M. Alain Milon, rapporteur. Je rejoins Bernard Bonne.
Il y a deux sujets : la proximité et l’attractivité.
La nécessaire proximité suppose évidemment de mettre à disposition le maximum de possibilités pour soigner au mieux l’ensemble de nos concitoyens, quel que soit le territoire.
L’attractivité implique de permettre aux personnes qui seraient intéressées par l’exercice d’une profession médicale de pouvoir en vivre.
C’est le cœur du problème. Cela nous renvoie évidemment au nerf de la guerre. Nous devons trouver les financements nécessaires pour que les populations soient le mieux soignées possible et que les professionnels de santé aient les moyens de vivre le plus convenablement possible.
Pour cela, il faut accepter certaines mesures ; là, je sais que je vais me faire des ennemis. Lorsque nous proposons en loi de financement de la sécurité sociale d’augmenter les taxes sur le tabac ou les alcools, cela suscite des oppositions sur toutes les travées. Lorsque nous proposons une hausse des cotisations, c’est le patronat qui n’en veut pas. Lorsque nous proposons de relever la contribution sociale généralisée, la CSG, ce sont les retraités qui ne sont pas d’accord. Lorsque nous proposons une taxation sur les laboratoires pharmaceutiques, une partie de l’hémicycle y est hostile. Lorsque nous proposons une taxation sur les mutuelles, c’est une autre partie de l’hémicycle qui s’y oppose. Au final, les Ondam auxquels nous aboutissons ne sont pas ceux qui seraient nécessaires pour garantir un financement suffisant de l’activité dans son ensemble.
Puisque nous sommes tous d’accord sur la nécessité de la proximité et sur le besoin de professionnels, soyons aussi d’accord lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour donner à la sécurité sociale les moyens de garantir les soins les plus appropriés à la population. Pour cela, il faudra adopter une série de mesures. J’espère que nous serons d’accord pour toutes les voter ; je dis bien toutes, sans exception !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je vais faire un petit historique.
Aujourd’hui, dans les territoires, il y a très peu d’attractivité, qu’il s’agisse de la médecine libérale ou des hôpitaux locaux. Dans la fonction publique hospitalière, quasiment 30 % des postes de praticiens hospitaliers sont vacants. Cela concerne notamment les urgentistes. Des postes ouverts ne sont pas pourvus, parce que ces urgentistes n’existent pas !
De surcroît, les réformes successives – je ne jette la pierre à personne ; ces mesures ont eu leur utilité –, comme celle de la T2A, ont eu pour conséquence de créer une compétition entre les établissements de santé.
On a ainsi laissé mourir à petit feu des hôpitaux avec une faible attractivité, car situés sur un bassin de vie assez restreint ou des territoires en perte démographique. Ces établissements ont perdu de l’activité, donc des financements, donc des capacités à recruter.
Au final, dans beaucoup de vos territoires, les hôpitaux sont moribonds. Les lignes de garde ne sont pas toujours pourvues. Et des intérimaires s’en mettent plein les poches !
M. Raymond Vall. C’est vrai !
Mme Agnès Buzyn, ministre. En effet, ils profitent de la situation : si le bloc opératoire ne fonctionne pas, il n’y a plus d’activité, et l’établissement perd des financements.
Le système marche sur la tête ! La loi que je vous propose est une loi de cohérence, de remise en ordre. Cela passe par des leviers financiers. Je veux réduire progressivement la T2A. Je veux que les hôpitaux arrêtent d’être en concurrence et mutualisent leurs moyens. C’est ce qui est proposé aujourd’hui. Ce sera également dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les hôpitaux de proximité ne doivent plus être financés à l’activité. Ils ont vocation non pas à faire des actes pour faire des actes, mais à rendre service à un territoire. Je proposerai un modèle de financement en loi de financement de la sécurité sociale. Cela ne figure pas dans le présent projet de loi, car le dispositif n’est pas prêt. Mais vous pourrez en débattre à cette occasion.
Je souhaite des hôpitaux de proximité recentrés sur le cœur des besoins de territoire. Nous définissons un certain nombre de missions. Il peut s’agir de médecine ou de plateau technique ; pour bien soigner, il est indispensable d’avoir de la biologie et de la radiologie disponibles. Nous proposons un développement en fonction de la faisabilité sur le territoire, notamment de l’offre de soins existants. Ils pourront éventuellement exercer des activités de chirurgie définies par la Haute Autorité de santé, par exemple celles qui ne nécessitent ni plateau technique, ni salle de réveil, ni anesthésiste… Laissons les autorités scientifiques nous indiquer les actes potentiels. Cela peut être la cataracte. Ce n’est pas à moi d’en décider. Les professionnels sont les mieux à même de déterminer ce qui est faisable et ne présente pas de danger pour les malades.
J’ai ardemment souhaité qu’il y ait une obligation d’avoir des consultations avancées de spécialistes dans ces hôpitaux de proximité. Je ne veux pas que, dans les territoires concernés, les malades ne soient pas adressés à un cardiologue, à un endocrinologue ou à un ophtalmo, parce que les transports coûteraient trop cher ou parce que l’hôpital n’aurait pas les moyens de les envoyer ailleurs.
J’ai introduit dans le texte des consultations avancées de spécialité. Je l’ai observé dans beaucoup de territoires : les chirurgiens viennent de l’hôpital pivot du GHT. Ils viennent faire une consultation, mais les malades sont opérés dans l’hôpital de recours. Cela garantit la qualité des soins et un parcours de soins programmé.
Je comprends que beaucoup de sénateurs m’alertent sur les SMUR. Je reviens du congrès des urgentistes, où je les ai rencontrés. Je ne suis ni sourde ni aveugle. Je sais ce qui se passe au sein des urgences. Il y a à l’évidence un problème de flux de malades. La loi y répondra partiellement, en réorganisant au mieux les parcours de soins ville-hôpital notamment et l’accès aux soins non programmés. Mais il y a des problèmes spécifiques. Les locaux sont parfois trop exigus. J’ai fait des annonces.
Aujourd’hui, les services d’urgences ne sont pas en mesure de fonctionner. Comme je l’ai indiqué, pour que le service tourne, il faut huit urgentistes payés à temps plein, du fait des repos de sécurité, des vacances, des ponts… Nous ne les avons pas. D’ailleurs, aucun pays au monde ne les a. Je pourrais vous raconter mes échanges avec mes homologues européens. Eux n’ont même pas d’infirmiers ou d’infirmières !
Mme Laurence Cohen. Parce que ce sont les mêmes politiques libérales partout !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous avons de la chance. Nous pouvons faire des délégations de tâches. D’autres, comme l’Allemagne, ne le peuvent pas.
Nous avons prévu que les SMUR, les services d’urgences ou des centres de périnatalité puissent être maintenus dans des hôpitaux de proximité, en fonction des besoins du territoire et de l’offre avoisinante. Bien entendu, si le premier service d’urgences est à 200 kilomètres, nous nous poserons la question du maintien d’un SMUR. Mais je veux que ce SMUR soit mutualisé avec d’autres services, afin d’avoir la certitude que la ligne de garde sera bien occupée. Le prochain article, qui concerne les GHT, prévoit une mutualisation des ressources humaines.
C’est une logique d’ensemble qui passe par le financement et par le recentrage des missions, afin de répondre aux besoins du territoire.
À mon avis, en introduisant dans la loi des obligations que nous n’avons pas les moyens de tenir, nous déconstruirons un schéma pensé pour répondre au mieux aux besoins et mettre un terme à cette course à l’activité inopportune et à cette concurrence entre les établissements totalement invraisemblable au vu de l’état de nos territoires. Nous allons permettre à ces hôpitaux de revivre. C’est une chance. Il s’agit de revitalisation. C’est cela que vous devez défendre dans vos territoires : réinvestir ces hôpitaux, les rendre attractifs.
Je suis vraiment défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. Je ne mets pas en doute les explications que vous avez apportées. Je veux exprimer un souhait.
Ma collègue Cathy Apourceau-Poly vous a posé une question. Je comprends que vous ayez besoin de temps pour construire votre réponse. Elle vous a demandé si les urgences de l’hôpital de Lens allaient fermer en juillet et en août. Il est normal qu’une sénatrice ou un sénateur, quelle que soit son étiquette politique, puisse obtenir une réponse à ce type de question.
Je suis élu dans le Val-de-Marne, pas dans le Pas-de-Calais. Mais que répondez-vous au fait qu’il y ait 70 000 passages dans ces urgences ? Il s’agit d’un bassin minier, avec une grande tradition et des pathologies très territorialisées ; 300 000 personnes y vivent.
J’entends vos propos sur la gradation ou l’attractivité. Mais, comme vous devez le savoir, dans cet hôpital, sept urgentistes sur dix-huit ont démissionné !
Vous pouvez nous répondre maintenant ou nous dire que vous répondrez plus tard. Mais je vous demande de nous répondre ; c’est tout de même une question d’éthique. Les urgences de l’hôpital de Lens vont-elles fermer deux mois ? Répondre à l’interrogation de ma collègue Cathy Apourceau-Poly, c’est aussi une urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je n’ai pas avec moi l’ensemble des listes de garde de tous les hôpitaux français, monsieur le sénateur. Vous m’interpellez en séance, dans le cadre d’une loi générique, sur le cas particulier d’un hôpital dont je comprends certes l’importance, mais pour lequel je ne dispose d’aucune information spécifique concernant la liste de garde au mois de juillet.
En revanche, je puis vous assurer que, comme tous les ans, j’organiserai cette année encore, avant l’été, une réunion avec l’ensemble des parties prenantes et les services d’urgences afin de faire face aux problèmes liés aux vacances, mais aussi aux difficultés liées à de possibles canicules. Cette réunion aura lieu d’ici à une quinzaine de jours, et nous examinerons quelles sont les possibilités de maintenir telle ou telle activité. Tout cela sera discuté en lien avec les fédérations hospitalières, les syndicats et les représentants des urgentistes. Comme chaque année, je veillerai à ce que les gardes soient organisées et nous anticiperons sur les difficultés liées aux périodes estivales.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 774 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Pour l’adoption | 27 |
Contre | 282 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Compte tenu de ce résultat, puis-je considérer que le vote ira dans le même sens sur les autres amendements en discussion commune, d’autant qu’ils sont relativement proches ?
M. Bernard Jomier. Non, nous demandons que l’amendement n° 719 rectifié soit également mis aux voix par scrutin public.
Mme Laurence Cohen. Nous souhaitons la même chose pour l’amendement n° 311 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Nous ne demandons pas forcément de scrutin public sur l’amendement n° 356 rectifié, mais nous voulons au moins qu’il soit mis aux voix à main levée.
M. le président. Nous allons donc procéder au scrutin public sur chaque amendement.
Je mets aux voix l’amendement n° 356 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 142 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 38 |
Contre | 301 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 311 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Pour l’adoption | 22 |
Contre | 303 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 719 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, après le premier scrutin public, vous nous avez demandé si nous acceptions une mise aux voix simplifiée sur le reste des amendements en discussion commune. J’ai alors exprimé le souhait que l’amendement n° 719 rectifié soit mis aux voix par scrutin public. Certes, je n’ai pas transmis de document signé en ce sens, mais d’autres étaient dans ce cas.
Vous nous avez indiqué que chaque amendement ferait l’objet d’un scrutin public. J’aimerais comprendre pourquoi le scrutin public n’a pas eu lieu sur notre amendement.
M. le président. Effectivement, mon cher collègue, j’avais dit cela en recevant une liasse de demandes de scrutin public. Vérification faite, aucune ne portait sur votre amendement. Toutes les demandes provenaient du groupe La République En Marche, qui n’en a déposé aucune sur votre amendement.
Mme Laurence Rossignol. On ne peut plus leur faire confiance ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 775 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe La République En Marche.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 30 |
Contre | 296 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 717 rectifié, présenté par Mme Rossignol, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, Joël Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Participent à la lutte contre la désertification médicale dans une approche territoriale de la santé en garantissant l’accès aux services d’obstétrique et d’orthogénie dans l’offre hospitalière de proximité. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Voici, si j’ai bien compris, le cadre général dans lequel s’inscrit cette discussion : les temps changent, les médecins aussi, les pathologies, en particulier chroniques, évoluent, les plateaux techniques sont de plus en plus pointus, et il faut, pour les hôpitaux de proximité, prendre en compte la spécificité des territoires et faire confiance aux professionnels qui décideront de l’offre médicale qui y sera proposée.
Tout cela n’est pas faux, mais il reste quand même des invariants historiques et géographiques ; il s’agit de la reproduction – la manière dont on fait les bébés – et de la nécessité, pour les femmes, de pouvoir accéder à des lieux de planification, à des centres d’orthogénie, dans lesquels elles peuvent être conseillées, accompagnées, tant pour leurs besoins de contraception qu’en matière d’IVG. C’est clair, un centre d’orthogénie ne nécessite pas de plateau technique exceptionnel.
Je suis particulièrement inquiète des conséquences des nombreuses fermetures de maternité – je pense en particulier aux maternités situées dans les territoires les plus isolés –, car, le plus souvent, le service d’orthogénie est adossé au service d’obstétrique. Je crains donc que cela n’éloigne les moyens contraceptifs et l’accès à l’IVG des femmes et de leurs besoins, dans tous les territoires, car il n’y a pas de territoires avec plus ou moins de besoins en matière de planification. D’où cet amendement, qui vise à préciser que les hôpitaux de proximité comporteront une offre médicale en matière d’orthogénie.
Autre remarque : vous avez indiqué à plusieurs reprises, madame la ministre, que ce qui nous arrive se produit partout, qu’il y a dans tous les pays européens le même déficit médical. Certes, mais il y a eu, dans tous les pays européens, la même politique, en réaction à l’inflation des dépenses de santé liée au vieillissement et au progrès médical.
Mme Laurence Cohen. Eh oui !
Mme Laurence Rossignol. Tous les pays ont considéré que, pour réduire les dépenses sociales, il fallait d’abord réduire l’offre, le nombre de prescripteurs. Moins il y a de médecins, moins il y a de dépenses : voilà la politique qui a été menée dans tous les pays en même temps !
Il n’est pas étonnant que les mêmes causes produisent les mêmes effets, mais la disparition des médecins n’est pas un phénomène semblable à la disparition des espèces. C’est un phénomène d’origine politique, lié à des choix stratégiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 182 rectifié, présenté par MM. Joël Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Sueur et Montaugé, Mme Harribey, MM. Vaugrenard, Todeschini et Marie, Mme Lepage, M. M. Bourquin, Mme G. Jourda, MM. P. Joly, Duran et Lurel, Mmes Artigalas, Grelet-Certenais et Conconne, MM. Manable et Tissot, Mme Taillé-Polian, MM. Kerrouche, Courteau et Temal et Mme Monier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Participent à la lutte contre la désertification médicale dans une approche territoriale de la santé. »
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Je vais poursuivre le dialogue de sourds que nous avons depuis la reprise de la séance, en défendant un amendement visant à fixer, comme critère de définition des hôpitaux de proximité, la lutte contre la désertification médicale. Il s’agit de répondre ainsi à une inquiétude profonde qui traverse nos territoires et de réaffirmer un principe qui a besoin d’être rappelé : la santé est aussi une affaire d’aménagement du territoire et de respect de l’égalité entre territoires.
La durée des trajets pour accéder aux soins ne cesse de s’allonger. À court terme, cela pourrait mettre en péril la santé de nos concitoyens vivant en zone isolée. Des exemples d’AVC ou d’accouchements pendant le trajet ont été donnés précédemment ; ce ne sont pas des faits rares, et cela fait prendre de grands risques aux femmes et aux couples, sans compter le surcoût financier engendré.
La disposition contenue dans cet amendement répond à la volonté des Français d’avoir accès à des maternités, à des plateaux techniques hospitaliers et à des services d’urgences de proximité dans un rayon d’environ trente minutes autour de leur domicile. Une approche territoriale de la politique de santé permettra de lutter contre ce phénomène. Les hôpitaux de proximité peuvent représenter le fer de lance d’une lutte sanitaire salutaire et fondamentale pour les Français.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter pour cet amendement, qui tend à faire de ces hôpitaux un outil de lutte contre la désertification médicale, en garantissant un meilleur maillage hospitalier pour la France. Cela tiendra compte des demandes, soulevées précédemment, de la commission de l’aménagement du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je vais continuer ce dialogue de sourds… Néanmoins, j’observe préalablement que, selon que l’on est ou non au pouvoir, le discours peut changer.
Mme Catherine Deroche. Tout à fait !
M. Alain Milon, rapporteur. La mission mentionnée dans les amendements nos 717 rectifié et 182 rectifié de « lutte contre la désertification médicale » paraît beaucoup trop vague.
Les hôpitaux de proximité auront bien évidemment un rôle à jouer, en articulation avec les acteurs de l’ambulatoire, pour être des catalyseurs de l’accès aux soins dans les territoires. Leur responsabilité territoriale, partagée avec les autres acteurs de santé, est déjà explicitement mentionnée.
Quant à l’accès à des services de maternité, mentionné à l’amendement n° 717 rectifié, il est déjà garanti à l’article 8, tel qu’il est actuellement rédigé, par le rôle d’orientation des patients vers les autres structures de prise en charge.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. On a déjà beaucoup parlé de la désertification médicale : avis défavorable sur l’amendement n° 182 rectifié.
Je veux répondre très précisément à Mme Rossignol.
En premier lieu, en ce qui concerne les politiques de santé en général, c’est vrai, le numerus clausus a été largement institué pour réduire les dépenses de santé dans notre pays. Néanmoins, cette politique est loin d’expliquer à elle seule la démographie médicale mondialement déficitaire. Je pense, par exemple, au Royaume-Uni, où le NHS ne prévoit pas de tarification à l’acte, puisque les médecins sont salariés. Pourtant, ce pays a la pire démographie médicale qui soit, avec deux fois moins de médecins généralistes que sur le territoire français.
Parmi les causes, il y a aussi l’augmentation du niveau de vie, qui entraîne un allongement de la durée de vie et l’émergence de pathologies chroniques. Les besoins de santé ont donc considérablement augmenté. Un autre facteur est le désir des jeunes médecins de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Bref, il y a tout un tas de paramètres qui n’ont pas été anticipés et qui ont conduit à la situation actuelle.
En deuxième lieu, sur les maternités, j’observe qu’il y a, dans notre pays, une très grande sensibilité sur ce sujet, ce que je peux entendre, car je comprends évidemment l’angoisse des femmes. Toutefois, certains pays ont des maternités situées à de très grandes distances des habitants, du fait même de la géographie. En Australie, les habitants sont répartis sur tout le territoire, et ils n’ont pas de maternité située à moins de quarante-cinq minutes de leur domicile. Il en va de même au Canada. J’ai discuté récemment avec mon homologue de Norvège ; dans ce pays, les femmes font en moyenne quatre ou cinq heures de route pour aller accoucher. Il faut donc bien organiser le territoire en fonction de la réalité de la géographie du pays.
Parallèlement, on ne peut pas souffrir, en France, l’idée de la fermeture d’une maternité ; c’est anxiogène, et je peux l’entendre. C’est pourquoi je vais proposer un « pack maternité », c’est-à-dire une série de mesures destinées à accompagner et à sécuriser les femmes, lorsqu’une maternité ferme ou que la plus proche se situe déjà à une distance notable de leur lieu d’habitation.
En effet, il y a déjà, avant même toute fermeture supplémentaire d’établissement, des femmes qui habitent très loin de la maternité. Je pense notamment à la Guyane et à la Corse ; une femme qui habite à Calvi doit accoucher à Bastia, soit à une heure et quart ou à une heure et demie de route. Il n’y a jamais eu de maternité dans cette ville, où il n’y a pas non plus d’hôpital, il n’y a qu’une antenne.
Ce « pack maternité », qui comprendra une série de mesures d’accompagnement et de sécurisation des femmes enceintes, sera présenté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Vous aurez donc à en débattre.
Je pense sincèrement qu’il faut raison garder sur la question des maternités françaises. Nous avons un bon maillage de maternités, meilleur que bien des pays. Je crois par exemple que la Suède, qui compte 20 millions d’habitants, a entre 40 et 50 maternités, quand nous en avons 550 pour 67 millions d’habitants… Clairement, le problème que nous vivons aujourd’hui n’est pas dramatique.
En outre, la plupart des pays ont centralisé leurs accouchements dans de très grosses maternités. Au Royaume-Uni et en Suède, 70 % des accouchements ont lieu dans des maternités de plus de 2 000 accouchements par an. Ce n’est pas du tout le choix que nous avons fait en France, puisque nous avons préservé de petites maternités, avec des seuils de 500 à 600 accouchements. Ainsi, aujourd’hui, seuls 20 % des accouchements ont lieu dans de très grosses maternités. Nous avons donc un bon maillage territorial, et nous essayons, autant que faire se peut, de préserver les maternités.
Cela étant, c’est la démographie qui fait que, dans certaines maternités, il n’y a pas les ressources humaines nécessaires, en matière d’infirmiers de bloc, d’anesthésistes, d’obstétriciens et de pédiatres, les quatre professions nécessaires pour faire tourner une maternité. Quand on ferme ces maternités, on les transforme en centres de périnatalité, et, je le répète, le « pack maternité » nous permettra d’accompagner et de sécuriser les femmes lors du transport, comme c’est le cas dans les pays où elles ont de très grandes distances à parcourir pour accoucher.
Enfin, en troisième lieu, je veux répondre à l’inquiétude, tout à fait légitime, relative à l’accès à l’IVG. On doit pouvoir faire en sorte – c’est une question à poser à la Haute Autorité de santé – que les IVG instrumentales soient pratiquées dans les hôpitaux de proximité, dans les centres de périnatalité, avec des sages-femmes et des obstétriciens, puisque cette profession est aujourd’hui présente dans ces centres. Rien n’empêche donc de discuter de cette question de l’accès à l’IVG dans le maillage territorial proposé ; ces éléments ne sont absolument pas dépendants, on peut tout à fait avoir des IVG, médicamenteuses ou instrumentales, dans des centres qui n’ont pas de chirurgie.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 717 rectifié ; je pense avoir donné les explications nécessaires pour rassurer les élus que vous êtes et les femmes de France, qui seront bien accompagnées. En outre, sachez-le, il n’y a pas de politique volontariste de fermeture des maternités ; tant que nous pouvons préserver ces établissements et que nous avons des ressources humaines requises, nous le faisons, notamment dans les zones très éloignées d’une autre offre de soins. Ainsi, quand il faut choisir une maternité à garder, on opte pour celle qui est dans la zone dont les autres offres de soins sont le plus éloignées. Toutefois, considérons aussi ce qui se fait ailleurs dans le monde et n’ayons pas une vision trop centrée, qui nuit, selon moi, à la compréhension des organisations.