Mme Corinne Imbert. Cet amendement, dans le même esprit que celui de M. Segouin, vise à favoriser le cumul emploi-retraite des médecins Il s’en distingue en ce qu’il tend à octroyer une exonération fiscale aux médecins retraités en doublant quasiment le plafond actuel pendant une période limitée de vingt-quatre mois.
Il s’agit d’une mesure de bon sens qui permet d’apporter une première réponse d’urgence aux problèmes de démographie médicale.
Ce dispositif instaure une forme de compagnonnage entre un médecin à la retraite et un jeune médecin installé ou à la recherche d’une installation en exercice libéral.
M. le président. L’amendement n° 148 rectifié ter, présenté par MM. Raison, Perrin, Darnaud et Revet, Mme Guidez, MM. Détraigne, Mayet, Vogel, Gilles et Joyandet, Mme Eustache-Brinio, M. Dufaut, Mmes Thomas, Chain-Larché, Puissat et L. Darcos, MM. Charon, D. Laurent et Genest, Mmes Raimond-Pavero et Deromedi, M. Poniatowski, Mme Joissains, M. Cuypers, Mmes C. Fournier et Chauvin, M. Moga, Mme Férat, MM. Bonne, Meurant, Pellevat, Saury, de Nicolaÿ et Pierre, Mmes A.M. Bertrand et Sollogoub, MM. Vaspart, Priou, Rapin, Laménie et J.M. Boyer, Mmes de Cidrac et Lamure et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les médecins exerçant leur activité dans les zones définies dans les conditions fixées par l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, où l’offre de soins est déficitaire, ayant atteint l’âge d’ouverture des droits à pension de retraite et remplissant les conditions ouvrant droit à pension de retraite à taux plein, sont exonérés des cotisations mentionnées au 1° de l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Cet amendement de bon sens vise à exonérer de cotisations vieillesse les médecins pouvant prétendre à une retraite à taux plein, mais ayant fait le choix, faute de successeur, de prolonger leur exercice en zone sous-dense. En choisissant de continuer de servir, leurs cotisations sont à fonds perdu. La moindre des choses, me semble-t-il, serait donc de les exonérer de cotisations vieillesse.
Cet amendement devrait certainement recevoir un avis favorable tant de la commission que du Gouvernement… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 149 rectifié quater, présenté par MM. Raison, Perrin et Darnaud, Mme Eustache-Brinio, MM. Joyandet, Gilles, Vogel et Mayet, Mme Guidez, M. Revet, Mmes Puissat et L. Darcos, MM. D. Laurent, Charon, Genest et Bonne, Mme Férat, M. B. Fournier, Mme Chauvin, M. Cuypers, Mme Joissains, M. Poniatowski, Mmes Deromedi et Raimond-Pavero, MM. Meurant, Pierre, de Nicolaÿ, Pellevat et Saury, Mmes A.M. Bertrand et Sollogoub, MM. Vaspart, Priou, Rapin, Laménie et J.M. Boyer, Mme de Cidrac et M. Segouin, est ainsi libellé :
Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les médecins exerçant leur activité dans les zones définies dans les conditions fixées par l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, où l’offre de soins est déficitaire, ayant atteint l’âge d’ouverture des droits à pension de retraite et remplissant les conditions ouvrant droit à pension de retraite à taux plein, sont exonérés d’une partie des cotisations mentionnées au 1° de l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Il s’agit d’un amendement de repli qui tend à instaurer une exonération partielle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Tous ces amendements portent sur les conditions du cumul emploi-retraite des médecins exerçant en zone sous-dotée que nous examinons chaque année dans le cadre du PLFSS.
Les amendements nos 25 rectifié bis de M. Segouin et 3 rectifié quater de Mme Imbert sont très proches.
Celui de Mme Imbert reprend la rédaction adoptée par le Sénat dans le cadre du dernier PLFSS, sur l’initiative du président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Mecss, Jean-Noël Cardoux, à l’article 8 bis A.
L’amendement n° 25 rectifié bis est plus large, puisqu’il ne limite pas le cumul aux seules activités de remplacement et ne fixe pas de durée maximale, alors que Jean-Noël Cardoux nous avait proposé une durée de vingt-quatre mois, reprise dans l’amendement de Mme Imbert.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié bis et ne peut que considérer de façon favorable l’amendement n° 3 rectifié quater, lequel reprend une rédaction que nous avons adoptée voilà quelques mois seulement.
Toutefois, il me semble que les choses ont changé depuis le dernier PLFSS. Mme la ministre s’est en effet engagée, le 3 mai dernier, à doubler le plafond des exonérations sociales en cas de cumul emploi-retraite pour le porter à 80 000 euros.
Or un tel montant me paraît suffisant, les médecins en situation de cumul emploi–retraite gagnant en moyenne 65 000 euros, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, ou Drees.
J’émets donc finalement un avis de sagesse sur l’amendement n° 3 rectifié quater, dans l’attente des précisions que nous donnera Mme la ministre. Nous pourrons alors déterminer ensemble si l’ajout de cet élément dans la loi est encore pertinent.
Les autres amendements me paraissent moins opérationnels, dans leur rédaction comme dans leur portée – je présente tous mes regrets à Michel Raison… (Sourires.)
Les dispositions de l’amendement n° 409 rectifié de Mme Jasmin sont plus larges que celles de l’amendement n° 3 rectifié quater de Mme Imbert.
L’amendement n° 453 rectifié de Mme Jasmin me semble poser plusieurs problèmes : je m’interroge sur la possibilité de donner compétence aux ARS en matière fiscale – selon les dispositions de l’amendement, il leur reviendrait en effet de proposer la création de zones franches médicales – et sur les conditions dans lesquelles des médecins retraités s’installeraient, sachant qu’une réinstallation d’un praticien préalablement installé n’est pas considérée comme une nouvelle installation.
La rédaction des amendements nos 148 rectifié ter et 149 rectifié quater de M. Raison est moins précise que celle de l’amendement n° 3 rectifié quater, alors que l’objectif est le même.
La commission demande aux auteurs des amendements nos 25 rectifié bis, 148 rectifié ter et 149 rectifié quater de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement n° 3 rectifié quater ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Elle est enfin défavorable aux amendements nos 409 rectifié et 453 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Les dispositions de ces six amendements concernent des mesures d’ordre réglementaire et non législatif.
Nous avions souhaité un retour des délégués nationaux à l’accès aux soins sur la première mesure d’augmentation du plafond du cumul emploi-retraite passé, en 2017, de 11 000 à 40 000 euros. Dans leur rapport, les délégués, dont Mme Doineau, nous ont proposé d’augmenter encore ce plafond. Je me suis donc engagée à le porter à 80 000 euros. L’arrêté a été publié aujourd’hui au Journal officiel.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de ces six amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié quater.
Mme Corinne Imbert. Eu égard aux explications de Mme la ministre, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié quater est retiré.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote sur l’amendement n° 25 rectifié bis.
Mme Nadia Sollogoub. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais déposé un amendement visant à exonérer de cotisations retraite les médecins retraités continuant d’exercer. Comme l’a expliqué M. Raison, il me semble étrange de les faire cotiser pour rien. Or je m’étais rendu compte, au cours de mes recherches, que la loi Montagne prévoyait une telle disposition pour les médecins exerçant en zone de montagne.
Je comprends d’autant moins l’existence d’une telle distorsion que les zones sous-denses sont présentes sur l’ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote sur l’amendement n° 453 rectifié.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le rapporteur, mon amendement cible bien les médecins en situation de cumul emploi-retraite qui s’installent dans une autre zone que celle où ils exerçaient précédemment.
Cela étant dit, Mme la ministre a répondu à mes interrogations sur le montant du plafond d’exonération de cotisations en cas de cumul emploi-retraite.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Mes amendements étant presque satisfaits, je les retire.
M. le président. Les amendements nos 148 rectifié ter et 149 rectifié quater sont retirés.
Monsieur Segouin, l’amendement n° 25 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Vincent Segouin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié bis est retiré.
Madame Jasmin, les amendements nos 409 rectifié et 453 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Victoire Jasmin. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 409 rectifié et 453 rectifié sont retirés.
Article 4 ter (nouveau)
Le quatrième alinéa de l’article L. 4131-2 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée totale des autorisations d’exercice de la médecine à titre de remplaçant délivrées aux médecins remplissant les conditions fixées à l’article L. 4111-1 ne peut excéder trois années. »
M. le président. L’amendement n° 462, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le présent article, introduit par la commission des affaires sociales, limite à cinq années la durée totale pendant laquelle un médecin peut exercer en tant que remplaçant. Au cours de sa carrière, un médecin ne pourrait donc effectuer plus de cinq années en remplacement.
Moins de 4 % des médecins inscrits au tableau de l’Ordre, au 1er janvier 2018, exercent une activité dite intermittente – remplacements et contrats courts. Cette proportion paraît d’autant moins déraisonnable que le remplacement répond à un besoin véritable des acteurs du système de santé.
Le recours à des remplaçants est en effet essentiel pour assurer la continuité des soins, notamment lorsqu’un médecin prend ses congés. Une diminution du vivier de remplaçants risquerait, dans ce contexte, de laisser des territoires sans médecins pendant plusieurs semaines, chaque année, durant des périodes critiques comme l’été.
Cette diminution pourrait également dégrader le confort d’exercice des médecins, particulièrement dans les territoires les plus fragiles, en limitant leurs possibilités de s’absenter pour motifs personnels ou pour suivre des formations.
Les territoires fragiles, qui peinent à attirer des médecins remplaçants, seraient les premiers à subir les effets de cette dégradation.
Par ailleurs, un médecin qui changerait de situation – en cas de déménagement, par exemple – pourrait se voir interdire de remplacer durant l’intervalle entre deux installations, ce qui limiterait d’autant le temps médical disponible pour la population.
L’exercice, en tant que remplaçant, permet aussi aux jeunes médecins de réfléchir à leur projet professionnel et de préparer leur installation : 81 % des installés ont d’abord été remplaçants exclusifs, selon une récente étude du Conseil de l’ordre.
Restreindre cette possibilité risquerait de dégrader encore l’attractivité de l’exercice libéral et, à l’inverse, de renforcer l’attrait du salariat.
Enfin, il me semble que cet article pose un problème au regard du principe d’égalité, notamment entre les médecins de plein exercice, pour lesquels on érigerait une limite dans le temps à leur capacité de remplacer, et les futurs médecins ayant une autorisation de remplacement qui resterait sans limite. La question de la constitutionnalité d’une telle différence de traitement peut donc se poser.
Le Gouvernement entend privilégier une politique d’accompagnement des débuts d’exercice en libéral. Or, dans sa rédaction actuelle, cet article va à l’encontre de cette dynamique d’installation. Une telle disposition devrait être travaillée de concert avec les représentants des professionnels concernés pour trouver le juste milieu entre liberté d’exercice et adéquate appréciation des intérêts de santé publique.
Pour ces raisons, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avec cet article, la commission a introduit la limite de trois ans de remplacement au maximum pour un médecin thésé. Les thèses intervenant généralement une ou deux années après la fin du troisième cycle, cela fait cinq ans de remplacement.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. De nombreux médecins remplacent trop longtemps avant de s’installer et nous aimerions qu’ils s’installent plus vite, raison pour laquelle cet article tend à limiter la durée de remplacement. Le problème est que la rédaction retenue restreint la capacité des médecins de faire des remplacements tout au long de leur carrière. Or les médecins déménagent, peuvent vouloir remplacer un collègue pendant un an pour découvrir un territoire d’outre-mer, par exemple, comme le fit mon père, chirurgien, qui partit un an à La Réunion. Tout cela fait partie de l’attractivité de la carrière.
L’adoption de cet article empêcherait de cumuler cinq ans de remplacement durant toute la carrière, ce qui ne paraît guère judicieux : nous avons besoin de faciliter les remplacements entre médecins, tout au long de la carrière, en fonction du contexte.
Encore une fois, c’est non pas la philosophie de cet article que nous contestons, mais sa rédaction, qui nous semble dangereuse.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Mme la ministre a sans doute raison, mais plutôt que d’être favorable à l’adoption de cet amendement, je maintiens le texte tel qu’il est et propose que nous réfléchissions à un autre amendement en vue de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Selon le Conseil national de l’ordre des médecins, le CNOM, 75 % des internes en médecine générale veulent s’installer, mais très peu franchissent le pas – en tout cas, le différentiel est assez important.
Peut-être faudrait-il se demander pourquoi cette installation est compliquée dans les faits, alors que la volonté existe bel et bien.
Ma conviction est qu’il faut davantage préparer les généralistes à l’installation en libéral – on sait que les difficultés freinent les jeunes médecins –, soit par des modules spécifiques durant les études de médecine, comme cela a déjà été évoqué, soit en s’inspirant, par exemple, du dispositif Passerelle mis en place dans la région Grand Est qui permet à un coordonnateur, au sein des facultés, d’aider les jeunes à préparer leur avenir professionnel dès leur première année d’internat. Ce système montre aujourd’hui son efficacité.
Si l’article 4 ter était maintenu, on risquerait de voir des jeunes mal préparés à l’installation ou n’ayant pas envie de s’installer tout de suite se réfugier vers la pratique hospitalière et salariée, ce qui irait à l’inverse de ce que nous voulons tous, à savoir davantage d’installations en ambulatoire.
Il ne faudrait pas, en limitant les remplacements, favoriser le salariat en médecine hospitalière au détriment de l’installation en cabinet, et ce d’autant plus que les chiffres du Conseil national de l’ordre montrent que le nombre de remplaçants en médecine générale progresse moins vite que le nombre d’inscrits au Conseil. Il n’y a pas davantage de remplaçants aujourd’hui qu’auparavant.
Le risque est également important pour les médecins déjà installés, surchargés, qui comptent sur les remplaçants pour souffler, pour prendre leurs congés ou tout simplement pour suivre une formation. Cet article entraînerait donc un risque sur la continuité des soins.
Comme l’a souligné Mme la ministre, il est important, pour l’attractivité des carrières, d’organiser des passerelles entre les métiers.
Pour toutes ces raisons, je soutiens l’amendement de suppression du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour explication de vote.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Je soutiens également cet amendement, et je vais expliquer pourquoi.
Je comprends parfaitement la démarche du rapporteur, dans ces temps d’urgence, tendant à accélérer l’installation d’un millier de jeunes médecins supplémentaires. Aujourd’hui, notre système de santé est en grande difficulté et a grand besoin d’être réformé. Nous nous accordons tous sur ce point. Mais céder aux sirènes trompeuses de la coercition ne fera qu’achever la médecine libérale.
Les jeunes médecins ne doivent pas être une variable d’ajustement des erreurs du passé. Beaucoup d’entre eux, c’est vrai, font des remplacements durant leurs premières années d’exercice, mais on ne peut pas penser sincèrement et sérieusement, mes chers collègues, que c’est au détriment des patients et du maillage territorial que nous appelons tous de nos vœux.
Les médecins remplaçants répondent à un véritable besoin de santé ; ils assurent la continuité de l’accès aux soins dans nos territoires, parce que les médecins qu’ils remplacent prennent quelques congés ou consacrent du temps à leur formation continue. Il est indispensable d’inciter les jeunes professionnels à l’installation, mais nous ne pouvons pas le faire en les emprisonnant dans de fausses alternatives : ce ne sont pas des pions sur l’échiquier des territoires.
Je vous le dis, mes chers collègues : notre responsabilité de législateur ne peut pas être de céder aux pressions des fossoyeurs de l’exercice libéral, dont l’idéal de fonctionnarisation de la médecine pour enrayer la désertification médicale n’est qu’une chimère.
La redynamisation sanitaire de nos territoires ne pourra se faire contre les médecins. Faisons-leur confiance et laissons-les libres sur le terrain de leur installation et de leur mode d’exercice.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je soutiens cet amendement de suppression, même si je comprends bien l’esprit qui a animé la commission des affaires sociales lors de la rédaction de son texte, rédaction que nous n’avons toutefois pas approuvée.
Les arguments qui ont été avancés sont tout à fait justes : il faut laisser aux jeunes médecins la possibilité de faire des remplacements.
J’ajoute que l’idée que soit tranchée en commission mixte paritaire cette question sinon me choque, à tout le moins me chagrine. Je ne comprends pas pourquoi : nous sommes réunis dans l’hémicycle, eh bien votons pour ou contre cet amendement de suppression ! Nous verrons par la suite si un travail complémentaire doit être mené lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Pourquoi reporter notre vote ? Ou alors je n’ai pas bien compris la proposition du rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. C’est exceptionnel, et je tiens à le souligner : l’ensemble du groupe Union Centriste soutient l’amendement du Gouvernement !
Aujourd’hui, effectivement, beaucoup de jeunes praticiens choisissent de faire des remplacements parce qu’ils ont des propositions en ce sens. Et si l’on encadre trop les remplacements, on ne trouvera plus, dans certains territoires, de remplaçants pour ces médecins souvent en difficulté et qui ont besoin de repos.
En moyenne, le remplacement, que la commission entend réduire à trois ans au maximum, dure entre sept et dix ans. Or, dans nos territoires ruraux, nos médecins nous disent très souvent qu’ils ont du mal à trouver des remplaçants pour la saison estivale. L’intention est sans doute bonne, mais la mesure proposée ne convient pas.
Nous venons d’avoir un débat nourri et construit sur cette question et, comme mes collègues, j’estime que la commission mixte paritaire n’est pas forcément le lieu pour trancher.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. La commission a le mérite de lancer le débat. Je rappelle que les remplaçants sont des médecins thésés, et que la soutenance de thèse doit désormais intervenir dans un délai maximal de deux ans. À une époque, beaucoup d’étudiants ne soutenaient même pas leur thèse au terme de leurs neuf années d’études de médecine, qui ont effectivement un coût.
Ensuite, la pratique montre bien quel est le problème : le remplaçant trouvant régulièrement des remplacements et en refusant un certain nombre et le médecin remplacé voulant absolument quitter son activité, celui-ci n’impute pas ses charges. De fait, au fil des ans, le médecin remplaçant prend l’habitude de ne considérer que ses recettes sans prendre en compte les dépenses – je peux le comprendre, et nous sommes un certain nombre à en être passés par là. Dès lors, pourquoi s’installerait-il avec les contraintes que cela représente ? C’est ce qui explique que beaucoup de remplaçants reculent le moment de leur installation, ne travaillent pas à plein temps – quinze jours ou trois semaines par mois suffisent largement –, ce qui leur permet de concilier vie familiale et vie professionnelle. Ce statut est tout à fait intéressant.
D’ailleurs, madame la ministre, je crois que vous avez fait en sorte que ces remplacements soient soumis à cotisations vieillesse. Souvenez-vous-en, nous en avions débattu lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela signifie que, pour le calcul de la pension de retraite, ces années de remplacement sont prises en compte.
De surcroît, en moyenne, un médecin s’installe entre trente-neuf et quarante ans ! Vous rendez-vous compte ?
Il faut être raisonnable : on ne peut pas, d’un côté, se plaindre de l’absence de médecins installés dans nos territoires et, de l’autre côté, ne pas faciliter leur installation. Il est dommage de devoir prendre des mesures relativement contraignantes, mais si l’on ajoute cette marge de manœuvre de trois à cinq ans, si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, aux deux ans de remplacement non thésés, on arrive à un total de sept ans. Cela laisse le temps de se retourner et d’envisager une installation.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je ne serai pas très longue, ma collègue Élisabeth Doineau ayant expliqué le vote du groupe Union Centriste.
Nous parlons depuis hier de l’attractivité de la médecine, et l’adoption de cet amendement de suppression y contribuera justement. Bien entendu, je le voterai moi aussi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour ma part, je soutiens la proposition de la commission de limiter à trois ans la durée totale des remplacements, auxquels il faut ajouter les deux ans de thèse. Peut-être même est-il envisageable d’aller plus loin, comme l’a dit René-Paul Savary.
Je rappelle que nous avons financé des maisons de santé ; lorsque celles-ci ne compteront plus de médecin, il ne servira plus à rien d’y affecter des remplaçants !
Les médecins, même s’ils exercent une activité libérale, ont été formés et assurent aussi, indirectement, un service public. Pouvoir faire des remplacements pendant cinq ou sept ans, c’est bien ; en revanche, si l’on autorise ces remplacements sans limitation de durée, les maisons de santé, je le répète, ne compteront plus de médecin.
Mme Laurence Cohen. Oh !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. J’avoue que je suis un peu surprise de la tournure que prend cette discussion : certains collègues n’ont jamais de mots assez forts pour défendre la liberté d’installation ; et là, tout d’un coup, de liberté, il ne pourrait plus être question !
Nous avons et nous aurons toujours besoin de médecins remplaçants, jeunes ou moins jeunes. J’ai la chance de vivre dans un département côtier qui compte des stations touristiques ayant besoin de médecins à certaines périodes de l’année plus qu’à d’autres – c’est le cas aussi dans les zones montagneuses. De fait, pour nombre de professions connaissant des pics d’activité, un volant d’intérimaires est nécessaire. Cela étant, le parcours professionnel de certains médecins les conduit, à certains moments, à vouloir faire des remplacements, lesquels sont parfois même des tremplins pour exercer dans nos territoires sous-dotés dès lors que ces professionnels considèrent que cette activité leur correspond.
Adopter le texte en l’état serait prendre un risque très grave de désorganisation et d’accroissement des déserts médicaux.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je soutiens le texte adopté par la commission des affaires sociales. On ne peut pas vouloir lutter contre les problèmes de démographie médicale et encourager un statut de remplaçant ad vitam aeternam. Certes, ma chère collègue, je suis tout à fait d’accord avec vous, ce peut être un tremplin ; mais un tremplin sert, à un moment donné, à rebondir ou à bondir pour aller plus loin ! Si ces médecins thésés ne souhaitent pas s’installer en libéral, fort bien ! Mais alors qu’ils passent sous statut de médecin collaborateur. Comme le disait très bien Daniel Chasseing, vous aurez beau créer des maisons de santé pluriprofessionnelles ou autres, quand il n’y aura plus de médecin, il n’y en aura plus ! Et l’on aura gaspillé beaucoup d’argent public.
Je ne suis pas médecin, mais je pense qu’on n’exerce pas ce métier par défaut. Devenir médecin, c’est un vrai choix. On peut à la fois connaître différents territoires, vivre différentes expériences professionnelles, se construire aussi professionnellement à travers ces années de remplacement, mais si la collectivité forme des médecins, c’est quand même pour qu’ils soient au service des patients, avec un projet professionnel qu’ils sont libres de choisir – par exemple le statut de collaborateur. (M. Daniel Chasseing applaudit.)