raréfaction des financements publics, il apparaît pertinent de rétablir cette exclusion du champ d’application du droit de préemption des donations immobilières effectuées au profit des organismes non lucratifs de façon à maintenir la diversité et les possibilités des apports privés. C’est la raison pour laquelle nous soutenons que l’article 4 bis doit être réintroduit dans la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 21.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Cet amendement étant identique, je ne reprendrai pas l’argumentaire.
Pour anticiper les arguments de Mme la rapporteur, qui en a parlé précédemment, je dirai que, là encore, il ne s’agit pas d’amoindrir un quelconque droit ou de quelconques prérogatives des collectivités locales. Je le rappelle, il s’agit de revenir à la situation juridique antérieure, qui, telle qu’elle existait, ne posait aucun problème à personne.
Dans le cadre de la loi de 2015, que vous avez citée – une très bonne loi –, est apparu un effet de bord à cause d’une mauvaise rédaction, qui a eu pour conséquence de revenir sur cette possibilité et, donc, de créer une véritable instabilité juridique pour les associations, notamment celles qui peuvent recevoir des legs.
Nous voulons donc revenir, je l’ai dit, à la situation antérieure, qui ne posait aucun problème à personne ; on parle là d’associations d’intérêt général. D’ailleurs, c’est une demande très forte du Mouvement associatif, qui avait fait l’objet de débats dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, laquelle avait été, me semble-t-il, adoptée par cette majorité sénatoriale,…
M. Patrick Kanner. Tout à fait !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. … qui n’a pas changé depuis lors. La majorité sénatoriale avait alors perçu que se posait là un problème pour les associations. La disposition que vous aviez introduite a été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme.
M. Patrick Kanner. Un cavalier législatif !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. C’est pourquoi nous revenons sur ce point.
Aussi, je vous invite à avoir la même lecture politique de la situation que celle que vous aviez eue au moment de la loi Égalité et citoyenneté, …
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
M. Jérôme Durain. Nous nous plaçons dans le sillage du Gouvernement pour demander le rétablissement de l’article 4 bis, et nos arguments sont assez similaires.
La commission des lois a choisi de supprimer cet article, qui avait pour objet de rendre inapplicable le droit de préemption aux immeubles cédés à titre gratuit à des fondations, des congrégations ou des associations ayant la capacité de recevoir des libéralités. La rapporteur avait argué qu’il n’y avait aucune raison de supprimer un droit dévolu aux communes, au motif qu’il n’appartient pas au législateur de mettre sur un pied d’égalité les associations et les collectivités territoriales, dont les représentants sont élus par le peuple.
Les motivations formulées à l’appui de la suppression de cet article nous paraissent manifestement inappropriées. Il ne s’agit pas d’opposer, d’un côté, le droit des collectivités territoriales et, de l’autre, le secteur associatif. Comme cela a été souligné, cette disposition, qui figurait dans la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, a été déclarée contraire à la Constitution pour des raisons de forme. Elle avait pour objet de corriger les contradictions apportées par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
En son temps, le Sénat avait adopté cette mesure sans modification lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté précitée. On ne comprendrait pas pourquoi il se contredirait aujourd’hui sur ce point : personne n’est lésé, et on rétablit un droit qui était, semble-t-il, légitime.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 48.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je fais miens les arguments présentés par les excellents orateurs qui m’ont précédé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. La commission a peut-être évolué…
M. Rachid Temal. Ah !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Attendez, je n’ai pas fini ma phrase ! (Sourires.)
La commission a peut-être évolué, disais-je, par rapport à la position défendue par le Sénat lors de l’examen de la loi Égalité et citoyenneté. Nous estimons que le droit de préemption pour les collectivités est très encadré. Un maire ne décide pas du jour au lendemain de préempter une maison. Celles et ceux qui ont été maires le savent, le tribunal administratif veille à éviter tout excès de pouvoir. Reste qu’il est important que le maire puisse avoir un droit de préemption sur un bien ayant fait l’objet d’une donation, car celui-ci peut parfois se trouver dans le périmètre d’un projet urbain ou d’équipements collectifs.
Certains ont indiqué précédemment que la collectivité pouvait faire un certain nombre de démarches, notamment demander une expropriation. Je ne sais pas si vous savez en quoi consiste une demande d’expropriation, le temps que cela prend, les justifications à présenter… Il serait dommage de mettre en péril un certain nombre de projets que les maires peuvent avoir dans leur commune.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques, en rappelant, j’y insiste, que le droit de préemption est encadré et que le tribunal administratif contrôle tout excès de pouvoir d’un maire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié ter, 21, 26 rectifié et 48.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 163 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l’adoption | 113 |
Contre | 205 |
Le Sénat n’a pas adopté.
En conséquence, l’article 4 bis demeure supprimé.
Article 5
(Non modifié)
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à établir un état des lieux de la fiscalité liée aux dons et des autres voies et moyens de développement et de promotion de la philanthropie.
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Artano, Cabanel, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Je comprends la logique sous-jacente à cet article : demander un rapport au Gouvernement afin de disposer d’un panorama sur l’état des dons et de leur fiscalité. Un rapport de plus, dirai-je… Je ne suis pas foncièrement opposée au principe, bien au contraire, mais le fait est que nous disposons déjà d’un tel rapport.
En effet, tous les ans, l’association Recherches et solidarités est à l’origine d’un rapport annuel intitulé La Générosité des Français, lequel est extrêmement complet. Il est publié et mis en ligne sur le site internet de cette association spécialisée dans le financement, la trésorerie et la fiscalité des associations. La ville de Bordeaux, par exemple, s’appuie sur les travaux réalisés par cette association nationale, mais elle n’est pas la seule : c’est sur cette étude que s’appuie Bercy chaque année pour la préparation du projet de loi de finances. Elle est de surcroît largement commentée et relayée par la presse. C’est pourquoi, considérant que nous disposons de tous les outils et de l’expertise nécessaire, je vous propose d’adopter cet amendement de suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Nous souhaitons connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Frassa, Guerriau, Laménie, Vogel, Meurant et Longeot, Mmes Goy-Chavent et Lopez, MM. Paccaud, Menonville, Duplomb et J.M. Boyer, Mme Deromedi, M. Regnard, Mme Kauffmann et MM. Moga et Chasseing, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
À établir un état des lieux de la fiscalité liée aux dons et des autres voies et moyens de développement et de promotion de la philanthropie
par les mots :
, d’une part, à établir un état des lieux de la fiscalité liée aux dons et des autres voies et moyens de développement et de promotion de la philanthropie et, d’autre part, à déterminer les conséquences des mesures fiscales des deux dernières années sur le montant des dons aux associations
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Cet amendement a pour objet la réalisation d’un rapport pour déterminer notamment l’impact des mesures fiscales prises depuis la dernière élection présidentielle sur le budget des associations. En effet, les réformes fiscales de ces deux dernières années – suppression de l’ISF, réforme de la CSG, mise en place du prélèvement à la source – ont abouti à la réduction des dons aux associations et ont donc eu un impact négatif sur leur trésorerie. La réalisation d’un tel rapport permettrait d’en mesurer les principales causes de la manière la plus claire possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Nous pensons que le rapport actuel répond suffisamment à toutes les attentes : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Article 5 bis
(Non modifié)
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au 4° de l’article L. 123-16-2, la première occurrence du mot : « publique » est remplacée par les mots : « du public » ;
2° À la première phrase du I de l’article L. 822-14, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité du public » ;
3° L’article L. 950-1 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa du 1° du I, la référence : « n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté » est remplacée par la référence : « n° … du … visant à améliorer la trésorerie des associations » ;
b) À l’antépénultième ligne de la seconde colonne du tableau du second alinéa du 2° du II, la référence : « n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté » est remplacée par la référence : « n° … du … visant à améliorer la trésorerie des associations ».
II. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 241-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « dans le cadre de campagnes menées à l’échelon national » sont supprimés ;
– à la fin, le mot : « publique » est remplacé par les mots : « du public » ;
b) À la fin du deuxième alinéa, les mots : « dans le cadre de ces campagnes » sont remplacés par les mots : « auprès du public » ;
2° À la fin du sixième alinéa de l’article L. 719-13, le mot : « publique » est remplacé par les mots : « du public ».
III. – Le livre Ier du code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 111-9, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité du public » ;
2° Au deuxième alinéa et à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 143-2, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité du public ».
IV. – La loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article 19-8, le mot : « publique » est remplacé par les mots : « du public » ;
2° Au premier alinéa de l’article 26, la référence : « n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté » est remplacée par la référence : « n° … du … visant à améliorer la trésorerie des associations ».
V. – La loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est ainsi modifiée :
1° Les deux premiers alinéas de l’article 3 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les organismes qui, afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement, souhaitent faire appel à la générosité du public sont tenus d’en faire la déclaration auprès du représentant de l’État dans le département :
« 1° Préalablement à l’appel, lorsque le montant des ressources collectées par ce biais au cours de l’un des deux exercices précédents excède un seuil fixé par décret, qui ne peut être supérieur à 153 000 euros ;
« 2° À défaut, pendant l’exercice en cours dès que le montant des ressources collectées dépasse ce même seuil.
« Cette déclaration précise les objectifs poursuivis par l’appel à la générosité du public. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 3 bis, le mot : « préalable » est supprimé ;
3° L’article 4 est ainsi modifié :
a) Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité du public » et, au premier alinéa, le mot : « dons » est remplacé, deux fois, par les mots : « ressources collectées » ;
b) Après le mot : « organismes », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « doivent en outre établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe, l’annexe… (le reste sans changement). »
VI. – Le II de l’article 42 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « dans le cadre de campagnes menées à l’échelon national » sont supprimés ;
b) À la fin, le mot : « publique » est remplacé par les mots : « du public » ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : « dans le cadre de ces campagnes » sont supprimés.
VII. – Aux première et seconde phrases du cinquième alinéa du III de l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le mot : « publique » est remplacé par les mots : « du public ».
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Kanner, Sueur, Kerrouche et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sutour et Temal, Mme Conconne, MM. Vaugrenard et Magner, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Après le mot :
public
insérer les mots :
par une démarche active de sollicitation
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Le présent amendement a pour objet d’apporter des précisions quant aux modalités de l’appel de dons entraînant une obligation de déclaration préalable.
L’appel à la générosité du public implique une action de sollicitation ayant pour contrepartie le versement d’un don en numéraire. On considère qu’il y a sollicitation active lorsqu’une association disposant d’un site internet avec, par exemple, un bouton « don » pratique également des actions de promotion de ce mode de collecte : mailing renvoyant vers le site, e-mailing renvoyant vers le bouton « don », mise en place de bandeaux publicitaires, etc.
A l’inverse, l’envoi d’informations sur les modalités de versement d’un don lorsque le donateur en fait la demande ou bien un post d’information sur le site internet dont prend connaissance la personne qui a décidé spontanément de visiter le site ne constitue pas une démarche de sollicitation active de l’organisme.
Il s’agit d’un amendement de précision, qui, je le crois, devrait faire l’objet d’un vote favorable de notre hémicycle.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Kanner, Sueur, Kerrouche et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sutour et Temal, Mme Conconne, MM. Vaugrenard et Magner, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
ressources collectées
par les mots :
dons en numéraire collectés en fin d’exercice
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Le présent amendement a pour objet de substituer à la notion de « ressources », bien trop vague, la notion de « dons en numéraire ».
Les dons en nature doivent être exclus de l’appel de dons, au motif que leur valorisation, par définition, ne peut être réalisée par l’organisme bénéficiaire.
M. le président. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Kanner, Kerrouche, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie, Sutour et Temal, Mme Conconne, MM. Vaugrenard et Magner, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 24
Remplacer les mots :
pendant l’exercice en cours dès que le montant des ressources collectées
par les mots :
postérieurement à l’appel dès que le montant des dons en numéraire collectés
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Le présent amendement a pour objet de préciser que, lorsque le dépassement du seuil a lieu postérieurement au déclenchement de l’appel, la déclaration est faite lors de la constatation du dépassement de ce seuil. En effet, il sera difficile, voire impossible de faire une déclaration préalable quand il s’agit d’un premier appel public ou lorsque le seuil est atteint pour la première fois en cours d’année.
Cet argumentaire est très technique, mais il est sûrement très juste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. L’adoption de ces amendements aurait pour effet d’alourdir les contraintes, alors que la loi Égalité et citoyenneté avait simplifié les choses.
Le fait de préciser que l’appel à la générosité du public doit relever d’une démarche active de sollicitation risque d’entraîner un flou. Quand on fait une campagne de dons sur internet, est-ce qu’il s’agit d’une démarche active de sollicitation ou pas ? L’amendement n° 27 rectifié risque donc d’entraîner de l’insécurité.
L’amendement n° 28 rectifié vise à limiter les obligations comptables aux dons en numéraire, ce qui exclurait beaucoup d’autres modes de collecte, notamment le mécénat ou les legs. Cela aurait pour effet de restreindre les possibilités d’appel à la générosité du public, alors même que la loi Égalité et citoyenneté les avait considérablement étendues.
Nous sommes donc défavorables à ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis, modifié.
(L’article 5 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 bis
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Guérini et Gold, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « En l’absence d’une publication en ligne, tout adhérent ou donateur peut consulter le compte d’emploi déposé au siège social de chaque organisme. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Les quatre amendements qui se suivent reprennent les recommandations d’une étude consacrée au régime actuel de l’appel à la générosité publique réalisée par l’IGAS.
Le présent amendement vise à rétablir le droit de consultation des comptes d’emploi d’association, le nombre d’associations respectant ces objectifs de publication étant en diminution. Selon l’IGAS, elles étaient 57 % à s’y conformer en 2012, 46 % en 2015 et seulement 39 % en 2017. Or la publication transparente de ces comptes est un objectif prioritaire de gestion des dépenses publiques, dès lors que les fonds publics représentent 49 % du financement des associations. Il s’agit également d’une obligation à l’égard des donateurs privés, qui sont en droit de connaître l’utilisation qui est faite de leurs dons.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Dans la mesure où nous avons émis un avis favorable sur les amendements suivants, nous demandons le retrait de celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Maryse Carrère. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié est retiré.
L’amendement n° 41 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’ensemble des comptes ainsi établis sont publiés en ligne dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Comme le précédent, cet amendement découle de l’étude précitée, publiée par l’IGAS en 2017. Celle-ci martèle que « la publicité des comptes incluant le compte d’emploi des ressources, qui doit retracer spécifiquement l’emploi des ressources issues de la générosité, est une condition essentielle de la transparence ».
Selon les chiffres déjà évoqués, 39 % des associations et fondations publient régulièrement leurs comptes sur le site de la DILA et 43 % si l’on compte celles qui le font sur leur propre site internet. Néanmoins, comme le note l’IGAS, 30 % des associations qui se soumettent à la publication le font de manière insatisfaisante, ne publiant pas le compte d’emploi des ressources, ou en publiant une version incomplète, ce qui réduit en réalité à 27 % le taux d’associations et de fondations en règle.
Compte tenu de ces observations, il est proposé de faire figurer dans la loi du 7 août 1991 l’obligation de publication de l’ensemble des comptes établis par les associations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Avis défavorable.
J’entends qu’il s’agit d’une proposition de l’IGAS, mais celle-ci aurait pour effet d’alourdir les démarches administratives qui doivent être réalisées par les associations, alors même que l’objectif visé par les auteurs de l’amendement est déjà atteint. Il est inutile de prévoir une sur-publication sur des sites non officiels, alors que le site de la DILA, en fait le JO, comprend déjà toutes les informations utiles.
Aujourd’hui, les comptes des associations sont déjà publiés, accessibles. Il n’y a pas besoin d’ajouter l’obligation de les publier sur d’autres sites.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5 bis.
L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les comptes d’un organisme sont légalement soumis au contrôle d’un commissaire aux comptes, celui-ci contrôle également la publication sincère de ces comptes. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5 bis.
L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 5 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la quatrième phrase du quatrième alinéa du VI de l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le rapport est rendu public. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5 bis.
Article 5 ter
(Non modifié)
L’article 20-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’association jouissant d’un agrément souhaite savoir si la fondation reconnue d’utilité publique issue de la transformation bénéficiera de l’agrément, elle peut interroger l’autorité administrative, qui se prononce sur sa demande selon les règles prévues pour autoriser le transfert de l’agrément, si elles existent, le cas échéant pour la durée restant à courir. Dans les autres cas, l’autorité administrative l’informe des conditions et des délais prévus pour accorder cet agrément. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 5 ter
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Canevet, Longeot, Guerriau, Capus, Delcros, Bonnecarrère et Menonville, Mme Guidez et MM. Lafon, Moga et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 213-7 du code de la route, après les mots : « contrat d’association », sont insérés les mots : « ou les fondations au sens de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ».
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Aujourd’hui, parallèlement aux auto-écoles classiques, l’enseignement de la conduite des véhicules à moteur peut être proposé, après agrément de l’autorité administrative, par des associations qui exercent leur activité dans le domaine de l’insertion ou de la réinsertion sociale et professionnelle.
Or lorsqu’une association qui propose ce service, mais qui peut avoir d’autres activités, se transforme en fondation, la préfecture retire son agrément, alors même que la fondation souhaite poursuivre cette activité, au seul motif que le terme de fondation n’est pas expressément indiqué dans l’article L. 213-7 du code de la route. Les nouvelles fondations n’ont alors pas d’autre solution que de cesser leur activité d’enseignement, pénalisant ainsi un public souvent fragile, ou de créer une association ad hoc, ce qui est souvent contraignant d’un point de vue tant administratif que financier et fiscal.
Des associations devenues fondations sont aujourd’hui confrontées à ce type de situation. Ainsi, la fondation Massé-Trévidy, dans le Finistère, qui forme gratuitement chaque année 300 personnes au sein de sa structure « Roulez jeunesses », ne pourra plus proposer cette activité, faute d’agrément. D’autres fondations, comme les Apprentis d’Auteuil, pourraient également être concernées. C’est pourquoi, afin de faciliter l’activité d’enseignement de la conduite, il est proposé de compléter l’article L. 213-7 du code de la route en y incluant les fondations au sens de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5 ter.
L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. Temal, Kanner, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mme Conconne, MM. Vaugrenard et Magner, Mme Rossignol, MM. Iacovelli, P. Joly, Antiste, Houllegatte et Manable, Mme Jasmin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les associations titulaires de l’agrément de jeunesse et d’éducation populaire bénéficient du taux réduit de TVA pour l’ensemble des biens et services nécessaires à leurs activités.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée par la création d’une taxe sur les services du numérique réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros au titre des services fournis en France, au sens de l’article 299 bis du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi n° … du …. portant création d’une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse l’impôt sur les sociétés.
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Cet amendement concerne les associations titulaires de l’agrément « jeunesse et éducation populaire ». Nous proposons, compte tenu de leur rôle important dans l’émancipation de la jeunesse, de leur travail dans les quartiers pour promouvoir le droit aux vacances, l’accès aux loisirs et dans la lutte contre les discriminations, qu’elles bénéficient d’un taux réduit de TVA pour l’ensemble des biens et services nécessaires à leur activité.
Bien évidemment, cet amendement est gagé, puisque nous proposons la création d’une taxe sur les services du numérique réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros au titre des services fournis en France, au sens de l’article 299 bis du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi portant création d’une taxe sur les services numériques.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Avis défavorable. Pourquoi certaines associations et pas d’autres ? Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le président, cette mesure relève plutôt de la loi de finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 5 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la faisabilité de la création d’un fichier centralisé des associations, actualisé au rythme des déclarations en préfecture, mentionnant le nom des présidents et trésoriers associatifs. Le rapport analysera aussi l’hypothèse d’une gestion de ce fichier par le Conseil national des greffes des tribunaux de commerce.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Comme Henri VIII qui voyait dans son septième mariage une victoire de l’optimisme sur l’expérience, je propose cet amendement qui vise à demander un rapport. Je sais que les demandes de rapport ne sont pas bien vues dans cet hémicycle, mais, comme nos débats d’aujourd’hui l’ont montré sur l’alignement des statuts de 1901 et de 1905, nous avons parfois besoin de réfléchir autrement et nous ne pouvons pas toujours travailler sous la même forme.
La mesure que je propose est préconisée par Tracfin et figure également dans le rapport de la commission d’enquête sur les mouvements d’extrême droite, qui a été rendu public voilà quelques semaines à l’Assemblée nationale. Il s’agit d’une mesure de bon sens.
Comme le dit Bruno Dalles, le directeur de Tracfin, si l’on adhère à une association, c’est que l’on adhère à son idéologie et à la cause qu’elle défend. Ce n’est pas exactement la même chose d’adhérer à la Société protectrice des animaux qu’à Génération identitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Je demande également le retrait de cet amendement. Ce que vous visez existe déjà : c’est le répertoire national des associations, qui a été créé en 2009.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, mais il faudra expliquer au directeur de Tracfin qu’il n’a pas lu la loi de 2009, ce qui me semble un peu surprenant, compte tenu de ses qualités multiples et variées.
Il y a quand même un problème de mise à jour. Confier la gestion de ce fichier aux greffes des tribunaux de commerce serait, selon moi, une bonne idée. En tout cas, c’est un sujet qu’il faut creuser.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Le directeur de Tracfin a bien connaissance de ce répertoire, créé en 2009. Simplement, il propose une autre procédure, via les greffes des tribunaux de commerce, ce qui reviendrait à faire payer aux associations, y compris aux plus petites d’entre elles, 200 euros pour atteindre le même objectif.
À l’époque, il y avait eu un débat avec le ministère chargé de la vie associative, et le Haut Conseil à la vie associative s’était opposé à une telle mesure. J’y insiste, cette nouvelle obligation n’est pas nécessaire.
Article 6
(Suppression maintenue)
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié ter, présenté par Mme N. Goulet, MM. Guerriau, Canevet, Henno et Détraigne, Mme Morin-Desailly, M. Moga et Mmes Férat et Sollogoub, est ainsi libellé :
Après le mot :
trésorerie
insérer les mots :
et la transparence
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Maintenant que nous avons voté cet excellent amendement sur l’alignement des régimes des associations 1901 et 1905, nous pourrions légitimement ajouter « et la transparence » après « trésorerie ».
M. Rachid Temal. C’est plus une question d’égalité que de transparence !
Mme Nathalie Goulet. Je penche pour la transparence. Cette proposition sera rejetée,…
M. Rachid Temal. Ce n’est pas ce que je dis !
Mme Nathalie Goulet. … mais ce n’est pas grave.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 5 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et Costes, MM. Artano, Cabanel, Castelli, Collin, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Compléter cet intitulé par les mots :
non cultuelles
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cette proposition de modification de l’intitulé s’inscrit dans la logique de l’ensemble des amendements qui ont été déposés par les membres de notre groupe visant à clarifier la différence des règles financières devant s’appliquer, d’une part, aux associations cultuelles et, d’autre part, aux associations non cultuelles. Trop souvent, en effet, nous observons une attitude ambiguë à l’égard du principe de laïcité : d’un côté, l’union nationale pour en glorifier le principe et, de l’autre, des contradictions au moment de sa mise en œuvre.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. À notre sens, c’est pourtant un des principes les plus structurants de notre République.
Concernant la relation financière entre l’État et les cultes, la loi de 1905 est parfaitement claire, et toutes les entreprises visant à atténuer les dispositions de son article 2 nous semblent de nature à l’affaiblir. C’est pourquoi nous souhaitons symboliquement inscrire dans l’intitulé que les dispositions de cette proposition de loi doivent être circonscrites aux associations non cultuelles dans l’attente d’un texte spécifique relatif aux associations cultuelles.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Retrait ou, à défaut, défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Nous espérions un vote conforme, ce qui n’arrivera pas. Nous allons donc nous abstenir même si, pour reprendre une formule que j’ai utilisée dans la discussion générale, des petits pas ont été accomplis et même s’il y a eu des votes que l’on pourrait qualifier d’historiques, madame Goulet, sur un sujet qui vous tient aussi à cœur, à savoir l’imposition de droits et devoirs identiques au secteur associatif à caractère cultuel.
Nous avons connu des avancées aujourd’hui, mais, malheureusement, la majorité sénatoriale s’est braquée contre le rétablissement des articles 1er et 1er bis. C’est dommage ! Si nous avions pu obtenir un accord sur le sujet, nous aurions voté ce texte sans aucune difficulté, compte tenu de ce que nous avons pu obtenir par ailleurs.
C’est donc une abstention positive, monsieur le secrétaire d’État, mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la deuxième lecture.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Notre groupe s’abstiendra également.
Ce texte, bien que modeste, était utile. Il est aujourd’hui vidé de mesures qui sont pourtant portées de longue date par le Mouvement associatif. Nous nous réjouissons tout de même que, dans ce contexte, ait été maintenu l’article 3, qui permet de répondre à une revendication également ancienne du tissu associatif, à savoir la possibilité de récupérer les fonds dormants provenant d’associations en déshérence pour apporter des sources de financement nouvelles à des associations, qui, tout le monde l’a rappelé, souffrent sur ce plan.
Nous regrettons que les articles supprimés l’aient été au nom d’une prétendue opposition entre les collectivités locales et les associations. À cet égard, je répète ce que j’ai déjà dit lors de la discussion générale : malheureusement, les difficultés des unes se répercutent sur les autres. Il importe donc qu’elles travaillent de concert. Beaucoup ont rappelé que les choses se passaient très bien la plupart du temps entre les collectivités et les associations, mais ce n’est pas toujours le cas.
Il faut envoyer des signes à des associations qui connaissent de plus en plus des situations difficiles, précaires, en les assurant de la présence des collectivités à leurs côtés. Nous avons fait des propositions en ce sens pour les sécuriser. Elles ne sont pas véritablement contraignantes pour les collectivités, mais elles ont malheureusement été rejetées. Nous le déplorons, parce qu’il y a encore beaucoup à faire.
Nous ne faisons pas la loi pour adresser des preuves d’amour, mais, quand même, je crois que le tissu associatif a besoin de mesures concrètes, parfois simples, pour faciliter la vie quotidienne de ces bénévoles qui l’animent de manière désintéressée. Nous aurions souhaité aller plus loin dans ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. La loi de 1901, comme celle de 1905, est une espèce de totem auquel on ne peut pas toucher. J’ai vu avec intérêt, et un peu d’inquiétude aussi, que la ministre de la justice voulait toucher à la loi de 1881. Il y a donc des textes qui peuvent bouger…
La loi de 1901 véhicule le meilleur et le pire. Le meilleur, ce sont toutes ces associations qui animent nos territoires. Cependant, ce dispositif est aussi utilisé pour d’autres objectifs, qui sont beaucoup moins louables. À l’ère de la différenciation, il va falloir retravailler ce texte.
C’est toujours extrêmement compliqué de parler de la loi de 1901. Cela soulève légitimement beaucoup de débats. Or, monsieur le secrétaire d’État, nous avons besoin de plus de transparence. Il va falloir écouter les services du renseignement financier et les associations, y compris cultuelles. Celles qui sont visées ne sont pas celles qui sont opposées à des changements, contrairement à ce que l’on pourrait croire. François Gatel l’a vu lorsqu’il s’est agi de contrôler des écoles hors contrat. Aussi, je vais regarder d’un œil intéressé la mission proposée par le président Bas, qui ne manifeste jamais beaucoup d’entrain pour remettre sur le tapis ce genre de sujet qui touche les cultes, notamment, comme le dit si bien le président Larcher, les cultes les plus installés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Nous avons eu un beau débat, légitime, vivifiant, contredisant la légende selon laquelle les parlementaires seraient des élus offshore, très détachés des réalités et de la proximité. Ce débat fera du bien à notre image, car il montre l’attention que nous portons au secteur associatif.
Je vis dans un pays où la solidarité de l’État est arrivée tardivement, très tardivement. Récemment encore, l’État s’est efforcé de combler un certain nombre de manques avec la loi Égalité réelle outre-mer. Aussi, les associations ont très tôt pris la place laissée vacante. À la Martinique, où j’habite, on dénombre plus de 8 000 associations, pour à peine 360 000 habitants. Je vous laisse imaginer la densité de ce secteur vivifiant, vivifié, vivant, qui a besoin de l’attention des élus.
Nous avons cherché, au travers de cette loi, à faciliter leur quotidien, qui est très difficile. J’ai été moi-même membre, puis présidente d’association, et je peux en témoigner. Il y a les dossiers à monter, les Cerfa à surveiller sur internet, la paperasse à remplir, tout cela pour toucher parfois l’argent en année n+1. Cela n’est pas évident.
Comme pour mon président Patrick Kanner, le maintien de la suppression de l’article 1er me laisse un goût amer. Son rétablissement aurait été un geste extraordinaire.
Le non-rétablissement de l’article 1er nous conduira à nous abstenir. En tout cas, le Sénat s’honore, à mon sens, d’avoir eu ce débat, car la République ne saurait se passer du monde associatif, qui joue un rôle essentiel pour la mise en œuvre des politiques publiques et la réponse aux besoins de nos populations.
Merci donc pour ce débat, qui laissera une belle empreinte. Certes, il y a eu des échanges un peu vifs, mais ainsi va la vie politique !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Un certain nombre d’avancées sont en effet intervenues au cours du débat, mais il est incompréhensible que les articles 1er, 1er bis et 4 bis, qui sont au cœur du dispositif d’une proposition de loi « visant à améliorer la trésorerie des associations » et qui ont été adoptés à l’unanimité à l’Assemblée nationale, n’aient pas été rétablis. Par conséquent, le groupe Les Indépendants s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cette proposition de loi comporte des avancées certaines. Néanmoins, le maintien de la suppression des articles 1er, 1er bis et 4 bis, dont nous avons espéré jusqu’au bout le rétablissement en séance publique, amène le groupe La République En Marche à s’abstenir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Je voudrais remercier Mme la rapporteur de son travail, même si nos positions divergent sur la plupart des articles, ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ce texte.
Les débats ont été plus longs que prévu : j’y vois un bon signe, cela montre que, par-delà nos différences, nous avons tous à cœur de travailler à améliorer le quotidien de nos associations.
Pour ma part, je considère que le texte, tel qu’il ressort des travaux du Sénat, ne permettra pas de réaliser ne serait-ce qu’un petit pas en avant, les dispositions phares n’ayant pas été rétablies. Je souhaite que nous puissions y revenir dans la suite de la navette, qui devra également prendre en compte les apports intéressants du Sénat.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Création du Centre national de la musique
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la création du Centre national de la musique (proposition n° 482, texte de la commission n° 612, rapport n° 611).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c’est un immense plaisir pour moi d’être avec vous aujourd’hui pour l’examen de cette proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique.
Vous le savez, c’est un projet qui me tient à cœur depuis maintenant longtemps. Dès 2011, j’avais participé aux premières réflexions sur le sujet, aux côtés de Didier Selles, d’Alain Chamfort, de Daniel Colling et de Marc Thonon. Malheureusement, nos préconisations n’avaient pas été suivies à l’époque et les choix politiques du début du précédent quinquennat avaient conduit à mettre ce projet en sommeil. Mais aujourd’hui, nous y voilà ! Aujourd’hui, ce projet est enfin en passe d’aboutir !
L’adoption de cette proposition de loi permettra au Centre national de la musique de voir le jour, dès le 1er janvier prochain. C’est une échéance ambitieuse, mais nous la tiendrons, en nous appuyant sur les travaux conduits par Roch-Olivier Maistre, d’abord, dont le rapport intitulé « Rassembler la musique, pour un centre national » a été largement salué par les professionnels du secteur musical, et par les députés Émilie Cariou et Pascal Bois, qui, au terme d’une large concertation avec tous les acteurs, ont remis au mois de janvier leur rapport de préfiguration au Premier ministre, lequel a clairement affirmé son souhait de voir ce centre créé au 1er janvier 2020. Ces travaux, qui convergent très largement, ont confirmé la nécessité de créer une « maison commune » pour la musique.
La musique, c’est d’ailleurs la première pratique culturelle des Français. Elle est l’art démocratique par excellence, un art qui permet, davantage encore que les autres, de faire tomber les barrières culturelles et sociales, parce que la musique a ceci d’universel qu’elle parle à chacun d’entre nous, parce qu’il n’y a besoin d’aucun prérequis pour être ému par une mélodie, parce qu’il n’y a pas besoin de connaître l’histoire de la musique classique pour vibrer au son du violon de Renaud Capuçon, parce qu’il n’y a pas besoin de comprendre les paroles d’Aya Nakamura pour pouvoir les chanter.
La musique, c’est aussi un puissant levier de liberté, une clé pour l’émancipation, y compris dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones rurales isolées. De NTM hier jusqu’à PNL aujourd’hui, combien d’artistes sont issus de ces quartiers dont on leur disait qu’ils ne pourraient jamais sortir ? De Madeon à Kungs, combien de DJ ont été révélés au grand jour en postant, depuis leur chambre, des remix sur SoundCloud ou YouTube ? Ils nous apportent la preuve, comme tant et tant d’autres artistes, que les professionnels de la musique de demain, ce sont les passionnés d’aujourd’hui.
À ce propos, je veux rappeler l’importance des pratiques musicales amateurs. Monsieur le rapporteur, cher Jean-Raymond Hugonet, je sais que vous y êtes, comme moi, très attaché. Si le Centre national de la musique a comme vocation principale de soutenir les professionnels du secteur, il sera également au service de tous les passionnés de musique, au travers notamment de ses missions d’information.
La musique, c’est, enfin, l’une des principales industries culturelles du pays, par son dynamisme économique et son rayonnement international, rayonnement dont témoigne la présence en nombre des artistes français sur les scènes des festivals de l’été du monde entier.
Mais la musique est aussi un écosystème complexe, parfois même fragile. Cela ne vous a pas échappé, en l’espace de quelques années, cette industrie s’est profondément transformée, par l’essor du numérique, par la révolution des modes d’écoute, par la crise du disque qu’elle a subi de plein fouet, par le piratage de masse. De fait, entre 2002 et 2015, la musique enregistrée a perdu 60 % de son chiffre d’affaires.
Aujourd’hui, l’industrie semble avoir surmonté la crise qu’elle a eu à traverser. Depuis 2016, elle renoue avec la croissance, principalement grâce à l’essor de la diffusion en flux – le ministre chargé de la francophonie ne saurait utiliser, surtout dans cet hémicycle, un autre terme, mais vous voyez bien de quoi il s’agit ! (Sourires.)
Toutefois, il convient de rester très prudents, le secteur demeurant fragile à plusieurs égards.
La diffusion en flux peut être porteuse de menaces pour la diversité musicale, avec un risque de concentration des écoutes sur quelques artistes et genres musicaux les plus populaires, renforcé par les algorithmes de recommandation des plateformes. Plus largement, la position dominante de quelques grandes plateformes peut fragiliser l’écosystème musical dans son ensemble.
L’essor de ces nouveaux modes de diffusion efface les frontières et accroît la concurrence internationale. C’est une formidable opportunité pour la diffusion des artistes français à l’étranger, mais c’est aussi, potentiellement, une menace pour la place de la création musicale française et francophone dans notre pays.
Le spectacle vivant musical a connu un dynamisme remarquable au cours des dernières années, malgré les attentats infâmes qu’il a eu à subir, de Paris à Manchester. Là encore, la musique a fait la preuve de son pouvoir de rassemblement et de communion.
Cependant, c’est un secteur qui est, lui aussi, exposé à un risque de concentration excessive. Il a connu l’an dernier un ralentissement de son activité, dont tout le monde espère qu’il soit purement conjoncturel.
Par ailleurs, la distinction entre spectacle vivant et musique enregistrée apparaît de moins en moins opérante.
Les acteurs conçoivent désormais leur développement artistique et économique de manière de plus en plus intégrée, selon des stratégies dites, de façon imagée, « à 360° », qui mettent le créateur, qu’il soit auteur ou artiste-interprète, au centre du projet.
Ces bouleversements profonds ont fait voler en éclat les vieux clivages. Il est temps d’en tirer les conséquences. Il est temps de rationaliser, d’adapter et de renforcer nos outils de soutien, d’accompagnement et d’observation de la filière musicale. Il est temps de les rassembler au sein d’une maison commune : c’est tout l’objet de la création du Centre national de la musique.
Le Centre national de la musique devra être au service de l’ensemble de la filière musicale et de toutes les esthétiques. Les soutiens économiques qu’il mettra en œuvre seront conçus de manière à promouvoir la diversité culturelle et à favoriser l’innovation. Il placera les dimensions territoriales et internationales au cœur de son action. Il viendra compléter et amplifier l’action que mènent, au quotidien, dans le domaine musical, les directions régionales des affaires culturelles de mon ministère, en lien étroit avec les collectivités territoriales. Il aura, en outre, une mission essentielle d’observation, de veille et de prospective. Les études qui seront conduites à ce titre permettront à la fois d’évaluer l’efficacité des dispositifs de soutien – je pense, notamment, aux crédits d’impôt, dont le Parlement a souhaité, lors de la discussion budgétaire, qu’ils soient mieux suivis – et d’éclairer les enjeux de partage de la valeur, d’accompagnement de la transition numérique et de promotion de la diversité musicale face aux phénomènes de concentration. Ces études pourront ainsi nourrir les réflexions sur l’amélioration de nos mécanismes de régulation, qui resteront du ressort de l’administration centrale.
Afin de préparer les conditions de la mise en place du Centre national de la musique, j’ai installé, à la fin du mois de mars, un comité opérationnel. J’en ai confié la présidence à l’inspectrice générale des affaires culturelles Catherine Ruggeri. Par sa longue expérience dans le domaine culturel et musical, par sa connaissance de l’administration et par sa capacité à prendre en compte les positions de tous les acteurs, elle m’a semblé être la personne la plus à même de conduire cette mission délicate. Le comité qu’elle préside, qui se réunit toutes les semaines depuis maintenant plus d’un mois, est composé des directeurs des structures appelées à être fédérées au sein du Centre national de la musique et de représentants des services compétents du ministère de la culture, bien évidemment.
En s’appuyant sur la présente proposition de loi, ce comité a pour mission de mener tous les chantiers juridiques, budgétaires, administratifs, immobiliers, informatiques et sociaux devant aboutir à la création du Centre national de la musique au début de l’année 2020.
J’insiste particulièrement sur la dimension humaine du projet. Je tiens à ce qu’une attention particulière soit portée aux salariés des différents organismes appelés à intégrer le CNM, ainsi qu’aux conditions de leur transfert.
Les travaux du comité avancent à un bon rythme, ce dont je me réjouis. Je suis notamment heureux de pouvoir annoncer le lancement par mes services, en lien avec le comité opérationnel et les organismes de gestion collective, de deux études économiques, consacrées l’une aux artistes, l’autre aux entreprises de la musique.
Ces études constitueront un premier jalon de la fonction d’observation du secteur dévolue au CNM. Elles lui permettront également d’asseoir ses futurs régimes d’aides sur une base robuste de connaissance du marché et de ses acteurs, condition sine qua non de leur efficacité. Leurs résultats devraient être connus avant la fin de l’année.
J’ai souhaité également, toujours dans une logique de concertation et d’adhésion, que les acteurs et les professionnels du secteur soient pleinement associés à ces réflexions.
C’est ainsi qu’un comité élargi, intégrant l’ensemble des représentants de la filière, a été créé pour échanger régulièrement avec Catherine Ruggeri et le comité opérationnel. Il s’est réuni pour la deuxième fois en juin. Je sais que les échanges ont été extrêmement riches et positifs, notamment sur la « petite loi » issue des travaux de l’Assemblée nationale. Il se réunira pour la troisième fois le 26 juillet, ce qui devrait fournir l’occasion d’évoquer le projet de décret statutaire du Centre national de la musique, qui viendra préciser les conditions d’application de la présente loi.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous l’ai dit et je le répète, ce projet me tient tout particulièrement à cœur, et ce depuis longtemps ! Vous pouvez compter sur moi pour mettre toute mon énergie et toute ma volonté au service de sa concrétisation. Je suis à vos côtés pour défendre la diversité de la création musicale, qui nous est si chère.
Ce projet représente un nouvel élan pour la filière musicale. Cette proposition de loi, ce sont des garanties nouvelles pour ses acteurs. C’est un texte cohérent et équilibré, et je souhaite sincèrement remercier toutes celles et tous ceux avec lesquels mon ministère et moi-même avons pu mener un travail fertile : les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, bien sûr, sa présidente, Catherine Morin-Desailly, et son rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, ainsi que le président de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, Bruno Studer, et le rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, Pascal Bois.
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt vos débats. Je tiens à saluer, en particulier, plusieurs évolutions adoptées en commission, que le Gouvernement soutient pleinement. Vous avez continué, à juste titre, à élargir le champ des missions dévolues au Centre national de la musique et à les enrichir.
Je pense à la pleine inclusion des variétés, y compris l’humour et le cabaret, non seulement dans le domaine du spectacle vivant, mais aussi dans celui de l’enregistrement phonographique. C’est une clarification très utile.
Je suis aussi très favorable aux enrichissements que vous avez apportés aux missions du Centre national de la musique concernant la protection de l’environnement et le développement durable. C’est essentiel pour notre avenir et celui des générations futures, et ce sont des préoccupations qui doivent désormais irriguer et orienter toutes nos politiques publiques.
Le renforcement des compétences du CNM en matière de collecte et de diffusion d’informations économiques et statistiques apparaît, quant à lui, pleinement cohérent avec sa dimension centrale d’observation du secteur.
Enfin, la possibilité expresse qu’auront les collectivités territoriales de conclure des contrats et de nouer des partenariats avec le Centre national de la musique va dans le sens du renforcement de sa dimension territoriale. C’est le souhait du Gouvernement, et je sais que vous y êtes très attachés. De fait, la dynamique insufflée par l’État, les régions et le CNV, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, au moyen des contrats de filière, a vocation à se poursuivre et même à être amplifiée avec le Centre national de la musique.
L’examen du texte aujourd’hui en séance publique devrait fournir l’occasion d’en améliorer encore la rédaction.
Je pense en particulier, cher Jean-Raymond Hugonet, à l’amendement que vous avez déposé pour préciser les contours de la notion de création, sans doute trop floue et surtout liée à l’univers du spectacle vivant. Son remplacement par celles d’écriture, de composition et d’interprétation permet de renvoyer aux catégories juridiques, bien établies et chères aux organismes de gestion collective, d’auteurs, de compositeurs et d’interprètes. Le Gouvernement est donc pleinement favorable à l’adoption de cet amendement.
Naturellement – vos débats en commission s’en sont fait l’écho –, le texte dont nous discutons aujourd’hui n’a pas vocation à fixer dans le détail l’ensemble des règles de fonctionnement du futur CNM.
J’ai perçu, en particulier, l’intérêt bien légitime que vous portez aux questions de gouvernance et de financement. Je suis conscient que ces deux sujets sont absolument essentiels. On ne construira pas le CNM sans un effort financier à la mesure des enjeux, allant au-delà des ressources actuelles du CNV, et sans une gouvernance permettant de concilier efficacité, agilité et association des parties prenantes au projet.
Mais il y a un temps pour tout : le financement du CNM sera précisé lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2020 et sa gouvernance sera définie dans le décret statutaire en cours de préparation.
En ce qui concerne le financement, j’ai entendu les craintes de certains acteurs de la filière quant à la continuité avec le système actuel.
Il n’est pas souhaitable de rigidifier le fonctionnement par une politique de fléchage, mais il est évident que les contributeurs actuels du CNV ne doivent pas voir le soutien qui leur est aujourd’hui accordé diminuer.
En ce qui concerne plus spécifiquement les réserves du CNV, il est essentiel qu’elles soient employées dans le cadre du périmètre actuel de l’établissement public.
Quant à la gouvernance du CNM, qui sera un établissement public, elle devra être resserrée et assurer, conformément aux préconisations de la mission parlementaire, une place majoritaire à l’État au sein du conseil d’administration. L’association des représentants du secteur sera notamment garantie par la présence d’un comité professionnel. La représentation des territoires sera, quant à elle, pleinement assurée, que ce soit au conseil d’administration ou au conseil professionnel. L’amendement adopté en commission élargissant la composition du conseil professionnel aux représentants d’organisations publiques, et non plus seulement privées, va, à ce titre, dans le bon sens.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’union : voilà ce qui doit présider au projet de Centre national de la musique !
Elle a prévalu à l’Assemblée nationale, puisque la proposition de loi y a été adoptée à la quasi-unanimité. C’est le signe d’un soutien large, qui dépasse les clivages politiques. Je m’en réjouis sincèrement. Je ne doute pas que le même esprit d’union prévaudra dans cet hémicycle. C’est en confirmant aujourd’hui cette dynamique vertueuse que vous parviendrez, je l’espère, à un accord en commission mixte paritaire par la suite : un accord qui ouvrira la voie à une promulgation rapide de cette belle et importante loi pour le secteur musical et, plus largement, pour la culture dans notre pays ; un accord qui ouvrira la voie à la mise en œuvre résolue de ce beau projet. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous y voilà enfin ! En ce 9 juillet 2019, nous allons répéter, interpréter et finir d’arranger, je l’espère, la partition portant création du Centre national de la musique. Aujourd’hui, c’est l’ensemble du monde musical français qui a les oreilles tournées vers la Haute Assemblée.
Que l’on me permette, en préambule, une référence musicale à l’interprétation par Frank Sinatra de My Way, adaptation américaine de la si célèbre chanson française Comme d’habitude, de Claude François, Gilles Thibaut et Jacques Revaux. Il me semble en effet, monsieur le ministre, que le titre de la version américaine vous sied bien davantage que celui de la version française, surtout quand il est question du Centre national de la musique, car c’est largement vous qui avez tracé la route menant à la création de cet établissement, que nous examinons aujourd’hui – une route que vous avez continué à suivre avec détermination depuis 2011 et le rapport initial que vous avez établi avec Didier Selles, Alain Chamfort, Marc Thonon et Daniel Colling.
Malheureusement, en 2012, alors que l’ensemble des acteurs étaient prêts à s’engager, le projet avait été abandonné, faute de moyens ; la filière en garde un fort ressentiment.
Dans ce contexte, la relance du projet du Centre national de la musique au printemps de 2017 par Françoise Nyssen, alors ministre de la culture, que je veux saluer ici, a fait renaître beaucoup d’espoirs.
Les conclusions du rapport de Roch-Olivier Maistre, qui confirmaient l’intérêt de créer un établissement public chargé d’observer, d’appuyer le développement international et de soutenir le secteur dans une optique de diversité culturelle, ont été unanimement saluées par les acteurs de la filière musicale.
La mission de préfiguration du CNM, confiée aux députés Pascal Bois et Émilie Cariou, a débouché sur le dépôt, le 27 mars dernier, d’une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 6 mai.
Monsieur le ministre, vous avez donc été l’homme à l’origine de ce projet, mais vous serez bientôt aussi l’homme à sa conclusion, qui doit constituer, nous le pensons tous ici, un nouveau départ pour le monde de la musique en France.
Pourquoi est-il si important de donner corps à ce projet ?
Nous avons le sentiment – et nous l’avons beaucoup entendu dire lors des auditions que nous avons réalisées – que si la création de cet établissement n’aboutit pas avec cette proposition de loi, il ne verra jamais le jour. En d’autres termes, c’est maintenant ou jamais !
C’est la raison pour laquelle il me paraît essentiel de ne pas trahir la confiance que votre personnalité a permis de rétablir. En effet, les deux défis auxquels la filière musicale, dans son ensemble, est confrontée, rendent nécessaire la création d’un établissement pour mieux y répondre et favorisent en même temps le regroupement de cette filière.
Le premier défi est celui de la révolution numérique. Parmi les industries culturelles, la musique est le premier secteur à avoir été frappé par la crise due à l’arrivée d’innovations numériques révolutionnant la consommation de produits culturels. Un secteur autrefois florissant a ainsi été très brutalement confronté à une perte massive et rapide de revenus.
L’édition phonographique est cependant parvenue à renouveler son modèle économique et ses modes de production pour renouer avec la croissance, comme le relève notre collègue Françoise Laborde dans son rapport pour avis sur le dernier projet de loi de finances, qui a souligné que, depuis 2013, le chiffre d’affaires du streaming avait été multiplié par près de trois et le nombre d’écoutes par cinq.
Cette crise contraste avec la situation, comparativement bien meilleure, du spectacle vivant, qui représente maintenant presque le double du poids de la musique enregistrée. Les concerts sont en quelque sorte devenus un nouvel eldorado pour l’industrie musicale, même si cela ne va pas sans un certain nombre de difficultés, liées à une concentration croissante des acteurs et au poids du financement de la sécurité. Je vous renvoie aux nombreuses communications faites à ce sujet, ces deux dernières années, par notre collègue Sylvie Robert, rapporteur pour avis des crédits du programme « Création ».
Le second défi tient au caractère toujours très éclaté du secteur. Le secteur de la musique apparaît en effet, depuis des années, traversé par des lignes de fracture multiples et profondes, entre musique enregistrée et spectacle vivant, secteur subventionné et secteur privé, musique « savante » et musiques populaires, pratique professionnelle et pratique amateur…
Les différents acteurs n’ont, jusqu’à présent, pas su construire une culture commune et présenter un front uni pour défendre des intérêts communs et valoriser le secteur.
Devant ce constat, la proposition de loi prévoit la création, au 1er janvier prochain, d’un établissement public à caractère industriel et commercial, un ÉPIC, placé sous la tutelle du ministère de la culture et dénommé « Centre national de la musique ».
La commission de la culture a adopté, il y a deux semaines, plusieurs modifications au texte que l’Assemblée nationale nous avait transmis pour clarifier et conforter les missions du futur établissement et mieux reconnaître la place des collectivités territoriales dans la définition et la mise en œuvre de la politique de la musique.
Pouvons-nous pour autant dire que le travail est achevé avec le texte de cette proposition de loi ? Comme le disait Miles Davis, « la véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu’encadrer ce silence ».
Or, monsieur le ministre, il y a dans ce texte deux silences et, comme souvent avec les silences, ils concentrent toute l’attention.
Un premier silence concerne la gouvernance du nouvel établissement.
La composition du conseil d’administration d’un ÉPIC relève du pouvoir réglementaire. Le Parlement n’a donc pas véritablement la main sur les modalités de sa gouvernance.
Or nous avons précisément constaté que ces questions de gouvernance font partie de celles qui agitent particulièrement la filière musicale, pour ne pas dire qu’elles la divisent !
Il ne faudrait pas que le projet achoppe sur ces questions, au motif que les solutions retenues, comme aurait pu le dire le regretté Michel Berger, dressent les acteurs « les uns contre les autres », alors que l’objectif est au contraire de faire en sorte qu’ils travaillent les uns avec les autres !
Il me paraît essentiel que les différents acteurs de la filière musicale n’aient pas le sentiment d’y perdre en se rassemblant au sein de cette nouvelle maison commune, faute de quoi le risque serait que certaines des associations de droit privé refusent in fine de rejoindre le CNM, ce qui ferait perdre beaucoup de son intérêt au projet.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Aussi souhaiterions-nous que vous nous indiquiez, monsieur le ministre, si des orientations vous guident déjà s’agissant de la composition tant du conseil d’administration que du conseil professionnel, en termes d’effectifs comme de représentation, et des missions qui devraient être confiées à chacune de ces deux instances.
Je voudrais pour ma part souligner que les collectivités territoriales, chères au Sénat, ne doivent pas être les oubliées de cette gouvernance, au regard de leur contribution à l’animation et au financement de la politique musicale dans les territoires.
Quant au second silence, c’est plutôt Money, de Pink Floyd, qui illustrerait parfaitement la situation… (Sourires.)
La question des moyens du CNM est en effet au cœur de toutes les préoccupations. En l’état actuel, le CNM devrait percevoir la taxe fiscale sur les spectacles de variétés, des subventions de l’État et des fonds accordés volontairement par les organismes de gestion collective. Il devrait également gérer deux crédits d’impôt, soit un budget total de 78 millions d’euros.
Le chiffre de 20 millions d’euros est avancé et étayé dans le rapport Bois-Cariou : tel serait le complément nécessaire pour que le CNM ne soit pas qu’un simple regroupement, mais s’impose bien comme un acteur majeur et structurant pour la filière.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je vais vous poser la question le plus directement possible, monsieur le ministre : quels moyens supplémentaires vous est-il permis d’espérer dans le cadre du projet de loi de finances ?
De votre réponse, même partielle, dépend beaucoup le sort du CNM, qui sera lié à la confiance et à l’engagement des acteurs, privés comme publics. Il faut maintenant aller au-delà, oserai-je dire, du célèbre You never can tell de Chuck Berry ! (Nouveaux sourires.)
M. Stéphane Piednoir. Il faut le chanter, maintenant !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Et la francophonie ?
M. André Gattolin. Il nous faut un sous-titrage !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Plusieurs pistes ont été évoquées ces dernières années.
Notre présidente, Catherine Morin-Desailly, avait émis l’idée d’affecter la taxe dite « YouTube » au bénéfice de la musique, qui est tout autant piratée que le cinéma. Cette recette représenterait aujourd’hui environ 7 millions d’euros.
Pascal Bois et Émilie Cariou, quant à eux, souhaitent affecter au financement de la musique une partie de la TOCE, la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, à hauteur de 10 millions d’euros environ.
En un mot, les solutions existent, même si aucune n’est simple, surtout dans le contexte qui est celui de nos finances publiques.
Par ailleurs, le CNM aura-t-il les moyens de financer le fonds de soutien aux créateurs musicaux, envisagé à hauteur de 5 millions d’euros et dont la mise en place, je peux vous l’affirmer, est ardemment souhaitée par la profession, tant l’acte de création est absolument essentiel ? Allons-nous plutôt devoir entonner en chœur le célèbre refrain de Gianni Ferrio, immortalisé par Dalida et Alain Delon : Parole, parole ? (Sourires.)
J’estime pour ma part que votre soutien à la proposition de loi constitue un engagement moral qui doit trouver sa concrétisation dans le prochain projet de loi de finances.
Ces silences, monsieur le ministre, il faudra bien les orchestrer afin d’éviter la cacophonie d’une filière une nouvelle fois déçue et trahie dans ses attentes. Or, tant que ni les structures de gouvernance ni les moyens ne sont arrêtés, ce sont plutôt des divisions qui sont créées, alors même que l’unité – vous l’avez dit – devrait prévaloir.
Pour conclure, permettez-moi d’évoquer ceux qui sont au centre de l’ensemble de l’écosystème de la musique en France et que le Président de la République lui-même a salués comme il se doit au moment du débat sur la directive Droit d’auteur dans le marché européen : je veux parler des auteurs-compositeurs.
Les industries culturelles reposent sur l’existence d’œuvres. Leur prospérité dépend donc directement de la phase initiale de la création, qui implique l’intervention des auteurs-compositeurs. Je forme par conséquent le vœu que cette maison commune du CNM leur réserve vraiment, en son cœur, une place de choix. (Applaudissements.)
M. André Gattolin. Quel talent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Sonia de la Provôté. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la musique est l’art démocratique par excellence, la première pratique culturelle des Français, la deuxième industrie culturelle ; et pourtant, la musique demeure jusqu’à présent dépourvue de centre national.
Après huit ans de réflexion, nous ne pouvons donc que nous réjouir de la création d’une maison commune de la musique.
Cette maison commune va devoir répondre aux attentes de la filière, être un outil efficace, une instance de dialogue et de cohésion entre les acteurs du secteur de la musique et des variétés.
La création du CNM intervient à un moment clé de l’évolution du monde de la musique, avec l’adaptation du marché au numérique, notamment au streaming, qui à la fois offre des possibilités immenses aux artistes et fragilise une partie des acteurs.
Pour rester dans le jeu, nous devons renforcer les moyens financiers, mais également progresser en matière de compréhension et de capacité d’anticipation, condition sine qua non pour faire face à la concurrence d’autres pays, en particulier les États-Unis et la Chine.
Le CNM doit répondre à la volonté déterminée de maintenir la création et la production françaises dans une énergie et une vitalité qui permettent à chacun des acteurs d’en vivre, et ce sur tous nos territoires.
Ces moyens sont autant un soutien financier qu’un soutien à la structuration et au développement par du conseil et de l’expertise fondés sur une observation la plus fine possible de l’écosystème, anticipant ses transformations itératives.
N’oublions pas que la musique est une industrie culturelle qui pèse et représente de très nombreux emplois ailleurs que dans les métropoles. Au moment où la fracture territoriale est reconnue comme un problème central, ce point a toute son importance.
Quatre grands enjeux doivent être au cœur des missions du CNM.
Il s’agit en premier lieu de garantir la diversité musicale et le pluralisme des genres musicaux : tous les genres musicaux doivent avoir leur place au sein du CNM. Une attention particulière devra être portée à la musique classique et aux musiques improprement appelées « savantes ». Le financement des orchestres et des conservatoires, en région notamment, doit donc être conforté. Ceux-ci sont partout sur le terrain des vecteurs importants d’une grande part de la culture musicale. Ils n’ont pas le poids économique de formations et de groupes plus populaires, mais ils occupent néanmoins une place essentielle.
Au cœur du CNM figurera aussi le répertoire historique du CNV : les musiques actuelles, le jazz et la variété, y compris l’humour. Parce que le CNM est un établissement public au service de l’intérêt général, il aura pour mission de garantir la diversité dans toutes les dimensions du secteur musical.
Il s’agit en deuxième lieu de garantir la diversité des acteurs, au travers des différents types de pratiques, du professionnel à l’amateur, de maintenir la vie des labels indépendants, encore très présents sur nos territoires, et de permettre, via des lieux et des festivals, l’accès à une autre offre que celle des blockbusters et des grands équipements.
La diversité prend en compte les contributions de tous les acteurs, professionnels ou non, participant à la vie musicale en tant que créateurs, producteurs, diffuseurs, praticiens, spectateurs, auditeurs.
La pratique musicale en amateur contribue aussi au développement de l’art musical français, à l’économie musicale et même au dynamisme des territoires. Mais cette vitalité tient également à la dynamique associative musicale. Les très nombreuses associations du secteur ont développé de multiples activités dans tous les territoires, de la création à la formation, hybridant les pratiques, inventant des modes de faire ensemble. Leur rôle est essentiel.
Il s’agit en troisième lieu de promouvoir la diversité de la production et de la création musicales dans le monde, par le rayonnement français.
La contribution française doit être accompagnée, aidée, encouragée. Il importe de favoriser le développement d’œuvres françaises et francophones éclectiques à travers le monde.
C’est tout l’intérêt d’intégrer le Burex, le Bureau export de la musique française : à l’heure où l’exposition internationale des artistes et des productions français est une question cruciale pour la filière, cela permettra sans doute d’être plus efficace en matière d’export. La promotion de la chanson francophone est nécessaire. Nous la devons au monde, auquel la langue française apporte des valeurs et des façons de penser différentes, singulières.
Enfin, il s’agit de promouvoir la diversité dans tous les territoires, pour tous, par le biais de partenariats avec les collectivités et les acteurs locaux : cela renvoie au sujet des droits culturels, dont le CNM devra être le garant. Les droits culturels sont fondés sur la diversité musicale, les libertés d’expression musicale, l’accessibilité intégrale. Par leur biais est consacré le droit de toutes les personnes à participer et à accéder à la vie musicale.
Le CNM devra réguler le poids des censures et des rationalités, qu’elles soient économiques ou institutionnelles. Je me réjouis par conséquent que nous ayons, en commission de la culture, intégré la garantie des droits culturels dans les missions du CNM.
Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !
Mme Sonia de la Provôté. La fusion en une seule et unique instance ne doit pas être synonyme de concentration : la concentration, c’est la négation de la diversité.
Les inégalités culturelles sont nombreuses, trop nombreuses en France. Qu’ils vivent en milieu rural, insulaire, montagnard, ultramarin ou urbain, nos concitoyens doivent avoir accès à la culture. L’accompagnement des initiatives locales et des collectivités devra être renforcé par l’intermédiaire du CNM, afin de garantir les droits culturels.
À l’issue du travail entrepris, des réserves demeurent au regard de l’obligation de mettre en œuvre les quatre enjeux de la diversité musicale que je viens d’énoncer. Il faudra apporter des réponses à deux questions que cette proposition de loi laisse pendantes.
Premièrement, quid de la gouvernance de l’établissement ? Les modalités devraient en être déterminées par voie réglementaire.
Je souhaite insister sur l’importance du rôle des collectivités territoriales, qui participent de façon majeure à la politique publique de soutien à la musique, via notamment le financement ou le subventionnement d’orchestres, de théâtres, de festivals, de conservatoires, d’écoles ou de l’enseignement artistique et culturel. Nous estimons que les élus territoriaux ont, à ce titre, toute leur place dans l’instance décisionnelle.
Deuxièmement, des réserves persistantes concernent le financement, renvoyé au prochain projet de loi de finances, et en particulier la question de l’administration des crédits d’impôt en faveur de la production phonographique et du spectacle vivant. Nous nous interrogeons aussi sur le devenir du Fonpeps, le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle.
Créer un CNM en lui attribuant les moyens du CNV, c’est croire que l’on peut faire mieux avec autant, voire avec moins, ce qui est une illusion. Il faudra bien nous dire où l’on trouvera – sans amputer, cela va sans dire, le budget de la culture – cette somme de 20 millions d’euros préconisée par le rapport Bois-Cariou et sur laquelle l’ensemble des acteurs s’accordent. Se contenter de centraliser les différents financements existants ne saurait suffire.
En conclusion, malgré ces deux réserves, sur la gouvernance et sur le financement, le groupe Union Centriste soutiendra ce texte, car la création du CNM répond à l’ambition de constituer un outil efficace pour le secteur de la musique et des variétés, sur l’ensemble du territoire et à l’échelle internationale. Monsieur le ministre, le CNM sera le fer de lance et la vigie de la diversité musicale, si on lui en accorde les moyens… (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création tant attendue du Centre national de la musique témoigne de la volonté des parlementaires et du Gouvernement de mettre la filière musicale sur le devant de la scène de nos politiques culturelles. En dotant la France d’une maison commune dédiée à ses artistes, auteurs, compositeurs et interprètes, en unifiant l’ensemble des acteurs du monde de la musique, il s’agit de contribuer au développement harmonieux, à l’accompagnement et à la valorisation d’une filière longtemps considérée comme le parent pauvre du ministère de la culture.
Aussi le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient-il pleinement cette proposition de loi, qui concrétisera dès janvier 2020 ce projet mûri de longue date par vous-même, monsieur le ministre.
Sont dessinés les contours de la future institution qui fera rayonner la musique française dans nos villes, dans nos campagnes, sur les plus grandes scènes internationales.
Les acteurs qui seront réunis en ses murs sont les suivants : le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz – la chanson, c’est l’histoire de la France, le Moyen Âge, l’opéra, la révolution Trenet, Gilbert Bécaud, que j’ai eu la chance de souvent rencontrer, près de chez moi, et dont la fille Émilie reprend aujourd’hui sur scène les succès –, le Fonds pour la création musicale, le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles, le Bureau export de la musique française et le Club action des labels indépendants de France et des disquaires indépendants français.
La proposition de loi reprend les grandes lignes du rapport des députés Pascal Bois et Émilie Cariou. Le Gouvernement n’a pas souhaité préciser, à ce stade, la gouvernance du CNM. On sait, en revanche, qu’il sera composé à la fois d’un conseil d’administration et d’un conseil professionnel ; c’est une très bonne formule.
Madame la présidente de la commission, nous nous félicitons de l’adoption par la commission de la culture de l’amendement de notre groupe visant à étendre au conseil professionnel l’obligation de parité déjà prévue pour le conseil d’administration. Le secteur de la musique pâtit d’une forte disparité, en matière d’accès aux fonctions de direction, entre les femmes et les hommes, et n’est en rien épargné par les comportements sexistes. Nous appelons le Gouvernement à exercer la plus grande vigilance et à proposer des mesures fortes pour lutter contre la culture du sexisme qui gangrène l’ensemble de ce secteur.
Le Centre national de la musique devrait disposer, a minima, d’un levier d’action financier de 78 millions d’euros. De nouveaux moyens budgétaires seront votés lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
Il s’agit de donner au futur centre les moyens de ses ambitions en résolvant une difficile équation : octroyer à la filière des ressources nouvelles et pérennes sans pour autant creuser le déficit public.
Monsieur le ministre, ces besoins de financement sont d’autant plus importants, notamment pour les entreprises musicales, que le secteur s’engage depuis une dizaine d’années dans une profonde mutation.
Les opportunités de développement à l’international sont décuplées avec le virage numérique. Nous devons accompagner au mieux les entreprises musicales françaises dans leur renouveau en consolidant leur modèle économique, afin de nous inscrire parmi les leaders mondiaux en matière de productions culturelles.
Le Centre national de la musique a aussi une vocation de développement territorial de la filière musicale, en partenariat avec les collectivités locales, comme l’a réaffirmé la commission de la culture du Sénat.
Les communes, intercommunalités, régions – ces dernières, à mon avis, devraient faire davantage – qui maillent notre territoire versent plus de 80 % des subventions dont bénéficient les lieux de musiques actuelles. Il nous semble essentiel, monsieur le ministre, de faire du Centre national de la musique un élément structurant du développement territorial de la filière musicale.
Pour toutes ces raisons, notre groupe se félicite de cette proposition de loi, qu’il votera donc, et de la volonté affirmée par le Gouvernement. (Mme la présidente de la commission et M. André Gattolin applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans revêtir les habits du thuriféraire et en restant comme toujours parfaitement objectif, je tiens, monsieur le ministre, à saluer ici la persévérance qui a toujours été la vôtre sur ce dossier.
En avril 2011, le ministre de la culture de l’époque, un de vos nombreux, trop nombreux, prédécesseurs, vous confiait la conduite d’un rapport ministériel sur l’état de la création et de la diversité musicales à l’ère numérique.
Huit mois plus tard, en novembre 2011, vous et vos quatre corédacteurs remettiez à Frédéric Mitterrand un document dressant, sans détour ni fioritures, le triste bilan économique et social de l’industrie française du disque entre 2000 et 2010.
Avec Alain Chamfort, Daniel Colling, Marc Thonon et Didier Selles, vous proposiez notamment la création d’un centre national de la musique, sur le modèle du Centre national du cinéma, afin de sortir la filière musicale française du marasme qu’elle traversait et qu’elle continue de traverser.
Huit ans plus tard, c’est avec une autre casquette, celle de ministre de la culture, que vous êtes parvenu à faire que ce centre puisse – enfin ! – devenir réalité, à l’horizon très proche de janvier prochain : il aura fallu huit années pour arriver à mettre en œuvre ce qui apparaissait comme une nécessité autant que comme une évidence.
Bien sûr, les changements politiques de 2012 et les effets prolongés de la crise de 2008 expliquent pour partie que, alors qu’il convenait d’agir vite, nous avons au contraire adopté l’attitude et la vélocité de l’escargot.
En effet, entre 2012 et 2017, le budget dédié au ministère de la culture a diminué graduellement, avant d’afficher un léger sursaut, à la fin du quinquennat, pour contenter quelque peu la filière musicale à l’approche des grandes échéances électorales.
Mais, au-delà de la question strictement budgétaire, c’est l’absence de volontarisme politique dans le domaine de la culture durant tout un quinquennat qui explique sans doute le mieux ce retard à l’allumage.
Entre l’annonce de sa création, fin 2011, l’arrêt du projet, en septembre 2012, l’annonce de sa relance, en janvier 2014, puis son nouvel arrêt, et enfin sa énième relance, en avril 2018, le Centre national de la musique a bien failli voir son acronyme se transformer en « CNV », pour Centre national du vaudeville, tant ces huit années furent marquées d’innombrables rebondissements de caractère plus tragique, hélas, que comique.
Je n’aurai pas ici l’outrecuidance de rappeler à certains de mes collègues combien ce grand ministère, qui fête ces jours-ci son soixantième anniversaire, a subi de coupes jusqu’en 2016, et combien de moyens il a fallu dégager depuis lors pour lui redonner un peu du lustre qu’il mérite !
S’il y a bien une pratique, monsieur le ministre, qui honore le gouvernement que vous servez, notamment sur les questions culturelles, et s’agissant en particulier de la création du CNM, c’est précisément que vous vous attachez à tenir les promesses de vos prédécesseurs plutôt que d’en faire de nouvelles, avec l’arrière-pensée de les laisser à la charge d’éventuels successeurs !
En politique, je suis, comme vous, monsieur le ministre, de ceux qui pensent que la démagogie et les promesses non tenues sont le meilleur terreau sur lequel prospèrent les pires des populismes.
C’est aussi, sans doute, votre implication personnelle, profonde et quasiment historique sur ce dossier qui explique que vous ayez réussi le tour de force de faire adopter ce texte à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le 6 mai dernier.
Néanmoins, mes collègues ayant déposé un nombre non négligeable d’amendements, vous devrez certainement patienter encore un peu avant que le texte soit définitivement adopté.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Nous jouons notre rôle, tout simplement !
M. André Gattolin. Je veux toutefois souligner ici que, grâce au travail de très grande qualité conduit par notre rapporteur et à sa louable capacité de persuasion, seul un nombre restreint d’amendements ont reçu l’approbation de notre commission ce matin. Le CNM pourra donc voir le jour en temps et en heure.
Il est en effet manifeste que notre pays, fort de sa riche culture musicale, a besoin d’un tel centre d’expertise et de ressources au service de l’ensemble de la filière, d’une institution dont la vocation est de rassembler les multiples acteurs qui interviennent aujourd’hui dans ce domaine, soit à titre exclusif, corme l’IRMA, le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles, et l’Observatoire de la musique, soit à titre d’activité de soutien, comme le CNV, le Bureau export de la musique française ou Francophonie diffusion.
L’enjeu, on le sait, est de taille ; c’est pourquoi je suis persuadé que vous ferez tout, monsieur le ministre, pour répondre à l’inquiétude des professionnels du secteur, qui réclament que le futur Centre national de la musique soit doté d’un budget supérieur à celui des entités qu’il va regrouper en son sein.
Nous souhaitons tous que le CNM montre au plus vite son utilité et son efficacité, comme l’a fait son lointain cousin, le Centre national du cinéma. Créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce dernier a su rapidement faire ses preuves ; il apparaît aujourd’hui comme une référence internationale en matière de politique culturelle sectorielle efficiente.
On attribue souvent à Platon les mots suivants : « si l’on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique ». Dans un registre un peu différent, le cinéaste Alain Resnais déclarait en 1997, à l’occasion de la sortie de son superbe film intitulé On connaît la chanson, que « les chansons constituent la mémoire historique affective de la France ».
Oui, la musique et la chanson sont les cœurs sensibles et battants de notre culture. Elles appartiennent à notre patrimoine et sont un incroyable foyer de création artistique ; elles sont aussi un formidable vecteur de transmission et de démocratisation des savoirs. À ce titre, elles méritent pleinement que l’on crée un centre national qui leur soit entièrement dédié.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que le groupe La République En Marche votera en faveur de l’adoption de ce texte ! (Rires.)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Vraiment ? Nous n’avions pas compris ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en l’an 303 avant notre ère, Cnæus Flavius, devenu édile curule à la suite d’un conflit avec les patriciens, fit construire un temple à Concordia, sur le Comitium, à Rome. Cette déesse était issue de deux divinités grecques, Ὁμόνοια, dont le nom évoquait la sympathie des cœurs, et Ἁρμονία, qui présidait à la cohésion sociale et aux rapports harmonieux entre les citoyens et dont on tira un mot évoquant l’association heureuse de plusieurs sons.
Ainsi, Concordia protégeait à la fois l’accord des cœurs et l’accord des cordes. Mais, pour réaliser son projet, Cnæus Flavius ne put obtenir d’argent public et se contenta du fruit des amendes imposées aux usuriers. Nous verrons dans la suite de la discussion, monsieur le ministre, si vous n’avez pas agi de même !
C’est sous les auspices favorables de cette même Concordia que le nouveau Centre national de la musique voit le jour, tant cette « maison commune de la musique » était attendue par toute la profession pour renforcer ses capacités d’action, pour s’adapter aux nouvelles modalités d’écoute et pour continuer de développer les pratiques, dans la richesse de leur diversité. L’État participe à la construction de cette nouvelle arche pour soutenir la filière, les créateurs, le rayonnement international de leurs œuvres, mais aussi parce qu’il souhaite confier à ce nouvel établissement un rôle majeur pour déployer les politiques publiques du ministère de la culture dans les territoires.
Je n’apporterai pas de voix discordante à ce concert de bonnes intentions. Indubitablement, il était nécessaire de rationaliser et de renforcer les moyens d’intervention des structures existantes, afin de mieux défendre l’exception culturelle française et de déployer l’égalité des droits culturels dans tous les territoires.
Néanmoins, monsieur le ministre, nous attendons de ce débat qu’il éclaire davantage les projets politiques et les engagements budgétaires par lesquels votre ministère compte accompagner la création et le développement de ce nouveau centre.
Dans son rapport, notre collègue député Pascal Bois, auteur de la présente proposition de loi, considère que la constitution du Centre national de la musique sera l’occasion, pour le Gouvernement, « de se doter d’une stratégie de long terme pour la politique publique de la musique, qui constitue l’une des missions fondamentales du ministère chargé de la culture ». Peut-être le dépôt d’un projet de loi par votre ministère aurait-il été plus approprié pour atteindre cet objectif.
Alors que votre collègue le ministre de l’action et des comptes publics vient d’achever sa tournée des ministères afin de leur demander de réduire leurs budgets pour l’année 2020, nous nous interrogeons sur la capacité de votre ministère à participer au fonctionnement du futur centre national. De l’avis unanime, un apport de 20 millions d’euros est indispensable pour rassurer les membres constitutifs de la future entité et persuader tous les acteurs de la filière que l’État ne profite pas de l’opération pour faire financer des missions par la nouvelle structure sur ses seules ressources propres.
Au fond, nous souhaiterions que vous nous précisiez quelles politiques publiques, dans le domaine de la musique, vos administrations centrales continueront à gérer, et avec quels moyens. La semaine dernière, le Sénat a exprimé ses plus grandes réserves sur la création d’une Agence nationale du sport, qui aura sans doute pour conséquence la disparition du ministère de tutelle.
À ce propos, je citerai le jugement de Jean-Marc Sauvé, grand commis de l’État et secrétaire général du Gouvernement de quatre Premiers ministres successifs : « Depuis une quarantaine d’années, l’État s’est affaibli, moins par le transfert de compétences vers l’Union européenne ou vers les collectivités territoriales que par la réduction de ses capacités et de ses ressources en matière de conception et de stratégie. […] Aujourd’hui, la situation est telle que les grands opérateurs de l’État sont devenus plus puissants et plus experts que les directions des ministères chargées d’exercer leur tutelle. […] L’“agencification” de l’État est aussi un facteur d’affaiblissement des services territoriaux de ce dernier. »
Nos craintes portent aussi sur le financement du Centre national de la musique. Nonobstant vos réponses sur le montant de la subvention de l’État, ce financement sera constitué par l’agglomération de dispositifs déjà existants : la taxe sur les spectacles vivants, pour une large part, les contributions des organismes de gestion collective, dans des proportions qui dépendront de leur implication dans la nouvelle structure, et les crédits d’impôts dont elle recevra la gestion en vue de développer des politiques incitatives.
Je regrette vivement que le Centre national de la musique devienne le seul régisseur de ces crédits d’impôt. Le risque est grand que le Parlement ne dispose plus d’informations sur leurs bénéficiaires et les activités favorisées. Je rappelle que la Commission européenne considère le crédit d’impôt comme une aide d’État compatible avec les règles de la concurrence à la condition expresse qu’il favorise l’émergence de nouveaux talents.
Enfin, en ce qui concerne la taxe sur les spectacles, j’aimerais joindre, en parfaite harmonie, ma voix à celle de notre rapporteur, dont je salue la qualité du travail, pour souligner qu’il s’agit d’une taxe affectée, collectée sur une assiette restreinte, qui devra financer des dépenses beaucoup plus larges. Lors de la discussion budgétaire à venir, il faudra trouver un dispositif plus juste et plus adapté aux nouveaux usages de la musique. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques années, une émission diffusée par le service public annonçait que c’était « Ce soir ou jamais ! » Pour le Centre national de la musique, c’est maintenant ou jamais !
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
Mme Sylvie Robert. En effet, une décennie après les premières ébauches de cette maison commune de la musique, il est enfin temps que le projet se concrétise.
Évoquant la Fête de la musique, Jack Lang déclarait que la musique, ça rassemble, c’est un langage commun. Paradoxalement, ce « langage commun » ne s’exprime pas dans un espace commun : les acteurs de la filière, qui se connaissent pourtant parfaitement, n’ont guère de lieux où échanger, partager leurs analyses du secteur, réfléchir collectivement aux mutations constantes qui le traversent. En somme, ils ont besoin de pouvoir se rassembler, dans leur diversité.
Le futur CNM doit être ce lieu de rassemblement. Si cette assertion paraît simple, elle n’en recouvre pas moins une grande ambition, car réunir producteurs, éditeurs, diffuseurs, distributeurs, organismes de gestion collective et, bien entendu, artistes du privé ou du public, œuvrant dans la musique enregistrée ou dans le spectacle vivant, dans le registre classique ou dans celui de la musique de variétés, n’est pas une évidence ! Les intérêts peuvent être divergents, les habitudes différentes. Il faut donc une volonté très ferme et un esprit particulièrement constructif pour parvenir à l’édification de cette maison commune. À cet instant, je voudrais saluer l’esprit qui anime l’ensemble des acteurs de la filière, qui ont su, ces dernières années, faire des pas les uns vers les autres. Ils attendent aujourd’hui avec beaucoup d’impatience la création du CNM. L’instance de préfiguration animée par Catherine Ruggeri continue d’y contribuer.
Ce périmètre élargi, où prévaut l’« égale dignité des répertoires », selon la belle expression de notre rapporteur, ne va pas sans soulever de véritables questions. À défaut d’avoir pu toutes les aborder par voie d’amendements – je pense par exemple à la question de l’aide à l’emploi –, le Parlement ayant encore été soumis, vous l’imaginez bien, à une interprétation pour le moins rigoureuse des articles 40 et 45 de la Constitution, je souhaiterais souligner, dans le cadre de cette discussion générale, plusieurs points qui me paraissent essentiels.
J’évoquerai d’abord le rôle et les missions confiées au futur CNM. Il me paraît fondamental que celui-ci ne soit pas seulement un Centre national de la chanson, des variétés et du jazz amélioré, comme ce dernier fut une amélioration du fonds de soutien créé en 1986.
En effet, fondre en une seule entité le CNV, le Fonds pour la création musicale, le Bureau export de la musique française, le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles et le Club action des labels et des disquaires indépendants français tout en réunissant l’ensemble des professionnels du secteur implique vraiment de changer de dimension. Plus précisément, il faut que cette nouvelle dimension soit en cohérence avec l’ambition désormais affichée.
Pour le dire plus clairement, le CNM ne peut pas n’être qu’un guichet. Naturellement, la fonction de soutien, notamment financier, au secteur musical qui lui est dévolue est nécessaire. Mais, afin d’apporter pleinement des solutions aux problématiques d’aujourd’hui et de demain de la filière et de conférer au CNM l’envergure qu’il doit avoir, cette attribution originelle doit vraiment être dépassée.
À mon sens, cette maison commune doit avoir des préoccupations que je qualifierai d’« intérêt général ». D’ailleurs, le champ des missions du CNM reflète une telle conception. Il est fait référence à l’« éducation artistique et culturelle » et – sans doute sous l’impulsion du Sénat – aux droits culturels. Le rôle des collectivités territoriales est conforté, et une attention particulière est portée à la question de la diversité. Tout cela correspond à l’esprit de mon amendement visant à préciser que le CNM contribue à la mise en œuvre de la politique publique d’accompagnement et de soutien en faveur de la musique, sans bien sûr se substituer à l’action menée par le ministère de la culture et son administration.
Monsieur le ministre, je me tourne vers vous : pour moi, l’État doit plutôt être force de propositions à destination de la filière, mobilisateur sur les dossiers épineux du moment, stratège sur les grands enjeux. Tout en cultivant le dialogue et en coconstruisant avec les acteurs du secteur, il doit surtout être l’arbitre et le garant de cet « intérêt général » que je mentionnais précédemment. C’est cette dialectique subtile qui est attendue de l’État.
Je profite de cette occasion pour évoquer la question de la gouvernance. J’ai déposé un amendement d’appel visant à vous permettre de nous indiquer comment vous entendez constituer le conseil d’administration : qui siégera aux côtés de l’État, majoritaire ? Quels seront le rôle et la place des financeurs et contributeurs, des collectivités territoriales ? Quels seront les liens avec le conseil professionnel ? Les réponses à ces questions seront essentielles pour mesurer l’efficacité potentielle d’un tel outil, son utilité pour le secteur et pour la mise en œuvre de la politique publique.
Parce qu’il me paraît intéressant d’insister sur le caractère dynamique des missions revenant au CNM, je présenterai deux amendements visant l’un à inscrire dans le texte la mission prospective du futur centre national, l’autre à préciser que l’Observatoire de l’économie du secteur musical est, parallèlement, un observatoire de la donnée. Aujourd’hui, la donnée est véritablement au cœur de l’économie numérique. Elle est très importante à la fois pour analyser les transformations du secteur et pour imaginer les différents dispositifs à instituer dans l’avenir.
Au fondement de la chaîne de valeur de la filière musicale réside l’acte de création, et au fondement de la création artistique se trouve bien sûr l’artiste, le créateur de la valeur. Rendre l’artiste visible, c’est donner sa pleine mesure au CNM, en intégrant en son sein celui qui lui confère tout à la fois son sens et sa vitalité.
Dans cet esprit, j’ai déposé un amendement tendant à rappeler que le CNM a pour rôle de mettre en lumière l’artiste tout en respectant ses droits. Je fais ainsi référence à la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP.
J’aurais voulu aller plus loin, en proposant de mettre en place des expérimentations dans les régions, via un fonds de soutien à la création musicale. En tout cas, monsieur le ministre, je pense qu’il faut creuser l’idée d’une aide directe à la création, car il y a aujourd’hui un vide en la matière. Je vous fais confiance pour cela.
Voilà quelques minutes, j’évoquais l’ambition qui sous-tend le projet du CNM. Qui dit ambition dit bien évidemment financement à la hauteur. Je sais que le débat sur le financement a été renvoyé à l’examen du prochain projet de loi de finances, mais il est tout de même délicat de créer une nouvelle structure, d’en évoquer l’ambition et de réfléchir à ses missions sans avoir de prise sur l’étendue de son financement !
Le financement est un enjeu majeur, voire l’enjeu numéro un. Il conditionne la réussite du CNM. Que se passera-t-il si nous bâtissons une maison commune, séduisante sous tous aspects, mais dont les fondations se révèlent brinquebalantes ? La réponse va de soi…
Monsieur le ministre, je crois que nous sommes unanimes, dans cet hémicycle, à ne vouloir à aucun prix que le CNM soit une coquille vide, une demeure hospitalière et prometteuse, mais vouée à l’abandon. Pour éviter ce funeste destin, il est impératif que les financements soient à la hauteur. Le rapport Cariou-Bois évaluait à 20 millions d’euros la somme nécessaire pour amorcer le lancement du CNM. Lors de la discussion du prochain projet de loi de finances, je serai extrêmement vigilante. J’espère que les crédits nouveaux seront inscrits réellement dans la loi de finances, dans un esprit de sincérité et de transparence budgétaires.
Mais la réflexion doit être poussée plus loin. On a évoqué les recettes de la taxe YouTube ou de la TOCE : le pense que leur fléchage partiel vers le CNM serait de nature à assurer un financement pérenne de celui-ci et à donner de la visibilité aux acteurs.
En termes de visibilité, il me semblerait d’ailleurs intéressant de proposer, lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, l’élaboration d’un financement sur trois années du CNM, assis sur une forme de convention d’objectifs et de moyens. Cette méthode devrait aussi permettre une montée en charge progressive de l’établissement, car tout ne sera pas en place au 1er janvier 2020, et l’adaptation des dispositifs, en particulier d’aide, aux mutations que connaît le secteur.
Le Centre national de la musique est un beau projet. Il doit maintenant voir le jour, mais pas au prix d’une ambition réduite ou d’un financement incertain. Des inquiétudes légitimes ont été exprimées par les acteurs de la filière. Tout cela vous engage, monsieur le ministre. Il est urgent que vous apportiez des réponses pour apaiser le climat et favoriser une entrée sereine dans la phase de concrétisation. Comme je l’indiquais en préambule, le CNM, c’est maintenant ou jamais ; nous souhaitons ardemment que ce soit maintenant ! (Applaudissements sur la plupart des travées.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les musiciens se souviennent de la célèbre réplique d’André Malraux, interpellé à la Chambre sur l’absence de toute politique musicale d’envergure : « On ne m’a pas attendu pour ne rien faire pour la musique ! »
On ne peut adhérer tout à fait à cette affirmation, car le directeur de la musique d’André Malraux, Marcel Landowsky, fut l’un des pères fondateurs de la politique musicale telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais il semble temps de passer à une nouvelle phase dans le soutien à la musique, en lui donnant un centre national capable de rassembler, de renforcer et de représenter les intérêts de la filière, tout en soutenant ses exportations à l’international.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la constance de votre action en ce domaine et de la qualité des concertations menées par votre ministère avec l’ensemble de la filière musicale.
Si la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui est une étape nécessaire dans le parcours chaotique de la création du Centre national de la musique, elle n’apporte en réalité que peu de précisions sur le futur établissement public.
Rendez-vous est donc pris dans les prochains mois pour la présentation du décret auquel renvoie l’article 6. Il précisera les dispositions relatives à la gouvernance et nous espérons que, à l’automne, le projet de loi de finances donnera au Centre national de la musique les ressources nécessaires à son fonctionnement.
J’espère toutefois que l’assentiment général aux objectifs de ce texte qui se dégage ne vous découragera pas, monsieur le ministre, de nous fournir quelque éclairage sur le budget, notamment sur l’éventuel apport supplémentaire de l’État au CNM. Il me semble en effet essentiel que l’État, qui est à l’initiative sur ce dossier, apporte une quote-part significative au fonctionnement du futur établissement public.
Les financements innovants qui seront mobilisés nous intéressent au premier chef. Dans la droite ligne du rapport de M. Roch-Olivier Maistre, nous pensons que mobiliser une ressource moderne, issue de la sphère numérique, serait tout à fait légitime. Il ne s’agit pas de capter les taxes dont le produit est affecté au cinéma, car cela a déjà fait échouer le projet en 2012 ! Toutefois, se dégagent deux pistes sérieuses, sur lesquelles nous devons pouvoir disposer d’éléments afin de rassurer la filière et de faire évoluer le débat.
En premier lieu, le produit de la taxe YouTube, adoptée par le Parlement en 2016, pourrait être majoré, afin d’en affecter une partie au CNM, le reste demeurant affecté au Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC. Il me semble normal que les poids lourds de la diffusion en ligne de contenus musicaux, compte tenu des bénéfices qu’ils en tirent, entrent dans le cercle vertueux du financement de la création musicale !
En second lieu, eu égard à la place qu’occupe la musique dans la consommation internet et mobile, il serait tout à fait légitime que le CNM perçoive, comme le préconise le rapport Cariou-Bois, une fraction de la TOCE, dont sont redevables les opérateurs de télécommunications.
Monsieur le ministre, beaucoup d’acteurs se sont sentis rassurés par les propos que vous avez tenus, lors du marché international du disque et de l’édition musicale de 2019, sur le maintien des financements aux actuels bénéficiaires, mais j’estime qu’il faut maintenant donner un gage de l’exploration d’autres types de financement à même de soutenir l’innovation et l’exportation, que nous appelons tous de nos vœux !
Bien qu’aucune politique publique ne puisse sérieusement se concevoir sans une connaissance et une observation fines du secteur, la musique reste l’une des rares filières à ne pas disposer d’observatoire. Alors que la loi LCAP avait déjà prévu la création d’un observatoire de l’économie de la musique au sein du CNV, certains blocages regrettables n’avaient pas pu être surmontés.
Il est strictement impossible de prétendre réguler un secteur sans s’appuyer sur des études précises, par exemple sur l’ampleur des phénomènes de concentration via les playlists et leur incidence sur la diversité. J’espère que le volontarisme dont vous faites preuve sur cette question permettra d’installer durablement un observatoire efficace, sans reproduire les erreurs passées.
Comme je le soulignais dans mon rapport pour avis sur la mission « Médias, livres et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2019, la musique a été très tôt touchée par la révolution du numérique, mais elle a su y répondre rapidement et inventer un autre modèle durable, devant être encore consolidé.
Les plateformes de diffusion de vidéos en ligne, si elles peuvent être porteuses de risques liés à la concentration tenant à l’usage d’algorithmes, constituent toutefois un moteur de croissance pour le secteur de la musique. Il faudra sécuriser et préserver ce modèle de développement, qui est au cœur de l’avenir de l’industrie musicale.
Aujourd’hui, dans le contexte d’une concurrence internationale impitoyable, nous devons conquérir de nouvelles parts de marchés à l’étranger tout en préservant la diversité musicale. C’est indispensable pour gagner la bataille des contenus, offrir à notre jeunesse des perspectives d’emploi durable, mais aussi donner à nos territoires de nouveaux atouts en matière d’attractivité.
L’intégration du Burex, s’il y consent, au CNM, comme prévu à l’article 5 du projet de loi, participe de cette stratégie culturelle de conquête, à laquelle il faut donner la plus grande latitude. Cet acte de dissolution volontaire, qui concerne aussi les autres associations de droit privé ayant vocation à être intégrées au CNM, ne sera consenti que si un certain nombre de garanties sont apportées, permettant de présumer la puissance future du CNM. Il nous reviendra de veiller tout particulièrement au montant des subventions supplémentaires accordées au CNM par rapport aux subventions actuelles, car si l’une des associations venait à refuser l’intégration pour cause de financement insuffisant, c’est toute l’architecture du CNM qui serait fragilisée.
Nous aimerions également avoir plus de visibilité sur la gouvernance. Nous considérons que l’équilibre reste à affiner. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Je confirme que le groupe du RDSE souhaite vivement faire advenir la création d’une maison commune pour la filière musicale, et ce dans les meilleures conditions possible. Nous attendons de nos débats une avancée sur la contribution financière de l’État et les taxes, ainsi que sur la composition des conseils, afin de donner l’ampleur nécessaire à cette nouvelle politique musicale destinée à unir l’ensemble de la filière. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Enfin, le monstre du Loch Ness montre sa tête ! (Sourires.) Apparu une première fois en 2011, monsieur le ministre, sous l’impulsion de votre quadrisaïeul au ministère de la culture, puis disparu des radars sous la gouvernance de votre arrière-arrière-grand-mère pour trois générations, on l’a revu resurgir sous votre prédécesseur, Françoise Nyssen. Aujourd’hui, nous le tenons enfin, grâce à vous – personne ne le conteste – et au député Pascal Bois, que vous avez encouragé à déposer cette proposition de loi pour mettre fin à cette douche écossaise des espoirs et des déceptions, particulièrement mal ressentie par la filière musicale, qui demande depuis tant d’années à être considérée au même titre que les autres filières culturelles, comme la danse, le livre, le théâtre, les arts de la rue et le cirque et, bien entendu, le cinéma.
Il faut dire que vous y teniez, à ce Centre national de la musique ! Vous aviez autrefois émis un rapport très favorable à sa création. À la commission de la culture du Sénat, nous étions en phase avec vos propositions. D’entrée de jeu, nous exprimons notre satisfaction devant cette proposition de loi tant attendue.
La musique étant une amie de la vie quotidienne de chacun de nous, on finit par oublier qu’elle n’existe que dans le cadre d’une vraie filière, certes culturelle, mais aussi économique et industrielle. Il était temps de structurer cette filière, d’autant que la révolution numérique a fait souffler sur elle la tempête que nous connaissons.
Le nouveau CNM absorbera le CNV en bénéficiant de ses ressources, qui proviennent de la taxe sur les spectacles de variétés. Il se verra adjoindre d’autres organismes existants, fortement encouragés à se fondre dans le futur CNM : le Fonds pour la création musicale, le Burex, le Club action des labels et des disquaires indépendants et le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles. Ces derniers organismes pourront transférer leurs ressources au futur CNM et se fondre en lui dès qu’ils auront entériné leur dissolution, selon une procédure qui, je le rappelle, repose sur le volontariat.
Le texte est peu précis sur la gouvernance ; ce sujet ayant été largement traité par notre rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, je concentrerai mon propos sur trois points qui me paraissent intéressants.
D’abord, l’article 3 confère au président du CNM la mission de délivrer, au nom du ministre de la culture, les agréments fiscaux pour le bénéfice du crédit d’impôt pour la production d’œuvres phonographiques et du crédit d’impôt pour les dépenses de productions de « spectacle vivant musical ». Il s’agit là d’une des mesures proposées dans le rapport de M. Roch-Olivier Maistre. Cette habilitation octroyée au président du CNM constitue une marque de confiance envers le nouveau centre national et lui confère d’emblée une certaine crédibilité auprès du secteur de la musique, en le positionnant comme un acteur incontournable. Elle permettra au CNM de mieux assurer sa mission d’observation de la filière. Il s’agit là, à mon avis, d’une bonne mesure.
Ensuite, l’article 4 bis permettra au CNM de percevoir des fonds de la part des organismes de gestion collective, ou OGC, destinés aux actions culturelles. Je rappelle que la loi impose aux OGC de consacrer 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée à des actions d’aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et au développement de l’éducation artistique et de la formation des artistes. Le rapprochement entre les OGC et le CNM est légitime et souhaitable. Le montant total de ces ressources s’est élevé, en 2017, à 183 millions d’euros, somme dont la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteurs et des droits voisins a souligné qu’elle n’était consommée qu’à 70 %. Cela soulève quelques interrogations.
Bien entendu, cette contribution des OGC ne pourra intervenir que sur une base strictement volontaire, les fonds étant de nature privée. Les OGC ne sont pas opposés à cette mesure sur le principe, mais ils attendent de connaître les moyens que mettra l’État à la disposition du CNM, en complément de leur contribution, et les éléments de la gouvernance, afin que leur représentation soit cohérente et équilibrée avec la gestion de leurs fonds.
Enfin, j’évoquerai les moyens dont disposera le CNM. Jusqu’à présent, la proposition de loi ne prévoit qu’une mutualisation de ressources déjà existantes. Il faudra donner du carburant au CNM, par exemple en lui affectant une part du produit de la taxe YouTube ou de la TOCE. Je trouve intéressante la proposition figurant dans le rapport Bois-Cariou d’affecter au CNM une part de la recette de la TOCE, laquelle a été totalement détournée de sa vocation initiale et littéralement confisquée par le budget général.
Le groupe Les Républicains aborde l’examen de ce texte dans un esprit très positif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique.
L’adoption de ce texte permettra de regrouper différentes structures publiques et privées au sein d’un seul et même établissement. À l’heure des mutualisations et des économies d’échelle, elle devrait donner un nouveau souffle à la politique musicale en France, qui est à la peine depuis une décennie, notamment sur la scène internationale.
En effet, si la musique est omniprésente dans notre quotidien, le secteur est « en crise » depuis longtemps ; il mérite toute notre attention. C’est la deuxième industrie culturelle en France, derrière celle du livre ; elle est talonnée de près par le jeu vidéo. En France, la musique pèse 8,7 milliards d’euros, dont à peine 10 % pour la vente de musique enregistrée, et près de 240 000 emplois.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour féliciter tous les bénévoles qui œuvrent durant l’année, en particulier l’été, dans tous les territoires pour faire vivre la musique, notamment dans le cadre des nombreux festivals.
Oui, la musique est un art vivant ! Pourtant, c’est le seul qui ne dispose pas, à ce jour, d’un centre national.
Si l’on peut se réjouir de la facilité avec laquelle la musique ponctue désormais notre quotidien, force est de constater que le piratage de masse – en quinze ans, le chiffre d’affaires de la musique enregistrée a diminué de 60 % –, l’évolution des pratiques – avec les smartphones, l’écoute est sans limite, à tout moment et en tout lieu – et la révolution numérique, avec la lecture en flux, n’ont pas été suffisamment anticipés pour que la filière musicale et la création artistique française puissent s’adapter.
Le partenariat entre pouvoirs publics et filière musicale proposé au travers de ce texte devrait permettre de se doter d’une stratégie de long terme en matière de politique publique de la musique, de rassembler toute une filière – artistes, entreprises, organismes de gestion des droits d’auteur, etc. –, de créer un observatoire, de favoriser la création et la diversité, d’accompagner le développement de la production de la musique live, de promouvoir l’innovation.
Le texte pose un cadre pour un secteur en pleine mutation. Les missions du CNM ont été précisées, à l’article 1er, par nos collègues en commission, de même que sa gouvernance, à l’article 2. En effet, le conseil professionnel doit être élargi aux représentants des structures publiques de la musique en région, et il est important que la parité soit respectée au sein de cette instance. Le Sénat doit veiller à la juste représentation des collectivités territoriales au sein des organismes et à la durabilité du modèle de financement de ces derniers.
Je voterai en faveur de l’adoption de ce texte, qui répond aux attentes de la profession et garantit l’avenir de la première pratique culturelle des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le cinéma dispose depuis 1947 d’un établissement dédié, le Centre national du cinéma et de l’image animée, ou CNC, doté de moyens significatifs et en mesure de faire dialoguer et coordonner les différentes composantes du secteur, il n’en va pas de même pour la musique. En réalité, il s’agit du dernier art vivant qui ne dispose pas d’un centre national, au contraire de la danse, du livre, du théâtre, des arts de la rue, du cirque et, donc, du cinéma. C’est ce que Didier Selles, conseiller maître à la Cour des comptes, et vous-même, monsieur le ministre, faisiez remarquer en 2011 – vous étiez alors député-maire de Coulommiers – dans un rapport intitulé « Création musicale et diversité à l’ère numérique », commandé par le ministre de la culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Écrit dans le contexte d’une industrie musicale largement en crise, notamment sous l’effet de la numérisation et du développement du streaming, ce rapport préconisait la création d’un centre national de la musique.
Comme vous le rappeliez, monsieur le ministre, ces quinze dernières années, l’industrie du disque a connu une crise de grande ampleur, notamment du fait du piratage de masse, avec une baisse de son chiffre d’affaires de l’ordre de 60 % entre 2002 et 2015. Il était nécessaire que la filière musicale, qui pèse 1,5 milliard d’euros, contre 1,3 milliard d’euros pour le cinéma, puisse disposer d’un outil multidimensionnel de soutien à l’ensemble du secteur.
Il faudrait cependant apporter des réponses à deux questions afin de rassurer les acteurs de la filière musicale et de les convaincre de se rassembler au sein d’une maison commune : elles portent d’une part sur la gouvernance de l’établissement, dont les modalités devraient être déterminées par voie réglementaire, d’autre part sur son financement, qui sera discuté lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Nous allons donc devoir nous prononcer sur la création d’une structure sans connaître son budget prévisionnel.
Ces deux questions sur lesquelles les parlementaires votent à l’aveugle cristallisent les inquiétudes des acteurs. L’Alliance des entreprises de la musique, par exemple, qui regroupe les syndicats du spectacle vivant, de l’édition phonographique et de l’édition de musique, a apporté un soutien unanime au projet du CNM. Toutefois, elle reste vigilante sur les questions budgétaires, puisqu’elle fait remarquer que les crédits d’impôt du spectacle vivant ont déjà été rabotés lors du vote de la dernière loi de finances.
Il appartient au Gouvernement de confirmer son engagement de donner un souffle neuf à la politique musicale en assurant au nouvel établissement les moyens de remplir sa mission.
La volonté de ceux qui ont imaginé le Centre national de la musique a été de ne pas « nationaliser » les structures associatives qu’ils projettent d’intégrer à la nouvelle structure. Aussi la dissolution des associations doit-elle être décidée par ses membres. Si les professionnels n’avaient aucune garantie sur l’efficacité de la structure et décidaient de ce fait de changer d’avis, la fusion proposée pourrait ne pas avoir lieu. Restons donc vigilants.
Il y a aussi, à l’heure du numérique, un véritable problème d’inégalité de répartition de la richesse créée entre producteurs et artistes. Selon l’Adami, la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes, qui représente les artistes-interprètes, sur 9,99 euros d’abonnement mensuel au streaming, seulement 46 centimes vont aux artistes, contre 4,57 euros aux producteurs et 1,96 euro à la plateforme. Il est inconcevable que, au titre du streaming musical, qui par ailleurs représente aujourd’hui la majeure partie du marché et continue de se développer, le talent de l’artiste génère vingt-deux fois plus d’argent qu’il ne lui en rapporte. La nouvelle structure devra également se pencher sur ce problème.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue, vous avez dépassé très largement votre temps de parole !
Mme Nicole Duranton. Au vu de l’importance culturelle, sociale et économique que revêt la musique en France, et eu égard à la mondialisation du marché de la musique, il est indispensable de pouvoir armer la filière musicale de moyens structurels et financiers à la hauteur des enjeux. Je voterai pour l’adoption de cette proposition de loi. Puisque, comme le disait Wagner, « la musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots », je m’arrêterai là ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la création du centre national de la musique
Article 1er
Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture et dénommé Centre national de la musique.
Dans le cadre d’un processus permanent de concertation avec l’ensemble du secteur, il exerce, dans le domaine de la musique et des variétés, sous formes d’enregistrement et de spectacle vivant, les missions suivantes :
1° Soutenir l’ensemble du secteur professionnel, dans toutes ses pratiques et dans toutes ses composantes, et en garantir la diversité, dans le respect de l’égale dignité des répertoires et des droits culturels ;
2° Soutenir la création, la production, l’édition, la promotion, la distribution et la diffusion de la musique et des variétés sous toutes leurs formes et auprès de tous les publics, aux niveaux national et territorial, en complémentarité des dispositifs directement déployés par le ministère de la culture ;
2° bis (Supprimé)
3° Favoriser le développement international du secteur de la musique et des variétés, en accompagnant et en soutenant l’exportation des productions françaises, le rayonnement des œuvres et la mobilité des artistes ;
3° bis Favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux professions musicales ;
3° ter (nouveau) Favoriser la contribution du secteur de la musique et des variétés à la politique de l’État en matière de protection de l’environnement et de développement durable ;
4° Gérer un observatoire de l’économie de l’ensemble du secteur et, à ce titre, recueillir toutes informations utiles, notamment commerciales et financières, et diffuser une information économique et statistique, dans le respect des législations relatives à la protection des données à caractère personnel et au secret des affaires ;
5° Assurer une fonction d’information pédagogique, d’orientation et d’expertise sur le secteur ;
6° Assurer un service de formation professionnelle à destination des entrepreneurs ou des porteurs de projets du secteur ;
7° Assurer une veille technologique et soutenir l’innovation ;
8° Valoriser le patrimoine musical ;
9° Participer au développement de l’éducation artistique et culturelle dans son champ de compétences, en complément du rôle joué par l’État et les collectivités territoriales en la matière.
Il associe les collectivités territoriales et leurs groupements à l’exercice de ses missions. Il peut conclure des contrats et nouer des partenariats avec les entités mentionnées à la première phrase du présent alinéa, ainsi qu’avec les différents acteurs de la filière musicale.
Le ministre chargé de la culture peut confier au Centre national de la musique, par convention, l’instruction et la gestion de dispositifs d’aides pour la sécurité des sites et manifestations culturelles du spectacle vivant, y compris ceux n’entrant pas dans son champ de compétences.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l’article.
Mme Maryvonne Blondin. Je me félicite moi aussi de la création, envisagée de longue date, d’un centre national de la musique, pour donner un cadre structurant aux nombreux acteurs du secteur et renforcer la filière, au bénéfice de la diversité culturelle et de la création artistique.
Rappelons que la musique est l’un des derniers secteurs relevant des politiques publiques de la culture à ne pas disposer d’un centre national, à l’instar du Centre national du livre, du Centre national de la danse ou du Centre national du cinéma et de l’image animée. Le futur CNM bénéficiera toutefois de ressources bien moindres que ces établissements !
Au-delà de l’intention, louable, il convient de s’assurer que le CNM sera en mesure de mettre en œuvre les actions qui relèveront de sa responsabilité et de préciser ses missions.
En complément des riches travaux effectués en commission, mon groupe politique a déposé en séance des amendements à l’article 1er, notamment afin de préciser que le CNM contribue à la mise en œuvre de la politique publique en faveur de la musique et de centrer ses missions sur les artistes, dont il faut défendre les droits. Sans eux, rien ne serait possible.
Nous souhaitons également préciser le rôle important des partenaires que sont les collectivités territoriales, en conférant une base légale aux contrats de filière qui existent déjà dans le secteur des musiques actuelles et de variétés et en autorisant d’autres types de partenariat. Mes chers collègues, nous ne rappellerons en effet jamais assez la place essentielle occupée par les collectivités territoriales en matière de déploiement du service public de la culture en général, et de la musique en particulier.
Je regrette que notre proposition que le CNM puisse être compétent pour mettre en œuvre et gérer les dispositifs d’aide à l’emploi des artistes du spectacle du secteur des musiques actuelles ait été déclarée irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Elle consistait pourtant en un transfert de compétences déjà attribuées au Fonpeps et n’aurait créé aucune charge supplémentaire.
En conclusion, il est essentiel que le CNM devienne bien la « maison de toutes les musiques », en octroyant, notamment, une place suffisante à la musique classique, mais également à l’ensemble des pratiques amateurs, dont vous avez salué l’importance dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, et qui constituent une source intarissable de richesse et de diversité culturelles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.
Mme Laure Darcos. Comme les autres industries culturelles de notre pays, l’industrie musicale est à la croisée des chemins. Prise dans une bataille des contenus qui se joue à l’échelle mondiale, elle renoue avec la croissance après un bouleversement profond de son modèle. La création du CNM nous offre donc une formidable occasion d’accompagner les investissements des entreprises de la musique sur un marché mondial en pleine expansion.
Cet accompagnement doit être le cœur du réacteur du futur établissement, au service des projets des artistes et des auteurs, au service du rayonnement de la France et de la langue française partout dans le monde, au service des jeunes générations, auxquelles la filière va pouvoir proposer de nouveaux viviers d’emplois.
Si cette stratégie de conquête a besoin d’être soutenue, cela tient aux spécificités du secteur. La prise de risque est le dénominateur commun à toutes les entreprises de la musique en ce qu’elles opèrent dans des industries dites de prototype, ce qui les conduit à un niveau très significatif de réinvestissement de leurs revenus dans la découverte de nouveaux talents en France.
S’agissant de la musique enregistrée, l’an passé, sur les vingt meilleures ventes d’albums en France, dix-neuf étaient des productions françaises. Ce résultat doit beaucoup au talent de nos artistes et au travail de leurs labels, mais aussi, il faut le rappeler, au crédit d’impôt phonographique. Il faut se réjouir de l’efficacité de ce dispositif fiscal, défendu par le Sénat lors de l’élaboration de la dernière loi de finances, mais il faut aller plus loin, pour permettre aux artistes produits en France de se hisser parmi les meilleures ventes mondiales.
Monsieur le ministre, je forme donc le souhait que le CNM joue un rôle essentiel dans la construction d’un environnement incitatif, à l’appui de la capacité de production de la filière et de son développement à l’étranger.
Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Kanner, P. Joly, Kerrouche, Temal, M. Bourquin et Raynal, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il contribue à la mise en œuvre de la politique publique en faveur de la musique.
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à préciser que le CNM contribuera à la mise en œuvre de la politique publique en faveur de la musique. Il participera à la structuration du secteur et sera un bras armé du ministère, sans pour autant se substituer à lui.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il est assez évident que le CNM a vocation à contribuer à la mise en œuvre de la politique publique de la musique.
Toutefois, cet amendement me paraît susceptible de créer une confusion, dans la mesure où le CNM ne disposera d’aucun pouvoir de régulation. Beaucoup d’acteurs craignent déjà que le ministère de la culture ne se dessaisisse au profit du CNM de certaines de ses prérogatives. Évitons donc de les inquiéter inutilement. La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. P. Joly et Antiste, Mme Perol-Dumont, MM. J. Bigot, Tissot, Vaugrenard et Daudigny et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le Centre national de la musique ne peut se substituer aux missions de service public qui doivent être assurées par le ministère de la culture.
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Cet amendement a pour objet de rassurer les acteurs du secteur du spectacle vivant, qui craignent un transfert au CNM des missions de service public relevant du ministère de la culture.
Le secteur du spectacle vivant subventionné est financé par l’État et par les collectivités territoriales, ce qui a pour corollaire la réalisation de nombreuses missions de service public. Leurs actions participent à la démocratisation de la culture, à la liberté de la création et de la programmation et à l’équité territoriale, permettant la coopération entre tous les acteurs.
Il existe donc un réel risque de fragilisation et de démantèlement du ministère de la culture par le transfert de missions essentielles de la politique publique au Centre national de la musique. C’est pourquoi il est indispensable que le projet du CNM ne puisse entrer en concurrence avec les missions de service public du ministère de la culture, d’autant que ce dernier peine déjà, comme on l’observe à chaque examen du projet de loi de finances, à consolider son action sur ses missions essentielles au regard des crédits qui lui sont octroyés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Ce n’est pas parce que le CNM ne doit pas prendre la place de l’État qu’il ne peut contribuer aux missions de service public qui incombent à l’État.
Nous avons voté la semaine dernière plusieurs amendements, en commission, pour affirmer que le CNM n’avait pas vocation à se substituer à l’État en matière de politique musicale. C’est pour cette raison que nous avons, par exemple, précisé que la politique en matière d’éducation artistique et culturelle relève de l’État et des collectivités territoriales et que l’Assemblée nationale avait déjà inscrit dans le texte le rôle clé joué par le ministère de la culture en matière de soutien au secteur de la musique et des variétés.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Comme l’a très bien souligné M. le rapporteur, il ne s’agit absolument pas, en créant le CNM, de dessaisir l’État et le ministère de la culture de leurs missions de service public. L’objectif est que les missions confiées jusqu’à présent à un certain nombre d’organismes ou d’institutions, tels le CNV, l’IRMA, le FCM ou le Burex, puissent être mieux exercées, grâce à un regroupement de l’ensemble de la filière et à l’allocation de moyens complémentaires. Il ne s’agit en aucun cas que le CNM se substitue au ministère de la culture, qui continuera bien évidemment, à travers ses différentes directions, d’assumer les missions de service public de l’État.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Delahaye, Mme Vermeillet, MM. Le Nay, Henno et Bonnecarrère, Mme Vullien et MM. Luche et Canevet, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
énoncés par la convention de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. La France ayant ratifié la convention de l’Unesco d’octobre 2005, il convient que le CNM prenne en compte les valeurs affirmées par cette convention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Dans un souci de concision et de clarté, la commission avait décidé en première approche de ne pas mentionner cette convention internationale, ratifiée par la France, qui fait référence aux droits culturels. L’objectif était simplement de ne pas alourdir la rédaction, sachant que cette référence figure à la fois dans la loi NOTRe et dans la loi LCAP. Pour autant, son inscription dans la loi permettra sans doute de donner plus de force à la notion de droits culturels. La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Comme l’a souligné M. le rapporteur, son inscription dans la loi pourrait effectivement donner plus de force à la notion de droits culturels, à laquelle la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication tient tout particulièrement. L’avis est favorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 10 rectifié bis est présenté par Mme de Cidrac, MM. Brisson et Segouin, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Poniatowski, Mme Lopez, M. B. Fournier, Mme Morhet-Richaud, M. Pierre, Mme M. Mercier, M. Mandelli, Mme Raimond-Pavero, MM. Dallier et de Nicolaÿ, Mmes Duranton et Deromedi, MM. Charon et Laménie et Mme Lamure.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par M. Delahaye, Mme Vermeillet, MM. Le Nay, Henno et Bonnecarrère, Mme Vullien et MM. Luche et Canevet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et dans un objectif de développement durable
La parole est à M. Max Brisson, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié bis.
M. Max Brisson. Cet amendement, qui a été déposé par Marta de Cidrac, vise à garantir que chacune des missions du CNM soit conçue et mise en œuvre en cohérence avec les grands objectifs d’un développement humain durable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement est identique à celui de Mme de Cidrac. Il est donc défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La notion de développement durable a déjà été insérée dans le texte de la commission, à l’alinéa 8. Ces amendements sont donc redondants. C’est pourquoi je vous invite à les retirer, chers collègues. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Ces deux amendements sont effectivement satisfaits. J’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 10 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié bis est retiré.
Madame Vermeillet, l’amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Non, je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Kanner, P. Joly, Kerrouche, Temal, M. Bourquin et Raynal, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, en contribuant à la promotion des artistes et au respect de leurs droits
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, il est essentiel de faire expressément référence dans le texte aux artistes, qu’il s’agisse des auteurs, des compositeurs ou des interprètes, et au respect de leurs droits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Nous partageons tous votre constat, madame la sénatrice, sur la place centrale qu’occupent les artistes dans le domaine de la musique.
Pour autant, il me paraît y avoir un danger à resserrer le périmètre de cet alinéa, qui porte sur l’ensemble du secteur professionnel, en évoquant particulièrement le sort des artistes. L’alinéa suivant, en revanche, porte sur les différentes activités de la filière musicale. J’ai déposé un amendement qui devrait vous satisfaire, puisqu’il vise à préciser la notion de création afin de garantir un soutien aux auteurs, aux compositeurs et aux interprètes.
C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, ma chère collègue. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage évidemment votre conviction : il importe que les artistes soient promus à travers le CNM et que leur situation soit bien prise en compte. C’est d’ailleurs une des priorités de mon ministère. Comme je me plais à le répéter, nous devons mettre les artistes au cœur de nos priorités et des politiques culturelles, et même plus largement au cœur de la société. Nous devons y insister davantage encore : c’est dans cet esprit que je souhaite conduire l’action de mon ministère.
Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, la meilleure façon de procéder est peut-être d’adopter l’amendement de la commission visant à préciser la notion de création.
Je demande donc le retrait de votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Robert, l’amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Je ne souhaite effectivement pas que l’on restreigne le périmètre de cet alinéa. Quoi qu’il en soit, il était important d’évoquer dans ce débat la place de l’artiste. La proposition de M. le rapporteur me convient. Je retire donc l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Laborde et N. Delattre, MM. A. Bertrand, Corbisez, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Garantir la diversité culturelle, dans le respect des droits culturels énoncés par la convention de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Alors que l’alinéa 3 de l’article 1er restreint le champ de la mission de garantie de la diversité culturelle du CNM aux pratiques et aux composantes du secteur professionnel de la musique, j’estime que le CNM doit pouvoir garantir la diversité culturelle et la protection des droits de tous les acteurs du secteur, professionnels ou non.
Cet amendement vise à couvrir un champ plus large que celui de l’alinéa 3, en étendant la garantie de la diversité musicale à tous les acteurs du secteur de la musique. Il s’agit de garantir le droit de tous à participer à la vie musicale et de protéger les personnes contre le risque de censure, de contrôle injustifié des ressources musicales et de restriction des libertés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je partage votre préoccupation en matière de préservation de la diversité culturelle, ma chère collègue. Toutefois, le CNM devrait principalement intervenir en soutien au secteur professionnel. Il ne dispose d’aucun pouvoir de réglementation et de régulation. La mission que vous souhaitez lui confier me paraît être davantage du ressort de l’État. D’ailleurs, j’observe que l’article 3 de la loi LCAP a donné pour objectif à la politique de la création de « garantir la diversité de la création et des expressions culturelles », « dans le respect des droits culturels ». C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Laborde, l’amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Nous avons déposé cet amendement d’appel à la suite de la mise en place de l’Agence nationale du sport : nous craignons que le CNM ne reprenne certaines des prérogatives du ministère de la culture. Mais si l’on nous garantit que ce ne sera pas le cas, j’accepte de retirer l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 34 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
la création
par les mots :
l’écriture, la composition, l’interprétation
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je ne cacherai pas que c’est un amendement qui m’est cher. Je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, il s’agit ici de donner toute la place qui leur revient aux auteurs, sans lesquels la musique n’existerait pas. Il me paraît primordial qu’ils soient mentionnés d’une manière ou d’une autre dans le texte, afin de reconnaître la place centrale qu’ils occupent au sein de la filière musicale.
Cette filière s’appuie sur une multitude d’acteurs interdépendants, même si l’apparition de stratégies « à 360 degrés » depuis la crise du disque entraîne peu à peu une réduction de leur nombre. Quoi qu’il en soit, reconnaissons que c’est bien le talent et la créativité des auteurs, des compositeurs comme des artistes-interprètes qui en constituent le socle. Quelles que soient les évolutions qui sont intervenues ou qui interviendront encore dans le domaine de la musique, leur rôle reste aussi déterminant qu’irremplaçable.
Nous avons mené une importante concertation avec toutes les parties prenantes. Je remercie spécialement le ministère de son aide. Nous sommes parvenus à une solution qui, je le crois, devrait emporter l’adhésion. Cet amendement vise à remplacer, à l’alinéa 4, qui fixe la mission de soutien du CNM aux différentes activités de la filière musicale, les mots : « la création » par les mots : « l’écriture, la composition, l’interprétation ». Il s’agit de garantir que le soutien apporté par le CNM aux acteurs de la filière musicale ne laissera pas de côté les auteurs et les compositeurs, qui sont parfois distincts des artistes-interprètes.
MM. Alain Fouché et Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Je ne peux que souscrire à cet amendement tout à fait pertinent. Effectivement, monsieur le rapporteur, il est nécessaire de préciser ce que l’on entend par création et de mettre en avant à la fois les auteurs, les compositeurs et les artistes-interprètes. C’est ce que nous entendons faire au travers du CNM. Cet amendement va dans le sens souhaité par Mme Robert. L’avis est favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
création
insérer les mots :
représentée par les auteurs et les artistes-interprètes
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Cela va être un peu compliqué de défendre mon amendement, puisque M. le ministre a déjà rendu son avis…
Je tiens à saluer la présence en tribune de représentants de l’Union nationale des auteurs et compositeurs, l’UNAC, ainsi que de la déléguée générale de la Chambre syndicale de l’édition musicale.
Cet amendement est quelque peu différent de celui de la commission en ce qu’il vise à mentionner les acteurs, à savoir les auteurs et les artistes-interprètes, et non les activités. Faire figurer ces termes est indispensable, eu égard à la mention qui en est faite dans le code de la propriété industrielle et qui leur donne un sens non fluctuant, ce qui n’est pas forcément le cas de la dénomination de certains métiers de la filière, lesquels correspondent à des besoins industriels liés à une période donnée et dont le périmètre peut évoluer.
On entend évidemment par « auteurs » d’une œuvre la ou les personnes qui « réalisent la création intellectuelle » de cette œuvre.
Il s’agit donc, au travers de cet amendement, de réaffirmer l’adéquation du texte avec le code de la propriété industrielle, tout en incluant l’ensemble des professionnels concernés – paroliers, compositeurs ou arrangeurs.
Il est important de rappeler que l’équilibre de la filière musicale repose sur l’exploitation des œuvres et sur les revenus générés par celle-ci. Il est donc essentiel de préciser concrètement ce qu’est la création. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, le président Macron, lors de son déjeuner avec les représentants de l’industrie des œuvres créatives, avait souligné que les auteurs devaient être au centre du débat. Or ce n’est pas tout à fait le cas avec votre amendement, puisque vous préférez, pour votre part, mettre l’accent sur l’activité. Nous aimerions que les acteurs eux-mêmes soient directement visés par ce texte constitutif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. J’ai parlé de la nécessité de trouver un consensus : il me paraît préférable de mentionner l’activité, pour ne pas tomber sous le coup des corporatismes. La formulation proposée par la commission me semble répondre à cette préoccupation et éviter toute confusion. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Je suis également défavorable à cet amendement, même si j’entends bien les motivations de ses auteurs.
L’amendement de la commission a fait l’objet d’une large concertation avec les représentants des différents acteurs de la filière, notamment les créateurs, qu’ils soient auteurs, compositeurs ou artistes-interprètes. Son aspect juridique a été longuement discuté entre leurs avocats et les services du ministère. La rédaction de cet amendement semble la mieux à même de vous satisfaire, monsieur le sénateur, en permettant de reconnaître aux auteurs, aux compositeurs et aux artistes-interprètes leur place pleine et entière au sein du Centre national de la musique.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 32 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Brisson, Mmes Raimond-Pavero, L. Darcos et Bonfanti-Dossat, MM. Kennel, Paccaud et Panunzi, Mmes Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, MM. D. Laurent et Sol, Mme Micouleau, MM. Segouin, Courtial, B. Fournier et Meurant, Mmes Deromedi, de Cidrac, Imbert et Noël, M. Milon, Mme Lassarade, MM. Dufaut, Pierre, Charon et Le Gleut, Mmes Lopez et Saint-Pé, M. Karoutchi, Mme Duranton, MM. Babary, Rapin et Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
la promotion,
insérer les mots :
la formation professionnelle,
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. La création du Centre national de la musique vise notamment à répondre au manque de culture commune entre les acteurs de ce champ.
Afin de contribuer à l’émergence de cette culture commune, nécessaire pour structurer et organiser le secteur, cet amendement, de portée symbolique, tend à conforter la mission de formation professionnelle du futur Centre national de la musique, en l’inscrivant au nombre de ses missions fondamentales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’alinéa 4 est relatif aux différents métiers de la musique et des variétés. Or la formation professionnelle ne constitue pas un métier de la musique et des variétés au même titre que la création, la production, l’édition, la promotion, la distribution ou la diffusion.
Par ailleurs, la formation professionnelle constitue déjà l’une des missions dont devrait être chargé le nouvel établissement public, en application de l’alinéa 11 du présent article. Il faut entendre le « service de formation professionnelle » mentionné à cet alinéa comme un service ayant pour objet à la fois de recenser les offres de formation existantes, d’identifier les besoins de formation compte tenu des évolutions des métiers – j’insiste sur ce point – et, éventuellement, de développer des offres de formation à destination des professionnels et des porteurs de projet du secteur, dans les cas où une carence de l’initiative privée aurait été identifiée.
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 17 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Max Brisson. De tels arguments m’amènent à retirer mon amendement. Le rapporteur a indiqué que l’alinéa 4 portait sur les fonctions intrinsèques à la musique. En outre, nous aborderons plus tard la question de la formation professionnelle, en particulier à propos d’un amendement de notre excellente collègue Françoise Laborde.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 30, présenté par M. Ouzoulias, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Favoriser la démocratisation de l’accès à l’apprentissage, l’exercice, l’écoute et la maîtrise de la musique et des variétés ;
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Comme vous l’avez très justement indiqué dans votre propos introductif, monsieur le ministre, la musique ne nécessite pas, de façon absolue, de prérequis et doit donc se diffuser très largement dans toutes les strates de la société. Or on observe, malheureusement, qu’il n’en est pas ainsi : sa diffusion est socialement et territorialement très marquée.
Cet amendement avait pour objet de favoriser la démocratisation de la pratique musicale. Toutefois, notre excellentissime rapporteur – tout le monde est excellent, ce soir, il faut donc monter dans la gradation (Sourires.) – a indiqué qu’il souhaitait maintenir une distinction claire entre les missions de l’État et celles du CNM. Je suis tout à fait d’accord avec lui sur ce point. En outre, vous vous êtes engagé de façon très forte, monsieur le ministre, à poursuivre le développement des missions de service public de votre ministère. Nous saurons vous le rappeler dans quelques mois, lors de la discussion budgétaire.
Par conséquent, pour contribuer à la concorde globale, je retire mon amendement avant qu’on me l’ait demandé. (Sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 30 est retiré.
L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Kanner, P. Joly, Kerrouche, Temal et M. Bourquin, Mme Harribey, M. Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après les mots :
de l’économie
insérer les mots :
et de la donnée
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Il s’agit de s’assurer que l’observatoire de l’économie du secteur intégrera également une analyse des data. Cela constituera une valeur ajoutée extrêmement importante pour l’analyse de l’évolution du secteur, les données jouant aujourd’hui un rôle absolument essentiel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement permet effectivement de spécifier le rôle qu’aura l’observatoire en matière d’analyse de la donnée. Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. C’est une précision utile, conforme à notre ambition pour le CNM en matière d’observation du secteur. Le sujet des données est essentiel. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Kanner, P. Joly, Kerrouche, Temal, M. Bourquin et Raynal, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
d’orientation
insérer les mots :
, de prospective
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. À propos d’ambition pour le CNM, nous suggérons de lui confier un rôle moteur en intégrant la prospective parmi ses missions. Cela lui permettra de bien anticiper les évolutions du secteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le CNM doit évidemment jouer un rôle en matière de prospective, pour anticiper les mutations à l’œuvre et mieux accompagner le secteur dans ses évolutions.
Pour moi, cette mission de prospective doit irriguer l’action du CNM dans ses différentes directions, qu’il s’agisse de la formation professionnelle ou de la veille technologique. En ce sens, la mise en place de l’observatoire permettra au CNM de jouer un rôle majeur en matière de prospective.
Néanmoins, je ne comprends pas bien pourquoi il faudrait mentionner cet objectif spécifiquement à l’alinéa qui confie au CNM une mission en matière d’information, puisque la prospective est déjà incluse dans les notions d’information, d’orientation et d’expertise figurant au même alinéa.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Laborde et N. Delattre, MM. Corbisez, A. Bertrand, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
s’appuyant sur une activité de prospective, d’innovation et de développement des compétences en matière de formation professionnelle
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Dans le secteur des musiques actuelles, la formation professionnelle n’est pas encore tout à fait structurée. Elle est assurée par des organismes de formation et des structures diverses, dont la formation ne constitue pas exactement le cœur de métier.
Afin de soutenir la structuration de la future mission de formation du CNM et de pouvoir proposer une offre répondant aux réels besoins du terrain, il semble essentiel de s’appuyer sur une action de prospective, d’innovation et de développement des compétences en matière de formation professionnelle.
Par conséquent, cet amendement vise à instaurer une fonction d’ingénierie de la formation comme préalable nécessaire au développement de l’action de formation.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 36, alinéa 3
1° Au début
Insérer les mots :
ainsi qu’une fonction d’ingénierie en formation professionnelle
2° Supprimer les mots :
en matière de formation professionnelle
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. Le dispositif présenté par Mme Laborde est tout à fait pertinent, mais il est nécessaire à mon avis de préciser ce que recouvre la notion d’ingénierie en formation professionnelle. Tel est l’objet de ce sous-amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par M. Brisson, Mmes Raimond-Pavero et L. Darcos, MM. Kennel et Paccaud, Mme Bonfanti-Dossat, M. Panunzi, Mmes Morhet-Richaud et Garriaud-Maylam, MM. D. Laurent et Sol, Mme Micouleau, MM. Segouin, Courtial, B. Fournier et Meurant, Mmes Deromedi, de Cidrac, Imbert et Noël, M. Milon, Mme Lassarade, MM. Dufaut, Pierre, Charon et Le Gleut, Mmes Lopez et Saint-Pé, M. Karoutchi, Mme Duranton, MM. Babary, Rapin et Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Accompagner la prospective, l’innovation et l’expérimentation en matière de formation professionnelle dans le but de développer les compétences du secteur ;
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Mon amendement est très proche de celui de Mme Laborde, ce qui ne m’étonne pas… (Sourires.) Ce dernier étant, en outre, excellemment sous-amendé par le Gouvernement, le mien devient redondant. Je le retire donc.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La création du duo lyrique Brisson-Laborde aura été l’un des grands moments de cette soirée… (Nouveaux sourires.)
L’amendement de Mme Laborde me paraît intéressant, en ce qu’il vise à confier au CNM les missions aujourd’hui exercées par l’IRMA en matière de formation professionnelle, c’est-à-dire non seulement la constitution d’un catalogue de formations permettant la professionnalisation et l’accompagnement des acteurs de la filière, mais aussi, et peut-être avant tout, un travail de structuration de l’offre, pour garantir que celle-ci réponde aux besoins particuliers du secteur, notamment lorsqu’apparaissent des demandes de nouvelles compétences.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Elle n’a en revanche pas pu se prononcer sur le sous-amendement n° 39 du Gouvernement ; je m’exprimerai donc à titre personnel. J’y suis pleinement favorable, car la rédaction proposée est plus précise et rend mieux compte des activités de l’IRMA, qui a vocation à intégrer le CNM.
Je propose donc d’adopter l’amendement n° 36 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 39 du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié, modifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Kerrouche, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Kanner, P. Joly, Temal, M. Bourquin et Raynal, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
1° Remplacer le mot :
technologique
par les mots :
des technologies et des usages
2° Compléter cet alinéa par les mots :
en accompagnant le secteur dans ses transformations
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Il s’agit de prendre en compte les nouveaux usages de la musique et les mécanismes d’appropriation des innovations technologiques par les utilisateurs, appropriation qui peut d’ailleurs déboucher sur le développement d’utilisations non prévues initialement par les créateurs.
Compléter la mission de veille technologique dévolue au CNM permettrait de structurer l’ensemble du secteur à partir d’une analyse dynamique de ces nouveaux usages. Cela pourra conduire à un travail sur l’innovation dans nos entreprises, ce qui aura des conséquences extrêmement bénéfiques sur l’évolution du secteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le bilan des dispositifs de soutien à l’innovation, aujourd’hui directement gérés par les services centraux du ministère de la culture, est mitigé ; il est sans doute nécessaire de conforter cette mission.
En prenant en compte l’évolution des usages au-delà des seules mutations technologiques, le CNM devrait être mieux à même d’accompagner le secteur et de proposer des aides plus ciblées pour remédier aux différentes difficultés auxquelles celui-ci est confronté. Il est indispensable que la filière musicale puisse s’adapter aux mutations et que le CNM l’y aide.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Le rapporteur l’a très bien dit, il est important d’apporter cette précision. Cela va d’ailleurs dans le sens de ce que vous disiez sur la dimension prospective des missions du CNM, madame Robert.
Mme Sylvie Robert. Tout à fait !
M. Franck Riester, ministre. Nous devons anticiper les usages de demain pour mieux adapter nos politiques publiques.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, MM. Brisson et Segouin, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Poniatowski, Mme Lopez, M. B. Fournier, Mme Morhet-Richaud, M. Pierre, Mme M. Mercier, MM. Mandelli, Dallier et de Nicolaÿ, Mmes Duranton et Deromedi, MM. Charon et Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Organiser un espace de dialogue et d’entente entre les différents acteurs du secteur de la musique, dont la musique enregistrée et le spectacle vivant, en vue d’y améliorer l’interconnaissance, de favoriser le développement de chacun et de choisir ensemble des solutions qui profitent à l’intérêt général.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Je me fais ici le premier violon de Marta de Cidrac…
Dans votre discours prononcé au Midem le 5 juin 2019, vous avez insisté, monsieur le ministre, sur l’union des différents acteurs de la filière musicale. Le CNM ne sera efficace que si cette union est réelle. Pour l’instant, les lieux de concertation et de dialogue manquent dans le secteur de la musique. On constate notamment une méconnaissance entre les acteurs et représentants de la musique enregistrée, d’une part, et ceux du spectacle vivant, de l’autre, alors que, bien souvent, ces activités sont liées. Le CNM doit être le point de convergence de toutes les discussions techniques et des actions conjointes autour de la musique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Comme Marta de Cidrac, interprétée ce soir par Max Brisson, je pense que l’un des grands atouts du CNM, qui justifie sa création, est de rassembler la filière musicale et de mettre fin aux querelles de chapelles qui avaient cours jusqu’ici.
Toutefois, ce n’est pas en allongeant indéfiniment le catalogue de missions de cet organisme que nous y parviendrons ; c’est en donnant à cet établissement des missions opérationnelles qui parlent à toute la filière musicale : je pense en particulier aux missions d’observation, de développement international ou de soutien en général.
L’article 2 prévoit déjà, par ailleurs, la création d’un conseil professionnel, qui permettra aux différentes composantes et structures de la filière musicale de dialoguer entre elles.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Je partage l’objectif, monsieur Brisson, mais, le rapporteur l’a très bien dit, votre amendement est déjà satisfait. Il convient de ne pas alourdir le texte, sachant qu’il est précisé, à l’article 1er, que le CNM exerce ses missions dans « le cadre d’un processus permanent de concertation avec l’ensemble du secteur ». Il s’agit donc bien d’un espace de dialogue. À Cannes, j’ai indiqué que, pour moi, le conseil professionnel créé au sein du Centre national de la musique sera un véritable parlement de la musique. Il ne me paraît pas nécessaire d’en rajouter.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Pour répondre à cet appel à la légèreté de l’écriture, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 25 rectifié ter, présenté par Mme S. Robert, M. Antiste, Mme Conconne, M. Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Kanner, P. Joly, Kerrouche, Temal, M. Bourquin et Raynal, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Après les mots :
et leurs groupements
insérer les mots :
, y compris d’outre-mer,
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement, qui tend à spécifier la dimension ultramarine de l’action du CNM, n’est pas que symbolique : il est aussi très politique, car ajouter cette mention revient à reconnaître la diversité et la richesse musicales des outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Les « collectivités territoriales et leurs groupements » étant mentionnés, sans autre précision, dans le texte, les collectivités d’outre-mer sont déjà incluses à part entière dans le champ de la disposition. Au contraire, en mentionnant spécifiquement les collectivités d’outre-mer, ne donnerait-on pas le sentiment que, chaque fois que nous mentionnons les collectivités dans un texte de loi sans faire référence aux collectivités d’outre-mer, celles-ci sont exclues de fait ?
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. On est en effet confronté ici au risque d’a contrario.
C’est pour moi l’occasion de réaffirmer que, bien évidemment, les collectivités territoriales d’outre-mer sont bien incluses dans le champ du dispositif. Le CNM s’occupera de la musique tant dans l’Hexagone que dans les outre-mer. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. M. le rapporteur a parfaitement résumé la situation : quand ce n’est pas écrit, c’est oublié.
Excusez-nous d’être redondants, d’être insistants, mais prenons l’exemple de l’Agence française pour la biodiversité : alors que 85 % de la biodiversité française se trouve outre-mer, les Ultramarins ont dû se battre pour avoir deux représentants au sein du conseil d’administration de cette instance, qui compte pourtant quarante-trois membres !
L’application des dispositions en outre-mer n’est pas automatique. Cela va donc mieux en le disant, et surtout en l’écrivant, en le gravant dans le marbre de la loi.
En outre, il y a une grande variété de régimes, de statuts en outre-mer ; il y a l’égalité législative pour les territoires relevant de l’article 73 de la Constitution, mais, pour obtenir l’application du principe de spécialité législative – mon collègue Artano ne me contredira pas –, il faut négocier pied à pied. Après vingt ans de vie publique et près de deux ans au Sénat, je peux vous le dire ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, MM. Brisson et Segouin, Mmes Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Poniatowski, Mme Lopez, M. B. Fournier, Mme Morhet-Richaud, M. Pierre, Mme M. Mercier, M. Mandelli, Mme Raimond-Pavero, MM. Dallier et de Nicolaÿ, Mmes Duranton et Deromedi, MM. Charon et Laménie et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Alinéa 15, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il déploie ses missions sur les territoires par la mise en œuvre de partenariats concertés avec les différents acteurs de l’écosystème musical et en particulier les collectivités territoriales.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Les alinéas 4 et 12 de l’article font référence aux territoires, mais ils ne confient pas au CNM une mission territoriale spécifique. Or celle-ci est nécessaire, et elle doit être construite et mise en œuvre avec les collectivités territoriales. Cette mission de développement territorial du CNM permettra un effet de levier, en facilitant la mobilisation des collectivités au bénéfice des acteurs musicaux, gage d’un développement économique durable du secteur et des territoires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement me paraît redondant…
M. Max Brisson. Encore ! (Sourires.)
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. … avec la phrase que la commission a insérée dans le texte la semaine dernière, selon laquelle le CNM « peut conclure des contrats et nouer des partenariats avec [les collectivités territoriales, leurs groupements et] les différents acteurs de la filière musicale ». L’objectif de cette insertion est de permettre au CNM de poursuivre l’action précédemment lancée par le CNV, au travers des contrats de filière.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 6 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Je demande à M. le rapporteur de m’aider, demain matin, à expliquer à Mme de Cidrac la dimension redondante de ses amendements… (Nouveaux sourires.)
Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26 rectifié ter, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, M. Kanner, Mme Conconne, MM. P. Joly, Kerrouche, Temal, M. Bourquin et Raynal, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 15, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il peut conclure des contrats de filières et nouer des partenariats avec les collectivités territoriales, les services déconcentrés de l’État et les différents acteurs professionnels et non professionnels de la filière musicale.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. Cet amendement vise à instaurer la possibilité, pour le CNM, de conclure des contrats de filière et de nouer des partenariats avec les collectivités territoriales, les services déconcentrés de l’État et les différents acteurs professionnels et non professionnels de la filière musicale.
Je le rappelle, ces contrats de filière ont déjà cours depuis 2017 dans le secteur des musiques actuelles et des variétés. Ils offrent un cadre commun pour la mise en œuvre, dans un délai limité, de mesures nouvelles portées et financées conjointement, qui s’ajoutent, sans s’y substituer, aux dispositifs existants.
Ainsi, en région Bretagne, un contrat de filière a été signé en juillet 2017 entre la région, le CNV et la DRAC, pour une durée de trois ans. Doté d’un fonds global de 190 000 euros, il permet de soutenir des actions déployées par des opérateurs bretons autour de cinq axes : accompagner des parcours de développement artistique ; aider au développement stratégique des entreprises de production ; encourager la collaboration entre les acteurs des musiques actuelles et des variétés ; développer les pratiques de coproduction des salles de musiques actuelles ; développer le numérique et les nouveaux usages.
Cette formule existe et fonctionne également dans les régions Pays de la Loire, Normandie ou Nouvelle-Aquitaine, et il me semble important de lui donner une base légale.
Par ailleurs, le CNM est appelé à fédérer l’ensemble de la filière, et je ne suis pas partisane d’exclure les non-professionnels de son champ d’action. Les collectivités s’appuient énormément sur les amateurs dans la mise en œuvre de leurs politiques de soutien à la filière. Si le cœur de métier du nouvel ÉPIC sera bien entendu de soutenir le secteur professionnel, je crois important qu’il puisse également susciter l’envie d’encourager les pratiques partout et qu’il ne se coupe pas des actions citoyennes.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié bis, présenté par Mme Duranton, MM. Henno, Bonnecarrère, Guerriau, Mouiller, Kennel, Lefèvre, Menonville et Karoutchi, Mmes M. Mercier et Garriaud-Maylam, M. Moga, Mme Deromedi, M. Charon, Mmes Gruny et Kauffmann, MM. Sido et Decool, Mme Billon, MM. A. Marc, Revet et Kern, Mme Imbert et MM. Laménie et B. Fournier, est ainsi libellé :
Alinéa 15, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et les établissements scolaires
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Le présent amendement vise à ajouter une entité pouvant conclure des contrats et nouer des partenariats avec le futur Centre national de la musique.
L’alinéa 14 de l’article 1er de la proposition de loi prévoit que le CNM participe au développement de l’éducation artistique et culturelle, en complément du rôle joué par l’État en la matière. L’éducation nationale étant concernée, il faut, en cohérence avec l’alinéa 14, préciser, à l’alinéa 15, que, parmi les entités avec lesquelles le CNM pourra conclure des contrats et nouer des partenariats, figureront également les établissements scolaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 26 rectifié ter, il ne me paraît pas souhaitable de réduire aux seuls contrats de filière le type de contrats que le CNM pourrait être amené à conclure dans les territoires. Nous ne pouvons pas exclure que le CNM invente, à l’avenir, de nouvelles formes de partenariats avec les collectivités territoriales – la création n’est pas l’apanage des artistes auteurs-compositeurs ! –, leurs groupements et les différents acteurs de la filière musicale.
C’est pourquoi je vous invite, madame Blondin, à retirer votre amendement, qui introduit des précisions pouvant se révéler limitatives dans la durée. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 37 rectifié bis, la commission a pris soin de préciser, à l’alinéa 14, que la participation du CNM au développement de l’éducation artistique et culturelle resterait complémentaire du rôle joué, en la matière, par l’État – ministère de la culture et ministère de l’éducation nationale en tête – et par les collectivités territoriales. Il n’est pas souhaitable de lui octroyer la possibilité de conclure directement des partenariats avec les établissements scolaires en se substituant à l’action de l’État et des collectivités territoriales en ce domaine. C’est dans le cadre des contrats de filière avec les collectivités que le CNM me paraît pouvoir jouer un rôle d’impulsion pour favoriser le développement de cette éducation.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, madame Duranton ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. M. le rapporteur a très bien expliqué pourquoi il conviendrait de retirer l’amendement n° 37 rectifié bis, madame Duranton ; je ne reviens pas sur ses arguments.
J’émettrai également le même avis que lui sur l’amendement n° 26 rectifié ter. Il est bien précisé, à l’alinéa 15, que le CNM « peut conclure des contrats et nouer des partenariats », ces contrats pouvant bien évidemment être des contrats de filière. La rédaction actuelle ouvre un champ des possibles beaucoup plus important. Les contrats de filière sont pertinents, mais les choses peuvent évoluer.
J’aurai le même raisonnement pour ce qui concerne les différents acteurs de la filière musicale. Il est indiqué, au même alinéa, que les contrats peuvent être conclus « avec les différents acteurs de la filière musicale », y compris, donc, les acteurs non professionnels.
Cet amendement étant satisfait par la rédaction actuelle du texte, le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Il faut également prendre en compte les enseignements artistiques. On ne parle depuis tout à l’heure que d’éducation artistique et culturelle. Or, si l’éducation consiste plutôt en la sensibilisation à la musique, l’enseignement est l’apprentissage de la technique. Les collectivités territoriales, l’État et le CNM doivent prendre en compte cette dimension dans leurs politiques.
Mme la présidente. Madame Blondin, l’amendement n° 26 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Maryvonne Blondin. Je n’ai pas souhaité circonscrire le type de contrats visés : l’objet de mon amendement mentionne qu’il convient d’autoriser d’autres types de partenariats. Le champ reste donc ouvert.
Par ailleurs, si nous souhaitons mentionner expressément les acteurs non professionnels de la filière musicale, c’est parce que, comme pour l’outre-mer, cela va mieux en le disant !
Pour ces raisons, je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Madame Nicole Duranton, l’amendement n° 37 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nicole Duranton. À la suite de la demande conjointe de M. le rapporteur et de M. le ministre, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Le Centre national de la musique est administré par un conseil d’administration dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Il est dirigé par un président nommé par décret sur proposition du ministre chargé de la culture. Les modalités de désignation des membres du conseil d’administration assurent l’égale représentation des femmes et des hommes.
Il est adjoint au conseil d’administration un conseil professionnel, instance représentative de l’ensemble des organisations directement concernées par l’action du Centre national de la musique, dans des conditions fixées par décret. Les modalités de désignation des membres du conseil professionnel assurent l’égale représentation des femmes et des hommes.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Nous abordons, avec l’article 2, la question de l’organisation fonctionnelle du nouveau centre.
Je tiens à rappeler ce que M. Roch-Olivier Maistre soulignait dans son rapport : « Inadaptée à l’histoire, à l’organisation et aux logiques économiques du secteur, la piste d’une grande “agence de la musique” paraît d’emblée devoir être écartée. L’heure n’est pas à la création, pour la musique, d’un équivalent du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Une telle orientation, d’une part, se heurterait immanquablement et légitimement à de larges et fortes oppositions et, d’autre part, réduirait à néant les outils dont dispose l’État, en particulier au niveau déconcentré. Seule la mise en œuvre de certains aspects de la politique musicale paraît susceptible d’être confiée à un opérateur. […] À l’avenir, ces administrations [centrales] et leurs relais déconcentrés devraient demeurer le lieu du soutien – direct et pérenne – aux structures qui reposent nécessairement sur la subvention publique. »
On comprend bien que l’un des enjeux, pour le CNM, sera de nouer cette interaction avec les administrations centrales et, surtout, les services déconcentrés du ministère de la culture. Lors des auditions menées par notre rapporteur, l’idée a émergé que le conseiller « musique » des DRAC puisse avoir un rôle officiel reconnu par le CNM, dont il constituerait en quelque sorte le relais local, afin d’assurer une meilleure articulation entre les politiques nationales et leur mise en œuvre à l’échelon territorial.
Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce point, monsieur le ministre ? Cet objectif pourrait-il être transcrit dans le décret définissant l’organisation du CNM ?
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. La gouvernance du CNM est un sujet important dont je voudrais souligner un aspect particulier.
Les règles de gouvernance doivent notamment permettre de garantir l’intérêt général dans un secteur où les intérêts particuliers des différentes parties prenantes ont parfois pris le dessus, de telle sorte que sont apparues des situations de conflit d’intérêts.
Monsieur le ministre, avez-vous réfléchi à la mise en place d’un mécanisme permettant d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts liés à la composition du conseil d’administration du CNM ? Le président du CNV, nommé en 2002, dirigeait en outre plusieurs sociétés de spectacle privées susceptibles de percevoir des fonds importants du CNV, organisme investi d’une mission de service public. Cela a posé de nombreux problèmes, notamment au regard des dispositions du code pénal en matière de conflits d’intérêts, et a conduit à la démission du président du CNV et à celle d’autres membres du conseil d’administration qui se trouvaient dans la même position. Il faut absolument éviter que de telles situations puissent se renouveler. Avez-vous pensé à mettre en place des garde-fous ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, MM. Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier, MM. Kanner, P. Joly, Kerrouche, Temal, M. Bourquin et Raynal, Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Après les mots :
conseil d’administration
insérer les mots :
, composé de représentants de l’État et des collectivités territoriales, de représentants des professionnels du domaine de la musique et des variétés sous forme enregistrées et de spectacle vivant, de représentants élus du personnel, de représentants des organismes mentionnés à la section I du chapitre I du titre II livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle et de personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de la culture,
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Comme l’ont souligné mes collègues, la gouvernance est le sujet principal de cet article. Cet amendement d’appel tend à préciser la composition du conseil d’administration du CNM. J’ai pris pour modèle la composition du conseil d’administration du CNV, fixée par la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France. Une composition pertinente de cette instance de gouvernance sera gage de l’efficacité et de l’utilité du CNM. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette question, monsieur le ministre ?
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Vermeillet, MM. Henno et Delcros, Mme Eustache-Brinio, MM. Panunzi et Delahaye, Mme Vullien, MM. Canevet et Longeot, Mme Loisier, MM. Moga, Janssens, Louault, Bazin, Pellevat et Kern, Mme Férat, M. Cigolotti, Mmes de la Provôté, C. Fournier, Bories et Doineau, M. B. Fournier, Mme Sollogoub et M. Laménie, est ainsi libellé :
Alinéa 1, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il intègre notamment des représentants du ministre chargé de la culture, des représentants des trois principales associations représentatives des collectivités territoriales et de la fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, des personnalités qualifiées dans le domaine des spectacles de variétés désignées par le ministre chargé de la culture sur proposition des organisations professionnelles représentatives et des représentants élus par le personnel permanent de l’établissement.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement vise à donner une assise législative au futur conseil d’administration du CNM.
Si la détermination exacte du nombre de membres du conseil d’administration, de sa composition et de son fonctionnement peut relever du pouvoir réglementaire, la mention des principales catégories de représentants amenés à y siéger peut aussi relever du niveau législatif. C’est le choix qu’avait opéré le législateur au travers de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France en précisant les principales catégories de représentants composant le conseil d’administration du CNV.
Il paraît nécessaire de garantir, en sus de celle de l’État, une représentation forte des collectivités territoriales, partenaires majeurs de la culture au quotidien.
Cet amendement tend donc à fixer les grands équilibres du futur conseil d’administration du CNM, de manière non exhaustive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le CNM ne relève pas d’une nouvelle catégorie d’établissements publics. C’est donc au pouvoir réglementaire qu’il revient normalement de fixer la composition de son conseil d’administration.
En outre, la composition prévue par l’amendement n° 3 rectifié bis me paraît très réductrice au regard de la diversité du monde de la musique et des variétés, puisque les personnalités qualifiées appelées à siéger au conseil d’administration du CNM appartiendraient exclusivement au secteur des spectacles. Il faut tenir compte du poids essentiel des OGC, ainsi que de la place de la musique enregistrée.
La composition proposée par les auteurs de l’amendement n° 27 rectifié bis est un peu plus large, puisqu’elle comprend des représentants des professionnels du domaine de la musique et des variétés, sous forme enregistrée et de spectacle vivant, des représentants des OGC et d’autres personnalités qualifiées.
Comme je l’ai indiqué en commission, je comprends parfaitement que la question de la gouvernance préoccupe tout le monde. Elle est absolument majeure pour la réussite de la création du CNM.
Toutefois, ces deux amendements montrent bien qu’il n’existe pas véritablement d’accord sur les personnalités appelées à siéger au conseil d’administration. Par ailleurs, il me semblerait regrettable de mettre en péril les discussions au sein du comité de pilotage du CNM en prenant des décisions trop hâtives. Enfin, l’objectif est d’aboutir à un accord en commission mixte paritaire avec l’Assemblée nationale.
Pour ces raisons, je demande à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Je joindrai ma voix à la polyphonie que nous entendons ce soir pour interroger M. le ministre sur les arbitrages qui se dessinent quant à la composition du conseil d’administration du futur établissement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Monsieur le rapporteur, je partage votre point de vue sur ces amendements.
Dans la mesure où le Centre national de la musique est un ÉPIC, et non un nouveau type d’établissement, comme l’était le CNV, il revient au pouvoir réglementaire d’en déterminer la gouvernance.
Il ressort des discussions en cours au sein du comité opérationnel qu’il convient d’assurer une représentation large des différents acteurs de la filière, mais aussi de constituer un conseil d’administration suffisamment resserré pour être efficace, les représentants de l’État devant y être majoritaires. C’est le conseil professionnel, le « parlement de la musique » que j’évoquais, qui rassemblera la diversité de la filière musicale, pour que tous les acteurs puissent s’exprimer au sein du Centre national de la musique.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. Madame Robert, l’amendement n° 27 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Robert. Non, madame la présidente, je retire cet amendement d’appel, même si le ministre n’a pas vraiment répondu à nos interrogations ni à celles du rapporteur…
Je comprends que des négociations sont en cours et qu’il est difficile d’être précis. On nous dit qu’il s’agira d’un conseil d’administration « resserré », mais que recouvre exactement ce terme ?
M. Franck Riester, ministre. Je vous remercie de votre confiance, madame Robert.
Dès que les travaux du comité opérationnel auront suffisamment avancé dans le sens de ce que nous souhaitons, j’en informerai la commission de la culture du Sénat.
Concernant la prévention des conflits d’intérêts, elle relève plus particulièrement du règlement intérieur, qui pourra prévoir des règles de déport des membres de la commission d’octroi des aides quand ils sont parties prenantes à un dossier. De telles règles sont d’ailleurs en vigueur aujourd’hui au sein du CNV. Le conseil d’administration, quant à lui, se prononce sur les questions générales de fonctionnement. L’État, garant de l’intérêt général, y sera majoritaire.
Mme la présidente. Madame Vermeillet, l’amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Non, je le retire, madame la présidente. La composition que j’ai proposée n’est évidemment pas exhaustive. J’espère en tout cas que les acteurs majeurs que sont les collectivités territoriales ne seront pas exclus du conseil d’administration restreint évoqué par M. le ministre.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. C’est la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public qui dispose que la composition des instances délibératives, dont les conseils d’administration, est fixée par la voie réglementaire. Nous devons tenir compte des lois que nous votons !
J’ai participé ce matin à des auditions de l’Association des régions de France : Mme Ruggeri, chargée de la préfiguration du CNM, nous a assuré que les collectivités territoriales seraient bien représentées, dans leur diversité, au sein du conseil d’administration et du conseil professionnel, de même bien entendu que l’ensemble des professionnels. Il me semblait important de le souligner pour rassurer nos collègues. Je fais confiance au ministre.
Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Sa composition tient notamment compte du critère de représentativité des organisations professionnelles concernées, lorsqu’il existe.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Nous aimerions apporter quelques précisions sur la composition du conseil professionnel du CNM, le « parlement de la filière ».
Selon le rapport Cariou-Bois, il pourrait compter environ vingt-cinq membres. Il sera nécessaire de fixer des critères objectifs pour départager les organisations du secteur. À défaut, le conseil professionnel risque d’être pléthorique, et donc inefficace, alors même qu’il a vocation à traiter de sujets aussi importants que, par exemple, les programmes d’aides. Nous proposons de retenir le critère de la représentativité des différentes organisations, lorsqu’il peut s’appliquer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement tend à figer certaines règles de composition du conseil professionnel, alors même que celle-ci relève du pouvoir réglementaire.
La loi prévoit que la représentativité des organisations syndicales s’apprécie à l’aune de différents critères, au nombre desquels figurent le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, l’ancienneté, l’audience, l’influence, ainsi que les effectifs d’adhérents et les cotisations.
Ces critères ne sont cependant pas applicables à bon nombre d’organisations qui pourraient être appelées à siéger au sein du conseil professionnel. L’adoption de cet amendement contribuerait donc à créer une forme d’inégalité entre les organisations pouvant être concernées et les autres. Il me paraîtrait regrettable de tendre à exclure, par l’adoption du critère de représentativité, même modulé par l’emploi du terme « notamment », un certain nombre d’organisations de la possibilité de siéger au sein du conseil professionnel, alors que nous ignorons la manière dont sera composé le conseil d’administration.
Il est important que les règles de gouvernance permettent de garantir l’expression de toutes les parties prenantes. Rappelons que l’idée de rassembler enfin toute la filière musicale est à la base de ce projet.
Rien n’empêchera, de toute façon, le pouvoir réglementaire d’inscrire ce principe dans le décret s’il se révèle pertinent, en fonction des solutions qui auront été retenues pour la gouvernance de l’établissement.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Il est évidemment très difficile d’apprécier la représentativité de telle ou telle organisation. Le conseil professionnel, maison commune de la filière musicale, a pour vocation de rassembler tous les acteurs. Nous voulons que chacun puisse s’exprimer en son sein et apporter sa contribution dans la plus grande diversité possible. La problématique de la représentativité concerne davantage le monde syndical. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Nous ne voulons rien figer, nous sommes pour la liberté. Nous retirons cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié est retiré.
L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lalande et Vaugrenard, Mmes Tocqueville et Ghali, M. Daudigny et Mme Artigalas, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2, dernières phrases
Compléter ces phrases par les mots :
et la représentation des territoires d’outre-mer en prévoyant qu’au moins l’un des membres en soit originaire
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Mme Catherine Conconne. Cet amendement est redondant, m’a-t-on dit en commission de la culture ce matin. À la manière de Jean Gabin, j’aurais pu chanter : « Je sais, je sais… » Quoi qu’il en soit, jusqu’au bout je le défendrai.
J’ai la chance d’habiter la Caraïbe, le « sixième continent », où la production musicale est foisonnante : zouk, biguine, mazurka, salsa, soca, calypso, bouillon, bachata, compas, dancehall, et j’en passe. Cette diversité musicale est présente au quotidien dans le pays où je suis née et où je vis. Elle fait partie de notre identité culturelle, à nulle autre pareille.
Mais le marché local est étroit, et nos créateurs éprouvent des difficultés, face aux mastodontes du numérique, pour diffuser nos musiques et écouler nos productions. Participer à un festival relève du parcours du combattant : il faut trouver des dizaines de milliers d’euros pour payer chambres d’hôtel, billets d’avion, etc.
La légitimité d’une représentation de la créolité, de ces régions dont la France se dit tellement fière au sein du conseil d’administration et du conseil professionnel me paraît incontestable. On m’opposera bien sûr que la composition de ceux-ci relève du pouvoir réglementaire, mais il s’agit ici de fixer des principes. En 2017, il a fallu faire une loi pour affirmer l’égalité réelle des régions ultramarines.
Un de nos collègues a cité Platon, disant que, pour connaître un peuple, il faut connaître sa musique. Monsieur le ministre, faites que votre connaissance des outre-mer ne reste pas platonique ! (Rires. – M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Afin de renforcer encore les dispositions que nous avions déjà introduites dans la loi NOTRe et la loi LCAP, nous avons de nouveau inscrit les droits culturels dans le texte, ce qui garantit la prise en compte de la diversité des cultures, des expressions musicales, des artistes. Cela vous apporte l’assurance, ma chère collègue, que le CNM travaillera bien à garantir la diversité des expressions culturelles, y compris celles, très belles, des outre-mer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je passerai de Platon à Jacob Desvarieux pour répondre à notre collègue : Zouk la Sé Sèl Médikaman Nou Ni ! (Sourires.)
J’ai moi-même insisté, en commission et dans mon rapport, sur le rôle essentiel des collectivités territoriales dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de la musique au niveau des territoires. Les territoires d’outre-mer ne doivent pas être oubliés. Je crois que nous en avons tous conscience ici.
Cependant, je pense que nous devons nous en remettre au pouvoir réglementaire pour fixer la composition du conseil d’administration du CNM. La loi prévoit, par défaut, que les conseils d’administration des ÉPIC doivent comprendre des représentants de l’État, des personnalités qualifiées, dont je souhaite que certaines soient issues des collectivités territoriales, et des représentants des salariés.
Madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Nous vous avons entendu avec plaisir évoquer des genres musicaux qui vous sont particulièrement chers, madame la sénatrice. Soyez assurée que les outre-mer seront au cœur des préoccupations du CNM. La France est riche de sa diversité.
Mme la présidente. Madame Conconne, l’amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Conconne. Je veux bien faire confiance au ministre, mais il est de mon devoir de maintenir cet amendement, même si je présage qu’il aura une triste fin !
Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Laborde et N. Delattre, MM. Corbisez, A. Bertrand, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Conseil national de la musique organise un espace de dialogue entre les différents acteurs du secteur de la musique en vue d’améliorer la connaissance, la concertation et le travail en commun entre les acteurs et représentants de la musique et du spectacle vivant.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à prévoir un espace de dialogue entre les différents acteurs de la musique au sein du CNM. Si tous ne peuvent être représentés au conseil d’administration ou au conseil professionnel, il nous semble légitime que des espaces, des plateformes de dialogue et de concertation puissent réunir l’ensemble des acteurs de la filière, ce qui constitue l’une des missions premières du CNM. Les différents acteurs de la filière doivent pouvoir se connaître et échanger afin que les décisions reflètent au mieux l’intérêt général.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. On ne peut qu’adhérer à l’esprit de cet amendement, qui définit ce que devrait être cette « maison commune » du Centre national de la musique.
Cependant, la définition donnée, très générale, est plus du niveau du règlement, voire de l’organisation interne du futur CNM. Je crois qu’il serait utile que le ministre nous précise sa pensée sur ce sujet. Cela orientera les travaux de la mission de préfiguration.
La commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Franck Riester, ministre. Cet amendement me semble déjà satisfait.
Les missions du CNM, définies à l’article 1er, devront s’inscrire dans le cadre d’un processus permanent de concertation avec l’ensemble du secteur, ce qui répond bien à l’objectif d’instaurer un dialogue, auquel je souscris, des auteurs de l’amendement.
Par ailleurs, le texte prévoit la création, aux côtés du conseil d’administration, du conseil professionnel, le « parlement de la musique », qui a lui aussi vocation, peut-être encore davantage que le conseil d’administration, à être un lieu de dialogue.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Laborde, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous ne voulons pas que la loi soit bavarde, mais nous voulons toujours avoir des précisions… (Sourires.) Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Au titre de ses missions, le président du Centre national de la musique peut délivrer, au nom du ministre chargé de la culture, les agréments prévus pour le bénéfice du crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques mentionné à l’article 220 octies du code général des impôts et du crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants mentionné à l’article 220 quindecies du même code, dans les conditions prévues par ledit code. – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
I. – Le Centre national de la musique bénéficie du produit de la taxe sur les spectacles de variétés prévue à l’article 76 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) perçue au titre des spectacles de variétés ainsi que des ressources provenant des taxes, prélèvements et autres produits qu’il perçoit ou qui lui sont affectés.
I bis. – À la trente-neuvième ligne de la deuxième colonne du tableau du second alinéa du I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, les mots : « Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) » sont remplacés par les mots : « Centre national de la musique ».
II. – À la première phrase du premier alinéa du I, aux deux premiers alinéas et à la première phrase du troisième alinéa du VI, à la première phrase du premier alinéa des VII et VIII et à la fin de la première phrase du IX du A de l’article 76 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003), les mots : « Centre national de la chanson, des variétés et du jazz » sont remplacés par les mots : « Centre national de la musique ».
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 4 porte sur la taxe sur les spectacles de variétés, qui alimentera la trésorerie du futur Centre national de la musique.
À ce propos, certaines observations contenues dans le rapport de juin 2019 de Mme Marie-Ange Magne, députée de la majorité, sur le CNC sont de nature à nourrir quelques inquiétudes. Ainsi, ce rapport nous apprend que le produit des taxes affectées à la mission « Médias, livre et industries culturelles » représente 128 % des crédits de celle-ci. Mme Magne en conclut logiquement que l’ensemble des taxes affectées au CNC devrait être soumis à un mécanisme de plafonnement, pour abaisser ce pourcentage et le ramener autour de 100 %.
Nous craignons, monsieur le ministre, qu’un tel plafonnement ne soit également imposé à la taxe qui sera désormais affectée au CNM. Nous aurions besoin que vous nous donniez des garanties sur ce point.
Par ailleurs, nous avons tous été d’accord tout à l’heure pour souligner que cette taxe sur les spectacles de variétés était peu dynamique et qu’elle ne permettrait pas de couvrir la totalité du champ d’action du nouveau centre. Il faudra sans doute la compléter par un autre dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. Cet article prévoit que l’intégralité du produit de la taxe sur les spectacles de variétés sera consacrée au financement du CNM. Cela soulève la question des bénéficiaires du produit de cette taxe. Il appartiendra au conseil d’administration de définir les entreprises éligibles, mais il paraîtrait légitime que les entreprises assujetties à cette taxe, c’est-à-dire celles qui relèvent du périmètre de l’actuel CNV, soient également bénéficiaires de son produit. C’est la condition du maintien d’un climat de confiance avec les entreprises de spectacle musical et de variétés.
Nous souhaiterions, monsieur le ministre, avoir des précisions sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. La taxe affectée au CNV est déjà plafonnée à 50 millions d’euros, alors que son rendement est d’environ 35 millions d’euros. Il y a donc de la marge !
M. Pierre Ouzoulias. Oui, mais parfois les plafonds baissent !
M. Franck Riester, ministre. Le CNM bénéficiera non seulement des ressources des différents organismes ayant vocation à fusionner en son sein, mais aussi de financements complémentaires, qui seront apportés d’une façon ou d’une autre : je profite de cette occasion pour réaffirmer notre détermination à cet égard.
Cela a été dit à plusieurs reprises, je suis à titre personnel particulièrement engagé, et depuis longtemps, pour la création Centre national de la musique. C’est un beau projet, très utile pour l’avenir de la filière musicale. L’État prendra les décisions qui s’imposent pour apporter des ressources complémentaires au CNM, en fonction des besoins nouveaux qui seront identifiés, notamment par le comité opérationnel.
Ces financements complémentaires viendront s’ajouter aux ressources des instances qui choisiront de se regrouper au sein du CNM. Il n’est pas dans notre intention d’abaisser le plafonnement jusqu’à réduire le produit de la taxe dont bénéficie actuellement le CNV. Par ailleurs, il est bien évident que les réserves doivent être affectées à ceux qui les ont créées. Ainsi, ceux qui payent actuellement cette taxe ne devront pas être pénalisés par une nouvelle répartition des ressources, qui aboutirait à habiller Paul en déshabillant Jacques.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis
Les organismes de gestion collective peuvent verser une partie des sommes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle au Centre national de la musique. L’établissement utilise alors ces sommes en conformité avec les objectifs mentionnés au premier alinéa du même article L. 324-17. – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
I. – Le Centre national de la musique se substitue à l’établissement public dénommé Centre national de la chanson, des variétés et du jazz dans tous les contrats et conventions passés pour l’accomplissement des missions de ce dernier. À la date d’effet de sa dissolution, les biens, droits et obligations de cet établissement sont dévolus au Centre national de la musique.
II. – Le Centre national de la musique est autorisé à accepter les biens, droits et obligations des associations dénommées Fonds pour la création musicale, Bureau export de la musique française, Club action des labels et des disquaires indépendants français et Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles. La transmission est réalisée de plein droit, sous réserve des conventions conclues entre le Centre national de la musique et lesdites associations, à la date d’effet de leur dissolution.
III. – Les transferts mentionnés au II sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception d’impôts, droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique. – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente loi. – (Adopté.)
Article 7
(Non modifié)
L’article 30 de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France est abrogé. – (Adopté.)
Article 7 bis
(Non modifié)
À la fin de la seconde phrase du 1° du F de l’article 278-0 bis du code général des impôts, les mots : « chanson, des variétés et du jazz » sont remplacés par le mot : « musique ». – (Adopté.)
Article 8
(Non modifié)
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2020. – (Adopté.)
Articles 8 bis et 8 ter
(Supprimés)
Article 9
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je tiens à remercier M. le ministre, ainsi que ses collaborateurs et collaboratrices, de l’accueil qu’ils m’ont réservé et de la relation fluide, confiante et constructive qui s’est instaurée entre nous pour améliorer encore ce texte. Le travail accompli ensemble a été particulièrement intéressant.
Je souhaite également remercier très sincèrement la présidente de la commission de la culture de m’avoir accordé sa confiance.
Mes chers collègues, l’aboutissement de l’examen de cette proposition de loi est pour moi un moment d’émotion. Je ne me doutais pas, la première fois que je me suis installé derrière mon instrument, qu’un jour je défendrais devant vous, dans cet hémicycle, la création du Centre national de la musique.
Je remercie nos collaborateurs de la commission de la culture, très sollicités en cette période, ainsi que le personnel de la séance. Je vous remercie, madame la présidente, de la bienveillance dont vous avez fait preuve.
C’est une belle partition que nous avons écrite ; il faut adresser une pensée à tous ceux qui la mettront en musique, notamment au personnel du CNV et des autres entités qui seront amenées à fusionner au sein du CNM.
Enfin, je salue la présence en tribune de notre collègue député Pascal Bois, qui m’a lui aussi réservé un accueil particulièrement confiant et amical. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. N’ayant pas encore eu l’occasion de le faire, je souhaite simplement dire que je soutiens bien entendu cette proposition de loi et la création du Centre national de la musique, pour laquelle vous vous êtes battu, monsieur le ministre, au cours de ces dernières années. J’imagine que l’aboutissement de ce projet, avec le soutien de l’ensemble de la représentation nationale, constitue pour vous un grand motif de satisfaction.
Je voudrais insister sur deux points de vigilance, monsieur le ministre.
En premier lieu, si les financements ne sont pas au rendez-vous dans le projet de loi de finances, le CNM s’écroulera comme un château de cartes. Il a besoin de fondations extrêmement solides. Nous avons pris note de votre engagement sur ce sujet du financement, monsieur le ministre.
M. le rapporteur a dit que, lorsque nous avons créé la taxe YouTube, j’avais demandé que celle-ci soit affectée au futur Centre national de la musique. En réalité, j’avais dit à l’époque que, dans la mesure où YouTube diffuse des films et des créations audiovisuelles, mais aussi de la musique, il semblerait légitime que le produit de la taxe soit justement réparti entre le CNC et le CNM. Mais c’est un autre sujet, dont nous aurons l’occasion de débattre dans les mois à venir.
En second lieu, je souhaite relayer une inquiétude exprimée par les acteurs de la musique de patrimoine et de création, autrement dit de la musique classique, actuellement réunis à Aix-en-Provence. Ils s’interrogent sur l’articulation entre le CNM et la DGCA, la direction générale de la création artistique. Comment cette musique sera-t-elle prise en compte, sachant que, au cours des dix dernières années, on ne s’est guère préoccupé du sort des établissements d’enseignement ou des orchestres, c’est le moins que l’on puisse dire ! Ils ont besoin qu’une attention particulière soit portée à leur devenir, sachant que les collectivités territoriales apportent la majeure partie du financement d’une politique s’adressant à tous les publics. Comment l’action publique en faveur de la musique s’articulera-t-elle avec celle des opérateurs privés ? C’est une question dont nous aurons sans doute l’occasion de débattre dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Je félicite M. Hugonet, dont c’était le premier rapport. Cette séance est donc à marquer d’une pierre blanche !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre. C’est toujours une émotion particulière de voir un texte que l’on a soutenu être adopté à l’unanimité.
Je l’ai dit, ce texte est pour moi très important. Je crois beaucoup à la création du Centre national de la musique. Nous avions besoin d’une maison commune pour la filière musicale, laquelle, Mme la présidente de la commission l’a rappelé avec justesse, n’a pas reçu dans le passé la même attention, de la part des pouvoirs publics, que d’autres industries culturelles.
Au terme de cette belle soirée, je me réjouis que le Parlement, dans son ensemble, souhaite la création de cette maison commune de la musique. En tant que ministre, je suis heureux d’avoir soutenu la proposition de loi de Pascal Bois, que je salue. Je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour la qualité du travail que vous avez accompli. Je sais que cet aboutissement représente, pour vous qui êtes musicien, une émotion particulière. Ce fut un plaisir de travailler avec vous, Mme la présidente Morin-Desailly et l’ensemble des membres de la commission de la culture du Sénat, dont je salue l’état d’esprit constructif.
Je remercie tous ceux qui, au sein du cabinet, du secrétariat général, de la DGCA ou de la direction générale des médias et des industries culturelles, accomplissent à mes côtés un travail remarquable. Quatre textes relevant de mon ministère sont en cours de discussion au Parlement, et le projet de loi audiovisuelle est en préparation.
Je remercie également de leur contribution essentielle Pascal Bois, Émilie Cariou et Roch-Olivier Maistre, ainsi que mes complices Didier Selles, Alain Chamfort, Daniel Colling, et Marc Thonon, qui ont mené de nombreuses auditions avec moi et consacré beaucoup de temps à réfléchir à la création du Centre national de la musique. Enfin, je salue la présence au banc du Gouvernement de Jean-Baptiste Gourdin, qui est depuis l’origine l’un des artisans de ce beau projet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de votre confiance et vive le CNM ! (Applaudissements.)
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 juillet 2019, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Nouvelle lecture du projet de loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet (texte de la commission n° 641, 2018-2019) ;
Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés (texte de la commission n° 604, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 juillet 2019, à zéro heure quarante.)
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER