M. Marc Laménie. Au vu des explications qu’elle nous a données, je me rallie à la position de la commission, tout en comprenant ce qui a motivé le dépôt de cet amendement par notre collègue, qui connaît bien ce sujet, tout comme nos collègues du groupe CRCE. Un certain nombre d’entre nous sont membres de la délégation aux droits des femmes, qui aborde en particulier ces questions extrêmement sensibles. En tout état de cause, il importe de conserver les moyens humains nécessaires, notamment les professionnels de santé.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je veux dire quelques mots au sujet des avortements hors délai.
Cette période de deux semaines est un vrai sujet. Comme vous l’avez justement indiqué, monsieur le rapporteur, une faible minorité d’IVG, 5 %, ont lieu au cours de la dernière période, et encore moins au cours des périodes suivantes. Je veux bien qu’on dise qu’il faut informer les femmes, mais tout n’est pas qu’une question d’information : les trois quarts des IVG sont pratiqués sur des femmes sous contraceptif. Ces femmes ne sont pas sous-informées ; bien au contraire. Mais soit la contraception n’a pas fonctionné pour elles, soit elles ont connu un accident de contraception. Je ne parle même pas des dénis de grossesse.
Les raisons pour lesquelles une femme se retrouve hors délai légal ne tiennent pas simplement à une absence d’information. C’est pourquoi il est important, à mon sens d’adopter cet amendement tendant à allonger le délai légal de deux semaines.
J’entends bien les propos tenus au sujet des sages-femmes : nous n’aurions pas adopté hier l’amendement tendant à les autoriser à pratiquer l’IVG instrumentale au motif qu’elles ne sont pas formées. Mais nous n’avons pas voté non plus un amendement ou un sous-amendement prévoyant cette formation de manière qu’elles puissent, à l’issue de celle-ci, pratiquer ce type d’IVG. Si nous n’avons pas voté une telle disposition, ce n’est pas parce qu’elle ne relève pas du domaine de la loi ; c’est parce que rien de tel ne nous a été proposé !
Je le maintiens : l’autorisation pour les sages-femmes de pratiquer l’IVG instrumentale a été refusée hier.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 628 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 27.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 349, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2212-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas sont supprimés ;
2° Le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « L’intéressée est informée sans délai dudit refus. L’établissement privé lui communique immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous l’avons déjà dit, une femme sur trois, en France, a recours à une IVG au cours de sa vie. En 2015, 218 100 interruptions de grossesse ont été réalisées en France, un chiffre stable depuis 2006, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees.
Depuis l’adoption de la loi du 17 janvier 1975, dite loi Veil, l’accès à l’IVG reste difficile, voire l’est de plus en plus. Les obstacles sont nombreux. Je le répète, en dix ans, 130 centres d’interruption volontaire de grossesse ont fermé. Les professionnels formés manquent, on vient de le dire, et on déplore des sites de désinformation, contre lesquels nous avons adopté des mesures, des entraves physiques et un discours culpabilisateur et moralisateur émanant de mouvements réactionnaires.
Par ailleurs, l’article L 2212-8 du code de la santé publique prévoit que, au-delà de la clause de conscience générale s’appliquant aux médecins pour tout acte médical, l’IVG est concernée par une clause de conscience spécifique. Des exemples récents, notamment l’absence d’IVG à l’hôpital du Bailleul à La Flèche, faute de médecins, et les propos tenus par le président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, ont montré que le recours à cette double clause est important et peut, dans un contexte de pénurie de médecins et de structures, constituer un obstacle supplémentaire.
Qui plus est, cette double clause est injuste. En effet, si on peut comprendre qu’une telle disposition ait permis d’aboutir à un consensus au moment du vote de la loi Veil en 1975, on ne peut comprendre qu’elle perdure aujourd’hui.
Vous le savez, mes chers collègues, si un praticien ne veut pas réaliser un acte médical, la clause de conscience de droit commun lui donne le droit de refuser d’accomplir cet acte.
Il n’est donc pas besoin de renforcer la possibilité d’un refus pour ce qui concerne l’interruption volontaire de grossesse. Les médecins ont déjà la possibilité de ne pas réaliser un acte s’ils ne le souhaitent pas. Ainsi, pourquoi conserver une mesure d’exception s’agissant du droit des femmes à disposer de leur corps ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cette double clause de conscience. Cette mesure, qui introduirait un progrès, est vraiment attendue par toutes les militantes et tous les militants féministes. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en 2019 !
M. le président. L’amendement n° 735 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2212-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les premier et deuxième alinéas sont supprimés ;
2° Le troisième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « En cas de refus, l’intéressée est informée sans délai dudit refus. L’établissement privé ou le médecin à l’origine du refus, lui communique immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2. »
L’amendement n° 630 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Meunier et Lepage, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Iacovelli et Daudigny, Mme Conconne, MM. Manable, Leconte, M. Bourquin, Tourenne et Duran, Mmes Monier et Blondin et M. Mazuir, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 2212-8 du code de la santé publique, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un médecin ayant refusé de pratiquer une interruption volontaire de grossesse au titre des dispositions prévues au premier alinéa du présent article ne peut pas être nommé responsable de structure interne, service ou unité fonctionnelle.
« Lorsqu’un responsable de structure interne, service ou unité fonctionnelle refuse de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, il est mis fin à ses fonctions. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter ces deux amendements.
Mme Laurence Rossignol. L’amendement n° 735 rectifié bis est similaire à celui que vient de présenter Mme Cohen.
Le Parlement européen, dans une résolution récente, constatait qu’on observait, dans les États membres, une augmentation du nombre de médecins refusant de pratiquer des avortements. Ainsi l’Europe, et sans doute la France, connaît-elle une situation paradoxale : alors que le droit à l’IVG progresse – je pense notamment au cas de l’Irlande –, la clause de conscience empêche son effectivité. À cet égard, je pense au cas de l’Italie, où l’accès à l’IVG est devenu quasiment impossible, dans la mesure où 75 % des médecins refusent de la pratiquer, bien qu’elle soit inscrite dans la loi.
En France, la clause de conscience spécifique, je le rappelle à tous mes collègues, s’ajoute à la clause de conscience générale prévue dans le code de déontologie, qui garantit à tous les soignants la possibilité de refuser de faire un acte médical avec lequel ils seraient en désaccord. Cette clause de conscience spécifique, qui n’existe que pour l’IVG, stigmatise cet acte. Elle infantilise les femmes, en les obligeant à vérifier que le médecin chargé des IVG accepte de les réaliser.
Madame la ministre, mes chers collègues de la majorité gouvernementale, vous avez fait campagne voilà quelques semaines en reprenant la clause de l’Européenne la plus favorisée, qui avait été élaborée par Gisèle Halimi. Vous avez proposé un bouquet législatif pour les femmes en Europe, qui consiste à retenir les lois les plus favorables pour les femmes. Avec la clause de conscience spécifique, la France possède une loi qui n’est pas favorable aux femmes. Or, en matière de droits des femmes, parce que vous vous y êtes engagés au moment des élections européennes et parce que c’est le rôle de la France, nous devons donner l’exemple et être un point d’appui pour les autres pays européens. C’est la raison pour laquelle nous devons supprimer cette clause de conscience spécifique.
À cet égard, j’ai entendu plusieurs fois un argument que je considère comme inacceptable de la part de ceux qui le défendent et de ceux qui le reprennent. Il est ainsi prétendu que les médecins contraints de réaliser des IVG se vengeraient en maltraitant les femmes. Un tel argument n’est pas acceptable ; il est contraire au serment d’Hippocrate et au code de déontologie. Ceux qui y ont recours se couvrent de honte. Nous ne devons pas le valider.
M. Alain Milon, rapporteur. Nous ne le validons pas !
Mme Laurence Rossignol. Je ne peux pas l’entendre de la part de gens qui, par ailleurs, défendent l’accès des femmes à l’IVG.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La clause de conscience spécifique concernant l’IVG est contrebalancée par l’obligation faite aux médecins qui refusent de pratiquer une IVG de communiquer immédiatement à l’intéressée le nom des praticiens susceptibles de réaliser l’intervention.
Supprimer l’alinéa considéré serait donc contreproductif, puisqu’un médecin pourrait toujours refuser, en application de la clause de conscience générale, de pratiquer une IVG, mais n’aurait plus, dans la configuration proposée par le biais des amendements nos 349 et 735 rectifié bis, l’obligation de rediriger la patiente vers un autre professionnel ou une autre structure.
Même la rédaction de l’amendement n° 735 rectifié bis ne parvient pas à préserver cette obligation pour tous les praticiens, dans la mesure où il tend à insérer une précision sur l’obligation de réorientation au troisième alinéa de l’article L. 2212-18 du code de la santé publique, ce qui n’est pas suffisant, car cet alinéa ne vise que les IVG pratiquées en établissement privé, alors même que les femmes en situation de détresse sont majoritairement prises en charge dans le secteur public.
Enfin, l’amendement n° 630 rectifié est problématique sur le plan constitutionnel. En effet, la mise en place de sanctions pour ce qui concerne la carrière, notamment par des licenciements ou rétrogradations, en cas d’exercice de la clause de conscience générale ne semble pas compatible avec la liberté de conscience garantie à tout citoyen par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 349, 735 rectifié bis et 630 rectifié
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il s’agit d’une discussion très importante. La question est de savoir si on vote en fonction de principes ou bien en fonction de droits réels des femmes.
Je comprends votre argumentaire, madame Rossignol, il est limpide et coule de source. Il faut par principe ne pas stigmatiser le droit à l’IVG, qui est un atout pour les femmes. En effet, nous avons proposé, à l’échelon européen, que les lois les plus favorables aux droits des femmes s’appliquent.
Mais je ne suis pas d’accord avec vous sur un point. Je suis intimement convaincue que la clause de conscience spécifique protège les femmes. C’est la raison pour laquelle je m’oppose à sa suppression. Ce débat oppose les principes au droit réel.
Pour défendre la clause de conscience spécifique, je vous renvoie tout d’abord à l’argumentaire développé par M. le rapporteur. En effet, cette clause de conscience oblige les médecins à réorienter immédiatement les femmes vers un praticien pratiquant l’IVG. Tel n’est pas le cas pour ce qui concerne la disposition du code de déontologie.
Si un praticien invoque la clause de conscience spécifique, sa position est connue de l’hôpital et, donc, des femmes. Ces dernières ne perdront pas de temps à attendre un rendez-vous avec un gynécologue, qui, au dernier moment, après peut-être deux semaines d’attente, leur dira qu’il n’a pas envie de pratiquer cet acte, en vertu de la clause de conscience susceptible de concerner n’importe quel acte médical. Dans ce cas, le médecin ne sera pas obligé d’orienter la patiente vers un autre professionnel. En réalité, on fera perdre des chances aux femmes.
Avec la clause de conscience spécifique, les choses sont claires. Peut-être n’est-ce pas glorieux, mais les femmes ne perdent pas de temps dans un parcours erratique qui les mènera vers des professionnels parfois hostiles à l’IVG. Elles risqueraient ainsi de ne pas pouvoir accéder dans les délais à un professionnel susceptible de pratiquer l’IVG.
Pour ma part, je me bats pour le droit réel des femmes. À mon avis, je le répète, la clause de conscience spécifique constitue une protection. C’est la raison pour laquelle je m’oppose à sa suppression.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote sur l’amendement n° 349.
M. Bernard Jomier. Sur cette question de la clause de conscience, je vous avais interrogée l’an dernier, madame la ministre, au cours d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement. Votre réponse est constante, et j’en comprends la logique.
Pour ma part – je parle en tant que parlementaire, mais aussi en tant que médecin –, je ne suis pas convaincu qu’on protège ainsi les femmes. Je pense que cette mesure a un effet sur les jeunes, qui apprennent qu’il existe pour l’IVG une clause de conscience particulière, distincte de la clause de conscience générale.
Selon moi, il est temps de faire entrer l’IVG dans le droit commun. C’est un acte que les médecins peuvent et doivent pratiquer. Bien sûr, en 1975, il a fallu faire accepter une réforme complexe aux enjeux éthiques profonds. Il était alors logique d’adopter des dispositions, notamment la double clause de conscience, dont la vocation était, à mon sens, transitoire, afin d’évoluer vers une meilleure acceptabilité.
Mais quarante-quatre ans plus tard, il convient de sortir d’un tel dispositif ! Cette clause de conscience spécifique, qui est différente de la clause de réorientation – les deux aspects pourraient sans problème être scindés –, doit disparaître. En effet, elle envoie un message non seulement aux jeunes médecins qui sont formés, mais aussi à l’ensemble de la société : l’interruption volontaire de grossesse resterait un acte à part. Une telle conception ne peut que donner lieu à toutes les dérives possibles.
Pour ma part, je voterai les amendements visant à supprimer la double clause de conscience.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 349.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 145 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 92 |
Contre | 247 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 735 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’amendement n° 630 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. L’amendement n° 630 rectifié est un amendement de repli.
J’entends bien ce qu’explique Mme la ministre, mais je n’ai pas le même point de vue qu’elle, car la comparaison avec les pays dans lesquels il n’y a pas de clause de conscience me permet d’être plus sereine qu’elle quant aux conséquences de l’abrogation de la clause de conscience spécifique à l’IVG.
Cet amendement va cependant dans le même sens que ce que Mme la ministre exposait – sécuriser les femmes pour ne pas leur faire perdre de temps –, car il vise à ce qu’un médecin ayant refusé de pratiquer une interruption volontaire de grossesse au titre de la clause de conscience spécifique ne puisse pas être nommé responsable d’une structure interne, d’un service ou d’une unité fonctionnelle.
Autrement dit, un gynéco-obstétricien opposé à l’IVG ne pourra pas être chef d’un service d’obstétrique. D’un certain point de vue, l’IVG fait partie des responsabilités d’un médecin obstétricien, de l’approche globale de la santé reproductive des femmes. On ne peut pas être pour la procréation médicalement assistée, pour les inséminations artificielles, pour la fécondation in vitro, et refuser que son service fasse des IVG. En effet, quand le chef de service fait valoir sa clause de conscience spécifique, cela a une influence sur ses collègues.
Je propose donc cet amendement de repli : un obstétricien ne peut être chef de service s’il est objecteur de conscience à l’IVG.
M. le président. L’amendement n° 629 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Meunier et Lepage, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Iacovelli et Daudigny, Mme Conconne, MM. Manable, M. Bourquin et Tourenne, Mme Grelet-Certenais, M. Mazuir, Mmes Blondin et Monier et MM. Duran et Leconte, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2212-8 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La liste des médecins, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux ayant refusé de pratiquer une interruption volontaire de grossesse en vertu du présent article est rendue publique par voie numérique et régulièrement actualisée dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Le présent amendement devrait recueillir un avis favorable de votre part, madame la ministre, puisque vous nous avez expliqué que vous étiez soucieuse que les femmes ne perdent pas de temps lorsqu’elles veulent procéder à une IVG. Or, pour cela, il faudrait peut-être disposer de la liste actualisée des médecins objecteurs de conscience. Cela fait des années que je la cherche, je me suis adressée à l’ARS et à divers services du ministère de la santé, mais en vain.
Je propose donc que l’on exige par la loi l’élaboration d’une telle liste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le rapport demandé fera état de la vérification de la lisibilité de ce dispositif.
Cette question figure dans ce qui a été demandé aux ARS pour évaluer l’accessibilité des femmes à l’IVG : la clause de conscience apparaît-elle clairement dans les hôpitaux ? Soit cette donnée est très claire, les services de gynécologie savent à qui ils doivent ou ne doivent pas adresser les femmes, auquel cas l’inscription dans la loi n’est pas nécessaire, soit cela manque de clarté, mais je ne le crois pas – quand une femme est envoyée vers un gynécologue pour demander un avortement, on lui répond que tel médecin ne pratique pas l’IVG et que tel autre la pratique –, et alors il faut y remédier.
Cette question fait donc partie du rapport qui vous sera remis en fin d’année.
Par conséquent, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat est très intéressant, et les arguments échangés le sont tout autant.
Toutefois, je vois une contradiction. Mme la ministre nous dit – c’est d’ailleurs logique et cela peut être vérifié – que, quand une femme téléphone à un service et demande une consultation pour un avortement, le secrétariat lui indique si le médecin pratique cet acte ou non. C’est clair, c’est net.
Cela étant, quand on a expliqué, lors de l’examen de l’amendement précédent, qu’il était nécessaire de supprimer la double clause de conscience, on nous a rétorqué que le danger était que les femmes perdent du temps. Il faut savoir ; soit c’est clair dans les services, on sait qui pratique ou ne pratique pas l’IVG, auquel cas on peut abroger la double clause de conscience, soit il y a un problème.
Autre élément que je souhaite porter à votre connaissance, mes chers collègues : il me semble extrêmement important de faire en sorte que cet acte d’interruption volontaire de grossesse fasse partie du droit commun. Entre le vote de la loi Veil et aujourd’hui, il s’est tout de même écoulé beaucoup de temps. Les médecins sont responsables, s’ils ne pratiquent pas certains actes, il faut que ce soit clair, que cela figure sur une liste.
J’ai quand même le sentiment que, chaque fois que nous posons des questions relatives à la santé des femmes, à leurs droits, singulièrement à propos de l’interruption volontaire de grossesse, il y a une telle timidité, une telle prudence que cela bloque l’évolution des droits des femmes.
Je peux en comprendre les raisons, mais, à un moment, il faut quand même prendre des décisions. Depuis lundi dernier, nous adoptons des mesures extrêmement importantes pour l’avenir de notre système de santé ; de temps en temps, il faut peut-être, être un peu plus ambitieux et courageux, il faut peut-être que les parlementaires prennent un certain nombre de mesures sur l’IVG.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 629 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 146 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Pour l’adoption | 89 |
Contre | 230 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 748, présenté par Mme Rossignol, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l’article L. 5122-6, après le mot : « remboursables », sont insérés les mots : « ou pour les médicaments remboursables ayant pour but la contraception d’urgence et qui ne sont pas soumis à prescription médicale obligatoire » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 5122-8, après la référence : « L. 5122-6 », sont insérés les mots : « pour les médicaments remboursables ayant pour but la contraception d’urgence et qui ne sont pas soumis à prescription médicale obligatoire ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Certains interdits pèsent sur la publicité pour certains contraceptifs, notamment pour la contraception d’urgence, fréquemment appelée la « pilule du lendemain ».
Cet amendement est issu d’une proposition du laboratoire qui distribue la contraception d’urgence. Je ne crois pas avoir cédé, en le déposant, à la pression du lobby pharmaceutique, car le dispositif proposé va dans l’intérêt des femmes, notamment des jeunes.
Cet amendement tend à lever les interdits qui s’appliquent spécifiquement à la publicité pour la contraception d’urgence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Mme Rossignol a effectivement bien précisé que c’est le laboratoire qui produit ce médicament qui a demandé l’autorisation de la publicité.
Les médicaments de contraception d’urgence ne sont pas anodins. Eu égard aux prescriptions observées et à leur prise, ils ne peuvent être assimilés aux substituts nicotiniques ni même aux vaccins, pour ce qui concerne l’accès à la publicité.
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas de la publicité, c’est de l’information !