M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. J’ai peur de décevoir mes collègues. La commission est en effet défavorable à l’ensemble de ces amendements, même s’ils soulèvent des questions importantes, dont nous avons déjà parlé : quelles doivent être les missions des hôpitaux de proximité ? Ont-ils vocation à proposer l’ensemble des services hospitaliers ?
J’entends tout à fait l’exigence de proximité dans l’accès aux soins ; ces hôpitaux doivent y répondre. Mais c’est en réalité à une double exigence – l’accessibilité, d’une part, la qualité et la sécurité, d’autre part – qu’il nous faut répondre ; la proximité ne saurait être le seul critère. Or il me semble que la rénovation de notre modèle doit être l’occasion de repenser la structuration de l’offre de soins hospitaliers à l’échelle des territoires selon une logique de complémentarité. Il ne faut pas voir dans cette évolution qu’un risque de déclassement pour certains établissements : nous souhaitons aussi que des établissements de santé qui rendent un service de proximité puissent monter en gamme et soient consolidés dans leurs missions en devenant hôpitaux de proximité.
Les amendements nos 356 rectifié et 311 rectifié vont plus loin que le modèle actuel, puisqu’ils visent à imposer dans ces futurs hôpitaux de proximité la présence de services de chirurgie et de maternité, voire d’un service d’urgences ou de SSR. Ces exigences conduiraient concrètement à ce que les 243 établissements qui relèvent aujourd’hui de ce statut le perdent demain, car nous savons bien que nous ne pouvons maintenir des plateaux techniques poussés, où seraient présents des anesthésistes en nombre suffisant, dans tous les établissements de santé. Il me semble que l’évolution que vous proposez se ferait en définitive au détriment d’un grand nombre d’établissements, qui perdraient un mode de financement plus adapté à leur rôle de service public de proximité.
Les amendements nos 774 rectifié et 775 rectifié sont en partie satisfaits, car les activités de chirurgie seront possibles par dérogation – le texte le prévoit explicitement. Si nous rendons toutes les activités possibles, même de manière optionnelle, le statut dont nous discutons finira par n’avoir plus rien d’un statut particulier, et les établissements concernés ne seront plus légitimes à bénéficier d’un mode de financement dérogatoire.
Quant à l’amendement n° 614 rectifié, qui a été retiré, il était satisfait par le texte.
Concernant l’amendement n° 719 rectifié, la commission considère qu’il appartiendra à la Haute Autorité de santé de déterminer quels sont les actes de chirurgie qui pourront être concernés par cette dérogation. Je ne pense pas que le type d’anesthésie soit le critère de distinction le plus pertinent, même si c’est, me semble-t-il, l’esprit du texte que de viser des actes plus standardisés, les opérations de la cataracte par exemple.
Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Je le répète, la médecine et la chirurgie évoluent. Nous avons davantage intérêt, dans les territoires, à faire de la prévention. Je pense au sport – cela fera sans doute plaisir à M. Savin – ou à la nutrition, avec les questions, par exemple, qui ont trait à la consommation de boissons alcoolisées ou sucrées. Ces actions de prévention feront davantage pour la santé de l’ensemble de la population qu’un hôpital de proximité, dont la vocation est plutôt de soigner des gens déjà malades.
Je conclurai en répétant ce que j’avais dit en 2016 devant Mme Touraine, suscitant à l’époque beaucoup de chahut dans l’hémicycle : on ne peut pas mettre de plateau technique à chaque coin de rue ; on ne peut pas mettre des médecins ultraspécialisés à chaque coin de rue.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas ce que nous demandons !
M. Alain Milon, rapporteur. Je ne le dis pas pour provoquer ; je le dis parce que je le pense profondément. Les plus grandes urgences que nous pouvons rencontrer dans notre vie de tous les jours, les dégâts les plus importants, ce sont les accidents de la route qui les provoquent. Or, autant que je sache, quand vous avez un accident de ce type – je ne vous le souhaite évidemment pas –, l’hôpital n’est pas à côté du lieu de l’accident ; pourtant, on arrive à vous soigner et à vous guérir.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je suis du même avis que M. le rapporteur, mais je souhaite repréciser les choses et vous donner des informations qui nous permettront de raisonner sur les mêmes bases.
Certains de ces amendements visent à rendre obligatoire le maintien d’un service d’urgences dans ces hôpitaux. Aujourd’hui, pour maintenir une liste de garde 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, que ce soit dans un service d’urgences ou dans une maternité, il faut fonctionner avec huit professionnels à temps plein. Autrement dit, huit urgentistes sont nécessaires pour ouvrir un service d’urgences, sans parler, évidemment, de tous les personnels paramédicaux qui travaillent avec eux. De la même façon, pour maintenir une maternité ouverte, il faut huit obstétriciens, huit anesthésistes, huit infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État, ou Ibode, etc. Rendez-vous compte des implications de telles obligations en termes de ressources ! Or ces ressources n’existent tout simplement pas sur le territoire.
Je rappelle que 20 % environ des services d’urgences, en France, fonctionnent avec moins de 15 000 passages par an, c’est-à-dire l’équivalent de deux patients par heure à peu près, soit assez peu d’activité. Pour maintenir ces services, nous avons besoin d’énormément de professionnels ; or un tel besoin ne pourrait être satisfait, loin de là, partout sur le territoire.
Nous avons parlé hier et avant-hier toute la journée de démographie médicale. Ce que nous vivons dans la médecine de ville avec les généralistes, nous le vivons dans la médecine hospitalière : nous n’avons plus d’anesthésistes ; nous n’avons plus assez d’obstétriciens ; nous n’avons plus ou plus assez d’urgentistes – nous attendons qu’ils soient formés. Nous sommes dans une situation de déficit en matière de moyens médicaux.
Voilà pourquoi il faut orienter ces ressources humaines capitales au sein d’un système structuré qui permette d’adresser les patients au bon endroit et de graduer les soins et, donc, d’assurer la qualité partout, sachant que l’on fonctionne parfois, dans certains services d’urgences, avec des listes de garde incomplètement pourvues. Des malades risquent d’arriver en pleine nuit sans personne pour les accueillir, parce que le médecin prévu est tombé malade et qu’il n’y a personne pour le remplacer.
Nous faisons face à un défi. Ce que je vous propose, c’est d’y répondre par une organisation pensée et structurée. Elle n’a pas été pensée par moi seule, mais par des groupes de travail de toutes les parties prenantes – syndicats, fédérations hospitalières, associations de malades –, avec le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie. Le projet de loi que je vous propose est issu de cette concertation.
Les auteurs de ces amendements proposent d’instaurer diverses obligations. Ce que nous vous proposons, nous, c’est un schéma type garantissant que la médecine de proximité soit aussi une médecine de qualité, avec un plateau technique de biologie et de radiologie, ainsi que, de façon optionnelle, un service d’urgences ou un SMUR, en tenant compte des distances et de la géographie.
Veillons à ne pas inscrire dans la loi des engagements que ces hôpitaux ne pourront absolument pas tenir, faute de ressources humaines. S’il s’agissait uniquement d’un problème de moyens financiers, je pense que nous aurions trouvé la solution depuis longtemps.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Pourquoi ne sommes-nous plus capables de mobiliser les personnels dont nous avons besoin en nombre suffisant ? Peut-être avons-nous élevé le niveau des protocoles à un point tel que, là où il était possible de sauver quelqu’un avec deux personnes, il en faut huit désormais ! La réglementation est aussi en cause : le nombre de normes est en augmentation constante.
Moi qui vis en milieu rural, si j’ai un AVC, j’ai moins de chances de m’en sortir qu’une personne qui vit place Bellecour, à Lyon. Or je paie, en proportion, les mêmes impôts que tous les Français. L’égalité fait pourtant partie des fondements de notre République !
Je peux comprendre ce que dit M. le rapporteur : on ne peut pas rendre obligatoire la présence de certains services dans tous les hôpitaux de proximité. Mais ne se doit-on pas de rendre à chaque citoyen le même service, et donc de garantir au moins la présence de certaines activités nécessaires ?
Je peux en témoigner : aujourd’hui, à problème égal, deux personnes n’auront pas les mêmes chances de survie selon que le problème leur arrive à un endroit ou à un autre de mon territoire. Autrement dit, dans la réalité, la perspective de l’égalité s’éloigne de plus en plus, alors que, de l’autre côté, nous payons tous des contributions égales.
M. Alain Milon, rapporteur. Le problème est que nous ne payons plus assez !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Merci, madame la ministre, pour les explications claires que vous venez de donner : vous avez dit la réalité des choses.
Les amendements de Daniel Gremillet, qui ont pour objet les activités de chirurgie et d’obstétrique, le montrent par défaut : ce sont ces services que n’auront pas les hôpitaux de proximité. C’est bien là le cœur du débat : il ne peut pas y en avoir partout. Quand on passe de 243 hôpitaux de proximité – ce sont ceux qui existent déjà – à 500 ou 600, cela signifie que les services qui existaient dans des hôpitaux dits généraux n’existeront plus.
Mme Michelle Gréaume. Exactement !
M. René-Paul Savary. Il y a là une évolution technologique incontournable.
Je partage les propos de M. le rapporteur et de Mme la ministre : c’est l’évolution naturelle des choses. Mais il faut le savoir et le faire en toute connaissance de cause.
Il existe désormais une organisation en réseau. Pour l’accident vasculaire cérébral ou le diabète, théoriquement, tout le monde est logé à la même enseigne, parce que, comme pour d’autres dispositifs, les réseaux sont assez bien organisés.
M. Gérard Dériot, vice-président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. René-Paul Savary. Cette adaptation ne doit pas être une régression ; elle doit permettre à chacun d’avoir les mêmes chances. C’est pour ça que nous insistions un peu lourdement, avec mon collègue Jomier, pour préciser la définition de ces hôpitaux de proximité. Si ces hôpitaux ne sont pas équipés pour la e-santé, s’ils ne disposent pas de scanners en plus de la radio, donc s’ils n’ont pas d’équipements modernes, nous n’aurons pas réussi notre pari de mieux soigner les gens.
Il faut prendre nos décisions en toute connaissance de cause. C’est pourquoi je me suis permis tout à l’heure, madame la ministre, de vous dire : « ne nous faites pas rêver ! » Les hôpitaux de proximité sont un moyen différent de répondre le mieux possible, à l’aide des nouvelles techniques, aux besoins de la population. Mais, je le répète, plus d’hôpitaux de proximité, c’est moins d’hôpitaux généraux !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. J’entends l’argument selon lequel il faut développer la prévention dans nos territoires. On peut d’ailleurs regretter que, année après année, les crédits en faveur de la prévention n’augmentent pas, voire diminuent. Mais, même si on met le paquet sur la prévention, ça ne remplacera pas nos hôpitaux de proximité !
Madame la ministre, vous avez été un peu plus explicite : vous avez dit que, en raison notamment de la démographie médicale – celle-ci suscite beaucoup de débats entre nous depuis plusieurs jours –, nous avions des difficultés à maintenir un certain nombre de services de proximité.
Nous constatons tous le cercle vicieux dans lequel nous sommes : à mesure que les services de proximité reculent, la démographie, y compris des professionnels de santé exerçant en libéral, recule aussi. C’est dans un cercle vertueux, au contraire, qu’il faut s’engager.
Je vous invite à rencontrer des équipes d’un centre hospitalier qui m’est cher, le centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine. Elles vous feront très explicitement la démonstration qu’un hôpital de proximité performant, doté de services diversifiés, permet non seulement d’accueillir tout type de pathologie, d’orienter efficacement les patients, mais aussi d’aider à l’implantation de médecins sur le territoire et même – ce n’est pas un détail – d’accompagner des gens – ils sont nombreux sur nos territoires – qui sont dans une situation de détresse sociale.
Malheureusement, depuis hier, nous avons, me semble-t-il, évacué beaucoup de possibilités de lutter contre le phénomène des déserts médicaux. Je regrette que vous ne fassiez pas preuve de plus d’ouverture. L’appauvrissement de nos services et hôpitaux de proximité ne fera qu’accentuer la désertification. Les Français ne peuvent plus le supporter.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Madame la ministre, vous ne pouvez pas balayer d’un revers de main la question des moyens. Les schémas et les principes sont, certes, importants, mais les moyens le sont aussi.
Je prends l’exemple de l’hôpital d’Hirson, dans le département de l’Aisne, qui est assez représentatif des hôpitaux de proximité dont nous discutons actuellement. Il se trouve dans une région en grande difficulté sociale. Les élus ont travaillé de manière constructive avec l’ARS pour l’adapter, le restructurer et le renforcer. Dans la région, les besoins en matière de santé sont importants, et les habitants tardent à venir se faire soigner.
Aujourd’hui, l’établissement a un service d’urgences, un service de garde et deux médecins présents 24 heures sur 24. Il connaît des difficultés financières : ses comptes ne sont pas équilibrés. Si la présence d’un médecin était remise en cause pour des raisons financières, c’est toute la sécurité d’un bassin d’emploi qui serait menacée. Ce serait un mauvais coup porté à la qualité de la santé sur un territoire où les besoins sont importants.
Il faut effectivement adapter, reconstruire et renforcer, mais n’écartons pas la question des moyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Bernard Jomier. Très juste !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Chacun l’a bien compris, nous assistons à une déliquescence de notre système de santé sur l’ensemble du territoire français. La différence entre les territoires ruraux et les territoires plus urbains est notoire. Ainsi que plusieurs de mes collègues l’ont souligné, il vaut mieux ne pas avoir besoin d’accoucher ou faire un AVC sur un territoire très isolé. Il arrive que des femmes accouchent dans leur voiture, car la maternité de proximité a fermé ! Les Français ne comprennent pas pourquoi ils n’ont pas les mêmes services partout sur le territoire.
M. Laurent Duplomb. Ça, c’est sûr !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Si nous manquons de professionnels de santé, quid des jeunes qui partent suivre leur formation en Roumanie ? Je vous ai déjà interrogée sur le sujet, madame la ministre. J’attends d’ailleurs que vous nous receviez avec les associations d’étudiants en Roumanie pour voir comment faciliter le retour de ces derniers sur le territoire français après les six premières années d’études effectuées à l’étranger. Alors que ces jeunes ne coûtent rien à la France, on leur fait barrage avec l’ECN, parce qu’ils n’ont pas accès à l’entraînement pour passer le concours de l’internat. Notre pays se prive ainsi de 500 ou 600 jeunes par an qui pourraient revenir sur le territoire. C’est, à mon avis, une erreur.
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour explication de vote.
M. Raymond Vall. Madame la ministre, je comprends très bien vos arguments, mais ne pourrait-on pas prendre quelques mesures a minima ?
Dans la ruralité profonde – moi et beaucoup de mes collègues le vivons chaque semaine –, à partir du vendredi, c’est l’angoisse ; il n’y a plus rien jusqu’au lundi ! D’ailleurs, dans certains départements, les pompiers s’organisent avec les médecins-pompiers, un infirmier et un chauffeur pour répondre aux appels. Même avec un tel système, on reste confronté à un embouteillage insoluble.
Quel sens cela a-t-il de mettre en place des hôpitaux de proximité, auxquels on annexe parfois une maison de santé pour que le personnel puisse bénéficier d’une infirmière de garde la nuit, s’il n’y a pas au moins un ou deux médecins ? Ils assureraient une forme de veille, ce qui serait un début de réponse – certes, j’ai employé des termes plus sévères dans une précédente intervention – au problème de la désertification médicale. Car nous ne l’avons pas réglé !
Garantir la présence d’un médecin dans ces hôpitaux de proximité pour assurer une telle veille, orienter les cas les plus graves vers les urgences et traiter sur place les autres cas permettrait de répondre à un triple objectif.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Mon collègue Duplomb a évoqué l’accident vasculaire cérébral. Nous ne construisons évidemment pas une médecine de rêve, mais ce n’est pas une médecine de cauchemar non plus !
Voilà quarante ans, lorsque j’ai entamé mes études de médecine, quand une personne âgée – au demeurant, cela ne concerne pas seulement, tant s’en faut, les personnes âgées – faisait un AVC, on se contentait de la mettre au lit en espérant que la nature ferait son œuvre. Cela se passait ainsi, à l’époque.
Selon vous, cher collègue, il y aurait trop de protocolisation. Or, sans cette protocolisation, on en serait encore au même point aujourd’hui ! Je connais assez bien le sujet. Les Stroke Centers ont été mis au cœur des dispositifs de santé pour permettre l’effectivité du geste thérapeutique où que l’on soit sur le territoire. D’ailleurs, c’est un geste complexe, qui nécessite une hyperspécialité : par exemple, tous les neurologues ne peuvent pas forcément l’exécuter. Si nous arrivons aujourd’hui à sauver la vie de personnes qui font des AVC, c’est justement grâce à la protocolisation et à une approche de plus en plus pointue de la médecine.
Bien entendu – je me permets de faire un peu d’ironie –, il vaut mieux faire un AVC au bas de l’escalier de la Timone, où se trouve le Stroke Center, plutôt qu’au fin fond de la Lozère. Mais, comme le rappelait M. le rapporteur, nos dispositifs de transports sanitaires et de prise en charge des urgences sont également très sophistiqués et protocolisés. C’est cela, la médecine d’aujourd’hui !
À entendre certains collègues, on aurait l’impression d’être revenu au Moyen Âge. Le cauchemar, ce sont leurs propos ! Nous n’avons jamais eu une médecine aussi sophistiquée ! Certes, la sophistication a des implications en termes de personnels. Je préfère que l’accouchement de ma femme ou de ma fille ait lieu à quarante kilomètres avec une prise en charge et des conditions sanitaires convenables – d’ailleurs, cela s’est produit – plutôt que dans un hôpital de proximité avec un obstétricien absent et des conditions catastrophiques.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Je voudrais revenir sur la question des moyens en personnels pour faire fonctionner les lignes des services médicaux d’urgence. Nous avons beaucoup évoqué la pénurie de personnels. Parler est une chose ; agir en est une autre.
Dans l’Aude, nous avons payé un lourd tribut pour pouvoir assurer la médecine d’urgence. Le département maintient depuis des années son hélicoptère de secours à personne, en le finançant lui-même.
Nous avons l’hôpital de Carcassonne, avec un service médical d’urgence – il rencontre des difficultés –, et, en secteur de haute montagne et en hyperruralité, le SMUR de Quillan. Il y a trois lignes et un SMUR, ainsi que la ligne de Castelnaudary.
Faute de moyens, en période estivale, la ligne du service médical d’urgence du SMUR de Quillan est fermée. Nous avons travaillé avec l’ARS pour faire en sorte d’avoir moins de fermetures, mais cela reste un vœu pieux. Nous souhaitons le maintien de la ligne du SMUR, mais il faut y mettre les moyens. Certes, l’ARS travaille à nos côtés.
L’examen du présent projet de loi aurait pu être l’occasion de définir des priorités. Que faire dans l’hyperruralité lorsque des individus font un malaise sur la voie publique ? À Quillan – je vous rapporte ce cas avec beaucoup d’émotion –, nous n’avons pas pu porter secours à une personne de 43 ans, parce que le SMUR était fermé. Cette personne est décédée !
À un moment donné, il faut mobiliser les moyens. C’est une question de volonté politique. J’entends bien ce qui est dit sur les hôpitaux de proximité, mais il faut fixer des priorités en fonction des urgences au plus près des populations. Malheureusement, le texte ne le fait pas. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Apparemment, au sein de l’hémicycle, nous nous rejoignons sur le diagnostic ; c’est sur les réponses à apporter que le bât blesse. En l’occurrence, les désaccords sont profonds.
Certes, l’hôpital de proximité ne doit pas, pour reprendre les termes d’un collègue, être un véritable cauchemar. Toutefois, je voudrais souligner un certain nombre de points.
Aujourd’hui, les urgences sont en grève. Le mouvement est très fort et se généralise partout. Nous le savons, les urgences sont totalement sursaturées. Mais le problème n’est pas que sur les urgences ; il concerne la médecine en général ! Si, dans certains cas critiques, il est évidemment nécessaire d’aller aux urgences, il arrive également qu’on s’y rende pour des cas moins graves faute de réponse sur le territoire, car la médecine libérale est défaillante. Tout est lié ! Ainsi que cela a été souligné hier, le manque de professionnels concerne aussi bien l’activité libérale que les services hospitaliers.
Madame la ministre, il faut rendre de l’attractivité à la profession. C’est ça qui manque. Et je suis inquiète, car ce n’est pas du tout ce qui est prévu dans votre réforme de la fonction publique. Les personnels de santé ont besoin d’une reconnaissance de leur métier et d’une revalorisation de leurs salaires. Il faut donc débloquer des crédits : c’est vrai aussi pour l’hôpital ou pour l’accès aux soins dans les territoires. Certes, vous faites des gestes – je ne le nie pas –, mais ils sont minimalistes. Vous restez prisonnière des choix politiques du gouvernement auquel vous appartenez : réduire les dépenses publiques. D’ailleurs, vous approuvez cette politique, que moi et les membres de mon groupe rejetons.
En 2018, il y avait 24 millions de passages aux urgences, contre 8 millions en 1988. Or, en 1988, tous les hôpitaux avaient des urgences, avec obligation de participer aux gardes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La situation est plus que catastrophique !
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Nous sommes vraiment au cœur du débat. S’il n’y avait pas la perspective de passer de 250 à 500 hôpitaux de proximité, ou si cette décision s’accompagnait de véritables garanties, la discussion serait différente. Mais, en l’occurrence, nous sommes effectivement face à une diminution de l’offre territoriale.
Je vais être un peu provocateur : aujourd’hui, il n’est plus possible d’habiter dans certains territoires. L’offre et la présence médicales ayant totalement déserté ces territoires, il y a non-assistance à personne en danger !
Madame la ministre, je vous ai écoutée. Vous aussi, écoutez les élus du territoire. On ne peut pas partir ainsi à l’aveuglette à un moment aussi important pour le devenir de notre société sur l’ensemble des territoires. Nous avons besoin de certitudes.
Monsieur le rapporteur, je vous ai fait confiance hier, et je continue de vous faire confiance. Vous avez déclaré que mes amendements étaient partiellement satisfaits. Je vais donc les maintenir pour qu’ils puissent être votés. Ainsi, ils seront totalement satisfaits. (Sourires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, ou Hcaam, a avancé des pistes dans un rapport remis au Premier ministre. Même cette instance a du mal à comprendre votre stratégie, madame la ministre !
Le rapport d’experts préconise de multiplier les petits hôpitaux de proximité. Toutefois, la dernière réforme a mis en place les groupements hospitaliers de territoire. Malheureusement, on fait tout le contraire, en réduisant les services – le maintien des urgences dans les hôpitaux de proximité est minimal –, voire en en fermant certains.
La situation sanitaire est grave. Dans le Nord, tous les voyants sont au rouge. Nous sommes très inquiets. Entendez-nous, madame la ministre. Un maillage territorial ? Oui ! Mais ne faisons pas du bricolage avec les médecins de ville.
Je crains que beaucoup de personnes ne se soignent malheureusement plus, car elles devront avancer de l’argent, contrairement à ce qui se pratique dans les hôpitaux.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Depuis le début de la semaine – d’ailleurs, à mon sens, une semaine, ce n’est pas suffisant pour débattre d’un projet aussi important que l’organisation du système de santé –, nos discussions se résument à deux sujets.
Le premier, auquel M. le rapporteur a fait référence, est celui du financement. La santé étant probablement ce qui compte le plus pour les Français et les territoires, il faut accepter de payer notre système de soins à sa juste valeur, en allant au-delà des 1,8 % ou 2 % actuels. Cela nous permettra de répondre à un certain nombre d’attentes.
Le second est celui du nombre de médecins. Comme l’a indiqué René-Paul Savary, on a l’illusion que le numerus clausus s’arrêtera demain. C’est complètement faux ! Il sera simplement remplacé par une nouvelle formule, mais il n’y aura pas plus d’étudiants en médecine formés.
Tant que l’on n’aura pas apporté de réponses sur ces deux sujets, tout ce qui pourra être fait sur les hôpitaux de proximité, qu’il s’agisse d’ouvertures ou de fermetures, ne servira à rien ; cela restera une coquille vide !
Acceptons de payer plus pour notre système de santé et de former davantage de médecins, afin de répondre aux attentes qui s’expriment dans les territoires !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.