PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour une mise au point au sujet de votes.

M. Joël Bigot. Monsieur le président, je souhaite procéder à deux rectifications de votes concernant le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité et de la chasse, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

Lors des scrutins nos 80 et 81, Mme Laurence Rossignol et M. André Vallini ont été comptabilisés comme s’étant abstenus, alors qu’ils souhaitaient voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Candidatures à une mission d’information

M. le président. L’ordre du jour appelle la nomination des vingt-sept membres de la mission d’information sur le thème : « Transports aériens et aménagement des territoires », créée sur l’initiative du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

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Quelle politique de lutte contre la pollution et de recyclage du plastique et, plus généralement, quelle utilisation du plastique en France ?

Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe socialiste et républicain, sur le thème : « Quelle politique de lutte contre la pollution et de recyclage du plastique et, plus généralement, quelle utilisation du plastique en France ? »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat sur l’utilisation des plastiques en France.

Longtemps, nous avons cru que la Terre offrait un espace infini, tellement nous sommes petits devant elle. Longtemps, nous avons cru que jeter ne prêtait pas à conséquence. Mais ce matériau fantastique qu’est le plastique est devenu notre trouble-fête : le chant du styrène vire au cauchemar ! L’ère du gaspillage du plastique a conduit à la gabegie d’un matériau qui se retrouve aujourd’hui dans nos assiettes. Consommation effrénée et habitudes délétères consistant à jeter toujours plus après un usage éphémère : c’est le gobelet en plastique jeté après quelques gorgées ou la bouteille utilisée lors d’un unique repas. Le boomerang de notre surconsommation nous revient avec des conséquences catastrophiques.

Aujourd’hui, nous sommes effarés de découvrir qu’un estomac de cachalot échoué peut contenir plus de quinze kilos de plastique, dont un filet de pêche de treize mètres de long, scandalisés de voir une dépouille de cormoran à l’estomac rempli de déchets de toutes sortes ! Nous sommes émus, enfin, par cette tortue à la carapace en forme de 8, qui a grandi sanglée par un anneau de canette… On recense des centaines d’espèces animales touchées par le phénomène d’enchevêtrement et d’ingestion. Images terribles de notre futilité face aux souffrances, aux vies meurtries d’animaux innocents, insouciance coupable, aveuglement incompréhensible, inconséquence condamnable…

Cette situation est le résultat de notre addiction à une certaine forme de facilité, de confort, d’hygiénisme exacerbé. L’océan se meurt et, si nous ne faisons rien, il y aura, en 2050, plus de plastique que de poissons dans les océans !

Comment en sommes-nous arrivés là ? C’est après la Seconde Guerre mondiale que le plastique, ce matériau sous-produit du pétrole, léger, très peu coûteux, très stable et malléable s’impose comme le matériau idéal. Il peut prendre toutes les formes parce que fabriqué par moulage. Il est robuste, coloré. Il va peu à peu concurrencer les autres matériaux et, finalement, remplacer le verre, le métal, la porcelaine, la céramique, le papier, le carton et le bois.

Apportant d’abord de réels progrès, source de richesses et d’emplois, le plastique voit son usage se généraliser ; de nouveaux besoins apparaissent, et la dérive consumériste nous mène aux objets à usage unique et au suremballage qui gonfle nos poubelles, dans un glissement progressif vers un comportement qui friserait le ridicule, si ses conséquences n’étaient dramatiques. Et c’est l’indigestion : la France produit 5 millions de tonnes de plastique par an, le monde 10 tonnes par seconde ! Depuis 1950, 8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites, dont la moitié depuis 2000. Au total, 9 % seulement de ce plastique a été recyclé, 12 % incinéré ; tout le reste est dans la nature…

De cette quantité colossale, la moitié a fini dans les mers et les océans, jusqu’aux pôles, aux îles les plus éloignées et même au fond des fosses océaniques. N’a-t-on pas vu un sac plastique entier dans la fosse des Mariannes, à 10 000 mètres de profondeur dans le Pacifique Nord ?

Dans le même temps, les infrastructures de recyclage n’ont pas suivi la croissance de la production ; elles peinent à se mettre en place et ne sont toujours pas dimensionnées à la mesure de la quantité de plastique produite et jetée. En France, actuellement, à peine plus de 20 % du plastique est recyclé. La gestion non réglementée conduit à des déversements à ciel ouvert qui atteignent les bassins aquifères et les plans d’eau.

Par ailleurs, les courants marins ont provoqué la formation de cinq gyres, ou continents plastiques, véritables soupes où flottent en moyenne 500 000 fragments de plastique par kilomètre carré. Le plus important, celui du Pacifique Nord, appelé « septième continent », couvre 7 millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent du tiers de l’Europe ou de six fois la France…

Notre mer Méditerranée n’est pas épargnée : elle a le redoutable privilège de présenter en certains endroits des concentrations en microplastiques presque identiques à celles du principal continent plastique, notamment au large de Nice et de Cannes. C’est choquant, regrettable et tellement triste…

Il est temps d’apporter une précision importante pour comprendre l’étendue du problème que nous avons à gérer : le plastique n’est pas biodégradable et restera toujours du plastique. Dans la nature, la seule évolution qu’il va subir est de se casser, de se fragmenter en morceaux de plus en plus petits, sous l’effet des rayons ultraviolets, de la chaleur et des contraintes mécaniques. Comme cela fait des dizaines d’années qu’il y a des plastiques dans la nature, on les trouve maintenant sous forme de très petites particules : microplastiques et même nanoplastiques.

Les plastiques sont des macromolécules obtenues par polymérisation, en accrochant les unes aux autres, par réaction chimique, de petites molécules identiques appelées monomères. Dans leur fabrication entrent malheureusement aussi des additifs, qui donnent aux plastiques des propriétés particulières adaptées à leur utilisation : plastiques anti-UV, antistatiques, retardateurs de flammes, antichocs ou antimicrobiens, et j’en passe. Certains contiennent ainsi de véritables cocktails d’additifs.

Du point de vue sanitaire, les problèmes viennent du relargage de ces additifs lors des fragmentations, sous l’effet de la chaleur ou au contact de graisses. En effet, ces additifs sont des perturbateurs endocriniens, affectant notamment la fertilité, le système nerveux et le développement intellectuel, causant des pubertés précoces. Ils sont classés comme cancérigènes. Une étude récente sur l’eau embouteillée a révélé une contamination aux microplastiques de 93 % des bouteilles, pour onze marques testées.

Les plastiques collectés pour le recyclage sont fortement dégradés et nécessitent des opérations complexes de décontamination. Le recyclage du plastique est en réalité d’abord un « décyclage ». De plus, une bouteille ne peut pas être recyclée à l’infini.

Qu’en est-il des vêtements produits à partir de matière recyclée ? Le tissu polaire, vanté comme solution de recyclage miracle, s’avère une source de polluants : lors des passages en machine à laver, des fibres minuscules se détachent par abrasion et polluent l’eau.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Angèle Préville. Chaque jour, la station d’épuration de Nice envoie ainsi 6 milliards de fibres en mer !

Au-delà des conséquences inévitables sur les habitats naturels et sur l’économie, rappelons que les nanoplastiques traversent les barrières tissulaires pour s’accumuler dans les organes, perturbant à terme le fonctionnement de ceux-ci. Ces minuscules et invisibles fragments contamineront de façon invasive toute la chaîne alimentaire, avec des effets sur la santé encore trop mal évalués.

De plus, tous ces petits radeaux de plastique sont colonisés par des bactéries et microorganismes potentiellement pathogènes. Ils fixent et transportent aussi des polluants persistants comme les polychlorobiphényles, les PCB, et les dioxines.

Mes chers collègues, alors que les enjeux sont immenses, la France se situe au vingt-huitième rang des pays de l’Union européenne en matière de recyclage des plastiques ; nous avons même repoussé à 2021 l’interdiction des pailles en plastique…

Le projet de loi pour une économie circulaire et une meilleure gestion des déchets est très attendu, mais sa première version reste décevante. Il s’agit d’éviter une crise écologique et sanitaire sans précédent, en prenant dès à présent des mesures radicales d’interdiction de certains contenants, emballages et produits en plastique !

Afin que les politiques publiques en faveur du recyclage ne soient pas le simple reflet d’un aveuglement collectif, attachons-nous sans attendre à réduire de manière drastique notre consommation de plastiques, pour envisager leur retrait du marché et une réorientation du secteur. L’objectif est de garder seulement les plastiques irremplaçables, par exemple pour les usages hospitaliers, et de recycler ces matériaux en circuit fermé, comme c’est le cas pour les bouteilles en polyéthylène téréphtalate, le PET. Ne tombons pas dans l’illusion du tout-recyclage !

Nombre de pays ont plus d’une longueur d’avance sur nous, à l’instar du Costa Rica, qui a déjà interdit le plastique à usage unique. Il est temps que la France mette en place une véritable politique de lutte contre les plastiques, en s’attaquant à la racine du mal, c’est-à-dire en réduisant le plastique à la source !

Par ailleurs, dans le prolongement des avancées obtenues par la France lors de la COP21, notre pays ne peut-il être à l’initiative d’un accord international pour lutter contre la pollution par les plastiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Jérôme Bignon, Éric Gold et Hervé Maurey applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en guise de préambule, je vous propose un voyage dans le temps, aux origines du plastique.

Voilà 1 600 ans, en Amérique du Sud, on a manipulé le premier plastique : du latex, produit à partir de la sève transformée du castilla elastica, l’arbre à caoutchouc… Servant à réaliser des balles ou des figurines, ce plastique était issu de matières premières non fossiles, que les Amérindiens avaient appris à mêler à une fleur, l’ipomée blanche, pour produire la matière dont ils avaient besoin. Ces objets ont traversé les siècles sans devenir des déchets polluants : issus de matières naturelles, ils pouvaient, nés de la terre, mourir en elle.

Chaque époque innove en fonction des avancées scientifiques, mais surtout de ses besoins. Ainsi, les Amérindiens ont appris à produire du plastique pour répondre à une nécessité du moment. L’évolution des sociétés et des besoins, ainsi que l’augmentation de la population mondiale, ont accompagné la montée en puissance de la production du plastique fossile. À l’origine, c’était pour le meilleur : songeons aux plastiques utilisés en médecine, par exemple pour l’intubation, cette rupture technologique majeure.

Malheureusement, du fait des outrances de la société de consommation, le niveau de la production de plastique dépasse l’entendement. En 2016, dans notre pays, on en a produit 120 kilos par habitant… Il faut dire les choses clairement, comme l’a fait Mme la sénatrice Préville : cela relève de la surconsommation et du gaspillage !

Si nous savons aujourd’hui à merveille extraire les hydrocarbures et si nous continuons à investir massivement à l’échelle mondiale pour en extraire toujours plus, nous consacrons nettement moins de temps et d’énergie à organiser la fin de vie des produits issus de leur transformation. Ainsi, à l’échelle mondiale, nous déversons chaque minute dans la mer l’équivalent d’un camion poubelle rempli de plastiques… Le niveau de prolifération des plastiques est devenu insoutenable !

Dans ces conditions, quel rôle doit jouer l’État ? Quel rôle peut jouer la France, compte tenu de sa petite taille ? Selon moi, il s’agit d’abord d’être aussi exemplaires que possible au niveau national, puis de continuer à mobiliser, toujours plus activement, aux niveaux européen et international.

Dès le début de son mandat, le Président de la République nous a fixé deux objectifs très clairs : réduire de moitié la quantité de déchets mis en décharge et tendre vers 100 % de plastique recyclé d’ici à 2025.

Ministres et parlementaires, il est grand temps que nous œuvrions ensemble pour agir plus vite et plus fortement contre la prolifération du plastique, comme nos concitoyens ne cessent de nous le commander.

Ces derniers mois, votre mobilisation, notamment lors de l’examen du projet de loi Pacte, nous a permis de mettre en conformité le droit national avec le droit européen ; c’était crucial pour amplifier la première victoire que représente l’adoption cette année de la directive sur la fin des produits à usage unique, qui sera appliquée d’ici à janvier 2021. Je souligne que la France a été en première ligne pour rehausser l’ambition de ce texte tout au long des négociations européennes.

Cette mise en conformité du droit national avec le droit européen constitue le premier pilier d’une stratégie qui en comporte trois.

D’abord, nous entendons lutter contre les plastiques superflus, ce qui passe par l’interdiction de certains produits plastiques, en premier lieu ceux à usage unique.

En parallèle, nous devons mener une réflexion collective profonde sur nos usages. À cet égard, une question me semble centrale : quels sont les meilleurs leviers à activer pour réduire rapidement et drastiquement notre consommation de plastiques ? Je pense qu’il faut transformer en profondeur notre système de production et de consommation, ce qui soulève, plus largement, la question de l’organisation de notre système économique.

Le débat d’aujourd’hui est l’occasion d’aller plus loin. Nos concitoyens ne supportent plus certaines incohérences, comme celle consistant à commercialiser des brocolis bio sous emballage plastique. Je suis convaincue que nous devrions encourager, par exemple, la vente en vrac, pour mettre un terme à de telles pratiques polluantes, dévastatrices pour la planète et contraires aux modes de vie et de consommation que nous voulons promouvoir. Nous y travaillons activement et nous présenterons d’ici à l’été une loi anti-gaspillage et pour le développement de l’économie circulaire qui nous permettra d’aller encore plus loin.

Deuxième pilier de notre stratégie, nous devons atteindre dans les plus brefs délais l’objectif d’un recyclage à 100 % du plastique dit utile. Cet objectif est réaliste, parce que nous sommes déjà sur le chemin d’une réduction de notre consommation inutile de plastique. Pour accélérer la cadence, il faut nous assurer que toutes les résines mises sur le marché sont recyclables, que les filières industrielles sont matures, que la collecte est optimale et que la demande en plastique régénéré croît. C’est donc toute une boucle qu’il faut mettre en place : je m’y emploie depuis mon arrivée au Gouvernement, dans le cadre de l’élaboration de la feuille de route pour une économie circulaire.

Le troisième pilier de notre stratégie vise à susciter un boom de l’innovation, de la recherche et du développement dans ce secteur. Nous devons exploiter le potentiel des solutions mécaniques, biotechnologiques et chimiques, car elles sont la clé de notre capacité à toujours mieux recycler. De même, nous devons porter une attention toute particulière aux compétences innées de la nature pour biodégrader. Pour préparer de la meilleure manière l’ère post-plastique d’origine fossile, je suis convaincue que la nature elle-même est notre meilleure alliée !

Une stratégie victorieuse est toujours servie par une méthode pragmatique, concrète, visant des résultats pratiques dans les plus brefs délais. J’évoque, m’objecterez-vous peut-être, des perspectives utopiques. Pourtant, nos premiers résultats donnent, je le crois, de bonnes raisons d’être optimistes.

Pour ne prendre qu’un exemple, si l’objectif de 100 % de plastique recyclé est certes encore très loin d’être atteint –nous ne recyclons que 300 000 des 3,6 millions de tonnes de plastique produites chaque année en France –, son inscription dans la feuille de route pour l’économie circulaire a mis tous les acteurs de la chaîne de valeur en mouvement. Ainsi, voilà quelques jours, les industriels du secteur se sont engagés à utiliser 1 million de tonnes de plastique recyclé d’ici à 2020. Cela prouve que nous sommes aujourd’hui en mesure de déclencher un vrai changement d’échelle. Nous avons aussi mis en place une méthode pour vérifier la bonne mise en œuvre de ces engagements, de façon que les acteurs travaillent de façon transparente.

Par ailleurs, brutaliser notre appareil industriel en allant trop vite serait contreproductif ; une large acceptabilité sociale des mesures prises est nécessaire. Une méthode à mon sens pertinente consiste à donner aux filières de la visibilité, en fixant des objectifs de court, moyen ou long terme très ambitieux et en accompagnant les acteurs dans leur adaptation. Nous soutenons leurs investissements grâce à des dispositifs comme le programme des investissements d’avenir, piloté par l’Ademe. Nous actionnons en parallèle des leviers incitatifs, par exemple les bonus-malus mis en place pour l’écocontribution des filières à responsabilité élargie des producteurs. Nous mettons aussi en œuvre de nouveaux dispositifs pour améliorer la collecte : l’appel à projets de collecte innovante et solidaire, financé par l’éco-organisme Citeo, en est un bel exemple.

Cette transformation représente un vivier considérable d’opportunités économiques, sociales et environnementales. Songez qu’une tonne de matière recyclée crée dix fois plus d’emplois qu’une tonne de matière enfouie ! Il y a donc un enjeu en termes de création d’emplois non délocalisables partout sur nos territoires.

En stimulant les filières grâce à des incitations et en concevant une menace réglementaire crédible, nous adressons aux acteurs un message clair : ceux qui entrent dans la boucle de l’économie circulaire ont tout à y gagner ; pour les autres, le temps presse, et la contrainte ira crescendo.

Cette dynamique a été enclenchée par la feuille de route pour l’économie circulaire, que, au côté du Premier ministre, j’ai mise en place pour installer la méthode que je viens de décrire et à laquelle nous croyons.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Une année de consultations avec les parties prenantes a conduit à l’élaboration de cinquante mesures. Un an après l’engagement concret sur cette voie, le bilan est positif : 95 % de ces mesures sont en cours de mise en œuvre. En particulier, nous avons lancé un pacte sur les emballages plastiques, réunissant treize entreprises désireuses de jouer un rôle moteur pour accélérer, avant même le vote de la loi sur l’économie circulaire, la lutte contre le suremballage et le plastique inutile. Nous voulons accompagner cette dynamique.

M. le président. Madame la secrétaire d’État, il faut vraiment conclure !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Je me réjouis que beaucoup de ceux de nos concitoyens qui ont participé au grand débat national aient abordé les questions qui nous occupent ici. Ainsi, la moitié des 150 000 contributions portant sur l’écologie font référence aux déchets, un grand nombre font référence au plastique, alors même que ces thèmes ne figuraient pas dans le cadrage initial fixé par le Président de la République. C’est dire l’importance qu’ils revêtent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de vos travaux !

M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole de trois minutes, madame la secrétaire d’État. Je ne serai pas aussi tolérant dans la suite du débat…

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Merci pour votre patience, monsieur le président.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Je ne reviendrai pas sur l’aberration écologique que représente l’usage du plastique, en termes tant de consommation de pétrole que d’émissions de gaz à effet de serre et de production de déchets qui défigurent nos paysages et empoisonnent nos océans. Ma collègue Angèle Préville l’a remarquablement démontrée, et je la remercie, ainsi que le groupe socialiste et républicain, d’avoir proposé la tenue de ce débat.

En quelques décennies, les matières plastiques sont devenues tellement incontournables dans tous les domaines de notre existence que s’en passer semble une tâche insurmontable. Même quand il s’agit d’objets insignifiants à usage unique, comme les gobelets ou les pailles, nous tergiversons, comme l’a mis en évidence un débat récent dans cet hémicycle. Je ne parle même pas de la difficulté à supprimer verres et bouteilles en plastique dans notre assemblée…

MM. Roland Courteau et Bernard Jomier. C’est vrai !

M. Guillaume Gontard. Le commerce national ne s’est pourtant pas effondré avec l’interdiction des sacs en plastique, en 2016. Les industriels s’y sont adaptés sans grande difficulté. Il est heureux que l’Union européenne nous force la main, avec une première interdiction d’objets en plastique à usage unique en 2021 ! Reste qu’il faut aller beaucoup plus loin. Il est incompréhensible que, en France, nous ne recyclions qu’un petit quart des 5 millions de tonnes de plastique que nous produisons chaque année. Nous sommes en deçà de la moyenne européenne, qui se situe autour de 30 %, l’Allemagne recyclant même plus de 40 % de son plastique.

Comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, notre société pousse l’aberration jusqu’à priver certains fruits de leur peau, leur emballage naturel, avant de les prédécouper et de les emballer dans du plastique : c’est le comble de l’absurdité !

Madame la secrétaire d’État, puisque vous vous êtes engagée à améliorer le recyclage des bouteilles plastiques, nous vous invitons à instaurer, à la suite d’Istanbul, de Sydney ou encore de Pékin, une consigne permettant de payer, par exemple, des tickets de métro tout en participant au recyclage.

Mais cela reste largement insuffisant. La prochaine étape est l’instauration d’une obligation de recycler à 100 % les emballages plastiques à court terme. Cela passe par l’interdiction des matières plastiques non recyclables, qui contribuera également à simplifier les consignes de tri du plastique, trop confuses aujourd’hui.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures précises comptez-vous prendre pour favoriser notamment le commerce en vrac, seule alternative crédible à l’utilisation du plastique ? Plus généralement, le Gouvernement souscrit-il à l’ensemble des objectifs que j’ai exposés ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Gontard, j’aimerais disposer de bien plus de deux minutes pour répondre à cette question essentielle, que le Gouvernement s’est posée dans les mêmes termes.

Pour lutter drastiquement contre la pollution plastique, nous avons fixé trois objectifs principaux.

D’abord, il convient de continuer à supprimer les plastiques inutiles, car, comme l’a souligné Mme la sénatrice Préville, ils finissent souvent dans la nature.

Ensuite, il importe de faire en sorte que les objets plastiques du quotidien soient recyclés à 100 %. Pour cela, nous allons mettre en place un bonus-malus avec des écomodulations, par le biais des éco-organismes, de façon à éliminer peu à peu les plastiques non recyclables et à favoriser l’écoconception. Nous avons également lancé des appels à manifestation d’intérêt pour identifier les meilleurs systèmes de collecte innovante et solidaire. À cet égard, des solutions comme celle que vous proposez, à savoir la mise en place d’une consigne, seront explorées.

Enfin, nous voulons encourager massivement le réemploi et le développement du vrac. Nous avons déjà commencé à travailler pour lutter contre le suremballage. Ainsi, sans même attendre la loi sur l’économie circulaire, nous avons signé avec treize industriels, issus notamment du monde de la grande distribution, un pacte national comportant des objectifs très ambitieux de réduction de l’usage des matières plastiques. La mise en œuvre de ces engagements sera vérifiée chaque année par des ONG telles que le WWF, Tara Expéditions ou la Fondation Ellen MacArthur.

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Le sujet dont nous débattons est d’une brûlante d’actualité, puisque débute au siège de l’Unesco, à Paris, une semaine scientifique destinée à porter haut la protection de la biodiversité au niveau politique et à déboucher sur un protocole international dans lequel la lutte contre les déchets plastiques devra figurer en bonne place, en vue d’enrayer l’extinction massive des espèces.

L’action diplomatique de la France depuis la COP21, organisée sous le précédent quinquennat, est à la hauteur des enjeux, mais qu’en est-il de nos actions concrètes ? Notre taux de recyclage ne dépasse pas les 22 %, alors que la moyenne européenne se situe à 31 %.

Madame la secrétaire d’État, vous avez signé, en février dernier, un pacte national sur les emballages plastiques, qui invite les entreprises à mettre en place, sur la base du volontariat, des stratégies de gestion des déchets plastiques. Mais quid des entreprises ne souhaitant pas s’engager ou ne respectant d’ores et déjà pas l’obligation des cinq flux fixée par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ?

Nous attendons avec impatience la dernière mouture de votre projet de loi, censé mettre en musique la feuille de route pour l’économie circulaire, dont on fête en ce mois d’avril le premier anniversaire. Le premier jet fut fort décevant, car finalement très peu contraignant s’agissant de la gestion du plastique.

Enfin, un projet de consortium visant à mettre en place une consigne sur les bouteilles en plastique et d’autres emballages serait à l’étude, sans que les collectivités territoriales soient consultées. Celles-ci étant des acteurs incontournables de la gestion des déchets et de la prévention de leur production, il me paraît important de les associer aux pourparlers en cours. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement sur ce projet de consortium, ainsi que sur les solutions retenues s’agissant de la consigne pour les bouteilles en plastique, un principe auquel l’Ademe n’est pas favorable ? Un vrai risque existe de déstabiliser toute la filière de collecte séparée, sans même poser la question, ô combien cruciale, de la réduction des déchets plastiques en amont.