Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Émorine.
M. Jean-Paul Émorine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous débattons sur l’avenir de nos territoires ruraux, je vous rappelle que le Sénat s’est beaucoup intéressé à la ruralité, comme l’avait fait, en 2005, le gouvernement alors en exercice.
Mon collègue Jean-Claude Luche a évoqué les zones franches urbaines. C’est en 2005 – j’étais le rapporteur du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux – que nous avons voté pour la première fois une loi spécifiquement consacrée à la ruralité. Nous avions beaucoup travaillé avec la Datar, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, et notamment sur ses chiffres et ses cartes, pour créer des dispositifs financiers.
Nous avions pris en compte la densité de population pour déterminer le périmètre des communes ou des arrondissements éligibles aux différents dispositifs – il en a été question auparavant –, en fixant un seuil à 35 habitants par kilomètre carré. Lorsque nous avons instauré ces dispositifs financiers, à destination des professionnels de santé, des vétérinaires ou des entreprises, l’Inspection générale des finances a bien sûr réagi par des rapports, attirant notre attention sur le fait que les montants financiers en jeu n’étaient pas importants, de l’ordre de 300 millions d’euros par an – Charles Guené l’a rappelé. Mais il faut expliquer à nos éminents inspecteurs des finances, qui voient les choses depuis Paris, que 300 millions d’euros dans la ruralité représentent parfois autant que 3 milliards d’euros en ville, dans les zones franches urbaines.
Des collègues députés ont eux aussi remis un rapport, en 2014, soulignant la pertinence des actions que nous avions engagées, avant d’introduire, dans la loi de finances rectificative pour 2017, une modification du seuil, le faisant passer de 35 à 63 habitants par kilomètre carré. Ce nouveau seuil permettait d’intégrer les nouvelles intercommunalités, pour un revenu médian de 19 111 euros par habitant.
Charles Guené l’a également souligné : malheureusement, cette modification écarte certaines communes du dispositif.
J’ai lu le dernier rapport des députées Anne Blanc et Véronique Louwagie, qui conclut à l’inefficacité de ces politiques. Je pense au contraire que, si nous souhaitons agir à destination de la ruralité, nous devons nous appuyer sur les cartes de référence et les dispositifs déjà existants.
Nous ne pouvons pas sans cesse parler des déserts médicaux et refuser en même temps d’en passer par des aides en direction des professionnels de santé. Même les vétérinaires – nous en avons rencontré, au salon de l’agriculture, avec le président Larcher – vont bientôt hésiter à s’installer dans le monde rural.
Tous ces dispositifs destinés aux professionnels de santé et aux entreprises doivent certainement être adaptés ; je vous suggère par exemple, monsieur le ministre – j’ai participé à la conférence de la ruralité –, de relancer les pôles d’excellence rurale : ce serait une bonne chose à faire.
Voilà le témoignage que je souhaitais apporter. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire en sorte que la ruralité soit vivante – elle fait partie de notre patrimoine national et elle couvre 80 % de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où, pour 81 % des Français, vivre à la campagne représente la vie idéale, qu’ils y travaillent ou non, rarement nos territoires ruraux auront été aussi mal traités, rarement la fracture territoriale aura été si prégnante dans notre pays.
Qui n’a pas entendu, ces derniers mois, dans les manifestations, de nombreux ruraux exprimer leur sentiment d’être abandonnés par l’État et méprisés par les grandes métropoles ? Comment pourrait-il en être autrement quand 27 % seulement de la population vit dans les treize plus grandes métropoles françaises, qui concentrent pourtant à elles seules près de la moitié des offres d’emploi ?
Le sujet sur lequel nous débattons ce matin est symptomatique de ce fossé.
À étudier les dispositifs de soutien aux territoires ruraux, une conclusion incontestable se dégage, ces dernières années : la baisse des dotations.
Quelques exemples, que nous pourrions multiplier, me semblent emblématiques du désinvestissement de l’État : la disparition programmée du Fisac, qui a été actée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019 ; la suppression de la réserve parlementaire, qui, sans être d’un montant énorme, permettait à des députés et à des sénateurs d’aider de nombreuses collectivités à boucler financièrement leurs projets ; le dispositif des pôles d’excellence rurale, qui touche à sa fin ; l’effondrement de l’enveloppe allouée à la prime d’aménagement du territoire, la PAT, qui est pourtant très utile à de nombreuses entreprises rurales.
Je ne cesserai de dénoncer, tant qu’elle perdurera, l’iniquité du traitement réservé aux communes de moins de 3 500 habitants, dont la DGF par habitant varie de 64 à 88 euros, alors que, pour les villes de plus de 200 000 habitants, la même dotation s’élève à 128 euros.
Au-delà de cette diminution des concours financiers, toutes les études sérieuses démontrent que, depuis le début des années 2000, nous assistons, en France, à un repli massif des services publics. Ce repli touche l’ensemble de notre territoire et frappe en particulier les communes rurales.
Monsieur le ministre, les hasards du calendrier sont parfois troublants. Il y a environ une semaine, nous apprenions que, sur 687 millions d’euros de fonds européens destinés en 2014 aux 340 territoires ruraux français – il s’agit du programme européen Leader –, 4 % seulement ont été versés aux régions.
Je n’entrerai pas dans les détails techniques qui ont conduit à cette situation incroyable, mais celle-ci a pénalisé, ou va pénaliser, des milliers de projets ruraux.
Ce dossier me paraît bien résumer, à lui seul, le manque de soutien de nos gouvernants à l’égard des territoires ruraux les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, en seulement dix minutes, il me sera difficile de répondre à l’ensemble de vos interventions. Pour commencer, je tenais à remercier à mon tour le groupe du RDSE et son président, Jean-Claude Requier, d’avoir proposé ce débat sur le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles.
Ce débat constitue en quelque sorte le prolongement de celui qui s’est tenu ici même, dans l’hémicycle de la Haute Assemblée, le 21 novembre dernier, sur « la ruralité, une chance pour la France », sur l’initiative, déjà, du groupe du RDSE.
Cela témoigne de l’attachement de votre groupe, mais aussi, plus largement, de celui du Sénat dans son ensemble, aux enjeux des ruralités. Je partage cet attachement ; comme vous le savez, en effet, j’ai eu la chance d’exercer le mandat de maire et surtout les fonctions de président de conseil départemental dans un territoire rural où les enjeux étaient fort nombreux.
En tant que coorganisateur du grand débat national, j’accompagne, depuis la mi-janvier, le Président de la République dans sa grande consultation des maires, dans toutes les régions de France. Je peux vous dire que le soutien au développement des territoires ruraux fait partie des thématiques les plus largement évoquées par les élus locaux, qui ressentent parfois une forme d’éloignement, voire d’abandon. Monsieur le sénateur Fournier, ce ressenti est effectivement très ancien, et va en s’aggravant.
À chacun de ses déplacements, le Président de la République a eu des paroles fortes pour la ruralité, refusant – commençons par là ! –, toute forme de défaitisme, sentiment qui s’exprime parfois, il faut bien le dire, lorsqu’il s’agit des territoires ruraux.
Il a d’ailleurs avancé l’idée d’un « agenda rural » – nous y reviendrons –, qui permettrait de répondre aux enjeux spécifiques des ruralités. Nous sommes face, en effet, à une multiplicité de situations, qui appellent des réponses adaptées. C’est tout l’enjeu du droit à la différenciation – M. de Belenet l’a rappelé –, qui est au cœur de la révision constitutionnelle et est déjà en partie expérimenté, avec la création de la collectivité européenne d’Alsace. Sur ce dernier sujet, le projet de loi porté par Jacqueline Gourault arrive d’ailleurs dans quelques jours au Sénat, vous le savez.
Depuis près de dix-huit mois, le Gouvernement s’est pleinement mobilisé en faveur des territoires ruraux, selon plusieurs axes que je vais maintenant détailler.
Sur le plan financier, d’abord, il faut commencer par noter que, pour la deuxième année consécutive, l’enveloppe globale des dotations de fonctionnement ne baisse pas. Et nous maintenons au plus haut niveau les dotations de soutien à l’investissement en faveur des territoires ruraux.
Là aussi, les chiffres sont têtus : la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, a augmenté de 400 millions d’euros par rapport à 2014, pour atteindre plus de 1 milliard d’euros en 2019.
Monsieur Requier, j’entends vos remarques sur les commissions départementales d’élus. Néanmoins, la DETR finance bien des projets de collectivités dont la sélection résulte de priorités définies dans ces commissions, et donc, en principe, à l’échelle locale, et non par le Gouvernement. J’ai d’ailleurs signé lundi dernier, avec Jacqueline Gourault, une circulaire pour rappeler aux préfets les règles de bon fonctionnement de ces commissions. Ce texte tient compte des débats que nous avons eus ici même, dans l’hémicycle. Hervé Maurey, président de votre commission de l’aménagement du territoire, avait déposé un certain nombre d’amendements que je m’étais engagé à reprendre dans la circulaire ; c’est chose faite.
Parallèlement, nous avons pérennisé la DSIL, ou dotation de soutien à l’investissement local, qui est notamment mobilisable dans le cadre des contrats de ruralité ; son montant atteindra cette année 570 millions d’euros, alors qu’elle était au départ conçue comme exceptionnelle – vous le savez : elle avait uniquement vocation à compenser la baisse de la DGF décidée par le gouvernement précédent.
Je vous rappelle aussi que la loi de finances pour 2019 a renforcé les mécanismes de péréquation en faveur des territoires les plus fragiles. La DSR a ainsi augmenté de 90 millions d’euros cette année, pour atteindre 1,5 milliard d’euros en 2019 contre 421 millions d’euros en 2004.
Cette même loi de finances a également prévu, en cas de perte d’éligibilité à la DSR « cible », un mécanisme de rattrapage : aucune collectivité ne pourra percevoir moins de la moitié du montant perçu l’année précédente. Il s’agit d’une avancée importante pour ces territoires ; grâce à cette garantie de sortie, il n’y a donc pas moins de visibilité.
Dans la même perspective, vous avez vous-mêmes voté, il y a quelques semaines, la création d’une dotation budgétaire en faveur des communes de moins de 10 000 habitants dont une part importante du territoire est classée en zone Natura 2000 – ce rappel vaut réponse à certaines interpellations. Pour la première fois, la notion de densité est incluse dans le calcul des dotations de l’État ; c’est une nouveauté, dont nous avons décidé tous ensemble il y a quelques semaines.
Toutes ces avancées, nous les avons élaborées notamment avec le rapporteur spécial Charles Guené, que je tiens à remercier publiquement pour la qualité du travail que nous avons mené ensemble.
M. André Reichardt. C’est trop !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n’est jamais assez, pour le sénateur Guené ! (Sourires.)
Ce débat me permet aussi de revenir sur une idée souvent avancée par les maires, et que certains d’entre vous ont reprise : dans la répartition de la DGF, un urbain vaudrait deux ruraux. Ceux qui soutiennent cette thèse confondent la dotation forfaitaire et la DGF, laquelle est constituée – vous le savez, mais il faut le rappeler – de plusieurs composantes différentes. Grâce à la péréquation, le Gouvernement a significativement augmenté cet effort de solidarité depuis 2017 !
Monsieur Requier, permettez-moi de vous livrer un cas pratique en vous donnant un exemple tiré de votre département. La commune de Saint-Cirgues, qui est celle du président des maires ruraux du Lot, compte 429 habitants ; elle a bénéficié en 2018 d’une dotation forfaitaire de 250 euros par habitant, et de dotations de péréquation de 64 euros par habitant, soit une DGF globale de 314 euros par habitant.
M. François Bonhomme. Quelle richesse !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Dans le même temps, la ville de Cahors, ville-préfecture, 21 008 habitants, recevait une dotation forfaitaire de 72 euros par habitant et une dotation de péréquation de 40 euros, soit une DGF globale de 112 euros par habitant. On est bien loin du schéma où l’habitant des villes recevrait une DGF deux fois supérieure à celle perçue par l’habitant d’une commune rurale : en l’occurrence, c’est la DGF par habitant de la commune rurale qui est près de trois fois supérieure à celle de son chef-lieu de département.
Je me tiens à votre disposition pour faire cette démonstration pour tous les départements, ou presque. Tenir compte de la seule dotation forfaitaire n’a aucun sens ; ce qui compte, c’est ce que le maire touche effectivement en recettes de fonctionnement. Merci au sénateur Arnaud de Belenet d’avoir fait cet exercice dans son intervention.
Je vous rejoins toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le constat suivant : la DGF est très complexe et ses critères sont pléthoriques, accumulés, d’ailleurs, au gré des débats parlementaires. Le Président de la République l’a indiqué : il n’est pas fermé à une réflexion sur la DGF. Je note néanmoins que le mouvement Territoires unis n’a pas mentionné ce chantier dans sa contribution, remise hier.
L’accompagnement financier, s’il est indispensable, ne suffit pas. C’est pourquoi le Gouvernement actionne l’ensemble des leviers de l’action publique.
Le Gouvernement agit, par ailleurs, via la définition et la mise en œuvre de programmes spécifiques de soutien aux territoires fragiles, et notamment en renforçant les pôles de centralité que sont les petites et les moyennes villes.
La présence d’une ville dynamique, même de petite taille, est en effet toujours porteuse d’un effet d’entraînement et d’irrigation. Ainsi, quand le Gouvernement engage le programme « Action cœur de ville », qui mobilise 5 milliards d’euros sur cinq ans au profit de 222 villes pour réhabiliter des logements, réimplanter des commerces et rénover les espaces publics, c’est pour les territoires ruraux, et notamment les plus fragiles, qu’il se mobilise.
De la même manière, lorsque le Gouvernement lance, avec Régions de France et l’AdCF, l’Assemblée des communautés de France, le programme « Territoires d’industrie », il agit aussi en faveur des territoires ruraux les plus frappés par la désindustrialisation ou par une perte d’attractivité économique. À ce jour, 136 territoires d’industrie sont labellisés et les contrats de 29 territoires « pilotes » sont en cours d’élaboration, la signature étant prévue d’ici à la fin du mois.
Pour les territoires qui connaissent des difficultés plus importantes, le Gouvernement met en œuvre des contrats particuliers. C’est le cas notamment avec la Nièvre, la Creuse ou encore les Ardennes – je signerai demain, en présence de MM. les sénateurs Huré et Laménie, le pacte Ardennes.
Nous agissons également au travers des différents zonages – vous êtes nombreux à y avoir fait référence. Je pense notamment aux zones de revitalisation rurale ; une commune sur deux en bénéficie aujourd’hui. M. le sénateur Requier a proposé de revoir le zonage actuel, qui n’est pas toujours compris.
Le Gouvernement se nourrit en ce moment même des travaux parlementaires et des évaluations que nous conduisons sur ce dispositif. Nous sommes preneurs, avec Jacqueline Gourault, de toutes vos propositions précises en la matière. Merci à Jean-Paul Émorine d’avoir cité le cas des cabinets médicaux ; il faudra explorer les pistes qu’il a évoquées.
Un mot seulement – je manque de temps – sur les PETR, les pôles d’équilibre territorial rural…
Mme la présidente. Monsieur le ministre, dans ce débat, votre temps de parole n’est pas limité.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je m’en réjouis ; je vais pouvoir ralentir mon débit…
Un mot, donc, sur les PETR, pour redire notre soutien et notre attachement à cet outil plébiscité par l’ensemble de nos collègues maires.
Soutenir les territoires ruraux les plus fragiles, c’est également garantir la présence des services publics dans ces territoires – là encore, cela a été dit à de nombreuses reprises.
Tel est le sens des 1 300 maisons de services au public, les MSAP, qui ont été lancées sous la précédente législature et que le Gouvernement continue à déployer, avec un maillage territorial de plus en plus fin – 85 % des MSAP sont aujourd’hui situées dans des communes de moins de 5 000 habitants. On note l’émergence de structures itinérantes, au nombre de 126 actuellement, qu’il faut encourager. Certains défendent d’ailleurs l’idée selon laquelle les sous-préfectures pourraient elles-mêmes, à l’avenir, porter ces dispositifs de MSAP. Il conviendra d’étudier de telles propositions avec beaucoup de bienveillance dans le cadre des différentes programmations à venir.
Parmi les services essentiels à la vie de nos concitoyens, je sais que l’accès aux soins constitue un enjeu particulièrement sensible, dans un contexte de baisse, parfois très marquée, de la démographie médicale. C’est probablement, d’ailleurs, le premier sujet évoqué par les maires et par nos concitoyens dans le cadre du grand débat national. C’est pourquoi le chef de l’État et la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, ont d’ores et déjà pris un certain nombre d’engagements forts en proposant de réfléchir collectivement à une réorganisation de l’offre de soins, l’idée étant notamment d’attirer davantage de médecins sur nos territoires, mais aussi d’augmenter le temps médical disponible des médecins déjà installés sur nos territoires, notamment ruraux.
Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui a été récemment présenté, apporte les premières réponses, avec la fin du numerus clausus – ses effets ne se feront sentir que plus tard, certes, mais cette mesure était attendue –, le déploiement de 400 médecins salariés dans les déserts médicaux, ou encore le déploiement de communautés professionnelles de santé.
Par ailleurs, s’agissant de l’accès aux services publics, la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, issue, là aussi, d’une proposition de loi du groupe du RDSE, permettra de soutenir efficacement les territoires les plus en difficulté, qu’ils soient ruraux ou urbains.
En réponse à quelques interpellations qui m’ont été adressées, je vous signale, mesdames, messieurs les sénateurs, que deux amendements dont les dispositions répondent à vos préoccupations ont été adoptés mardi dernier par l’Assemblée nationale, avec un avis favorable de Mme Gourault.
Le premier vise à renforcer la solidarité entre les métropoles et les communautés urbaines, d’un côté, et, de l’autre, les territoires environnants ; le second crée les contrats de cohésion, équivalents du contrat unique que vous appelez de vos vœux – par leur entremise, la richesse irriguera mieux les territoires autour des métropoles et des grands centres urbains.
Conserver le lien avec les territoires ruraux passe aussi par l’accès au numérique – vous l’avez mentionné, madame la sénatrice Cukierman. On ne peut pas accepter que des pans entiers de nos territoires soient coupés du monde, dans des « zones blanches ». Pour cette raison, le Gouvernement a lancé, au début de 2018, le « New Deal mobile », voué à garantir une couverture mobile de qualité d’ici à la fin de 2020, et le plan France très haut débit, qui permettra à 100 % des Français d’être équipés en très haut débit d’ici à 2022.
Ces politiques représentent un investissement sans précédent de 3,3 milliards d’euros directement injectés sur les territoires pour développer des réseaux d’initiative publique portés par les collectivités ; et le déploiement se passe conformément au plan prévu. Il y a même des territoires en « surchauffe », dans lesquels les entreprises chargées du déploiement font face à une pénurie de main-d’œuvre.
Dans le cadre du grand débat national, la question du très haut débit est toujours présente, mais peut-être avec moins de force qu’il y a un, deux ou trois ans, puisque, tout simplement, les choses commencent à se faire. On pourra aussi noter que les zones relevant des réseaux d’initiative publique avancent parfois plus vite que les zones dites AMII, qui sont concernées par des appels à manifestations d’intentions d’investissement – qui l’eût cru il y a quelques années ?
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ce que nous avons déjà engagé depuis le début du quinquennat, en lien avec les collectivités territoriales.
La tournée des maires engagée par le Président de la République, qui se terminera dans quelques semaines, a montré une nouvelle fois le besoin impérieux de proximité. Sans dévoiler les chantiers de ces prochains mois ou de ces prochaines semaines, il faudra notamment revoir la loi NOTRe, que j’ai personnellement toujours combattue, en tant que maire et en tant que président de conseil départemental. Il faudra la revoir, donc, non pas pour la détricoter, mais pour l’adapter là où c’est nécessaire, avec pragmatisme.
Dans un contexte où ont été créées de très très grandes régions, il nous faut réhabiliter les échelons de proximité – les maires l’ont dit avec beaucoup de force dans le cadre du grand débat –, donc l’échelle de la commune et l’échelle du département, qui sont des échelles historiques de l’histoire française.
Mmes Cécile Cukierman et Françoise Laborde. Très bien !
M. Sébastien Lecornu, ministre. À ce titre, je remercie l’AMF, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’ADF, l’Assemblée des départements de France, et Régions de France pour leur contribution au grand débat national dans le cadre de Territoires unis. Je ne peux qu’appuyer le principe proposé, à savoir « qui paie décide ». Toutefois – je le dis en tant qu’élu local et en tant que ministre, et c’est l’une des principales demandes de nos concitoyens –, ce principe ne saurait fonctionner sans son corollaire : « qui décide assume ».
Comme je vous le disais, le chef de l’État s’est également engagé à travailler sur un « agenda rural », proposition portée par l’AMRF, l’Association des maires ruraux de France, que vous connaissez bien. Cet agenda détaillera une feuille de route jusqu’à la fin du quinquennat pour l’ensemble des ruralités dans leur diversité, avec une attention particulière pour les territoires les plus fragiles.
Plus globalement, le Président de la République annoncera au mois d’avril, à l’issue du grand débat national, un certain nombre de mesures fortes, comme il s’y est engagé dans sa lettre du 13 janvier dernier, pour apporter des réponses aux attentes exprimées par nos concitoyens. Nous serons amenés non seulement à en reparler, mais à travailler en lien permanent avec le Sénat, comme je l’ai fait depuis mon entrée au Gouvernement, et par exemple, récemment, avec Mme Gatel sur sa proposition de loi relative aux communes nouvelles.
Je profite de cette tribune pour redire à quel point je suis attaché aux dispositifs qui ont été votés par le Sénat à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, et qui seront débattus par l’Assemblée nationale, mais dans le cadre des conclusions du grand débat national.
Merci, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos contributions pour les ruralités françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Le bilan des dispositifs de soutien aux territoires ruraux les plus fragiles. »
L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)