M. le président. Mes chers collègues, je vous annonce que le scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé est clos.
Dans la suite des explications de vote sur la proposition de loi visant à permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer aux prochaines élections sénatoriales, la parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à corriger une omission.
Créée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la métropole de Lyon est une collectivité à statut particulier, qui exerce les compétences de l’ancienne communauté urbaine de Lyon, celles du département et certaines compétences des communes depuis le 1er janvier 2015.
Toutefois, l’ordonnance relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon n’a pas prévu que les 150 conseillers qui seront élus au suffrage universel direct à compter de 2020 participent aux élections sénatoriales. Or cette situation n’a pas été souhaitée par le législateur, qui n’a jamais exprimé sa volonté d’exclure les conseillers métropolitains du corps électoral des élections sénatoriales.
C’est pour remédier à cette erreur de coordination de l’ordonnance que la proposition de loi de notre collègue François-Noël Buffet autorise les 150 conseillers de la métropole de Lyon à participer aux élections sénatoriales dès le prochain renouvellement du Sénat, en 2020. Ainsi, après ajout des conseillers métropolitains, le nombre de grands électeurs dans le Rhône passerait de 3 500 à 3 650 personnes, soit une augmentation de 4,29 % – le nombre exact n’est pas connu à ce jour, car il faut attendre le dernier relevé de l’Insee.
Cette proposition de loi paraît pertinente, puisqu’elle vise à sécuriser les élections sénatoriales en levant un risque contentieux. Elle répond à un double enjeu.
En premier lieu, elle assure une certaine équité entre les conseillers métropolitains et les autres élus. En second lieu, elle respecte la jurisprudence constitutionnelle, qui exige que toutes les catégories d’élus locaux participent aux élections sénatoriales.
Je tiens à saluer, pour la qualité de ses travaux, la rapporteure, notre collègue Claudine Thomas, qui s’est interrogée sur un éventuel déséquilibre démographique entre la métropole de Lyon, d’une part, et le département du Nouveau-Rhône, d’autre part. Aux élections sénatoriales, un conseiller métropolitain représenterait 9 030 habitants, contre 17 208 habitants pour un conseiller départemental. La rapporteure nous a rassurés sur ce point, cette situation serait compatible avec la jurisprudence constitutionnelle.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi remédie opportunément à une lacune du code électoral et fait consensus entre les sénateurs du Rhône. Le groupe Les Indépendants la votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je préfère mettre fin au suspense tout de suite : nous voterons ce texte.
M. André Gattolin. Bravo !
M. Alain Richard. On pourrait essayer d’être original, mais, franchement, il n’y a pas matière.
Cette proposition de loi procède au rattrapage d’une petite incohérence intervenue dans le cadre de l’ensemble des textes prévoyant la mise en place de la métropole de Lyon.
En effet – et c’était clair depuis le début ! –, le conseil métropolitain, comme partout ailleurs, exerce les missions d’un conseil départemental. En vertu du principe de représentation de l’ensemble des collectivités territoriales dans le collège sénatorial, les conseillers métropolitains auraient donc dû être qualifiés de grands électeurs sénatoriaux. D’ailleurs, lorsque notre collègue François-Noël Buffet a présenté cette proposition de loi, je me suis demandé s’il était nécessaire de légiférer tant il est évident que l’on aurait dû les considérer comme tels, en interprétant la loi. Mais la voie de la sécurité juridique prévaut : en matière électorale, il vaut toujours mieux mettre les points sur les i.
Aussi, cette proposition de loi apporte cette clarification. Son examen nous donne d’ailleurs l’occasion de constater que la métropole de Lyon est la seule collectivité qui soit à la fois départementale et intercommunale. En effet, elle exerce les fonctions d’une autre métropole élue par fléchage. À cet égard, j’en profite pour souligner – je rabâche ce message chaque fois que j’en ai l’occasion – que les uns comme les autres sont élus au suffrage universel direct. En revanche, les conseillers métropolitains sont élus au suffrage universel direct et supra-communal, sans avoir l’assurance que chacune des communes sera représentée au conseil. Certes, le nombre important de 150 conseillers minimise ce risque, mais c’est la première assemblée élue exerçant les missions de l’intercommunalité qui ne soit pas assurée de la représentation de chacune des communes.
Pour faire un bref rappel historique, lorsque la communauté urbaine de Lille a été créée par la loi en 1966, création accompagnée d’ailleurs d’un vacarme de protestations de tous les élus locaux, il avait alors été prévu que les petites communes y seraient représentées collectivement par certaines d’entre elles. Si le Conseil constitutionnel n’est jamais revenu sur ce sujet, c’est parce qu’il n’aurait pas été satisfait d’avoir à juger que la réforme mise en place en 1966 n’était pas tout à fait conforme à la Constitution.
Aujourd’hui, un établissement public de coopération intercommunale doit comprendre, me semble-t-il, un représentant de chaque commune, alors que le conseil métropolitain de Lyon est configuré différemment. Quoi qu’il en soit, je ne prolongerai pas mes explications, la proposition de loi est parfaitement argumentée et rédigée.
Comme vient de le relever à l’instant Alain Marc, le rapport nous a donné des indications sur la représentation démographique des différentes catégories d’élus, et c’est en effet tout à fait conforme aux principes énoncés par la jurisprudence constitutionnelle. Nous n’avons donc que des raisons de nous réjouir du dépôt de ce texte, auquel nous apporterons notre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de faire part de quelques remerciements.
Mes premiers remerciements s’adressent à mes collègues du Rhône, Élisabeth Lamure, Catherine Di Folco, Michèle Vullien, Annie Guillemot, Michel Forissier et Gilbert-Luc Devinaz, qui ont cosigné ce texte, tant il nous paraissait évident qu’il s’agissait d’une question d’intérêt général et qu’il convenait de régler ce problème juridique, qui résulte d’un oubli.
Je remercie également la rapporteure, Claudine Thomas, qui a réalisé un travail essentiel pour éclairer la commission des lois et le Sénat sur les questions juridiques qui pouvaient se poser, voire sur des questions de représentativité. Le fait d’ajouter 4,2 % d’électeurs pour les élections sénatoriales du Rhône peut être accepté et ne pose pas de problème constitutionnel – c’est un élément important.
Je remercie aussi le Gouvernement, qui, dès le départ, me semble-t-il, a indiqué qu’il soutiendrait ce texte. (M. le secrétaire d’État opine.)
La métropole de Lyon comprend 1,4 million d’habitants, regroupe 59 communes et compte 162 élus, actuellement conseillers métropolitains, issus des élections de 2014.
La loi Maptam a introduit un élément nouveau : en 2020, le conseil de la métropole de Lyon sera élu au suffrage universel direct. Bien qu’ayant un statut particulier, il s’agit d’une collectivité territoriale, en vertu de l’article 72 de la Constitution, comme les communes, les départements et les régions. De ce fait, l’élection au suffrage universel direct s’applique.
Un certain nombre de collègues l’ont relevé, cette élection aura des conséquences sur notre façon de fonctionner dans la mesure où tous les maires ne seront pas forcément représentés au sein du conseil de la métropole. Telle est la règle du suffrage universel. La gouvernance devra sans doute en tenir compte pour créer les conditions d’un travail collaboratif assez large, en vue de faire en sorte que le système fonctionne. Peut-être que d’autres évolutions législatives seront nécessaires ou que d’autres ajustements apparaîtront évidents. J’espère que nous prendrons alors soin collectivement d’y procéder de telle sorte que ce territoire important fonctionne le mieux possible.
Pour vous donner un ordre d’idée, mes chers collègues, la métropole de Lyon a un budget de 3,5 milliards d’euros pour un peu moins de 1,4 million d’habitants. Sans vouloir me fâcher avec quiconque, à titre de comparaison, la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui compte un peu plus de 8 millions d’habitants, dispose à peu près du même budget. Vous voyez ce que représente la métropole de Lyon. Après l’Île-de-France, il s’agit évidemment d’un territoire extrêmement riche, au vrai sens du terme, au regard de ses diversités, mais aussi de ce qu’il représente dans notre région Auvergne-Rhône-Alpes et à l’échelon national.
Cette élection au suffrage universel direct donnera donc à ces élus un pouvoir beaucoup plus important et par conséquent une responsabilité plus grande encore. C’est pourquoi il convenait de corriger cet oubli.
Ainsi, les 150 prochains élus – on ne sait jamais si l’on sera réélu au sein de la collectivité – pourront participer aux élections sénatoriales, conséquence étant tirée de ce qu’est une collectivité locale et de ce que sera la métropole de Lyon à partir de 2020.
Je vous remercie toutes et tous du travail accompli et de cette belle unanimité qui devrait couronner les travaux de la Haute Assemblée cet après-midi. Nous nous retrouverons sans doute plus tard pour d’autres débats sur la métropole, mais contentons-nous pour l’heure de ce plaisir unanime. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
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Organisation et transformation du système de santé
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Proclamation du résultat du scrutin public solennel
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 149 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Pour l’adoption | 219 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté, dans le texte de la commission, modifié, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, présentée par M. Bruno Gilles et plusieurs de ses collègues (proposition n° 229, texte de la commission n° 536, rapport n° 535).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Gilles, auteur de la proposition de loi.
M. Bruno Gilles, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 5 mars dernier, nous examinions ma proposition de loi qui faisait suite au drame de la rue d’Aubagne à Marseille, drame qui a marqué durablement les esprits, tant il a cruellement endeuillé huit familles puis entraîné l’évacuation de plusieurs milliers de personnes.
Il a également donné un coup de projecteur sur la douloureuse réalité et l’étendue du phénomène du logement indigne en France dans les zones urbaines comme rurales.
Au risque de me répéter, le traitement de la question du logement insalubre doit être à la mesure du drame pour que plus jamais nous n’ayons à revivre cela. Aujourd’hui, il nous faut faire plus, plus vite et plus efficacement. Lutter contre l’habitat indigne est notre affaire à tous : il s’agit d’une priorité nationale.
Je suis très satisfait que le Sénat ait pu s’emparer de ce sujet, car, comme l’a constaté la commission des affaires économiques lors de ses déplacements, les élus, et les maires en particulier, sont très impliqués et engagés dans la lutte contre l’habitat insalubre. Ceux-ci sont pourtant trop souvent freinés dans leurs actions, empêchés dans d’autres cas, du fait de la complexité des procédures, de la diversité des autorités concernées et de l’enchevêtrement des compétences en matière de logement indigne. Il nous revient de lever les freins constatés pour que la lutte contre l’habitat insalubre soit plus rapide et plus efficace.
Je remercie la commission des affaires économiques du bon accueil fait aux propositions que j’ai exposées dans ce texte, examiné une première fois en mars dernier.
Vous avez souhaité, madame le rapporteur, prendre davantage de temps pour approfondir la réflexion sur les dispositifs que nous avions proposés au travers des neuf articles visant à renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales, accélérer les réponses aux situations d’insalubrité et renforcer les sanctions à l’encontre des marchands de sommeil.
Les nombreuses visites de terrain, ainsi que les auditions auxquelles vous avez procédé à Montfermeil, à Marseille, dans la Somme, en Guadeloupe, en Martinique, pour ne citer que ces déplacements, ont permis d’appréhender très concrètement des situations multiples qui appelaient des réponses ciselées, des dispositifs les plus ajustés possible, sans pour autant pénaliser un secteur. Cela justifiait pleinement la motion tendant au renvoi du texte à la commission, qui a été votée le 5 mars dernier dans le but d’améliorer le texte, et à laquelle je souscrivais sans réserve.
S’il existe des freins législatifs au traitement du problème du logement insalubre – et nous allons essayer d’y remédier via ce texte justement amendé –, ils ne sont pas exclusifs.
Je compte, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour nous épauler et compléter ce qui doit l’être, afin de faire avancer rapidement la lutte contre l’habitat insalubre, et notamment d’accompagner en moyens humains, financiers et d’ingénierie ce chantier législatif majeur.
Les travaux de votre commission, madame la présidente, ont validé les principales orientations défendues par Mme le rapporteur à l’aune des observations collectées sur le terrain, observations que celle-ci nous présentera dans quelques instants.
L’une des dispositions que j’approuve pleinement est la mise en place d’une police spéciale du logement qui traitera, selon une procédure identique, l’ensemble des cas d’habitat dégradé, qu’il soit en péril, insalubre, indigne ou indécent. Il s’agit là d’une mesure de simplification de premier plan, qui contribuera assurément à accélérer les procédures en matière de traitement des logements dégradés : une catégorie unique d’habitat dégradé, un acteur unique pour traiter ces situations, une procédure unique.
Monsieur le ministre, j’espère que vous accéderez à notre demande d’anticiper sur les ordonnances prévues par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, afin de simplifier et d’harmoniser les polices administratives en matière de lutte contre l’habitat indigne. Leur entrée en vigueur à l’horizon de 2021 n’est en effet pas adaptée eu égard à l’urgence d’agir efficacement, objectif que nous partageons tous.
À ce stade, la commission, contrainte par l’article 40 de la Constitution, n’a pas pu donner une seule définition du logement indigne – qui aurait recouvert le logement en péril, le logement insalubre et le logement indécent. Cela aurait supposé que l’on désigne un seul acteur en charge de cette police du logement, ce qui implique des transferts de compétences entre l’État et les collectivités.
Le traitement des logements en péril et celui des logements insalubres demeureront donc distincts pour le moment : le maire continuera de prendre des arrêtés de péril et le préfet continuera de prendre des arrêtés d’insalubrité. Mais, dans les deux cas, ils devront suivre une procédure qui sera identique, et ce grâce aux travaux de la commission.
Le texte de la commission comporte des apports précieux, notamment en ce qui concerne les effets d’une interdiction définitive ou temporaire d’habiter les lieux et le choix des acteurs concernés après qu’une telle interdiction a été prononcée. La commission propose ainsi de rendre obligatoire la présence d’un syndic professionnel en cas d’arrêté de péril ou d’insalubrité.
Madame le rapporteur, vous dotez les collectivités locales de nouveaux pouvoirs pour lutter contre l’habitat indigne sans pour autant alourdir la procédure du permis de louer. Vous complétez notamment un dispositif que nous proposions et qui consiste à exproprier un propriétaire qui ne réaliserait pas les travaux prescrits par un arrêté de péril ou d’insalubrité, tout en donnant un droit de priorité aux collectivités territoriales qui souhaiteraient profiter du bien exproprié.
Vous accentuez les sanctions que nous proposions à l’encontre des marchands de sommeil et faites en sorte que les collectivités territoriales bénéficient du produit des amendes prononcées par le préfet pour non-respect des règles relatives au permis de louer.
Madame le rapporteur, vous appelez tous les acteurs à se mobiliser pour lutter contre l’habitat indigne. Je ne peux que partager pleinement cette volonté.
Il nous faut être à la fois inventifs et concrets dans les dispositifs que nous proposons, à l’image du parcours de rénovation énergétique performante de la ville de Montfermeil où je me suis rendu, moi aussi, en février dernier.
Il en va de même pour la politique de l’habitat à Marseille. Je souhaite que chaque projet de construction ou de réhabilitation d’immeuble, notamment en centre-ville, soit plus vertueux sur le plan énergétique et en lien avec son écosystème environnemental et sociétal.
La deuxième ville de France doit pouvoir se doter d’un projet urbain global plus dynamique. Cette volonté ne peut se concrétiser sans le concours de ses habitants et de ses commerçants, que nous devons associer et faire revenir, car ils font vivre le cœur de ville.
Parvenir à lutter contre la spirale négative de la dégradation du bâti et, par suite, des conditions de vie suppose une approche transversale et coordonnée des actions à mener : plan de sauvegarde, projet urbain, suivi des relogements, accompagnement social et, bien sûr, lutte contre l’habitat indigne.
Ainsi, et pour aller plus loin, on peut penser que la mise en œuvre d’une opération de requalification des copropriétés dégradées serait susceptible d’apporter une aide massive aux petits propriétaires privés qui font face à la dévalorisation de leur immeuble et du quartier sans avoir les moyens financiers d’y remédier efficacement.
Plus largement encore, il serait opportun de créer une zone franche urbaine dans le centre de Marseille, afin d’impulser une nouvelle dynamique économique et sociale. Celle-ci prendrait la forme d’un double panel d’aides et de subventions cumulatives, afin que ce périmètre puisse renouer avec l’attractivité et la réussite économique.
Le retour de petites entreprises et du commerce de proximité contribuerait à la rénovation du centre-ville en engageant un processus de requalification des réseaux, de réhabilitation des devantures commerciales et des façades d’immeubles, de rénovation des locaux professionnels, associé à l’utilisation des nouveaux outils destinés à lutter contre l’habitat indigne.
Telles sont les prémices à l’instauration d’un cercle vertueux qui redonnera vie à des quartiers qui ont depuis trop longtemps le sentiment d’être oubliés.
Le Sénat, sur ces grandes questions, a pris ses responsabilités en inscrivant une nouvelle fois notre proposition de loi à l’ordre du jour.
J’espère que le Gouvernement formulera des propositions constructives et fera preuve d’esprit de dialogue pour que nous trouvions, de manière concertée, les dispositifs les plus pertinents pour lutter contre l’habitat indigne. Il faudra aussi que l’Assemblée nationale se saisisse du texte sans tarder.
C’est un combat commun que nous devons mener ensemble pour qu’il aboutisse rapidement, car c’est une vision de la dignité de l’homme que nous partageons assurément sur toutes les travées ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission et Mme le rapporteur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, il y a sept mois, plusieurs immeubles s’effondraient rue d’Aubagne à Marseille entraînant la mort de huit personnes et obligeant plus d’un millier d’habitants à quitter leur logement. Cet événement dramatique nous faisait prendre conscience, s’il en était besoin, de la situation de l’habitat indigne dans l’ensemble de nos territoires, urbains comme ruraux.
La proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, déposée par notre collègue Bruno Gilles, nous a permis de revenir sur ce sujet – ô combien important ! – de l’habitat indigne. En mars dernier, nous avons décidé de prendre plus de temps pour approfondir l’examen de ce texte. Il s’agissait d’examiner d’autres dispositifs de prévention et de simplification des procédures en matière d’habitat indigne. Je remercie Bruno Gilles d’avoir compris le sens de notre démarche.
Nous avons cherché les moyens de lever les freins législatifs à une mise en œuvre efficace de cette politique. Le texte établi par la commission, que nous examinons ce soir, tient compte des observations recueillies lors de nos nombreux déplacements et auditions. Les principales orientations retenues par Bruno Gilles ont ainsi été confortées.
La commission a centré ses propositions autour de quatre axes.
La détection et la prévention de l’habitat indigne constituent un axe essentiel que l’on néglige bien trop souvent. Or c’est bien connu : « Mieux vaut prévenir que guérir. » Plus on intervient en amont, plus on limitera le nombre de logements indignes. La commission a ainsi créé un chapitre spécifique dans la proposition de loi qui comprend deux mesures.
La première concerne le diagnostic technique global, qui permet de faire un état des lieux de la copropriété. L’outil est intéressant à un double titre. Les copropriétaires bénéficient d’un bilan qui leur sert de base pour engager des travaux. Il s’agit également d’une source de données pour les élus. À Aubervilliers, nous avons vu des immeubles dont la façade est impeccable, mais dont l’intérieur est, en réalité, dans un état de dégradation avancée. Pour les élus, le diagnostic constituerait un outil utile pour repérer ces immeubles. C’est pourquoi la commission l’a rendu obligatoire pour les copropriétés de plus de quinze ans.
La seconde mesure concerne les syndics professionnels. Ils sont aux premières loges pour détecter les logements indignes. La commission leur a donné la possibilité de procéder à des signalements dans les cas d’habitat insalubre, dangereux et indécent, sans que l’on puisse leur opposer le principe de confidentialité des données.
Le deuxième axe est celui de la clarification, de la simplification et de l’accélération des procédures en matière d’habitat insalubre ou dangereux : il repose sur la création d’une police spéciale du logement.
La multiplication des polices n’est pas un gage d’efficacité et peut aussi être source de contentieux. Les événements dramatiques de Marseille nous ont rappelé l’urgence d’agir. Monsieur le ministre, le délai de dix-huit mois dont dispose le Gouvernement pour réformer ces polices par ordonnances est bien trop long. Nous devons arrêter de tergiverser !
C’est pourquoi la commission a décidé de revenir sur l’habilitation à légiférer et de modifier directement le droit en vigueur. Nous proposons de créer une police spéciale du logement qui traitera selon une procédure identique les diverses situations d’habitat dégradé. Cette police spéciale a vocation à traiter l’ensemble des cas, qu’il s’agisse de logements en péril, de logements insalubres ou indécents. Elle a vocation à être aux mains d’un seul acteur : le président de l’EPCI, ou le maire lorsque ce dernier souhaite conserver ses pouvoirs de police, l’État demeurant compétent en cas de carence. Enfin, cette police spéciale a vocation à suivre une procédure identique dans tous les cas.
Malheureusement, Bruno Gilles l’a rappelé, l’article 40 de la Constitution empêche tout transfert de compétences et nous empêche donc de proposer cette réforme dans sa globalité. C’est bien dommage. Je ne peux à ce stade que demander au ministre d’engager cette réforme dans les délais les plus brefs.
Le traitement des logements en péril et celui des logements insalubres demeurent donc distincts à ce stade. Le maire continuera de prendre des arrêtés de péril et le préfet continuera de prendre des arrêtés d’insalubrité. Mais, dans les deux cas, ils devront suivre une procédure qui, elle, sera identique.
Bruno Gilles a proposé d’améliorer deux étapes de la procédure : la phase d’instruction et la phase de relogement.
S’agissant de la phase d’instruction, la commission est allée dans son sens. Elle a donné un délai global de deux mois, à la fois pour visiter les locaux et transmettre le rapport à la personne concernée. Elle a également accéléré la phase de relogement en cas d’interdiction définitive d’habiter, tout en tenant compte du marché du logement. Aussi le délai maximal est-il fixé à six mois dans les zones tendues et à trois mois dans les zones non tendues.
Le dispositif devra certainement être amélioré. Il s’agit de la première pierre de l’édifice. Au Gouvernement, là encore, de démontrer sa volonté d’agir et d’apporter des modifications complémentaires.
Malgré leur volontarisme, les maires sont souvent désarmés, faute de disposer des outils adéquats. Bruno Gilles a proposé d’octroyer de nouveaux pouvoirs aux élus locaux pour mieux lutter contre l’habitat indigne. C’est le troisième axe de nos propositions.
Dans la continuité de la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, et de la loi ÉLAN, nous avons cherché à améliorer le régime juridique des permis de louer et de diviser. Bruno Gilles proposait que le silence gardé pendant deux mois vaille rejet de la demande. Les professionnels sont partagés et les effets de cette mesure sont incertains. C’est pourquoi la commission a proposé qu’une expérimentation soit menée au préalable avec les collectivités volontaires pour une durée de cinq ans.
Les communes peuvent être découragées face à l’ampleur de la tâche que représente l’instruction des permis de louer. La commission a décidé que le bailleur serait dispensé de cette procédure lorsqu’il a bénéficié, pour le bien concerné, d’un permis de louer depuis moins d’un an. Le bailleur devra cependant informer la collectivité de la mise en location du bien.
De nombreux élus sont confrontés à des propriétaires qui n’exécutent pas les travaux définis dans le cadre d’un arrêté de péril ou d’insalubrité. Dans certains cas, l’expropriation est pourtant la seule solution. La commission a fait sienne la proposition de Bruno Gilles de soumettre à la procédure dérogatoire d’expropriation les immeubles qui font l’objet d’une interdiction définitive d’habiter et dont le propriétaire n’a pas réalisé les travaux. Elle a néanmoins ajouté des critères pour rendre le dispositif recevable au regard du droit de propriété.
Les collectivités sont bien souvent à l’origine du signalement de l’insalubrité ou du péril. Elles sont mieux à même que l’État de valoriser et de gérer un bien exproprié sur leur territoire.