M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je conclus en soulignant que la production de matières plastiques recyclées a augmenté de 12 % et que les industriels se sont engagés à utiliser 1 million de tonnes de plastiques recyclés, contre 300 000 aujourd’hui : voilà deux autres bonds de kangourou, monsieur le sénateur !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.
M. Bernard Jomier. Madame la secrétaire d’État, je souscris à votre analyse sur la situation des instances européennes, mais cela ne doit pas occulter nos propres responsabilités. En France, le ministère de la santé reste celui du soin : vous ne trouverez pas, dans son organigramme, une direction dédiée à la santé environnementale. Quant à l’influence des industriels, regardez comment est composé le conseil d’administration de l’Anses ! Enfin, la répartition des responsabilités entre les différentes agences est quelque peu chaotique… Il faut donc revoir notre gouvernance.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Beaucoup de constats et de positions que je partage ont déjà été exposés. Ce débat fait d’ailleurs écho à la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la lutte contre les déchets en plastique qui avait été déposée le 8 octobre dernier par ma collègue Nathalie Goulet et que j’avais cosignée.
Je souhaite aborder deux points importants à prendre en compte sur cette question primordiale pour l’environnement.
J’évoquerai en premier lieu l’acceptabilité des mesures par les consommateurs. Il est demandé aux industriels de diminuer le volume des emballages plastiques, de réduire leur poids et de supprimer les objets à usage unique, mais le consommateur a un pouvoir. Ainsi, les industriels ont testé auprès des consommateurs la réduction du poids des bouteilles de soda et d’eau : certains ont renoncé à cet allégement, car le client trouvait le produit trop bas de gamme…
Comme pour beaucoup de mesures environnementales, on souligne en outre les dégâts écologiques, en Asie par exemple : des vidéos montrant des rivières de déchets plastiques et des mers de bouteilles et de sachets circulent sur internet. On ne retrouve heureusement pas ces désastres en Europe !
Il faut en fait que le consommateur change ses habitudes d’achat et se tourne vers des objets réutilisables, qu’il accepte de voir la conception des contenants de ses produits favoris évoluer et qu’il se détourne du plastique pour les objets à usage unique. Des solutions existent déjà, mais comment l’inciter à y recourir davantage ?
J’évoquerai en second lieu la substitution du pétrole par des biomatériaux – algues, plantes, amidon… –, que nous devons développer et soutenir. Couplée à une réduction des volumes de production de plastiques, l’utilisation des déchets végétaux est un formidable levier pour la transition énergétique et le développement économique. Rappelons aussi que, par la photosynthèse, la plante capte du carbone. Les agriculteurs et la bioéconomie sont appelés à jouer un rôle important pour sortir du plastique issu du pétrole en lui substituant des biomatériaux : certains estiment que près de 70 % des familles de polymères sont susceptibles d’être biosourcées. Qu’en pensez-vous, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Férat, vous soulignez le rôle clé des consommateurs, d’ailleurs parfois appelés « consom’acteurs ».
Je suis d’accord avec vous sur le fait que les consommateurs ont, par les choix qu’ils opèrent, beaucoup de pouvoir. Les jeunes avec qui j’échange sur ces sujets me disent souvent qu’ils n’ont pas envie d’attendre que les entreprises leur proposent de meilleurs produits ; ils veulent agir eux-mêmes. Je considère cependant que l’État doit donner aux citoyens les moyens d’agir. Tout ne peut pas reposer uniquement sur la créativité ou la volonté de changement du consommateur : il faut conjuguer les dynamiques à l’œuvre, qu’elles trouvent leur origine dans l’État, les entreprises ou les consommateurs.
Nous avons déjà commencé à agir concrètement. Madame la sénatrice, vous avez indiqué que certains consommateurs refusaient les produits mieux écoconçus, les croyant de moindre qualité. C’est souvent ce que me disent les entreprises au début, puis elles s’aperçoivent que ces nouveaux produits sont finalement beaucoup mieux acceptés par les consommateurs qu’elles ne l’imaginaient. Il en va de même en matière de réduction des invendus et du gaspillage. Je pense donc que les entreprises peuvent faire davantage. D’ailleurs, elles le savent puisque treize d’entre elles ont signé le pacte national sur les emballages plastiques il y a quelques semaines au ministère de la transition écologique et solidaire. La mise en œuvre de ce pacte aux objectifs très ambitieux est à effet immédiat. Cela nécessite une transformation parfois drastique des habitudes et des repères des consommateurs, qui en définitive acceptent ces changements et franchissent le pas, notamment les plus jeunes d’entre eux.
Enfin, il faut encourager le recours aux plastiques biosourcés, sans pour autant que son développement ait des conséquences négatives sur la biodiversité et la nature.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Derrière le mot « plastique », il y a différentes réalités, parce qu’il y a différentes résines plastiques, certaines étant plus recyclables que d’autres. Au-delà, les filières de recyclage existent-elles en réalité ?
Parmi les différents plastiques, le polyéthylène téréphtalate, le PET, à 100 % recyclable, est recommandé particulièrement pour les usages alimentaires et les boissons. C’est un usage vertueux du plastique lorsqu’il s’inscrit dans une économie circulaire. Il s’agit de la deuxième matière d’emballage la plus recyclée en France, après le verre. Des progrès ont en effet été accomplis depuis dix ans et des engagements ont été pris par les embouteilleurs de boissons pour intégrer une part croissante de ce plastique recyclé dans la fabrication des bouteilles. Cela permet d’être optimiste quant à la possibilité d’atteindre les objectifs fixés par la directive européenne à venir, qui imposera l’emploi de 25 % de plastique recyclé pour la fabrication des bouteilles en PET d’ici à 2025.
Afin d’assurer la disponibilité en suffisance, sur le territoire français, d’un plastique recyclé compétitif de la qualité souhaitée, il est nécessaire de progresser dans la collecte des plastiques post-consommation pour recyclage. Une grande partie de nos concitoyens ont la chance de bénéficier d’un système de collecte sélective à domicile, qui représente un véritable service au profit du recyclage.
Pour permettre la pérennisation du système français, il faut doper nos performances en matière de collecte en s’inspirant de certains pays voisins, comme la Suisse ou la Belgique, plus efficaces que nous grâce à la mise à disposition obligatoire de poubelles de tri multiflux.
Compte tenu de ces éléments, pourriez-vous nous éclairer, madame la secrétaire d’État, sur la politique que le Gouvernement entend mener afin de limiter un plastique bashing à la fois irréaliste et insupportable ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Chaize, mettre en place une véritable politique industrielle du recyclage est en effet essentiel. C’est exactement ce que nous entendons faire. J’y travaille avec le ministère de l’économie et des finances.
Je partage dans une large mesure votre constat. Pour qu’une économie circulaire du plastique puisse se développer, il faudrait déjà que nous réussissions à collecter suffisamment de matière première, c’est-à-dire de plastique à recycler. Sans attendre la loi à venir, nous explorons différentes solutions en vue de considérablement augmenter l’efficacité de notre système de collecte. Conçu il y a quelques dizaines d’années, celui-ci était relativement efficace pour l’époque ; aujourd’hui, il faut passer à l’étape supérieure. Cela représente une véritable révolution, dont la mise en œuvre se révélera probablement complexe, mais qui est nécessaire !
Nous cherchons à mettre en place une consigne pour le plastique et l’aluminium. Vingt projets innovants vont prochainement être déployés sur le territoire, avec l’Ademe et Citeo, afin de déterminer le meilleur moyen de collecter ces plastiques en vue de créer une vraie filière de recyclage.
Se pose également la question de la compétitivité-prix entre matière recyclée et matière vierge. On le sait, il y a trop de fluctuations, ce qui pousse bien souvent les industriels à continuer à utiliser du plastique vierge. Nous voulons utiliser les écomodulations pour lisser les variations du prix du baril de pétrole, qui ont des conséquences négatives sur l’utilisation et la commercialisation des matières plastiques recyclées. Nous entendons que ces dernières restent toujours au moins aussi compétitives que le plastique vierge.
Telles sont les différentes pistes que nous explorons. Monsieur le sénateur, je sais qu’il existe, dans l’Ain, une véritable expertise, de vrais champions de l’économie plastique. J’ai eu dernièrement l’occasion de me rendre dans votre département avec le ministre de l’éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, et de découvrir tous les projets développés au sein de ce territoire très riche. J’espère avoir bientôt l’occasion de m’y rendre de nouveau pour étudier avec vous des solutions en vue de conserver cet avantage, tout en s’adaptant le mieux possible à l’économie du XXIe siècle.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Madame la secrétaire d’État, vous êtes bien sûr invitée. Ce sera avec grand plaisir que nous vous accueillerons dans l’Ain. Il faut en finir avec les généralisations, et ne pas hésiter à dire que le plastique rend des services et a ses vertus. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d’État, alors que j’évoquais ici même l’état de la Méditerranée au regard des pollutions, votre collègue Emmanuelle Wargon a indiqué que, sur le fondement du rapport que j’avais établi au nom de l’Opecst et de l’alerte que j’avais lancée, le Premier ministre avait demandé qu’un plan de réduction de l’apport de macro-déchets et de microplastiques à la mer soit mis en place d’ici à 2020. Je serais donc intéressé par toute précision sur ce point.
Le mal est mondial : chaque seconde, plus de 200 kilos de plastique aboutissent dans les océans. En conséquence, les résidus plastiques sont présents partout : dans les organismes, dans les espèces marines, et jusque dans la chaîne alimentaire.
En Méditerranée, par exemple, on compte de 100 000 à 900 000 microdéchets plastiques par kilomètre carré. Dans certaines zones, on dénombre autant de microdéchets que de planctons… Ils sont partout, et pas seulement dans les mers ! On en trouve jusqu’à 1 500 mètres d’altitude dans les Pyrénées ariégeoises. Quel est le coût de ces dommages environnementaux ? Et quel en sera le coût sanitaire ?
Saluons la volonté de la France et de l’Union européenne de sortir de la culture du « tout jetable », avec l’interdiction d’une dizaine de produits plastiques à usage unique, mais l’essentiel est de réduire la production et la consommation à la source, tout en favorisant le déploiement des alternatives au plastique.
L’important, c’est aussi la collecte, le recyclage et l’incinération. Dans ce domaine, nos marges de progrès sont énormes. Toutefois, on ne peut pas recycler indéfiniment les plastiques.
Comment entendez-vous promouvoir le déploiement d’alternatives au plastique ? Où en est-on de l’application du principe pollueur-payeur, c’est-à-dire de la prise en charge des frais de nettoyage et de collecte des déchets plastiques par les fabricants ? Enfin, puisqu’il faut une régulation à l’échelle de la planète, sous quel délai peut-on raisonnablement envisager la conclusion d’un traité mondial sur la réduction de la production de plastiques ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Courteau, permettez-moi tout d’abord de vous remercier, conjointement avec mes collègues François de Rugy et Emmanuelle Wargon de votre travail et de votre implication sur le sujet de la pollution de la mer Méditerranée. Vous nous avez proposé des solutions pragmatiques et concrètes.
La France a fait de la lutte contre la pollution plastique des océans une vraie priorité. Comme vous l’avez souligné, il s’agit d’une problématique éminemment européenne et internationale. C’est pourquoi nous avons décidé d’en faire un axe important du prochain G7, qui se tiendra à Biarritz : nous voulons bâtir une coalition pour lutter contre la pollution plastique, réunissant de 20 % à 25 % au moins de l’ensemble des parties prenantes à l’échelon mondial. Nous enverrons ainsi un message aux autres, leur signifiant qu’il est temps de réguler et d’aller plus loin dans ce domaine. Vous avez évoqué un traité mondial, d’autres pistes peuvent aussi être explorées.
Par ailleurs, la France tient à être un fer de lance et à prendre ses responsabilités sur cette question. C’est pourquoi nous allons accueillir à Marseille le congrès de l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature : là encore, la lutte contre la pollution plastique sera un thème central des discussions. Ce congrès vise à préparer la COP15 de la biodiversité, qui aura lieu en Chine et qui sera aussi importante que la COP21 a pu l’être. Nous entendons que la question de la lutte contre la pollution plastique y tienne une place importante.
Enfin, je rappellerai la signature, en France, du pacte national sur les emballages plastiques, qui vise à lutter contre la pollution plastique sur la terre ferme : en effet, une fois que les plastiques sont dans les océans, il est trop tard !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous devons changer notre système de production et de consommation en amont. Nous ne pourrons pas, malheureusement, nettoyer tous les océans.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il est temps d’oser un changement radical et important. Je vous remercie de votre soutien sur le sujet, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour la réplique.
M. Roland Courteau. Au travers de mon rapport rédigé au nom de l’Opecst, j’ai lancé une véritable alerte concernant les pollutions qui frappent la Méditerranée, avec une mention spéciale pour les plastiques, qui constituent une véritable bombe à retardement pour la faune, la flore et la santé humaine.
Je m’interroge sur les risques de polymérisation en Méditerranée, une mer toute petite, quasiment fermée et fragile. La solution repose sur la mobilisation des vingt et un États riverains. Il y faut un leader, qui prenne l’initiative de nouvelles actions. Je compte sur la France pour jouer ce rôle, madame la secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. […] Nous sommes tous responsables. » Ces mots prononcés par le président Jacques Chirac lors du sommet de Johannesburg, en 2002, gardent toute leur pertinence et restent d’une brûlante actualité.
La lutte contre les déchets plastiques doit impérativement devenir une priorité pour l’Europe. La pollution par les plastiques sur terre ou dans les mers doit être réduite le plus tôt possible : chacun d’entre nous en convient.
Or, à ce jour, vous le savez bien, madame la secrétaire d’État, seulement 26 % des emballages plastiques sont recyclés. Dans les faits, de nombreux plastiques recyclables ne sont pas recyclés, en raison de contraintes techniques ou économiques. C’est par exemple le cas des plastiques souillés par des restes de déchets alimentaires. Ces objets pourraient être réalisés en plastique biosourcé et compostable. Ils pourraient alors être valorisés industriellement avec les biodéchets, et donc contribuer à l’augmentation du pourcentage global de plastique recyclé en sortant des flux du recyclage mécanique.
La loi impose le tri à la source et la valorisation des biodéchets à l’horizon 2023. Je salue ce dispositif qui, malheureusement, ne suffira pas à lui seul. Cette valorisation passera, entre autres procédés, par le compostage sur site, qui permet d’obtenir un compost propre, assurant un apport au sol de qualité, ce qui favorisera l’acceptation par les agriculteurs.
Je reconnais que le développement de cette filière industrielle est amorcé, mais il reste très insuffisant en France pour atteindre les objectifs réglementaires de valorisation des biodéchets qui ont été fixés.
Alors que le Gouvernement français a reconnu la pertinence de l’utilisation des plastiques biosourcés et compostables dès le vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la LTECV, en 2015, et, plus récemment, au travers du pacte national sur les emballages, que fait-il pour en favoriser le développement ? À l’évidence, pas grand-chose !
Madame la secrétaire d’État, vous passez par pertes et profits les milliards investis en recherche et développement, ainsi que les emplois créés par la filière française et européenne, qui jouit pourtant d’une avance technologique considérable pour ces innovations, véritables fers de lance de la bioéconomie. Croyez-vous que notre pays puisse supporter une telle erreur d’appréciation du Gouvernement, un aussi mauvais choix économique ?
Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour développer la filière du compostage et celle des plastiques biosourcés et compostables, qui contribuera à une amélioration significative des taux de valorisation des plastiques et permettra de lutter contre une pollution galopante que nous pourrions stopper ? C’est une question de courage politique. Osez, et nous vous suivrons !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Cuypers, vous avez rappelé les paroles prononcées par Jacques Chirac en 2002. C’était l’époque où les mots suffisaient. Maintenant, nous devons nous salir les mains et « entrer dans le dur » : c’est là où les choses deviennent difficiles !
On est parfois confronté à des situations assez paradoxales : c’est le cas avec les plastiques compostables. Force est de constater que l’évaluation de leur utilisation, telle qu’elle est prévue par la LTECV, pourrait être plus positive. Pour le dire simplement, cela fait partie des effets un peu indésirables de ce type de transfert : très concrètement, beaucoup des plastiques dits biodégradables ne le sont pas en réalité.
C’est la raison pour laquelle je dis souvent que, dans la mesure du possible, je préfère supprimer les plastiques du quotidien…
M. Bernard Jomier. Très bien !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. … et chercher à transformer les modes de production et de consommation en amont. Il faut cesser de considérer que nous pouvons systématiquement trouver une solution de substitution, sans jamais changer nos modes de vie, de production ou de consommation.
Cela étant, je ne nie pas qu’il existe des plastiques biosourcés utiles et efficaces. Là encore, il nous faudra veiller à ce que le développement du recours à ces plastiques ne se fasse pas au détriment de la nature. C’est pourquoi je privilégie les changements de comportement et les transformations économiques.
Par ailleurs, on retrouve encore beaucoup trop de biodéchets dans nos poubelles, ce qui aboutit finalement, dans le meilleur des cas, à incinérer de l’eau… Cette situation est paradoxale et parfaitement intolérable. Le traitement de cette question est épineux, parce qu’il implique un changement profond des comportements des consommateurs et de l’ensemble des acteurs du système.
J’ai demandé à Alain Marois de travailler sur un pacte de confiance avec l’ensemble des acteurs de la filière des biodéchets, en vue de trouver des solutions. La confiance est la valeur la plus utile pour parvenir à développer un système de collecte des biodéchets réellement efficace.
Mais la route est encore longue et les changements à opérer importants : nous aurons besoin de vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour nous aider à trouver des solutions pérennes et efficaces, en liaison étroite avec les collectivités locales et nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d’État, la question du recyclage des plastiques hors emballages, soit 60 % des volumes utilisés dans des produits de consommation courante, est très complexe du fait de la variété des plastiques en cause, de la diversité de leur utilisation et de celle des additifs ou substances dangereuses ajoutés.
En effet, il n’y a pas un mais des plastiques : c’est là à mon avis l’élément qui risque de tuer l’économie circulaire. Si l’on réutilise ces plastiques en vue de les réaffecter à leur usage d’origine, il n’y a pas de problème. En revanche, si on les mélange avec d’autres en vue diluer les éléments dangereux qu’ils contiennent, il y a une perte de traçabilité, ce qui peut présenter un risque.
Pour la grande majorité des déchets plastiques, provenant des jeux, des équipements sportifs ou des véhicules, par exemple, il est nécessaire de recycler en boucle fermée si l’on veut éviter un risque sanitaire majeur. La question de la traçabilité est fondamentale. Il faut absolument prévenir tout risque de dilution. Le véritable enjeu est d’empêcher que l’on introduise dans des produits manufacturés des substances dangereuses qui risquent de détruire la confiance des consommateurs dans les produits issus du recyclage. Il vaut mieux, me semble-t-il, se priver d’un peu de valorisation pour conserver celle qui est pertinente et efficace, et assurer la pérennité de la filière.
Voici le point de vigilance que je souhaitais souligner : le recyclage de tous les plastiques sans distinction peut être dangereux. Quel est votre point de vue sur ce sujet, madame la secrétaire d’État ? J’ajoute que réaliser une telle ambition n’est pas possible pour l’heure, étant donné qu’il n’existe pas encore de modèle économique viable. En effet, jusqu’à présent, le plastique était exporté en Chine, qui a récemment fermé ses frontières. En Europe, on n’a pas encore développé les unités à même de bien trier, de recycler et de valoriser ces produits. Il faut donc stimuler les filières de recyclage : quels sont les ambitions et les leviers d’action du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Chevrollier, la santé de nos concitoyens est une priorité absolue et totale. Comme on ne peut pas différencier un plastique recyclé d’un plastique qui ne l’est pas, les mêmes normes s’appliquent à tous types de plastique. C’est un niveau d’exigence que nous assumons totalement et sur lequel nous ne reviendrons jamais !
Vous avez évoqué la possibilité de recycler un produit ou un emballage composé de plusieurs plastiques différents. Sachez que, grâce à toute une série de mesures que je n’aurai malheureusement pas le temps de détailler, comme le bonus-malus lié à la quantité de plastique recyclé incorporé dans le produit ou différentes modalités d’incitation à l’écoconception, nous cherchons à encourager l’élimination la plus rapide possible des plastiques non recyclables.
Nous voulons donc promouvoir l’écoconception des produits, et donc un recyclage plus facile, tout en assurant un niveau de qualité sanitaire égal ou supérieur à celui des matières qui ne sont pas issues du recyclage.
En matière de traçabilité et de santé, je tiens à préciser que, les microplastiques se retrouvant partout dans la nature, notre priorité est de changer notre modèle économique, notre façon de consommer et de produire. Notre objectif est de développer toute une palette de solutions technologiques pour éviter que ces microplastiques ne finissent dans nos assiettes.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Merci pour cette réponse, madame la secrétaire d’État.
Il faut effectivement agir autant en amont qu’en aval, pour promouvoir l’écoconception des produits, favoriser le recyclage, notamment en développant des produits démontables, et lutter contre l’obsolescence programmée.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand.
Mme Anne-Marie Bertrand. Il est indéniable que l’utilisation croissante du plastique, depuis les années soixante, contribue aux changements climatiques et affecte ainsi la biodiversité. Quand elle reste nécessaire, il faut alors concevoir de nouveaux types d’emballages. Dans les Bouches-du-Rhône, l’entreprise Sirap développe ainsi une gamme d’emballages biodégradables et compostables, afin de répondre aux exigences aussi fortes que légitimes des consommateurs.
Ces avancées, on le sait, exigent d’importants investissements, qui peuvent être supportés par nos entreprises pour peu que nous veillions à ne pas les fragiliser. C’est sur ce point que je souhaite vous alerter, madame la secrétaire d’État : le pacte national sur les emballages plastiques est susceptible, me semble-t-il, de fragiliser des entreprises volontaires, notamment celles qui produisent aujourd’hui des emballages en polystyrène expansé, alors même que leurs concurrentes qui fabriquent des emballages à base d’autres polystyrènes ne sont pas concernées par l’interdiction et que le polystyrène expansé est tout aussi recyclable. Ne vous semblerait-il pas judicieux d’exempter, pour une période donnée, les entreprises proposant une gamme d’emballages écologiques afin d’encourager toujours plus ces investissements et, ainsi, de préserver les emplois, ou mieux encore d’en créer ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vais vous répondre « cash », pour parler un peu vulgairement : le polystyrène expansé ne se recycle pas, en tout cas pas à des coûts qui seraient acceptables pour les industriels ou les consommateurs. Il n’existe tout simplement pas de filière de recyclage de cette matière en France. Sur la base d’études que nous avons menées, je puis vous affirmer très clairement que le développement d’une telle filière n’est pas envisageable pour l’heure dans notre pays. Priorité est donnée à d’autres résines et à toute une palette de mesures que j’ai déjà eu l’occasion de détailler à plusieurs reprises, visant, premièrement, à accélérer le développement de l’utilisation des résines plastiques qui se recycleraient plus facilement, et, deuxièmement, à encourager la conception d’emballages constitués de résines uniques, par exemple, beaucoup plus facilement recyclables eux aussi.
Il revient aux industriels d’être créatifs. Nous leur fixons des objectifs ambitieux, ainsi qu’aux éco-organismes, aux collectivités, aux citoyens. Bref, l’écosystème se développe et se met en place afin que nous puissions favoriser l’écoconception, le recyclage, la transformation de tout un système de production et de consommation. Cela implique d’arrêter des priorités et de les assumer. L’un de vos collègues évoquait la nécessité de faire preuve de courage en politique ; je crois que c’est le cas ici !