M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Joël Bigot, je vous remercie de votre question.
La feuille de route pour l’économie circulaire représente un changement majeur. Je ne doute pas que vous ayez suivi de près les discussions ayant entouré son élaboration. Vous aurez donc pu constater combien les collectivités territoriales y ont été associées, de même que les entreprises et les associations. Ces mêmes acteurs contribuent d’ailleurs à enrichir le contenu du projet de loi pour l’économie circulaire. Vous savez également combien la France s’est mobilisée au niveau européen. Je m’étonne donc de votre remarque préliminaire.
Au titre des trois priorités gouvernementales en matière de lutte contre la pollution plastique que j’ai exposées en réponse à M. Gontard, nous explorons de façon approfondie la possibilité de mettre en place une consigne pour les emballages plastiques, mais aussi pour l’aluminium.
Au départ, quand nous avons évoqué cette idée, il y a eu une levée de boucliers de la part de nombre des parties prenantes. Les entreprises nous disaient que c’était impossible, nos administrations que, en France, c’était totalement infaisable, compte tenu de notre système de filières à responsabilité élargie du producteur, très différent du système allemand de consignes. Les collectivités territoriales étaient quant à elles très sceptiques.
À force de discussions, nous avons avancé sur cette question. Je puis même vous dire que, maintenant, les entreprises sont particulièrement motrices en la matière. Je suis même bien souvent amenée à demander aux entreprises de ne pas avancer trop vite, de façon à maintenir dans la boucle les collectivités territoriales. Plus que jamais, en effet, il faut que les municipalités puissent bénéficier elles aussi du gisement de valeur que représentent les matières plastiques.
M. le président. Madame la secrétaire d’État, il faut conclure.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous menons donc un travail en liaison étroite avec les collectivités territoriales, parce qu’il faut que chaque acteur de l’économie circulaire en ait pour son argent.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.
M. Joël Bigot. Madame la secrétaire d’État, je prends bonne note de votre volonté de mettre en place une consigne pour le plastique.
On a demandé aux collectivités territoriales de mettre sur pied des structures de dimension importante, d’une capacité de traitement de 30 000 tonnes au minimum. Or la mise en place d’une consigne risquerait de déséquilibrer l’approvisionnement, et donc de mettre en question la ressource-matière pour les collectivités territoriales, d’où la frilosité de l’Ademe, en revanche très favorable à la mise en place d’une consigne pour le verre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Joël Bigot. Par ailleurs, il faut aussi mieux prendre en compte la responsabilité de ceux qui mettent les plastiques sur le marché.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. D’après une étude dont les conclusions ont été publiées récemment, 365 particules de microplastiques en moyenne ont été retrouvées par mètre carré et par jour à la station météorologique de Bernadouze, dans les Pyrénées. Cette station se situe en zone protégée Natura 2000, à 1 500 mètres d’altitude et à plus de cinq kilomètres du village le plus proche… Cela prouve que, en matière de pollution plastique, aucun territoire n’est à l’abri.
Élu d’un département rural, le Puy-de-Dôme, connu pour ses grands espaces et son air pur, je m’inquiète naturellement des résultats de cette étude, qui font apparaître des taux de pollution aux microplastiques comparables à ceux de Paris ou de Pékin.
Produites par un certain nombre d’industries, les microparticules de plastique s’accumulent dans les sols et les cours d’eau et sont transportées par le vent, la pluie et la neige sur de très grandes distances. Dans l’océan Pacifique, 94 % des 2 000 milliards de déchets en plastique sont des microparticules. Même s’ils ne représentent de fait qu’une petite partie de la masse totale de ce continent de plastique, ils sont les plus difficiles à traiter et s’intègrent durablement dans notre écosystème. La question des macrodéchets n’est que la partie visible du problème.
Au-delà des conséquences sanitaires pour l’homme –nous les connaissons mal pour l’instant –, il existe des risques majeurs pour la biodiversité, alors que de nombreux scientifiques évoquent une probable sixième extinction de masse.
Ces fragments ou microfilms sont utilisés à grande échelle dans l’industrie, notamment dans les secteurs des cosmétiques et des fibres synthétiques. Des voix s’élèvent aujourd’hui pour interdire l’utilisation des microparticules, en particulier dans l’industrie cosmétique.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Comment comptez-vous inciter les industriels à préparer un changement dans leurs modes de production ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gold, les microbilles plastiques ajoutées intentionnellement dans certains produits, par exemple les cosmétiques ou les détergents, constituent en effet une source de pollution sur laquelle il est possible d’agir, d’autant qu’il existe des alternatives bien plus respectueuses de l’environnement.
Avec la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016, la France a montré la voie, en interdisant l’usage des microbilles plastiques dans les cosmétiques rincés à partir de 2018. J’ai défendu la généralisation de cette mesure à tous les États membres de l’Union européenne, comme le prévoit la feuille de route de l’économie circulaire, qui a ainsi une portée tout à fait concrète. À la suite de cette démarche, la Commission européenne a saisi l’ECHA, l’Agence européenne des produits chimiques, pour étudier la possibilité d’une restriction de mise sur le marché sur la base du règlement Reach. En janvier 2019, cette agence a préconisé une restriction de l’usage des microplastiques non seulement dans les cosmétiques, mais aussi dans les détergents, les fertilisants et les pesticides. Je veillerai à ce que la Commission se saisisse rapidement de cet avis et présente une proposition législative à ce sujet.
J’ai aussi demandé en 2018 à la Commission européenne de prévoir des mesures pour la récupération des microplastiques issus du lavage des textiles en machine. Toutes les options sont sur la table pour déployer de telles mesures.
Par ailleurs, nous travaillons avec différents pays européens, notamment les Pays-Bas, à la mise en place d’un pacte européen sur les emballages plastiques afin d’aller encore plus loin, dans un premier temps sur la base du volontariat.
Enfin, nous voulons que les discussions sur l’environnement menées dans le cadre du G7 débouchent sur des résultats très concrets, notamment en matière d’installation de filtres sur les machines à laver ou sur les stations d’épuration, de façon à empêcher que ces microplastiques souvent issus du lavage de textiles synthétiques finissent dans l’environnement.
Vous le voyez, ce sujet constitue une priorité pour le Gouvernement. Nous avons commencé à agir de manière très concrète et avons déjà obtenu des résultats. Il faut aller encore plus vite et plus loin.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Le plastique offre l’illustration parfaite d’une économie linéaire et la France comme l’Europe accusent aujourd’hui un retard important en matière de collecte et de recyclage des plastiques, principalement parce qu’elles n’ont pas su entraîner l’ensemble des secteurs économiques dans une dynamique d’écoconception et de recyclage.
Si les exigences récemment posées en la matière, notamment à l’échelon européen, sont à saluer, la France peine toujours à trouver son modèle et à mettre en place un dispositif cohérent.
Six mois après la publication de la feuille de route, les engagements pris sont globalement très décevants. En effet, l’ensemble des mesures en faveur du recyclage actuellement en discussion se limitent à quelques annonces, sans s’attaquer à la question des différents plastiques non recyclables ni à celle du partage des responsabilités et des coûts entre l’amont et l’aval pour l’établissement de filières de recyclage pérennes.
Afin de renforcer la responsabilité de ceux qui mettent les plastiques sur le marché, il est nécessaire de créer l’environnement adéquat pour une gestion efficace des flux entrants et une amélioration de la qualité des flux sortants. Cela contribuera au développement d’une économie circulaire.
Il me semble urgent d’imposer un véritable plan de prévention et d’écoconception aux entreprises, incluant des objectifs de réduction des déchets et de fabrication de produits réutilisables ou recyclables, de rendre contraignante, à l’horizon de 2025, l’intégration de matériaux recyclés dans tous les produits mis sur le marché, de mettre en place de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs, notamment pour le sport, les jouets ou le bricolage, enfin de contraindre fortement l’usage de produits non recyclables ou non valorisables énergétiquement, en cohérence avec la réglementation.
Madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous prendre concrètement en compte les impératifs que je viens d’énumérer ? Il est clair que l’on ne pourra relever le défi du recyclage du plastique que par la mise en synergie des acteurs de toute la chaîne de valeur.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison, monsieur le sénateur Kern, la France est en retard par rapport à certains de ses voisins et, tout simplement, au regard de l’urgence ! Il faut donc que nous accélérions, et c’est ce que nous faisons. Ce sujet constitue en effet une priorité depuis que nous sommes arrivés au Gouvernement et les premiers résultats se font jour : la production de matières plastiques recyclées a par exemple augmenté de 12 %. Vous le voyez, nous sommes sur une bonne trajectoire. Il revenait à l’État de rassembler les différents acteurs concernés. Si nous n’avions pas enclenché cette dynamique, ils n’auraient pas travaillé ensemble.
Cela étant, il faut aller encore plus loin. C’est tout l’objet du projet de loi qui sera déposé d’ici à l’été et qui comprendra des réformes importantes, notamment en ce qui concerne le montant des écocontributions versées par les entreprises à des éco-organismes. Nous souhaitons que ces contributions augmentent de façon significative afin d’inciter à une moindre utilisation du plastique, notamment pour les emballages.
Nous devons effectivement passer d’une économie linéaire à une économie circulaire. Pour cela, toute une série d’incitations doit être mise en place, car il est vrai qu’un changement de méthode aussi profond représente un effort très significatif pour l’ensemble des acteurs.
Engager cet effort est cependant une urgence pour la nature et la biodiversité. Cela permettra en outre la création dans nos territoires d’emplois non délocalisables et porteurs de sens. Les entreprises gagneront quant à elles en compétitivité.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.
M. Claude Kern. Adopter une telle approche globale associant l’amont et l’aval est capital, comme en témoignent les images-chocs du tristement célèbre septième continent plastique.
Nous devons désormais déployer toute notre énergie pour lutter contre les plastiques à usage unique. À cet égard, je vous le dis sans ambages, madame la secrétaire d’État, le vote de l’Assemblée nationale allant à l’encontre de ce qu’avait décidé le Sénat sur ce sujet, intervenu le jour même de la mobilisation mondiale en faveur du climat, nous rend particulièrement amers !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. Madame la secrétaire d’État, le plastique prolifère ! À défaut d’être récupéré après usage et recyclé, il est jeté dans la nature. Il ne disparaît pas, il se désagrège en petits morceaux, puis en fines particules. Le vent et l’eau le dispersent, et il infecte la planète dans toutes ses composantes, à, commencer par l’homme. La biodiversité, sur laquelle se penche en ce moment l’IPBES, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, est directement affectée.
On ne le dira jamais assez, le meilleur plastique est celui que l’on ne produit plus ! Certains usages du plastique ont récemment été interdits aux niveaux français ou européen ; c’est une bonne chose, mais il faut continuer de recycler les plastiques utilisés. Nos concitoyens sont plutôt efficaces à cet égard, puisqu’en France 75 % des emballages plastiques sont collectés. Malheureusement, seulement 26 % de ces emballages sont recyclés : cela ne suffit pas.
On voit apparaître de nouvelles technologies : ainsi, la société française Carbios parvient à recycler la quasi-totalité du plastique PET grâce à des enzymes bactériennes. Certains pays ont développé l’usage et le tri du plastique biosourcé et compostable pour améliorer la valorisation de leurs déchets plastiques.
Un problème fondamental demeure toutefois : le plastique vierge coûte souvent moins cher que le plastique recyclé. Madame la secrétaire d’État : comptez-vous faire en sorte que le prix du plastique vierge reflète les externalités négatives pour notre planète de sa production et de son utilisation, afin de favoriser l’usage du plastique recyclé ? Le Gouvernement envisage-t-il d’encourager la mise en place d’une filière de valorisation des biodéchets qui serait consolidée par des évolutions réglementaires et fiscales rapides ? Enfin, quelles mesures concrètes vont être prises par le Gouvernement pour diminuer la pollution due au plastique dans les filières de traitement des biodéchets ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bignon, vous m’interrogez sur les mesures à mettre en œuvre pour favoriser l’usage du plastique recyclé et sur les risques de pollution due au plastique dans les filières de traitement des biodéchets.
J’ai déjà évoqué la feuille de route de l’économie circulaire et les différentes mesures que nous avons déjà prises et mises en œuvre de surcroît, ainsi que le projet de loi à venir.
Premièrement, des filières industrielles ont pris des engagements et nous avons conclu un pacte avec une partie des distributeurs en vue de l’utilisation de 1 million de tonnes de plastiques recyclés, contre 300 000 tonnes aujourd’hui. Pour le moment, cette démarche est fondée sur le volontariat, mais nous comptons la rendre obligatoire.
Deuxièmement, des bonus-malus plus incitatifs vont être progressivement déployés pour responsabiliser financièrement les fabricants de produits plastiques ; nous nous appuierons pour cela sur les éco-organismes. Nous savons que ce type de dispositif fonctionne : un tel bonus-malus a été mis en place en janvier dernier pour les films d’emballage en polyéthylène recyclé ; ce n’est que le début !
Troisièmement, un taux minimum d’emploi de plastique recyclé pourra être fixé pour certains produits, par exemple les bouteilles en plastique.
Quatrièmement, d’autres leviers peuvent être mobilisés. À titre d’illustration, le label bas carbone, qui récompense les démarches permettant de réduire les émissions de CO2, notamment dans les filières agricoles et forestières, pourrait être étendu au secteur du recyclage.
Concernant le risque de pollution plastique dans les biodéchets, la loi a prévu, pour les déchets qui restent jetés, qu’ils respectent une norme de compostage domestique plus exigeante que celle appliquée par certains de nos voisins. Si cette exigence s’avère insuffisante, elle sera renforcée.
Enfin, j’ai missionné M. Alain Marois pour élaborer un pacte de confiance visant à renforcer les exigences de qualité pour les matières fertilisantes issues des biodéchets, s’agissant notamment des éléments indésirables comme le plastique.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, pour la réplique.
M. Jérôme Bignon. Je voudrais attirer l’attention du Gouvernement sur un point : il ne faudra pas oublier d’aider les collectivités locales pour qu’elles puissent équiper au plus vite leurs centres de tri d’équipements innovants permettant de mieux faire face à la pollution par les plastiques.
Il faut évidemment une mobilisation citoyenne et des solutions techniques, mais aussi un appui aux collectivités locales, qui ne doivent pas se voir imposer une charge d’exploitation supplémentaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. L’impact émotionnel est fort, quand nous voyons des images de bouteilles en plastique flottant sur les mers, mais ne cédons pas pour autant à un plastique bashing radical et irraisonné !
Dans cet esprit, il est nécessaire de recueillir l’ensemble des données relatives à la pollution par le plastique, à sa production et à son recyclage en France et dans le monde.
Il est également fondamental de dresser un état des lieux des dangers, avérés ou non, du plastique pour la santé. Il est aussi essentiel de faire le point sur la recherche fondamentale et les solutions innovantes permettant le développement d’alternatives adaptées aux réalités.
Bien sûr, nous sommes parfaitement conscients qu’il est urgent de trouver des solutions de substitution, mais ne cédons pas à une application précipitée du principe de précaution, car les enjeux liés à la production de plastique sont d’ampleur : c’est un secteur économique qui représente des milliers d’emplois, notamment dans le domaine de l’embouteillage.
Concernant les solutions innovantes en matière de recyclage, une société du Puy-de-Dôme, Carbios, produit des bouteilles entièrement à partir de déchets plastiques biorecyclés. C’est une première mondiale et une innovation porteuse d’avenir, sachant que 6,3 milliards de tonnes de déchets plastiques se retrouvent dans les décharges et les océans ou dans les unités de recyclage françaises.
Madame la secrétaire d’État, quels moyens techniques, et surtout financiers, l’État compte-t-il engager afin de soutenir les solutions innovantes en vue de permettre une transition écologique efficiente, qui tienne compte des réalités économiques de la filière de production des contenants plastiques ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Boyer, il n’est pas question de jeter le bébé avec l’eau du bain ! Nous sommes bien conscients que des changements brutaux, radicaux nuisent à l’acceptabilité sociale des politiques publiques environnementales. Nous avons pu en faire l’expérience récemment… Nous visons l’efficacité, et il faut donc trouver un équilibre pour avancer le plus vite possible sans laisser personne au bord de la route. C’est tout l’objectif des politiques publiques menées par le Gouvernement.
Cette approche vaut aussi pour la lutte contre la pollution par les plastiques. Comme je l’ai déjà indiqué, nous entendons être intraitables sur la pollution plastique et enclencher une véritable mutation de notre modèle économique pour aller vers une économie circulaire, mais en veillant à ne laisser personne sur le bord du chemin.
Dans cette perspective, j’ai engagé des discussions avec Muriel Pénicaud, ministre du travail, pour développer l’apprentissage et la formation de façon à accompagner les reconversions que pourrait induire l’évolution des filières concernées. Une agence de l’État comme l’Ademe travaille avec les collectivités et les entreprises à l’émergence de solutions alternatives, au travers du programme d’investissements d’avenir, le PIA.
Je le redis, ne nous voilons pas la face : le gisement d’emplois se situe dans le secteur du recyclage, sachant qu’une tonne de déchets recyclée au lieu d’être enfouie représente dix emplois supplémentaires.
Nous devons travailler ensemble à l’élaboration des solutions : c’est tout l’esprit de la feuille de route de l’économie circulaire et de la méthode du Gouvernement !
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Nous savons qu’il est très difficile, voire illusoire, de se passer complètement du plastique, car c’est une matière façonnable, peu coûteuse, inerte biologiquement et résistante sur le plan mécanique. Ainsi, le plastique est utilisé dans les transports, le bâtiment, l’électronique, la santé, soit bon nombre de domaines de la vie quotidienne.
Le plastique, c’est fantastique, mais c’est surtout catastrophique quand il n’est pas recyclé. Pourtant, s’il est correctement trié et collecté, il peut être recyclé et connaître une deuxième, voire une troisième vie.
Pour parvenir à l’objectif de 100 % de déchets plastiques recyclés, une des mesures proposées dans la feuille de route vise à inciter les industriels à entrer dans la boucle, en incorporant davantage de matières premières issues du recyclage dans les produits, tout en assurant leur qualité, leur traçabilité et une réelle sécurité pour nos concitoyens.
Ainsi, d’ici à sept ans, il y aura deux fois plus de matières premières issues du recyclage dans nos produits du quotidien, mais cela restera largement insuffisant. Au-delà de l’engagement des industriels à augmenter le taux de recyclage du plastique, il semble nécessaire d’améliorer sa collecte, en modernisant les infrastructures, et de mieux informer le consommateur des gestes corrects à adopter, afin qu’il puisse mieux différencier les plastiques, le papier, les métaux. Chaque effort de tri est bénéfique pour toutes les filières et permet d’amorcer un cercle vertueux.
Une solution existante et facilement exportable pour lutter contre la pollution due au plastique est d’inciter au développement des bioplastiques biodégradables et compostables. On en produit actuellement 2 millions de tonnes par an en France, soit 1 % du marché des emballages plastiques.
L’émergence de ces bioplastiques, dits de nouvelle génération, permet la valorisation des biodéchets qu’ils peuvent contenir et qui amènent, aujourd’hui, des émissions de CO2 : ces biodéchets qui sont actuellement enfouis ou incinérés pourraient être valorisés, notamment par compostage.
Les biodéchets représentent un tiers des poubelles résiduelles des Français ; c’est un gisement non négligeable, qu’il faut maintenant détourner de l’élimination en vue de l’instauration d’une économie circulaire de la matière organique.
Pour atteindre l’objectif de 100 % des plastiques collectés et recyclés avant 2025, pouvez-vous nous indiquer, madame la secrétaire d’État, quelles mesures seront mises en œuvre pour rendre la collecte plus efficace, moderniser nos centres de tri et améliorer ainsi la valorisation de nos déchets ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, je souhaite d’abord vous remercier de votre soutien sans faille et sans concession aux travaux que nous avons menés sur la feuille de route de l’économie circulaire. Je sais que vous serez encore à nos côtés pour nous stimuler et encourager les innovations.
Votre question aborde plusieurs thèmes, notamment celui des bioplastiques biodégradables et compostables. L’emploi du terme « biodégradables » suscite des confusions dans l’esprit des Français, en donnant à penser que ces plastiques se dégraderont dans la nature et peuvent donc être abandonnés dans l’environnement. Or c’est tout le contraire : ces plastiques dits biodégradables ne se dégradent que dans un environnement contrôlé, par exemple en termes de teneur en oxygène ou de température, soit sur un site industriel spécialisé, soit dans un composteur domestique bien géré, et cela vaut seulement pour quelques produits très fins, tels que les sacs en plastique.
Dans ce contexte, il ne faut pas que le remède soit pire que le mal ! C’est pourquoi des informations devront être mentionnées sur certains produits en plastique, par exemple pour préciser clairement le geste de tri spécifique à accomplir ou pour éviter que certains fabricants ne trompent les Français. C’est l’objet de l’une des mesures du projet de loi anti-gaspillage que nous préparons.
Vous avez aussi évoqué la question, absolument essentielle, de l’accompagnement des collectivités locales. Soyez assuré que l’État et ses différentes agences concernées continueront d’être mobilisés à leur côté, notamment dans le cadre du PIA. Nous voulons aussi mettre à contribution de façon plus efficace les éco-organismes, en fixant des objectifs de performance clairs, mesurables, qui devront être relayés de façon transparente.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Dans notre pays, en matière d’écologie, nous sommes très forts pour poser des objectifs à l’échéance de 2030, de 2040 ou de 2050, mais quand il s’agit du présent ou de l’avenir proche, nous n’avançons que très lentement, par sauts de puce. Or dix sauts de puce ne vaudront jamais un bond de kangourou ! Ce grand écart me préoccupe, car, vous l’avez dit vous-même, madame la secrétaire d’État, il y a urgence. D’autres pays ont pris des mesures très fortes.
J’en viens maintenant à ma question, qui porte sur la santé.
Les plastiques contiennent un certain nombre de substances, dont les plus connues sont les phtalates, les bisphénols ou le trioxyde d’antimoine, présent dans le PET. La présence de ces substances a des conséquences graves pour la santé humaine, sachant qu’elles peuvent être cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques.
Si l’évaluation et la recherche ont considérablement fait progresser nos connaissances en la matière, les décisions suivent difficilement, ce qui pose la question de notre mode de gouvernance en matière de santé environnementale. Quand une substance a été identifiée comme toxique, obtenir son retrait du marché soulève les plus grandes difficultés, faute de procédure clairement identifiée, y compris en termes de fixation de priorités, tous les produits ne pouvant bien sûr être retirés du jour au lendemain.
Aujourd’hui, la gouvernance en matière de santé environnementale est mal organisée dans notre pays. Comptez-vous, madame la secrétaire d’État, travailler sur cette question essentielle et faire des propositions en vue de modifier cette gouvernance ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Jomier, j’estime avoir fait quelques bonds de kangourou depuis mon entrée au Gouvernement ! Je vous accorde que cela ne sera jamais suffisant, étant donné l’urgence, mais nous nous efforçons tous les jours de remédier aux problèmes, y compris parfois en travaillant à bas bruit, notamment aux niveaux européen et international.
C’est en effet largement au niveau international que s’élaborent les solutions en matière de santé environnementale. C’est pourquoi la France se bat dans les différentes instances. Ainsi, nous avons adressé plusieurs courriers à la Commission européenne sur les sujets que vous avez évoqués. Je citerai le cas des perturbateurs endocriniens : nous avons lancé une nouvelle stratégie propre à la France, tout en engageant le combat au niveau européen en vue de mettre en place une politique transversale, prenant en compte à la fois le secteur des cosmétiques et celui des jouets, par exemple. Nous menons à cet effet un énorme travail de persuasion à l’égard de nos partenaires européens.
En ce qui concerne la gouvernance, pour prendre des mesures, il faut pouvoir s’appuyer sur des preuves scientifiques. Là aussi, nous menons un combat à bas bruit. Nathalie Loiseau, alors ministre chargée des affaires européennes, et moi-même avons rencontré les responsables de l’ECHA, l’Agence européenne des produits chimiques, et de l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Nous souhaitons que ces agences, dont les avis guident notre prise de décisions, transforment en profondeur leur système d’évaluation des substances chimiques et soient beaucoup plus indépendantes des industriels.
C’est là un combat qui se joue en grande partie au niveau européen, mais nous le menons aussi au niveau français. J’en veux pour preuve le cas du glyphosate : sans la France, cette substance aurait été autorisée en Europe pour une nouvelle période de quinze ans ; elle l’a finalement été pour cinq ans, et notre pays en sortira quant à lui d’ici à trois ans.