Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot, M. Dominique de Legge.
2. Ouverture de la première session extraordinaire de 2018-2019
3. Modification de l’ordre du jour
développement de la méthanisation en seine-et-marne
Question n° 807 de M. Pierre Cuypers. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports ; M. Pierre Cuypers.
homologations des véhicules agricoles
Question n° 836 de M. Yannick Botrel. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
interdiction de la vente des chauffages au bois non performants
Question n° 840 de M. Didier Rambaud. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
fermeture de bureaux de poste dans le calvados
Question n° 770 de Mme Sonia de la Provôté. – Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
relance de la politique minière de la france
Question n° 839 de M. Jean-Pierre Sueur. – Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
problématique de la « fabrication détachée »
Question n° 792 de M. Martial Bourquin. – Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Martial Bourquin.
protection des marques de territoire
Question n° 813 de Mme Annick Billon. – Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Annick Billon.
assujettissement aux impôts commerciaux des syndicats informatiques
Question n° 776 de Mme Maryse Carrère. – Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Maryse Carrère.
Question n° 852 de M. Michel Magras. – Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Michel Magras.
pêcheurs des lacs alpins en péril
Question n° 753 de Mme Annick Billon, en remplacement de M. Loïc Hervé. – Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; Mme Annick Billon.
mode de scrutin dans les communes de moins de mille habitants
Question n° 624 de M. Alain Cazabonne. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Alain Cazabonne.
levée du moratoire sur les machines à voter
Question n° 723 de M. Yves Détraigne. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Yves Détraigne.
situation précaire des mineurs étrangers non accompagnés
Question n° 791 de M. Guillaume Gontard. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Guillaume Gontard.
prise de rendez-vous à la préfecture du val-de-marne
Question n° 794 de Mme Catherine Procaccia. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; Mme Catherine Procaccia.
agressions de sapeurs-pompiers
Question n° 605 de Mme Michelle Gréaume. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Question n° 841 de M. Rémy Pointereau. – M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur ; M. Rémy Pointereau.
Question n° 532 de Mme Nadia Sollogoub. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Nadia Sollogoub.
arrêts maladie des élus municipaux
Question n° 661 de Mme Nicole Duranton. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Question n° 787 de Mme Martine Filleul. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Martine Filleul.
Question n° 796 de Mme Pascale Gruny, en remplacement de M. Édouard Courtial. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Pascale Gruny.
hôpital saint-claude à saint-quentin
Question n° 811 de Mme Pascale Gruny. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Pascale Gruny.
prise en charge des transports assurés par le service départemental d’incendie et de secours
Question n° 843 de M. Antoine Lefèvre. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Question n° 853 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
avenir de l’unité sos main du diaconat de mulhouse
Question n° 790 de Mme Catherine Troendlé. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
réalité effective de la coparentalité en cas de séparation
Question n° 826 de M. Stéphane Piednoir. – M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Stéphane Piednoir.
coût de l’instruction des permis de construire pour les petites communes
Question n° 786 de M. Henri Cabanel. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; M. Henri Cabanel.
pénalisation des grands syndicats d’eau et d’assainissement
Question n° 805 de M. Guy-Dominique Kennel. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
lutte contre l’occupation illégale de logements et locaux vacants
Question n° 766 de M. Gilbert Roger. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; M. Gilbert Roger.
financement par des intercommunalités de la rénovation d’un service hospitalier urgentiste
Question n° 834 de Mme Sylviane Noël. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; Mme Sylviane Noël.
Question n° 765 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
gestion des prairies et retournement des terres à anor et dans la sambre-avesnois
Question n° 812 de M. Frédéric Marchand. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Frédéric Marchand.
Question n° 835 de M. Claude Bérit-Débat. – M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Claude Bérit-Débat.
vote par internet pour les élections consulaires de 2020
Question n° 772 de Mme Jacky Deromedi. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; Mme Jacky Deromedi.
décrochage de metz dans l’université de lorraine
Question n° 682 de M. François Grosdidier. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.
modalités de calcul des retraites des professeurs des écoles
Question n° 621 de Mme Marie-Pierre Monier, en remplacement de M. Claude Raynal. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; Mme Marie-Pierre Monier.
sous-effectifs chroniques au sein des juridictions
Question n° 626 de Mme Brigitte Lherbier. – M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales ; Mme Brigitte Lherbier.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
5. Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports
M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
7. Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 31 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 32 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 33 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 6 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 27 de Mme Céline Brulin. – Adoption.
Amendement n° 22 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Retrait.
Amendement n° 7 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 9 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 8 de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 38 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Michel Savin. – Adoption.
Amendement n° 10 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 26 rectifié de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Michel Savin. – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié de M. Jean-Jacques Lozach. – Adoption.
Amendement n° 4 rectifié ter de Mme Mireille Jouve. – Adoption.
Amendement n° 17 rectifié bis de M. Michel Savin. – Retrait.
Amendement n° 28 de Mme Céline Brulin. – Rejet.
Amendement n° 36 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Céline Brulin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 14 de M. Jean-Jacques Lozach. – Devenu sans objet.
Amendement n° 29 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 3
Amendement n° 35 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
8. Démission et remplacement d’un sénateur
9. Décret complétant l’ordre du jour de la session extraordinaire
10. Candidatures à une commission mixte paritaire
11. Interdiction des violences éducatives ordinaires. – Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Mme Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article.
Articles 1er bis et 2 – Adoption.
Adoption définitive de la proposition de loi dans le texte de la commission.
12. Ordre du jour
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 27 juin 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Ouverture de la première session extraordinaire de 2018-2019
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, au cours de la séance du 18 juin dernier, le décret de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire, à compter du 1er juillet 2019, a été porté à la connaissance du Sénat.
En conséquence, je constate que la session extraordinaire est ouverte depuis lundi 1er juillet.
3
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 1er juillet 2019, le Gouvernement demande que l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, initialement inscrit le mardi 23 juillet, soit inscrit en premier point de l’ordre du jour du mardi 16 juillet, après midi.
Acte est donné de cette demande.
4
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
développement de la méthanisation en seine-et-marne
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, auteur de la question n° 807, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, ma question concerne le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, et de développement de la méthanisation, qui fixe à dix ans les orientations de développement du biométhane.
Dans le département de Seine-et-Marne, qui est l’un des départements précurseurs, une dizaine d’installations sont déjà en fonctionnement et nous souhaitons développer de nombreux projets.
L’objet du schéma de développement de la méthanisation mené par le département, en partenariat étroit avec la chambre d’agriculture, vise à diminuer sa dépendance à l’égard des énergies fossiles, tout en développant une économie verte et circulaire.
Or le projet de PPE revoit à la baisse la part du biogaz dans la consommation de gaz à l’horizon 2030, la ramenant à 7 % au lieu de 10 % conformément aux termes de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Force est donc de constater que le projet de PPE privilégie les projets les plus compétitifs pour l’adjonction au réseau assortie d’une demande de baisse rapide des coûts de production, la réalisation de projets uniquement dans le cadre d’appels d’offres au-delà d’une certaine taille, une baisse du prix de rachat bien inférieur au prix actuel, ainsi qu’une baisse pour les projets hors appels d’offres.
J’insiste sur le fait que ces dispositions, tout en valorisant la filière industrielle, freineront la filière agricole. Vous le savez, en Seine-et-Marne, comme ailleurs, de nombreuses unités de méthanisation se développent à la ferme. Si rien n’est entrepris, il est certain que les investissements déjà réalisés par la profession agricole seront mis en péril.
Madame la ministre, je vous remercie de bien vouloir m’indiquer les dispositions que le Gouvernement compte prendre afin d’encourager et non de freiner le développement du biométhane en milieu agricole, permettant ainsi à la Seine-et-Marne et à tous les départements français de conserver leur avance en ce domaine.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Pierre Cuypers, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.
Vous appelez son attention sur les orientations de la PPE et le développement de la méthanisation agricole. Le Gouvernement souhaite développer la filière de production du biogaz, notamment la filière de méthanisation agricole, en conciliant objectifs ambitieux et baisse des coûts.
Le projet de PPE prévoit un effort financier important et inédit de l’État, estimé à 8 milliards d’euros dans les dix prochaines années. La maîtrise de cet effort financier implique toutefois d’adapter le rythme de développement de la filière au rythme de la baisse des coûts de production.
Le projet de PPE propose de lancer des appels d’offres sur une trajectoire de tarif d’achat de référence, dont la cible serait d’atteindre une moyenne de 67 euros par mégawattheure pour les projets de biométhane injecté sélectionnés en 2023 et de 60 euros par mégawattheure en 2028. Le volume de l’appel d’offres serait augmenté si les tarifs moyens demandés dans le cadre des offres sont inférieurs à la trajectoire du tarif d’achat de référence. Dans le cas inverse, le volume d’appel d’offres serait baissé.
Par ailleurs, il est proposé de maintenir un dispositif d’obligation d’achat à un tarif réglementé, avec une trajectoire de tarif d’achat maximal. Ce dispositif d’obligation d’achat à un tarif réglementé concernerait tout particulièrement les projets de méthanisation de petite taille.
Le Gouvernement est par ailleurs pleinement engagé aux côtés des acteurs de la filière de méthanisation agricole pour les aider à baisser les coûts de production afin de maximiser le nombre de projets pouvant bénéficier d’un soutien.
Le groupe de travail sur la méthanisation a permis d’identifier et de mettre en œuvre différentes mesures visant à faciliter cette baisse des coûts de production, notamment le dispositif de réfaction des coûts de raccordement et le dispositif de « droit à l’injection ».
De plus, l’ambition de la mise en place d’un dispositif de facilitation de l’accès au crédit pour la méthanisation agricole est d’accompagner, dans les cinq prochaines années, la réalisation de 400 nouveaux projets pour un montant total de financement d’environ 100 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.
M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, j’oserai insister sur le fait que nous sommes complètement dépendants en matière d’énergie et que tout développement de projet de méthanisation est heureux pour notre pays, car il est favorable à l’emploi et, bien sûr, à notre économie.
Alors qu’en France il faut près de deux ans pour monter un projet, en Allemagne, six mois suffisent entre le moment où on décide de le faire et le début de sa réalisation.
Je voudrais que ce Gouvernement mette tout en œuvre pour nous permettre de réaliser nos projets dans des délais beaucoup plus courts, avec des contraintes beaucoup plus légères…
M. le président. Merci, cher collègue !
M. Pierre Cuypers. … et, en tout cas, adaptées à notre situation.
homologations des véhicules agricoles
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 836, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Yannick Botrel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, les véhicules agricoles qui empruntent les voies ordinaires de circulation doivent répondre à une homologation nationale accordée par une autorité compétente désignée par l’État, en l’occurrence, par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les Dreal.
Une grande partie des prescriptions techniques qui régissent cette homologation ont été modifiées par l’arrêté du 19 décembre 2016 relatif à la réception des véhicules agricoles et forestiers.
Cet arrêté dispose que, à partir du 1er janvier 2020, tous les véhicules neufs commercialisés pour la première fois et homologués selon les anciennes dispositions devront être ré-homologués selon les nouvelles prescriptions techniques.
Cette disposition aura certainement de lourdes conséquences pour l’organisation des entreprises.
D’abord, celles-ci ne disposent, en réalité, que de onze mois pour répondre aux nouvelles prescriptions d’homologation, puisque les dossiers administratifs doivent être mis à jour selon un nouveau format de « dossier type », qui n’a été transmis qu’en janvier 2019.
Ensuite, ces nouvelles prescriptions techniques peuvent nécessiter des modifications de la conception des véhicules, ce qui requiert également du temps.
Par ailleurs, il existe un risque d’engorgement administratif. En effet, de très nombreuses demandes d’homologation seront transmises aux Dreal d’ici à la fin de l’année. Le délai imparti pour le traitement des dossiers semble difficile à respecter.
Enfin, les conséquences des nouvelles dispositions seront d’ordre économique puisque, pour les constructeurs, tant que l’homologation d’un modèle de véhicule n’est pas prononcée, la production en série ne peut être lancée.
Des entreprises se verront donc, à coup sûr, dans l’incapacité d’honorer des commandes de clients pour des raisons strictement administratives.
Les conséquences de cette situation sont faciles à prévoir : pertes financières, arrêt de production, chômage technique des opérateurs. Elles seront de nature à nuire à l’équilibre économique des entreprises.
Pour ces multiples raisons, madame la ministre, je vous interroge sur les intentions du Gouvernement à l’égard de l’application de ces nouvelles dispositions. Peut-il envisager un report au 1er janvier 2021 de l’obligation de ré-homologuer les véhicules agricoles, afin de permettre aux entreprises de répondre aux nouvelles dispositions dans un délai raisonnable en vue d’en atténuer l’impact économique ? Cela permettrait, par la même occasion, d’éviter l’engorgement administratif des Dreal.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Yannick Botrel, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.
Vous l’alertez sur les difficultés que pourraient rencontrer les constructeurs de véhicules agricoles et forestiers à partir du 1er janvier 2020, date à laquelle tous les véhicules neufs qu’ils produiront devront satisfaire aux dispositions d’un arrêté ministériel pris en 2016.
L’homologation des véhicules agricoles et forestiers est régie, depuis 2013, par un règlement européen. L’arrêté pris en 2016 a permis de préciser les modalités d’application et de clarifier les prescriptions qui s’appliquent à des véhicules très spécifiques pour lesquels l’homologation nationale reste possible. Ont en outre été précisées les dispositions applicables aux machines agricoles automotrices pour lesquelles une homologation européenne est impossible, faute de réglementation harmonisée.
J’insiste sur le fait que le contenu de l’arrêté était connu dès le 30 décembre 2016 et pouvait être anticipé par les constructeurs.
Néanmoins, afin d’assurer un accompagnement, nous avons mobilisé les services du ministère.
Ainsi, cinq journées d’information et de formation ont notamment été organisées dans les régions françaises pendant l’année 2018.
Au cours de ces journées, le Centre national de réception des véhicules a rappelé, en présence de la direction générale de l’énergie et du climat, les évolutions apportées par l’arrêté et présenté des modèles de justificatifs réglementaires à destination des constructeurs.
Au sujet du risque d’engorgement administratif, il convient de préciser que la majorité des dossiers ne requiert qu’une mise à jour administrative, sans nécessiter de nouveaux essais en laboratoire.
S’il n’est pas envisagé, à ce stade, au vu des éléments dont nous disposons, de reporter d’un an la date butoir du 1er janvier 2020, nous serons bien évidemment très attentifs aux remontées d’information en provenance des Dreal sur le sujet, afin de réagir en conséquence si un tel engorgement devait se produire.
interdiction de la vente des chauffages au bois non performants
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 840, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Didier Rambaud. Madame la ministre, ma question concerne la vente des chauffages au bois non performants.
L’épisode caniculaire que nous venons de vivre a, une nouvelle fois, posé avec acuité la question de la qualité de l’air et de la pollution, notamment de la pollution aux particules fines, particulièrement renforcée sous l’effet de la chaleur.
Sur ce point précis, rappelons que le Conseil d’État a rendu un arrêt le 12 juillet 2017 dans lequel il enjoint au Gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites dans le délai le plus court possible.
Sans attendre des actions gouvernementales et le projet de loi relatif à l’énergie et au climat, que nous examinerons dans quelques jours au Sénat, de nombreuses collectivités ont multiplié les initiatives en faveur de l’amélioration de la qualité de l’air. Dans mon département, par exemple, la métropole grenobloise l’a fait. Le conseil métropolitain a ainsi décidé le doublement de la prime air-bois afin d’accélérer le renouvellement des appareils de chauffage individuel au bois non performants.
Il faut en effet souligner que le chauffage au bois, en particulier le chauffage au bois individuel non performant, est à l’origine de 55 % des émissions annuelles de particules, taux qui monte jusqu’à 75 % en période de pic de pollution hivernal. Le seul remplacement d’un appareil non performant par un appareil de niveau « Flamme Verte 7 étoiles », un label de haute performance énergétique et environnementale, permet de diviser par huit, en moyenne, les émissions de particules selon Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
Aussi, je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement et savoir si, compte tenu de ce contexte, il pourrait envisager une interdiction de la vente d’appareils de chauffage individuel au bois non performants et l’obligation, à l’occasion d’une vente ou d’une mise en location d’un logement, d’un diagnostic des appareils de chauffage individuel au bois, et le cas échéant, d’une mise aux normes afin d’accélérer leur renouvellement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Didier Rambaud, vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.
L’une des orientations de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, qui vise 9,5 millions de logements chauffés au bois en 2023 avec un appareil efficace, consiste à remplacer les appareils biomasse non performants par des appareils de niveau Flamme Verte. Comme vous l’indiquez à juste titre, cela permet d’améliorer la qualité de la combustion et, donc, de réduire drastiquement les émissions de polluants atmosphériques. Tel est l’objectif des fonds air-bois déployés par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Ademe, et les collectivités territoriales.
Néanmoins, de nombreux efforts restent à fournir dans le renouvellement de certains équipements comme les inserts et les foyers fermés. En effet, la moitié des appareils datent de plus de douze ans et ne répondent pas aux performances énergétiques et environnementales que de nombreux fabricants proposent désormais.
En moyenne, en 2017, 81 % des appareils vendus en France étaient labellisés Flamme Verte, notamment grâce au crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui remonte à de nombreuses années. Pour en bénéficier, il faut satisfaire à des critères de performance exigeants, progressivement rehaussés.
La réglementation européenne pour l’écoconception des produits liés à l’énergie généralisera le niveau de performance Flamme Verte 7 étoiles pour tous les appareils mis sur le marché à partir du 1er janvier 2022.
D’ici là, il importe que la filière continue de faire progresser la performance des appareils proposés. Pour y concourir, le label Flamme Verte ne sera plus délivré qu’aux appareils Flamme Verte 7 étoiles à compter du 1er janvier 2020.
En matière d’encadrement des installations, la législation prévoit que, dans les zones couvertes par un plan de protection de l’atmosphère, le préfet a la possibilité d’interdire l’utilisation des appareils de chauffage les plus polluants.
M. le président. Je vous remercie, madame la ministre, pour le respect exemplaire du temps !
fermeture de bureaux de poste dans le calvados
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, auteure de la question n° 770, transmise à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Sonia de la Provôté. Madame la secrétaire d’État, je veux vous interroger sur un sujet très symbolique de la fracture territoriale, la baisse de la présence postale.
Dans le Calvados, les bureaux de poste sont transformés, les uns après les autres, et les fermetures définitives ou partielles se multiplient.
Les fermetures répétées, qui se prolongent parfois plusieurs jours, sont très préjudiciables à la fréquentation, car l’usager confronté à une porte fermée se débrouille autrement.
C’est un grand classique : quand on veut réduire un service, on le rend inadapté à la demande, en proposant une offre peu fiable et décalée. Ainsi, la fréquentation diminue et on argue de cette baisse pour justifier une fermeture ou une diminution supplémentaire. CQFD !
Ainsi, dans le département du Calvados, les projets récents de réduction des horaires des bureaux de poste concernent déjà treize communes pour une mise en place début 2020.
À Trouville-sur-Mer, le bureau ne sera plus ouvert que quatre matins par semaine. À Mézidon, à Saint-Pierre-sur-Dives, fermeture les mercredis après-midi. À Livarot, ouverture uniquement les après-midi en semaine. À Bretteville-sur-Odon, c’est le matin. Comment s’y retrouver ?
Signalons que ces diminutions font suite aux nombreuses fermetures déjà intervenues en 2018, notamment à Douvres-la-Délivrande, à Courseulles-sur-Mer et à Ouistreham.
Les suppressions d’emploi accompagnent ces fermetures, à hauteur de 10 % à 20 % tous les deux ans.
Quant aux fermetures inopinées, liées au non-remplacement d’absences, elles surviennent au cas par cas : ainsi à Cabourg, Caen, Trévières ou Bavent, des bureaux sont régulièrement fermés, parfois juste en raison d’une absence ou d’un congé !
Cette situation, qui s’aggrave, est à rebours des attentes des citoyens et des élus locaux exprimées lors du grand débat national.
Certes, La Poste n’est pas une administration et elle a évolué pour répondre à la concurrence et aux nouveaux usages.
Il n’empêche que c’est un service au public essentiel : la distribution du courrier, des colis, le lien social de la tournée des facteurs et du guichet, les services bancaires, dont le conseil aux particuliers et aux associations, par exemple.
Le bureau de poste est essentiel pour la vie des bourgs. Dans les territoires ruraux, La Poste était là, aux côtés des autres services.
Cette situation aggrave le sentiment d’abandon et la colère. C’est le cas dans le Calvados, car l’on ne peut accepter que l’évolution du modèle économique se fasse au détriment des zones les moins rentables en termes de flux.
Madame la secrétaire d’État, la convention de présence postale entre La Poste, l’État et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF, se termine en 2020 et la suivante est en cours de réflexion. L’État doit y être particulièrement présent, faire preuve de vigilance et ne pas laisser s’aggraver une situation déjà délétère.
Quelles priorités proposez-vous pour l’avenir postal en France ? Comment allez-vous, dans la future convention, enrayer cette désertification postale dans les territoires avant qu’il ne soit trop tard ? Car, quand c’est trop tard, on ne peut plus réparer !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice de la Provôté, le Gouvernement est très attentif à la demande de nos concitoyens de pouvoir accéder aisément, notamment pour les plus fragiles et les moins mobiles d’entre eux, à des services publics de qualité. Vous l’avez bien dit, cette préoccupation est ressortie très nettement pendant le grand débat.
S’agissant des services postaux, la présence postale sur les territoires est garantie par la loi du 2 juillet 1990, qui a fixé à La Poste une obligation de maintenir un réseau d’au moins 17 000 points de contact répartis pour faire en sorte que 90 % au moins de la population de chaque département dispose d’un point de contact postal à moins de cinq kilomètres ou moins de vingt minutes de trajet en voiture.
La Poste est ainsi souvent l’un des seuls services publics présents dans de nombreux territoires.
Cette règle est respectée dans le Calvados, où 95,2 % de la population a accès, selon les critères de proximité définis par la loi, à l’un des 190 points de contact que compte le département.
Toutefois, dans votre département, comme sur l’ensemble du territoire, La Poste doit s’adapter à la baisse considérable du courrier et de fréquentation des guichets – à hauteur de 6 % par an –, mais aussi au développement du numérique et des colis postaux.
C’est pourquoi, pour maintenir des services postaux de proximité et comme l’y autorise la loi, La Poste a été amenée à remplacer certains bureaux de poste de faible activité par des points de contact en partenariat avec la commune ou avec un commerçant.
Ces fermetures sont intervenues après un dialogue préalable et avec l’accord du maire. Dans les prochains mois, La Poste a indiqué qu’elle ne lancerait qu’un seul projet de transformation de bureau en agence postale communale dans le département.
Concernant les fermetures inopinées de bureaux, notamment dans la ville de Caen, La Poste reconnaît les grosses difficultés constatées début 2019, du fait d’absences imprévues. La situation est fort heureusement revenue à la normale depuis. Vous avez raison, de telles difficultés ne sauraient perdurer. Il est de notre devoir d’insister pour que La Poste assume ses responsabilités.
Enfin, l’État est engagé, aux côtés de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et de La Poste, dans la préparation du prochain contrat de présence postale, qui couvrira les années 2020 à 2022.
Dans le cadre des discussions actuellement en cours sous l’égide de l’Observatoire national de la présence postale, le Gouvernement a réaffirmé son attachement au maintien d’un service postal de qualité sur l’ensemble des territoires et à une concertation approfondie avec les élus locaux, tout en veillant à la nécessaire adaptation du réseau de La Poste.
relance de la politique minière de la france
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 839, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur la relance de la politique minière de la France.
Comme vous le savez, le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, est l’organisme public français de référence dans la gestion des ressources et des risques liés au sous-sol. Son action est orientée vers la recherche scientifique, l’appui aux politiques publiques et la coopération internationale.
Or, vous le savez, depuis un certain nombre d’années, le BRGM n’investit plus comme auparavant dans la politique minière et dans la recherche et l’exploitation de gisement, ce qui a d’ailleurs donné lieu à des épisodes pas toujours positifs.
Alors que les réserves mondiales de métaux stratégiques se tarissent progressivement et que les besoins en la matière ne diminuent pas, la question de la sécurisation des approvisionnements de la France se pose. Cet enjeu nous oblige à préparer la diversification de ses sources d’approvisionnement.
Or, à l’inverse des États-Unis, de la Chine ou du Canada, la France ne conduit plus de grands projets d’exploration minière. Relancer la politique minière permettrait à notre pays de sécuriser ses approvisionnements dans un marché mondial des métaux très concurrentiel.
Cette politique pourrait consister à nouer des partenariats privilégiés et à identifier des cibles à l’étranger, dans l’objectif de sécuriser nos approvisionnements.
Dans cette perspective, le continent africain présente de nombreuses opportunités. L’exploration minière mondiale est focalisée sur les pays développés et stables. Le continent africain est moins exploré que la seule Australie et les activités qui y sont menées sont concentrées sur les métaux précieux. Or les sous-sols africains sont aussi très riches en métaux stratégiques. Le BRGM travaille actuellement sur des projets de cartographie géologique et d’inventaire minier dans plusieurs pays africains, notamment au Maroc, en Guinée, au Tchad, au Cameroun, au Mozambique. Il pourrait ainsi mobiliser cette expertise dans le cadre d’une politique africaine d’exploration minière.
Je vous demande, madame la secrétaire d’État, si le Gouvernement compte doter le BRGM des moyens nécessaires pour cette ambition que serait la relance de notre politique minière.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, nous partageons votre souci de sécuriser les approvisionnements des entreprises françaises en matières premières et, tout particulièrement, en métaux stratégiques.
La relance de l’activité minière sur le territoire ou à l’étranger avec l’appui du BRGM fait partie des solutions. Il y en a bien d’autres, comme le propose le rapport sur l’analyse de la vulnérabilité d’approvisionnement en matières premières des entreprises françaises, remis récemment par Nathalie Homobono, ingénieure générale des mines, et Denis Vignolles, chef de mission de contrôle général économique et financier, et examiné par le Conseil national de l’industrie.
Ce rapport recommande dix-huit mesures en vue de mobiliser les entreprises et les filières sur les enjeux d’une connaissance et d’une sécurisation renforcées de leurs chaînes d’approvisionnement.
Il s’agit, d’abord, d’élaborer un plan de programmation des ressources minérales nécessaires à la transition énergétique et numérique et à la mobilité électrique d’ici à la fin 2020, et de mettre en œuvre des premiers plans d’actions à plus court terme. Vous le savez comme moi, la batterie électrique, par exemple, suppose d’avoir accès à un certain nombre de métaux dits rares, même s’ils ne le sont pas vraiment, mais en tout cas de nature à assurer la sécurisation de l’approvisionnement.
Il s’agit, ensuite, de favoriser l’accès aux matières premières primaires et secondaires, d’accompagner le développement d’une filière française et européenne de recyclage des métaux. Ce sujet est actuellement examiné par le Conseil national de l’industrie dans le cadre du groupe de travail sur l’économie circulaire.
Le Gouvernement étudie avec attention l’ensemble de ces recommandations.
À ce stade, nous pouvons affirmer que le BRGM est un acteur de premier plan au sein du comité des métaux stratégiques, que ce soit pour la veille stratégique, pour les solutions technologiques de production de métaux critiques par le recyclage ou pour la mise en évidence de ressources primaires en France et à l’étranger.
Le domaine minier français, encore mal connu au-dessous de 300 mètres, recèle des métaux d’intérêts stratégiques comme le tungstène, l’antimoine, le germanium, le lithium, qui méritent un cadre de décision modernisé permettant la réalisation effective de l’exploration, puis de l’exploitation si les conditions techniques, économiques et environnementales sont réunies.
La réforme du code minier, qui sera examinée en conseil des ministres en décembre prochain, a pour ambition, entre autres, de permettre l’émergence de projets miniers exemplaires d’un point de vue environnemental, bien insérés dans les territoires en prenant en compte les attentes des populations.
Les possibilités d’approvisionnement à partir de mines situées à l’étranger sont également considérées par les opérateurs miniers qui approvisionnent déjà le marché français ou européen. Je pense bien sûr à Eramet. La construction de nouvelles filières nécessite de mobiliser les utilisateurs finaux afin de minimiser les risques financiers. Le comité des métaux stratégiques, qui regroupe les producteurs de métaux primaires et secondaires, les utilisateurs, les administrations impliquées et les experts de l’État, va amplifier ses travaux en ce sens. Évidemment, le BRGM aura sa place dans cette réflexion.
problématique de la « fabrication détachée »
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 792, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d’État, je voudrais attirer votre attention sur la problématique de la fabrication détachée. En effet, les marchés publics les plus importants sont traités en entreprises générales, qui répondent souvent répondent aux appels d’offres sans préciser les noms des entreprises sous-traitantes.
Une fois les marchés obtenus auprès des acteurs publics, les entreprises sous-traitent à des entreprises étrangères européennes à bas coûts sociaux – fréquemment situées en Espagne, au Portugal ou en Pologne –, ce qui explique, par exemple, les difficultés actuelles de la construction métallique.
Or l’acheteur public n’a pas connaissance des noms des sous-traitants et, donc, d’une éventuelle sous-traitance à l’étranger, alors même que de l’argent public est dépensé.
En outre, point majeur, une telle sous-traitance entraîne une perte de recettes fiscales pour la France, puisque ni cotisations sociales ni taxes locales ne seront perçues. Cette privation de recettes fiscales s’élèverait à environ 10 % de la valeur du marché sous-traité.
Cette pratique fragilise, entre autres, le secteur de la construction métallique en mettant à mal son savoir-faire, mais aussi en alimentant le chômage dans cette filière.
Aussi, madame la secrétaire d’État, je demande au Gouvernement de légiférer en faveur de la production sur notre territoire et des emplois français.
À l’exemple du Luxembourg, nous pourrions imposer aux entreprises générales d’indiquer, dans leurs offres, les noms des entreprises sous-traitantes avec lesquelles elles se sont associées afin de répondre aux appels d’offres. Elles auraient, bien sûr, l’obligation de conserver comme partenaires ces mêmes entreprises après avoir remporté le marché. Cela permettrait aux acheteurs publics de décider en toute connaissance de cause.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Bourquin, vous m’interrogez sur les conditions de recours à la sous-traitance dans les marchés publics. Aussi, je tenais à préciser plusieurs points.
Les dispositions existantes permettent déjà aux acheteurs de connaître les sous-traitants d’un marché. La loi relative à la sous-traitance, récemment codifiée dans le code de la commande publique, impose en effet aux titulaires de marchés publics de faire accepter par l’acheteur chacun de leurs sous-traitants. Elle leur impose également de faire agréer par l’acheteur les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance.
Ainsi, lorsqu’une entreprise envisage d’avoir recours à des sous-traitants pour l’exécution d’un marché, elle doit déclarer, soit au moment du dépôt de son offre, soit en cours d’exécution du contrat, la nature des prestations sous-traitées, le nom et l’adresse du sous-traitant, le montant maximal des sommes à lui verser et les conditions de paiement prévues dans le sous-traité. En cas de sous-traitance occulte, l’acheteur a au demeurant l’obligation de mettre en demeure son cocontractant de régulariser la situation de son sous-traitant.
Les dispositions existantes permettent également aux acheteurs de lutter d’ores et déjà contre la sous-traitance pratiquée à des prix anormalement bas. C’est très important pour répondre à votre attente, monsieur le sénateur. Lorsque le montant des prestations sous-traitées est anormalement bas, l’acheteur peut ainsi exiger que le sous-traitant justifie son prix ou les coûts proposés dans le sous-traité. À défaut de justification suffisante, ou s’il est établi que la sous-traitance est anormalement basse parce qu’elle contrevient à la réglementation applicable en matière environnementale et sociale, ou encore au droit du travail, l’acheteur est tenu de refuser le sous-traitant concerné.
Ainsi, le droit de la commande publique en vigueur permet déjà aux acheteurs publics de s’assurer que le recours à la sous-traitance dans les marchés publics n’est pas susceptible de créer des situations de concurrence déloyale, notamment à l’égard des PME françaises, ou de compromettre la bonne exécution du marché.
J’estime qu’il faut à présent que de telles dispositions soient mise en œuvre dans leur plénitude afin de répondre pleinement aux situations que vous signalez, qui sont effectivement anormales.
Quant à l’idée d’imposer au titulaire d’un marché public de conserver les entreprises sous-traitantes présentées dans son offre initiale, si elle paraît intéressante, sa mise en pratique se heurterait à la réalité de l’exécution. On rencontre des changements dans la vie des entreprises. L’exécution d’un contrat peut se heurter à de nombreux aléas, qui imposent que les relations d’affaires entre entreprises bénéficient d’une certaine souplesse. Il serait embêtant de devoir repasser un marché public parce que l’un des sous-traitants initialement proposés ferait défaillance.
Je peux en tout cas vous assurer, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est très attentif à la question de la sous-traitance. Ce sujet sera examiné lors des prochains travaux menés par l’Observatoire économique de la commande publique. J’assisterai d’ailleurs personnellement à ces travaux le 4 juillet prochain.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, je vous prie de vous montrer, dans vos prochaines réponses, plus attentive au respect de votre temps de parole.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.
M. Martial Bourquin. Ce problème est reconnu par l’ensemble des entreprises et des filières professionnelles. Les mesures adoptées par le Luxembourg sont conformes au droit européen : on fait figurer dans les marchés publics leur titulaire, mais aussi ses sous-traitants.
J’ai assisté à un très grand chantier public, à l’hôpital de Belfort-Montbéliard, où deux grandes entreprises générales françaises ont délégué leurs tâches à des dizaines d’entreprises européennes ; à côté de cela, nos PME restaient sans travail ! Il faut prendre ce problème à bras-le-corps et le régler : ce qu’a fait le Luxembourg, je pense que nous pouvons le faire !
protection des marques de territoire
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 813, transmise à M. le ministre de l’économie et des finances.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de mieux protéger les marques de territoire.
L’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, a récemment rejeté l’opposition introduite par la communauté de communes de l’Île-de-Noirmoutier à l’encontre d’une marque, au motif que l’établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, n’est pas une collectivité territoriale au sens de l’article 72 de la Constitution et qu’il n’est donc pas habilité à agir. En effet, l’article précité limite les collectivités territoriales aux seuls « communes, départements, régions, collectivités à statut particulier et collectivités d’outre-mer ».
Aujourd’hui, l’alinéa h) de l’article L. 711–4 du code de la propriété intellectuelle interdit tout dépôt portant atteinte « au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale ». L’exploitation du nom d’une collectivité est parfois abusive ou susceptible de créer une confusion dans l’esprit du public et de nuire à l’image des territoires.
En 2012, une proposition de loi visant à mieux protéger les indications géographiques et les noms des collectivités territoriales a été rejetée. Elle prévoyait de modifier l’article L. 712–4 du code de la propriété intellectuelle, afin d’instaurer une obligation d’informer une collectivité locale de tout projet d’utilisation de son nom ou de ses signes distinctifs, notamment à des fins commerciales. Un tel dispositif aurait permis aux collectivités d’agir contre ce type d’usurpation d’identité, de protéger l’identité de leur territoire, mais aussi de défendre leurs spécificités culturelles et économiques et, par conséquent, de soutenir leur économie locale.
Dans un contexte où nos collectivités se sentent de plus en plus délaissées, je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, ce que le Gouvernement entend faire pour protéger les marques de nos territoires. Je vous demande également de bien vouloir prendre en compte la nécessité de reconnaître les EPCI en qualité de collectivité territoriale au sens de l’article 72 de la Constitution.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Annick Billon, le nom d’une collectivité ou d’un regroupement de collectivités participe de l’identité d’un territoire. Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale doivent être en mesure de se défendre contre les usurpations mercantiles de leur nom ou de leur image.
Depuis la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, les collectivités territoriales peuvent s’opposer aux dépôts de marque qui porteraient atteinte à leur nom, à leur image, ou à leur renommée, ainsi qu’aux atteintes à une indication géographique qui comporterait leur nom.
Un droit d’alerte gratuit a également été créé au bénéfice des collectivités territoriales et des EPCI, qui peuvent demander à l’Institut national de la propriété industrielle de les alerter en cas de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination. Cependant, le droit d’opposition est resté limité aux collectivités territoriales : comme vous le soulignez à juste titre, madame la sénatrice, cette possibilité n’est pas ouverte aux EPCI en l’état actuel du droit.
Afin de mieux protéger les marques de territoires, le droit de former opposition à l’encontre de demandes d’enregistrement de marques contenant leur dénomination sera étendu aux EPCI par l’ordonnance qui transposera, à l’automne prochain, la directive Marques du 16 décembre 2015. L’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce point est inscrite à l’article 201 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Je crois donc que nous répondons très directement à votre question.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de cette réponse. Nous sommes évidemment d’accord sur le constat : vous l’avez bien vu, aucune solution n’existe à présent. Vous me donnez aujourd’hui la garantie qu’une ordonnance permettra, à l’automne, de combler ce vide ; elle devrait apporter une réponse claire à la question soulevée par la communauté de communes de l’Île-de-Noirmoutier et par son président, Noël Faucher. Je vous en remercie.
assujettissement aux impôts commerciaux des syndicats informatiques
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, auteure de la question n° 776, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Maryse Carrère. Madame la secrétaire d’État, au travers de cette question, je souhaite appeler votre attention sur les syndicats informatiques intercommunaux, créés par les collectivités pour les collectivités.
Ces syndicats informatiques de forme mixte et ouverte, à l’image de l’Agence de gestion et de développement informatique, l’Agedi, sont des acteurs incontournables à l’heure de la dématérialisation. Ils permettent la diffusion, à des prix avantageux, de logiciels à destination, notamment, des petites communes.
Cependant, ces syndicats sont aujourd’hui en danger. Leur assujettissement aux impôts commerciaux, en particulier à l’impôt sur les sociétés, pèse en effet lourd sur leur trésorerie.
L’Agedi n’exerce pas son activité, au vu des prix qu’elle pratique, de la même manière qu’une société commerciale ; il paraît donc disproportionné qu’elle soit soumise à l’impôt sur les sociétés, alors même que les services rendus par les logiciels dont ces syndicats assurent la diffusion apparaissent indispensables à l’exécution des certains services publics.
Le 17 juin, les responsables de l’Agedi ont été reçus par vos services ; ils ont pu expliquer la logique mutualiste de leur syndicat, ainsi que le rôle de proximité et d’assistance qu’il joue auprès de collectivités parfois isolées et dépourvues de moyens financiers et humains dans le domaine du numérique.
À l’issue de cet entretien, vos services ont indiqué que la décision d’assujettissement ou non de ce syndicat informatique aux impôts commerciaux serait vraisemblablement prise par votre ministère.
Aussi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer si vous êtes parvenue à une décision à ce jour ? À l’avenir, les syndicats informatiques seront-ils assujettis aux impôts commerciaux ? Pouvez-vous aussi nous faire savoir de quelles pistes législatives et réglementaires nous disposons pour rendre possible la prospérité de ces syndicats ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Maryse Carrère, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la fiscalité applicable aux syndicats mixtes exerçant des activités dans le domaine informatique et, notamment, à l’Agedi, qui a fait l’objet en 2017 d’un rapport d’observations définitif de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France.
D’une manière générale, le régime fiscal applicable aux personnes morales de droit public résulte non pas de leur statut juridique, mais de la nature des activités qu’elles exercent. Ainsi, ces personnes morales, telles que les syndicats mixtes, sont soumises aux impôts commerciaux lorsqu’elles exercent une activité lucrative, c’est-à-dire une activité concurrentielle réalisée dans des conditions similaires à celles d’une entreprise commerciale. Pour apprécier le caractère lucratif de l’activité, sont examinés les produits proposés, le public visé, les prix pratiqués, ainsi que la publicité réalisée.
Même lorsque le critère de lucrativité est satisfait, les syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales, ou de groupements de ces collectivités, peuvent, conformément à une jurisprudence constante, bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés si les services rendus sont indispensables à la satisfaction des besoins collectifs de la population.
Tel n’est pas le cas, en revanche, lorsque leur activité répond à un intérêt purement économique et financier, ou que sa vocation principale est de satisfaire des besoins propres à telle ou telle catégorie d’intéressés.
La détermination du régime fiscal applicable suppose donc l’examen, au cas par cas, de la nature des activités exercées et de leur mode d’exploitation.
Pour des raisons tenant au secret fiscal, il ne m’est pas possible de vous communiquer des informations relatives à la situation fiscale particulière de tel ou tel contribuable. Je voulais simplement préciser de nouveau le cadre général dans lequel ce type de situations est apprécié.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour la réplique.
Mme Maryse Carrère. Un syndicat comme l’Agedi permet aussi d’assurer un service public dans un contexte où il n’existe pas d’offre privée abondante, ce qui laisse les collectivités soumises à des pratiques de prix trop souvent exorbitantes et inabordables pour les plus petites d’entre elles. Merci de prendre en compte cette spécificité : cela est absolument nécessaire !
respect de l’obligation de dépôt des comptes pour les entreprises outre-mer bénéficiaires d’un avantage fiscal
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, auteur de la question n° 852, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Michel Magras. Madame la secrétaire d’État, le code général des impôts subordonne l’octroi de l’avantage fiscal pour investissement productif outre-mer au respect de l’obligation de dépôt des comptes dans le délai de trente jours prévu aux articles L. 232–21 à L. 232–23 du code de commerce.
Toutefois, l’administration applique une interprétation particulièrement restrictive de cette règle, ce qui conduit à une multiplication des redressements fiscaux, de manière doublement pénalisante.
Un seul manquement prive ainsi définitivement l’exploitant du bénéfice de l’aide fiscale et, donc, d’une source de financement de ses investissements ; quant à l’investisseur, qui n’a pas la possibilité de vérifier que l’exploitant a bien satisfait à ses obligations, il se voit contraint de rembourser la déduction fiscale.
On sait en outre que le fonctionnement des greffes des tribunaux et le nombre limité d’experts-comptables dans les départements d’outre-mer peuvent expliquer que le délai de trente jours ne soit pas toujours respecté par les exploitants.
Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause l’obligation de dépôt des comptes dans les délais, ou encore la conditionnalité de l’aide fiscale.
Il n’en reste pas moins que, en l’absence de délimitation dans le temps de la régularité au regard du dépôt des comptes prise en compte pour l’octroi de l’aide, la sanction risque d’être appliquée ad vitam aeternam, ou au cas par cas.
Seront ainsi sanctionnés indifféremment un entrepreneur ayant dépassé le délai d’un jour et un exploitant victime du retard de son expert-comptable comme un entrepreneur négligent.
L’absence de possibilité de régularisation s’inscrit surtout à rebours du droit à l’erreur, qui vient d’être inscrit dans notre législation. Surtout, la privation définitive d’aide fiscale ne s’applique qu’aux investissements outre-mer.
Le Gouvernement envisage-t-il de remédier à cette situation ? Une lecture bienveillante de cette règle n’est-elle pas concevable ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Michel Magras, comme vous l’indiquez, les articles 199 undecies B, 217 undecies et 244 quater W du code général des impôts prévoient que le bénéfice de l’avantage fiscal pour investissement productif outre-mer est subordonné au respect par les sociétés commerciales réalisant l’investissement et par les entreprises exploitantes, à la date de réalisation de l’investissement ou de la souscription, de leurs obligations fiscales et sociales et de l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels au greffe du tribunal dans le mois suivant leur approbation par l’assemblée ordinaire des associés ou l’assemblée générale des actionnaires.
La publicité des comptes de l’entreprise, qui constitue une obligation prévue par le code de commerce pour toutes les entreprises, permet aux investisseurs de s’assurer que l’exploitant est en mesure d’exploiter le bien et de respecter l’ensemble des obligations administratives auxquelles il est tenu. Il convient notamment de rappeler que l’investissement doit être exploité pendant une période de cinq ans.
Il n’est donc pas envisagé de modifier une telle condition, garante de la sécurité juridique des investisseurs et des exploitants.
Concernant plus particulièrement les difficultés pratiques de dépôt des bilans annuels auprès des greffes des tribunaux de commerce, il est rappelé que les sociétés ont la possibilité de déposer leurs comptes par voie électronique, dans un délai de deux mois suivant leur approbation.
Dans les cas où des dysfonctionnements avérés du greffe du tribunal de commerce seraient constatés et sous réserve que le contribuable de bonne foi justifie de l’accomplissement de la formalité de dépôt dans les délais requis, l’avantage fiscal ne sera pas remis en cause.
La direction générale des finances publiques se chargera de mettre en œuvre cette solution et d’en assurer la publicité adéquate.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour la réplique.
M. Michel Magras. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Je veux juste évoquer la réalité outre-mer. Il est hors de question, pour nous, de chercher à ne pas appliquer le droit dans nos territoires, mais il est nécessaire que la loi s’y applique de manière différenciée, pour des raisons qui sont bien connues.
J’ai déjà déposé, à deux reprises, un amendement de précision à cette fin sur des projets de loi de finances ; s’il le faut, je le ferai de nouveau cette année.
Il y a deux ans, déjà, M. Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, avait déclaré que l’objet de mon amendement était en réalité une simple question d’interprétation des textes fiscaux ; il s’était engagé à améliorer la doctrine administrative. Vous venez de faire la même chose. J’espère simplement que le Gouvernement tiendra sa parole.
pêcheurs des lacs alpins en péril
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, en remplacement de M. Loïc Hervé, auteur de la question n° 753, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, mon collègue Loïc Hervé, sénateur de la Haute-Savoie, est empêché d’assister à notre séance ce matin par la préparation de la commission mixte paritaire qui se réunira jeudi prochain sur le projet de loi de transformation de la fonction publique. Il m’a donc demandé de le représenter.
M. Hervé souhaitait vous interroger sur la tarification des autorisations d’occupation temporaire du domaine public délivrées aux pêcheurs professionnels des lacs alpins au titre de l’exercice de leur activité économique.
Le montant de la redevance due par le titulaire de cette autorisation est fixé par la direction départementale des finances publiques. Elle est constituée d’une part fixe, mais aussi, depuis 2015, d’une part variable indexée sur le chiffre d’affaires des acteurs économiques.
Cette redevance est exigée des 70 pêcheurs professionnels des lacs alpins, principalement constitués en entreprise individuelle. Elle menace très fortement la pérennité de ces petites exploitations qui font pourtant la renommée de la gastronomie haut-savoyarde. Le directeur départemental des finances publiques attend des éléments de réponse à cette saisine pour se positionner définitivement.
Les pêcheurs professionnels des lacs alpins sont les gardiens des ressources naturelles de ces lacs ; ils veillent à leur biodiversité, notamment par la pratique de l’alevinage. Ce métier a su attirer de jeunes passionnés que la rudesse, la précarité et la pénibilité du travail n’ont pas découragés. Aujourd’hui, ils ont besoin d’être entendus et soutenus, car déjà certains restent à quai.
Aussi, Loïc Hervé vous demande, madame la secrétaire d’État, si vous envisagez de reconsidérer le bien-fondé économique et social de cette taxation : elle met en effet en péril une activité séculaire fragile qui ne permet plus de mener une vie décente. Madame la secrétaire d’État, « le pessimiste se plaint du vent, l’optimiste espère qu’il va changer, le réaliste ajuste ses voiles ». Alors, quelle direction entendez-vous prendre ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, M. Loïc Hervé m’interroge sur la situation des pêcheurs des lacs alpins, à laquelle mes services m’ont à plusieurs reprises sensibilisée.
Je tiens tout d’abord à préciser qu’il est bien question ici d’appliquer à ces pêcheurs une redevance domaniale, qui constitue une simple contrepartie financière de l’utilisation privative du domaine public.
La redevance domaniale permet à l’État de valoriser son domaine public naturel. Elle est constituée d’une part fixe et d’une part variable. Elle permet d’appréhender les avantages de toute nature qui sont procurés à ceux qui exploitent le domaine public, à savoir, pour les pêcheurs alpins, le lac Léman et le lac d’Annecy.
C’est en ce sens que, depuis plusieurs années, dès lors qu’il est question d’une activité économique, une part variable, indexée sur le chiffre d’affaires, est appliquée lors du calcul des redevances par les services de la direction générale des finances publiques. La fixation des redevances relève de la compétence locale des directeurs départementaux des finances publiques.
J’ai bien entendu donné à ces derniers la consigne de faire preuve de discernement et de tenir compte des conditions d’exercice de l’activité économique.
C’est dans cet esprit qu’une concertation a eu lieu, dans le département de la Haute-Savoie, entre le directeur départemental des finances publiques et la douzaine de pêcheurs professionnels dont la situation a été signalée. Cette concertation a permis de fixer des taux allant de 0,75 % à 2,5 % de leur chiffre d’affaires pour la part variable de la redevance. J’ai examiné attentivement ces taux avec mes services. Soyez convaincue, madame la sénatrice, qu’ils sont déjà très favorables par rapport à ce qui est préconisé !
Malgré l’intérêt que j’attache à l’activité des pêcheurs alpins, vous comprendrez que, pour des raisons d’équité entre les utilisateurs du domaine public, je ne puisse aller au-delà de ces taux mesurés, et encore moins supprimer la part variable.
M. le président. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de respecter votre temps de parole. Je suis sûr que M. Laurent Nunez fera mieux !
La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Même si, comme l’ont souligné mes collègues, je ne suis pas spécialiste de la pêche dans les lacs alpins, le littoral vendéen m’étant plus familier, j’ai bien compris, madame la secrétaire d’État, que vous n’étiez pas disposée à modifier les taux applicables à ces pêcheurs, qui vous semblent déjà favorables.
Cette réponse demeure donc, aux yeux du sénateur Loïc Hervé, totalement insuffisante au regard du contexte économique et social qu’endurent les pêcheurs professionnels des lacs alpins. Rappelons qu’ils n’ont pas le même statut que leurs confrères suisses avec lesquels ils partagent le lac Léman. Ils ont besoin non pas d’un coup d’épée dans l’eau, mais d’un horizon : vous aurez compris que mon collègue Loïc Hervé aime les chutes ! (Sourires.)
mode de scrutin dans les communes de moins de mille habitants
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, auteur de la question n° 624, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Alain Cazabonne. Monsieur le secrétaire d’État, je veux, au travers de cette question, me faire le porte-parole d’un certain nombre de maires de petites communes.
Ma question fait suite à la modification de la législation électorale opérée par la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral.
Cette loi impose désormais aux communes de 1 000 habitants et plus de présenter des listes paritaires. Or les maires ruraux ont de très grandes difficultés à constituer des listes paritaires. Dans la commune de Maransin, aux dernières élections, le maire lui-même était tout juste arrivé à assembler une liste ; la liste d’opposition n’a quant à elle pas pu se créer. Depuis lors, j’ai rencontré une vingtaine de maires de mon département qui rencontrent tous de très grandes difficultés à constituer des listes paritaires.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, y aurait-il d’éventuelles pistes de modification de la loi électorale ? Peut-être pourrait-on faire passer ce seuil de 1 000 à 2 000 ou à 2 500 habitants.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Cazabonne, en étendant l’application du scrutin de liste paritaire à toutes les communes comptant 1 000 habitants et plus, la précédente majorité avait deux objectifs légitimes.
Le premier de ces objectifs était de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller municipal. Depuis que les listes de candidats doivent obligatoirement respecter le principe de parité, la proportion de femmes parmi les conseillers municipaux s’est considérablement accrue. De 33 % après les élections de 2001 et de 35 % après celles de 2008, elle est passée à 40 % après le renouvellement de 2014.
L’impact de cette mesure sur la parité amène d’ailleurs certains à proposer aujourd’hui d’abaisser encore le seuil d’application du scrutin de liste, voire de le supprimer pour que ce scrutin s’applique dans toutes les communes de France.
Le second objectif de la réforme était de renforcer le lien entre les citoyens et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. En effet, les conseillers communautaires sont désormais élus au suffrage universel, par fléchage, lors des élections municipales au scrutin de liste, ce qui améliore la lisibilité de leur élection et accroît leur légitimité démocratique.
Il s’agit d’une réforme importante pour la gouvernance territoriale. Le dispositif de fléchage au moment des élections municipales a ainsi remplacé la désignation des conseillers communautaires par les conseillers municipaux et parmi eux.
Ce processus garantit à la fois la pleine expression du suffrage universel direct et le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. C’est pourquoi le scrutin de liste a été étendu, pour les élections municipales, à l’ensemble des communes de 1 000 habitants et plus.
Vous soulignez, monsieur le sénateur, les difficultés qu’a parfois engendrées cette évolution législative, notamment pour les communes les plus rurales. Ces difficultés sont réelles ; j’en ai bien conscience. Toutefois, elles demeurent limitées. En 2014, seule une commune de France, dans le département de la Gironde, s’est trouvée dépourvue de candidats. Le préfet a nommé une délégation spéciale chargée d’administrer la commune et d’organiser de nouvelles élections, à l’issue desquelles le conseil municipal a pu être renouvelé.
Ainsi, l’abaissement du seuil à 1 000 habitants a permis d’atteindre les objectifs recherchés tout en représentant un équilibre tenant compte des réalités locales. C’est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, le remettre en cause.
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.
M. Alain Cazabonne. Je ne peux qu’enregistrer votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, dont je comprends tout à fait la philosophie. Il n’en reste pas moins qu’on risque, à terme, d’atteindre une situation où aucune des listes présentées ne sera paritaire, ce qui pose tout de même un problème d’engagement citoyen et de démocratie. Je comprends qu’on règle cela à l’échelon national, de manière statistique, mais il y a une vraie difficulté dans les communes extrêmement rurales.
levée du moratoire sur les machines à voter
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 723, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur les suites à donner au rapport d’information intitulé Réconcilier le vote et les nouvelles technologies, que ma collègue Jacky Deromedi et moi-même avons rédigé et présenté à la commission des lois le 24 octobre dernier.
Depuis 2008, les préfets n’autorisent plus de nouvelles communes à s’équiper de machines à voter et l’État n’agrée plus aucune machine, ce qui altère la sécurisation du dispositif. Pourtant, au cours des travaux de notre mission d’information, aucun acteur institutionnel ni aucun informaticien n’a pu démontrer le manque de fiabilité des résultats électoraux dans les communes qui utilisent des machines à voter.
Aussi, en complément de la levée du moratoire recommandée par le rapport sénatorial, il a été suggéré la mise en place d’un groupe de travail tripartite chargé d’améliorer la sécurisation des machines à voter.
Ce groupe de travail réunirait le ministère de l’intérieur, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’Anssi, et les communes utilisatrices. Il pourrait notamment participer à l’actualisation du règlement technique de 2003, compte tenu des évolutions technologiques survenues depuis une quinzaine d’années. En outre, des procédures supplémentaires pourraient être envisagées pour sécuriser l’opération de paramétrage des machines à voter.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que les représentants des communes utilisatrices se sont tous déclarés pleinement satisfaits des machines à voter lors des auditions que nous avons menées. Je vous demande donc de mettre en place ledit groupe de travail afin d’avancer, enfin, sur ce dossier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Détraigne, en 2007, à l’issue d’un travail approfondi associant le Conseil d’État, des représentants des collectivités territoriales et des usagers, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et le ministère de l’intérieur, un moratoire a été adopté, avec pour effet de geler le périmètre des communes autorisées à se doter de machines à voter.
Depuis une dizaine d’années, leur usage suscite des interrogations croissantes en France, mais également chez nos partenaires européens.
Le rapport que vous avez rédigé avec Mme Deromedi préconise de mettre un terme à ce moratoire afin de permettre à de nouvelles communes de s’équiper de machines à voter. Il s’agit là d’une nouvelle contribution venant enrichir des débats d’experts aussi nourris que divergents dans leurs analyses.
Si les machines à voter présentent des avantages indéniables en termes de facilitation du processus de dépouillement, il existe des « inconvénients majeurs avérés », ainsi que le soulignent les conclusions du rapport d’information de la mission sénatoriale sur le vote électronique rédigé par MM. Anziani et Lefèvre voilà cinq ans.
Cette mission d’information mettait notamment en cause l’impossibilité pour l’électeur de contrôler la légalité de l’expression de son suffrage et l’altération du rituel républicain qui associe les citoyens aux opérations de dépouillement. Ces réserves justifiaient la pérennisation du moratoire.
Le rapport récent de l’Observatoire du vote sur les scrutins présidentiel et législatif de 2017 souligne, quant à lui, une fragilité des machines dans le décompte des voix.
Ces études ne préjugent pas la décision qui sera prise, mais montrent la complexité du sujet. Cette complexité est d’ailleurs accrue avec le niveau élevé des risques cyber, qui sont renforcés par l’obsolescence technique d’une part prépondérante du parc ainsi que par l’importance du risque inhérent aux opérations de paramétrage des machines, préalable aux opérations de vote à proprement parler.
Soucieux à la fois de « réconcilier le vote et les nouvelles technologies », pour reprendre le titre de votre rapport d’information, monsieur le sénateur, et de préserver la confiance des citoyens dans les conditions d’exercice du droit de vote, le Gouvernement poursuit son travail d’examen du cadre applicable aux machines à voter.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.
M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que l’on ne se contente plus de réfléchir, mais que l’on avance ! Dans les pays où les machines à voter fonctionnent, il n’y a aucun problème ! C’est prouvé.
On a une impression d’inertie. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage : on trouve toujours quelque chose à redire pour ne pas s’engager dans cette voie. Pourtant, il faut avancer et vivre avec son temps.
situation précaire des mineurs étrangers non accompagnés
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 791, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le secrétaire d’État, depuis l’adoption de la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018, les mesures de répression se sont renforcées pour tenter d’éloigner toujours plus les personnes étrangères de notre pays. Parmi les dispositions les plus choquantes, on trouve le doublement de la durée maximale de rétention, passant de 45 à 90 jours : aucun gouvernement français n’avait jusque-là proposé une telle durée de privation de liberté pour décourager les demandeurs d’asile.
Plus grave encore, cette politique répressive s’applique également aux mineurs. Depuis 2017, ce sont plus de 500 mineurs étrangers innocents qui ont été enfermés dans des centres de rétention administrative en France métropolitaine – un chiffre qui fait froid dans le dos.
Dans cette folie sécuritaire, le Gouvernement semble avoir oublié un principe fondamental : avant d’être des étrangers, des exilés, il s’agit d’enfants que nous devons protéger comme nos enfants.
La France se rend ici coupable d’une violation caractérisée des droits de l’enfant, comme en attestent les six condamnations prononcées par la Cour européenne des droits de l’homme depuis 2012 à l’endroit de notre pays pour des mesures d’enfermement de mineurs.
Nous pourrions pourtant faire le choix d’un accueil digne, le choix de la fraternité, et accueillir dignement ces enfants en leur apportant un accès rapide et effectif à leurs droits, en faisant de la protection de l’enfance une priorité et en aidant les départements à renforcer les moyens dédiés à l’aide sociale à l’enfance, aujourd’hui à bout de souffle.
Ces difficultés d’accès aux droits conduisent parfois à des situations dramatiques de maltraitance caractérisée. J’ai pu le dénoncer récemment, en saisissant le Défenseur des droits sur les graves dysfonctionnements constatés dans un centre d’hébergement pour mineurs dans le département du Rhône.
Monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous protéger ces enfants dans le respect de nos droits fondamentaux ? Comment comptez-vous garantir à ces enfants et adolescents un accueil digne, une information sur leurs droits, un hébergement, un accès aux soins et à la scolarité, en conformité avec la loi et les engagements internationaux de la France ? Comment comptez-vous répondre aux difficultés soulevées par les institutions chargées de la protection de l’enfance, confrontées à une lourdeur administrative doublée d’un manque de moyens criant pour mettre à l’abri et accompagner ces enfants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, le nombre de personnes évaluées comme mineurs non accompagnés et confiés aux services de protection de l’enfance a fortement augmenté ces quatre dernières années, passant de 5 590 en 2015 à 17 022 en 2018.
Toutefois, ces chiffres ne rendent qu’imparfaitement compte de la situation. Ainsi, en 2017, les départements ont estimé avoir procédé à 54 000 évaluations de minorité pour moins de 15 000 personnes en besoin de protection, la plupart des demandeurs étant évalués comme majeurs, je tiens à le rappeler. La quasi-totalité des départements ont fait part de la saturation de leurs dispositifs d’évaluation et de prise en charge, avec des incidences sur la qualité du service rendu par les services de la protection de l’enfance.
Un dialogue entre l’État et les départements a permis d’aboutir, le 17 mai 2018, à un accord qui renforce l’engagement financier et opérationnel de l’État à leurs côtés. Ainsi, l’État apportera une aide financière concentrée sur la phase d’accueil et d’évaluation, avec 500 euros par jeune à évaluer. S’y ajouteront 90 euros par jour pour l’hébergement pendant quatorze jours, puis 20 euros du quinzième au vingt-troisième jour.
L’État apportera également un appui à l’évaluation de la minorité, dont vous n’avez absolument pas parlé dans votre question, monsieur le sénateur, alors que c’est le cœur du problème. À cette fin, le décret du 30 janvier 2019, pris après avis public de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, prévoit un traitement de données biométriques des personnes se déclarant mineures. Cet outil permettra ainsi de lutter contre les personnes majeures se présentant dans différents départements. Le dispositif présente toutes les garanties de nature à protéger les données personnelles des personnes concernées.
La procédure d’évaluation sera fiabilisée et les délais seront réduits pour accélérer le placement des mineurs et éviter le détournement de la protection de l’enfance, afin de recentrer les moyens sur ceux qui en relèvent effectivement.
L’État mène les actions nécessaires pour traiter la problématique de manière globale, de la lutte contre les filières à l’admission au séjour des jeunes qui sont pris en charge. Chaque personne évaluée mineure bénéficie d’une prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance pour faciliter son intégration dans la société française.
Enfin, l’État organise une répartition des étrangers reconnus mineurs. Il apporte un financement complémentaire dans le respect de la politique décentralisée de la protection de l’enfance.
Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur. Pour répondre à l’une de vos interrogations, je vous rappelle – mais vous ne pouvez l’ignorer – que les conditions de rétention des mineurs sont extrêmement encadrées et que cette rétention demeure tout à fait exceptionnelle.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le secrétaire d’État, je me suis rendu sur place pour évaluer les conditions d’encadrement des mineurs dont vous parlez.
Pour l’instant, la seule réponse apportée par l’État est une fermeté aveugle destinée à durcir de manière abusive les procédures d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, procédures invalidées à plusieurs reprises par les tribunaux, lesquels mettent en évidence le caractère douteux des méthodes utilisées, notamment les tests osseux.
Monsieur le secrétaire d’État, il est temps que la France fasse vivre la devise de sa République et se conforme aux engagements de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est simple : il suffit d’interdire l’enfermement des mineurs et de garantir un accès effectif à leurs droits. En effet, hormis la communication gouvernementale, on distingue mal ce qui différencie votre politique de celle qui est conduite de l’autre côté des Alpes…
prise de rendez-vous à la préfecture du val-de-marne
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 794, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les difficultés que rencontrent les étrangers pour prendre rendez-vous en ligne sur le site internet de la préfecture du Val-de-Marne, située à Créteil. Qu’il s’agisse de déposer une première demande, de demander le renouvellement d’un visa étudiant ou la nationalité française, les messages sont toujours les mêmes – « Aucun rendez-vous n’est disponible actuellement pour le motif sélectionné. Veuillez vous reconnecter ultérieurement. Il est inutile de vous déplacer. » –, et ce quels que soient l’heure et le jour où l’on se connecte ; j’ai moi-même essayé avant de poser cette question.
La mise en place de ces rendez-vous par internet a permis d’éviter les immenses files d’attente plusieurs heures avant l’ouverture dont nous avions tous honte, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse très chaud. Toutefois, le système n’a pas permis aux étrangers de bonne volonté qui veulent se mettre en règle de le faire.
J’ai interpellé chacun des préfets successifs depuis plusieurs années. Avec une grande constance, ils m’ont tous fait la même réponse : les plages de rendez-vous sont rouvertes en fonction de la capacité d’accueil des guichets. Cela se comprend, mais comment voulez-vous éviter les dérives, comme en Seine-Saint-Denis où les rendez-vous sont vendus au marché noir ?
Monsieur le secrétaire d’État, quelles dispositions allez-vous prendre pour modifier le système et l’adapter à ce qui est une particularité de la région parisienne, en particulier de mon département et de celui du 93, à savoir une très forte demande ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Catherine Procaccia, la préfecture du Val-de-Marne traite un volume important de dossiers – 500 000 par an – et les flux physiques représentent en moyenne 1 500 usagers par jour. Cette activité génère encore des conditions d’accueil insatisfaisantes, j’en conviens. C’est également le cas dans d’autres départements de la petite couronne.
Aussi, depuis 2018, a été mené un important travail d’amélioration des conditions d’accueil à la préfecture du Val-de-Marne. Les horaires du préaccueil de la préfecture ont ainsi été modifiés pour renforcer la capacité de traitement des courriels, réduire les délais de réponse et créer de nouvelles plages de rendez-vous.
En outre, la préfecture du Val-de-Marne va expérimenter le nouveau dispositif « Démarches simplifiées » sur les procédures de délivrance des titres de voyage pour réfugiés et des passeports « talent ». Via une plateforme dédiée, l’usager pourra déposer en ligne son dossier, lequel pourra être directement traité par l’agent instructeur. Le nombre de passages au guichet en sera ainsi limité et le dialogue avec la préfecture facilité.
Le module de prise de rendez-vous mis en ligne a évolué pour améliorer les conditions d’accueil sur les trois sites, grâce à une meilleure gestion des files d’attente depuis le mois de novembre 2018.
Les plages de rendez-vous sont mises en ligne, pour une période de quatre semaines glissantes. Ainsi, les guichets concernés accueillent chaque jour, au maximum de leur capacité, les usagers qui ont pris leur rendez-vous en ligne sur ce module.
S’agissant du phénomène de captation massive des rendez-vous via des robots ou des particuliers rémunérés à cet effet, qui s’accompagne de la vente illégale de créneaux de rendez-vous, un dispositif anti-robot a été mis en place depuis le mois de mai dernier afin de sécuriser le module actuel.
Le ministère travaille également à la conception d’un nouveau module de rendez-vous encore plus performant.
Enfin, de nombreuses mesures ont été prises pour limiter les déplacements des usagers, tout en sécurisant leur situation administrative. La durée du premier récépissé est ainsi passée de trois à six mois et le développement des titres de séjour pluriannuels a été encouragé. Ainsi, en 2018, 9 232 cartes de séjour pluriannuelles ont été délivrées par la préfecture du Val-de-Marne.
Telles sont, madame la sénatrice, les actions qui ont été entreprises. Je vous assure que les agents de la préfecture restent pleinement mobilisés pour assurer leurs missions de service public.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai aucun doute sur le fait que les agents de la préfecture font leur travail ! Le problème, c’est l’afflux de demandes dans quelques départements de la région parisienne.
Vous parlez d’un nouveau système qui se met actuellement en place. Je ne peux qu’espérer qu’il facilite les choses. Hélas, depuis des années, on essaie d’améliorer la situation, sans succès.
Ne pouvez-vous donc envisager de décentraliser un certain nombre de demandes ? Nous sommes en région parisienne. Le Gouvernement lui-même attire un certain nombre d’étrangers. Orientons-les vers des préfectures où les prises de rendez-vous puissent être effectives. Je rappelle que, la plupart du temps, le contrôle des étrangers ne se fait que sur pièces.
Enfin, allez-vous créer un délit de revente d’un service gratuit ? Il n’est tout de même pas normal que certains revendent un service qui devrait se prendre automatiquement sur internet et sans payer !
agressions de sapeurs-pompiers
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 605, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le secrétaire d’État, sept syndicats de sapeurs-pompiers représentant 85 % des personnels ont entamé une grève reconductible jusqu’à la fin du mois d’août. Leurs revendications sont nombreuses : augmentation des effectifs, revalorisation des salaires et des primes, amélioration des conditions de travail, santé et, bien entendu, sécurité.
Les chiffres du dernier rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales témoignent d’une nouvelle et inquiétante progression des violences envers les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires en 2017.
Agressions physiques ou verbales, jets de projectiles, menaces de mort parfois génèrent blessures physiques ou morales, arrêts de travail, dommages matériels. Cela affecte l’organisation des secours et traumatise des femmes et des hommes dont la vocation et l’engagement sont de porter secours et d’assister les personnes en détresse.
La très forte progression de ces actes est aussi à mettre en rapport avec l’augmentation du nombre des interventions. Depuis 2018, ces dernières ont augmenté de 15 %. Dans la même période, le nombre d’agressions a triplé. Les effectifs, eux, ont diminué de 1 %.
Davantage encore, c’est la nature même de ces interventions qui a profondément évolué. Les sapeurs-pompiers interviennent aujourd’hui en lieu et place d’autres services de santé ou de sécurité.
Dans bien des endroits, ils sont seuls en première ligne et sont le seul service public qui reste. Ils se retrouvent seuls face à la détresse sociale, à la détresse tout simplement, à la colère des habitants.
Ces chiffres, en progression constante année après année, interrogent nécessairement sur l’efficacité des mesures déjà en vigueur, qui n’ont manifestement pas eu les effets attendus.
La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, les organisations syndicales, les services départementaux d’incendie et de secours, pour ne citer qu’eux, ont, depuis longtemps déjà, formulé des propositions globales visant à améliorer la protection des personnels et à endiguer ces phénomènes. Toutes ces mesures ne relèvent pas du pénal ou du sécuritaire, car nous savons que le problème doit être traité dans sa globalité.
Ces propositions mériteraient très certainement d’être étudiées et retenues. Nul doute que les conclusions des travaux de la mission d’information sénatoriale sur la sécurité des sapeurs-pompiers les confirmeront et les enrichiront.
Il n’en reste pas moins qu’il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État : urgence à prendre les bonnes décisions et à agir, urgence à écouter et à entendre les propositions qui nous sont faites. Quelles réponses comptez-vous y apporter ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous l’avez rappelé, chaque jour, les sapeurs-pompiers sont mobilisés et parfois victimes d’agressions en intervention. Il s’agit de coups et blessures volontaires, de menaces et d’outrages, pour l’essentiel lors des missions de secours à personne, à la suite de différends familiaux, de conflits de voisinage ou d’accidents de la circulation. Ces actes, souvent dus à un état alcoolique, de souffrance ou de détresse psychologiques, sont parfois le fait des victimes elles-mêmes que les sapeurs-pompiers viennent secourir.
Ainsi, en 2018, 888 agressions ont été recensées. Ce nombre est en augmentation.
Plusieurs mesures ont été prises pour garantir la sécurité des sapeurs-pompiers.
D’abord, le Parlement a adopté la loi du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles, dites caméras piétons, par les autorités de sécurité publique. Elle permet d’étendre l’expérimentation du port des caméras mobiles aux sapeurs-pompiers dans le but de mieux prévenir les agressions. Bien souvent, ce dispositif fait baisser les tensions. Il s’agit d’une demande forte des sapeurs-pompiers ; l’expérimentation se mettra en place rapidement.
Ensuite, dès 2006, des protocoles opérationnels ont été mis en place par certains préfets pour améliorer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention. Ces protocoles opérationnels sont désormais étendus à l’ensemble du territoire national et visent notamment à renforcer la formation des sapeurs-pompiers à la négociation et aux techniques de défense simple et à faciliter le dépôt de plainte et l’octroi de la protection fonctionnelle. Surtout, ils organisent les dispositifs de coopération opérationnelle entre la gendarmerie nationale et la police nationale pour les points d’intervention les plus sensibles – je pense notamment au secteur urbain. Sont ainsi organisés des points de regroupement avant chaque intervention, dispositif qui fonctionne de façon tout à fait remarquable.
Enfin, face à ces agressions inacceptables, la réponse pénale doit être ferme et exemplaire. La France a ainsi renforcé son cadre juridique en aggravant les sanctions pénales à l’encontre des auteurs de violences contre les sapeurs-pompiers.
Madame la sénatrice, le Gouvernement est très attentif à cette situation. Le ministre de l’intérieur a adressé encore récemment une circulaire aux préfets pour leur rappeler l’ensemble de ces dispositifs et veiller à leur correcte application.
Soyez assurée de notre total engagement pour assurer la sécurité des sapeurs-pompiers.
dispositifs d’alerte des populations dans les communes concernées par le périmètre du plan particulier d’intervention
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 841, transmise à M. le ministre de l’intérieur.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne les dispositifs d’alerte des populations dans les communes entrant dans le périmètre du plan particulier d’intervention, le PPI. C’est le cas de plusieurs communes de mon département du Cher.
En effet, comme vous le savez, en date du 26 avril 2016, Mme Ségolène Royal, alors ministre de l’environnement, a décidé l’extension de dix à vingt kilomètres du périmètre de protection des centrales nucléaires de production électrique, ou CNPE. Cette extension s’est traduite par l’entrée de plusieurs communes du département, à l’image de Saint-Satur, dans le plan particulier d’intervention de la centrale nucléaire de production électrique de Belleville-sur-Loire, autre commune du Cher.
Un exercice-cadre d’incident à la CNPE a récemment été mené par les services de la préfecture du département. À cette occasion, les élus ont fait ressortir un certain nombre de problèmes liés au traitement de l’alerte des populations et à la prise en charge par le maire, conformément à ses prérogatives de police, du fait de doter son administration municipale d’un système moderne d’alerte automatisée – il peut s’agir d’un système d’alerte par téléphone mobile, lequel permettrait de prévenir la population par SMS.
Toutefois, un tel système a un coût, que les plus petites communes, à l’image de celles que j’ai citées, ne peuvent supporter.
C’est pourquoi je souhaite savoir si le Gouvernement envisage de mettre en place, avec le concours éventuel d’EDF, un accompagnement financier pour l’installation de nouveaux systèmes d’alerte. Il s’agit de mieux informer et de sécuriser davantage les habitants des communes concernées par le PPI.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Rémy Pointereau, en France, la responsabilité des systèmes d’alerte des populations incombe à l’État, aux collectivités territoriales ou à certains exploitants, en vue de couvrir des risques particuliers dans le cadre des plans particuliers d’intervention, notamment certains aménagements hydrauliques ou installations nucléaires.
Tout exploitant d’une installation nucléaire doit assurer la mise en place et l’entretien des moyens de diffusion de l’alerte d’urgence auprès des populations voisines des installations. Dans ce cadre, chaque exploitant assure et maintient deux systèmes : des sirènes PPI couvrant la zone de mise à l’abri dite « réflexe » et un système – téléphonique – d’alerte des populations en phase réflexe, appelé Sappre.
Au-delà de ce périmètre, la responsabilité de l’alerte incombe aux maires et à l’État.
Les communes comprises dans le rayon d’un PPI ont ainsi l’obligation d’élaborer un PCS, plan communal de sauvegarde, lequel doit prévoir les moyens d’alerte.
L’alerte des populations demeure une responsabilité du maire face à tout événement pouvant menacer la sécurité des habitants de sa commune, quelle que soit la situation et même en l’absence d’obligation d’élaborer un PCS.
Quid des moyens de l’État ? Le système d’alerte et d’information des populations comprend des sirènes installées sur des bassins de risque et déclenchées à distance. Aujourd’hui, 1 900 sirènes sont installées et raccordées, soit plus de 75 % des 2 500 sites à installer au total d’ici à fin 2021.
D’autres vecteurs sont également utilisés : les dispositifs d’automates d’appels vers les maires, le recours aux médias radio et TV, le recours aux réseaux sociaux, via les comptes des préfectures et un compte du ministère dédié à l’alerte sur Twitter, @Beauvau_Alerte.
S’agissant de l’alerte sur les téléphones mobiles, l’article 110 de la directive européenne du 11 décembre 2018 impose aux opérateurs de communications électroniques de diffuser les messages d’alerte et d’information transmis par l’État aux populations concernées. Ces dispositions, qui doivent être mises en œuvre d’ici au mois de juin 2022, sont en cours de transposition.
L’ensemble de ces moyens d’alerte et d’information par les services de l’État a toutefois vocation à compléter les moyens mis en œuvre par les communes et les exploitants d’une installation nucléaire dans le cadre de leurs obligations réglementaires.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de respecter globalement votre temps de parole.
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, qui ne me satisfait toutefois pas totalement, dans la mesure où le problème du financement de cette opération demeure. Il serait logique qu’EDF participe à cet investissement. Or il semble que l’entreprise ait refusé toute forme de participation, ce qui est bien regrettable.
Encore une fois, la commune assume une dépense qui n’est pas de son fait, d’autant qu’elle a déjà subi une baisse de dotation de 52 000 euros pour 2019. Tous ces coûts sont difficilement supportables par des petites communes.
Il serait sans doute temps de mettre en place cette résolution : qui commande paie ou qui produit le besoin fournit au moins les moyens.
assistants médicaux
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 532, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Nadia Sollogoub. Le hasard fait bien les choses : je tiens à dire que je suis moi-même tout à fait concernée par le problème que vient d’évoquer mon collègue, puisque ma commune se trouve également juste à côté de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire !
J’en viens à ma question, qui porte sur les assistants médicaux.
Le 18 septembre 2018, lors de son allocution sur les stratégies de transformation du système de santé, le Président de la République a présenté plusieurs mesures phares, dont la création de 4 000 assistants médicaux, afin de répondre aux enjeux de santé publique et aux besoins de la population. Il s’agit de nouveaux professionnels, qui doivent seconder les médecins pour leur libérer du temps médical.
Néanmoins, de nombreuses zones d’ombre entourent cette fonction. Quelles activités seront confiées à ces professionnels ? Peut-être le sont-elles déjà d’ailleurs. Le système est-il déjà opérationnel ? Quelles compétences devront être développées ? Quelle formation est requise ?
Je m’interroge également sur l’affectation de ces professionnels. Pourquoi réserver ces postes uniquement aux maisons pluridisciplinaires, comme on a pu l’entendre dire, alors que certains cabinets médicaux en zone déficitaire en ont cruellement besoin ?
Comment ces postes seront-ils financés sur le long terme ? Pour certains, ces nouveaux métiers d’assistants médicaux pourraient requérir des compétences proches de celles de soins infirmiers. Est-ce donc à juste titre que la profession infirmière se sent parfois menacée ?
Les professionnels de santé s’interrogent également sur l’impact de ce nouveau métier dans la lisibilité du parcours de soins.
Monsieur le secrétaire d’État, des premières mesures ont-elles été mises en place ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, la création et le déploiement des fonctions d’assistants médicaux est l’une des mesures phares les plus importantes de la stratégie Ma santé 2022, promue par la ministre Agnès Buzyn. Elle a pour objectif principal de libérer du temps médical afin de permettre aux médecins de ville de suivre un plus grand nombre de patients, de mieux les prendre en charge et de s’engager plus fortement dans des démarches de prévention.
À cette fin, l’avenant à la convention médicale signé par trois syndicats de médecins libéraux permet aux médecins libéraux de percevoir une aide conventionnelle forfaitaire à l’embauche d’assistants médicaux dans leurs cabinets, et ce dès le second semestre 2019. Nous y sommes donc.
Même si les signataires se sont accordés pour laisser une certaine marge d’appréciation aux médecins, trois domaines d’activités ont été identifiés pour les futurs assistants médicaux. Premièrement, des tâches administratives, comme créer le dossier informatique du patient ou enregistrer les informations administratives et médicales dans ce dossier. Deuxièmement, des missions en lien avec la préparation et le déroulement de la consultation : accueillir le patient, l’aider au déshabillage et à l’habillage, aider à la réalisation d’actes techniques. Troisièmement, des missions d’organisation et de coordination avec les autres professionnels de santé et services sociaux pouvant intervenir auprès des patients en aval de la consultation.
Quel que soit le profil – soignant ou administratif – de la personne recrutée, cette dernière devra valider une formation professionnelle qualifiante dans les trois ans suivant son recrutement.
La durée et le contenu de cette formation seront déterminés dans le cadre de la convention collective des personnels des cabinets libéraux et ne seront bien sûr pas les mêmes pour un infirmier, un aide-soignant ou un secrétaire médical. Nous partageons donc votre volonté de ne pas confondre les exercices professionnels, madame la sénatrice.
Pour les médecins éligibles, le financement prévu par la convention est pérenne, avec une dégressivité jusqu’à la troisième année. Par exemple, dans le cas où un assistant est engagé par un groupe de trois médecins, il est de 12 000 euros par an et par médecin la première année, et de 7 000 euros à partir de la troisième année.
Il s’agit d’un effort financier important. Une évaluation est prévue dans le cadre de la convention médicale avec un premier bilan d’impact à deux ans en termes d’organisation et d’accès aux soins.
Toutes les spécialités médicales sont potentiellement éligibles à l’aide au recrutement d’un assistant médical. Une priorité est accordée aux médecins généralistes et aux autres spécialités en tension d’un point de vue démographique ainsi qu’aux 30 % des départements les plus en difficultés en termes de densité médicale.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse très complète. Toutefois, je formulerai deux remarques.
Il s’agit bien d’une participation financière au recrutement. Il sera donc intéressant de savoir – je ne manquerai pas de vous poser la question ! – si 4 000 assistants médicaux ont bien été recrutés et si les aides auront été suffisantes pour que le nouveau dispositif fonctionne.
Ce qui m’inquiète surtout, c’est la notion de médecins éligibles à cette aide. Dans les territoires ruraux – je suis moi-même élue du département de la Nièvre –, certains médecins exercent encore de façon isolée ; ils rencontrent de grosses difficultés à tenir le coup et appellent au secours. Ils devraient être prioritaires au même titre que les maisons pluridisciplinaires dans lesquelles les professionnels sont regroupés. J’ai peur qu’ils ne soient exclus de ce dispositif, ce qui serait très grave.
arrêts maladie des élus municipaux
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, auteur de la question n° 661, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur la situation des élus municipaux, plus particulièrement des adjoints au maire et des conseillers municipaux délégués, placés en arrêt maladie dans le cadre de leur activité professionnelle. Des élus en arrêt maladie continuent à exercer leur mandat.
Lorsque les élus locaux qui exercent une activité professionnelle sont placés en congé maladie, ils perçoivent naturellement des indemnités journalières qui peuvent se cumuler. Le bénéficie de ces indemnités journalières est subordonné au respect des dispositions de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale : le bénéficiaire placé en congé maladie doit observer les prescriptions du médecin, se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical, respecter les heures de sorties autorisées par le praticien et s’abstenir de toute activité non autorisée.
Un élu qui exercerait une activité professionnelle et dont le régime social n’ouvre pas droit aux prestations en espèces devra cesser ses deux activités pour percevoir les indemnités journalières dues au titre de son mandat, sauf autorisation du médecin. Si la poursuite de l’activité du mandat électoral n’a pas été autorisée expressément et préalablement par le médecin, l’élu peut se voir réclamer le remboursement des indemnités journalières.
La jurisprudence sur ce sujet et la règle applicable à ce cas de figure placent le médecin au cœur de la décision. En effet, il faut que le médecin inscrive sur l’arrêt de travail que l’exercice du mandat est autorisé afin que l’élu n’ait pas à verser de pénalités sur les indemnités journalières qu’il a déjà perçues. Il y a, sur ce sujet, un réel déficit d’information auprès des médecins et des élus de la part des caisses d’assurance maladie.
Il semble qu’il existe un problème d’ordre juridique. La loi précise que le salarié d’une collectivité locale ne peut pas être élu dans ladite collectivité. Pourtant, les indemnités des élus sont soumises à cotisations sociales, c’est-à-dire que l’on assimile le mandat exercé par l’élu à un travail salarié. On exige le remboursement des indemnités journalières perçues alors qu’elles ne peuvent pas avoir été servies au titre de l’exercice d’un mandat, qui n’est pas un travail salarié.
Qu’est-il prévu pour combler ce déficit d’information et mettre fin à cette anomalie juridique, qui ont des conséquences financières pénalisantes et conduisent à l’absentéisme des intéressés au sein des organes délibérants ?
Un salarié élu local placé en arrêt maladie peut-il véritablement continuer à exercer son mandat électif dès lors que cet exercice aura préalablement été autorisé par le médecin ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Nicole Duranton, je vous remercie de votre question sur la situation des élus municipaux, plus particulièrement des adjoints au maire et des conseillers municipaux délégués, justifiant d’un arrêt maladie.
Je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a clarifié les règles applicables aux élus locaux en les affiliant au régime général de la sécurité sociale pour l’ensemble des risques.
Cette loi a aussi assujetti les indemnités de fonction de ces élus aux cotisations et contributions de sécurité sociale dès lors que leur montant total dépasse la moitié du plafond de la sécurité sociale, soit 1 689 euros par mois en 2019, ou que l’élu cesse toute activité professionnelle pour l’exercice de son mandat. En effet, comme cela a été dit lors des débats parlementaires, si la mission d’élu ne constitue pas un travail salarié, il est normal, à partir du moment où les élus perçoivent une rémunération, quelle que soit sa dénomination, que ces revenus, comme tous les autres revenus perçus par une personne en activité, soient soumis à cotisations sociales.
En contrepartie, les élus locaux cotisants acquièrent désormais des droits à prestations pour l’ensemble des risques. Cela relève du bon sens. Ainsi les élus locaux peuvent-ils bénéficier d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail au titre de la maladie ou de la maternité.
Lorsqu’un élu local est arrêté et qu’il n’est pas précisé sur son arrêt de travail que la pratique de son activité d’élu est autorisée, la caisse primaire d’assurance maladie est fondée à récupérer les indemnités journalières servies à ce titre.
La Cour de cassation est venue confirmer l’application de cette règle dans un arrêt du 15 juin 2017. En revanche, lorsque le médecin a mentionné la possibilité d’effectuer les tâches d’élu local, les indemnités journalières sont versées sans possibilité de récupération, et ce à juste titre.
Nous partageons pleinement votre souci de clarté d’information. Ainsi, à la suite des difficultés relatives à leur affiliation rencontrées par des élus locaux, la Caisse nationale d’assurance maladie a récemment dédié une page de son site internet à cette question afin d’apporter des informations pratiques aux élus locaux.
Par ailleurs, nous avons demandé aux services du ministère de se rapprocher de cet organisme afin d’enrichir les informations délivrées aux élus locaux, notamment en ce qui concerne les indemnités journalières, dans l’objectif de prévenir le type de difficultés que vous avez évoquées aujourd’hui devant nous.
aide à domicile
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 787, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, les Français souhaitent très majoritairement pouvoir vivre le plus longtemps possible à leur domicile et y finir leurs jours. Mais aujourd’hui, près de 10 % des demandes d’aides formulées par les personnes âgées dépendantes ne peuvent être honorées intégralement, faute de personnels et de moyens financiers suffisants. Aujourd’hui, le secteur de l’aide à la personne est dans une situation critique. Il a besoin d’un financement d’urgence de 1,7 milliard d’euros pour assurer sa survie.
L’enjeu est aussi à moyen terme. D’ici à 2050, la France comptera près de 5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans, contre 1,5 million aujourd’hui.
Il est donc urgent de définir une politique qui prenne pleinement en considération ces évolutions et ces besoins croissants, en plaçant l’humain au cœur des préoccupations : les personnes âgées elles-mêmes tout d’abord, mais aussi les indispensables 226 000 professionnels qui s’investissent pleinement au quotidien aux côtés de nos aînés, mais vivent paradoxalement souvent au-dessous du seuil de pauvreté.
Par ailleurs, malgré quelques expérimentations, le secteur de l’aide et du soin à domicile est fortement cloisonné : aide d’un côté et soins de l’autre, domicile versus établissement, ou encore différenciation entre personnes en situation de handicap et personnes âgées. Ce cloisonnement entrave la bonne coordination des services aux plus fragiles, les rendant moins efficaces, au détriment des usagers.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre afin d’être en mesure d’apporter à nos aînés et aux futures générations des solutions adaptées à leurs besoins et à leurs aspirations, de leur offrir une fin de vie sereine en étant accompagnés chez eux ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Martine Filleul, le Gouvernement mais aussi le Président de la République – qui a dit qu’il fallait remettre l’humain au cœur de l’acte II du quinquennat –, partagent évidemment vos préoccupations s’agissant non seulement du financement de l’aide à domicile, mais également, plus globalement, de la situation des salariés de ce secteur, lequel connaît un fort déficit d’attractivité, comme vous l’avez justement relevé.
L’aide à domicile est un sujet dont on parle depuis de nombreuses années. Elle constitue l’une des priorités de la réforme du grand âge et de l’autonomie – vous avez d’ailleurs lié les deux sujets dans votre question – afin de respecter la préférence exprimée par nos concitoyens de pouvoir vivre chez eux le plus longtemps possible.
Pour répondre à cet enjeu majeur, nous allons prendre plusieurs mesures. La première d’entre elles figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, dont le Parlement sera appelé à débattre à partir de la rentrée prochaine. Il s’agit d’amorcer une réforme structurante du financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile qui permette d’améliorer réellement la qualité du soutien à domicile, tant pour les personnes accompagnées que pour les professionnels.
La promotion de modèles intégrant l’aide et le soin à domicile est également au cœur de ces réflexions. Il s’agit en effet de décloisonner et désiloter notre approche du sujet. C’est pourquoi nous travaillons sur une consolidation des services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les Spasad, qui permette aux acteurs du soin et du domicile de mieux travailler ensemble. C’est une des modalités envisagées.
Enfin, comme vous le soulignez, les professionnels sont au cœur de l’intervention auprès des personnes. C’est pourquoi la ministre des solidarités et de la santé a souhaité qu’une mission sur les métiers du grand âge et de l’autonomie puisse proposer de réelles avancées sur ces questions. Ce projet, qui a été confié à Myriam El Khomri, concernera pleinement les services d’aide et d’accompagnement à domicile.
Tous ces éléments constitueront un pilier important de la réforme plus globale du grand âge et de l’autonomie, réforme qui sera l’un des enjeux majeurs de la suite du quinquennat, comme l’ont annoncé le Président de la République et le Premier ministre.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, j’attends avec beaucoup d’impatience ce projet de loi afin de pouvoir débattre avec Mme la ministre des solidarités et de la santé de ces sujets.
J’insiste néanmoins sur le fait que, si de nombreux postes restent vacants aujourd’hui dans le secteur de l’aide à domicile et dans les établissements, c’est bien en raison d’un problème de salaire et d’attractivité. C’est pourquoi, je me permets d’y insister, un investissement financier massif est nécessaire. On ne peut aujourd’hui se contenter seulement d’une restructuration.
hôpitaux du sud de l’oise
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, en remplacement de M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 796, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le secrétaire d’État, je pose cette question au nom de mon collègue de l’Oise, Édouard Courtial.
Autrefois considéré comme un acquis indiscutable pour nos concitoyens, l’accès aux soins de proximité se délite et nous oblige aujourd’hui à faire face à un risque majeur de rupture d’égalité, au détriment des habitants de nos territoires ruraux.
La restructuration de l’hôpital de Beaumont-sur-Oise, notamment de sa maternité de type 2A, et la fermeture de l’hôpital de Carnelle, situé à Saint-Martin-du-Tertre, sont deux symptômes évidents de ce délitement et suscitent des inquiétudes. Leurs conséquences médico-économiques pour le département du Val-d’Oise ont déjà été évoquées dans cet hémicycle. La réponse du Gouvernement sur la question a bien été entendue. Toutefois, l’incertitude demeure pour de nombreux Oisiens et Val-d’Oisiens.
En effet, la menace de pénurie de médecins dans le sud de l’Oise, qui pénalise d’abord les populations les plus fragiles et les moins mobiles, est source d’inquiétudes. D’autres craintes émergent en réaction. L’avenir des services hospitaliers de proximité pour les 60 000 habitants de la communauté de communes Thelloise, parmi lesquels des femmes enceintes, des personnes âgées, des familles et leurs enfants, semble compromis. Or la pérennité de ces services est indispensable pour les usagers afin de leur garantir un accès aux soins de qualité.
Aussi les communes se mobilisent-elles. Chambly, par exemple, agit concrètement en créant une maison de santé pluridisciplinaire. Mais le maintien des services hospitaliers territoriaux est indispensable pour mener à bien ce projet. Or la lutte contre le fléau de la désertification médicale, qui s’accélère dans ces territoires sous-dotés, ne peut être l’apanage des seules communes.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, de bien mesurer l’ampleur des décisions prises et de veiller à préserver l’accès aux soins de proximité des habitants de l’Oise, d’autant que le site de Saint-Martin-du-Tertre a déjà bénéficié d’investissements à hauteur de 35 milliards d’euros. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, nous ne pouvons nous permettre un tel gaspillage d’argent public.
Comment le Gouvernement compte-t-il donc contenir l’amplitude des répercussions de la réduction des services hospitaliers de proximité, plus particulièrement ceux qui affectent le département de l’Oise ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Gruny, et à travers vous, je m’adresse à M. le sénateur Courtial, les problématiques financières, architecturales et d’attractivité médicale rencontrées par les trois établissements du groupement hospitalier de territoire Nord Ouest Vexin Val-d’Oise, le GHT NOVO, dont font partie l’Hôpital de Beaumont-sur-Oise et le site de Saint-Martin-du-Tertre, ont suscité une profonde réflexion sur une nécessaire réorganisation de l’offre, et ce à l’échelle du GHT.
Cette réorganisation a été validée par le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers en janvier 2019. Elle vise à atteindre un triple objectif. Il s’agit, tout d’abord, d’atteindre un équilibre médico-économique ; ensuite, de rationaliser l’utilisation des ressources médicales rares sur ce territoire ; enfin, de conforter le rôle médical de proximité joué par l’hôpital de Beaumont-sur-Oise, pivot entre l’Oise et le Val-d’Oise.
Ainsi, si la fermeture du service de réanimation de l’hôpital de Beaumont-sur-Oise est effectivement une conséquence de cette réorganisation, l’intégralité de l’offre de proximité a été maintenue, voire renforcée, dans l’ensemble des autres services.
À titre d’illustration, la maternité de cet établissement reste ouverte à un niveau 2A, comprenant des berceaux de néonatologie. La prise en charge des urgences est assurée 24 heures sur 24.
Le fonctionnement au sein du GHT par le biais d’équipes médicales de territoire communes avec le site de Pontoise a par ailleurs permis de renforcer l’offre du site de Beaumont-sur-Oise en consultations avancées de médecine, de spécialité et de chirurgie, qu’il s’agisse de chirurgie vasculaire ou de pneumologie, et d’assurer la permanence des soins.
Pour ce qui concerne le site de Saint-Martin-du-Tertre, qui est actuellement un établissement de soins de suite et de longue durée, des projets de déménagement de lits sont à l’étude, notamment une transformation du site en « Village Répit Familles ». Une telle offre, qui est actuellement inexistante en Île-de-France, permettrait aux familles, aux couples aidant-aidé de pouvoir y bénéficier de séjours de repos et de relais dans un cadre adapté. Vous savez à quel point il s’agit là d’une préoccupation majeure de nos concitoyens aujourd’hui.
Le GHT a également développé un projet novateur ville-hôpital sur son site de Pontoise, reliant directement les médecins libéraux et le plateau technique de l’hôpital. Ce projet, qui débutera en septembre, pourrait être étendu au site de Beaumont-sur-Oise pour renforcer la place de l’hôpital dans l’appui aux professionnels du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je comprends bien les arguments que vous avancez, mais cette réponse technique ne saurait rassurer nos concitoyens de l’Oise. Si, comme l’a dit Paul Valéry, « la santé, c’est le silence des organes », n’attendons pas les râles mécontents des Oisiens pour leur garantir un accès aux soins. Ils comptent sur vous.
hôpital saint-claude à saint-quentin
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 811, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller sur le projet de l’agence régionale de santé – ARS – des Hauts-de-France de ne plus financer les permanences des soins des urgences de l’hôpital privé Saint-Claude de Saint-Quentin les nuits, le dimanche et les jours fériés. Ces permanences existent depuis 1995. Cinq autres cliniques des Hauts-de-France sont également concernées.
Le régime indemnitaire obtenu en 2007 était une juste reconnaissance de la participation de ces médecins au service public et des investissements consentis par l’établissement. Il s’agissait aussi de garantir aux praticiens le versement d’indemnités dans le cadre des tableaux de garde, au même titre que leurs confrères des permanences des soins en établissements de santé publique.
Une telle décision impacterait fortement notre territoire, déjà très fragilisé d’un point de vue médical : beaucoup d’habitants sont en effet sans médecin traitant ou obtiennent très difficilement un rendez-vous chez un spécialiste, compte tenu du manque chronique de médecins sur le territoire.
Une remise en cause de ce dispositif conduirait à engorger un peu plus les urgences du centre hospitalier, qui peine de son côté à recruter dans ce service et doit donc recourir de façon croissante à des intérimaires, pour un coût exorbitant.
Or l’ARS serait dans l’incapacité de garantir une permanence des soins de qualité en comptant uniquement sur le secteur public. Quant aux médecins généralistes, déjà sursollicités dans leur exercice quotidien, ils sont nombreux à se retirer des gardes.
Il semblerait que l’ARS soit encline à revoir sa position, mais elle n’a pris qu’un engagement oral. Sa réponse est encore floue sur les modalités et, surtout, sur la pérennité du financement.
Pouvez-vous me confirmer que l’ARS ne se désengagera pas financièrement de ces permanences des soins des urgences ? Il y va de l’intérêt des habitants du Saint-Quentinois et, plus généralement, des Hauts-de-France.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Pascale Gruny, je vais être rassurant pour l’ensemble des administrés de votre territoire. J’ai peur néanmoins d’avoir à vous livrer quelques explications quelque peu techniques, compte tenu de la nature financière du sujet.
Les services des urgences bénéficient d’enveloppes de financement spécifiques, qui ne relèvent pas des crédits PDSES – permanence des soins en établissements de santé – du fonds d’intervention régional, le FIR, lesquels sont destinés à la permanence des soins post-urgences, la nuit de vingt heures à huit heures, le week-end à partir du samedi midi, ou les jours fériés, et ce dans le cadre de plateaux techniques hautement spécialisés et pour les maternités notamment.
Le choix antérieur de l’agence régionale de santé des Hauts-de-France de financer des lignes de garde de médecins urgentistes libéraux s’expliquait par les différences de barème national pour les structures autorisées à la médecine d’urgence, entre le statut public et le statut privé.
Or, depuis janvier 2018, du fait de la mise en œuvre de la nouvelle convention médicale, les médecins libéraux assurant des soins en structures d’urgence peuvent facturer de nouveaux tarifs de consultation et ainsi valoriser certains actes avec majoration de l’assurance maladie. C’est la raison pour laquelle le financement de la garde des médecins des urgences privées n’a pas été reconduit.
L’absence de financement PDSES n’entraîne pas la suppression de ces gardes ni la prise en charge 24 heures sur 24 des patients au sein du service d’urgence de l’hôpital privé Saint-Claude : la présence d’un médecin urgentiste en permanence dans ce service est une obligation réglementaire. Les services d’urgence privés sont financés via le « forfait annuel urgence », les forfaits « accueil et traitement des urgences » et au travers des actes tarifés par les médecins libéraux.
Je puis vous assurer de mon attachement et de celui de Mme la ministre des solidarités et de la santé au maintien d’un accès à des soins de qualité dans la région des Hauts-de-France, au sein des services des urgences ou dans le cadre de la PDSES.
Pour conclure, je vous informe qu’un groupe de travail régional associant la Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France et l’Union régionale de professionnels de santé des médecins libéraux, dont des médecins de l’hôpital privé Saint-Claude, s’est déjà réuni, et continuera de le faire, afin de sécuriser l’organisation de la réponse aux besoins de la population en matière de médecine d’urgence et de prise en charge des soins non programmés.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Votre réponse est en effet très technique et très comptable. Pour notre part, nous entendons être vigilants et pragmatiques. Nous avons réellement besoin de ce service d’urgence. La suppression des lignes de garde ne permettrait de réaliser qu’une économie de 0,8 % du budget actuel. Cessons donc de ne considérer que les aspects financiers ! Ce service d’urgence fonctionne 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Je connais personnellement ces médecins, qui choisissent de passer Noël aux urgences plutôt que dans leur famille. On peut les en remercier.
Nous avons besoin de certitudes. J’espère que l’engagement n’est pas seulement pris pour quelques années – ce ne serait pas suffisant – et qu’il sera pérenne. Nos territoires, je le répète, ont vraiment besoin de ce service, car ils sont sous-dotés en médecins.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, au nom de la population du Saint-Quentinois et de la région des Hauts-de-France.
prise en charge des transports assurés par le service départemental d’incendie et de secours
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 843, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d’État, nous restons dans les Hauts-de-France, que vient d’évoquer ma collègue Pascale Gruny, plus précisément dans le département de l’Aisne.
Le sujet que je souhaite aborder avec vous ce matin est récurrent. Il avait fait l’objet de ma part d’une première question écrite en décembre 2016. Restée sans réponse avant le changement de législature, je l’ai donc redéposée en juillet 2017. Après neuf mois sans réponse du cabinet de la ministre des solidarités et de la santé, je me suis permis de me rappeler à son bon souvenir le 4 avril 2018. J’ai reçu une réponse le 19 avril, laquelle ne constitue pas une solution à la problématique que je soulève.
Dans les régions rurales, le département de l’Aisne étant particulièrement concerné, les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, effectuent quotidiennement des trajets pour le compte des hôpitaux, sièges des SMUR, les structures mobiles d’urgence et de réanimation.
Par ailleurs, le code de la santé publique prévoit que la prise en charge doit être réglée par les hôpitaux aux SDIS afin de ne pas faire supporter à ces derniers des dépenses qui relèvent de l’assurance maladie.
C’est ainsi que le SDIS de l’Aisne facture à l’hôpital une somme forfaitaire de 346 euros par trajet, sans jamais être payé ! Or on parle de 3 200 trajets annuels, soit une dette du SMUR de 1,2 million d’euros par an, sur un budget de 40 millions d’euros au total.
En réponse à mes précédentes questions, Mme la ministre avait précisé en 2018 que cette activité était « régie par l’article D. 6124-12 du code de la santé publique et précisée par le référentiel quadripartite d’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente du 25 juin 2008. » Elle avait ajouté que « les établissements de santé et les agences régionales de santé sont particulièrement sensibilisés au respect du cadre réglementaire de l’appui logistique et des modalités d’indemnisation. » Elle m’informait également que son ministère et celui de l’intérieur avaient « saisi conjointement, le 5 janvier 2018, l’inspection générale de l’administration et l’inspection générale des affaires sociales d’une mission inter-inspections d’évaluation de la mise en œuvre du référentiel du secours d’urgence à la personne et de l’aide médicale urgente visant à conduire à des propositions d’évolution dans ce domaine ».
Malheureusement, plus d’un an et demi après la mise en place de cette mission, le problème n’a toujours pas été réglé puisque les sapeurs-pompiers n’ont toujours pas été payés.
Les demandes de conventions entre le SDIS et le SMUR restent lettre morte, les hôpitaux et l’ARS se renvoient la balle. Les hôpitaux de l’Aisne ont même saisi le tribunal administratif, pour une réponse dans plusieurs mois !
Cette problématique récurrente touche l’ensemble de nos zones rurales et marque une fracture de traitement avec les zones urbaines. Les SDIS doivent récupérer ce qui leur est dû !
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire où en est ce dossier ? Ces dépenses de transport coûtent très cher aux départements alors qu’ils n’en ont pas juridiquement la charge.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Antoine Lefèvre, les interventions que vous évoquez sont dites d’« appui logistique ». Le code de la santé publique prévoit effectivement qu’une structure mobile d’urgence et de réanimation peut conventionner avec différents acteurs : les sapeurs-pompiers, mais aussi des transporteurs privés ou des associations agréées de sécurité civile, pour disposer de certains moyens, qu’il s’agisse de véhicules, de conducteurs ou de renforts de brancardage.
Cependant, vous nous l’avez dit à plusieurs reprises et encore ce matin, sur votre territoire, établissements sièges de SMUR et services d’incendie et de secours ne sont pas parvenus à trouver un accord financier.
Les SDIS estiment en effet le coût de leur prestation à 346 euros par intervention, ce qui est élevé au regard des tarifs appliqués dans d’autres départements. En l’absence de conventions signées, les établissements de santé n’ont pas honoré les factures présentées par les services d’incendie et de secours sur la base de ce tarif et sont donc poursuivis au tribunal pour non-paiement. Je ne peux que déplorer tout comme vous cette situation de blocage, qui est assez unique en France de par son acuité.
L’agence régionale de santé des Hauts-de-France ne renvoie pas la balle. Elle travaille activement à une solution, en associant les SDIS et les établissements sièges de SMUR. Sur la base d’une définition partagée de l’appui logistique aux SMUR, elle travaille à bâtir un cadre conventionnel susceptible de recueillir l’adhésion de l’ensemble des acteurs, afin de leur permettre de retrouver la sérénité nécessaire à une bonne collaboration.
pénurie de médicaments
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteure de la question n° 853, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Je souhaitais interroger Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la pénurie récurrente de certains médicaments. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir répondre à ma question en son nom.
Ces derniers mois, la cortisone, anti-inflammatoire indispensable pour de nombreux patients, était en rupture de stock. Au-delà de ce cas particulier, la pénurie est loin d’être rare, à telle enseigne qu’une mission d’information, conduite par deux de nos collègues l’an dernier, a travaillé sur ce sujet.
Un quart de nos concitoyens y ont déjà été confrontés, pour des médicaments non pas de confort, mais d’intérêt thérapeutique majeur, par exemple pour lutter contre le cancer, l’épilepsie, la syphilis ou pour des vaccins.
Selon les associations d’usagers de notre système de santé, cette pénurie récurrente résulterait essentiellement des stratégies financières des industriels, tournées exclusivement vers le profit, au détriment de la production et de l’approvisionnement continu de certains médicaments.
Aussi, je demande à Mme la ministre les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de mettre un terme à cette situation extrêmement préjudiciable, à laquelle trop de nos concitoyens sont confrontés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, depuis plusieurs années, le circuit du médicament est en effet régulièrement touché par des dysfonctionnements qui entraînent des pénuries de médicaments à usage humain. Ces difficultés récurrentes, sachez-le, ne sont pas propres au système de santé français. Elles touchent également un nombre croissant de pays, notamment à l’échelon européen. Les causes sont multiples.
La prévention des pénuries de médicaments est évidemment un sujet de santé publique majeur, auquel le Gouvernement prête une attention toute particulière. Améliorer la disponibilité des médicaments pour tous les Français est ainsi une priorité pour la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Aussi, elle présentera prochainement les principales actions de la feuille de route pour 2019-2022 visant à lutter contre les pénuries et à améliorer la disponibilité des médicaments.
Cette feuille de route comportera quatre axes.
Premier axe : promouvoir la transparence et la qualité de l’information afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs, du professionnel de santé à l’usager bénéficiaire.
Deuxième axe : lutter contre les pénuries de médicaments par de nouvelles actions sur tout le circuit du médicament.
Troisième axe : renforcer la coordination nationale, mais aussi la coopération européenne, puisque ce phénomène touche désormais une bonne partie de nos voisins, afin de mieux prévenir les pénuries de médicaments à l’échelle nationale et du continent.
Quatrième axe : mettre en place une nouvelle gouvernance.
Cette nouvelle gouvernance sera mise en place dès le mois de septembre, afin d’enrichir et de préciser cette feuille de route avec l’ensemble des acteurs concernés. En effet, la coordination entre tous les acteurs concernés, au premier rang desquels les associations de patients, nous semble être un point majeur pour permettre la mise en œuvre des actions de cette feuille de route.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Que ce problème ne soit pas propre à notre pays n’est pas de nature à rassurer les patients confrontés à cette situation. La mission sénatoriale à laquelle j’ai fait référence a promu un certain nombre de préconisations. Les associations d’usagers proposent elles aussi des mesures concrètes.
Les injonctions de l’Agence nationale de santé publique n’ayant à ce jour pas produit les effets escomptés, nous souhaitons que des mesures concrètes, coercitives s’il le faut, soient mises en place et espérons que la feuille de route annoncée par Mme la ministre prendra en compte ces préconisations qui me semblent de bon sens et de nature un peu plus contraignante pour ces industriels.
avenir de l’unité sos main du diaconat de mulhouse
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, auteur de la question n° 790, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Troendlé. Ma question concernant l’avenir de l’unité SOS Main du Diaconat de Mulhouse s’adressait plus précisément à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Je suis intervenue auprès d’elle par le biais de six courriers successifs depuis l’automne 2018 en faveur de la pérennisation des urgences de la main mises en place depuis trente ans et reconnues par décision de l’Agence régionale de santé d’Alsace en juillet 2013.
Depuis cette date, l’ARS reconnaît administrativement l’unité SOS Main du Diaconat et lui verse annuellement 500 000 euros. Or ce statut de structure d’urgences est menacé depuis la fin de l’année 2018. Il est ainsi envisagé de remettre en cause l’existence même de cette activité d’urgence sur le site de la clinique du Diaconat-Roosevelt à Mulhouse pour un simple motif réglementaire, l’administration observant qu’il s’agit d’une activité spécialisée de prise en charge des urgences, ce qui constituerait une « atypie » au regard de la réglementation, qui ne reconnaîtrait que les urgences polyvalentes.
Aussi est-il imposé au Diaconat de regrouper les urgences de la main et les urgences « polyvalentes » sur un même site, en l’occurrence la clinique du Diaconat-Fonderie de Mulhouse ; à défaut, le dispositif de prise en charge des urgences de la main cesserait d’être financé par des aides de l’État. Or, pour des raisons techniques, ce regroupement est impossible. C’est donc la prise en charge des urgences de la main qui est menacée dans le département du Haut-Rhin, les sites les plus proches étant à Strasbourg, à une heure et quart, ou à Besançon, à une heure quarante minutes. La disparition de cette activité irait à l’encontre de la volonté du Président de la République, qui insistait très récemment sur la nécessité de maintenir une offre de soins de proximité de qualité au niveau des territoires.
Comme la ministre a bien voulu me le préciser par courrier en date du 23 mai dernier, l’ARS Grand Est a accepté de prolonger le versement des aides pour l’année 2019 au titre de la permanence des soins. Qu’en sera-t-il pour les années suivantes, monsieur le secrétaire d’État ? Aussi, je vous demande de nouveau de bien vouloir intervenir en faveur du maintien de cette activité au Diaconat de Mulhouse, afin de permettre un traitement adéquat des blessés de la main dans les meilleures conditions possible, notamment au regard des temps de trajets avant traitement, au besoin, en autorisant l’Agence régionale de santé Grand Est à intégrer dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu avec le Diaconat de Mulhouse un volet venant reconnaître la spécificité de cette activité et garantissant le versement d’aides à hauteur des aides actuelles.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Catherine Troendlé, ma réponse sera définitivement rassurante. Elle se traduira par des considérations techniques de financement, mais, sachez-le, nous partageons votre objectif.
L’intérêt d’une offre telle que celle de l’unité SOS Main de la clinique du Diaconat-Roosevelt à Mulhouse ne fait aucun doute. Il est pleinement reconnu par l’ARS Grand Est, qui finalise aujourd’hui une solution, aux côtés des équipes de la direction générale de l’offre de soins, afin de sécuriser la poursuite de cette activité. Il est en effet nécessaire de faire évoluer le vecteur de financement de cette activité, qui n’est pas conforme aux règles en vigueur. L’activité de ce SOS Main ne relève pas d’un service des urgences.
Les structures des urgences doivent répondre à des conditions d’implantation et à des conditions techniques de fonctionnement précises, propres à garantir la qualité des soins et la sécurité des patients, y compris pour ceux dont l’état relève de l’urgence vitale. À ce titre, elles sont tenues d’accueillir en permanence toute personne qui s’y présente en situation d’urgence ou qui lui est adressée, en particulier par le SAMU. Le financement spécifique qui est alloué à ces services vise à couvrir le coût de ce haut niveau d’exigence, notamment la permanence d’accueil pour tout patient et la présence continue de médecins urgentistes.
L’unité SOS Main de Mulhouse ne répond pas à ces critères et ne peut légitimement prétendre à des financements réservés aux services des urgences, car les ressources qu’elle mobilise diffèrent de celles des services d’urgences. Pour autant, d’autres vecteurs de financement, tels que la permanence des soins en établissement de santé ou les soutiens à l’amélioration de la qualité de l’offre de soins régionale, peuvent être mobilisés pour de telles activités spécialisées assurant un accueil 24 heures sur 24 reconnues par l’ARS. C’est ainsi qu’est préparée en ce moment même par l’ARS, en lien avec l’établissement, une solution pérenne de financement pour l’activité SOS Main. Elle sera mise en œuvre à partir de 2020. Le juste financement de cette activité est donc assuré.
réalité effective de la coparentalité en cas de séparation
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question n° 826, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adressait initialement à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Je souhaite appeler son attention sur un fait de société qui a pris de l’importance ces dernières années : le principe de coparentalité, introduit par la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. Ce principe établit qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, qu’ils soient séparés ou non. Pourtant, dans de nombreux cas de séparation, le père, sans que ce soit nécessairement son souhait, ne voit son enfant que très rarement, voire plus du tout. Selon une étude de l’Insee sur les familles monoparentales, en 2005, cela concernait 40 % des enfants issus d’une séparation, ce qui est évidemment considérable.
Les chiffres du ministère de la justice vont dans le même sens et témoignent des inégalités en matière de coparentalité. En 2012, après divorce ou séparation, 73 % des enfants vivaient uniquement chez leur mère et ne rencontraient leur père qu’un week-end sur deux, 7 % vivaient uniquement chez leur père, enfin 17 % seulement étaient en résidence alternée. Si le nombre de résidences alternées progresse lentement malgré tout, le fossé entre ces chiffres doit nous interpeller sur l’égalité réelle entre femmes et hommes en matière de parentalité.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi ne pas faire de la résidence alternée un principe de base, afin de rééquilibrer la place des deux parents auprès de l’enfant lors d’une séparation ? Mettre en place, comme dans d’autres pays, une présomption de résidence alternée en cas de séparation permettrait à de nombreux enfants de grandir dans un climat plus serein. Plus qu’une possibilité parmi d’autres, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, la coparentalité pourrait être la règle.
Que comptez-vous mettre en place pour que la coparentalité s’exerce pleinement en cas de séparation et que, dès que la situation le permet, un enfant ne soit pas privé de la présence de l’un de ses parents ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Piednoir, je répondrai en lieu et place de ma collègue secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, qui vous prie de l’excuser. Soyez convaincu qu’avec Marlène Schiappa nous travaillons sur de nombreux sujets, ce qui concerne les enfants touchant souvent la cellule familiale dans son ensemble.
Le Gouvernement soutient le principe de coparentalité que vous évoquez, que les parents vivent ensemble ou non, qu’ils aient été mariés ou non. L’article 373-2 du code civil affirme, et ce depuis 2002, que chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
La question que vous posez relève davantage du ministère de la justice, mais je peux partager avec vous quelques éléments permettant de poser le cadre du sujet que votre question aborde.
C’est le juge aux affaires familiales, selon l’article 373-2-9 du code civil, qui fixe la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun de ses parents ou, si la résidence alternée n’est pas retenue, au domicile de l’un d’eux. L’article 373-2-6 de ce même code confie en effet au juge aux affaires familiales le soin de prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité des liens de l’enfant avec chacun de ses parents. En outre, l’article 373-2-11 fait de l’aptitude à respecter les droits de l’autre parent l’un des éléments que le juge aux affaires familiales doit prendre en considération lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Dans cette mission, notamment lorsqu’il lui est demandé de trancher un désaccord, le juge aux affaires familiales doit être particulièrement attentif au maintien d’un équilibre, afin de maintenir la coparentalité que vous évoquez, mais aussi et avant tout être attentif à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pourquoi la décision du juge au cas par cas reste la règle et que l’on ne peut pas préjuger du bien-fondé ou de l’intérêt pour l’enfant d’une résidence alternée, même si elle permet le plus souvent de maintenir l’équilibre de la coparentalité. Chaque histoire est spécifique ; chaque enfant est différent. La relation qui a pu se construire, les défis auxquels la famille est confrontée nécessitent forcément une approche au cas par cas, avec toutes ses richesses, mais aussi parfois ses limites. C’est le sens de cette matière humaine.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour l’ensemble de vos réponses.
La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez bien compris le sens de ma question.
Comme vous, je soutiens le principe de la coparentalité, parce que l’on ne saurait se satisfaire que, chaque année, des milliers d’enfants s’éloignent un peu plus de l’un de leurs parents, le plus souvent contre leur gré. L’absence d’un parent est la plupart du temps préjudiciable à l’enfant. Elle peut d’ailleurs créer des troubles que personne ne souhaite généraliser dans notre société.
Le sens de ma question était le suivant : prenons la responsabilité, si ce n’est de systématiser, du moins de généraliser plus qu’aujourd’hui cette règle, parce qu’il y a une disproportion dans les jugements rendus.
coût de l’instruction des permis de construire pour les petites communes
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 786, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Henri Cabanel. Ma question porte sur les difficultés financières que rencontrent des petites communes face au coût de l’instruction des permis de construire et autres documents d’urbanisme.
La loi ALUR a acté en 2014 la fin de la mise à disposition des services de l’État au bénéfice des communes pour l’instruction des demandes d’urbanisme, sauf pour les communes n’ayant pas de plan local d’urbanisme, en raison de l’incapacité de ces services à faire face efficacement aux demandes, après plusieurs années de diminution de leurs moyens du fait de la politique de révision générale des politiques publiques.
Depuis ce désengagement, ces instructions sont réalisées par les communautés de communes, qui, pour réduire leurs charges, facturent ce service aux communes adhérentes. Ce choix rejoignait celui de plusieurs communes de doter leur communauté de communes de services compétents, mieux à même que ceux de l’État d’avoir une approche de proximité et de donner tout son sens à la notion de décentralisation, puisque c’est finalement le maire qui signe le document d’urbanisme.
Pour autant, cette facturation aux communes par leur communauté pèse significativement sur les finances des petites communes exposées à la pression foncière à proximité d’une métropole, comme c’est le cas autour de Montpellier.
Dans l’Hérault, et j’imagine ailleurs, certaines communes ont décidé de demander une contribution financière aux demandeurs de permis de construire, ce qui a été refusé par le préfet au motif que la loi ne le prévoit pas. C’est pourquoi je souhaite connaître sous quelles conditions le Gouvernement pourrait envisager de soutenir ces petites communes pour l’instruction des permis de construire, soit financièrement, soit par le biais de ses services.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, notamment des questions d’urbanisme, qui m’a chargé de vous communiquer la réponse qu’il a préparée à votre intention.
L’instruction des actes d’urbanisme est une compétence des collectivités territoriales. Si les services de l’État pouvaient être mis à disposition de certaines collectivités pour les aider à instruire les actes, c’est le maire, ou le représentant de l’intercommunalité, qui demeurait le signataire de l’acte.
La loi dite ALUR du 24 mars 2014 n’a pas supprimé la mise à disposition des services de l’État pour l’instruction des actes d’urbanisme. Néanmoins, elle l’a réservée, depuis le 1er juillet 2015, aux seules communes compétentes appartenant à des EPCI de moins de 10 000 habitants ou, dans le cas où l’EPCI a la compétence en matière d’urbanisme, aux seuls EPCI de moins de 10 000 habitants. Cela s’explique par le renforcement significatif de la capacité des intercommunalités à assumer ces missions avec la loi NOTRe.
Il est également important de préciser que les demandes d’autorisation d’urbanisme des communes ne disposant pas de documents d’urbanisme sont toujours instruites par les services de l’État, notamment les directions départementales des territoires et de la mer.
Une facturation peut être pratiquée par les EPCI, mais l’organisation mutualisée du service instructeur à un niveau supracommunal permet de réaliser des économies d’échelle et garantit la continuité du service grâce à une optimisation des moyens humains utilisés.
La dématérialisation du dépôt et de l’instruction des actes d’urbanisme, prévue pour le 1er janvier 2022 et possible dès à présent, devrait réduire, d’une part, les coûts de l’instruction, notamment ceux qui sont liés aux échanges et aux transmissions, et, d’autre part, le temps passé par les agents à instruire les demandes. C’est une disposition de la loi ÉLAN, portée par mon collègue Julien Denormandie.
Par ailleurs, un réseau de collaboration intitulé « urbanisme et numérique » a été lancé officiellement en partenariat avec les associations d’élus – citons l’AMF et l’AdCF –, le 25 avril dernier, pour fédérer les différents acteurs afin de préparer l’échéance du 1er janvier 2022.
Sur le plan opérationnel, le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales souhaite développer une solution qu’il mettra à la disposition de toutes les collectivités pour faciliter l’interopérabilité des différents outils utilisés actuellement par les acteurs concernés par l’instruction des demandes.
J’ajoute que, dans le cadre du projet de loi Engagement et proximité, que je vous présenterai à l’automne, nous pourrons définir ensemble de nouvelles opportunités de mutualisation pour les collectivités territoriales, notamment en matière d’urbanisme.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Nous reviendrons sur la question lors de l’examen de votre projet de loi, car il faut venir en aide aux petites communes, qui en ont bien besoin. Une facturation de l’ordre de 300 euros par permis instruit peut paraître ridicule, mais représente au bout du compte une somme non négligeable pour le budget très contraint des petites communes.
pénalisation des grands syndicats d’eau et d’assainissement
M. le président. La parole est à M. Guy-Dominique Kennel, auteur de la question n° 805, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Guy-Dominique Kennel. Dans le cadre du grand débat national, dont vous étiez un acteur essentiel, monsieur le ministre, le Président de la République a souligné l’importance d’une intercommunalité choisie plutôt que subie, notamment pour la gestion de l’eau, en s’appuyant sur des périmètres de mutualisation pertinents. Dans cette perspective, il s’avère nécessaire de réviser certaines dispositions qui pénalisent les grands syndicats des eaux et de l’assainissement, comme le SDEA Alsace-Moselle, ainsi que les EPCI à fiscalité propre membres de ces syndicats.
Incarnation d’une intercommunalité souvent à taille départementale, les grands syndicats d’eau et d’assainissement assurent une mutualisation à large échelle et permettent des réponses adaptées à chaque territoire et d’un coût nettement inférieur au privé. C’est en cela qu’ils doivent être maintenus et même renforcés. Or une disposition de la loi de finances pour 2019 a prévu d’intégrer la redevance d’assainissement dans le calcul du CIF des communautés de communes en 2020 et la redevance d’eau potable en 2026. L’augmentation de la valeur du CIF permet, certes, à l’EPCI de bonifier sa dotation d’intercommunalité, mais à condition qu’il exerce lui-même les compétences, quitte à les reprendre aux syndicats d’eau et d’assainissement existants, y compris de grande taille.
Monsieur le ministre, l’intégration des redevances eau et assainissement dans le calcul du CIF devrait être prise en compte de la même manière, que la compétence soit exercée par l’EPCI lui-même ou qu’elle soit transférée à un syndicat mixte à taille plus adaptée.
Cette anomalie nécessite d’être corrigée pour contribuer aux objectifs d’efficacité de l’action publique et de mutualisation urbain-rural que nous partageons, tout en s’inscrivant dans la volonté de différenciation territoriale voulue par le Gouvernement.
Je souhaiterais donc savoir si, dans le cadre de la nécessaire rationalisation des services d’eau et d’assainissement, vous seriez favorable à un réexamen de certaines dispositions qui pénalisent non seulement les grands syndicats compétents dans ce domaine, mais également les EPCI à fiscalité propre membres de ces syndicats.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Kennel, je vous remercie de votre question, qui ouvre un champ de réflexion assez vaste sur les enjeux de l’eau et de l’assainissement. Nous aurons l’occasion d’y revenir à l’automne lors de l’examen du projet de loi Engagement et proximité, pour instaurer, si vous en êtes d’accord, le droit de délégation de cette compétence des EPCI à une commune qui la gère en régie ou à un syndicat qui connaît bien historiquement cette compétence. Vous avez raison de souligner que ce mécanisme d’organisation des compétences ne peut être décorrélé des questions financières.
Pour faire un peu d’archéologie parlementaire – il n’y a pas si longtemps, cependant –, je rappelle que, en première lecture du projet de loi de finances, les députés avaient nuitamment estimé, à l’unanimité, qu’il était temps de comptabiliser les redevances d’assainissement et d’eau potable dans le calcul du CIF, avec mon accord. Les sénateurs avaient également approuvé nuitamment la logique de cette mesure, en souhaitant en reporter la mise en œuvre à 2026. Dans l’échange, les dates ont quelque peu évolué, mais je commence à être coutumier du fait… Nous avons donc gardé le principe, avec une interrogation sur les dates.
Où en sommes-nous sur votre question précise ? La DGCL est en train d’expertiser les effets potentiels de l’intégration de la redevance dans le calcul du CIF. Je ne souhaite pas, pour vous répondre franchement, déstabiliser le service public de l’eau et de l’assainissement par des effets de bord. C’est tout le sens de la mission d’impact que j’ai confiée à mon administration. Je reviendrai devant vous en loi de finances, à l’automne prochain, avec des éléments saillants, précis et concrets afin de déterminer quand et comment intégrer cette partie de la politique publique dans le CIF.
lutte contre l’occupation illégale de logements et locaux vacants
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 766, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement.
M. Gilbert Roger. Dans le cadre de l’occupation illégale d’un logement ou d’une propriété entière – pavillons et terrains adjacents –, le délai de flagrance retenu est de quarante-huit heures. Or, dans la pratique, ce délai est très court, l’effraction pouvant être assez discrète. Il est par ailleurs souvent difficile de prouver la date exacte de l’effraction.
Des propriétaires ainsi spoliés de leur bien peuvent se retrouver dans une situation dramatique. Ainsi, en 2018, à Bagnolet, un couple de propriétaires qui avait quitté son logement quelques jours avant la conclusion de la vente de leur bien a vu celui-ci occupé. Alors que le produit de la vente devait solder leurs dettes, l’impossibilité de conclure celle-ci a conduit au lancement d’une procédure de saisie du bien à vil prix, dont la mise en œuvre a laissé le couple surendetté.
Allonger le délai de flagrance pour l’occupation illégale d’un logement au même niveau que celui d’un vol aggravé – l’article 53 du code de procédure pénale fixe un délai de flagrance de huit jours pouvant être prolongé – permettrait aux maires et à la police nationale de mieux faire respecter l’ordre public.
Aussi, je souhaiterais savoir si le Gouvernement est prêt à envisager une telle mesure pour adapter, dans les meilleurs délais, les moyens d’action de la puissance publique à la lutte contre l’occupation illégale de logements vacants.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, je vous prie d’excuser Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, qui est retenu par une tâche impérieuse et m’a confié le soin de vous donner lecture de la réponse qu’il a préparée à votre attention.
La lutte contre l’occupation illicite de domiciles et de locaux à usage d’habitation est un sujet d’attention pour le Gouvernement comme pour les élus locaux. Les règles applicables en la matière ont d’ailleurs été récemment renforcées par la loi du 23 novembre 2018, dite loi ÉLAN.
Quels sont les moyens existants aujourd’hui ?
L’infraction de violation de domicile, prévue par le code pénal, a été précisée par la loi du 24 juin 2015, d’ailleurs issue d’une proposition de loi sénatoriale. L’infraction est ainsi un délit continu. Tant que la personne se maintient dans les lieux, les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête dans le cadre de la flagrance, sans qu’il soit besoin de prouver que ce maintien est également le fait de « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte », pour citer la loi. Ainsi, constatant la violation de domicile, l’officier de police judiciaire peut exercer les pouvoirs coercitifs prévus par l’article 53 du code de procédure pénale. Il peut procéder à l’interpellation des mis en cause, quel que soit le délai écoulé depuis leur introduction dans le domicile.
L’article 38 de la loi de mars 2007 instituant le droit au logement opposable permet au propriétaire ou au locataire d’un logement « occupé » de demander au préfet, en cas de violation de domicile, de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé par le préfet, ce dernier doit procéder à l’évacuation forcée du logement. Cette procédure administrative d’expulsion s’applique dès lors que le délit de violation de domicile est constitué.
En revanche, en matière d’occupation illicite de logements vides, les forces de l’ordre ne peuvent procéder à l’interpellation du contrevenant. En effet, dans ce cas, l’infraction de violation de domicile ne peut être caractérisée que si des dégradations graves peuvent être constatées dans le temps de la flagrance. Hormis ce cas, une décision du juge est nécessaire pour obtenir l’expulsion. Toutefois, cette décision peut être obtenue dans un délai très court, au regard des circonstances de l’affaire.
Le code des procédures civiles d’exécution, complété par la loi ÉLAN, prévoit que, lorsque la personne dont l’expulsion a été ordonnée est entrée par voie de fait, l’exécution de l’ordonnance prononçant l’expulsion n’est pas suspendue au respect du délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux. Ce code permet également au juge de supprimer ou de réduire le bénéfice de la trêve hivernale dans ces mêmes circonstances.
Le droit en vigueur offre donc aux propriétaires les moyens d’action appropriés pour obtenir, dans des délais raisonnables, une décision ordonnant l’expulsion des squatteurs de leur résidence ou des locaux à usage d’habitation dont ils sont propriétaires. Il n’apparaît donc pas nécessaire de modifier de nouveau ce cadre légal.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.
M. Gilbert Roger. Monsieur le ministre, votre réponse ne me convient malheureusement pas, et il nous faudra travailler à améliorer la législation sur ce point.
Si des propriétaires se retrouvent avec leur logement occupé lorsque celui-ci reste vacant pendant quarante-huit ou soixante-douze heures, ou lorsqu’ils partent en vacances, il est inadmissible d’appliquer la période dite de trêve hivernale, comme souvent les juges le font. Il faut donc essayer d’obtenir une expulsion immédiate et sans délai.
financement par des intercommunalités de la rénovation d’un service hospitalier urgentiste
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteur de la question n° 834, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation délicate dans laquelle se retrouvent Thonon Agglomération et les communautés de communes du Haut-Chablais et de la vallée d’Abondance en Haute-Savoie.
Ces trois intercommunalités ont délibéré pour accorder une subvention d’un montant total de 1,25 million d’euros aux hôpitaux du Léman, dans le cadre de la rénovation du service des urgences. Or le préfet de la Haute-Savoie leur a demandé de retirer ces délibérations qu’il considère comme illégales, au motif que leur objet ne s’inscrit pas dans le strict respect de leurs compétences statutaires.
Le projet visé par ces délibérations est de réhabiliter et de remettre aux normes l’accueil des urgences, aujourd’hui inadapté à sa fréquentation quotidienne, deux fois plus importante que sa capacité d’accueil en raison de la raréfaction des médecins généralistes et de la hausse de la population de près de 3 % sur ce territoire. Par ailleurs, cet établissement est le deuxième le plus fréquenté des Pays de Savoie, derrière celui de Chambéry.
Les trois intercommunalités fondent l’octroi de cette subvention sur leurs compétences d’aménagement et de développement économique, les hôpitaux du Léman étant un élément structurant majeur et l’un des premiers employeurs du Chablais.
Il existe, au sein de la Haute-Savoie, de nombreux précédents de ce type. Ainsi, la communauté de communes de Faucigny-Glières exerce toujours une compétence facultative d’appui à la construction du centre hospitalier Alpes-Léman. De même, dans l’Ain, la communauté de communes d’Oyonnax a financé à hauteur de 1 million d’euros une IRM en 2014.
Les élus ne sauraient accepter une politique à géométrie variable de la part des services de l’État en fonction des lieux et des contextes au sein d’un même département. Si l’État n’est pas en mesure, à ce jour, de porter financièrement ce projet vital à bien des égards, les élus et les citoyens ne sauraient comprendre qu’il les prive de l’amélioration de ce service public essentiel. Ce serait une double peine inacceptable.
Je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur ce litige.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.
Je crois savoir que l’Agence régionale de santé est largement mobilisée pour la rénovation de cet établissement hospitalier et les investissements qu’elle nécessite. Je ne connais pas cet hôpital, mais on me dit en effet qu’il est indispensable pour vos concitoyens.
Votre question porte précisément sur la capacité à agir des collectivités territoriales sur ce type d’investissements. Je vous apporterai plusieurs éléments de réponse.
Aujourd’hui, comme vous le savez, et c’est d’ailleurs vous, parlementaires, qui l’avez décidé, les collectivités ne peuvent agir que dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, à l’exception notable des communes, qui disposent d’une clause de compétence générale. Pour autant, nous l’avons vu avec le projet de loi relatif à Notre-Dame de Paris, la loi doit parfois les autoriser à procéder à certains investissements spécifiques.
Dans le cas que vous évoquez, l’intercommunalité pourrait participer à l’investissement par le biais de sa compétence en matière de développement économique. Toutefois, aux termes du code de la santé publique, il ne s’agit pas vraiment d’un investissement pour la permanence des soins, mais pour le service public administratif des urgences. La compétence « développement économique » d’une intercommunalité ne peut donc pas être sollicitée, ce qui ne constitue pas un cas de figure unique dans notre pays.
Sur ce point, j’ai demandé à la direction générale des collectivités locales d’expertiser un montage juridique qui ne serait pas baroque et, je le dis ici, qui ne serait pas non plus lâche. On pourrait en effet très bien donner instruction aux préfets de fermer les yeux sur le contrôle de légalité, mais, en agissant ainsi, on ne servirait pas l’intérêt général et on ne rendrait pas service à notre pays. Je préfère que l’on bâtisse des dispositifs respectueux des lois que vous avez votées.
Nous allons également ouvrir un deuxième chantier, dont j’ai récemment discuté avec Gérard Larcher, celui du projet de loi de décentralisation, qui sera présenté au Sénat en 2020. Dans ce cadre, nous nous interrogerons sur les moyens pour certaines collectivités territoriales d’être davantage associées aux questions sanitaires. La crise de la démographie médicale qui sévit aux quatre coins du pays nous impose sans doute une réflexion nouvelle, peut-être en interrogeant la capacité à agir des conseils départementaux en la matière – je le dis devant le ministre de l’agriculture, qui, comme moi, a été président de conseil départemental.
Soyez en tout cas assurée de notre disponibilité à avancer sur la question qui vous préoccupe, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Je vous remercie de ces éléments de réponse, monsieur le ministre.
Si les collectivités sont conduites à intervenir, c’est tout simplement parce que les ARS ne disposent pas de budget pour ce type de projets. J’espère que les instructions que vous avez données à la DGCL permettront une évolution positive.
De la même façon que le préfet peut agir en cas de carence d’un maire, on peut espérer que les élus pourront aussi, un jour, intervenir en cas de carence de l’État, car c’est bien de cela qu’il s’agit en l’occurrence.
arboretum national des barres
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 765, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger sur le devenir de l’arboretum national des Barres et sur la nécessité de préserver ce joyau du patrimoine, qui représente l’une des plus riches collections botaniques européennes – elle est internationalement reconnue et quasiment unique en France. Véritable source d’inspiration pour les forestiers, pépiniéristes et concepteurs d’espaces urbains, à l’heure où les changements climatiques nécessitent de puiser au maximum dans les expériences de terrain pour construire les espaces verts de demain, c’est aussi un lieu d’accueil sans pareil pour sensibiliser les futures générations à l’environnement.
Or, depuis plusieurs années, ce site, qui a obtenu le label « jardin remarquable » en 2004 pour ses 380 hectares et ses 2 600 espèces d’arbres et d’arbustes, est confronté à de difficiles décisions, qui risquent de le mettre en péril. Je pense notamment au désengagement progressif de ses partenaires et au rapport de 2014 de la Cour des comptes recommandant à l’Office national des forêts, gestionnaire depuis 2009 et déjà plombé par une dette importante, de se retirer totalement du site.
La solution provisoire trouvée en ce début d’année au niveau territorial est évidemment à saluer, mais il est important de savoir aussi ce que vous comptez mettre en œuvre de manière pérenne pour préserver ce site, créé en 1821 par Philippe André de Vilmorin, et qui fêtera dans deux ans son 200e anniversaire. Comment lui permettre de trouver un modèle économique et scientifique acceptable et, ainsi, sanctuariser cette collection, véritable « bien commun », auquel toutes les associations de patrimoine arboricole et botanique sont particulièrement attachées ? Elles sont dans l’attente d’une solution fiable et, selon elles, retirer ce lieu de l’expertise de l’ONF serait une erreur manifeste.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je sais que tous les parlementaires du Loiret sont très sensibilisés à ce dossier. M. le député Jean-Pierre Door m’a interpellé à ce sujet, de même que M. le sénateur Jean-Pierre Sueur.
Le ministère de l’agriculture est très attaché à ce que l’Office national des forêts joue son rôle de conservation du site absolument remarquable du domaine des Barres, de ses arbres et de ses collections forestières. Cette mission, explicitement inscrite dans le COP 2016-2020 de l’ONF, est confiée à l’Office sous la forme d’une mission d’intérêt général, qui fait l’objet d’une convention pluriannuelle entre l’ONF et le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.
En revanche, localement, d’autres fonctions n’entrant pas dans le champ de la mission confiée par le ministère étaient remplies par l’ONF, telles que l’accueil du public, l’éducation à l’environnement ou la reproduction de plantes ornementales. Dans le contexte financier contraint que vous avez rappelé – nous sommes toutefois en train d’y mettre bon ordre : un nouveau président-directeur général sera bientôt nommé, et l’Office va repartir sur de bons rails –, l’ONF a décidé, en 2018, de mettre fin à l’accueil du public à l’arboretum national des Barres.
Le préfet de région, que vous avez certainement rencontré, s’est depuis beaucoup employé, en étroite concertation avec les différentes parties concernées, à dégager une solution d’urgence pour les saisons 2019 et 2020, dans l’attente d’une solution d’ensemble sur l’avenir du domaine des Barres. C’est ainsi que la mission d’accueil du public a été récemment confiée pour deux ans à la communauté de communes Canaux et forêts du Gâtinais, avec le soutien financier des autres collectivités territoriales. Sachez que l’État contribue, en 2019, à l’accueil du public via une subvention de 50 000 euros au titre du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
En parallèle, et afin de dégager une solution pérenne pour l’ensemble du domaine des Barres, le conseil régional est sur le point de lancer une étude sur la possibilité de créer un site d’éducation à l’environnement. Des premiers scenarii d’aménagement devraient voir le jour à la fin de l’année.
Comme vous pouvez le constater, l’État est mobilisé, via le préfet, et avec l’ensemble des acteurs, pour assurer un avenir à ce site exceptionnel. Mais l’ONF doit en effet prendre de nouvelles orientations.
M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la réplique.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’espère que, pour son 200e anniversaire, en 2021, l’arboretum des Barres sera remis sur de bons rails.
gestion des prairies et retournement des terres à anor et dans la sambre-avesnois
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, auteur de la question n° 812, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Frédéric Marchand. Le maintien des prairies permanentes est un enjeu important pour l’agriculture des Hauts-de-France, en termes tant économiques que sanitaires et environnementaux. Ces prairies sont propices au maintien d’une agriculture diversifiée, qui est une force pour la région. Ce sont également des milieux qui abritent des habitats riches de biodiversité et qui jouent un rôle de filtration, contribuant à préserver la qualité de l’eau et prévenant la survenance de certains risques naturels, dont l’érosion.
Dans le Nord, la Sambre-Avesnois doit faire face à un phénomène nouveau. En manque de terres, les agriculteurs belges et néerlandais s’installent sur ce territoire, avec pour but principal la production intensive de pommes de terre pour alimenter les usines de frites surgelées, la production de chips ou la fabrication de sacs en plastique recyclables.
Cette agriculture intensive nécessite beaucoup de terres pour respecter la rotation des cultures. Les conséquences sont l’arrachage des haies, l’utilisation massive de pesticides et d’intrants chimiques mettant en danger la biodiversité, la pollution des nappes phréatiques ou la destruction des paysages bocagers. À cela s’ajoutent des conséquences possibles sur la santé des habitants et des conséquences économiques, avec une hausse exponentielle du coût des surfaces agricoles.
L’ensemble de la production n’est pas destiné à la consommation locale, mais réexpédié vers la Belgique et les Pays-Bas. Les pesticides, carburants et plants de pommes de terre sont eux importés du pays d’origine des agriculteurs.
C’est le cas dans la commune d’Anor, située en zone parc régional et Natura 2000. La commune est aujourd’hui entourée de prairies, mais si ces dernières sont retournées massivement et subissent l’épandage de pesticides dont la traçabilité reste à déterminer, la production bio du territoire risque d’être perdue.
Plus grave, dans cette commune se trouve une parcelle sur laquelle sont régulièrement cultivées des pommes de terre avec épandage de pesticides importés de Belgique. Or cette parcelle se situe à moins de cent mètres d’un établissement scolaire qui reçoit 90 enfants de deux à cinq ans. Cette école est l’une des premières construites en respectant les normes environnementales ; elle est notamment dotée d’un récupérateur d’eau de pluie, qui sert à un jardin pédagogique.
Les élus et les habitants d’Anor sont inquiets des conséquences de ces nouvelles pratiques auxquelles ils doivent faire face. De plus, la sous-location, illégale dans le domaine agricole, permet à un exploitant belge ou néerlandais de jouir, le temps d’une saison, d’une parcelle déjà louée par un agriculteur français. La sous-location des terres se répand de manière exponentielle et soulève de multiples interrogations d’ordre économique, foncier et sanitaire.
Aussi je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m’indiquer quelles mesures peuvent être envisagées pour mettre fin à cette situation et pour contrôler l’activité des agriculteurs belges et néerlandais dans les Hauts-de-France.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, je le sais, la question que vous soulevez, qui porte sur l’utilisation des prairies par des agriculteurs belges ou néerlandais dans la Sambre-Avesnois, ennuie fortement les agriculteurs de votre territoire. Vos craintes sur les conséquences sanitaires et environnementales de ces cultures intensives, gourmandes en foncier, en rotations de terres et en intrants, sont légitimes. Ce n’est pas aujourd’hui le chemin que nous voulons emprunter dans le cadre de la transition agroécologique.
Cette situation n’est pas tenable, et nous ne pouvons accepter la distorsion de concurrence qu’elle induit.
Nous procédons en ce moment même à l’évaluation des surfaces mobilisées dans les Hauts-de-France, au-delà de la région de l’Avesnois, car elle n’est pas la seule concernée, et des pratiques de retournement de prairies afférentes à la production de pommes de terre.
J’ai par ailleurs demandé à mes services de porter une attention particulière au respect des règles sanitaires sur ces terres.
Des contrôles sont régulièrement diligentés par le service régional de l’alimentation de la DRAAF des Hauts-de-France. Ils portent notamment sur les méthodes de pulvérisation, le prélèvement d’échantillons de végétaux et la vérification de la présence de nématodes dans les parcelles. Ces précisions techniques sont importantes.
Enfin, le respect des bonnes conditions agricoles et environnementales fera l’objet d’un contrôle minutieux sur les terrains concernés. Mes services seront particulièrement attentifs au respect des zones de non-traitement, cruciales dans le voisinage des établissements scolaires, notamment celui d’Anor.
Je vous remercie de votre question, car elle me permet pour la première fois de m’exprimer publiquement sur ce sujet. Vous l’aurez compris, le ministère est totalement en phase avec vos interrogations. Nous voulons trouver une issue positive à la distorsion de concurrence, mais aussi à tous les problèmes sanitaires que ces pratiques pourraient éventuellement poser.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour la réplique.
M. Frédéric Marchand. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je serai à Anor demain soir, et je ne manquerai pas d’indiquer que, là où il y a une volonté, il y a un chemin.
prédation des troupeaux
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 835, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Claude Bérit-Débat. Je suis heureux de pouvoir interroger le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, qui, lorsqu’il siégeait sur les mêmes travées que moi, en tant que président du groupe socialiste, a posé plusieurs fois des questions sur la problématique du loup aux différents ministres qui se sont succédé dans cet hémicycle. Il connaît donc bien la question.
Nous sommes confrontés depuis quelques mois en Dordogne à des attaques répétées d’un prédateur, dans un rayon de trente kilomètres, notamment sur les communes de Saint-Priest-les-Fougères, Mialet et Jumilhac-le-Grand. Chaque fois, c’est le même scénario : des veaux sont tués et laissés sur place, à moitié dévorés. On dénombre aujourd’hui une trentaine d’attaques.
Les éleveurs, qui se sont organisés en association de défense contre les prédateurs, sont très en colère : ils ne reçoivent pas de réponse pour leur indemnisation, car on ne peut pas catégoriquement mettre en cause le loup dans ces attaques. Ils sont surtout inquiets, car les dispositifs mis en œuvre dans d’autres régions, notamment les piedmonts pyrénéens et alpins, sont différents. Le préfet a toutefois réactivé la cellule « loup » et mis en place des référents.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour mieux prévenir ces attaques et indemniser les éleveurs qui y font face ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Bérit-Débat, je suis engagé depuis des années sur la question du prédateur.
Avant toute chose, je tiens à réaffirmer – vous ne l’avez pas fait, mais c’est important – que tous les élus et tous les parlementaires sont favorables à la biodiversité, indispensable dans notre pays. Ce rappel permet d’engager un débat aussi apaisé que possible.
C’est la première fois qu’un ministre de l’agriculture annonce que le loup n’est plus une espèce en voie de disparition, avec plus de 500 individus présents sur le territoire français. Ces déclarations ne me valent pas que des louanges, mais j’assume cette réalité. Nous avons donc élaboré un nouveau plan Loup : nous avons décidé de porter les prélèvements de 10 % à 17 % ; quant aux indemnités dont vous avez parlé, elles s’élèvent à près de 30 millions d’euros. Or je peux vous dire que ces 30 millions d’euros pourraient être facilement utilisés ailleurs, parce que les éleveurs ne veulent pas être indemnisés : ils préféreraient pouvoir faire leur métier et que leurs troupeaux ne soient pas attaqués.
En Dordogne, la question de la responsabilité des attaques se pose effectivement. S’agit-il de loups, d’animaux hybrides ou de chiens errants ? Le préfet coordonnateur Pascal Mailhos travaille beaucoup sur ce sujet, et je pense que des avancées interviendront dans les semaines à venir.
Sachez que le Gouvernement et moi-même sommes pleinement mobilisés pour faire en sorte que les éleveurs puissent continuer à exercer leur profession en toute tranquillité. Un éleveur ne peut pas sans cesse être à l’affût, stressé pour son troupeau.
Je suis pour la défense du bien-être animal et du bien-être des éleveurs, et nous allons poursuivre nos efforts de gestion du prédateur, mais, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, entre l’éleveur et le prédateur, je choisirai toujours l’éleveur. C’est ce que je fais à la tête de ce ministère, et j’ai plutôt l’impression que les choses avancent.
M. le président. Je vous remercie d’avoir été présent à cette séance de questions, monsieur le ministre.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour la réplique.
M. Claude Bérit-Débat. Je suis le porte-parole de ce groupe d’éleveurs du nord de la Dordogne et de la Haute-Vienne qui sont confrontés, fait relativement nouveau, à l’entrée du loup sur leur territoire. Pour l’instant, ils ne trouvent pas d’interlocuteurs pour leur indemnisation, car le loup n’est pas formellement mis en cause, même s’il a été identifié dès 2015 dans un village de la Dordogne – il avait alors été abattu par un brave grand-père dans son poulailler. Les éleveurs sont très « remontés » sur cette question, si vous me passez l’expression, mes chers collègues.
Le problème de la prévention se pose également. En Dordogne, on ne peut pas, comme dans les Alpes ou les Pyrénées, utiliser les chiens patous.
vote par internet pour les élections consulaires de 2020
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, auteur de la question n° 772, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Jacky Deromedi. Monsieur le ministre, à moins d’un an des élections consulaires de 2020, je souhaite appeler votre attention sur la nécessité de sécuriser le vote par internet pour ce scrutin.
Le vote par internet est un dispositif essentiel pour les Français de l’étranger, pour les élections des députés les représentant et pour les élections consulaires. En effet, certains doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre aux urnes. En pratique, les Français de l’étranger utilisent massivement le vote par internet : plus de la moitié d’entre eux ont voté en ligne lors des élections législatives de 2012.
Afin d’éviter l’échec des élections législatives de 2017, où l’État et son prestataire n’étaient pas parvenus à garantir l’intégrité de la plateforme de vote et avaient donc supprimé, à deux mois du scrutin, cette modalité d’expression démocratique, quelles mesures ont été prises pour garantir le vote par internet pour les prochaines élections consulaires de 2020 ?
Pour mémoire, en octobre 2018, après dix mois de travaux dans le cadre d’une mission d’information sur le vote électronique, nous avions formulé, avec mon collègue rapporteur Yves Détraigne, quatre mesures pour sécuriser le vote par internet en vue des élections consulaires de 2020 et législatives de 2022. Nous souhaitions en particulier que soit garantie l’organisation du vote par internet pour les élections consulaires de 2020, notamment en augmentant le nombre de tests grandeur nature et en les organisant avec suffisamment d’anticipation pour corriger les difficultés constatées, mais aussi en s’appuyant sur la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État pour renforcer le pilotage du projet. Nous insistions sur la nécessité de sécuriser l’identification des électeurs participant au vote par internet en créant une véritable identité numérique, le cas échéant à partir d’outils biométriques.
L’échéance approchant à grands pas, il serait regrettable que le vote par internet soit de nouveau annulé au dernier moment, faute d’anticipation et de préparation, alors que notre pays dispose de tous les moyens techniques disponibles. Il reste seulement dix mois pour réunir toutes les conditions pour que nos compatriotes puissent exprimer leur voix de la manière la plus adaptée. Pour plus de la moitié d’entre eux, il s’agit du vote par internet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la sénatrice Deromedi, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Il m’a chargé de vous donner lecture de la réponse qu’il a préparée à votre intention.
Vous avez bien résumé le principe qui doit nous guider : le vote électronique doit être sécurisé. Cette condition sine qua non n’était pas remplie pour les élections législatives de 2017. Cependant, je peux vous dire qu’elle le sera pour les élections consulaires de 2020 et les élections législatives de 2022, comme l’a demandé le Président de la République le 4 octobre 2017.
Dans cette perspective, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a engagé une série de mesures.
Premièrement, s’agissant de la conduite de projet, le pilotage et le suivi du prestataire ont été renforcés grâce à la constitution d’une équipe intégrée au sein de la direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire et de la direction des systèmes d’information.
Deuxièmement, s’agissant du calendrier, les travaux de mise au point de la nouvelle plateforme destinée à l’élection consulaire de 2020 ont été entrepris dès 2018. Un calendrier a été établi pour homologuer la plateforme de vote début 2020. Il est, à ce stade, respecté.
Troisièmement, s’agissant de la sécurité, l’architecture de la plateforme de vote a été modifiée afin d’améliorer sa sécurité et sa robustesse.
Enfin, quatrièmement, s’agissant de l’ergonomie, le portail de vote est simplifié. L’objectif est de permettre à l’électeur, après s’être identifié, de voter en moins d’une minute. Les écrans du portail de vote ont été présentés aux élus lors de la dernière session de mars de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a multiplié les tests ces derniers mois afin d’éprouver le système de vote et d’apporter d’éventuelles corrections.
Les équipes sont actuellement en train de passer à la vitesse supérieure, avec deux échéances capitales.
D’abord, un premier test grandeur nature impliquant 13 000 électeurs testeurs dans les postes sera organisé du 5 au 8 juillet 2019. Selon les résultats, un second test grandeur nature pourra être organisé en octobre de cette année. Il s’agissait d’une demande des élus des Français de l’étranger, à laquelle nous avons donné satisfaction.
Ensuite, une étude d’appréciation des risques numériques et de leur traitement a été lancée en juin et se déroulera sur plusieurs mois. Elle repose sur une méthode particulièrement exigeante et nous permettra de disposer d’un état des lieux précis et sans concession sur le dispositif de vote. Cela nous permettra ainsi de corriger d’éventuelles failles suffisamment en amont.
L’objectif du Gouvernement demeure une homologation de la plateforme de vote en janvier 2020.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour la réplique.
Mme Jacky Deromedi. Je vous remercie de ces informations rassurantes et intéressantes, monsieur le ministre.
L’expression démocratique des Français de l’étranger compte tout autant que celle des Français de métropole et d’outre-mer. Ne leur enlevons pas ce droit une nouvelle fois !
décrochage de metz dans l’université de lorraine
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, auteur de la question n° 682, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
M. François Grosdidier. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Le Premier Empire avait créé deux facultés en Lorraine : l’une de sciences, à Metz ; l’autre de lettres, à Nancy.
De 1870 à 1918, l’Annexion a détruit toute vie intellectuelle et universitaire à Metz, la francophone. L’Empire allemand a investi exclusivement à Strasbourg, la germanophone. Parallèlement, la République française, légitimement, a investi massivement à Nancy, le bastion universitaire le plus avancé de la francité aux marches de l’Est.
Il faudra attendre les années soixante pour que des enseignements de première année soient dispensés à Metz, depuis l’université de Strasbourg, et pas depuis celle de Nancy.
Enfin, c’est seulement en 1968, soit cinquante ans après le retour à la République, que la loi Faure a permis la création de l’université de Metz.
Aujourd’hui, plus de cent ans après le retour de la France, Metz reste très gravement sous-dotée par rapport à son bassin de population.
Metz a accepté la fusion des universités de Lorraine en 2012, convaincue que les sites seraient plus forts ensemble et se développeraient d’autant mieux. Cependant, le risque était fort pour Metz, en acceptant cette fusion, de figer la disproportion entre les deux sites, voire de l’accroître. Ce risque, hélas, se vérifie.
Au lieu de se réduire, l’écart se creuse. Metz a toujours un site universitaire sous-dimensionné par rapport à ses bassins de vie et d’emploi. S’agissant de la gouvernance, sur les onze directions opérationnelles, une seule siège à Metz. La répartition des contrats doctoraux est également inéquitable.
La Lorraine Nord compte 1,5 fois la population de la Lorraine Sud, mais seulement 30 % des étudiants lorrains, et cette proportion continue de diminuer.
Le nombre d’ingénieurs formés à Metz est également en baisse, alors que les besoins de son bassin industriel sont incontestablement plus importants.
L’école nationale d’ingénieurs de Metz, l’ENIM, a perdu 6 millions d’euros de budget.
Le dernier épisode du refus du projet de création de l’école d’ingénieurs Mista a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, chacun s’apercevant, dans chaque unité, que la gouvernance nancéienne lésait Metz.
J’aurai trois questions.
Le Gouvernement a-t-il conscience de ce retard historique, qui pénalise Metz et la Lorraine Nord en matière universitaire ? Certes, ce retard résulte des avatars de l’histoire, mais les décisions actuelles entraînent son accroissement plutôt que sa réduction.
Dans ce système où Metz est marginalisée, est-il possible d’imaginer des règles de gouvernance et des principes équitables de gestion et de répartition ? Si cela s’avérait impossible, une scission est-elle possible ou Metz doit-elle chercher les voies de son développement dans des partenariats avec de grandes écoles ou des universités étrangères déjà implantées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
La riche histoire, que vous avez rappelée et qui a conduit à la fusion des universités de Nancy et de Metz, témoigne de l’intérêt de la création de ce grand établissement afin de doter la Moselle comme la Lorraine et la majeure partie du territoire du Grand Est d’une offre complète en matière de formation et de recherche.
Tout d’abord, je tiens à rappeler qu’il ne revient pas au Gouvernement, conformément à l’esprit de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, de commenter ou de remettre en cause le caractère des décisions prises par telle ou telle université dans le cadre de son autonomie.
Par ailleurs, votre question laisse entendre que la création de l’université de Lorraine aurait été mise en œuvre au détriment du territoire messin. C’est une analyse que ne partage pas la ministre de l’enseignement supérieur.
S’agissant du siège de la présidence, Nancy a été retenue, parce qu’elle accueille le siège du recteur de région académique. Cela est de nature à simplifier les relations entre les services déconcentrés de l’État et l’université, comme c’est le cas dans de nombreuses autres régions.
La fusion a permis de réaliser à Metz, ces dernières années, des projets ambitieux et significatifs au bénéfice des étudiants messins. À titre d’exemple, l’installation sur le technopôle des UFR de mathématiques, informatique et mécanique, ainsi que des cinq laboratoires de recherche associés afin de rapprocher la formation et la recherche des entreprises a donné lieu à plus de 38 millions d’euros d’investissements.
S’agissant des contrats doctoraux, ils font l’objet d’un appel à candidatures organisé par les laboratoires de recherche, sans distinction entre ceux installés à Metz et à Nancy.
Quant au projet management, ingénierie, sciences et technologies avancées, connu sous l’acronyme Mista, il est à la fois ambitieux et complexe. Le conseil d’administration de l’université a donc souhaité, en février dernier, se donner plus de temps pour réfléchir au développement des formations d’ingénieurs dans le bassin messin. C’est une décision que chacun doit respecter. Cela n’enlève rien au diagnostic que vous avez établi et qui est partagé par l’université de Lorraine.
Metz connaît un réel essor économique et industriel qui demande un surcroît de formations pour les métiers d’ingénieur et de technicien spécialisé. Cette problématique est bien connue de la présidence de l’université, qui cherche à répondre à ce besoin.
Le Gouvernement est donc bien conscient de l’intérêt du développement de formations adaptées aux besoins des entreprises pour le bassin messin. Ainsi, la ministre Frédérique Vidal ne manquera pas de demander à l’université de Lorraine de préciser sa vision du développement du site de Metz dans le cadre du dialogue stratégique de gestion qui sera généralisé à toutes les universités dès la rentrée prochaine.
modalités de calcul des retraites des professeurs des écoles
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, en remplacement de M. Claude Raynal, auteur de la question n° 621, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Marie-Pierre Monier. Cette question a été préparée en collaboration avec mon collègue Claude Raynal. Nous avons été alertés, depuis des mois, sur les conséquences de la mise en place du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations, pour les anciens instituteurs devenus professeurs des écoles. En effet, dans le cadre de ce protocole, les anciens instituteurs ne sont plus éligibles, dans les faits, aux rendez-vous de carrière qui permettent d’accéder à la hors classe de professeur des écoles. Voilà donc quinze ou vingt ans d’une vie professionnelle au service de l’État rayés du calcul des possibilités d’avancement !
Cette situation perdure. Dans le bulletin officiel paru le 21 mars 2019 relatif au passage à la hors classe des professeurs des écoles, il apparaît que, concernant l’avis émis par les inspecteurs, l’ancienneté générale de service n’est toujours pas un critère. Ainsi, la méritocratie républicaine, dont ils sont les premiers gardiens, ne s’applique pas à eux ! L’idéal de la fonction publique basé sur la promotion interne, le plus souvent par concours, se trouve mis à mal par des règles comptables.
En outre, il semblerait que la prise en compte des années en tant qu’instituteur dans la détermination de l’avis permettant le passage à la hors classe diffère en pratique selon les académies. La rupture d’égalité en fonction du parcours se trouve dès lors renforcée par des inégalités territoriales.
Ces inégalités de traitement s’accompagnent de conséquences à long terme, notamment sur les retraites. Voilà des fonctionnaires qui ont, par vocation, consacré leur vie à l’intérêt général avec des retraites inférieures à celles de leurs collègues.
Au-delà de l’aspect purement financier, se trouve aussi, et peut-être avant tout, un problème humain, car ces professeurs des écoles qui ont gravi tous les échelons ressentent cette situation comme témoignant d’un profond mépris et d’une séparation entre les « vrais » professeurs des écoles et ceux arrivés plus tardivement – et avec plus d’expérience – à cette fonction.
Je souhaiterais connaître les solutions envisagées par l’administration pour remédier à cette situation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, il se trouve que vous posez cette question au nom de Claude Raynal et que je vous réponds au nom de Jean-Michel Blanquer ; l’exercice est ainsi complet. (Sourires.)
La création du corps des professeurs des écoles s’est accompagnée de l’intégration progressive des instituteurs. Ces derniers, agents de catégorie B recrutés au niveau du baccalauréat, ont donc rejoint, par la voie du concours interne ou d’une liste d’aptitude, un corps de catégorie A.
Les services des instituteurs sont repris à l’occasion de leur intégration, en tenant compte du changement de catégorie induit. Une année de service effectuée dans le corps des instituteurs n’est donc pas reprise à hauteur d’une année entière.
Toutefois, ces règles ne conduisent pas à pénaliser les anciens instituteurs. En effet, ils sont éligibles à la hors classe, et les instituteurs qui intégreront à l’avenir le corps des professeurs des écoles pourront être promus dès leur intégration.
Depuis l’intervention du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations, connu sous l’acronyme PPCR, au 1er septembre 2017, les conditions d’accès à la hors classe des différents corps des personnels enseignants, d’éducation et psychologues ont été modifiées. Désormais, le vivier des agents « promouvables » a été resserré, mais, en parallèle, le taux de promotion a été considérablement augmenté, passant de 5,5 % pour 2017 à 13,2 % pour 2018, afin de maintenir le nombre de promotions. Ce taux sera porté à 15,1 % en 2019 pour atteindre, à terme, la convergence avec les enseignants du second degré.
L’ensemble des anciens instituteurs pouvant être promus hors classe dès la mise en œuvre du PPCR en 2017, ils bénéficient directement de ces nouvelles modalités de promotion.
S’agissant de leur évaluation professionnelle, les ex-instituteurs « promouvables » à la hors classe qui n’avaient pu bénéficier d’un rendez-vous de carrière ont reçu, lors de la campagne 2018, une appréciation sur leur valeur professionnelle fondée sur l’avis des inspecteurs. Ils ont donc été intégrés à l’exercice de promotion à la hors classe, qui repose sur l’examen de deux critères : l’appréciation professionnelle et l’ancienneté.
Enfin, les instituteurs devenus professeurs des écoles peuvent également accéder au troisième grade créé par le PPCR, dénommé « classe exceptionnelle ». Les conditions de passage sont favorables aux professeurs des écoles ex-instituteurs : lors de la campagne de promotion 2018, ils constituaient, en effet, moins d’un tiers du vivier des « promouvables », mais représentaient plus de la moitié des promus.
Ainsi, les instituteurs qui ont intégré le corps des professeurs des écoles ont un déroulement de carrière qui leur permet de partir à la retraite dans des conditions plus favorables que celles qui auraient été les leurs dans le corps des instituteurs.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le ministre, j’entends vos arguments, mais j’ai reçu des instituteurs dans mon département, et je peux vous dire que, sur le terrain, les choses ne se passent pas comme vous les présentez. Vous avez parlé de l’appréciation des inspecteurs ; il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, et le processus manque de lisibilité.
Aujourd’hui, il n’y a pas d’équité dans le processus de promotion au grade « hors classe ». Or notre République promeut l’égalité de traitement entre tous les individus. Elle se doit donc de la réaliser pour son personnel. Il faudrait vraiment que le ministère de l’éducation nationale se penche concrètement sur ce qui se passe sur le terrain.
sous-effectifs chroniques au sein des juridictions
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 626, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Brigitte Lherbier. L’administration judiciaire, plus particulièrement pour ce qui concerne les magistrats, souffre d’un manque constant de personnel. Je veux évoquer avec vous la situation d’un tribunal que je connais bien, le tribunal de grande instance de Lille : à la fin de l’année 2018, il disposait d’un effectif réel de fonctionnaires de 216 équivalents temps plein, mais ses besoins étaient évalués à 280 ETP, soit un manque de 64 emplois, c’est-à-dire 23 % de l’effectif.
Les besoins des tribunaux croissent d’année en année à raison des réformes et de l’augmentation de la demande de justice. En dépit de l’attention de l’administration centrale, l’effectif de fonctionnaires reste inadapté à la charge de travail, si bien que le ratio de performance des fonctionnaires du TGI de Lille est le plus élevé du groupe rassemblant les douze juridictions les plus importantes de France.
Le troisième conseil de juridiction s’est tenu vendredi 28 juin à Lille en présence du président du TGI, du procureur de la République, du directeur de greffe, des professionnels de justice et d’un certain nombre de parlementaires, dont je faisais partie. La situation présentée par tous a révélé une surcharge de travail des personnels judiciaires excessive par manque de personnel, sans compter les arrêts et les congés maternité et sans compter les réformes à mettre en place à la rentrée.
Vingt-six juridictions sociales en France connaissent une réforme. Lille organise dans ce cadre un vaste pôle social, en regroupant le tribunal de la sécurité sociale, le tribunal de l’incapacité… Cette réorganisation s’ajoute à l’activité initiale.
On constate aussi à Lille une forte augmentation de l’activité pénale, puisque les affaires « poursuivables » ont crû de 16 % en 2018. Les besoins en magistrats et en greffiers sont donc à réévaluer dans le ressort du TGI.
Ce problème est, au vu des questions posées par les collègues de toute la France, une constatation nationale. La situation est grave, et j’aurais voulu que Mme la garde des sceaux nous rassure sur les moyens mis en œuvre par son ministère pour remédier à ce manque de professionnels judiciaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Mme Lherbier et moi-même sommes tout ouïe ! (Sourires.)
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Je vois donc apparaître un axe Tourcoing-Mayotte, monsieur le président… (Sourires.)
Madame la sénatrice Brigitte Lherbier, je vous prie d’excuser Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, qui m’a chargé de vous répondre.
La programmation quinquennale 2018-2022 prévoit la création nette de 184 emplois pour les greffes afin notamment d’améliorer les délais de traitement, de diminuer les vacances d’emplois et de renforcer l’équipe autour du magistrat. En cinq ans, 750 greffiers auront été recrutés grâce notamment aux mesures de simplification procédurale en matière civile et pénale permises par la loi de programmation et de réforme pour la justice. En parallèle, les efforts de mise en cohérence des emplois et des moyens, à l’aune de la fusion des greffes de première instance, permettront de rétablir une juste répartition en fonction de la charge de travail des juridictions.
Les services des ressources humaines de la direction des services judiciaires définissent et mettent en œuvre la politique de gestion des ressources humaines. Ainsi, la CLE, la circulaire de localisation des emplois, constitue un cadre annuel opérationnel pour les effectifs des juridictions. Elle est établie à l’issue de réunions avec les chefs des cours d’appel qui présentent leurs demandes d’adaptation du volume d’emplois alloué au ressort. Ces demandes sont examinées par les services des ressources humaines au regard notamment de l’analyse des données d’activité de chaque juridiction, des éléments de gestion ou des particularités territoriales.
La charge de travail est estimée importante au TGI de Lille et est identifiée par les services de l’administration centrale. Cela a d’ailleurs motivé un renfort continu depuis quatre ans : la hausse des emplois localisés s’est élevée à vingt-six, ce qui représente 11,5 % d’augmentation, tandis que la hausse nationale atteignait 2,3 %. Aujourd’hui, ce sont 238 agents qui travaillent au TGI de Lille.
En 2019, le tribunal de grande instance de Lille a bénéficié de quatorze emplois supplémentaires pour absorber le transfert du contentieux social et de deux autres emplois en renfort de son parquet et en soutien du service de la numérisation.
Enfin, le ressort de la cour d’appel de Douai a été renforcé de cinq emplois, permettant un soutien aux juridictions du ressort, notamment de Lille. Ces efforts se poursuivront dans les prochaines années.
Je sais les élus du Nord vigilants sur cette question, et le ministre de l’action et des comptes publics la surveille de près.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre disponibilité.
La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour la réplique.
Mme Brigitte Lherbier. Durant ma vie universitaire, j’ai toujours travaillé avec les magistrats et les greffiers, et je suis particulièrement attentive à leurs soucis professionnels. Ils méritent cette attention, tant leur dévouement est grand. Par conséquent, j’espère, monsieur le ministre, que les choses évolueront positivement.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Je remercie tous nos collègues, ainsi que les membres du Gouvernement, qui ont pris part à cette séance.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant ratification de l’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (projet n° 573, texte de la commission n° 598, rapport n° 597, avis n° 596).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui, dans cet hémicycle, pour parler de l’avenir du sport français. Cet avenir, ce sont les jeux Olympiques et Paralympiques en France en 2024. Le Président de la République et le Premier ministre ont fixé un objectif clair et ambitieux.
Pour réussir ce grand événement sportif, culturel et populaire, nous devons relever de multiples défis, bien sûr en termes de résultats sportifs, mais aussi d’association et d’implication de l’ensemble de nos concitoyens, notamment des jeunes, des femmes et plus largement de toutes celles et tous ceux qui sont éloignés de la pratique sportive, ainsi que de tous nos territoires, pas seulement Paris et la région Île-de-France. En ce sens, le label « Terre de Jeux » lancé par Paris 2024 est une formidable initiative visant à faire vivre les Jeux à travers toute la France et à en faire une magnifique fête populaire et fédératrice.
Les cinq années qui nous séparent de 2024 sont par ailleurs une occasion unique de donner envie de sport à notre nation. Alors que, aujourd’hui encore, un Français sur deux ne pratique aucune activité physique, notre objectif est aussi d’augmenter le nombre de pratiquants dans notre pays. Du sport pour tous, quel que soit l’âge, les envies ou les aspirations de chacun.
L’avenir du sport français, c’est également la réforme de notre modèle sportif, que je porte au sein du ministère des sports. En effet, j’ai pour ambition que ce nouveau modèle soit davantage au service de tous les Français et qu’il permette au sport d’occuper une autre place dans notre société. Avec l’accueil des Jeux, une nouvelle organisation doit être conçue pour perdurer bien au-delà de 2024 et permettre une transformation durable du sport en France.
Le projet de loi, dont nous allons débattre cet après-midi, répond parfaitement à ces deux grands enjeux et permet de consacrer dans la loi des dispositifs structurels d’organisation qui ont été élaborés en lien étroit avec les acteurs du sport.
Le premier dispositif prévu par le texte est celui des voies réservées à la « famille olympique » pour les Jeux de 2024. Conformément au cahier des charges du Comité international olympique, ces voies vont permettre aux athlètes, aux officiels, aux accompagnateurs, ainsi qu’aux véhicules de secours et de sécurité de circuler plus facilement. Grâce à la loi Olympique de mars 2018, le Gouvernement a pu insérer ce dispositif dans le cadre de l’ordonnance publiée le 20 mars dernier. C’est précisément cette ordonnance que l’article 1er du projet de loi ratifie, en nous permettant de respecter le délai qui nous était assigné.
Toujours en complément de la loi Olympique, l’article 2 du projet de loi offre une garantie complémentaire de livrer, en temps et en heure, les infrastructures nouvelles construites pour les Jeux. Vous savez aussi bien que moi l’enjeu énorme que cela représente.
Cet article acte ainsi une procédure exceptionnelle de règlement des litiges, puisqu’il désigne la cour administrative d’appel de Paris comme seule compétente. En cas de contentieux sur les décisions préfectorales prises en matière d’urbanisme, de construction ou d’aménagement en lien avec les Jeux, c’est elle qui statuera en premier et dernier ressort.
En commission, ces dispositions ont été modifiées par plusieurs amendements. Afin de préserver les équilibres dégagés lors de l’élaboration de l’ordonnance, le Gouvernement souhaite revenir à la version initiale du texte s’agissant des voies olympiques comme des contentieux en matière de déférés préfectoraux.
Au-delà de ces deux dispositions, qui s’inscrivent dans la continuité de la loi Olympique de 2018, je veux profiter de nos discussions pour rappeler que nous devons être au rendez-vous de ces Jeux, c’est-à-dire porter collectivement une politique publique ambitieuse en matière d’héritage. Cet héritage doit être à la fois durable, social et solidaire.
Après une année 2018 consacrée à consolider le cadre juridique et financier des Jeux et lancer le programme de création des équipements, l’État et le COJO ont, dès 2019, mobilisé l’ensemble des territoires et engagé nos concitoyens dans le projet olympique.
Cet héritage, c’est le fil conducteur de ma feuille de route. J’ai eu l’occasion de mettre en œuvre cette feuille de route ces derniers mois par une série de plans d’actions concrets qui portaient sur différentes thématiques : la haute performance ; la recherche, au service de cette haute performance ; plus de sport à l’école et plus tôt dans la scolarité, avec par exemple le plan Aisance aquatique ; le sport-santé ; l’emploi sportif. J’aurai d’autres occasions de vous présenter ces actions.
Cet héritage repose sur deux piliers : le développement de la pratique sportive ; le haut niveau et la haute performance. Nous avons justement imaginé la création de l’Agence nationale du sport autour de ces deux grands piliers indissociables, qui sont indispensables au maintien d’une politique publique sportive ambitieuse. Cette agence, née le 24 avril dernier, est présidée par Jean Castex et réunit, de façon inédite,…
M. Pierre Ouzoulias. Pour être inédit, c’est inédit !
Mme Roxana Maracineanu, ministre. … l’État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique. Cette logique de gouvernance partagée et de démocratie participative doit servir la politique sportive et la structuration nouvelle de mon ministère.
J’ai souhaité que cette agence puisse être consacrée dans la loi, en y intégrant plusieurs garde-fous, qui ont été travaillés en étroite collaboration avec le Conseil d’État. C’est tout l’objet de l’article 3 du projet de loi qui nous occupe aujourd’hui.
Constituée sous forme de groupement d’intérêt public, cette agence est chargée de favoriser le haut niveau et de développer l’accès à la pratique sportive. Elle apporte son concours aux projets et aux acteurs qui y contribuent, partout sur les territoires.
Le projet de loi rappelle ces principes et s’inscrit dans le cadre de la loi de 2011 sur les GIP. En complément, une convention constitutive signée par l’ensemble des membres fondateurs et approuvée par arrêté décrit plus largement l’objet, la composition et le fonctionnement précis de l’Agence.
En préservant les équilibres entre les différentes parties prenantes, cette convention constitutive a permis de préciser le rôle de l’État. En particulier, celui-ci détient des droits de vote majorés en matière de haute performance, ainsi qu’un droit d’opposition sur les questions mettant en jeu les intérêts de l’État. En outre, à travers le ministre des sports, l’État a un pouvoir de proposition pour la nomination du président, du directeur général et du manager de la haute performance.
L’article 3 du projet de loi précise par ailleurs que l’Agence exercera sa mission en lien étroit avec l’État, dont la stratégie sera déclinée dans le cadre d’une convention d’objectifs signée avec l’Agence.
Plusieurs amendements adoptés en commission visaient à apporter des précisions au sujet de cette convention. Si je partage certaines de ces propositions, je ne souhaite pas pour autant que l’on en complexifie trop le processus d’élaboration. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter dans quelques instants.
Je veux rapidement profiter des discussions qui nous rassemblent aujourd’hui pour lever quelques malentendus et confirmer devant vous que le ministère des sports continuera pleinement à jouer le rôle qui est le sien et à exercer les missions de nature régalienne en matière de contrôle, de sécurité et de régulation. Sur le reste de son champ d’action, le ministère se positionnera dans un rôle diffèrent, novateur et agile, dans une relation nouvelle avec les fédérations sportives et dans une plus grande ouverture vers l’ensemble des pratiques sportives.
Le GIP que constitue l’Agence fera par ailleurs l’objet de différents contrôles, que le Gouvernement a souhaité renforcer dans le cadre de ce projet de loi, en le soumettant au contrôle d’un commissaire du Gouvernement, au contrôle économique et financier de l’État, ainsi qu’aux procédures liées à l’Agence française anticorruption. Il s’agit de garanties importantes que nous nous apprêtons à consacrer, aujourd’hui, dans la loi pour assurer, demain, le bon fonctionnement de l’Agence. Dans cet esprit et dans un objectif de transparence, le texte soumet le président du GIP, son directeur général et le responsable de la haute performance aux obligations relatives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Vos débats en commission ont également porté sur la présence des parlementaires au sein de l’Agence. Sachez que j’y suis favorable depuis le début. Je propose qu’ils puissent siéger au conseil d’administration de l’Agence au titre de personnalités qualifiées, comme cela était le cas au CNDS. Au-delà, il me paraît essentiel que les parlementaires puissent servir de relais à l’Agence ainsi qu’au ministère, notamment en faisant remonter les bonnes pratiques identifiées dans les territoires.
La dimension territoriale de notre nouveau modèle sportif est un enjeu majeur. La question de son organisation territoriale doit naturellement être posée en cohérence avec le chantier gouvernemental en cours sur la réorganisation territoriale de l’État.
À ce sujet, le projet de loi déposé par le Gouvernement confiait simplement au représentant de l’État dans les régions le rôle de délégué de l’Agence, notamment pour le plan financier. Ce volet territorial a été largement étoffé par vos travaux en commission. En particulier, deux dispositifs sur lesquels nous réfléchissons depuis plusieurs mois ont été intégrés au texte : d’une part, les conférences régionales du sport ; d’autre part, les conférences des financeurs.
Si nous partageons pleinement le principe de ces propositions, le Gouvernement n’a néanmoins pas souhaité proposer d’amendements à ce stade, dans la mesure où des travaux sont en cours avec l’ensemble des membres du GIP pour préciser cette nouvelle organisation. J’ai naturellement demandé à ce que des parlementaires y soient associés et à ce que l’on puisse aboutir rapidement à un dispositif partagé, efficace et véritablement opérationnel. C’est la garantie d’une simplification de notre action au niveau local au bénéfice d’une plus grande proximité avec les associations et nos concitoyens.
L’action du ministère des sports au niveau local repose pour beaucoup, vous le savez, sur le travail effectué avec engagement et professionnalisme, sur le terrain et au sein des fédérations, par les conseillers techniques sportifs. Vous connaissez aussi – j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de m’exprimer sur ce sujet lors de séances de questions au Gouvernement – le contexte de transformation, dans lequel nous sommes invités à redéfinir et à préciser la relation des CTS à l’État et aux fédérations sportives et, au-delà, leur action dans le cadre des politiques publiques mises en places.
J’ai entendu la colère et les critiques émanant des premiers concernés. Je l’ai dit, et je le redis ici, je ne souhaite pas passer en force. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de nommer deux tiers de confiance, M. Yann Cucherat et M. Alain Resplandy-Bernard, qui sont chargés d’engager une large concertation, dans l’écoute et le dialogue. J’attends d’eux qu’ils formulent des propositions nouvelles en matière d’organisation structurelle du modèle, de portage des politiques publiques de haute performance et d’accès au sport pour tous les publics. Leur rapport me sera remis en octobre 2019. Dans cette attente, et comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, aucune réforme, aucun détachement, ne sera engagé, et le mouvement au titre de l’année 2019 est en train d’être mis en œuvre. C’est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de la disposition adoptée en commission. Nous souhaitons laisser le temps à la concertation et permettre aux tiers de confiance de travailler sereinement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens ici à vous remercier, en particulier Mme la rapporteur pour avis Muriel Jourda et M. le rapporteur Claude Kern, pour les échanges constructifs en amont de cette discussion en séance. Je sais votre attachement aux valeurs de l’olympisme et votre dévouement à faire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 un grand succès sur tous les territoires.
L’examen du présent projet de loi m’offre l’occasion de réaffirmer ma volonté de débattre avec vous et avec l’ensemble des parlementaires de l’évolution du modèle sportif français que je porte actuellement. Ce texte n’en est qu’une étape. Il sera prolongé, au premier trimestre de 2020, par un projet de loi d’ampleur consacré au sport, qui permettra de parfaire ces évolutions, en particulier s’agissant de la gouvernance des fédérations sportives et de leur démocratie interne, mais également en matière de développement de la pratique du sport pour le plus grand nombre, avec la volonté de lever un certain nombre de freins à celle-ci.
Tout au long de ces démarches législatives, j’espère pouvoir compter sur votre soutien, comme la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a pu le faire, voilà quelques jours, en adoptant ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention à l’article 3 du projet de loi. Les articles 1er et 2, ayant été délégués à la commission des lois, seront évoqués par mon éminente collègue Muriel Jourda.
L’article 3 inscrit dans la loi l’Agence nationale du sport. Il ne s’agit pas d’une simple mesure technique visant à sécuriser juridiquement le statut de l’Agence, comme le laisse penser l’exposé des motifs. Cette reconnaissance législative constitue, en réalité, la pointe émergée d’un iceberg – le ministère des sports qui se détache malheureusement de plus en plus de l’État pour suivre sa propre route…
Toute la question est aujourd’hui de savoir où mènera cette évolution. La création de l’Agence nationale du sport ouvre en effet une nouvelle ère. Elle obligera le ministère des sports à se réinventer autour de ses missions régaliennes. Si sa pérennité semble garantie jusqu’à 2024, comme vous nous l’avez indiqué, madame la ministre, il ne fait guère de doute que son intégration progressive au sein du ministère de l’éducation nationale – déjà envisagée au niveau des services déconcentrés – constitue un horizon probable, une fois que la flamme des Jeux de Paris se sera éteinte.
Cette évolution du ministère des sports n’a pas fait l’objet d’un débat public.
Le transfert obligatoire des CTS aux fédérations a été engagé de manière anodine, à travers un alinéa ajouté tardivement dans le projet de loi de transformation de la fonction publique, tandis que les deux plus importantes compétences du ministère des sports – la haute performance et le sport pour tous – lui sont enlevées à l’occasion du vote d’une disposition qui survient lors de l’examen d’un projet de loi portant ratification d’une ordonnance.
Je ne crois pas que ce soit la bonne méthode. Je le dis avec d’autant plus de force que, au sein d’une commission comprenant de nombreux spécialistes du sport, nous sommes bien conscients des limites de notre modèle et de la nécessité de le faire évoluer.
Je ne m’attarderai pas sur les conditions dans lesquelles nous avons préparé l’examen de ce texte – des conditions de travail loin d’être normalement confortables… C’est pourquoi nous pensons qu’un débat sur les ambitions et les moyens que notre pays souhaite consacrer au sport est plus que nécessaire. Il n’est pas possible de découper par petits bouts le modèle sportif français en cherchant à faire le moins de bruit possible pour, en définitive, reporter le financement sur les collectivités territoriales, tout en essayant de maintenir la primauté de l’État.
La recherche d’une gouvernance collégiale du sport demande du courage et de la sincérité. Or le statut de l’Agence nationale du sport vise à promouvoir la concertation entre les acteurs et la collégialité de la décision, tout en préservant une forme de primauté de l’État. Il suffit de regarder, par exemple, les droits de vote double pour l’État sur certains sujets, ou encore l’existence d’une convention d’objectifs permettant à ce dernier de définir la stratégie de l’Agence et le rôle de délégué territorial, confié au préfet de région. Le choix de confier la présidence de l’Agence au Délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques, ou Dijop, illustre également une certaine vision de la concertation.
Si les mérites de cette nouvelle collégialité restent à démontrer, les nuages sont déjà nombreux à s’amonceler au-dessus de la nouvelle agence.
Ses moyens financiers semblent inférieurs aux promesses initiales : ils sont plus proches des 300 millions d’euros que des 350 millions d’euros évoqués initialement. La disparition programmée des CTS fait planer une menace certaine sur la haute performance et, donc, sur la capacité de l’Agence à exercer sa mission, tandis que le devenir même de la structure n’est pas assuré au-delà des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le Conseil d’État ayant indiqué que le choix du groupement d’intérêt public ne pouvait être que provisoire.
Face à tant d’incertitudes, un débat démocratique était nécessaire. Nous ne pouvons donc que remercier le Conseil d’État d’avoir considéré que plusieurs dispositions de la convention constitutive de l’Agence nécessitaient de recourir à la loi, compte tenu, en particulier, des distances prises avec les règles relatives aux groupements d’intérêt public telles qu’elles ont été définies par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
L’examen au Parlement de l’article 3 ouvre la possibilité de dépasser les arguments de droit pour refonder notre politique sportive en apportant toutes les garanties nécessaires au Parlement, aux collectivités territoriales et au mouvement sportif. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons modifier et enrichir l’article 3, plutôt que de maintenir le statu quo comme le proposent certains de nos collègues. Supprimer l’article 3 reviendrait, en effet, à nier les insuffisances de notre modèle sportif, qui nourrit un fort mécontentement au sein des fédérations sportives comme des collectivités territoriales. Que dire, par ailleurs, de nos résultats sportifs, qui stagnent à un niveau souvent insuffisant compte tenu de la qualité de nos athlètes et des moyens mobilisés ?
Dans leur majorité, les membres de la commission considèrent donc utile d’accompagner cette réforme, qui a été conçue conjointement par le Gouvernement, les collectivités territoriales et les fédérations sportives, tout en associant les acteurs du monde économique.
Dans les premières esquisses de l’Agence, il était prévu que celle-ci se concentre sur le haut niveau dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Ce sont les acteurs de terrain qui ont souhaité que l’on n’oublie pas la pratique sportive.
La double compétence est ainsi inscrite au fronton de l’Agence nationale du sport. Or cette double compétence est de plus en plus l’affaire des collectivités territoriales, lesquelles sont d’ailleurs de loin le premier financeur du sport pour tous. En outre, la décentralisation des Creps a fait des régions des acteurs incontournables de la haute performance. Voilà pourquoi il nous a semblé indispensable de préciser les modalités de la gouvernance territoriale de l’Agence nationale du sport.
La seule précision à ce sujet que comportait l’article 3 du projet de loi concernait le préfet de région, qui se voyait reconnaître le rôle de délégué territorial de l’Agence. Cette désignation du préfet a suscité une réaction défavorable du mouvement sportif et des représentants des élus. Ceux-ci craignent, à la fois, un investissement variable de ce haut fonctionnaire selon les territoires et une gestion directive de la concertation, dans l’hypothèse où il lui reviendrait d’animer les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs.
Pour répondre à ces inquiétudes, notre commission a souhaité circonscrire le rôle du délégué territorial et inscrire dès maintenant dans la loi le principe de la création des conférences régionales du sport en charge d’établir le projet territorial, ainsi que celle des conférences des financeurs. La rédaction de la commission prévoit que ces deux types de structures élisent leurs présidents en leur sein, ce qui exclut dans les faits une présidence imposée du préfet.
J’ajoute que l’inscription des modalités de la gouvernance territoriale dans la loi permet également de mettre un terme au soupçon de report de la construction du second pilier de l’Agence nationale du sport relatif au développement de la pratique du sport.
Je conclurai en évoquant l’avenir des CTS.
Le Sénat a modifié l’alinéa 11 de l’article 28 du projet de loi de transformation de la fonction publique pour exclure un transfert obligatoire des CTS aux fédérations sportives. Pouvez-vous nous garantir, madame la ministre, que cette disposition, adoptée par le Sénat, sera maintenue dans le texte final ? Dans ce cas, nous pourrions renoncer à notre amendement à l’article 3, visant à donner mission au responsable de la haute performance de l’Agence de procéder à leurs affectations. Dans le cas contraire, il nous semblerait indispensable de préserver la possibilité d’une gestion coordonnée et dynamique de ce corps, indispensable à notre modèle sportif.
Enfin, je dirai un mot sur l’intitulé du projet de loi. Nous avons souhaité le modifier pour qu’il évoque la création de l’Agence nationale du sport. Cette mise en cohérence conforte l’importance de la réforme de notre modèle sportif initiée par ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, je vais évoquer en quelques mots les articles 1er et 2 de ce projet de loi, comme vient de l’indiquer notre collègue Claude Kern.
L’article 1er ratifie l’ordonnance prise par le Gouvernement, conformément à l’autorisation que nous lui avions accordée dans le cadre de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il a trait aux voies de circulation pour ces Jeux.
L’article 2 harmonise les procédures de recours relativement aux opérations d’urbanisation et d’aménagement liées aux jeux Olympiques et Paralympiques.
Prenons tout d’abord l’article 1er, qui ratifie l’ordonnance relative aux voies de circulation.
L’article 1er de cette ordonnance traite des voies réservées aux véhicules de secours, aux véhicules de sécurité et aux véhicules accrédités. Ces voies – couvrant 289 kilomètres en Île-de-France, dans les départements accueillant des sites de compétition, mais également dans les départements limitrophes – seront déterminées par décret et réservées entre le 1er juillet et le 15 septembre 2024. Les raisons en sont assez évidentes : d’une part, les 206 délégations attendues arriveront quinze jours avant le début des Jeux ; d’autre part, il faut bien évidemment tester le dispositif pour évaluer son efficacité avant sa mise en œuvre.
Cet article ne présente pas de difficultés, mais la commission des lois a prévu que ces voies seraient activées de manière proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité qui y sont mentionnés.
L’article 2 de l’ordonnance prévoit que les voies de délestage des voies réservées, mais également celles qui peuvent être utiles, mais accessoires, seront déterminées, soit par le préfet de police en région Île-de-France, soit par le préfet du département où se situe la zone de défense et de sécurité pour les autres départements accueillant des sites de compétition ou les départements limitrophes. La commission n’a pas d’observation particulière à formuler sur cet article.
Aux termes de l’article 3 de l’ordonnance, ce sont les mêmes autorités qui, sur toutes ces voies, disposeront des pouvoirs de police de la circulation routière et du stationnement. La commission des lois a légèrement amendé cet article, en indiquant que l’autorité normalement compétente sur ces voies serait bien évidemment consultée avant la mise en œuvre de ce dispositif dérogatoire.
Enfin, il est prévu à l’article 4 de l’ordonnance qu’en Île-de-France le préfet de police donnerait un avis, parfois même imposerait des prescriptions sur les projets de travaux ou d’aménagement susceptibles d’avoir une incidence sur l’utilisation des voies réservées, et ce, toujours, afin de garantir des conditions optimales de sécurité et de fluidité sur ces voies. La commission a, ici aussi, apporté des précisions dans la rédaction de cet article.
J’en viens maintenant à l’article 2 du projet de loi, qui est un article d’harmonisation.
Rappelez-vous, mes chers collègues, que nous avions introduit, dans la loi relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, une procédure dérogatoire sur les recours des tiers contre les autorisations d’urbanisme, d’aménagement, de maîtrise foncière relatives aux jeux Olympiques et Paralympiques. Cette procédure dérogatoire, dont le but était de raccourcir les délais de procédure en permettant la saisine, non pas du tribunal, mais directement de la cour administrative d’appel, est aussi appliquée aux déférés préfectoraux, c’est-à-dire aux recours qui pourraient être engagés par le préfet.
Cet article ne présente pas de difficultés, mais la commission l’a réécrit pour des raisons « constitutionnelles » : alors qu’il figurait dans un texte de loi, il comprenait des dispositions réglementaires auxquelles nous faisions dérogation.
Après cette analyse rapide de ces deux articles du projet de loi, je conclurai en indiquant – mais vous l’avez compris – que la commission des lois a posé un regard bienveillant sur l’ensemble de ces dispositions, de la même façon qu’elle avait considéré avec bienveillance le projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Ce dont il est question, ici, c’est de travailler à l’image de la France à travers cet événement international. Nous souhaitons tous, c’est évident, que celui-ci se déroule dans les meilleures conditions. C’est pourquoi nous n’avons fait qu’introduire des ajustements, des précisions, parfois dans le seul but de sécuriser juridiquement le texte, et, bien évidemment, mes chers collègues, je vous invite à suivre la position de la commission des lois et à accueillir le projet qui nous est proposé aujourd’hui avec la même bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 23.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi portant ratification de l’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (n° 598, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la motion
M. Pierre Ouzoulias. Citius, altius, fortius (Marques d’appréciation sur les travées du groupe Les Républicains.) : telle est la devise des olympiades de l’ère moderne. Votre projet de loi pourrait en être une brillante illustration, madame la ministre, tant il manifeste l’intention du Gouvernement d’aller plus vite dans la désagrégation du modèle sportif français, plus haut dans la transgression des droits du Parlement et plus fort dans sa volonté d’imposer cette réorganisation majeure sans aucune concertation.
M. Guy-Dominique Kennel. Voilà qui est bienveillant ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Ouzoulias. Tout commence lors de la discussion du projet de loi de finances pour l’année 2019 et le dépôt d’un amendement gouvernemental attribuant les taxes affectées au Centre national pour le développement du sport à une nouvelle Agence nationale du sport, sans existence. La rapporteure spéciale de ce budget pour l’Assemblée nationale avait exprimé alors ses plus vives réserves sur la transparence de cette manipulation budgétaire et, plus fondamentalement, sur l’opportunité de créer une nouvelle structure, à côté du Centre national pour le développement du sport et de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance.
Dans le même esprit, le 29 novembre 2018, lors de l’examen du même projet de loi de finances, notre groupe, en la personne de notre collègue Pascal Savoldelli, s’était fermement opposé au transfèrement des crédits du Centre national pour le développement du sport vers un organisme dont le devenir, la gouvernance et les missions étaient encore indéfinis.
Sans écouter les mises en garde et les critiques multiples, votre ministère a poursuivi dans l’improvisation en donnant, par un simple arrêté, le statut de groupement d’intérêt public à l’Agence nationale du sport. La fragilité juridique de ce dispositif vous oblige aujourd’hui à demander au Parlement de la doter d’une base légale un peu plus affermie, mais totalement dérogatoire. Vous nous proposez donc, dans l’urgence et en catimini, la création d’une nouvelle structure chargée d’endosser « un rôle de maîtrise d’ouvrage sur le champ de la haute performance sportive », par un article introduit subrepticement dans une loi de ratification d’une ordonnance. Les bonnes pratiques législatives auraient dû vous conduire à nous présenter ce projet de réorganisation du sport de haut niveau dans une loi spécifique ou, à tout le moins, de nous expliquer sincèrement que c’était l’objet primordial du présent texte et que les articles de ratification n’y étaient rattachés que de façon accessoire.
Nous regrettons vivement que vous n’ayez pas suivi l’injonction du Conseil d’État de faire apparaître dans le titre de ce projet de loi, de manière explicite, la création de l’Agence nationale du sport. À la demande de notre rapporteur, le sénateur Claude Kern, dont je salue le travail, notre commission a satisfait heureusement cette prescription.
Mais il y a plus grave ! Dans son avis très critique, le Conseil d’État souligne que la nature juridique très particulière du groupement d’intérêt public, les missions générales qui lui ont été confiées par un arrêté et sa nécessaire pérennité imposent de lui octroyer, par la loi, un statut dérogatoire.
Autrement dit, vous demandez au Parlement, par ce projet de loi, d’assurer l’existence juridique d’un organisme créé par un arrêté ministériel. La hiérarchie des normes en est renversée et le Parlement est sommé d’approuver une décision administrative constituée en fait accompli. Sa compétence est ainsi liée, ce qui est contraire au principe démocratique de la séparation des pouvoirs.
C’est ce manquement qui motive le dépôt de la présente motion, conformément au troisième alinéa de l’article 44 de notre règlement.
En février 2018, dans le champ de compétence de notre commission, le Gouvernement avait déjà procédé de la sorte en organisant par décret la plateforme Parcoursup et nous demandant ensuite d’assurer rétroactivement, par la loi, la solidité juridique de ces dispositions nouvelles. Déjà, il avait forcé notre décision en engageant une réforme d’ampleur, qui aurait compromis le bon déroulement de la rentrée si elle n’avait pas été confirmée par la loi.
De la même façon, vous nous soumettez un projet de loi qui n’est que l’acte confirmatif d’un vaste projet de réorganisation du sport de haut niveau dont nous n’avons pas eu à connaître. En supprimant, par le décret du 20 avril 2019, le Centre national pour le développement du sport et en transférant ses ressources, ses biens et obligations à une nouvelle agence, dont le statut juridique est inapproprié pour poursuivre ses missions, vous nous soumettez à un impératif fort peu respectueux des droits du Parlement et, singulièrement, de la liberté d’appréciation du Sénat.
La loi du 29 octobre 1975, dite loi Mazeaud, fut l’un des outils essentiels de la construction du modèle sportif français. J’en rappelle les objectifs affirmés avec force dans son article 1er : « Le développement de la pratique des activités physiques et sportives, élément fondamental de la culture, constitue une obligation nationale. […] L’État est responsable de l’enseignement de l’éducation physique et sportive […]. En liaison avec le mouvement sportif, l’État et les collectivités publiques favorisent la pratique des activités physiques et sportives par tous et à tous les niveaux […]. »
L’Insep, institué par son article 8, était chargé de l’encadrement du sport de haut niveau. Ses missions étaient alors de participer « à la recherche scientifique fondamentale et appliquée en matière pédagogique, médicale et technique ; à la formation continue de niveau supérieur des personnels enseignants d’éducation physique et sportive, des conseillers techniques et des éducateurs sportifs ainsi que des personnels des services de la jeunesse et des sports ; à l’entraînement des équipes nationales ainsi qu’à la promotion des sportifs de haut niveau. »
L’Agence nationale du sport, telle qu’elle est instituée par l’article 3 du présent projet de loi, semble recevoir dans ses dévolutions une grande partie de toutes ces missions, tant et si bien que monde sportif s’est interrogé sur la place qui serait laissée à l’Insep.
Le Conseil d’État vous a expressément demandé dans son avis de préciser comment l’État, le Gouvernement et votre ministère continueraient de mettre en œuvre les politiques publiques. Il vous a ainsi rappelé les obligations procédant de l’article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. » Afin de satisfaire cette obligation et de ne pas déposséder votre ministère de toutes ses capacités d’action, il vous a proposé de renforcer les moyens de contrôle de l’Agence par l’État et de mieux organiser ses moyens d’intervention en faveur des politiques publiques décidées par le Gouvernement.
Le projet de loi transmis au Sénat a très peu été corrigé pour satisfaire ces demandes du Conseil d’État. C’est ce que vous avez appelé en préalable « travailler avec le Conseil d’État »…
Sur l’initiative de son rapporteur, dont je salue la valeureuse tentative de sauvetage, notre commission a considérablement amendé votre projet pour mieux définir le rôle et l’action de cette nouvelle agence, notamment dans les territoires. Néanmoins, malgré ces propositions, il demeure légitime de se demander si la forme juridique du groupement d’intérêt public est appropriée pour répondre à ces objectifs ainsi redéfinis.
Il serait plus judicieux de remettre en chantier la grande loi annoncée par votre prédécesseur, Mme Laura Flessel, lors de la présentation du projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques, le 20 décembre 2017. Je la cite : « Je souhaite présenter début 2019 » – nous sommes en juillet – « devant le Parlement un projet de loi “sport et société” visant à encourager la pratique pour tous et partout, tout au long de la vie. Une loi pour le sport du quotidien, le sport plaisir, le sport santé, le sport éthique. Une loi qui parle aux gens. À ce texte et à sa préparation, je compte vous associer pleinement. »
Mes chers collègues, pour donner au Gouvernement la faculté d’honorer ses engagements, nous proposons au Sénat de surseoir à l’examen de ce texte en votant en faveur de la motion déposée par le groupe CRCE. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également.)
M. Claude Kern, rapporteur. Comme vous le savez, mes chers collègues, la création de l’Agence nationale du sport est déjà effective depuis le 24 avril dernier. Cette entité constitue une pierre essentielle sur le chemin de la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Refuser de discuter du présent projet de loi ne remettrait pas en cause le principe de son existence. En revanche, cela pourrait fragiliser juridiquement son statut et, ainsi, compliquer l’exercice de ses missions.
Il me semble donc préférable d’ouvrir au Sénat un débat, qui n’a pas véritablement eu lieu à ce jour, et de profiter de l’examen de ce texte pour apporter les garanties nécessaires aux collectivités territoriales et au mouvement sportif. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Comme vous vous en doutez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Je l’ai dit, l’Agence nationale du sport, créée le 24 avril dernier, constitue un véritable outil au service du ministère des sports. Bien sûr, nous aurions aimé respecter le calendrier évoqué dans la présentation de cette motion, à savoir passer par l’étape de la discussion et de l’élaboration de la loi avant sa création. Nous avons néanmoins respecté le passage par la concertation. Celle qui a porté sur l’Agence nationale du sport, comme M. Kern l’a rappelé, a duré près de vingt mois ; on ne peut donc pas nous accuser de nous en être passés. Les collectivités et le mouvement sportif sont prêts à nous suivre.
Si, aujourd’hui, cette agence doit être consacrée dans la loi, c’est aussi pour pouvoir donner un cadre à certaines notions de transparence ou de contrôle des dirigeants. Il me semble donc impératif de ne pas nous arrêter en chemin. Pour faire du modèle à transformer un modèle vertueux, il faut finir la course et, donc, franchir les obstacles. Sans cela, nous risquons de tomber dans les travers dont on s’est précédemment fait l’écho.
Par conséquent, je nous incite tous à regarder la ligne d’arrivée, plutôt que les haies à franchir, qui, elles, font partie de la course.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Bien que je partage en grande partie les arguments développés par notre collègue Ouzoulias sur l’article 3, le présent texte comprend aussi deux autres articles – l’article 1er et l’article 2 –, qui s’inscrivent dans la continuité de la loi du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, loi que nous avions d’ailleurs adoptée à l’unanimité dans cette enceinte, contrairement à l’Assemblée nationale.
On ne peut pas se dédouaner de la nécessité de créer les bonnes conditions pour la tenue des jeux Olympiques de 2024 et, donc, faire abstraction d’un débat aussi majeur que celui qui nous attend dans quelques instants, notamment sur la notion de service public du sport.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Sans surprise, notre groupe soutiendra cette motion.
J’entends les arguments de nos collègues invoquant la nécessité de sécuriser l’Agence. Mais personne n’ignore ici que des recours ont été déposés devant le Conseil d’État pour demander l’annulation de sa création. Autrement dit, l’Agence est d’ores et déjà en situation d’insécurité absolue, pour les raisons brillamment exposées par notre collègue Ouzoulias et liées au cheminement désordonné ayant présidé à son instauration.
Nous sommes tout à fait disposés à débattre ; nous proposons même l’ouverture d’un grand débat sur une politique publique du sport dans ce pays. Mais n’imaginons pas que notre discussion de ce jour et le vote du projet de loi permettront de sécuriser l’Agence : il se pourrait que sa création soit tout simplement annulée dans les prochains jours !
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Bien sûr, je suivrai l’avis de la commission. Le rapporteur a choisi de s’emparer de ce texte pour corriger très fortement ses manques – nous en parlerons tout à l’heure.
Cela étant, je comprends le vif mouvement d’humeur de nos collègues, car, si vous dites avoir respecté la concertation, madame la ministre, vous n’avez pas respecté le Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Pierre Ouzoulias. Eh oui !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Pendant plus d’un mois, nous vous avons demandé de venir devant la commission, comme le fait tout ministre pour défendre son texte, l’expliquer, dialoguer avec les parlementaires, essayer de l’enrichir, de l’améliorer. C’est le travail normal que nous faisons avec tous les membres du Gouvernement : encore récemment, avec M. Blanquer, nous avons fait un excellent travail et, ainsi, nous sommes parvenus à un texte satisfaisant.
Vous avez encore déposé des amendements aujourd’hui, à treize heures trente-huit,…
M. Mathieu Darnaud. Ah bah bravo !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. … amendements qui, d’ailleurs, comportent des erreurs rédactionnelles ; nous n’avons pas pu réunir la commission pour les examiner. Ce ne sont pas des manières de faire.
Les représentants du mouvement sportif, qui nous écrivent en abondance pour le déplorer, comme les collectivités territoriales ne se sentent pas concernés. C’est un véritable problème de méthode, car vous nous proposez une réforme très profonde du modèle sportif français.
Vous voyez les étapes de ce travail comme des haies, mais ce sont des haies nécessaires. Elles doivent être franchies de manière méthodique et un tant soit peu rigoureuse. D’ailleurs, le Conseil d’État a rendu un avis sévère sur la manière dont cette agence est censée être constituée.
Monsieur Ouzoulias, avec la plateforme Parcoursup, la situation était différente : nous étions dans une urgence immédiate, car il fallait suivre le cycle universitaire, assurer la rentrée à venir, alors que le précédent système était devenu illégal. En l’occurrence, nous avions tout de même un peu de temps pour travailler sérieusement le sujet.
Cette réforme inspire des inquiétudes, ne serait-ce que pour ce qui concerne les modalités organisationnelles de l’Agence et leur déclinaison dans les territoires. D’ailleurs, vous n’évoquez guère les collectivités territoriales. Je rappelle qu’elles investissent 12 milliards d’euros chaque année dans le sport, y compris le sport de haut niveau. On ne saurait donc faire sans les collectivités territoriales, qui se posent beaucoup de questions en ce moment, qui plus est avec le transfert des conseillers techniques sportifs.
Le Parlement est prêt à travailler, prêt à avancer, prêt à réformer. De grâce, respectez-le ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Guy-Dominique Kennel. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 23, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 159 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 268 |
Pour l’adoption | 16 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Claude Malhuret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Paris accueillera dans cinq ans le plus grand des événements sportifs. Les jeux Olympiques et Paralympiques offrent des moments uniques de communion universelle, pendant lesquels des milliards d’hommes et de femmes aux quatre coins du globe vibrent ensemble aux exploits de leurs champions. Autant dire que l’échéance nous oblige.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui doit permettre à la France d’être à la hauteur de l’enjeu. Pour la deuxième fois, le Parlement est appelé à voter des dispositions spécifiques pour doter la puissance publique des outils adaptés. C’est notamment l’objectif des deux premiers articles, l’un ratifiant l’ordonnance relative aux voies réservées et à la police de la circulation, l’autre attribuant à la cour administrative d’appel de Paris les contentieux de déférés préfectoraux portant sur des opérations d’urbanisme, d’aménagement et de maîtrise foncière.
Ces deux articles découlent essentiellement de décisions déjà actées par le Parlement et n’appellent pas, de ce fait, de commentaire particulier. Mais, contrairement à ce qu’indiquait l’intitulé initial du projet de loi, le texte dont nous discutons aujourd’hui ne se réduit pas pour autant à de simples mesures techniques et opérationnelles. Il a une portée politique, que les travaux de la commission ont clairement exposée.
« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », disait Camus. Il faut donc saluer l’initiative de notre collègue et rapporteur Claude Kern, qui a proposé de renommer le projet de loi afin de lui donner un titre qui correspond mieux à la réalité et sans doute, ce faisant, de diminuer le malheur de ce monde. En effet, le texte ne vise pas seulement la ratification d’ordonnances. Il régularise l’existence de l’Agence nationale du sport, dont le principe avait déjà été acté. Compte tenu des missions que vous souhaitez lui confier, madame la ministre, il apparaît nécessaire d’avoir un débat en bonne et due forme sur les implications de ces décisions pour notre modèle sportif.
La méthode que vous avez retenue pour soumettre ce projet de loi peut sembler un peu cavalière, notamment dans la succession des décisions, d’abord réglementaires, puis législatives, ou encore en ce qui concerne le temps d’échange et de débat en commission. Je n’insisterai pas sur ce sujet : Mme la présidente de la commission l’a déjà fait.
Ce projet de loi a pour objet, non seulement la bonne organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, mais aussi la réorganisation du modèle sportif de la France. Avec la création de l’Agence nationale du sport, c’est bien de l’avenir de la pratique sportive en France qu’il est question, tant pour les amateurs que pour les professionnels.
Ce changement d’approche constitue une décision politique au sens fort du terme. C’est pourquoi j’approuve la proposition de la commission d’associer des députés et des sénateurs à la gouvernance de l’Agence et de soumettre sa gestion au contrôle du Parlement, qui a toute légitimité pour prendre part au pilotage de cette institution.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Claude Malhuret. Mais la réorganisation du modèle sportif français concerne au premier chef les collectivités territoriales. Elles doivent prendre toute leur part dans ce dispositif ; le présent texte en pose le cadre et fixe les objectifs. Elles sont les acteurs les plus indiqués pour animer la pratique sportive dans nos territoires, à proximité immédiate de nos concitoyens.
Les aménagements introduits en commission, notamment concernant le principe d’une gouvernance territoriale de l’Agence nationale du sport, me semblent à cet égard tout à fait pertinents. Ils doivent contribuer à ancrer la politique nationale du sport dans les territoires.
En effet, le sport est un puissant vecteur d’intégration sociale. On y apprend à respecter l’autre pour ce qu’il fait, indépendamment de ce qu’il est. Camus, encore lui, disait que ce qu’il savait de plus sûr en matière de morale, il l’avait appris dans un stade de football. Je ne sais si j’ai raison de citer cette phrase : le football de l’époque de Camus n’a pas grand-chose à voir avec le football d’aujourd’hui… Toutefois, parce qu’il renforce le lien social, parce qu’il donne sa chance à tous, parce qu’il favorise toujours celui qui s’efforce et persévère, le sport est une école de la République, dans les villes comme dans les campagnes, pour chacun et pour chacune. Nous aurions bien tort de nous en priver.
Parce que le sport est si utile à la cohésion sociale, la puissance publique doit favoriser les conditions de sa pratique par toutes et par tous. Mais parce que le sport est aussi utile en matière de diplomatie internationale, par l’influence qu’il exerce par-delà les frontières, la puissance publique doit également créer les conditions propices à l’émergence de nouveaux talents et de futurs champions qui, avant d’aller décrocher l’or olympique, commenceront par s’entraîner là d’où ils viennent.
Madame la ministre, mes chers collègues, pour la politique du sport comme pour bien d’autres domaines, un modèle centralisé et étatique se révèle bien souvent moins efficace et moins inclusif qu’un modèle décentralisé et collégial.
M. Charles Revet. C’est une certitude !
M. Claude Malhuret. Il s’agit, dans ce cas comme dans d’autres, de faire confiance aux acteurs de terrain plutôt qu’aux technocrates éloignés du terrain.
Le groupe Les Indépendants votera donc le projet de loi tel qu’amendé par la commission, afin de soutenir le renouvellement du modèle sportif français et de renforcer le rôle des collectivités territoriales dans le dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Claude Kern, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, nous nous retrouvons pour la deuxième fois dans cet hémicycle pour examiner des dispositions législatives qui doivent permettre à la France de faire des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 une grande réussite.
Disons-le d’emblée, madame la ministre : le Sénat adhère au but fixé par ces textes, car nous sommes tous conscients que, derrière l’organisation de cet événement sans précédent, c’est l’image de la France dans le monde qui sera en jeu. Toutefois, pour réussir, nous devrons relever un double défi.
Le premier défi est financier. Chacun a en mémoire les dérives financières qui ont secoué les précédentes éditions – je sais ce dont je parle, car Rio est voisin de la Guyane. Il est donc primordial que la France soit à la hauteur de l’enjeu et maîtrise les coûts annoncés.
Le second défi est plus profond. Il réside dans notre capacité à valoriser l’olympisme par-delà l’événement lui-même, par-delà l’élan d’enthousiasme sportif qu’il suscitera jusqu’à ce que la flamme soit éteinte.
À cet égard, l’olympiade culturelle qui précédera de quatre ans l’ouverture des Jeux est un très bon outil. Pour autant, elle ne doit pas se limiter aux sites olympiques et aux bases arrière, auxquelles je préfère, pour ma part, les termes de « bases avancées ». Elle doit également permettre de faire rayonner les valeurs de l’olympisme dans toute la France, y compris dans tous les outre-mer.
Cela étant dit, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen d’un texte pour le moins singulier. En effet, d’abord conçu de manière purement technique, ce projet de loi a rapidement évolué face à la nécessité posée par le Conseil d’État de passer par la loi pour créer l’Agence nationale du sport.
Tout d’abord, il nous est proposé, avec deux premiers articles bienvenus, la ratification de l’ordonnance relative aux voies réservées à la circulation de certains véhicules et à la police de la circulation. Si l’on pouvait légitimement penser que ces mesures concernaient davantage le domaine réglementaire, le recours à la loi était toutefois nécessaire. En effet, la répartition des compétences, s’agissant de la police de la circulation, relève directement du pouvoir normatif.
La perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est donc une chance à saisir pour faire évoluer le modèle sportif français, régulièrement mis à l’index. Celui-ci doit être en phase avec les nouvelles attentes des pratiquants et des acteurs sportifs représentés dans toute leur diversité et, plus largement, avec les enjeux de notre société.
Aussi l’article 3 vient-il préciser l’Agence nationale du sport sous la forme d’un groupement d’intérêt public, ou GIP, dont l’objectif est précisément de renforcer les capacités sportives du pays sur le fondement d’une gouvernance collégiale et concertée.
Le principe ne pose aucun souci majeur. Au contraire, notre rapporteur a lui-même souligné la pertinence du recours au GIP, en ce qu’il permet une souplesse de gestion et de financement. Pour autant, reconnaissons-le, il est quelque peu frustrant pour les parlementaires que nous sommes d’effleurer ainsi l’Agence nationale du sport sans évoquer davantage son organisation, son mode de gouvernance ou encore sa pérennité.
Le sujet n’est pas anecdotique. Comme l’observe le Conseil d’État, la création de cette nouvelle agence revient pour l’État à se dessaisir des principales dimensions de la politique du sport : le soutien au sport de haut niveau et à la haute performance, d’une part, le développement de l’accès à la pratique sportive, d’autre part. C’est la raison pour laquelle notre rapporteur, que je salue de nouveau pour son travail, a souhaité profiter de ce texte pour ouvrir le champ de notre débat. Je me réjouis personnellement de l’occasion qui nous est donnée de parler de sport, tant les débats techniques autour des JO 2024 peuvent parfois se révéler frustrants.
Dans le détail, notre commission a voulu préciser la gouvernance, l’organisation territoriale et les moyens de cette nouvelle agence.
Les membres de notre groupe soutiennent les modifications opérées en faveur d’un rôle accru des parlementaires dans la politique sportive de la France. Il semble en effet important que certaines commissions puissent donner un avis sur la convention d’objectifs. Ils portent également un regard bienveillant sur le recentrage du rôle du préfet de région comme délégué territorial ainsi que sur la création d’une conférence régionale du sport. En revanche, nous sommes opposés à la décision de confier au responsable de la haute performance de l’Agence l’affectation et l’évaluation des conseillers techniques sportifs dans les fédérations agréées.
Si j’ai personnellement soutenu la position récente de notre commission contre un transfert obligatoire des CTS aux fédérations sportives, c’est précisément parce qu’un temps de concertation me paraît indispensable. Aussi, il me semble tout autant précipité de confier la gestion des CTS à l’Agence nationale du sport, tout juste créée. Je note d’ailleurs que le collectif des 1 300 CTS comme l’association des directeurs techniques nationaux n’y sont eux-mêmes pas favorables.
Madame la ministre, je vous sais pleinement investie pour faire évoluer le modèle sportif français ; un modèle en vertu duquel l’État est partenaire auprès des acteurs responsables et engagés que sont les fédérations, les collectivités et le monde de l’entreprise. Aussi, je ne doute pas que vous saurez nous rassurer pour poser ensemble la première pierre d’un débat plus large ; un grand débat que nous aurons en 2020, je l’espère, autour du projet de loi Sport, texte qui vous est cher et que nous appelons tous de nos vœux. Pour l’heure, notre groupe votera le présent projet de loi. (M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, qui nous est présenté bien souvent comme un texte technique, est en réalité lourd de conséquences pour l’organisation de notre modèle sportif – nous avons déjà abordé la question. En effet, le cœur de ce projet de loi, c’est évidemment la création de l’Agence nationale du sport, contrairement à ce que son titre laissait entendre.
Madame la ministre, cette méthode ne fait pas honneur à votre ministère. Il aurait été plus opportun de conduire un large débat sur notre modèle sportif, sur ses atouts, sur ses défauts et sur les éventuelles modifications à lui apporter, avant de définir les structures et les outils nécessaires à la mise en œuvre d’une politique sportive.
De ce point de vue, vous garantissez un projet de loi d’ampleur sur le sport d’ici à 2020, mais le Premier ministre n’en a pas dit mot dans son récent discours de politique générale, ce qui n’est pas pour nous rassurer.
De plus, sans attendre cet hypothétique débat, vous réformez profondément le modèle sportif français par la création, que vous demandez au Parlement de ratifier a posteriori, d’une agence dont les missions consacrent une nouvelle séparation en France entre le sport de haut niveau – la haute performance – et le sport de masse. Or tous les acteurs de terrain le savent : il est absurde et vain de vouloir l’un sans l’autre. C’est là importer une vision étrangère, anglo-américaine pour être précise, sur laquelle notre culture nationale, totalement différente, ne peut se calquer, et qui est d’ailleurs loin de tenir toutes ses promesses dans les pays où elle s’applique, même en prenant en considération les seuls critères du sport de haut niveau.
Plus grave encore : cette agence, à laquelle vous nous demandez, pour la forme, de donner notre assentiment, marque un désengagement inédit de l’État et ouvre la porte à une privatisation du sport, qui rompt avec tout ce qu’est le modèle français du sport. Ainsi le monde économique aura-t-il son mot à dire sur la politique du sport et l’utilisation des deniers publics en matière sportive. On se demande bien au nom de quoi l’État se dessaisirait volontairement de ses prérogatives au profit d’un groupement d’intérêt public tout en continuant à le financer. C’est le contraire qu’il faudrait faire : désintoxiquer le sport, tout au moins certaines disciplines, de l’argent, qui conduit parfois aux antipodes des valeurs de l’olympisme.
En revanche, dans d’autres disciplines, dans le sport amateur, et ce dans nombre de nos territoires, on tire le diable par la queue, si vous me permettez l’expression. Au-delà des questions de fond que pose votre projet, nous craignons que cette réforme ne se traduise par une véritable usine à gaz dans les territoires, précisément, même si M. le rapporteur et la commission ont tenté de clarifier les choses.
Ainsi, la circulaire du 12 juin dernier indique que l’Agence nationale du sport déploiera son action au niveau régional via les Creps, pour ce qui concerne le sport de haut niveau, Creps dont la voilure – doit-on le rappeler ? – a été amputée d’un tiers et qui, aujourd’hui, reposent essentiellement sur les régions. Mais c’est via les directions académiques des services de l’éducation nationale que s’organiserait le sport pour tous, en même temps que le préfet serait le délégué territorial de l’Agence. Et il faut ajouter la création d’un délégué auprès du recteur de région académique pour animer le réseau des équipes chargées de ses missions.
Ministère, Agence nationale du sport, Creps, Dasen, préfet, recteur, sans même parler des modifications impliquées par le service national universel concernant le sport : nos élus locaux devront avoir un bon sens de l’orientation pour trouver le bon interlocuteur et, ainsi, mener à bien les projets sportifs dans leur commune ou leur bassin de vie !
Ce que vous nous proposez n’est donc pas davantage justifié par un besoin de simplification que par le projet de fond qui le sous-tend ; et on voit difficilement ce que le pays, les élus comme les citoyens, a à gagner dans tout cela. A contrario, ce que nous y perdrions est assez clair.
La logique globale, c’est la mise en cause de l’existence même d’un véritable ministère des sports. Le travail de sape a déjà commencé, comme en témoigne la baisse du budget du sport de 6 % cette année, après une baisse de 7 % l’année précédente.
Le sort réservé aux CTS est, dans ce cadre, tragiquement parlant : le Gouvernement veut transférer un CTS sur deux vers les fédérations sportives et supprimer le concours, ce qui conduirait de fait à l’extinction, à moyen terme, de ce corps.
Mes chers collègues, je crains que nous ne perdions le point marqué ensemble, ici, la semaine dernière, en excluant les CTS des détachements d’office prévus dans le projet de loi sur la fonction publique, si nous décidions de les transférer à l’Agence nationale du sport. Puisqu’une pause dans ces transferts a été obtenue – madame la ministre, vous l’avez confirmé une nouvelle fois –, puisque la mission Cucherat Resplandy-Bernard doit rendre ses conclusions au mois d’octobre prochain – vous l’avez également rappelé –, n’optons pas pour un remède qui pourrait se révéler pire que le mal.
Le sport, en France, c’est bien davantage que le sport. Dans beaucoup de nos territoires, une partie essentielle de la cohésion sociale s’y joue. Sur le plan national, de grands événements jouent un rôle fédérateur, de cohésion nationale, à l’image du soutien populaire qui s’est tout récemment exprimé à l’égard de notre équipe féminine de foot. C’est aussi, au quotidien, un vecteur d’engagement pour des milliers de bénévoles qui font vivre le sport de proximité, dans presque toutes nos communes.
Déstabiliser ce modèle sans même avoir conduit un débat de fond sur les orientations en matière de politique sportive, alors que le haut niveau se prépare pour les prochains jeux Olympiques et Paralympiques et que la France elle-même se prépare à accueillir les JO de 2024 ; déstabiliser ce modèle, qui repose sur l’engagement de plus en plus fragile de ces millions de bénévoles, est extrêmement risqué. Nous voudrions vous en convaincre, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, par ses articles 1er et 2, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui porte ratification de l’ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. En outre, il porte dérogation aux dispositions de droit commun s’appliquant aux contentieux des déférés préfectoraux devant les tribunaux administratifs.
Je ne m’appesantirai pas sur ces deux articles, portant application de la loi du 26 mars 2018. Mon intervention se concentrera sur l’article 3, qui vient avaliser la création, déjà effective, de l’Agence nationale du sport.
Fallait-il appréhender la refonte du modèle sportif français par un texte de circonstance, par un seul article, en procédure accélérée, d’un projet de loi visant à sécuriser juridiquement l’Agence nationale du sport à la demande du Conseil d’État ? Ou bien fallait-il fixer législativement le cadre d’une politique sportive nationale, à l’intérieur duquel l’Agence serait appelée à jouer, ou non, un rôle d’opérateur ?
Le moment n’était-il pas venu de réinterroger les notions de missions de service public, de délégation ou encore d’agrément, le sport et la société de 2019 n’étant pas le sport et la société de 1984 ou de 2000 ? Je fais bien sûr référence à la loi du 16 juillet 1984, dite Avice, relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, corrigée par la loi dite Buffet du 6 juillet 2000.
Raccrocher la problématique de l’Agence, créée en avril dernier, aux questions de voies réservées et de police de la circulation inhérentes aux JO de 2024 n’est-il pas pour le moins cavalier ?
Fallait-il inviter les parlementaires à cette importante phase de consultation de 2018 sur la gouvernance du sport, consultation sous-jacente à la mise en œuvre de l’Agence ?
Fallait-il limiter la réforme du modèle sportif à une mutation du CNDS, par une modification de ses règles statutaires et l’élargissement de son mode de gouvernance, ou bien aller plus loin ?
Fallait-il faire le choix de la forme juridique du GIP, d’un établissement public à caractère administratif, voire d’un établissement public à caractère industriel et commercial ? Fallait-il commencer par installer une agence ayant comme objet la haute performance, en reprenant la formule de Tony Estanguet – « isoler le haut niveau, en mode commando » –, avant, éventuellement, de l’élargir au développement des pratiques ? Ou bien fallait-il, dès le départ, tenter de relever les deux défis ?
Je pose beaucoup de questions et reste muet sur les réponses. Pourquoi ? Tout simplement parce que le texte dont nous sommes saisis ne nous sollicite pas sur ces questions majeures ! Pourtant, le cap fixé par l’Agence ne saurait résulter d’une confusion entre les fins et les moyens.
Il importe de créer les conditions pour que se déploie une bonne combinaison entre les politiques sportives territoriales et les plans de développement des fédérations. Ne pas réunir ces conditions compromettrait l’atteinte des ambitions affichées : 80 médailles aux JO de 2024 et 3 millions de pratiquants supplémentaires.
J’en reviens au texte qui nous occupe aujourd’hui. Au vu de la place qu’y occupent les dispositions relatives à l’Agence nationale du sport et conformément à l’avis du Conseil d’État rendu le 6 juin dernier, je me réjouis que l’on ait pu en modifier l’intitulé, par la voie d’un amendement sénatorial adopté en commission de la culture, pour y faire apparaître ce sujet. Ainsi, nous pourrons enrichir et sécuriser juridiquement cette agence, créée par un arrêté paru au Journal officiel du 20 avril 2019.
Rappelons que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, et alors que cette instance n’avait aucune existence juridique, un amendement gouvernemental a désigné « l’Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement à l’accès à la pratique sportive » comme affectataire, au plus tard le 1er septembre 2019, des financements jusque-là versés au Centre national pour le développement du sport. Cette annonce posait immédiatement la question du respect des engagements financiers en cours et suscitait l’inquiétude des collectivités territoriales pour le financement et la pérennité de leurs projets.
Par un amendement, je propose d’élargir le développement des pratiques par la notion d’« activités physiques et sportives ».
Du Front populaire au début de la Ve République, l’option qui prévalait était une forme d’éducation populaire reposant sur des pratiques physiques qui n’étaient ni sportives ni compétitives. Aujourd’hui encore, la demande sociale transcende largement, et de plus en plus, les disciplines olympiques – certains évoquent une « ubérisation » du sport – avec les activités hors structures, moins élitistes, parfois activités physiques de pleine nature, parfois activités d’essence très urbaine. Ainsi l’offre du service public doit-elle dépasser la seule pratique sportive et prendre en compte les expressions corporelles nouvelles.
L’article 3 ne fait pas référence à la dimension budgétaire de l’Agence, alors même que la traduction administrative du projet de politique sportive s’est toujours heurtée, en France, au manque de moyens. Quand une organisation nouvelle se met en place – c’est le cas ici –, elle implique une nouvelle économie qui devra faire ses preuves. Une dynamique de financement est donc attendue, créée par une coopération harmonieuse des quatre acteurs impliqués, sans sous-estimer la faiblesse actuelle du mécénat d’entreprise et les difficultés financières des collectivités territoriales. Le succès de la démarche sera évalué à l’aune de la mobilisation de nouvelles ressources.
Je rappelle que les moyens affectés au CNDS ont chuté de moitié depuis deux exercices budgétaires, passant de 260 millions d’euros à 131,4 millions d’euros entre 2017 et 2019. Cette large diminution des ressources est directement liée au plafonnement de la part du produit de deux des trois taxes affectées alimentant son budget, ainsi qu’à la suspension, depuis 2018, du prélèvement exceptionnel supplémentaire de 0,3 % sur les gains de la Française des jeux, qui permettait de dégager 25 millions d’euros chaque année.
Je me permets un clin d’œil : 25 millions d’euros, c’est exactement le montant nécessaire pour expérimenter le pass sport de 500 euros pour 50 000 bénéficiaires !
Aujourd’hui, le sport n’est plus seulement du sport, tant il est évident que des facteurs qui lui sont a priori extérieurs ont investi son domaine propre, au point parfois de le dénaturer. Le sport est nu ; il ne recèle aucune vertu propre. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Michel Serres écrivait : « Instrument pédagogique hors pair, le sport interdit le mensonge, le sport apprend le réel. Mais maintenant, s’il ne s’agit que de gagner, alors je suis écœuré jusqu’à la mort. »
Aussi sommes-nous très attachés à l’efficacité que nous sommes en droit d’attendre de l’État dans l’affirmation de la mise en œuvre d’une vision éthique du sport, par-delà le simple énoncé des valeurs dont tout le monde se gargarise et que chacun conjugue à sa propre sauce. L’histoire est là pour nous rappeler que c’est au nom des grands principes que les pires dérives cherchent leurs justifications : nationalisme, tricheries, manipulation de compétitions, corruption, dopage, violence, alors que le sport est d’abord un humanisme.
Puisque l’Agence devient la pierre angulaire du sport de la République, il faudra préciser ses missions en matière d’exploitation optimale des vertus et des apports des APS, et dans tous les domaines : sport et éducation, sport et entreprise, sport et emploi, sport et aménagement du territoire, sport et tourisme, sport et insertion sociale, sport et lutte contre toutes formes de discrimination, sport et développement durable, etc.
Considérant que notre efficacité de parlementaires, dans les missions d’évaluation et de contrôle qui nous sont confiées, est renforcée lorsque nous sommes pleinement intégrés au sein des différentes structures, je défendrai un amendement prévoyant d’ajouter dans les statuts de l’Agence la présence de deux députés et de deux sénateurs au sein de son conseil d’administration.
Par ailleurs, veillons à ne pas démotiver les bénévoles sur le terrain, qui trouvent souvent le plein accomplissement de leur engagement dans un fonctionnement harmonieux avec les professionnels de l’encadrement. J’ai à l’esprit, bien évidemment, le rôle des conseillers techniques sportifs, dont la situation doit être traitée avec diplomatie et avec un réalisme à la hauteur de l’irremplaçable service qu’ils rendent depuis des décennies au sport français.
Sans les bénévoles, les encadrants et les supporters, que serait le club, cellule de base de toute l’architecture ? L’État doit aussi faire naître et encourager les bonnes volontés qui acceptent d’animer et de diriger les cellules sportives et les aider dans leur action.
J’ai déposé un amendement de suppression de l’alinéa de l’article 3 qui vise à faire de l’Agence, à travers son responsable de la haute performance, le gestionnaire des CTS, tant il me paraît évident qu’un GIP n’a pas à exercer la direction des ressources humaines de fonctionnaires de l’État.
Les conférences des financeurs du sport seront prochainement installées ; j’espère qu’elles le seront dans le respect de la diversité des territoires, j’ai déposé un amendement en ce sens. Elles ne trouveront leur plein effet qu’avec un accompagnement national : en matière d’équipements, par exemple, l’ANDES ne cesse de répéter, fort justement, que 22 % des installations sportives ont plus de cinquante ans d’âge et nécessitent une rénovation.
Tout attendre d’une instance nouvelle, seulement parce qu’elle installerait autour de la table ces quatre composantes, serait illusoire. Il faudra, dans le cadre des dispositifs décentralisés envisagés, des diagnostics partagés, des acteurs volontaires, des choix assumés, des contractualisations et des budgets respectés, une osmose entre sport de performance et sport du quotidien.
Oui, madame la ministre, au-delà des observations que je viens de faire, le temps d’une refondation du sport est venu, vous le dites vous-même ! Une loi en sera le passage obligé. Toutefois, on ne saurait prendre le risque de s’orienter vers une disparition du sport considéré comme un service public. Je note d’ailleurs que la fameuse agence britannique UK Sport, qui semble susciter beaucoup de fantasmes chez nous, est placée sous la tutelle du ministère de la culture, des médias et du sport, mais avec un fonctionnement totalement autonome.
Notre choix final sur ce texte sera lié au déroulement de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout sauf anodin ! Le projet de loi en discussion ce jour nous avait été présenté par le Gouvernement comme un texte technique, il est pourtant bien plus que cela ! Il représente aujourd’hui pour nous, avant tout, l’opportunité précieuse d’ouvrir un débat devant le Parlement sur un sujet majeur auquel celui-ci n’avait jusqu’ici pas été associé : l’avenir de la politique du sport en France, de son ministère et la création de l’Agence nationale du sport.
Nous saluons l’initiative de notre rapporteur, Claude Kern, qui a replacé l’examen de ce projet de loi dans une perspective cohérente avec la réalité des enjeux qui sont devant nous.
La création de l’Agence nationale du sport pose ni plus ni moins la question de la pérennité du ministère des sports en France à plus ou moins long terme, dans la mesure où cet organisme doit en effet faire sienne une grande partie de ses moyens et de ses prérogatives. Cette nouvelle collégialité dans la conduite d’une politique publique marque une rupture culturelle significative : comme l’a voulu le Conseil national de la Résistance, c’est l’État, et lui seul, qui demeure en France, depuis soixante-quinze ans, le garant de l’intérêt général.
Les acteurs du sport et les collectivités territoriales ont appelé de leurs vœux une évolution du modèle sportif français, ils se sont impliqués dans la réforme en cours, nous ne l’ignorons pas. Aussi, parce que nous voulons le débat, nous ne souscrirons pas à la proposition de suppression de l’article 3, même si les insuffisances de ce texte sont nombreuses.
L’exécutif affiche sa volonté, à travers la création de cette nouvelle agence, de favoriser le dialogue et la concertation sur le terrain, tout en conservant une forme de primauté de l’État. Les travaux de notre rapporteur pointent pourtant le caractère pour le moins précaire d’un tel équilibre.
Nous ne trouvons pas, dans les réponses qui nous sont apportées aujourd’hui par le Gouvernement, la garantie que notre pays continuera de bénéficier, dans les prochaines années, d’une politique publique du sport pleine et entière. La proposition de notre rapporteur de prévoir la présence de parlementaires au sein de l’Agence nationale du sport permettra ainsi, très opportunément, à la chambre haute et à la chambre basse d’exercer leur pouvoir de contrôle.
Dans la même perspective, la faculté donnée aux commissions des affaires culturelles et à celles des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale de formuler un avis sur les conventions d’objectifs signées entre l’État et l’ANS, ou encore de suivre leur mise en œuvre, manifeste notre volonté de veiller à la pérennité d’un service public du sport en France.
La capacité de l’ANS à remplir efficacement ses missions demeure aussi suspendue au sort qui sera réservé aux conseillers techniques sportifs. Nous connaissons la préoccupation constante de notre rapporteur pour la préservation de la précieuse ressource que représentent les CTS, qui se trouvent aujourd’hui dans une incertitude profonde après que le Gouvernement a affiché son intention de les transférer vers les fédérations.
Cette situation de crise est dommageable, d’abord, pour les premiers intéressés, mais également pour l’ensemble du sport de haut niveau français, et ce alors que la France s’apprête à accueillir les Jeux de la trente-troisième olympiade de l’ère moderne. Soucieux d’apporter des éléments de réponse à la situation actuelle, notre rapporteur souhaite faire affecter les conseillers techniques sportifs par le responsable de la haute performance à l’ANS.
Cette initiative s’inscrit dans le même esprit que les précédentes : la Haute Assemblée a ainsi voté, dans le cadre de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, une mesure visant à protéger les fonctionnaires exerçant des missions de conseiller technique sportif d’un éventuel transfert obligatoire aux fédérations sportives. Toutefois, une concertation étant toujours engagée entre le ministère et ces agents, nous ne souscrirons pas à la proposition de notre rapporteur, dont l’intention était très louable, car une affectation de ces agents à l’Agence pourrait être interprétée comme une forme d’affaiblissement du ministère. Une éventuelle inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi sur le sport – on parle de 2020 – offrira, en outre, un cadre plus approprié pour clarifier la situation des CTS avec le recul nécessaire.
L’incertitude qui les affecte touche également les acteurs locaux, qui ignorent encore tout de l’organisation territoriale de l’Agence. En choisissant d’inscrire d’ores et déjà dans la loi les principes de sa gouvernance territoriale, notre rapporteur fait œuvre utile, car l’absence de calendrier de déploiement de son volet territorial fait en effet craindre aux acteurs locaux la mise en place, d’ici à 2024, d’un dispositif transitoire privilégiant le très haut niveau. Telle n’était pourtant pas leur attente. Aussi le Sénat se veut-il soucieux d’apporter la même clarification quant au rôle joué par les élus locaux au sein de l’Agence que celle que le Gouvernement a introduite s’agissant de l’État.
Les inquiétudes autour des moyens financiers dévolus à l’ANS sont également vives. Le compte risque de ne pas y être. Les ressources allouées au sport en France ne devraient pas sortir intactes de ces bouleversements en matière de gouvernance, qui, comme bien souvent, ont également une motivation budgétaire.
Comme l’a justement relevé le Conseil d’État, la création de l’ANS est lourde de conséquences. Elle conduira l’État à se dessaisir des deux principales dimensions de la politique du sport en France : le soutien au sport de haut niveau et à la haute performance sportive ainsi que le développement de l’accès à la pratique sportive.
Le Gouvernement ayant privilégié la voie réglementaire pour créer l’Agence, le Parlement n’avait pas eu la faculté de débattre de cette réforme, laquelle est tout sauf anecdotique. Le groupe du RDSE se félicite donc que la Haute Assemblée ait pu œuvrer sur ce sujet et entreprendre d’apporter des éléments de réponse aux nombreux points encore en suspens. Notre groupe formulera également des propositions au cours du débat, afin, notamment, d’affirmer le rôle des élus locaux et d’ancrer l’Agence dans la proximité. Comme le disait le baron de Coubertin, l’important, c’est de participer ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur du Sénat, une délégation de quatre députés membres du groupe d’amitié Corée du Sud-France de l’Assemblée nationale de Corée du Sud, conduite par M. Sye kyun Chung, président du groupe d’amitié et ancien président de l’Assemblée nationale (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre se lèvent.) Ils sont accompagnés par notre collègue Mme Catherine Dumas, présidente du groupe d’amitié France-Corée du Sud.
La délégation est en France jusqu’au 4 juillet, pour une visite d’étude consacrée, notamment, au développement durable. Elle s’est rendue hier sur le site de recherche et d’innovation de Samsung France et a rencontré aujourd’hui plusieurs de nos collègues, en particulier MM. Philipe Dallier, premier vice-président, et Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues de l’Assemblée nationale sud-coréenne, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)
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Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant ratification de l’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Laugier.
M. Michel Laugier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la lecture de l’intitulé du projet de loi que nous nous apprêtons à examiner aujourd’hui, nul n’aurait pu penser qu’il soulèverait un débat aussi structurel sur l’avenir du sport dans notre pays. De fait, l’essentiel de nos discussions, en commission et ici même en séance, ainsi que de nos amendements, ne porte pas sur les voies réservées et la police de circulation pour les jeux Olympiques de 2024.
Loin de moi l’idée de minimiser les enjeux que recouvrent les deux articles qui abordent ce sujet, nos estimés rapporteurs, que je remercie pour la qualité de leurs travaux, les ont d’ailleurs fort bien mis en avant dans leurs rapports.
Ainsi, ce ne sont pas moins de 360 kilomètres de voies routières qui devraient être réservés sur le réseau francilien dans le cadre des Jeux, pour des périodes et selon des modalités diverses. Cela ne sera pas sans conséquence sur le trafic, déjà saturé, autour de la capitale comme à l’intérieur de ses limites, en particulier en cette période de forte affluence attendue. Si nous en comprenons cependant la nécessité, nous soutenons les amendements d’encadrement et de précision introduits par notre collègue Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Je ne peux toutefois m’empêcher de noter que cette ordonnance intervient dans un contexte de retard important des différents grands projets d’infrastructures censés désengorger la région capitale et fluidifier les déplacements, notamment de banlieue à banlieue. J’ai évidemment à l’esprit le Grand Paris Express, dont même les lignes desservant le village et les sites olympiques risquent de ne pas être prêtes, ou encore le Charles-de-Gaulle Express. Le représentant des Yvelines que je suis déplore également fortement que la ligne 18 n’ait pas été jugée prioritaire alors que pas moins d’une dizaine de compétitions auront pour cadre ce département.
Certes, le Gouvernement ne saurait être tenu pour seul responsable du retard de projets lancés bien avant son arrivée aux responsabilités. Toutefois, si la mise en place dans les délais annoncés de ces infrastructures ferroviaires n’aurait pas rendu inutile la réservation de voies de circulation, elle en aurait sans doute atténué les effets sur la fluidité de la circulation automobile, notamment pour leurs usagers quotidiens.
Comme je le disais, l’essentiel de ce projet de loi n’est pourtant pas là.
Comme l’a souligné notre rapporteur Claude Kern, l’article 3, traitant de l’Agence nationale du sport, n’était, en effet, pas prévu à l’origine par le Gouvernement. Il a été ajouté par souci de sécurité juridique, laissant penser, au premier abord, à quelques mesures techniques ne méritant pas que nous nous y attardions, à tel point qu’il n’a pas été jugé utile de le mentionner dans le titre du projet de loi. Fort heureusement, nous nous y sommes intéressés, car les mesures que contient cet article sont de nature à déterminer l’avenir de l’ensemble du monde sportif français : elles traitent des modalités de mise en place de l’Agence nationale du sport, dont la création avait déjà été entourée d’un relatif flou artistique.
Le Gouvernement justifie le choix de créer l’Agence nationale du sport sous la forme d’un groupement d’intérêt public, un GIP, par le contexte particulier de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques par la France en 2024. Si cette forme juridique a été jugée préférable à celle d’un établissement public, en raison, notamment, selon l’étude d’impact, de la collégialité renforcée qu’elle autorise et de la plus grande souplesse de fonctionnement qu’elle permet, le Conseil d’État relève que, sur plusieurs points, ce GIP s’écarte du régime général de ces groupements, ce qui conduit à s’interroger sur la véritable nature juridique de l’Agence. Le Conseil d’État considère, en outre, que le choix du statut de GIP n’est adapté qu’à des collaborations dédiées à un projet ou à la phase de mise en place d’une agence. Pour ces raisons, il estime que cette structure, créée pour des raisons très circonstancielles, n’a pas vocation à demeurer pérenne dans la forme initiale dessinée par le projet de loi.
Nous nous interrogeons donc sur la démarche du Gouvernement, laquelle consiste à nous soumettre des dispositions sur lesquelles la réflexion mériterait, manifestement, d’être approfondie. Il est regrettable à ce titre, madame la ministre, ainsi que l’a souligné la présidente Catherine Morin-Desailly, que vous ne soyez pas venue en débattre avec nous lors de nos travaux en commission.
Outre ces problématiques formelles, nous nous interrogeons sur le véritable rôle des délégués territoriaux de l’Agence, au sujet desquels le texte demeure très imprécis, alors que l’implication de l’État mérite que leur rôle exact soit clairement explicité.
Par ailleurs, nous déplorons que les collectivités territoriales ne soient pas mentionnées dans le projet de loi. Nous soutiendrons donc les amendements de notre rapporteur Claude Kern allant dans le sens de leur pleine intégration dans le nouveau dispositif. Elles ne peuvent en effet rester absentes de cette nouvelle organisation, ne serait-ce que parce qu’elles assurent, en premier lieu, le financement des équipements sportifs. De même, nous voterons les amendements qui visent à associer le Parlement au fonctionnement de l’Agence.
Vous l’avez compris, nous faisons pleinement confiance au travail remarquable de nos rapporteurs, Muriel Jourda et Claude Kern, effectué en un temps record. C’est un véritable exploit sportif ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’évoquer plus en détail les dispositions de ce projet de loi, permettez-moi de commencer par le commencement, c’est-à-dire par son intitulé, censé donner la teneur du texte.
Comme bon nombre d’entre nous, en lisant « Projet de loi portant ratification de l’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 », je m’attendais à un texte technique et, si possible, pragmatique, visant simplement à faciliter l’accès aux sites olympiques. Nous savons bien, désormais, que les intentions du Gouvernement sont tout autres. Je salue donc l’initiative du rapporteur Claude Kern de proposer comme nouvel intitulé : « Projet de loi relatif à la création de l’Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ». Cela nous semble plus fidèle au contenu, et je ne doute pas, madame la ministre, que vous partagerez ce point de vue.
Pour la représentation nationale, l’examen de ce projet de loi est évidemment l’occasion d’évoquer la politique générale menée par le Gouvernement dans le domaine du sport.
Dans cinq ans, en 2024, la France accueillera le monde, avec les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Le 13 septembre 2018, les sénateurs ont largement célébré cette attribution, en cohérence avec le soutien apporté depuis les prémices de la candidature de notre pays. Nous avons, par la suite, dès le premier semestre de 2019, adopté le projet de loi Olympique, afin d’adapter notre droit et de mettre en place un encadrement concret des procédures pour que nous puissions organiser dans les meilleures conditions le plus grand événement du monde, qui devrait attirer plus de deux millions de visiteurs et qui sera regardé par plus de quatre milliards de téléspectateurs dans le monde.
Vous le savez, madame la ministre, le Sénat a une ligne de conduite : nous ne disons jamais oui par principe et jamais non par dogmatisme. Quand nous considérons qu’ils sont bons pour le pays, nous votons les textes ; dans le cas contraire, nous nous y opposons. Nous suivrons cette logique à propos du projet de loi que vous défendez aujourd’hui : je tiens d’ores et déjà à vous indiquer que le groupe Les Républicains n’y est pas opposé par principe. Nous considérons, cependant, qu’il est nécessaire de l’améliorer, ainsi que nous l’avons fait en commission en soutenant le travail de notre rapporteur Claude Kern, mené dans des conditions extrêmes.
Cela étant dit, je souhaite vous faire part de notre vive inquiétude concernant l’avenir sportif de notre nation. La France est devenue une référence en termes d’organisation de grandes compétitions internationales, comme en témoigne encore, en ce moment, le déroulement de la Coupe du monde de football féminin. J’en profite pour saluer le parcours de notre équipe de France, qui a suscité l’engouement des Français avant de chuter face au réalisme – certains de mes collègues diront peut-être l’impérialisme – américain. (Sourires.) Pourtant, cinq ans avant les Jeux de Paris, un an avant ceux de Tokyo, le Gouvernement ne cesse d’envoyer des signaux négatifs au milieu sportif. Ce projet de loi en est un nouveau.
Je profite donc de ce débat pour appeler votre attention sur l’amendement que nous avons adopté jeudi dernier, sur l’initiative de notre collègue Michel Savin, qui, comme vous le savez, est particulièrement investi et réalise un formidable travail sur tous ces sujets. Un événement malheureux l’a contraint à ne pas être présent dans l’hémicycle aujourd’hui.
Ce dispositif, introduit par le Sénat dans le projet de loi de transformation de la fonction publique, concerne les conseillers techniques sportifs. Vous vous étiez engagée, madame la ministre, à ne pas utiliser à leur égard le dispositif de détachement d’office auprès des fédérations. Nous avons donc souhaité traduire cet engagement dans la loi, mais l’avis défavorable du Gouvernement ne nous rassure pas sur ses intentions. Nous voulons bien vous croire sur parole, toutefois, pourquoi inscrire un tel dispositif dans le marbre de la loi si vous n’entendez pas l’utiliser ? Nous pourrons éventuellement discuter de nouveau de ce sujet dans un futur texte, par exemple lors de la grande loi sur le sport que l’on nous promet et que nous attendons ici impatiemment.
Désormais, il faut apaiser et donner des signes de bienveillance au mouvement sportif et à ses personnels, qui, au quotidien, préparent nos athlètes et participent au déploiement de la politique sportive dans nos territoires pour tous les publics. Le Sénat a, encore une fois, apporté la preuve de son soutien au mouvement sportif, et je pense qu’il serait incompréhensible que votre majorité revienne sur cette avancée.
Je tiens aussi à rappeler le très gros investissement du Sénat en faveur de la politique sportive française, que, malheureusement, le Gouvernement ne soutient pas complètement. Sortons des positions dogmatiques pour que la France tienne son rang de grande nation sportive, comme le souhaite le Président de la République.
Ainsi, le Sénat augmente chaque année le budget des sports et, chaque année, le Gouvernement le rejette.
M. Pierre Ouzoulias. C’est vrai !
M. Stéphane Piednoir. Je veux bien tout entendre, mais on ne peut pas décemment soutenir que ce budget a été « préservé », selon vos termes, alors qu’il accuse une baisse de 6 % par rapport au dernier exercice.
Par ailleurs, le Sénat a adopté, dans le projet de loi pour une école de la confiance, des dispositifs ambitieux pour une pratique quotidienne des activités physiques et sportives à l’école ainsi que pour l’accompagnement des jeunes souhaitant accéder au plus haut niveau sportif. Las, la majorité gouvernementale n’en a soutenu aucun lors de la commission mixte paritaire.
Enfin, il y a deux semaines, le Sénat a inscrit dans les missions de la future Agence nationale de la cohésion des territoires le soutien aux politiques de la culture et du sport, terreau indispensable à la cohésion sociale. Le Gouvernement soutiendra-t-il cette mesure ?
S’agissant du projet de loi en discussion, nous nous étonnons que le Gouvernement n’assume pas l’inscription dans son titre de l’Agence nationale du sport, alors qu’il s’agit là de son véritable enjeu. Cette dissimulation initiale souligne certainement la fébrilité du Gouvernement à ce sujet, et nous ne pouvons que le regretter. Cela cacherait-il d’autres intentions moins louables ? Comme un grand nombre de mes collègues, je m’interroge sur votre objectif à terme. En confiant à cette agence des missions qui relevaient jusqu’à présent du ministère des sports, ne risque-t-on pas de vider celui-ci de sa substance et, in fine, de programmer sa disparition pure et simple ?
Sans parler de privatisation rampante du service public – j’en laisserai le soin à d’autres –, je m’inquiète du transfert décisionnel vers des instances qui échapperont à un contrôle digne de ce nom.
Le groupe Les Républicains du Sénat soutient le principe d’une évolution du modèle sportif qui a été mis en œuvre par le général de Gaulle. Cependant, celui-ci a fait ses preuves, et il est envié par de nombreuses nations dans le monde ; si l’objet de ce texte est de réformer pour réformer, par pur principe, ce n’est pas une bonne chose. Le ministère des sports a son utilité, nous en sommes convaincus, comme nous sommes convaincus des bienfaits d’une gouvernance partagée et d’un pouvoir plus important confié aux fédérations, notamment concernant le haut niveau.
Depuis janvier 2018, de nombreuses tables rondes et ateliers ont été organisés, ce qui a permis à l’ensemble des acteurs de discuter et de travailler à un nouveau modèle plus coopératif et à une gouvernance partagée entre l’État, le mouvement sportif, le monde économique et les collectivités territoriales, dont je veux à mon tour rappeler qu’elles sont les véritables financeurs du sport en France, avec plus de 12 milliards d’euros annuels de dépenses. Ces différents acteurs ont réussi à aboutir à un accord de gouvernance partagée, au sein d’une agence qui aura la charge du haut niveau et de la pratique quotidienne pour tous.
J’en profite pour rappeler, et ce n’est pas le moindre des griefs, qu’à aucun moment les parlementaires n’ont été associés à ces travaux. Nous votons pourtant le budget des politiques publiques sportives et nous en contrôlons l’utilisation ; nous sommes également quotidiennement au contact des acteurs de terrain du milieu sportif. Nous ne pouvons que regretter que, sur un sujet si important pour la France, la représentation nationale n’ait même pas été interrogée.
Je n’ignore pas que, à votre arrivée, madame la ministre, le rapport de ces travaux était pratiquement achevé. La mission qui vous incombe est désormais de les mettre en œuvre, ce à quoi vous vous êtes attelée.
En avril dernier, le groupement d’intérêt public « Agence nationale du sport » a été officiellement lancé ; son deuxième conseil d’administration s’est tenu voilà quelques jours. La structure existe donc, mais son fonctionnement demeure très flou, et personne n’est aujourd’hui en mesure de nous expliquer concrètement comment cette agence se déclinera sur les territoires, ni quelle sera la répartition exacte entre les missions qui lui seront attribuées et celles que vous conserverez. Au cours des différentes auditions menées par le rapporteur, de nombreux partenaires ou membres nous ont fait part de leurs inquiétudes.
Vous avez retenu le groupement d’intérêt public comme format de cette nouvelle agence, malgré les réticences du Conseil d’État. Depuis lors, un recours a été engagé par de nombreux syndicats pour remettre en cause votre décision. Nous imaginons donc très bien que l’élaboration précipitée de ce projet de loi vise à conforter l’agence…
L’article 3 soulève de nombreuses questions. Nous espérons que nos débats permettront de les résoudre, au moins en partie, et, ainsi, de rassurer le mouvement sportif.
J’évoquerai maintenant quelques-unes de ces questions relatives à la mise en place de l’agence sur lesquelles il me semble essentiel que le Gouvernement apporte des éclaircissements.
D’abord, qu’en est-il de la pérennité de cette agence ? Le Conseil d’État a émis de claires réserves sur la longévité du groupement d’intérêt public et le financement de celui-ci. Allez-vous suivre ses recommandations ? Alors que le modèle de l’agence est censé être un héritage des jeux de 2024 pour notre pays, circonscrire sa durée de vie remettrait en cause cet objectif et rendrait encore plus incompréhensible sa mise en œuvre.
Ensuite, avec votre majorité, allez-vous soutenir le dispositif adopté en commission pour permettre à des parlementaires de siéger au sein de l’agence ? Là aussi, nous entendons un double discours : alors que la proposition de loi déposée par notre collègue Michel Savin en février dernier a été largement soutenue sur nos travées, toutes tendances politiques confondues, et qu’elle a recueilli un écho plutôt favorable de votre part, votre majorité remettrait aujourd’hui en question cette avancée ? Il est urgent d’éclaircir ce point, absolument déterminant.
M. Guy-Dominique Kennel. Très bien !
M. Stéphane Piednoir. Enfin, je voudrais insister sur la déclinaison territoriale de l’agence.
En premier lieu, le délégué territorial de l’agence devrait être le préfet de région : pourquoi pas. Je tiens à apporter mon soutien à la circonscription de leur rôle adoptée en commission sur l’initiative de notre rapporteur. Néanmoins, cette mesure recentralise, en quelque sorte, le dispositif de l’agence, ce qui va à l’encontre de la gouvernance partagée mise en œuvre au niveau national. Nous avons bien compris que le Gouvernement et l’État essaient par tous les moyens de remettre en question le réel partage de la gouvernance, mais il faut donner aux acteurs les garanties que celle-ci sera réellement partagée, tant au niveau national qu’au niveau territorial.
En second lieu, nous avons, en commission toujours, inscrit dans le projet de loi les conférences territoriales du sport, qualifiées de « Parlement du sport », ainsi que les conférences des financeurs, deux dispositifs majeurs de la nouvelle gouvernance. Il est certain que la mise en œuvre de l’agence se fera dans le temps. Toutefois, pourquoi attendrait-on une future loi pour inscrire ces dispositifs dans le marbre, alors que nous connaissons leur vocation à se déployer, d’autant que nous n’avons aucune idée du calendrier de l’examen de la grande loi sur le sport que l’on nous annonce, laquelle, d’ailleurs, commence à ressembler à un texte fourre-tout plutôt qu’à un projet pour un réel développement du sport pour tous ?
Madame la ministre, le projet de loi créant l’Agence nationale du sport a le mérite de permettre le débat au Parlement, mais, avant d’envisager de donner à cette nouvelle agence les moyens de fonctionner, rassurez la représentation nationale sur les intentions réelles du Gouvernement !
Pour filer la métaphore sportive, je ne saurais trop vous prier de prendre la balle au bond, car, pour faire référence à votre ancienne spécialité, je suis convaincu que vous n’avez nullement pour objectif de couler l’élite du sport français, ni de vous mettre à dos l’ensemble des acteurs du monde sportif… (Sourires.)
Nous espérons, madame la ministre, que le Gouvernement et sa majorité feront preuve de clairvoyance et de sagesse en soutenant nos propositions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la création de l’agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l’organisation des jeux olympiques et paralympiques de 2024
Article 1er
I. – L’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est ratifiée, sous réserve des modifications prévues au II du présent article.
II. – L’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa du I de l’article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée de leur mise en service doit être strictement proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité mentionnés au premier alinéa. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « assurer », sont insérés les mots : « , à compter du 1er juillet 2024 jusqu’au 15 septembre 2024 inclus, » ;
b) Les mots : « en ce qui concerne », sont remplacés par le mot : « pour » ;
c) Après le mot : « déterminées », la fin est ainsi rédigée : « , après avis des autorités détentrices du pouvoir de police de la circulation. » ;
3° L’article 4 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « En Île-de-France, les autorités compétentes, en application des articles L. 115-1, L. 131-7 et L. 141-10 du code de la voirie routière, pour coordonner les travaux de voirie recueillent l’avis du préfet de police pour tous les projets de travaux ou d’aménagement dont elles sont saisies qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’utilisation des voies ou portions de voies réservées déterminées en application de l’article 1er de la présente ordonnance pendant la période prévue au I du même article 1er. » ;
b) Le début de la seconde phrase est ainsi rédigé : « Le préfet de police peut subordonner… (le reste sans changement). »
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. La commission des lois, réunie ce matin à dix heures pour examiner les amendements, n’en avait alors reçu aucun de la part du Gouvernement. Nous avons découvert les amendements déposés par le Gouvernement peu de temps avant le début de la séance. Mme le président de la commission de la culture a parlé de respect du Parlement : peut-être, madame la ministre, faudrait-il envisager une façon moins déplorable de travailler ensemble ? Le Parlement est un partenaire et, sur ce texte comme sur le précédent, la commission des lois du Sénat a fait preuve d’une certaine bienveillance. En effet, si nul d’entre nous ne sait où il sera dans cinq ans, nous avons tous conscience que la France, elle, sera sous les yeux du monde entier. Nous avons tous à cœur que notre pays donne au monde le meilleur spectacle possible, dans tous les sens du terme. Nous aurions aimé pouvoir travailler d’une façon plus constructive.
La commission des lois n’ayant donc pas eu la possibilité d’examiner cet amendement, j’exprimerai ma position personnelle.
Le Gouvernement entend supprimer un alinéa ajouté par la commission des lois pour introduire la notion de stricte proportionnalité entre les mesures qui seront prises pour limiter la circulation via la délimitation de voies réservées et les besoins réels de circulation des véhicules accrédités.
Je rappelle que, outre les voies de délestage, 289 kilomètres de voirie – contre 324 au départ, puis 366, comme l’a indiqué Michel Laugier – seront réservés, à Paris et dans la région parisienne, à l’organisation des jeux Olympiques. La circulation s’en trouvera considérablement modifiée pendant deux mois et demi. Il est évident que de telles atteintes à la circulation, de telles mesures de police administrative, ne peuvent qu’être strictement proportionnées à l’objet recherché. C’est d’ailleurs un principe général de droit de la police administrative, admis de longue date par la jurisprudence.
M. Pierre Ouzoulias. Absolument !
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. Nous ne faisons donc que préciser une règle qui existe déjà et doit être respectée par le Gouvernement.
Dans ces conditions, j’émets, à titre personnel, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. En tant que sénateur de Seine-Saint-Denis, un département qui accueillera de nombreux sites olympiques, je regrette l’absence de débat et de dispositions sur l’héritage des jeux Olympiques et Paralympiques pour nos territoires. Nous sommes toutes et tous d’accord sur le fait qu’il s’agira d’un très bel événement. Nous le souhaitons aussi populaire et festif que possible, mais nous devons préparer l’héritage.
Entre les dossiers de candidature de Paris et de Los Angeles, ce sont justement les infrastructures, en particulier de transport public, qui ont fait la différence ; elles devaient être livrées à temps pour les jeux Olympiques et Paralympiques et, surtout, servir à désenclaver nos territoires. Or, aujourd’hui, si nous avons appris avec satisfaction que la ligne 15 arriverait au Bourget, qui accueillera le village des médias, le calendrier est bien plus aléatoire pour le reste, en particulier les lignes 16 et 17 du Grand Paris Express.
Madame la ministre, nous sommes en colère devant cette situation, car les conditions de transport pour les habitants de Seine-Saint-Denis sont déplorables. Je ne reviendrai pas sur l’incapacité de la ligne B du RER à transporter un million d’usagers par jour, mais il est urgent d’agir, même par voie d’ordonnance, et d’investir dans les transports du quotidien. Surtout, que l’on ne reporte pas aux calendes grecques la réalisation des lignes 15, 16 et 17, tant attendue dans nos territoires !
Mme Céline Brulin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. De notre point de vue, il n’y a pas lieu de revenir sur la décision de la commission des lois de faire référence au principe de proportionnalité, afin d’encourager le Gouvernement à persévérer dans la réduction au strict nécessaire du nombre de voies concernées par les restrictions de circulation.
Je rappelle que si certaines voies seront réservées pendant seulement quelques jours, d’autres le seront pendant toute la période, à raison de dix-huit à vingt heures par jour. Par ailleurs, des voies dites « activables » pourront être réservées, en fonction des besoins, pour des périodes beaucoup plus courtes, de l’ordre de quelques heures.
Notre position rejoint donc l’avis de la rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Il s’agit surtout de demander des explications à Mme la ministre, que nous n’avons pas entendue exposer les motivations de cet amendement, qui vise à revenir sur un travail très important de la commission des lois. Nous sommes au côté de Mme la rapporteur pour avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, nous avons vraiment besoin d’éclaircissements sur votre dispositif.
Lors de la discussion générale, vous avez expliqué que nous devions voter ce projet de loi pour permettre la tenue des jeux Olympiques ; je puis le comprendre, mais vous nous mettez quasiment le pistolet sur la tempe : soit nous votons ce texte, soit les jeux Olympiques ne pourront avoir lieu.
Or, comme mon collègue Fabien Gay vient très justement de le rappeler, le Gouvernement a pris des engagements forts dans le cadre de la candidature de Paris : le développement des transports publics était une condition sine qua non pour que les habitants de l’Île-de-France ne subissent pas les jeux Olympiques, mais y participent de façon citoyenne. Aujourd’hui, alors que le Gouvernement a renié la quasi-totalité de ces engagements, vous nous demandez, par cette loi d’exception, d’organiser les pouvoirs spéciaux du préfet de police pour permettre la relégation des populations de Seine-Saint-Denis sur des voies annexes, afin de laisser le passage libre aux convois officiels.
La proportionnalité, madame la ministre, c’est vraiment le minimum que nous puissions vous demander. Il s’agit simplement de permettre aux riverains des sites de continuer à vivre normalement pendant la durée des jeux. Sinon, qu’adviendra-t-il ? Un jour, il n’y aura plus de villes candidates : devant les difficultés environnementales et de déplacement, plus aucune ville ne voudra s’engager dans des projets aussi incertains. Ne prenez donc pas la question à la légère, madame la ministre : c’est la pérennité des jeux Olympiques qui est en cause. La France a pris des engagements forts en matière de transports, il faut que vous les respectiez !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Je pensais qu’il y avait une prise de parole avant la présentation de mon amendement.
Monsieur Kanner, cet amendement et le suivant ont été élaborés conjointement avec les services du ministère de l’intérieur. Le Gouvernement propose de revenir à la version originelle de l’ordonnance. L’application de la notion de stricte proportionnalité pour déterminer la durée de mise en service des voies olympiques risque de favoriser les contentieux sur les dates de mise en service de ces voies, alors que l’ordonnance contient déjà une garantie très forte et très claire sur la durée de réservation des voies olympiques, laquelle ne sera possible que du 1er juillet au 15 septembre. En outre, une distinction sera faite entre des voies exclusivement réservées, du fait de l’intensité de la circulation qu’elles accueilleront, et d’autres, remises en usage public entre les pics de passage des personnels et des membres de la famille olympique.
Il nous paraît donc indispensable de ne pas modifier l’ordonnance sur ce point, afin d’assurer la sécurité juridique des voies olympiques.
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. La consultation obligatoire, introduite par le rapporteur, des autorités détentrices du pouvoir de police de la circulation constitue une contrainte supplémentaire, qui complexifie le dispositif et risque de favoriser les contentieux.
Dans la pratique, un travail préparatoire important sera mené avec les collectivités territoriales concernées en amont de la mise en place des voies de délestage. Prévoir une consultation obligatoire est donc inutile.
Je répète qu’il nous paraît indispensable de ne pas modifier l’ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. La commission des lois n’ayant pu examiner cet amendement, j’exprimerai là encore un avis personnel.
Pour les voies qui seront utilisées pour la tenue des jeux Olympiques, il y a actuellement plusieurs détenteurs de l’autorité de police de la circulation et du stationnement. Il est prévu d’opérer une unification, en confiant cette autorité au préfet de police de Paris pour la capitale et au préfet de la zone de sécurité et de défense pour les autres départements. Tout cela est assez logique, et nous y avons évidemment souscrit.
Cependant, cette unification ne concernera que les voies réservées aux jeux Olympiques et la pluralité des détenteurs de l’autorité persistera pour les autres voies situées à proximité. Il paraît donc assez normal que les nouveaux détenteurs de l’autorité doivent discuter et s’entendre avec les détenteurs habituels pour que la circulation puisse s’effectuer de façon correcte sur l’ensemble des voies, réservées ou non aux jeux Olympiques.
Notre dispositif ne complexifie rien, puisqu’il existe déjà : à Paris, la police de la circulation et du stationnement est assurée pour certaines voies par la mairie, pour d’autres par le préfet de police. Dans ce cadre, le préfet de police doit consulter la mairie de Paris. Destiné à rendre la circulation plus fluide sur l’ensemble des voies, ce système fonctionne et n’occasionne pas de difficultés particulières.
J’émets donc, à titre personnel, un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, j’ai bien compris que l’article 3 avait pour objet d’assurer la sécurité juridique d’un arrêté ministériel que vous avez pris sans nous consulter…
Par ailleurs, je vous excuse de ne pas avoir l’habitude de nos débats, mais nous avons pris connaissance de l’objet de votre amendement : ce n’était donc pas la peine de nous le lire. Répondez plutôt à la question que je vous ai posée, qui concerne des millions de Franciliens. Il est impératif qu’ils puissent continuer à vivre normalement pendant la durée des jeux Olympiques.
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. Ils attendent de vous des engagements fermes à cet égard ! Ce que la commission des lois vous demande, c’est simplement de ne pas oublier que, dans la gestion des espaces publics, les collectivités territoriales ont un petit rôle à jouer… Le moment venu, vous serez très heureuse qu’elles tiennent un rôle d’intermédiaires avec les populations.
Concevez-vous ce que peut être la circulation sur l’autoroute du Nord en direction du Bourget si une ou deux voies sont réservées ? Avec mon collègue Fabien Gay, je vous propose d’effectuer un stage d’immersion dans le RER B et sur l’autoroute A1 : vous comprendrez alors quelles pourraient être les difficultés des Franciliennes et des Franciliens pour se déplacer une fois que des voies auront été réquisitionnées par la préfecture de police ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Pourquoi voir une contrainte supplémentaire là où il s’agit seulement, comme la rapporteur pour avis de la commission des lois l’a expliqué, d’assurer une parfaite collaboration entre les autorités compétentes ? Au reste, elle a rappelé que la procédure de consultation des autorités normalement détentrices du pouvoir de police de la circulation s’applique déjà, à Paris, pour la détermination de certaines voies relevant de la compétence du préfet de police. Comme précédemment, nous suivrons son avis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
Par dérogation aux dispositions des articles L. 2131-3 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le représentant de l’État dans le département défère les actes afférents aux opérations d’urbanisme, d’aménagement et de maîtrise foncière à une juridiction administrative unique, qui statue en premier et dernier ressort.
Un décret en Conseil d’État détermine la juridiction compétente et fixe la liste des actes mentionnés au premier alinéa du présent article.
Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
afférents aux opérations d’urbanisme, d’aménagement et de maîtrise foncière à une juridiction administrative unique, qui statue en premier et dernier ressort
par les mots :
relevant du 5° de l’article R. 311-2 du code de justice administrative à la juridiction administrative mentionnée à cet article
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. La rédaction de la commission est à nos yeux restrictive, car elle exclut du champ de la procédure exceptionnelle de contentieux certains actes : les opérations immobilières et sur les voiries. Nous souhaitons le rétablissement du dispositif initial, dans un souci de cohérence. Notre objectif est de simplifier la procédure et de fixer un délai adapté pour la résolution d’éventuels contentieux liés aux jeux Olympiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. Je ne puis, une nouvelle fois, que donner un avis personnel…
Je rappelle que l’article 2 est relatif à l’harmonisation des procédures de recours pour les opérations d’urbanisme et de maîtrise foncière en rapport avec les jeux Olympiques.
Nous étions d’accord sur le fond avec son dispositif, qui consiste à appliquer la même procédure devant la cour administrative d’appel pour les déférés préfectoraux et les recours de tiers. En revanche, la rédaction initiale de l’article ne nous a pas paru juridiquement correcte, dans la mesure où elle introduisait par voie législative une dérogation à une disposition réglementaire. La Constitution séparant nettement les domaines de la loi et du règlement, procéder ainsi n’était pas possible.
Nous avons donc introduit une nouvelle rédaction, renvoyant à un décret la définition des actes concernés par la dérogation. Notre proposition améliore le texte du Gouvernement. Je conçois que celui-ci ne l’entende pas de cette oreille, mais je n’entends pas, pour ma part, modifier la position de la commission des lois. À titre personnel, j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. − Le chapitre II du titre Ier du livre Ier du code du sport intitulé : « Établissements publics et Agence nationale du sport », comprend une section 1 intitulée : « Établissements publics » et une section 2 intitulée : « Agence nationale du sport ».
II. – La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code du sport telle qu’elle résulte du I du présent article est ainsi rédigée :
« Section 2
« Agence nationale du sport
« Art. L. 112-10. − L’Agence nationale du sport est chargée de favoriser le sport de haut niveau et la haute performance sportive, en particulier dans les disciplines olympiques et paralympiques, et de développer l’accès à la pratique sportive, dans le cadre de la stratégie définie par l’État dans une convention d’objectifs signée par l’Agence et l’État.
« Elle apporte son concours aux projets et aux acteurs, notamment les fédérations sportives et les collectivités territoriales et leurs groupements, contribuant au sport de haut niveau, à la haute performance sportive et au développement de l’accès à la pratique sportive.
« L’Agence nationale du sport est un groupement d’intérêt public régi, sous réserve des dispositions de la présente section, par le chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
« Art. L. 112-11. − Outre celles prévues à l’article 113 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, les ressources dont bénéficie l’agence proviennent principalement du produit des taxes affectées mentionnées au premier alinéa de l’article 1609 novovicies et à l’article 1609 tricies du code général des impôts, et à l’article 59 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles l’agence est soumise au contrôle d’un commissaire du Gouvernement et au contrôle économique et financier de l’État.
« L’agence publie annuellement un rapport d’activité qui rend notamment compte de l’emploi de ses ressources.
« Art. L. 112-12. − Dans les régions, la collectivité de Corse, les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, le représentant de l’État est le délégué territorial de l’agence dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Il a notamment pour mission le développement du sport pour tous dans les territoires les moins favorisés. Il peut ordonner les dépenses et mettre en œuvre les concours financiers territoriaux de l’agence.
« Art. L. 112-13. − L’Agence française anticorruption contrôle, de sa propre initiative dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa et au dernier alinéa du 3° de l’article 3 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme au sein de l’Agence nationale du sport.
« Art. L. 112-14. – Dans les régions, la collectivité de Corse, les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, il est institué une conférence régionale du sport comprenant des représentants de l’État, des collectivités territoriales, du mouvement sportif et des autres personnes physiques et morales intéressées par le développement du sport, en particulier les organisations professionnelles des acteurs économiques du sport.
« La conférence régionale du sport est chargée d’établir un projet sportif territorial tenant compte des spécificités territoriales qui a notamment pour objet :
« 1° Le développement du sport de haut niveau ;
« 2° Le développement du sport professionnel ;
« 3° La construction et l’entretien d’équipements sportifs structurants ;
« 4° Le développement du sport pour tous sur l’ensemble du territoire ;
« 5° La réduction des inégalités d’accès aux activités physiques et sportives ;
« 6° Le développement des activités physiques et sportives adaptées aux personnes en situation de handicap.
« Le projet sportif territorial donne lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d’orientation et de financement qui précisent les actions que les membres des conférences des financeurs s’engagent à conduire ainsi que les ressources humaines et financières et les moyens matériels qui y seront dédiés.
« La conférence régionale du sport est consultée lors de l’élaboration du projet de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence sport avant son adoption par la conférence territoriale de l’action publique prévue à l’article L. 1111-9-1 du code général des collectivités territoriales.
« La conférence régionale du sport élit son président en son sein.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 112-15. – Chaque conférence régionale du sport institue une ou plusieurs conférences des financeurs du sport pouvant comprendre des représentants :
« 1° De l’État ;
« 2° De la région et des départements, de la collectivité de Corse, des collectivités territoriales régies par l’article 73 et 74 de la Constitution et de la collectivité de Nouvelle-Calédonie ;
« 3° Des communes ;
« 4° Des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport ;
« 5° Des métropoles et de leurs éventuels établissements publics territoriaux ;
« 6° Du ou des centres de ressources, d’expertise et de performance sportive ;
« 7° Des instances locales, ou à défaut nationales, du Comité national olympique et sportif français, du Comité national paralympique et sportif français, des fédérations sportives agréées et des ligues professionnelles ;
« 8° Des représentants locaux, ou à défaut nationaux, des organisations professionnelles des acteurs économiques du sport.
« Toute autre personne physique ou morale susceptible de contribuer à la mise en œuvre du projet sportif territorial peut participer à la conférence sous réserve de l’accord de la majorité des membres de droit.
« La conférence des financeurs élit son président en son sein.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
« Art. 112-16. – Une convention d’objectifs est conclue entre l’État et l’Agence nationale du sport dont la durée est comprise entre trois et cinq années civiles. Elle détermine les actions de la politique publique du sport confiées à l’Agence, fixe des objectifs et précise les moyens publics mis à sa disposition dans un cadre pluriannuel.
« Avant sa signature, la convention d’objectifs ainsi que les éventuels avenants à cette convention sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Elle peut faire l’objet d’un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur cette convention ainsi que sur les éventuels avenants dans un délai de six semaines. Si le Parlement n’est pas en session, ce délai court à compter de l’ouverture de la session ordinaire ou extraordinaire suivante.
« Le président et le directeur général de l’agence présentent chaque année devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l’exécution de la convention d’objectifs.
« Art. L. 112-17. – La composition du conseil d’administration de l’Agence nationale du sport veille au respect du principe de parité. Le conseil d’administration comprend un député et un sénateur parmi ses membres titulaires et un député et un sénateur parmi ses membres suppléants qui sont désignés par la commission en charge des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« Art. L. 112-18. – L’Agence nationale du sport procède, à travers son responsable de la haute performance, à l’affectation des conseillers techniques sportifs mentionnés à l’article L. 131-12 auprès des fédérations sportives agréées. Elle veille à leur formation et à l’évaluation de leurs compétences professionnelles. Elle assure une répartition équitable de ces conseillers en fonction des disciplines. »
III. − Au premier alinéa du II de l’article L. 4424-8 du code général des collectivités territoriales, les mots : « l’établissement public chargé du développement du sport » sont remplacés par les mots : « l’Agence nationale du sport » et, à la fin, les mots : « dudit établissement » sont remplacés par les mots : « de l’agence ».
IV. − Le III bis de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Aux président, directeur général et responsable de la haute performance de l’Agence nationale du sport. »
V. − Les personnes qui, à la date de publication de la présente loi, occupent l’une des fonctions mentionnées au 5° du III bis de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dans sa rédaction résultant du II du présent article, adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale dans un délai de trois mois à compter de cette même date.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Je ne reviendrai pas sur l’intitulé initial kafkaïen, orwellien, de ce projet de loi : heureusement, le ridicule ne tue pas…
Le présent article, qui porte création de l’Agence nationale du sport et en définit les missions, constitue l’essentiel du texte. Or, madame le ministre, à la lecture de l’exposé des motifs du projet de loi et de celui de cet article, ainsi qu’à la lumière des réformes engagées ces derniers mois par votre ministère – je pense à la volonté de fédéraliser les conseillers techniques sportifs, les CTS –, on ne peut qu’être inquiet.
Quelle est, quelle sera la politique sportive du Gouvernement ? Se limite-t-elle à l’organisation de déjeuners très médiatisés avec nos meilleurs sportifs et à la remise de Légions d’honneur à l’Élysée ? Je suis volontairement taquin et caricatural, mais, madame le ministre, ce texte est confondant de flou et de vacuité.
Quelle doit être la philosophie, la finalité de l’organisation du sport en France ? Celle-ci doit-elle répondre au seul objectif de ramener des titres et des médailles olympiques ? Quid des vertus sociales et éducatives du sport ? Il n’y a rien à ce propos dans votre texte !
Pourtant, à l’heure où notre société est de plus en plus fracturée, fragmentée en archipels, où le vivre-ensemble est de plus en plus un slogan et de moins en moins une réalité, le sport peut être un extraordinaire vecteur de cohésion, et même de reconnexion sociale. Nous l’avons tous constaté : alors que l’école est de moins en moins un lieu de mixité sociale, c’est encore le cas des clubs sportifs.
Certes, le sport, les éducateurs, les extraordinaires bénévoles des clubs ne peuvent pas résoudre tous les problèmes de notre société, mais ils offrent des bienfaits dont il serait dramatique de se passer. Ces clubs sportifs, ces stades sont d’extraordinaires lieux d’échanges et même de brassage social autour d’une même passion.
M. Stéphane Piednoir. C’est clair !
M. Olivier Paccaud. Combien de membres de la même association, issus cependant de milieux sociaux et culturels différents, ne se seraient peut-être jamais rencontrés sans le sport ?
Quelques sages amendements permettront d’améliorer ce texte, mais c’est une vraie loi spécifique que mériterait le sport en France. Peut-être arrivera-t-elle un jour ; nous l’espérons tous.
« Si tu veux la paix, prépare la guerre », dit une locution latine que nous connaissons tous. Que l’on me permette, pour conclure, de la paraphraser : « Si tu veux un peuple uni, n’oublie pas le sport. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Angèle Préville et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 24 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous abordons, avec l’article 3, le cœur du sujet.
Cet amendement de suppression est l’expression d’une grande inquiétude ; il vise à lancer une alerte. Ce qui nous est proposé aujourd’hui, avec la mise en place de l’Agence nationale du sport, s’inscrit dans un contexte particulier. En effet, depuis quelques mois, on relève tout un ensemble d’indices particulièrement inquiétants en ce qui concerne le devenir des fonctions aujourd’hui assumées par le ministère : une baisse des budgets en 2018 et en 2019, une réduction de 310 000 à 130 000 sur deux ans du nombre de contrats aidés, le débat récurrent sur la sortie de 1 600 CTS du giron du ministère, la réorganisation des services déconcentrés de l’État, conduisant à terme à la suppression des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et à un rapprochement des personnels, dont les missions vont être prioritairement réorientées vers le déploiement du service national universel au cours des années à venir, avec ceux de l’éducation nationale.
Tous ces éléments nous amènent à appréhender avec pessimisme l’avenir du ministère, dont le budget se réduira très rapidement à 130 millions ou 140 millions d’euros, contre quelque 350 millions d’euros pour l’Agence nationale du sport. Un déséquilibre va donc progressivement s’instaurer au détriment du ministère, à qui il ne restera que la coordination interministérielle, les missions internationales, le contrôle de légalité et, peut-être, un rôle d’observateur de l’économie du sport, toutes tâches relativement mineures par rapport à celles qui reviendront demain à l’Agence nationale du sport.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 24.
Mme Céline Brulin. La création de l’Agence nationale du sport est apparue de manière extrêmement cavalière dans ce texte…
Au départ, il n’y avait pas d’hostilité de principe à l’égard de la création d’une telle agence de la part du mouvement sportif, des collectivités locales ou des parlementaires. En effet, créer une instance chargée de mettre en cohérence l’intervention des différents acteurs et de donner toute la place qui leur revient aux collectivités territoriales, qui sont les premiers financeurs du sport, présente un véritable intérêt. Mais, comme nous l’avons dit sur toutes les travées de cet hémicycle, les choses n’ont absolument pas été faites dans l’ordre.
En outre, au fil du temps, on s’est aperçu que la création de cette agence serait en définitive un moment d’une refonte de bien plus grande ampleur de notre modèle sportif, fruit de soixante-dix ans d’un travail législatif ayant conduit à l’adoption de plus de 300 dispositions et dont le code sportif, qui définit les missions publiques de la politique sportive en ce que cette dernière participe au rayonnement de la Nation et à la promotion des valeurs du sport, constitue le cœur.
Dans votre propos liminaire, madame la ministre, vous avez conforté nos craintes en indiquant votre souhait que le ministère se concentre sur quelques missions régaliennes, dont on n’appréhende pas encore clairement le périmètre.
Nos craintes quant au sort réservé aux CTS, qui, dans la diversité de leurs missions, sont les agents de ces politiques publiques, et pas seulement au titre du sport de haut niveau, se sont également trouvées confirmées par la circulaire du 12 juin sur la réorganisation des services de l’État dans les territoires, et amplifiées par l’avis extrêmement critique rendu par le Conseil d’État et le recours en annulation de la création de l’ANS déposé par de hauts fonctionnaires de votre ministère –du jamais vu !
Enfin, certains acteurs, dont le président du Comité national olympique et sportif français lui-même, nous ont alertés sur le fait que la mise en œuvre de ce changement prendrait plusieurs années, alors que nous ne sommes plus qu’à cinq ans de l’échéance cruciale des jeux Olympiques de 2024.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. J’entends le cri d’alarme des auteurs de ces amendements, mais la suppression de l’article 3, et partant de l’Agence nationale du sport, reviendrait à maintenir un statu quo qui ne satisfait pas les différents acteurs de la politique du sport. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Je tiens tout d’abord à vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que je respecte éminemment le Parlement.
Si le calendrier parlementaire m’avait permis de déposer et de vous présenter un projet de loi sur le sport d’une portée plus large, avant même la création de l’Agence nationale du sport, je l’aurais évidemment fait, car nous disposions déjà des éléments nécessaires trois mois après mon arrivée. Je comprends tout à fait que cette manière de faire puisse vous paraître cavalière, madame Brulin, dans la mesure notamment où l’intitulé initial du projet de loi ne faisait pas mention de l’Agence nationale du sport. Néanmoins, la réalité nous impose aujourd’hui d’entériner la création de cette agence et de sécuriser son existence.
À mes yeux, l’ANS est avant tout un outil à la main du ministère. Il me permettra de mettre en œuvre les préconisations du Président de la République : promouvoir la proximité avec les citoyens, la différenciation selon les territoires, l’humanité, le dépassement des systèmes et organisations actuels. Dans cette perspective, l’agence assurera le lien entre les collectivités territoriales, dont l’engagement pour le sport mérite d’être valorisé, le mouvement sportif, qui est l’acteur historique, l’État et, de manière innovante, le monde économique.
Nous sommes contre la suppression de l’article 3, car nous pensons qu’il est temps de débattre de ces sujets. Nous espérons vivement pouvoir présenter au début de 2020, peut-être en première instance au Sénat, le projet de loi relatif au sport, qui traitera plus largement des implications de la création de l’ANS pour la démocratie au sein des fédérations sportives et de l’accompagnement de la transformation du modèle économique des fédérations et des associations.
Il s’agit aujourd’hui d’une première étape, qui mérite que nous fassions une pause dans l’enchaînement des réformes. Il convient d’entériner la création de l’ANS, qui a été, me semble-t-il, suffisamment discutée et qui a reçu l’assentiment de l’ensemble des parties prenantes, en particulier des collectivités territoriales, avec lesquelles nous travaillons main dans la main depuis le départ.
Je vous invite fortement à suivre l’avis de la commission et à voter en faveur du maintien de l’article 3.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je voudrais apporter une précision : ce n’est pas le calendrier parlementaire, madame la ministre, qui a empêché la tenue d’un débat sur un texte de loi plus substantiel, mais l’agenda gouvernemental. (M. Patrick Kanner approuve.) En effet, pour partie, l’ordre du jour de notre assemblée est fixé par la conférence des présidents sur proposition du Gouvernement.
M. Patrick Kanner. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. En réalité, le Parlement trouve toujours, dans son calendrier, des créneaux pour l’examen des textes importants, qui tiennent à cœur au Gouvernement.
Je tenais à préciser ce point, afin que ceux qui nous écoutent ne se méprennent pas : ce n’est pas le Parlement qui n’aurait pas souhaité examiner un tel projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Claude Kern, rapporteur. Exactement !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Dans le même ordre d’idées, nous aurions été heureux que vous nous présentiez votre texte en commission, madame la ministre, comme nous vous y avions invitée, sans succès : j’ai même dû écrire à votre collègue M. Fesneau pour connaître les raisons pour lesquelles vous ne veniez pas devant notre commission, ce qui nous aurait permis de mieux préparer ce débat. Soit dit par parenthèse, nous avons eu à peine deux semaines pour travailler sur le présent projet de loi : on mesure l’exploit réalisé par les deux rapporteurs ! (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Je ne reviendrai pas sur les remarques de forme, mais qui touchent au fond, que vient d’exposer la présidente de la commission de la culture. Cela étant, on marche un peu sur la tête s’agissant de l’examen de ce texte !
Le débat sur l’article 3, madame la ministre, a en fait commencé la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique. Lorsque le Sénat a supprimé la disposition permettant le détachement d’office des conseillers techniques et sportifs auprès des fédérations sportives, votre collègue Olivier Dussopt nous a expliqué qu’il n’était pas compétent pour évoquer un tel sujet, que ce n’était ni le lieu ni le moment de le faire, et que c’était à vous qu’il convenait de s’adresser, ce que nous faisons aujourd’hui avec plaisir.
Le texte qui nous est présenté, si l’on se fie à son titre original, n’a qu’une portée technique, dans la perspective des jeux Olympiques de 2024. Mais nous voyons bien qu’il y a, en réalité, un enjeu politique. Madame la ministre, il ne s’agit pas ici de sport hippique, mais nous sommes bien en présence d’un cavalier ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Vous comprendrez donc notre profond étonnement.
La semaine passée, nous vous avons rendu service en supprimant, à l’alinéa 11 de l’article 28 du projet de loi de transformation de la fonction publique, la disposition relative aux CTS que j’évoquais à l’instant et dont vous aviez d’ailleurs vous-même relevé l’inutilité. Permettez-nous aujourd’hui de vous rendre un nouveau service en supprimant cet article 3 !
La création de l’ANS sous la forme d’un groupement d’intérêt public pose de nombreux problèmes juridiques, qui ont été soulignés par le Conseil d’État. Le Gouvernement ne les a pris que très partiellement en compte. Ainsi, la forme du GIP ne devrait concerner que des organismes chargés de mettre en œuvre des projets temporaires, en aucun cas un organisme chargé d’appliquer des politiques publiques de façon permanente. Par ailleurs, le mode de financement de l’agence, pour l’heure assuré uniquement, aux termes de l’article 3, par le biais de l’affectation du produit de taxes parafiscales, contrevient aux dispositions légales en matière de financement des GIP.
Madame la ministre, vous fragilisez juridiquement le dispositif et, partant, le sport français. Que vous le vouliez ou non, vous êtes en train de démanteler votre ministère. Vous envoyez un signal déplorable, celui de la désorganisation du secteur et du désengagement de l’État. Avec la création de cette agence, vous allez perdre votre outil de travail. Madame la ministre, il faut vous ressaisir face à cette dérive : ne rentrez pas dans l’histoire du sport français comme la ministre du sabordage d’un système qui a permis votre parcours exceptionnel de championne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)
M. Martial Bourquin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Manable, pour explication de vote.
M. Christian Manable. Madame la ministre, dans votre propos introductif, vous avez affirmé votre volonté de pérenniser un ministère des sports de plein exercice. Cela vaudra pour demain, sans doute pour après-demain, mais certainement pas après les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : une fois la flamme olympique éteinte, on parlera vite de feu le ministère des sports !
De plus, la réforme de l’organisation du sport en France nous fait quitter le modèle originel du service public pour rejoindre un modèle libéral à l’anglo-saxonne. Cela annonce la mort du ministère des sports. Je peux vous dire, madame la ministre, que le monde sportif est inquiet pour l’avenir.
Sans s’accrocher au passé, force est de constater que notre modèle sportif, certes perfectible, a produit dans le passé des bienfaits. La réforme proposée tend à rompre avec une organisation du sport de haut niveau et du sport de masse qui date, dois-je le rappeler, de Léo Lagrange, le flambeau ayant ensuite été repris par Maurice Herzog, Alain Calmat, Marie-George Buffet et, plus récemment, Patrick Kanner. (Exclamations ironiques sur diverses travées.)
Enfin, je note une contradiction entre, d’une part, les ambitions louables affichées par le Président de la République et par le Gouvernement en termes de résultats et de médailles, et, d’autre part, les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs.
Je voterai la suppression de l’article 3. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je vous remercie d’être entrée dans un dialogue plus constructif avec nous, qui nous permettra de comprendre quel est exactement votre dessein politique.
J’ai lu avec attention l’étude d’impact qui accompagne ce projet de loi : à la page 9, il y est écrit que, « de fait, tous les pays qui ont confié la mission d’améliorer les performances de leurs athlètes à une organisation autonome […] ont vu leur performance aux jeux Olympiques et Paralympiques augmenter significativement. À l’inverse, toutes les nations conservant un système organiquement étatique reculent dans les classements. »
Si je comprends bien, la création de l’Agence nationale du sport répond donc à l’objectif d’organiser un système non étatique de soutien au sport de haut niveau. Dans ce cas, pourquoi réaffirmez-vous ici votre volonté de confier à cette agence une mission de promotion du sport pour tous. Il y a là une incohérence politique sur laquelle vous devez vous expliquer.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 24.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 160 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 88 |
Contre | 253 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 6, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
pratique sportive
par les mots :
pratique des activités physiques et sportives
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Que les choses soient claires : il ne s’agit pas pour nous de partir en guerre contre l’Agence nationale du sport. Nous ne défendons pas le statu quo ou l’immobilisme. Nous entendons simplement réaffirmer le rôle d’impulsion et de régulation de l’État.
Cela n’est pas du tout incompatible avec une plus grande autonomie du mouvement sportif, à laquelle nous sommes favorables, une meilleure prise en compte du rôle des collectivités locales, premiers financeurs publics du sport, et une plus grande implication du monde économique. Nous pensons simplement que, aujourd’hui, le curseur n’est pas placé au bon endroit.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons élargir le champ du dispositif aux activités physiques et sportives, en cohérence avec les précédentes lois d’organisation du sport, que ce soit la loi de 1984 d’organisation et de promotion des activités physiques et sportives ou la loi Buffet qui, dès son premier article, fait référence aux activités physiques et sportives.
Il s’agit en quelque sorte d’appliquer un principe de précaution pour que soient prises en compte toutes les dimensions des activités physiques et corporelles. On pourrait débattre à perte de vue sur le point de savoir si telle ou telle activité doit être considérée comme un sport ou pas. Je prendrai un seul exemple, celui du breakdance : le Comité international olympique vient d’homologuer cette activité en tant que sport additionnel au titre des jeux Olympiques de 2024. Si nous organisions un colloque de trois jours au Sénat pour déterminer si le breakdance est ou non un sport, je suis persuadé que nous ne parviendrions pas à une position commune ! (Sourires.) Par conséquent, adoptons, par prudence, une conception large des activités physiques et sportives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision, sur lequel la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Monsieur le sénateur, il est vrai que le sport revêt aujourd’hui différents aspects : compétition, loisir, jeu… Dernièrement, des jeunes effectuant leur SNU me disaient ne pas faire de sport, mais adorer jouer au basket avec leurs copains : pour eux, ce n’est pas là « faire du sport » !
Mon ambition est que le mouvement sportif parvienne à se saisir de toutes ces réalités de terrain et à ramener les publics concernés vers le sport à proprement parler. Le danger, c’est que l’on ne se reconnaisse plus dans l’acception habituelle du mot « sport », que l’on ne fasse plus confiance au ministère des sports, au mouvement sportif. Pour ma part, je fais confiance à tous ceux qui s’impliquent pour le sport. Je suis sûre que la notion de sport peut englober toutes les formes de pratiques, que ce soit l’activité physique, le sport-plaisir ou le jeu. J’ai confiance dans nos clubs et nos associations : nous sommes là pour les accompagner et les aider à rejoindre toutes ces nouvelles pratiques qui, pour moi, restent du sport.
Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
la pratique sportive
insérer les mots :
pour toutes et tous
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à préciser que l’Agence nationale du sport devra contribuer au développement de l’accès à la pratique sportive « pour toutes et tous ». Ce n’est pas uniquement une question de sémantique : il s’agit de garantir que le sport de masse restera une priorité dans notre pays.
Vous avez rappelé, madame la ministre, qu’un Français sur deux ne pratique aucun sport aujourd’hui. Il y a donc un véritable enjeu de ce point de vue. Pourtant, les crédits consacrés au développement du sport pour toutes et tous diminuent considérablement.
Par ailleurs, de nombreuses études montrent qu’il subsiste des inégalités extrêmement importantes, en termes de pratique sportive, entre les femmes et les hommes. Par exemple, 33 % des femmes arrivent à faire du sport régulièrement, contre 45 % des hommes, et 17 % des sportives participent à des compétitions, contre 52 % des hommes.
L’accès au sport pour les personnes en situation de handicap constitue aussi, évidemment, un enjeu très important.
Enfin, il convient de réduire les inégalités sociales et territoriales, sachant que nombre de nos territoires manquent cruellement d’infrastructures sportives. Dans le même esprit, de plus en plus de nos concitoyens nous interpellent sur le coût croissant des licences pour les familles.
Au regard de tous ces enjeux, il nous semble important de rappeler que la politique publique du sport n’a pas pour seul objet le développement de la haute performance : elle doit promouvoir le sport pour toutes et tous.
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Requier et Artano, Mme N. Delattre, MM. Corbisez et Gold, Mmes Guillotin et Laborde, MM. Cabanel, Guérini, Roux, Arnell et Gabouty, Mmes M. Carrère et Costes et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
pratique sportive
insérer les mots :
pour tous
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Si nous sommes toutes et tous attentifs à l’évolution de la politique du sport en France, c’est parce que nous sommes convaincus des multiples vertus de la pratique sportive. Celle-ci ne se limite pas à la recherche de performances de haut niveau : elle inclut aussi le sport pour le plus grand nombre. Dans cette perspective, nous souhaitons préciser que l’Agence nationale du sport favorisera également le développement du sport pour tous.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. J’étais, à titre personnel, plutôt favorable à l’amendement n° 22 rectifié bis – pour moi, le terme « tous » inclut le masculin et le féminin –, mais la commission lui a préféré l’amendement n° 27, sur lequel l’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Pour ma part, je ne pense pas que « toutes » soit inclus dans « tous », mais je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Je profite de l’occasion pour réaffirmer la volonté forte du ministère des sports de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes à la pratique sportive, ainsi qu’aux fonctions de dirigeant. Cette volonté trouvera sa traduction dans une politique qui sera déclinée en lien avec les territoires, eux aussi fortement mobilisés sur le sujet, au travers de l’Agence nationale du sport.
Mme la présidente. Madame Jouve, l’amendement n° 22 rectifié bis est-il retiré au profit de l’amendement n° 27 ?
Mme Mireille Jouve. Oui, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 27.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’Agence nationale du sport veille à la cohérence entre les projets sportifs territoriaux et les projets sportifs des fédérations.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Il s’agit de faire en sorte que l’Agence nationale du sport soit directement impliquée dans la bonne articulation entre les politiques sportives fédérales – ce que l’on appelle habituellement les plans de développement des fédérations – et les politiques sportives territoriales.
J’y vois vraiment la clé du succès concernant le fonctionnement de l’Agence nationale du sport. En effet, il ne faut pas croire que les fédérations sportives ont forcément l’habitude de fonctionner ensemble au quotidien. Cela ne se vérifie pas toujours, en dépit de l’existence des comités régionaux olympiques et sportifs, les CROS, et des comités territoriaux olympiques et sportifs, les CTOS. Il ne faut pas croire non plus que les collectivités locales ont, à l’échelon régional, par exemple, réellement l’habitude de travailler ensemble, hormis sur des projets très précis.
Il importe donc de jeter de véritables passerelles entre les sports, et parfois entre les collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Il est en effet très important de favoriser la cohérence entre les actions des différentes parties. Cet amendement vise à atteindre cet objectif en donnant notamment pour mission à l’ANS de veiller à la cohérence entre les projets sportifs territoriaux et les projets sportifs des fédérations. L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Monsieur le sénateur Lozach, votre amendement touche au cœur même du fonctionnement de l’ANS. Compétente pour veiller à la cohérence entre les projets sportifs territoriaux et les projets sportifs fédéraux, elle associe actuellement vingt-neuf fédérations. Nous espérons que ce nombre progressera à l’avenir.
La présence du mouvement sportif au sein des conférences régionales du sport qui élaboreront les projets sportifs territoriaux facilitera cette mise en cohérence.
L’objet du projet de loi n’était pas de rentrer davantage dans les détails du fonctionnement de l’ANS, mais le Gouvernement néanmoins émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
groupements
insérer les mots :
, ainsi que les acteurs privés
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous avons, au travers d’un amendement précédent, associé les collectivités locales au fonctionnement de l’ANS, au côté de l’État et du mouvement sportif.
Il importe de ne pas oublier la quatrième composante de cette agence, à savoir le secteur privé, le monde économique. En effet, l’ANS a vocation à développer la contribution de ce dernier, en termes tant de financement que de maîtrise d’ouvrages, celle-ci pouvant être confiée au secteur privé.
S’agissant du financement, nous avons, me semble-t-il, un retard à combler dans notre pays en matière de droits dérivés, de sponsoring et de mécénat d’entreprise, les recettes à ce titre ne représentant aujourd’hui que quelques millions d’euros par an. Il faut absolument essayer de donner un coup d’accélérateur à cette contribution du secteur privé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Cet amendement prévoit que l’ANS pourra également soutenir les projets développés par des acteurs privés. Cette possibilité n’est pas exclue par la rédaction de la commission, qui comporte l’adverbe « notamment ». Les termes « acteurs privés » n’étant pas juridiquement définis, la commission a émis un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, eu égard au flou des termes « acteurs privés ». En outre, nous n’aimerions pas accréditer l’idée que l’Agence nationale du sport vendrait son âme au monde de l’entreprise ! Notre volonté est d’associer les acteurs privés du sport qui mettent déjà en place des dispositifs qui servent l’objet du mouvement sportif, les objectifs des collectivités territoriales et du ministère des sports. Ce sont ces dispositifs qui auront vocation à être financés par l’ANS. Il conviendra d’approfondir la réflexion avant de déterminer si les maîtres d’ouvrage privés pourront postuler. En attendant que le travail se poursuive, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
pratique sportive
par les mots :
pratique des activités physiques et sportives
Cet amendement, analogue à l’amendement n° 6, portant sur l’alinéa 5, a déjà été défendu.
La commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis de sagesse.
Je mets aux voix l’amendement n° 8.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’Agence nationale du sport peut collecter tout type de ressources auprès de personnes morales de droit privé.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à permettre à l’ANS de collecter tout type de ressources auprès de personnes morales, tant de droit public que de droit privé. Il s’agit tout simplement d’élargir les sources de financement de l’ANS afin qu’elle puisse collecter des recettes de mécénat ou de sponsoring et bénéficier de subventions, de dons ou de legs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Il est indéniable que l’agence sera confrontée à un problème de financement. Les moyens actuellement prévus par le Gouvernement sont insuffisants si on les rapporte aux besoins estimés par le mouvement sportif.
À défaut de pouvoir envisager un déplafonnement des taxes affectées, un élargissement du champ des ressources peut être une voie à explorer. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Monsieur le sénateur, vous souhaitez que, au-delà des ressources classiques actuellement prévues par la loi pour un GIP, l’agence puisse bénéficier d’un panel de ressources élargies.
Il est à notre avis tout à fait souhaitable que l’ANS puisse diversifier ses sources de financement. Cette diversification est déjà organisée par l’article 113 de la loi n° 2011-525, au travers notamment de la possibilité de recevoir des dons et des legs. Le présent amendement tend à ouvrir cette diversification à tout type de financement d’origine privée. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. La commission a précisé les missions du délégué territorial, institué par la rédaction initiale du Gouvernement. Il est proposé d’en faire l’ordonnateur des dépenses et le responsable de la mise en œuvre de concours financiers territoriaux de l’agence. Ces précisions sont utiles. Néanmoins, les missions de l’ANS ne se limitant pas exclusivement au développement du sport pour tous dans les territoires les moins favorisés, il ne convient pas d’inscrire cette précision dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Je vais me prononcer à titre personnel, puisque la commission n’a pu examiner cet amendement.
Il apparaît en effet nécessaire de bien circonscrire le rôle du délégué territorial de l’ANS, qui ne peut empiéter sur ceux de la conférence régionale du sport et des conférences des financeurs.
Faute de précision, les craintes relatives à une recentralisation rampante ne pourraient que perdurer, et la confiance en l’ANS se trouverait dès lors fragilisée.
Plus globalement, cela rejoint la préoccupation de la commission de faire figurer dans la loi les garanties nécessaires concernant la gouvernance territoriale de l’agence. La suite de la navette devra permettre de préciser la rédaction de l’article 3 sur ce sujet.
Dans cette attente, j’émets, à titre personnel, un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Piednoir et Allizard, Mme Berthet, MM. Bouchet, Brisson, Charon et Courtial, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Genest, Mme Gruny, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller et Paccaud, Mme Puissat et MM. Segouin et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
collectivités territoriales,
insérer les mots :
des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport,
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle visant à remédier à un oubli. Nous proposons, à l’instar de ce qui est déjà prévu pour les conférences des financeurs, d’intégrer dans les conférences régionales du sport des représentants des EPCI compétents en matière de sport au même titre que les collectivités territoriales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement qui apporte une précision utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Après les mots :
du sport
insérer les mots :
, en coordination avec les instances de direction de l’Agence nationale du sport,
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. La conférence régionale du sport ne saurait fonctionner comme un électron libre : nous proposons de préciser qu’elle devra agir en coordination avec les instances de direction de l’ANS.
Ces conférences régionales seront en quelque sorte des émanations de l’Agence nationale du sport, mais chacun des acteurs voudra continuer à fonctionner de manière autonome : le mouvement sportif, les collectivités locales, qui invoqueront le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, etc.
Cependant, cette volonté de liberté d’action se heurtera parfois à l’intérêt général. Il faudra donc que, au-dessus des conférences régionales du sport, une instance puisse arbitrer et trancher. Je prendrai un exemple très concret, celui des équipements sportifs « lourds », représentant un investissement de 10 millions à 20 millions d’euros, tels les centres aquatiques ou aqualudiques : faudra-t-il autoriser la création d’équipements identiques distants de quinze ou vingt kilomètres, sous prétexte qu’ils relèvent de deux régions, et donc de deux conférences régionales du sport, différentes ? Sans doute que non ! Il faudra trouver des complémentarités. Une possibilité de coordination devra pouvoir jouer dans certains cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les conférences régionales du sport agissent en concertation avec les instances de direction de l’ANS. Cette mise en cohérence est, selon nous, indispensable au bon fonctionnement de l’agence. La commission est favorable à l’amendement n° 10 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Il existe déjà, dans certains territoires, des conférences régionales du sport. Il serait souhaitable que l’Agence nationale du sport puisse articuler son action avec la leur. Quand elles seront instituées par l’ANS, le problème ne se posera pas. Je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Requier et Artano, Mme N. Delattre, MM. Corbisez et Gold, Mme Laborde, MM. Cabanel, Guérini, Roux, Arnell et Gabouty, Mmes M. Carrère et Costes et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 35
Après le mot :
président
insérer les mots :
, issu du collège des collectivités territoriales,
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. La rédaction initiale du projet de loi était silencieuse sur la place allouée aux collectivités territoriales au sein de la future Agence nationale du sport.
Nous saluons une nouvelle fois la volonté du rapporteur de favoriser un débat parlementaire sur l’ANS. Acteurs majeurs du sport, les collectivités territoriales y consacrent chaque année 12 milliards d’euros de crédit. Elles ont en outre une appréciation particulièrement fine des besoins de leurs territoires. Qui mieux qu’elles peut entreprendre de décliner au niveau local des priorités nationales ? La demande de l’Association des maires de France de confier à leurs représentants les présidences des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs nous paraît aussi légitime qu’opportune.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 23 et 35
Compléter cet alinéa par les mots :
issu du collège des collectivités territoriales
II. – Alinéa 25
Remplacer les mots :
une ou plusieurs conférences des financeurs du sport pouvant comprendre
par les mots :
des conférences des financeurs du sport, à une échelle infrarégionale excepté en Corse et dans les collectivités d’outre-mer, comprenant
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons que les présidents des conférences régionales et des conférences des financeurs du sport soient issus du collège des collectivités territoriales. Cela se justifie notamment par le fait que l’Agence nationale du sport a vocation à donner un pouvoir plus grand aux collectivités territoriales, qui constituent le premier financeur public du sport.
Nous proposons en outre que l’on puisse envisager la création de conférences des financeurs du sport à une échelle plus petite que celle des régions, lesquelles, parfois très vastes, ne coïncident pas toujours avec les bassins de vie. Il convient de privilégier la proximité pour soutenir des projets sportifs pouvant être d’intérêt local ou renouveler des équipements vieillissants.
Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Piednoir et Allizard, Mme Berthet, MM. Bouchet, Brisson, Charon et Courtial, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Genest, Mme Gruny, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller et Paccaud, Mme Puissat et MM. Segouin et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 23 et 35
Compléter ces alinéas par les mots :
parmi les représentants des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport ou du mouvement sportif
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Nous souhaitons permettre aux conférences régionales du sport et aux conférences des financeurs de travailler à la déclinaison territoriale des priorités nationales arrêtées par l’ANS et d’être les lieux d’élaboration des nouvelles politiques de réduction des inégalités ou des nouvelles pratiques territoriales à développer.
À cette fin, il convient que leur présidence soit assurée par un représentant des collectivités territoriales, des EPCI ou du mouvement sportif, qui agissent au plus près des territoires et connaissent les besoins locaux. Cela serait, nous semble-t-il, en adéquation avec les attentes exprimées sur le terrain.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, MM. Requier et Artano, Mme N. Delattre, MM. Corbisez et Gold, Mme Laborde, MM. Cabanel, Guérini, Roux, Arnell et Gabouty, Mmes M. Carrère et Costes et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
une ou plusieurs conférences des financeurs du sport
par les mots :
des conférences des financeurs du sport, à une échelle infrarégionale,
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Le Sénat se pose souvent comme le garant de la proximité, dont nous connaissons toutes et tous les vertus. Il est proposé d’établir les conférences des financeurs et les conférences territoriales du sport à une échelle infrarégionale. Nous ne referons pas le procès des grandes régions, qui peuvent désormais s’étendre d’Aurillac à Annecy ou de Poitiers à Bayonne ! Afin de garantir la pleine implication des élus locaux et d’inscrire l’action des instances en question dans un champ suffisamment restreint, nous relayons une demande de l’Association des maires de France.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 rectifié bis est présenté par MM. Savin, Piednoir et Allizard, Mme Berthet, MM. Bouchet, Brisson, Charon et Courtial, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Genest, Mme Gruny, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller et Paccaud, Mme Puissat et MM. Segouin et Vogel.
L’amendement n° 20 est présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par Mme Jouve, MM. Requier et Artano, Mme N. Delattre, MM. Corbisez et Gold, Mmes Guillotin et Laborde, MM. Cabanel, Guérini, Roux, Arnell et Gabouty, Mmes M. Carrère et Costes et M. Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
pouvant comprendre
par le mot :
comprenant
La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié bis.
M. Stéphane Piednoir. La composition de chaque conférence des financeurs du sport doit comprendre l’ensemble des membres de la gouvernance partagée définie au niveau national – représentants de l’État, des collectivités territoriales, du mouvement sportif, du monde économique –, comme cela est prévu pour les conférences régionales du sport. Cet amendement pragmatique permet de mettre en cohérence la composition des deux types d’instances.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Jean-Jacques Lozach. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.
Mme Mireille Jouve. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. L’amendement n° 2 rectifié bis a pour objet de prévoir que les présidents des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs devront nécessairement être des élus. Il semble préférable de ne pas exclure la possibilité qu’un représentant du mouvement sportif puisse également être désigné, comme le prévoit l’amendement n° 16 rectifié bis. L’essentiel est que ces instances ne soient pas animées par des représentants de l’État, dont le rôle est différent.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 2 rectifié bis.
S’agissant de l’amendement n° 26 rectifié, il ne semble pas opportun d’écarter par principe l’exercice d’une présidence par un représentant du mouvement sportif. En outre, prévoir que la conférence des financeurs doit nécessairement avoir un périmètre infrarégional pourrait poser problème dans certaines collectivités particulières, comme celles de Corse ou d’outre-mer.
J’observe d’ailleurs que les auteurs de l’amendement ont modifié leur rédaction pour maintenir cette souplesse, mais est-ce au législateur de distinguer le régime applicable selon les territoires ? Ne faut-il pas laisser de la souplesse, à l’instar du texte de la commission ? L’avis est défavorable.
L’amendement n° 16 rectifié bis vise à prévoir que les présidents des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs soient désignés parmi les représentants des élus locaux ou ceux du mouvement sportif. Même si le texte de la commission ne le prévoyait pas explicitement, c’est tout à fait dans l’esprit de sa rédaction. L’avis est donc favorable.
Concernant l’amendement n° 3 rectifié bis, prévoir que la conférence des financeurs du sport doit nécessairement avoir un périmètre infrarégional peut poser problème dans des collectivités comme celles de Corse ou d’outre-mer. C’est la raison pour laquelle la commission a adopté une rédaction plus souple. L’avis est défavorable.
Enfin, la commission est favorable aux amendements identiques nos 18 rectifié bis, 20 et 21 rectifié bis de conséquence avec l’amendement n° 4 rectifié ter de Mme Jouve.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 2 rectifié bis, 26 rectifié, 16 rectifié bis et 3 rectifié bis
Vous avez dit, madame la sénatrice Carrère, que le Sénat est le garant de la proximité : l’État est de plus le garant de la différenciation voulue par le Président de la République. C’est la raison pour laquelle nous voulons que, dans chacune des conférences régionales, les acteurs s’organisent entre eux en fonction des réalités du territoire, de la place qu’y occupent le sport et ses acteurs.
Monsieur le rapporteur, pourquoi un représentant du monde économique ou de l’État ne pourrait-il pas exercer une présidence ? Le préfet de région peut jouer, sur certains territoires, outre son rôle de représentant de l’État, celui d’animateur de la conférence régionale du sport. On ne peut pas à la fois solliciter l’aide de l’État, réclamer des politiques publiques du sport, et vouloir réserver les présidences aux représentants des collectivités territoriales ou du mouvement sportif.
S’agissant des amendements identiques nos 18 rectifié bis, 20 et 21 rectifié bis, l’avis est favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 20 et 21 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Après le mot :
institue
insérer les mots :
, dans le respect des spécificités territoriales,
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. La mise en place des conférences des financeurs du sport suppose un véritable découpage des régions. L’idée est de respecter les particularismes locaux. Ainsi, on pourrait avoir, dans une région, des conférences des financeurs structurées autour d’une métropole, d’une agglomération, d’une grosse commune, d’une intercommunalité, d’un pôle d’équilibre de territoires ruraux, parfois à l’échelon d’un département si celui-ci est très rural : bref, autour d’un bassin de vie.
Il s’agit de faire prévaloir le respect des spécificités territoriales, d’anticiper en quelque sorte le droit à la différenciation que l’on nous annonce dans le cadre d’un nouvel acte de la décentralisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. L’idée est de trouver le périmètre le plus adapté pour instituer chaque conférence des financeurs. L’avis est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Monsieur le sénateur, nous sommes dans une phase de préfiguration des conférences régionales du sport. Elles pourront effectivement être instituées, comme l’a dit Mme la sénatrice Brulin, à un niveau infrarégional, mais nous ne voulons pas l’inscrire dans la loi : cela devra être décidé à l’échelon du territoire. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mme Jouve, MM. Requier, Artano, Corbisez et Gold, Mme Laborde, MM. Cabanel, Guérini, Roux, Arnell et Gabouty, Mmes M. Carrère et Costes et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 28 à 30
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de sport désignés par la ou les associations départementales de maires et de présidents d’intercommunalité concernées les plus représentatives ;
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. En matière de représentativité, les associations départementales de maires ou de présidents d’EPCI sont des outils précieux sur lesquels nous pouvons, une nouvelle fois, nous appuyer. Elles sont un relais fidèle des doléances des communes et des intercommunalités. Afin de favoriser la fluidité du fonctionnement des conférences régionales du sport ou des financeurs, nous soutenons la proposition de l’Association des maires de France de faire désigner par ces organisations représentatives les représentants des communes ou des EPCI au sein de celles-ci.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Piednoir et Allizard, Mme Berthet, MM. Bouchet, Brisson, Charon et Courtial, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Genest, Mme Gruny, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller et Paccaud, Mme Puissat et MM. Segouin et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 28 à 30
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Des collectivités désignées par la ou les associations départementales de maires et de présidents d’intercommunalité concernées les plus représentatives ;
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Pour bien fonctionner, les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs doivent être composées de façon fonctionnelle et équilibrée. Dans cette perspective, il convient que les représentants des collectivités locales soient désignés par la ou les associations départementales de maires et de présidents d’intercommunalité les plus représentatives.
Le dispositif de l’amendement présenté par Mme Jouve étant un peu plus complet, je retire mon amendement au profit du sien.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4 rectifié ter ?
M. Claude Kern, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier le processus de désignation des représentants des élus au sein de la conférence régionale du sport en confiant cette mission aux associations représentatives, alors que la rédaction adoptée par la commission renvoie, par souci de souplesse, à un décret en Conseil d’État.
Faut-il inscrire dans la loi le rôle des associations représentatives ? Je pense que les modalités de fonctionnement de la gouvernance territoriale de l’ANS feront encore l’objet de discussions entre les acteurs. Néanmoins, pour des raisons pratiques, il est évident que les associations d’élus auront un rôle à jouer dans la désignation des représentants des élus au sein de la conférence régionale du sport.
La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 4 rectifié ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Les représentants des communes, des départements et des régions font partie des membres fondateurs de l’ANS et de la gouvernance de celle-ci. Néanmoins, nous ne croyons pas adapté de confier un tel rôle aux associations d’élus, surtout s’agissant des conférences des financeurs, dans la mesure où, contrairement aux communes et aux EPCI, elles n’engagent pas de financements. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 36
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si, au 1er janvier 2022, l’échelon territorial n’a pas créé de conférence des financeurs, celle-ci est instituée à l’échelon départemental, sauf pour le sport de haut niveau prévu au 1° de l’article L. 112-14
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à parer à l’éventualité où les choses ne s’organiseraient pas de la pleine initiative des acteurs des territoires. Afin de garantir que les conférences des financeurs soient créées dans un délai raisonnable, il convient de fixer une borne dans le temps –le 1er janvier 2022 – et de déterminer quel échelon se substituera à l’échelon territorial si celui-ci n’agit pas assez vite. Gardons à l’esprit les difficultés de mise en œuvre de certaines commissions « culture » des conférences territoriales de l’action publique.
Certes, comme M. le rapporteur nous l’a expliqué en commission, s’agissant des conférences des financeurs, l’appât du gain, si j’ose dire, fera peut-être que les acteurs s’organiseront spontanément assez vite, mais soyons attentifs au calendrier institutionnel : les élections municipales, puis départementales et régionales qui se tiendront bientôt pourraient retarder la mise en place de ces instances.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. L’organisation des conférences des financeurs au niveau territorial est un sujet complexe, qui fait l’objet d’une concertation. Autant il semble utile d’en fixer les principes essentiels dans la loi, autant il apparaît prématuré de prévoir dans celle-ci un mécanisme de repli au niveau départemental en cas d’échec au niveau local.
Par ailleurs, la comparaison avec les CTAP ne semble pas complètement pertinente : le rôle des conférences des financeurs sera de monter des projets qui bénéficieront du concours de l’agence. L’incitation à créer une telle conférence sera donc forte.
L’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Il est également défavorable. J’ai confiance dans la motivation des acteurs pour instaurer ces conférences des financeurs, y compris au niveau infrarégional. Je souhaite que tous les acteurs se mettent autour de la table pour discuter du sujet du sport, à quelque échelon que ce soit.
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 37, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 38
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le rapport d’activité mentionné à l’article L. 112-11 est transmis chaque année par le président de l’Agence au Parlement.
III. – Alinéa 39
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Le présent amendement vise à supprimer la précision relative au contenu de la convention d’objectifs signée avec l’État. Il tend également à remplacer la transmission de cette convention aux commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale pour avis par la transmission au Parlement d’un rapport annuel par le président de l’agence.
Au vu de la nature d’une convention d’objectifs dont la durée est par ailleurs déjà fixée, il ne semble pas nécessaire de prévoir dans la loi son contenu et son cadre pluriannuel. En outre, l’agence occupera déjà une place importante dans les documents budgétaires soumis au Parlement au titre du programme « Sport » ; il n’est donc pas opportun de complexifier encore davantage le processus d’élaboration d’une convention d’objectifs en faisant intervenir le Parlement. Néanmoins, il est impératif d’associer celui-ci au processus en prévoyant qu’un rapport annuel lui sera soumis par le président de l’agence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Malheureusement, la commission n’a pu examiner cet amendement du Gouvernement ; j’exprimerai donc mon avis personnel.
L’amendement vise à remplacer une association ex ante du Parlement à la définition de la politique de l’agence par une simple information ex post. Ce n’est évidemment pas la même chose !
La rédaction adoptée par la commission s’inspire des contrats d’objectifs et de moyens existant entre l’État et les sociétés de l’audiovisuel public. Le processus est connu ; il permet en particulier de définir des moyens de manière pluriannuelle.
On ne peut que s’inquiéter du refus du Gouvernement de s’engager sur des objectifs pluriannuels de financement de l’agence. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour l’avenir du sport et cela renforce les inquiétudes liées au manque de moyens de l’agence à son lancement.
La navette permettra, je l’espère, d’améliorer la rédaction de cette disposition. Pourquoi, par exemple, vouloir supprimer la présentation du rapport annuel devant les commissions ? En l’état actuel des choses, il me semble préférable de maintenir la rédaction de la commission.
C’est pourquoi, à titre personnel, je suis défavorable à l’adoption de cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 30, présenté par M. Kern, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Alinéa 40
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 112-17. - Le conseil d’administration de l’Agence nationale du sport comprend deux députés et deux sénateurs désignés par les présidents de chacune des deux assemblées.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Kern, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le conseil d’administration de l’agence comprendra deux députés et deux sénateurs nommés par les présidents de chacune des assemblées.
Compte tenu des dispositions de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018, il n’apparaît pas nécessaire de mentionner le respect de la parité ou du pluralisme dans les nominations, dans la mesure où il s’agit déjà d’obligations légales.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 30, alinéa 3
Après le mot :
sénateurs
insérer les mots :
, disposant chacun d’une voix consultative,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Le présent sous-amendement vise à prévoir que le conseil d’administration de l’Agence nationale du sport comprendra deux députés et deux sénateurs désignés par les présidents de chacune des deux assemblées, disposant chacun d’une voix consultative.
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 40
Au début
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le conseil d’administration se compose pour 40 % des voix de représentants du ministère des sports, pour 30 % de représentants des collectivités territoriales et pour 30 % de représentants du monde sportif.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à introduire une nouvelle clé de répartition entre les différents collèges au sein du conseil d’administration de l’agence, afin d’y renforcer la place des représentants du secteur public.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 40, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le conseil d’administration comprend deux députés et deux sénateurs désignés par les présidents de chacune des deux assemblées, dans le respect de la diversité politique de chaque assemblée.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous souhaitons prévoir la présence de deux députés et de deux sénateurs au sein du conseil d’administration de l’agence, dans le respect de la diversité politique des deux assemblées. Ils y exerceront leurs fonctions de contrôle et d’évaluation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. La commission a adopté ce matin un amendement tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’alinéa 40. Le sous-amendement du Gouvernement vise pour sa part à préciser que les parlementaires siégeant au conseil d’administration de l’agence auront voix consultative. J’émettrai sur ce sous-amendement, de nouveau à titre personnel, un avis de sagesse.
Quant à l’amendement n° 25, le projet de création de l’Agence nationale du sport comprend l’objectif d’y associer tous les partenaires intéressés. Les représentants du secteur privé ne bénéficieront que de 10 % des droits de vote au conseil d’administration. Leur présence apparaît d’autant plus justifiée que les entreprises sont des acteurs importants du financement du sport, à travers les droits télévisés, les partenariats et la publicité. Notons en outre que, concernant la haute performance, l’État aura des droits de vote double, à hauteur de 60 %. Il n’y a donc pas lieu de modifier la clé de répartition. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, l’amendement n° 14 est satisfait par l’amendement n° 30 de la commission ; j’en demande donc le retrait, faute de quoi l’avis de la commission sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Il est défavorable sur l’amendement n° 25. En effet, si nous avons associé le monde économique à la gouvernance de l’agence, c’est bien parce que nous voulons reconnaître le rôle de celui-ci. Ces acteurs ont beaucoup insisté, au moment de la concertation, sur leur volonté que ce rôle ne soit pas restreint au sponsoring ou au marketing sportif ; ils entendent bien participer à l’élaboration des actions, donner des idées et enrichir la réflexion de leur expérience en la matière, qui est très forte.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 14, qui est satisfait par celui de la commission.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 25 et 14 n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 13 est présenté par MM. Lozach, Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Magner et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par MM. Savin, Piednoir et Allizard, Mme Berthet, MM. Bouchet, Brisson, Charon et Courtial, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Genest, Mme Gruny, MM. Hugonet et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mme Lassarade, M. Lefèvre, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller et Paccaud, Mme Puissat et MM. Segouin et Vogel.
L’amendement n° 34 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 41
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous en arrivons au sujet épineux de la gestion des conseillers techniques sportifs, les CTS, qui sont, je le rappelle, des fonctionnaires d’État.
Personnellement, je me suis opposé à ce qu’un groupement d’intérêt public, un GIP, forme juridique de l’Agence nationale du sport, soit chargé de la gestion des CTS, à travers le responsable de la haute performance, par exemple. Un GIP n’a pas vocation à devenir la direction des ressources humaines de fonctionnaires d’État : cette mission relève de la relation entre l’État et le mouvement sportif. Personnellement, je comprendrais très mal qu’une structure dans laquelle on trouve des représentants du monde économique, parmi lesquels le Medef, la Confédération des PME ou l’Union Sport et Cycle, voire des associations nationales d’élus locaux, pilote le déroulement de carrière de fonctionnaires d’État.
Cela ne signifie pas que des progrès ne soient pas aujourd’hui possibles dans le management des CTS. De fait, beaucoup de présidents de fédération sportive souhaitent des évolutions en ce qui concerne la nature de leurs métiers, leur formation et même leur répartition entre fédérations sportives ou territoires.
Je le redis, je suis opposé à ce que le responsable de la haute performance soit chargé de la gestion des CTS, d’autant que ces derniers ne sont pas tous directement concernés par la haute performance. Le milieu des CTS est très disparate et hétérogène ; il comprend notamment des conseillers d’animation sportive, qui sont en phase directe avec les clubs et ne sont pas véritablement impliqués dans la préparation olympique.
Il s’agit pour nous non pas de manifester une quelconque animosité envers M. Onesta, mais tout simplement de faire respecter un principe : la direction des ministères assure la gestion de ses propres personnels.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié bis.
M. Stéphane Piednoir. Le Sénat a adopté, lors de l’examen du projet de loi portant transformation de la fonction publique, un amendement de mon collègue Michel Savin visant à exclure les CTS du champ du dispositif de détachement d’office vers les fédérations prévu par ce texte.
Il convient qu’une réelle concertation sur le statut des CTS, leurs fonctions, leurs liens hiérarchiques, leur nombre et le soutien financier apporté aux fédérations puisse se dérouler avant qu’une quelconque décision soit prise à leur sujet. Aujourd’hui, on met pour ainsi dire la charrue devant les bœufs !
Cet amendement tend donc à supprimer le dispositif confiant au responsable de la haute performance de l’Agence nationale du sport la compétence pour l’affectation des CTS, leur formation et leur évaluation, dispositif qui vient modifier le statut des CTS sans concertation préalable. Pour que les discussions entre les acteurs puissent s’engager dans les meilleures conditions, il convient selon nous de surseoir à une telle décision.
À l’occasion des débats sur le futur projet de loi relatif au sport, il sera possible de revenir sur ce sujet et d’adopter, le cas échéant, les dispositifs législatifs nécessaires à la réforme du fonctionnement des CTS qui émergera de la concertation que nous préconisons.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 34.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, j’ai engagé une concertation sur l’évolution du mode de gestion des CTS. Plus largement, j’ai mis sur la table des sujets de politiques publiques dont sont garants les conseillers techniques sportifs placés auprès des fédérations.
M. Yann Cucherat, lui-même ancien athlète, CTS et élu local, ainsi que M. Alain Resplandy-Bernard, haut fonctionnaire, seront amenés à me présenter un rapport à la fin du mois d’octobre.
La concertation que j’ai lancée permettra de faire émerger des propositions émanant des acteurs. Le détachement des CTS auprès de l’Agence nationale du sport proposé par la commission pourra être envisagé dans ce cadre. De nombreuses propositions nous parviennent déjà de toutes parts, mais attendons les résultats de la concertation, incitons les acteurs à se mettre autour de la table en vue d’engager ensemble cette transformation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Le sujet a déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive !
Le Gouvernement a fait adopter, à l’alinéa 11 de l’article 28 du projet de loi portant transformation de la fonction publique, une disposition qui permet le transfert obligatoire des CTS aux fédérations. Le Sénat a quant à lui exclu les CTS du champ d’application de cet article 28, via l’adoption d’un amendement de notre collègue Michel Savin.
Une concertation a été ouverte et Mme la ministre a indiqué qu’elle ne ferait pas usage du dispositif de l’alinéa 11, mais le Gouvernement a également donné un avis défavorable à l’amendement de Michel Savin. La menace est donc toujours présente.
Le Gouvernement serait-il prêt, aujourd’hui, à indiquer devant le Sénat qu’il est d’accord pour préserver l’alinéa 11 de l’article 28 dans sa rédaction adoptée par le Sénat en première lecture ? Dans ce cas, nous pourrions renoncer à l’alinéa 41 de l’article 3 du présent texte. Toutefois, de ce que je sais, ni le Gouvernement ni sa majorité à l’Assemblée nationale ne veulent de cette rédaction. Ils l’ont d’ailleurs exprimé ce matin même.
Dans ces conditions, il est selon moi indispensable de prévoir, à titre de précaution, que c’est le responsable de la haute performance de l’Agence nationale du sport qui aura pour mission d’affecter les CTS aux fédérations, ce qui constituera un verrou face au projet de transfert obligatoire des CTS.
Je rappelle que les représentants de l’État et des collectivités territoriales seront majoritaires au sein du conseil d’administration de l’agence. Celle-ci aurait donc au moins autant de légitimité, pour gérer l’affectation de fonctionnaires, que des fédérations sportives, dont le statut est de droit privé. Je rappelle également que ce n’est pas un détachement que prévoit notre rédaction.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de faire confiance au texte de la commission et de ne pas voter en faveur de l’adoption de ces trois amendements. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. M. le rapporteur m’a demandé quelle était ma position sur l’article 28 du projet de loi portant transformation de la fonction publique.
M. Claude Kern, rapporteur. La position du Gouvernement, pas la vôtre !
Mme Roxana Maracineanu, ministre. C’est effectivement M. Dussopt qui défend ce texte.
La portée de l’article 28 du projet de loi portant transformation de la fonction publique excède largement la question des seuls CTS. Je l’ai dit devant l’Assemblée nationale et je le répète aujourd’hui devant vous : je n’utiliserai pas le dispositif de cet article pour procéder au détachement obligatoire des CTS auprès des fédérations.
La commission propose une affectation des CTS par l’ANS. J’espère voir émerger de la concertation d’autres propositions. Laissons cette concertation se mettre en place : pour cela, il faut éviter que les projets soient perçus comme des menaces, sinon personne ne voudra discuter. Mon rôle est d’apaiser la situation que j’ai trouvée en arrivant à la tête du ministère des sports et que j’ai prise à bras-le-corps, comme tous les autres sujets. Aujourd’hui, je propose aux différents acteurs de discuter de la réaffectation des ressources humaines au sein du nouveau modèle sportif proposé au travers de la création de l’Agence nationale du sport : il s’agit de faire confiance à l’intelligence collective !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. On le voit bien, sur ce sujet épineux, les deux projets de loi sont imbriqués. Nous voulons bien vous faire confiance, madame la ministre, mais il n’en reste pas moins que le Gouvernement a émis un avis défavorable, la semaine dernière, sur l’amendement de Michel Savin à l’alinéa 11 de l’article 28, dont le dispositif permet le transfert obligatoire des CTS aux fédérations. Vous n’entendez pas appliquer ce dispositif de manière systématique, madame la ministre, mais cette promesse n’engage que vous. Or nous avons affaire, dans la discussion de l’autre projet de loi, à un autre membre du Gouvernement, qui nous tient un autre discours…
Nous avons été, les uns et les autres, très sollicités sur le problème des conseillers techniques sportifs. Il est assez délicat de prendre une position ; néanmoins, j’ai beaucoup de respect pour le travail de nos rapporteurs et je fais confiance à Claude Kern, qui a beaucoup œuvré sur ce sujet. J’espère en tout cas que la situation pourra s’apaiser. Pour l’heure, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous voterons ces amendements.
Madame la ministre, la semaine dernière, nous avons déjà eu un débat sur le devenir des CTS, lors de l’examen du projet de loi portant transformation de la fonction publique. M. Dussopt nous a alors affirmé ne pas pouvoir faire le geste que nous lui demandions et nous a renvoyés au présent débat avec vous. Nous y sommes, et il n’y a toujours pas de geste ! Nous avons exprimé, chacun avec nos mots, les inquiétudes, les craintes profondes du mouvement sportif, qui se mobilise de manière absolument inédite, comme tout le monde l’a souligné. Vous nous dites que ces craintes sont infondées, mais pour que nous puissions vous donner crédit, madame la ministre, il vous faut faire un geste d’apaisement, par exemple en garantissant que ces fonctionnaires pourront rester les agents des politiques publiques du sport. Il faut donner ce signe ! Sinon, excusez-moi de le dire en ces termes, nous ne pourrons vous faire crédit sur le reste.
Enfin, je suis au regret de devoir dire à l’adresse de notre rapporteur que la proposition de la commission ne représente pas un verrou : l’affectation des CTS par l’Agence nationale du sport ne garantit en aucun cas qu’ils demeureront des agents d’une politique publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Madame la ministre, nous sommes prêts à vous faire confiance, car je n’ai pas de doutes sur vos intentions en l’espèce. Le problème est que vous ne faites que passer, comme d’autres avant vous, au ministère des sports… (Sourires.)
Nous effectuons un travail normatif. Nous maintenons notre amendement, parce que nous voulons que vous puissiez, ainsi que vos successeurs, garder la main sur le service public du sport au travers des CTS, qui sont votre bras armé pour mener à bien les politiques décidées par l’État. Nous entendons graver dans le marbre de la loi l’intention politique que nous avons exprimée au travers de l’amendement présenté par M. Lozach.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Kern, rapporteur. Madame la ministre, nous croyons à la promesse que vous nous faites aujourd’hui, mais qu’adviendra-t-il demain ? À mes yeux, conserver l’alinéa 41 du texte de la commission n’est pas la panacée, mais c’est une sécurité pour les CTS. Nous serons partie prenante à la concertation, mais il faut dès aujourd’hui apporter une réponse aux CTS, pour apaiser le climat.
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Beaucoup, dans cet hémicycle, savent que je viens du mouvement sportif. Il existe au Sénat, sur ce sujet, un front transpartisan, parce que, dans nos territoires, les CTS nous demandent de prendre position publiquement pour défendre le maintien de leur statut de fonctionnaires d’État.
Ce matin, nous avons pris une décision en commission ; j’entends l’assumer. En effet, connaissant presque tous les CTS des outre-mer, je peux vous dire que les placer dans une situation nouvelle risque d’engendrer une dérive que nul ne pourra maîtriser.
Madame la ministre, je vous demande solennellement d’écouter le Sénat et d’accepter une mesure d’apaisement. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Raymond Hugonet applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 34.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par M. Kern, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La section 3 du chapitre II du titre III du livre II du code du sport est ainsi modifiée :
1° L’article L. 232-10-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout organe ou préposé de l’Agence nationale du sport qui acquiert la connaissance d’un manquement aux dispositions du présent chapitre le signale à l’Agence française de lutte contre le dopage et coopère aux enquêtes menées par celles-ci. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 232-20, après le mot : « sports, » sont insérés les mots : » les agents de l’Agence nationale du sport, », et, après le mot : « renseignements », sont insérés les mots : « , y compris nominatifs, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Kern, rapporteur. L’étude d’impact jointe au projet de loi expose que l’Agence nationale du sport jouera notamment un rôle d’accompagnement des fédérations sportives, des athlètes et de leurs encadrants, « en intervenant lorsque nécessaire pour qualifier les besoins et apporter des réponses sur mesure et réactives aux acteurs de la performance » et « en complément ou en remédiation lorsque les conditions de préparation ne permettent pas de tenir la promesse de performance et de résultats ».
Compte tenu de cette implication opérationnelle dans la recherche de la performance sportive, le présent amendement vise à étendre aux organes et aux préposés de l’Agence nationale du sport des obligations qui pèsent actuellement sur ceux des fédérations sportives en matière de signalement de faits de dopage à l’Agence française de lutte contre le dopage et de coopération aux enquêtes menées par celle-ci.
Cet amendement tend également à habiliter les agents de l’ANS à échanger des renseignements, y compris nominatifs, relatifs aux substances et procédés interdits, à leur emploi et à leur mise en circulation avec les agents des douanes, de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, du ministère des sports, de l’administration des impôts et de l’Agence française de lutte contre le dopage, ainsi qu’avec les officiers et agents de police judiciaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, permettre à l’Agence nationale du sport de porter tous faits de dopage à la connaissance de l’Agence française de lutte contre le dopage, de coopérer aux enquêtes et d’échanger des renseignements avec les autorités de l’État déjà habilitées par le code du sport.
Sur le principe, ces dispositions apparaissent utiles. Il est néanmoins prévu un échange de données nominatives qu’il convient d’expertiser de manière plus approfondie.
C’est pourquoi je m’en remets, sur cet amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article additionnel après l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 17 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 est ainsi rédigé :
« Préalablement à la délivrance du titre de sous-occupation à des partenaires de marketing autres que ceux désignés par le Comité international olympique, le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques procède à leur sélection selon une procédure qu’il organise, présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. Le respect de ces exigences peut, le cas échéant, être assuré par celui des règles de passation prévues par le code de la commande publique. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le COJO, doit, pour équilibrer son budget, obtenir des contrats de partenariat. Les titulaires de ces contrats sont sélectionnés à l’issue d’une procédure organisée par le COJO et présentant toutes les garanties d’impartialité, de transparence et de publicité. Il serait donc redondant de demander au COJO de respecter une seconde fois, lorsqu’il accordera des titres de sous-occupation du domaine public à ses partenaires, des exigences déjà satisfaites au moment de leur sélection.
La loi relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 a explicitement exclu de l’application des règles de la commande publique la délivrance de titres de sous-occupation du domaine public aux partenaires désignés par le Comité international olympique. Il convient de faire de même pour les partenaires du COJO.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Kern, rapporteur. Cet amendement vise à modifier les dispositions de l’article 17 de la loi du 26 mars 2018, relatif aux règles applicables au COJO en matière de marchés publics. Je précise que cet article a déjà été examiné par la commission des lois, compétente au fond sur ce texte.
À titre personnel, sur cet amendement, j’émets un avis de sagesse. Cela étant, le problème juridique soulevé semble réel et la solution proposée n’est peut-être pas sans poser certaines difficultés. C’est pourquoi l’avis de la commission des lois serait utile.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission des lois ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis. Rappelons le principe : la délivrance de titres d’occupation ou de sous-occupation du domaine public obéit à une procédure particulière.
Les partenaires marketing des jeux Olympiques et Paralympiques seront amenés à sous-occuper le domaine public, l’occupation du domaine public étant concédée au COJO.
Les partenaires marketing se répartissent potentiellement en deux catégories. Les « top sponsors » sont ceux qui ont déjà passé contrat non pas avec le COJO, mais avec le CIO – il s’agit donc d’un contrat international. Ils sont en quelque sorte des partenaires obligés et sont dispensés de toute procédure. Une seconde catégorie regroupe ce que l’on appelle les partenaires « domestiques », qui eux doivent normalement se conformer à une procédure de sélection, prévue à l’article 17 de la loi du 26 mars 2018.
Le Gouvernement souhaite que ces partenaires domestiques ne soient pas soumis à une seconde procédure de sélection pour sous-occuper le domaine public lorsqu’ils ont été retenus au titre de la procédure de la commande publique. Nous sommes parfaitement d’accord sur le principe, mais la rédaction de l’amendement n’est pas conforme à l’objectif du Gouvernement.
C’est pourquoi, à l’instar de M. le rapporteur, j’émets un avis de sagesse sur cet amendement. À titre personnel, je le voterai, en espérant, madame la ministre, que, dans le cadre de la commission mixte paritaire, nous pourrons parfaire sa rédaction sur le plan juridique, pour qu’elle soit conforme à son objet.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Malgré l’adoption de nombreux amendements, ce projet de loi reste pour nous, par bien des aspects, un sujet de grande frustration.
En effet, nous avons abordé les grandes orientations de la politique sportive nationale sous le seul angle de la création de l’Agence nationale du sport. En d’autres termes, la question sociétale très importante du sport n’a été appréhendée qu’au travers du fonctionnement d’un GIP.
Nous continuons à penser – ce sentiment est sans doute partagé sur l’ensemble des travées – que nous ne disposons pas aujourd’hui des moyens humains ou financiers des ambitions affichées par l’État.
Sur le point central de la gestion des CTS, chacun a pris ses responsabilités. À mon avis, l’option retenue est regrettable, puisque le rôle de Mme la ministre dans la gestion de ses propres personnels et de ses propres services ne se trouve pas conforté. Je regrette que nous n’ayons pas saisi l’occasion de sortir de la partie de ping-pong entre M. Dussopt et la ministre.
En conclusion, nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Pour notre part, nous voterons contre ce texte.
Nous ne sommes pas opposés aux deux premiers articles, dont l’adoption est nécessaire à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, que nous sommes fiers d’accueillir dans le cadre d’un projet partagé avec les populations, ainsi que l’ont souligné Fabien Gay et Pierre Ouzoulias. Concernant ces deux articles, je salue les très nettes améliorations apportées par le Sénat.
En revanche, nous sommes opposés à l’article 3 et à la création de l’Agence nationale du sport d’une telle manière, eu égard aux conséquences que cela implique pour les CTS et, plus globalement, pour la politique du sport dans notre pays. En raison des inquiétudes et du mécontentement suscités, je crains, madame la ministre, que nous ne puissions aborder sereinement l’examen du projet de loi sur le sport de plus grande ampleur que vous annoncez. Ce n’est pas la meilleure des façons d’appréhender une thématique extrêmement populaire et fédératrice dans notre pays. Je regrette que la politique sportive devienne un objet de conflit de plus.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier, pour explication de vote.
M. Michel Laugier. Nous sommes partis d’un projet de loi à l’intitulé trompeur ; grâce à des propositions venues de toutes les travées, de nombreuses améliorations ont pu lui être apportées. Je tiens à saluer le travail remarquable du rapporteur et de la rapporteur pour avis, M. Kern et Mme Jourda, qui a permis d’aboutir à un texte plus cohérent. Le groupe Union Centriste votera ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je veux féliciter à mon tour le rapporteur de la commission de la culture et la rapporteur pour avis de la commission des lois pour le travail qu’ils ont accompli en un temps record et dans des conditions difficiles, toutes les auditions souhaitables n’ayant pu être réalisées.
Je partage la frustration de notre collègue Lozach : nous n’avons pas eu le temps de nous imprégner du sujet et d’étudier suffisamment les tenants et les aboutissants d’un texte qui, en réalité, transformera en profondeur notre modèle sportif. Nous nous interrogeons encore, par exemple, sur la gouvernance des conférences régionales du sport : qui doit en exercer la présidence ? Comment doivent s’organiser les conférences des financeurs ? J’espère que nous aurons le temps, d’ici à la commission mixte paritaire, d’approfondir ces sujets, de réinterroger les représentants du mouvement sportif, qui expriment une forme de détresse, et les représentants des différents échelons de collectivités territoriales, pour pouvoir aboutir à une gouvernance qui soit satisfaisante pour tous et efficace.
Comme l’a expliqué le rapporteur, la question des financements reste une grande inconnue. Il en va de même, d’ailleurs, pour le Centre national de la musique, dont nous débattrons la semaine prochaine. Quels moyens seront attribués à l’ANS ? Nous ne sommes pas à l’époque des discussions budgétaires, mais ces questions relèvent de notre responsabilité de parlementaires. Madame la ministre, établir une convention d’objectifs et de moyens, à la manière de ce qui se fait pour les grandes entreprises publiques, en laissant le Parlement jouer son rôle, serait une sage précaution. Vous seriez avisée de bien réfléchir à notre proposition, car elle peut vous aider à garantir des moyens à l’ANS.
M. Claude Kern, rapporteur. Tout à fait !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Nous revendiquons que l’on fasse au Parlement sa juste place : quoi qu’on en dise, il s’agit d’argent public !
Je félicite encore une fois nos deux rapporteurs, qui ont été valeureux, pour reprendre le mot de Pierre Ouzoulias, et ont formulé des propositions efficaces.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
Démission et remplacement d’un sénateur
Mme la présidente. M. Robert Navarro a fait connaître à la présidence qu’il se démettait de son mandat de sénateur de l’Hérault à compter du 30 juin 2019, à minuit.
En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Agnès Constant, dont le mandat de sénatrice a commencé le 1er juillet 2019, à zéro heure.
9
Décret complétant l’ordre du jour de la session extraordinaire
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 1er juillet 2019 et complétant le décret du 17 juin dernier portant convocation du Parlement en session extraordinaire.
Acte est donné de cette communication.
Ce décret a été publié sur le site internet du Sénat.
10
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
11
Interdiction des violences éducatives ordinaires
Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires (proposition n° 168, texte de la commission n° 602, rapport n° 601).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, Rousseau rassemblait sous le vocable d’éducation « tout ce que nous n’avons pas à notre naissance et dont nous avons besoin étant grands ». L’éducation est le lieu où se structure l’identité du jeune enfant, où s’affirment son libre arbitre et sa capacité de jugement. En cela, le temps éducatif est vécu, tant du côté de l’enfant que de celui de l’adulte, comme un apprentissage où chacun s’expose à l’autre et confronte ses représentations, ses désirs.
Dans la relation éducative, le parent doit savoir se faire pédagogue. On ne peut élever un enfant sans se référer à des principes, à des savoir-être. L’objectif est immense : faire de l’enfant un être autonome, capable de socialité, portant au cœur l’idéal de fraternité.
La qualité première du pédagogue, c’est d’avoir le souci constant de la cohérence entre les principes affichés et les méthodes employées. L’ascendant de l’adulte sur l’enfant est, dans ces circonstances, inévitable. Il a le devoir de fixer le cadre éducatif. Tout le paradoxe est là : l’autonomie de tout enfant se construit dans la dépendance. Pour cette raison, l’éducation relève d’un art, décrit en ces termes par Rousseau dans l’Émile : « Prenez une route opposée avec votre élève ; qu’il croie toujours être le maître, et que ce soit toujours vous qui le soyez. »
Le parent accompli, comme le bon éducateur, doit savoir faire oublier la tutelle qu’il exerce sur son enfant. Les violences éducatives, à l’inverse, exacerbent cette relation d’assujettissement : elles ont souvent des effets irréversibles chez l’enfant ; elles sont souvent le symptôme des difficultés rencontrées par les parents dans l’éducation de leurs enfants.
« Il y a beaucoup de choses terribles dans ce monde, mais la pire est qu’un enfant ait peur de son père, de sa mère ou de son professeur », a écrit Janusz Korczak, l’un des plus grands pédagogues du siècle dernier. Agnès Buzyn l’a rappelé au mois de novembre dernier : on n’éduque pas par la peur. La peur, on s’y enferme et on y étouffe.
Les coups, les raclées, les fessées sont autant de stigmates que l’enfant devra porter toute sa vie. Je rappellerai ces chiffres, terribles, qui nous permettent de prendre la mesure de l’ampleur du phénomène : selon la Fondation pour l’enfance, 85 % des parents français ont déjà eu recours à des violences éducatives ordinaires ; 75 % des maltraitances infantiles sont le fait de « punitions éducatives corporelles » ; plus de 50 % des parents ont frappé leur enfant avant l’âge de deux ans, persuadés que l’éducation qu’ils avaient eux-mêmes reçue leur avait été utile et profitable.
Rien n’est plus faux que l’idée selon laquelle les violences éducatives ordinaires « forgeraient le caractère ». En 2013, la Fondation de France avait lancé une campagne-choc contre les mauvais traitements éducatifs, intitulée « Il n’y a pas de petite claque ».
Études à l’appui, nous savons aujourd’hui qu’une éducation punitive a des conséquences désastreuses sur le développement, la santé mentale et la stabilité affective de l’enfant. Des conséquences à la fois immédiates et de long terme sont observées : elles portent sur toute la vie du sujet qui aura eu à essuyer des humiliations et des châtiments corporels dans sa prime enfance.
À court terme, on observe une hausse des comportements agressifs chez les enfants ayant subi des violences, un risque accru de troubles cognitifs.
À long terme, on peut observer une baisse de l’estime de soi, des comportements antisociaux, une augmentation de la prévalence de troubles mentaux et addictifs et, pour les cas les plus graves, une déficience mentale liée à une réduction de la zone grise du cerveau, un risque d’obésité plus élevé ainsi que des troubles cardiovasculaires.
Les anciens enfants battus, comme Thierry Beccaro, que j’ai reçu au ministère, ont également pu témoigner des phénomènes de cercle vicieux auxquels ils se sont trouvés exposés. Les enfants victimes de violences familiales sont susceptibles de devenir des adultes constamment habités par la peur et l’insécurité.
Une fois qu’un coup a été porté à l’enfant sous couvert éducatif, le risque d’aller crescendo est présent et peut mener au pire. Au début du mois de mai dernier, un rapport commun de l’inspection générale de la justice, l’IGJ, de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAENR, et de l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur les morts violentes d’enfants m’a été remis. Hors de tout systématisme, l’enquête révélait que, dans plus de la moitié des cas, les 72 morts violentes observées en moyenne chaque année avaient été précédées de violences « graves et répétées » dans un contexte de violences conjugales.
Les études mettent aussi en lumière un risque de reproduction des actes de maltraitance d’une génération à l’autre. On en revient à ces 50 % des parents qui ont frappé leur enfant de moins de 2 ans, ayant eux-mêmes subi des violences au cours de leur enfance.
Il y a donc urgence à agir, à casser les dynamiques de reproduction de la violence.
Il y a urgence à agir et à voter une proposition de loi d’interdiction des violences éducatives ordinaires. Ce vote permettra à notre pays de faire un pas de plus vers la traduction effective de ses engagements internationaux dans le droit interne.
Il y a, dans notre pays, une absence d’interdiction formelle des violences éducatives ordinaires en droit interne, où subsiste encore dans la jurisprudence un « droit de correction » totalement anachronique. Cela a conduit, en 2015, le Comité européen des droits sociaux à constater la violation de l’article 17 de la Charte sociale européenne par la France. En vertu de cet article, notre pays, comme tous les autres États membres, doit « s’engager à prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées pour protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’exploitation ». La France reste l’un des cinq derniers pays européens à ne pas avoir intégré dans son droit cette interdiction.
Je rappellerai également que nous fêterons, au mois de novembre prochain, le trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, la CIDE. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la France peut-elle décemment célébrer cet anniversaire sans respecter l’article 19 de cette convention, qui dispose que « les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales » ?
En votant cette proposition de loi, nous voulons que la France se rapproche de l’avant-garde des pays promouvant une éducation sans violences, une éducation bienveillante.
Notre pays étant signataire de la CIDE, notre rôle est de récuser, purement et simplement, le droit des parents à faire souffrir leurs enfants. Notre rôle est d’exiger, au nom des enfants, de leur intérêt supérieur, un droit absolu à la dignité et à l’intégrité physique. C’est là un signal, que certains jugeront symbolique, mais en réalité extrêmement fort, adressé aux jeunes et futurs parents de notre pays.
Ce que nous souhaitons, c’est promouvoir une éducation bienveillante, fondée sur la confiance, le dialogue et le respect mutuel. Janusz Korczak aimait à comparer l’enfant à cet étranger plongé « dans une ville inconnue dont il ne connaît ni la langue, ni les coutumes, ni la direction des rues ». Pour s’orienter, l’enfant a besoin de repères, il doit pouvoir trouver une oreille attentive et une main réconfortante tout au long de sa vie, une vie faite de joies et d’erreurs, car l’erreur est le sel de l’apprentissage.
Nos maîtres d’école ressassaient que la répétition est l’art de la pédagogie. Cet art requiert de la patience, de la méthode, une attention quasiment éthique portée à l’autre : en un mot, de l’amour. C’est d’ailleurs ce terme qu’emploie le préambule de la Convention internationale des droits de l’enfant pour décrire l’atmosphère familiale dans laquelle devrait grandir chacun de nos enfants.
Le législateur n’a certainement pas vocation à instituer l’amour comme fondement de la relation filiale – il n’en a pas même le mandat. Il a en revanche la capacité de mieux aider les parents dans la conception de leur projet parental. C’est le sens de la politique de « soutien à la parentalité » que je mène à la tête du secrétariat d’État à la protection de l’enfance.
Je partage, avec mes collègues du ministère des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn et Christelle Dubos, cette conviction simple : on ne naît pas parent, on le devient. L’apprentissage de la parentalité relève d’un équilibre subtil entre confiance en soi et capacité à répondre aux besoins de l’enfant. Les violences éducatives sont l’expression d’un déséquilibre affectant la nature même de la relation entre les parents et leurs enfants.
La prévention des difficultés éducatives des parents constitue le socle de la politique de protection de l’enfance. Je veux croire qu’une politique de soutien à la parentalité efficace rendrait superflues – dans un monde idéal, peut-être – les mesures de protection.
Nous voulons une politique sociale qui puisse répondre aux besoins de chaque famille et offrir une réponse « sur mesure » aux questions des jeunes parents : certaines familles peuvent avoir besoin d’un soutien très ponctuel, d’autres d’un accompagnement plus complet et sur le long terme.
Cet accompagnement, c’est le cœur du volet préventif de notre politique de l’enfance : protéger les enfants, cela commence parfois par mieux accompagner les parents dans leur projet d’être parents. C’est tout l’objet du « parcours 1 000 jours » sur lequel nous travaillons, ce parcours qui s’étire du quatrième mois de grossesse aux 2 ans de l’enfant. C’est en effet lors de ce parcours que tout s’amorce, sur le plan de la santé de l’enfant, de son développement ou de sa stabilité affective. C’est aussi au cours de ces 1 000 premiers jours que se forgent, s’installent et se creusent parfois les inégalités sociales.
Pour ces raisons, c’est sans doute lors de ces 1 000 premiers jours que le parent a le rôle le plus décisif et que pèsent parfois sur lui les plus grandes appréhensions : comment donner la première tétée, puis le premier biberon ? Que faire face à un bébé qui ne cesse de pleurer ? Pourquoi ne faut-il pas le secouer ? Comment faire concorder le cycle de vie du bébé avec ses propres impératifs ? Pourquoi ne pas l’exposer aux écrans ? Pourquoi lui offrir une éducation bienveillante ?
Notre mission d’accompagnement est à ce titre essentielle, voire vitale en ce qui concerne la prévention du syndrome du bébé secoué. Je conçois cette politique de soutien à la parentalité comme reposant sur deux outils majeurs : d’une part, une protection maternelle et infantile mieux soutenue financièrement et rebâtie autour de ses missions historiques de prévention – je pense notamment aux visites à domicile maternelles et préventives ou à la mise en place d’un entretien prénatal obligatoire au quatrième mois de grossesse, qui sera inscrite au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ; d’autre part, ce que j’ai appelé le « passeport 1 000 jours », permettant une meilleure coordination des actions de soutien à la parentalité, grâce à un carnet de santé dématérialisé, à des informations, à des services à destination des jeunes parents – éveil de l’enfant, soins… L’ensemble de ces services sera structuré autour d’un principe simple : l’éducation bienveillante.
Vous l’aurez compris, l’éducation bienveillante est au cœur de notre nouvelle approche des politiques de l’enfance. Le vote de cette proposition de loi constituera, à ce titre, une avancée importante.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires a aussi vocation à graver dans le marbre une égalité de droits entre enfants et adultes.
Permettez-moi de saluer le travail exemplaire de la députée Maud Petit, à l’initiative de cette proposition de loi, et de Laurence Rossignol, qui avait déposé une proposition de loi analogue, dont nous avons débattu ici même voilà quelques semaines. Je salue également l’action de la pédiatre Edwige Antier, qui, en 2010, aura été la première à déposer, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi visant à protéger nos enfants des violences physiques et psychologiques.
Être parent, c’est être garant du respect des droits de ceux qui sont à sa charge. Être parent, c’est respecter l’enfant pour ce qu’il est, et aussi en tant qu’être en devenir. L’enfance est un âge de la vie, avec ses valeurs, ses sensibilités, ses aspirations et ses stratégies sociales. L’enfant n’est en aucun cas inférieur à l’adulte : une telle conception de l’enfance peut mener au pire, par exemple à justifier un « droit de correction », norme coutumière contra legem, l’article 222-13 du code pénal constituant comme violence aggravée le fait, pour un ascendant, d’exercer des violences non suivies d’interruption temporaire de travail, la sanction étant plus élevée encore s’agissant d’une victime mineure de 15 ans ou moins.
Le message de prohibition figurera, grâce à l’adoption de cette proposition de loi, dans le code pénal, en appui de l’article 222-13. Pour lui donner une meilleure visibilité, nous le ferons également figurer en première page des carnets de santé.
Le poids de la culture et des traditions n’est pas négligeable. La violence est alimentée, confortée par une certaine tolérance de l’opinion publique. Il suffit d’observer la légèreté de ton, privilégiée par certains, pour vanter les vertus du châtiment corporel. Le vote de cette proposition de loi est une première pierre à l’édifice du soutien à la parentalité. Notre tâche est à présent de changer les pratiques et le regard de nos concitoyens sur les faits de maltraitance.
Nous devons désormais parler d’aventure éducative. On peut, à ce titre, se remémorer les très belles lignes de Janusz Korczak pour entrevoir le plus beau et difficile métier de parent : « Vous dites : c’est fatigant de fréquenter les enfants. Vous avez raison. Vous ajoutez : parce qu’il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s’incliner, se courber, se faire petit. Là, vous avez tort. Ce n’est pas cela qui fatigue le plus. C’est plutôt le fait d’être obligé de s’élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments, de se hisser sur la pointe des pieds pour ne pas les blesser. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais vous dire la fierté qui est la mienne d’être devant vous aujourd’hui pour soutenir, au nom du Gouvernement, cette proposition de loi. Elle répond à notre engagement en faveur d’une société sans violences faites aux enfants, d’une société plus attentive à la place et à la parole de l’enfant.
J’accueille cette proposition de loi avec enthousiasme et vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’adopter le plus largement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 6 mars dernier, nous avons adopté à l’unanimité, dans cet hémicycle, la proposition de loi déposée par notre collègue Laurence Rossignol et l’ensemble du groupe socialiste et républicain, visant à interdire les violences éducatives ordinaires.
Quelques semaines auparavant, nos collègues députés avaient adopté un texte similaire, sur l’initiative de Maud Petit, dont je salue la présence dans nos tribunes ce soir. C’est cette proposition de loi que nous allons examiner aujourd’hui.
Les deux textes répondent aux mêmes objectifs, rappelés par M. le secrétaire d’État à l’instant : la lutte contre les violences éducatives ordinaires – termes qui m’ont toujours choquée et qui recouvrent à la fois les coups, les gifles, les cris, les humiliations et les insultes – et l’affirmation de la non-violence comme principe d’éducation.
Ces textes répondent à une attente et à une évolution nécessaire de la société. Ils s’inscrivent aussi dans la continuité de deux lois importantes en matière de protection de l’enfance : celle du 5 mars 2007, portée par notre président de la commission des lois, Philippe Bas – fort déçu de ne pouvoir participer à ce débat – et celle du 14 mars 2016, proposée par Michelle Meunier et Muguette Dini et soutenue par notre collègue Laurence Rossignol, alors secrétaire d’État.
Chacun sait que la violence ne peut être un mode d’éducation. Pourtant, ces violences que l’on qualifie d’« éducatives » et d’« ordinaires » sont encore aujourd’hui communément admises, voire justifiées. Il est en effet établi que 85 % des parents y ont recours dans l’éducation de leur enfant, et dans plus de 50 % des cas avant l’âge de 2 ans.
Ces chiffres montrent combien ces pratiques sont encore largement répandues. Nous ne devons pas les minimiser, même si, bien sûr, et c’est heureux, les mentalités évoluent progressivement. Ils montrent, aussi et surtout, combien une prise de conscience collective est nécessaire.
Cette prise de conscience, qui se fait peu à peu, repose sur l’affirmation d’un principe simple : la violence n’est pas acceptable, qu’elle soit exercée envers un adulte ou envers un enfant.
C’est tout le sens de la démarche législative qui a été entreprise conjointement par l’Assemblée nationale et le Sénat.
Depuis près de vingt ans, les recherches scientifiques ont mis en évidence les conséquences néfastes de ces violences pour l’enfant. Des travaux en neurobiologie ont démontré que l’exposition au stress fragilise le développement cérébral de l’enfant, ce qui peut favoriser des troubles de l’apprentissage ou de la mémorisation, et que les violences peuvent conduire l’enfant à intérioriser l’idée d’une violence admise, tolérée à l’encontre des personnes proches, susceptible de constituer un mode de résolution des conflits. Cette forme de banalisation du recours à la violence peut favoriser, à l’âge adulte, le passage aux violences conjugales. Selon la Fondation pour l’enfance, 75 % des maltraitances ont débuté dans un contexte de punitions corporelles. Elles en constituent le terreau.
Il ne s’agit donc pas ici d’un sujet anodin ou anecdotique, comme certains pourraient le penser. Nous avons, en tant que législateurs, la responsabilité de nous assurer de la protection des plus vulnérables. Notre droit, nous le savons, est aujourd’hui insuffisamment protecteur à leur égard. Certes, le code pénal prohibe toutes les violences commises sur des mineurs et punit leurs auteurs de trois ans d’emprisonnement, cette peine pouvant être portée à cinq ans lorsque les violences sont commises par un ascendant, donc un parent.
Cependant, la Cour de cassation reconnaît aux parents et aux éducateurs ce qu’elle appelle un « droit de correction ». La jurisprudence admet ainsi les violences lorsque celles-ci n’ont pas causé de dommages à l’enfant – on ne sait pas exactement ce que cela signifie –, restent proportionnées au manquement commis et ne présentent pas de caractère humiliant. Implicitement, elle signifie aux parents et, au-delà, à l’ensemble de la société, qu’il existerait une violence « nécessaire » et « acceptable » pour l’éducation des enfants, alors même que les études scientifiques que je rappelais concordent sur les répercussions négatives de ces comportements sur le développement de l’enfant.
La proposition de loi qui nous est soumise ne modifie pas le code pénal. Elle vise, dans les mêmes termes que ceux que nous avons adoptés en mars dernier, à modifier et à compléter l’article 371-1 du code civil. Elle comporte également deux articles, de portée plus secondaire, sur lesquels je reviendrai.
Rappelons que l’article 371-1 du code civil a une valeur très symbolique, car il est lu aux futurs époux lors de la cérémonie de mariage. Il présente donc un intérêt fort. C’est le texte qui définit l’autorité parentale et son deuxième alinéa pose l’obligation, pour les parents, de protéger leur enfant. La proposition de loi vise à compléter cet alinéa en affirmant que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
La référence aux violences physiques ou psychologiques inclut les châtiments corporels et les humiliations, ainsi que toutes autres formes de violence.
L’inscription dans la loi d’un principe qui constitue le cœur d’une éducation bienveillante ne réglera pas à elle seule le problème de la violence éducative, mais elle permettra d’accompagner le changement social déjà à l’œuvre et de lui donner un fondement juridique.
Inscrire dans la loi de façon explicite l’interdiction de toute violence permettra aussi une évolution de la jurisprudence que j’évoquais, qui ne pourra plus s’abriter derrière un attribut implicite de l’autorité parentale pour justifier l’existence d’un « droit de correction ».
Poser le principe de cette interdiction permettra également de nous mettre en conformité avec nos engagements internationaux. L’interdiction de toute violence est en effet énoncée spécifiquement dans la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a ratifiée en 1990 et dont on fête cette année le trentième anniversaire.
Cette convention prévoit une obligation, pour les États parties, de prendre toutes mesures législatives « pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales ».
La France a été rappelée à l’ordre à plusieurs reprises par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies et le Comité européen des droits sociaux. Il est donc nécessaire aujourd’hui d’avancer sur cette question, d’autant que nous sommes un peu en retard sur la scène européenne : un grand nombre de pays d’Europe ont déjà inscrit une telle interdiction dans la loi, dont la Suède depuis quarante ans. Aujourd’hui, 23 des 28 pays de l’Union européenne ont voté une loi d’interdiction des châtiments corporels. À l’échelle internationale, 54 pays sont « abolitionnistes ». Il est temps de rattraper ce retard.
Je ne reviendrai pas ici sur les possibles incompréhensions qui pouvaient exister sur ce sujet et dont nous avons déjà discuté lors de notre précédent débat, le 6 mars.
Je rappellerai simplement qu’il s’agit non pas de s’immiscer dans le quotidien des familles, mais d’agir, en tant que législateur, pour favoriser une prise de conscience collective et encourager la mise en œuvre de programmes de sensibilisation, en lien avec les conseils départementaux, les travailleurs sociaux et les professionnels de l’enseignement.
Je veux également rappeler la nécessité d’une mobilisation entière des pouvoirs publics pour accompagner cette loi d’une véritable politique de soutien à la parentalité.
La rédaction de l’article 1er de cette proposition de loi reprend mot pour mot celle du texte que nous avons adopté en mars dernier. La commission des lois avait d’ailleurs à cette occasion veillé à ce que nous adoptions le même dispositif que celui qui avait été voté à l’Assemblée nationale, afin d’aboutir à une convergence des textes. Nous avons donc aujourd’hui des textes jumeaux.
La proposition de loi qui nous est soumise comporte deux articles complémentaires.
L’article 1er bis crée une obligation de formation des assistantes maternelles. Nous avions eu l’occasion d’en parler ici en mars, notre collègue Boulay-Espéronnier ayant déposé un amendement sur ce sujet. Cette formation étant déjà largement prévue par la réglementation en vigueur, comme M. le secrétaire d’État l’avait rappelé, nous n’avions pas retenu cette suggestion. Elle figure désormais dans le texte.
L’article 2 prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les politiques de soutien à la parentalité et de formation des professionnels de l’enfance.
Ces deux articles ne constituent pas le cœur du dispositif. Le premier est satisfait, le second est une demande de rapport. J’ai appris, depuis quelques mois que je suis sénatrice, que notre assemblée est peu disposée à voter des demandes de rapport, mais, le président Bas nous le rappelle souvent, le Gouvernement n’étant pas dans l’obligation constitutionnelle d’y déférer, cet article n’est pas un frein à l’adoption du texte.
Il est donc inutile de prolonger le débat sur une proposition de loi dont la disposition centrale a déjà été adoptée par le Sénat dans les mêmes termes au mois de mars. La commission a adopté à l’unanimité ce texte sans modification. Je remercie les collègues qui ont travaillé pour que nous puissions parvenir à cette unanimité, ainsi que le président de la commission des lois, qui a joué un rôle important dans cette démarche.
Le Sénat sera l’assemblée qui permettra l’inscription dans la loi de l’interdiction de toute violence dans l’éducation des enfants. C’est une modification attendue ; nous pouvons aujourd’hui lui donner une portée concrète. La France est prête, ne passons pas à côté de cette occasion de faire avancer la protection de l’enfance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled. (M. Loïc Hervé applaudit.)
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise vise à inscrire dans le code civil le principe selon lequel l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. Cela permettra à la France de se conformer à ses engagements internationaux et de rejoindre les autres pays européens, dont la quasi-totalité ont affirmé un principe analogue.
L’adoption de ce texte conduira également à faire évoluer la jurisprudence pénale, qui admet pour l’heure un « droit de correction » des parents.
Cette proposition de loi prévoit la formation des assistantes maternelles à la prévention des violences éducatives ordinaires. Elle comporte aussi une demande d’un rapport dressant un état des lieux des violences éducatives et envisageant les moyens de renforcer les politiques publiques de soutien à la parentalité et de formation des professionnels de l’enfance.
Ce texte part d’une bonne intention : lutter contre les violences faites aux enfants. Cette intention, nous la partageons tous au sein de cet hémicycle, bien évidemment. Maltraiter un enfant est inacceptable, le violenter est intolérable. Je ne peux toutefois m’empêcher de m’interroger sur le bien-fondé de cette énième proposition de loi « anti-fessées »…
Au mois de mars dernier, déjà, nous avions examiné et adopté un texte similaire, déposé par notre collègue Laurence Rossignol. Aujourd’hui, nous sommes saisis d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par la députée Maud Petit.
Or, en son état actuel, notre droit offre tous les outils nécessaires : l’article 222-13 du code civil interdit déjà toute forme de violence physique envers les enfants et érige en circonstance aggravante le jeune âge de la victime.
La règle posée ici est de nature exclusivement civile. Elle n’est pas assortie d’une sanction. Sa portée reste donc limitée. Elle vise simplement à affirmer un principe devant guider l’attitude des parents à l’égard de leurs enfants. Ce texte a surtout une portée symbolique et pédagogique.
Dès lors, nous sommes légitimement amenés à nous interroger sur notre mission de législateur, car la loi ne saurait être seulement symbolique : elle doit avoir une portée certaine ! De même, la loi ne saurait être floue ou imprécise. Or ce texte ne définit à aucun moment ce que sont les violences éducatives ordinaires contre lesquelles il s’agit de lutter.
Il s’agit bien d’un texte symbolique, qui ne prévoit pas de sanction pénale et ne désigne pas précisément les faits ou comportements entrant dans son périmètre.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aucune violence contre les enfants, qu’elle soit physique, verbale ou psychologique, n’est acceptable ni excusable. Nous souscrivons tous à ce principe, mais, tout comme celle de notre collègue Laurence Rossignol, cette proposition de loi suscite au sein du groupe Les Indépendants un sentiment très mitigé.
Toutefois, il apparaît inutile de prolonger la navette sur un texte dont la disposition centrale, à l’article 1er, a déjà été adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Cette proposition de loi s’inscrivant dans le prolongement des lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016 relatives à la protection de l’enfance, son adoption sans délai mettra la France en phase avec la majorité de ses partenaires européens. C’est donc dans un esprit de consensus que le groupe Les Indépendants la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous nous retrouvons une nouvelle fois pour débattre de l’interdiction des violences éducatives ordinaires, quatre mois seulement après avoir voté une proposition de loi socialiste quasiment identique à celle qui nous est soumise aujourd’hui.
Aussi, mes chers collègues, je m’interroge : que doivent penser nos concitoyens du temps que nous passons à ressasser les mêmes questions ? Ne devrions-nous pas consacrer notre précieux temps législatif à d’autres sujets qui préoccupent réellement les Français ?
J’aurais ainsi préféré que l’on mette à profit ce temps pour réfléchir aux moyens à mobiliser pour lutter contre la maltraitance des enfants ou même contre les violences faites aux femmes. Une nouvelle fois, on s’amuse avec le sujet de la fessée, mais on ne propose rien de concret pour empêcher et sanctionner la vraie violence.
Notre position est la même qu’il y a quatre mois : cette proposition de loi n’apporte rien de révolutionnaire.
L’article 1er complète l’article 371-1 du code civil en précisant que l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. Nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette pétition de principe, car toute violence laisse des traces psychologiques, parfois irréversibles, chez les enfants. Cependant, notre droit permet déjà de sanctionner et de condamner les parents qui se rendraient coupables de maltraitance. Est-il nécessaire d’en rajouter ? Je n’en suis pas certaine… Il suffit d’appliquer la loi.
La rédaction du texte est plus symbolique que juridique, puisqu’elle ne prévoit aucune sanction pénale. L’objectif proclamé est d’instituer un levier d’action efficace pour réduire les maltraitantes, l’échec scolaire, les suicides, les comportements antisociaux et la délinquance : pour que cet objectif puisse être atteint, il faudrait que ce texte soit réellement applicable ! Or le dispositif proposé se borne à énoncer, sans encadrer.
La règle ici posée est de nature exclusivement civile, elle n’est assortie d’aucune sanction. Elle vise à énoncer un principe ayant, selon l’exposé des motifs, « vocation à être répété aux pères et mères ». N’est-ce pas là la fonction d’un discours politique plutôt que d’un article du code civil ? La loi ne doit pas être seulement symbolique, elle doit avoir une portée certaine.
Le dispositif proposé soulève une autre difficulté : que sont précisément les violences éducatives ordinaires ? Veillons à ne pas confondre ce qui relève de la maltraitance avec ce qui vise à mettre un terme à certaines pratiques des enfants. À un moment donné, il faut bien leur dire « non ». N’est-ce pas un certain François Bayrou, alors candidat à l’élection présidentielle, qui, en 2002, avait giflé un enfant dans la rue pour l’empêcher de lui faire les poches ?
Doit-on bannir toute éducation qui pourrait comporter parfois, sans forcément une intention évidente des parents, un geste ferme pour indiquer à un enfant de ne pas toucher aux plaques de cuisson chaudes, aux produits ménagers ou aux prises électriques ? Quels gestes relèvent des violences ? Quels gestes sont au contraire « tolérables » ? La rédaction proposée est peu intelligible de ce point de vue. Une fois de plus, son application, alors qu’elle a vocation à clarifier une jurisprudence, ne semble pas évidente. Si le droit n’est pas clair, comment espérer son application uniforme ?
Enfin, les Français en ont assez de cette ingérence de l’État, qui voudrait les « rééduquer » et leur dire comment éduquer leurs enfants.
L’éducation relève en premier lieu des parents et du cercle familial. Être mère, être père, c’est une responsabilité. Elle doit être assumée pleinement. C’est un devoir à l’égard de l’enfant, mais aussi de la société dans laquelle celui-ci est amené à vivre, à grandir, à faire des choix, à agir. Si le rôle du politique est de rappeler cette obligation aux parents, il importe aussi de respecter la liberté éducative de ces derniers.
Bien sûr, il faut parfois aider certains parents à l’être. Je salue à cet égard l’article 2 du texte, qui prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une politique d’accompagnement des futurs parents. J’espère toutefois qu’il ne restera pas lettre morte et que son adoption aboutira à la mise en place de dispositifs concrets de soutien à la parentalité.
Mes chers collègues, je pense qu’il est temps de cesser d’opposer les « bons », qui seraient contre les violences, et les « méchants », qui seraient pour. Nous sommes tous opposés aux « vraies » violences contre les enfants. Nous sommes tous favorables aux initiatives qui visent à préserver le bien-être de l’enfant et son intérêt. Nous sommes tous convaincus que l’éducation est un sujet crucial, au fondement même de la société.
Par souci de cohérence, nous voterons ce texte, car il correspond peu ou prou à ce que nous avons voté voilà quatre mois. Même s’il revêt un caractère essentiellement symbolique, il a au moins le mérite de rappeler une règle de bon sens, dont la violation est déjà sanctionnée par la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la seconde fois en l’espace de quelques mois, notre assemblée examine un texte dont l’objet est de faire reculer les violences éducatives en inscrivant dans notre droit civil le principe d’une autorité parentale non violente.
Comme la proposition de loi de notre collègue Laurence Rossignol que nous avons adoptée le 6 mars dernier, le texte qui nous arrive de l’Assemblée nationale complète, en son article 1er, l’article 371-1 du code civil en ces termes : « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »
Notre groupe approuve pleinement cette modification du code civil. Elle est bien plus que symbolique, puisque le juge pénal, le juge aux affaires familiales et le juge des enfants pourront s’appuyer sur cette définition utilement complétée de l’autorité parentale. Il faut en effet affirmer haut et fort que la violence, le châtiment, l’humiliation n’ont aucune vertu « pédagogique ».
Est-il besoin de le rappeler, nombre d’études révèlent les graves conséquences des violences éducatives sur le développement de l’enfant : atteinte à la confiance en soi, culpabilisation, troubles du comportement et de l’apprentissage, encouragement à percevoir la violence comme un mode acceptable de règlement des différends, potentielle transmission intergénérationnelle de la maltraitance. Aussi est-il important d’être plus volontaristes encore pour informer et sensibiliser l’ensemble de notre société aux vertus d’une éducation bienveillante et non violente, ce qui n’exclut pas pour autant la discipline.
Disons-le toutefois haut et fort : l’autorité n’est pas la violence, dans la famille comme ailleurs.
Les articles 1er bis et 2 de la proposition de loi n’appellent pas de remarque particulière : ils prévoient l’un la formation des assistantes maternelles en matière d’éducation sans violence, l’autre la remise d’un rapport par le Gouvernement.
Notre groupe votera ce texte, en félicitant celles et ceux qui ont œuvré au rapprochement des deux propositions de loi, au premier rang desquels Mme la rapporteure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà quelques mois, sur l’initiative de notre collègue Laurence Rossignol, nous adoptions une proposition de loi visant à lutter contre toutes les violences éducatives ordinaires. Cette fois, c’est d’une proposition de loi tout à fait similaire, issue de l’Assemblée nationale, que nous sommes appelés à débattre : cela prouve que le sujet tend à prendre une véritable importance.
Depuis les années quatre-vingt, de nombreux pays ont adopté une législation abolitionniste, notamment la Suède, dès 1979, la Finlande, en 1983, et la Norvège, en 1987. Actuellement, trente-deux des quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe ont interdit les châtiments corporels envers les enfants. Il est grand temps que la France se dote d’un dispositif législatif similaire et effectif.
Tel est l’avis de nombreux neurologues et pédopsychiatres, selon qui l’interdiction des châtiments corporels et moraux est avant tout un impératif de santé publique. Les conséquences d’une éducation violente sur la santé sont multiples. L’agressivité et les sévices habituent les enfants aux relations de domination et aux humiliations. Cette brutalité se répercute ainsi sur les rapports sociaux et s’étend à toutes les autres sphères de la vie sociale.
Françoise Dolto, célèbre psychanalyste, déconstruisait déjà, au début des années soixante-dix, l’idée que l’éducation devait se conjuguer avec l’autorité et la punition. Ses travaux ont permis à l’enfant d’accéder au statut de personne à part entière. Trente ans après son décès, nous sommes enfin prêts à inscrire dans la loi l’interdiction des violences éducatives ordinaires.
Longtemps, nous avons toléré le « droit de correction » dans la sphère familiale et dans les milieux éducatifs. Cette acceptation, consciente ou inconsciente, relève des derniers vestiges du patriarcat et d’une époque où la soumission au pater familias était culturellement la règle.
Ce « droit de correction », admis par la jurisprudence, nous a valu de nombreuses condamnations par les instances européennes pour non-respect des obligations en matière de protection des enfants.
L’aide à l’enfance et la défense du mineur ne se limitent d’ailleurs pas à la sphère familiale. Que dire des mineurs étrangers isolés, des enfants placés et des pupilles de la Nation, qui subissent parfois de plein fouet une violence institutionnelle, doublée des violences éducatives ordinaires qui ont cours dans certains services de la protection de l’enfance ?
Mes chers collègues, je souhaite vous rappeler les chiffres suivants : deux enfants meurent chaque semaine à la suite de violences, 73 000 par an en sont victimes.
La lutte contre les violences éducatives ordinaires concerne tous les mineurs et ne se limite pas à la sphère familiale. Beaucoup reste encore à faire en la matière. Développons les services d’aide à la parentalité, et ce dans tous les milieux, aisés comme défavorisés. Quartiers huppés ou banlieues paupérisées, tous les territoires sont concernés.
À celles et ceux qui objecteront que cette loi culpabilisera les parents, qu’il y a ingérence de l’État dans les relations intrafamiliales, je réponds par avance qu’il n’en est rien. Il y a quelques décennies, on considérait aussi les violences faites aux femmes comme une affaire privée, un droit de correction marital. Contrairement aux femmes qui, face à la violence conjugale, ont désormais la possibilité, même si cela n’est jamais aisé, de dire « non » et de menacer de partir ou de divorcer, les enfants ne peuvent quitter le foyer. C’est donc à la société de poser une interdiction très claire de toute violence, si minime soit-elle. C’est à la société de lutter contre la banalisation des violences.
Si ce texte, accompagné d’une campagne de sensibilisation, peut permettre de faire évoluer les mentalités et de clarifier le rapport d’autorité liant les parents à leurs enfants, nous ne pouvons que le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Françoise Dolto, dès la fin des années soixante-dix, affirmait que « l’enfant, dès son plus jeune âge, est un être de langage, il convient de l’écouter avec sérieux. Il est à égalité d’être avec un adulte, à ce titre il est un analysant à part entière. »
Il faudra ensuite attendre 1989 pour que soit adoptée la Convention internationale des droits de l’enfant, consacrant l’enfant comme une personne à part entière.
Définir et renforcer les droits des enfants, c’est faire un pas vers l’égalité, donner aux enfants une véritable place dans la société et prendre en compte l’importance d’une étape de la vie au cours de laquelle se développe la perception des autres.
Cette prise en compte est primordiale, car elle intervient à une période essentielle de la construction de l’individu. C’est là qu’il acquiert des valeurs et des normes qu’il internalise et qui conditionneront l’adulte de demain.
Depuis plusieurs années, les études le prouvent : le recours à la violence, notamment la fessée considérée encore comme une méthode éducative, favorise pourtant l’agressivité des enfants, conforte la baisse de leur estime et peut pénaliser leurs résultats scolaires. Plus alarmant, cette violence est parfois la porte d’entrée de châtiments plus graves. Aussi, il est important que nos enfants n’identifient plus la violence comme un mode d’éducation.
Si certains pays comme la Suède ont légiféré à ce sujet depuis près de quarante ans, la France, elle, continue de violer ses engagements internationaux. Doit-on s’accommoder de cette loi du plus fort, où il suffit d’en venir aux mains pour régler un conflit et éduquer un enfant ?
Si le code pénal interdit déjà toute forme de violence physique envers les enfants, notamment les plus jeunes, en en faisant une circonstance aggravante, rien n’est prévu à ce sujet dans le code civil. Cette proposition de loi, en prévoyant à l’article 371-1 du code civil que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques », vient clarifier la situation et poser un principe clair. Aucune éducation ne peut se faire par le châtiment corporel. En faisant un pas dans cette voie, la France honore enfin ses engagements internationaux.
Ici, il s’agit de poser l’interdit de manière civile. Le but n’est pas de stigmatiser, ni de culpabiliser les parents, mais d’orienter vers un changement des pratiques sur le long terme. Le but n’est pas, comme nous avons pu l’entendre, de s’immiscer dans la vie familiale, mais bien de poser un interdit pour faire évoluer les mentalités dans un pays où 85 % des parents ont encore recours à la fessée.
J’en conviens, l’éducation n’est pas toujours chose aisée, à une époque où les parents sont le plus souvent sous pression. Le lien familial s’est transformé ces dernières années, mais il est aujourd’hui nécessaire de faire évoluer les modes d’éducation. De nombreux exemples montrent qu’il existe des méthodes plus douces et vertueuses pour se faire écouter des enfants.
Si j’en reviens au texte, outre la disposition prévoyant que l’autorité parentale s’exerce sans violence, ce dernier prévoit également une sensibilisation aux violences éducatives ordinaires lors de la formation des assistants maternels. Ils peuvent ainsi mieux identifier l’impact de telles pratiques sur l’enfant et développer un environnement éducatif plus sain.
Ce texte vient apporter de nouveaux droits aux enfants et prendre en compte leur intérêt supérieur, conformément à la convention internationale des droits de l’enfant.
Comme l’avait dit ma collègue Josiane Costes lors de la lecture du texte proposé par notre collègue Laurence Rossignol, c’est aux magistrats de la chambre criminelle de la Cour de cassation de se saisir de cette loi pour mettre fin à cette pratique d’un autre temps.
Ma conviction profonde, c’est qu’il nous faudra à l’avenir être toujours plus vigilants sur les droits de l’enfant. Le récent rapport du Défenseur des droits sur ces sujets va d’ailleurs dans ce sens, en préconisant par exemple que les conseils départementaux ou les établissements hospitaliers désignent des référents en protection de l’enfance, ou en suggérant d’inscrire dans la loi l’interdiction de toute rétention administrative pour les familles avec enfants, et ce quelles que soient les circonstances.
Enfin, je rappellerai que notre intervention dans le domaine des droits de l’enfant est essentielle. Comme l’explique Pierre Verdier, nous sommes passés d’une conception d’intérêt de l’enfant à une définition des droits de l’enfant. Le droit, justement, vient alors comme un régulateur de pratiques. Il accompagne avant de sanctionner, il protège avant de punir et offre un cadre législatif pour une meilleure éducation.
Je conclurai mon intervention par une remarque de forme : je trouve regrettable, en matière de travail législatif, que nous ayons eu à nous prononcer deux fois sur un texte quasi identique. Même si le temps législatif est long, j’espère qu’à l’avenir les différents groupes à l’Assemblée nationale comme au Sénat travailleront de concert afin que cette situation se reproduise le moins possible.
M. Stéphane Piednoir. Ce ne serait pas mal !
Mme Maryse Carrère. Hormis cette remarque, vous l’aurez compris, l’ensemble des membres du groupe du RDSE approuvera ce texte qui marque une étape supplémentaire dans la reconnaissance des droits de l’enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en mars dernier, lors de la discussion générale sur la proposition de loi visant à lutter contre toutes les violences éducatives ordinaires, je terminais mon intervention par une critique. Je la reformulerai, comme un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, en commençant mon intervention d’aujourd’hui.
Face à un sujet sociétal aussi important que les violences éducatives ordinaires, il est regrettable d’assister à l’examen en parallèle de deux textes sensiblement identiques. Ce double débat est incompréhensible pour nos concitoyens ; c’est une perte de temps et cela abîme le Parlement. Quelle image renvoyons-nous quand, en mars dernier, nous avons examiné puis adopté – forcément – la proposition de loi de Mme Rossignol, alors que nous aurions pu adopter définitivement le texte de la députée Maud Petit ?
Mme Laurence Rossignol. Il fallait l’inscrire dans votre niche parlementaire !
Mme Élisabeth Doineau. Le Sénat et l’Assemblée nationale auraient pu sortir grandis, cela vient d’être dit, en démontrant leur capacité à s’unir sur ce sujet essentiel. Certes, monsieur le secrétaire d’État, la pédagogie est affaire de répétition, mais sur un sujet sociétal qui pouvait recueillir l’unanimité, nous aurions pu trouver le moyen de gagner du temps.
Aujourd’hui, il est donc temps de mettre fin à un débat qui a secoué sporadiquement notre pays pendant plusieurs décennies, débat qui s’est bien souvent résumé à des discussions de comptoir sur le thème « pour ou contre la fessée ? », tendant à rendre invisibles les autres violences, notamment psychologiques.
Comme nous le rappelle la Fondation pour l’enfance, « violenter son enfant, c’est le marquer pour longtemps ». Aucun acte de violence n’est anodin. Aujourd’hui, l’idée a fait son chemin. Les parents aspirent à une nouvelle forme de parentalité, positive, et à une relation avec l’enfant construite sur la confiance et l’apprentissage. Nombre de livres, d’émissions, de podcasts traitent de la parentalité bienveillante. Une prise de conscience s’affirme : la violence n’est pas une pratique éducative.
Parce que l’éducation joue un rôle fondamental non seulement dans la formation de l’être humain, mais aussi dans l’évolution de la société, il est primordial de l’exercer avec bienveillance. Pourtant, les chiffres illustrent une autre réalité, Mme de la Gontrie et M. le secrétaire d’État les ont cités. Ils montrent à quel point il est juste de débattre de ce phénomène que nous ne devons plus accepter.
Depuis quelques années, les neurosciences ont démontré les conséquences irréversibles de la violence sur les fonctions cognitives de l’enfant. On le sait, la maltraitance émotionnelle entraîne chez l’enfant un stress nocif pour le bon développement de son cerveau. Ce stress peut détruire des neurones qui jouent un rôle dans la mémoire, la gestion des émotions, la résilience et les capacités relationnelles. Par ailleurs, via les neurones miroirs, l’enfant imite les parents. Ce que fait un adulte, l’enfant le reproduit. La bienveillance est donc la clé d’une éducation réussie.
En conséquence, les services compétents en matière de petite enfance proposent des guides et des ateliers à la parentalité qui constituent une véritable formation à être ou à devenir parents. Un travail de sensibilisation de large envergure auprès des jeunes, futurs adultes et parfois futurs parents, reste également à imaginer, même s’il existe déjà des groupes de parole, des ateliers, des consultations aux centres de protection maternelle et infantile, ou PMI, des lieux d’accueil enfants-parents.
Le 27 mars dernier, monsieur le secrétaire d’État, vous lanciez une concertation sur la prise en charge des enfants au titre de l’aide sociale à l’enfance. J’assistais, mercredi dernier, à la restitution de la conclusion des travaux des six groupes de travail. J’en retiens notamment la nécessité de maintenir un environnement stable et sans violence pour l’enfant. Cette proposition de loi y participe.
Enfin, cette semaine est importante pour la protection de l’enfance : après l’assemblée plénière du Conseil national de la protection de l’enfance, hier, l’adoption définitive de cette proposition de loi, aujourd’hui, les Assises nationales de la protection de l’enfance auront lieu les 4 et 5 juillet prochains à Marseille. Des annonces sont attendues ; vous en avez d’ailleurs dévoilé quelques-unes, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)
Je forme le vœu que nous assistions à un tournant majeur pour la protection de l’enfance dans notre pays. Cette proposition de loi s’inscrit dans l’histoire. Nous rejoindrons ainsi les cinquante-quatre pays dans le monde qui se sont déjà dotés d’une telle loi, quarante ans après la Suède qui en ouvrait la voie. Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos par l’extrait d’un verbatim des débats de l’Assemblée nationale : « L’opinion publique est régulièrement choquée par le décès d’un enfant sous les coups de ses parents. Si, heureusement, les violences intrafamiliales ne tuent pas toujours, les spécialistes sont unanimes quant aux dégâts qu’elles occasionnent sur les enfants qui en sont les victimes.
« Pour appeler l’attention de tous sur cet enjeu considérable, il faut compléter la définition de l’autorité parentale prévue à l’article 371-1 du code civil en précisant que, parmi les devoirs qui la composent, figure celui de s’abstenir de toutes les formes de violence et de violence sous toutes ses formes. »
C’est par ces mots, monsieur le secrétaire d’État, que nos anciens collègues députés socialistes avaient choisi, en 2016, de motiver un amendement à la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté visant à interdire la pratique des violences dites « éducatives ordinaires ».
Nous avions souligné alors l’immense portée symbolique de cet article du code civil. Lu dans toutes nos mairies à l’occasion des mariages, il est entendu par toute l’assistance, forcément attentive, en ces moments solennels, à la manière dont les familles se créent.
Cette avancée ne fut qu’une victoire de courte durée. Le Conseil constitutionnel, saisi par certains d’entre vous, a censuré cette disposition, préférant conserver, dans l’intimité de chaque famille, huis clos parfois ravageur, le « droit de correction ». Cependant, nous le savons, mes chers collègues, le privé est politique, et ce pas en avant ne demande qu’à être franchi de nouveau. Aujourd’hui, nous y revenons de manière assumée et non détournée, et c’est tant mieux !
Au Sénat, l’initiative d’une proposition de loi visant à interdire les violences éducatives ordinaires revient à notre collègue Laurence Rossignol, qui interviendra tout à l’heure. Le Sénat a donc déjà adopté en mars dernier un texte excluant « les violences physiques ou psychologiques » de la pratique de l’autorité parentale. Je remercie notre collègue rapporteure, Marie-Pierre de la Gontrie, de nous proposer une synthèse en quelque sorte, une autre voie pour avancer de façon pragmatique et efficace.
Sur le fond, l’interdiction des violences dites éducatives est un enjeu majeur de l’éducation de nos enfants. Il est aussi, n’en doutons pas, un moyen essentiel de changer le regard de notre société sur elle-même, de refuser que la violence puisse s’exprimer dans tout cadre, qu’elle puisse être tolérée et qu’elle relève de décisions individuelles ou de choix de vie.
Élever les enfants dans la violence – leur parler fort, les menacer, les frapper, les humilier, les réprimer, les dénigrer systématiquement –, c’est dessiner trait à trait une société violente. Être violent devant ses enfants et vis-à-vis d’eux-mêmes, c’est former des adultes à la violence, à être violents.
Nous savons que nos enfants se construisent par mimétisme. Nous mesurons d’ailleurs la place qu’occupent les modèles parentaux dans la construction psychique des enfants. La docteure en psychologie clinique Karen Sadlier nous le rappelle. L’enfant confronté à des violences, dans le couple ou dans la famille, les banalise. Plus tard, il apprécie moins bien la peur et se met plus rapidement en danger et en fait un mode d’expression. Les pédiatres nous rappellent également que les traumatismes vécus dans l’enfance perdurent toute la vie, avec des conséquences psychologiques comme somatiques. Leur prise en charge représente un coût pour la société.
Voilà pourquoi il faut que toute notre société en prenne conscience et agisse. Cette proposition de loi va dans le bon sens. Elle est nécessaire, mais évidemment pas suffisante : lorsque des situations de violence se font jour, elles doivent être signalées. Mes chers collègues, nous avons tous en tête une famille, une situation pour lesquelles nous nous demandons si l’enfant est vraiment bien traité, si la maladresse verbale, l’attitude des parents, leur perte de patience, leurs cris répétés ne nuisent pas à l’intérêt de l’enfant. Et puis, nous regardons ailleurs, la plupart du temps, même si nous en sommes très préoccupés.
Dans ces situations de violences soupçonnées, je tiens à rappeler l’importance du signalement à la cellule de recueil des informations préoccupantes, la CRIP. Cela relève de l’obligation de tous. Nous devons alerter. Ensuite, une enquête sociale sera réalisée par les professionnels des départements. Usons d’excès de prudence, mes chers collègues, plutôt que de laisser une victime potentielle face aux auteurs de violences, même s’il s’agit de l’un de ses parents.
J’en profite pour rappeler que le signalement est également essentiel chez tous les professionnels qui s’occupent d’enfants. Nous devons préciser le cadre législatif pour faire primer la protection de la victime sur l’exercice du secret professionnel.
Les récents travaux de notre mission commune d’information sur la prévention des violences sexuelles sur les mineurs rappellent que nous n’avons pas de temps à perdre sur la question du signalement. Parce qu’être parent n’est pas du ressort de l’inné, parce que derrière un signalement, une aide va être apportée, nous devons signaler. Il y va de la protection des enfants et de la rupture du continuum des violences ; il y va surtout d’un autre regard de notre société sur les rapports de violences.
Je fais le rêve, monsieur le secrétaire d’État, que nos enfants ainsi éduqués ne toléreront plus la violence dans le monde, une fois devenus adultes, dans leur vie quotidienne, leur vie professionnelle, leurs relations intimes. Je fais le rêve d’une société où, lorsqu’ils diront : « Non, je ne veux pas ! », ce refus sera suivi d’effet ; d’une société de confiance où la parole des victimes sera entendue et respectée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme Brigitte Lherbier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les violences subies par les enfants m’ont toujours interpellée. En tant qu’universitaire, ma thèse de droit portait sur le placement des enfants en souffrance intrafamiliale. Adjointe à la sécurité et à la prévention de Tourcoing, j’ai pu à maintes reprises constater que la frontière entre le tolérable et l’inadmissible des violences exercées sur les enfants par la famille était très fragile. Je me réjouis donc que ce sujet de l’interdiction des violences éducatives ordinaires soit débattu aujourd’hui dans notre Haute Assemblée. Je ne doute pas une seconde qu’une telle proposition de loi visant à les interdire sera aisément adoptée.
Il y a de cela quelques décennies, il semblait normal de frapper ou d’humilier des enfants au sein des familles ou des établissements scolaires. Quand j’étais écolière, certains de nos maîtres, considérant que nous étions trop bruyants – ou pas assez, au choix –, nous faisaient venir au tableau pour nous frapper le bout des doigts avec des règles en bois. Je m’en souviens encore ! D’autres, pour nous punir de bêtises d’enfants, avaient pris l’habitude de nous faire courir autour de la cour de l’école avec les mains sur la tête pour nous humilier aux yeux de tous. Je ne doute pas que vous vous en souveniez aussi, des années et des années après. Personne, à l’époque, n’y trouvait rien à redire et les parents doublaient souvent la punition au retour de l’écolier dans le foyer. C’était monnaie courante.
Que de chemin parcouru ! Aucun parent aujourd’hui n’accepterait de telles violences « ordinaires » à l’école. Ces pratiques sont aujourd’hui considérées comme inadmissibles. Je m’en réjouis, comme vous tous, mais ne crions pas victoire trop vite : beaucoup de travail reste à faire, notamment pour faire cesser ces violences éducatives ordinaires dans les familles.
Pourtant, la France s’est engagée depuis maintenant des décennies dans la protection de l’enfant. Les violences ordinaires peuvent prendre plusieurs formes : psychologiques, lorsque l’enfant est victime de chantage, de menaces, de culpabilisations en tous genres ; physiques, lorsque l’enfant est victime de fessées, de gifles, de projections et la liste est encore longue ; et même verbales, lorsque l’enfant est victime d’injures, d’humiliations ou de moqueries. Ces pratiques, transmises de génération en génération, ne permettent pas d’inculquer aux enfants un bon comportement, bien au contraire. C’est même l’inverse qui se produit.
De nombreuses études ont en effet prouvé qu’un enfant exposé à des violences « ordinaires » – j’ai horreur de ce mot – a plus de chances de reproduire ce cercle vicieux en grandissant. La seule conclusion qu’il peut tirer de telles méthodes « éducatives », c’est que seule la violence de la loi du plus fort peut faire force de loi. Nous ne pouvons pas accepter aujourd’hui que des enfants, nos futurs citoyens, des êtres humains égaux en droit, puissent être les victimes invisibles de violences inutiles et dégradantes qui les pénaliseront dans leur vie future et dans leur rapport à l’autre.
Le droit français interdit les violences envers les enfants dans son article 222-13 du code pénal et aggrave les sanctions lorsqu’elles sont commises par des ascendants légitimes. La France est signataire depuis 1990 de la convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Et pourtant, ces violences subsistent. Cette proposition de loi qui vise à interdire les violences éducatives ordinaires est donc bel et bien d’actualité.
Son article 1er, qui rappelle que l’« autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques », est à mes yeux essentiel. C’est donc avec une grande joie que je voterai ce texte, comme l’unanimité de mes collègues présents dans cet hémicycle. Le bien-être de nos compatriotes les plus vulnérables ne saurait être victime d’oppositions partisanes. Comme le disait Jacques Chirac dans un discours en 2000 : « Le temps de l’enfance est court. Il ne se rattrape pas. » Alors, mettons tous les moyens en œuvre pour que les violences ordinaires ne privent pas nos concitoyens les plus jeunes de ce temps si précieux pour leur épanouissement. Nous comptons sur vous tous, notamment sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que la protection de l’enfance soit assurée en France. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un moment très réjouissant que nous vivons aujourd’hui au Sénat ! Nous nous apprêtons en effet à adopter une proposition de loi, issue de l’Assemblée nationale, visant à exclure les punitions corporelles de l’éducation des enfants.
Je remercie Marie-Pierre de la Gontrie, rapporteure de ce texte. Elle l’est d’ailleurs presque pour la deuxième fois, puisqu’elle l’avait déjà été pour la proposition de loi sénatoriale. À ceux de nos collègues qui s’émeuvent du mode de fonctionnement de nos institutions, je réponds que ce n’est pas si grave. C’est un peu comme si nous avions procédé à deux lectures, ce qui est la règle ordinaire, comme chacun sait… (Sourires.)
Je remercie également Maud Petit, dont je salue la présence en tribunes. Elle a su imposer l’examen du texte dans une niche parlementaire à l’Assemblée nationale et le faire adopter ; elle a permis aussi que nous discutions aujourd’hui du même texte que les députés. Je suis heureuse que son texte soit adopté. Le mien aurait pu l’être également, mais c’est le résultat qui compte, et nous ressentons collectivement un grand bonheur.
Je remercie aussi le président de la commission des lois – je charge Mme la vice-présidente de lui transmettre nos remerciements –, qui s’est engagé pour que le Sénat adopte ce texte.
Je remercie M. le secrétaire d’État du soutien qu’il a apporté à ces propositions de loi.
Je remercie les membres des associations et les personnalités qui ont assisté à nos débats cet après-midi. La loi qu’elles ont portée depuis tant d’années est sur le point d’être adoptée, et elles vont être bien désœuvrées à présent…
Je rends hommage à Edwige Antier, qui, rappelons-le, fut la première à déposer une proposition de loi pour interdire les violences éducatives.
Nous n’en avons pas forcément conscience aujourd’hui, mais ce texte est historique. Quand on regarde la sociologie de l’éducation, l’histoire des droits de l’enfant, il y a quelques lois qui comptent, et celle-ci en fera partie, tout comme la première, au IVe siècle après Jésus-Christ, qui mit fin au droit de vie et de mort du pater familias sur ses enfants, ou encore celle de 1841, qui interdit le travail des enfants. Autant de grands bonds dans l’histoire…
Nous votons cette loi au Sénat cent ans après la création, par la Société des Nations, du Comité des droits de l’enfant, qui élabora ensuite la première déclaration des droits de l’enfant. C’est une belle façon de célébrer cet anniversaire et je voudrais rendre hommage à Janusz Korczak, dont les travaux furent consacrés à la dignité des enfants et qui a inspiré toutes les politiques de protection de l’enfance. N’oublions pas non plus qu’il accompagna volontairement les enfants dont il s’occupait jusqu’au camp d’extermination.
Selon le préambule de la Déclaration de Genève de 1924, « l’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur ». Aux termes de l’article 5 de ce même texte, « l’enfant doit être élevé dans le sentiment que ses meilleures qualités doivent être mises au service de ses frères ». La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui s’inscrit dans la filiation de ces très beaux articles.
Je voudrais aussi rassurer certains de nos collègues. Ce n’est pas la première fois que nous votons des restrictions, des limites, des contraintes à la liberté éducative. Le code Napoléon autorisait un père à faire emprisonner son enfant pendant un mois sans justification ; il suffisait qu’il en fasse la demande au président du tribunal. Tel était, à l’époque, le visage de la liberté éducative. Heureusement, nous y avons mis fin !
Le devoir d’instruction, la protection des enfants et l’apprentissage de la dignité constituent d’autres limites à la liberté éducative.
Tout à l’heure, une collègue s’inquiétait que nous passions beaucoup de temps à parler de la fessée, un sujet guère intéressant, alors que nous n’agissions pas contre la « vraie » violence.
Arrêtons de dire que nous ne faisons rien contre la vraie violence. Nous ne faisons sans doute pas suffisamment, mais nous ne laissons pas les enfants abandonnés sans aucune protection. Les lois sur la protection de l’enfance sont là, les services sociaux sont là et tous nos collègues élus dans des départements savent que nous agissons pour protéger nos enfants.
Par ailleurs, je ne connais pas la différence entre la « vraie » violence et la « moindre » violence quand il s’agit d’enfants. Frapper un enfant, c’est abuser de la force physique de l’adulte. Le rapport de force est tellement disproportionné que tout geste pouvant être considéré comme une petite violence entre adultes représente en réalité une grande violence pour un enfant.
Nous avons mis plusieurs années à faire adopter cette loi, mais, en fin de compte, je me dis que ce ne fut pas du temps perdu. L’opinion a évolué, le Sénat également et, aujourd’hui, ce texte ne provoque plus les ricanements ni les quolibets qu’il suscitait à l’époque. Il intervient à un moment où le pays est prêt à le porter et le faire appliquer. Il nous reste à accompagner les parents pour que l’esprit de cette loi, civile et non pénale, soit partagé par tous. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en ma qualité de dernier intervenant dans la discussion générale de ce texte important relatif à l’interdiction des violences éducatives ordinaires, je m’associe pleinement aux propos de mes collègues, majoritairement féminines – huit oratrices sur dix ! –, qui m’ont précédé.
Je salue le travail effectué au sein de la commission des lois par mes collègues et par le personnel de notre institution et je rappelle la préoccupation fondamentale qu’est pour nous l’intérêt de l’enfant.
Je remercie aussi la députée Maud Petit, Laurence Rossignol et plusieurs de nos collègues parlementaires.
Outre le droit des enfants, j’établirai aussi un lien entre ce texte et les travaux de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en tant que modeste membre de cette instance.
Il convient de responsabiliser les parents, la mère en premier lieu, mais également le père. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez insisté fort justement sur la nécessité de mieux accompagner les parents : un travail considérable de pédagogie et de soutien à la parentalité doit être mené. Je soutiens votre passeport des mille premiers jours, même si je n’oublie pas, non plus, que l’on apprend un peu tous les jours…
Comme cela a été rappelé, la priorité doit être accordée à la protection maternelle et infantile. Il y a toujours, au départ, des engagements humains, mais le volet financier est également déterminant, qu’il s’agisse du budget de l’État ou de celui de la sécurité sociale.
Partenaires sociaux, éducation nationale, assistantes maternelles, personnels des conseils départementaux : beaucoup de personnes travaillent dans l’ombre, avec cœur et passion, et il convient de les aider.
La commission des lois a été saisie au fond, car le code civil est modifié. Mais toutes les commissions, qu’il s’agisse des affaires sociales, de l’éducation et des finances, sont concernées collectivement.
Ne tombons pas non plus dans la banalisation de la violence, car nous assistons régulièrement à des drames humains touchant des femmes et des enfants, et n’oublions pas l’article 371-1 du code civil. Maire d’un petit village de 160 habitants de 2001 à 2017, j’ai eu l’occasion de rappeler cet article du code lors des quelques mariages que j’ai célébrés !
La protection de l’enfant est une priorité. La journée internationale des droits de l’enfant le rappelle, mais ce doit être aussi un combat de tous les jours. Il faut sensibiliser et associer tous les partenaires à cet enjeu, y compris les services de gendarmerie et de police.
Le groupe Les Républicains votera ce texte conforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires
Article 1er
(Non modifié)
Après le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des « habitudes éducatives » qui font mal, au sens propre comme au sens figuré. Il est des coups, des brimades, des insultes qui semblent ne pas laisser de traces, mais qui peuvent faire des ravages.
Tous les spécialistes et neuroscientifiques le confirment : fessées et « petites » gifles ne sont pas anodines pour la santé et le développement psychologique de nombreux enfants. Elles favorisent l’agressivité, fragilisent l’estime de soi, peuvent avoir une incidence sur les performances scolaires et compliquer la socialisation. Elles sont aussi, parfois, le terreau de châtiments plus graves.
Par ce texte, il ne s’agit pas de se donner « bonne conscience », ni de multiplier les procureurs vertueux stigmatisant certains parents qui auront eu un geste regrettable ou une parole inappropriée. Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre…
Le métier de parents est ô combien difficile. Les violences sont souvent synonymes de faiblesse, d’échec. Elles interviennent lorsqu’on n’a pas eu la patience, lorsqu’on n’a pas su trouver les mots.
Mais il est aisé, confortablement installé dans ce bel hémicycle, de donner des leçons de morale, de prôner la pédagogie par l’explication, la compréhension, l’affection.
Le cœur de cette proposition de loi, sa raison d’être, ce qu’elle peut et doit apporter, c’est une prise de conscience : la violence n’est jamais la solution, ce qui n’exclut pas la sanction.
Depuis des années, certaines de nos collègues, d’Edwige Antier à Laurence Rossignol, ont mené ce combat, avec le succès relatif que l’on sait. Espérons que leur persévérance soit récompensée.
Néanmoins, soyons bien conscients des lacunes et des limites de cette proposition de loi. Si un coup ou une insulte peut blesser profondément et pour longtemps un enfant, il est une maltraitance sournoise, parfois plus dangereuse et plus destructrice : l’indifférence. Les coups sont condamnables, mais les silences s’ignorent.
Certes, la loi ne peut pas tout. Mais toutes les graines de bienveillance qu’elle aura pu semer seront toujours des victoires et des progrès.
Pour conclure, permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de revenir sur votre double référence à Jean-Jacques Rousseau : il a peut-être bien écrit, mais il a bien mal agi ! L’auteur de l’Émile a abandonné ses enfants ! Il n’est pas inutile de le rappeler. À chacun ses modèles et ses guides spirituels !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Au deuxième alinéa de l’article L. 421-14 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « secourisme », sont insérés les mots : « , à la prévention des violences éducatives ordinaires ». – (Adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er septembre 2019, un rapport présentant un état des lieux des violences éducatives en France et évaluant les besoins et moyens nécessaires au renforcement de la politique de sensibilisation, d’accompagnement et de soutien à la parentalité à destination des parents ainsi que de formation des professionnels concernés. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est définitivement adoptée.) – (Applaudissements.)
12
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 3 juillet 2019, à quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la coopération et l’intégration franco-allemandes (procédure accélérée ; texte de la commission n° 608, 2018-2019) ;
Deuxième lecture de la proposition de loi modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse (texte de la commission n° 582, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
nomination de membres d’une commission mixte paritaire
La liste des candidats désignés par la commission des lois pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :
Titulaires : M. Philippe Bas, Mmes Agnès Canayer, Catherine Troendlé, Françoise Gatel, Laurence Harribey, M. Jacques Bigot et Mme Patricia Schillinger ;
Suppléants : Mme Maryse Carrère, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Catherine Di Folco, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier, M. Jean-Pierre Sueur et Mme Claudine Thomas.
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER