M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. « Je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir. » Ainsi s’exprime, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Cyrus Smith, l’un des protagonistes du roman L’Île mystérieuse de Jules Verne, publié en 1875. On a du mal à croire que cette prémonition date d’il y a presque cent cinquante ans, époque à laquelle les moteurs à combustion interne étaient en pleine expansion.
Aujourd’hui, alors que nous nous demandons encore s’il est judicieux de développer les technologies autour du vecteur hydrogène, j’ai le sentiment que nous ne sommes plus capables d’audace scientifique ; que la capacité de rêver, propre à Jules Verne, s’est largement émoussée ; que l’enthousiasme suscité par la potentialité de découvertes disruptives s’est éteint. Pis, coincée entre les intérêts bien sentis que défendent les uns et les craintes peu propices au changement qu’éprouvent les autres, notre recherche semble au point mort, dans un champ pourtant désigné depuis des décennies comme l’avenir de notre production énergétique.
Après un siècle et demi d’exploitation industrielle du pétrole, dont on nous dit que les réserves mondiales s’amenuisent, nous devons nous interroger en profondeur : quelle est la meilleure source énergétique pour alimenter notre industrie, pour fournir la chaleur aux bâtiments publics et aux habitations particulières, pour faire fonctionner nos avions, nos bateaux, nos trains et nos automobiles – toujours plus nombreuses –, lesquelles provoquent une pollution atmosphérique qui n’est plus soutenable dans un certain nombre de mégalopoles ?
Partout dans le monde, à la fois pour des questions de ressources et pour des préoccupations environnementales, se profile une massification du véhicule électrique. Il nous faut réinventer notre production d’électricité : celle de demain ne ressemblera vraisemblablement pas à celle d’hier.
Dans cette perspective, la filière nucléaire, si caractéristique de l’indépendance énergétique de notre pays, a toute sa place : elle ne doit évidemment pas être abandonnée. Au contraire, nous devons consolider notre savoir-faire, qui progresse notamment avec l’émergence de nouveaux procédés de traitement des déchets radioactifs, et envisager de nouvelles unités de production, aux dimensions peut-être plus modestes que les précédentes.
Parallèlement, nous ne pouvons plus négliger, pour notre futur mix énergétique, ce pan entier que constitue l’hydrogène, élément à la fois si présent dans la nature et si difficile à isoler. La possibilité de le stocker et de le diffuser rapidement constitue des atouts indéniables.
Bien sûr, je ne méconnais pas les reproches qui sont adressés à la production d’hydrogène par reformage du méthane ou par électrolyse de l’eau. On dénonce, essentiellement, son bilan carbone aujourd’hui extrêmement défavorable. Mais des solutions de substitution se font jour : il s’agit par exemple d’associer en amont une méthanisation, qui est une réelle chance à saisir pour nos territoires et nos agriculteurs.
Je crois surtout que le génie humain est capable de surmonter ce type de difficultés. Encore faut-il déployer des moyens en adéquation avec les ambitions ; encore faut-il définir une véritable stratégie de long terme, susceptible d’enclencher, par une sorte de ruissellement, une véritable dynamique et, in fine, de donner les résultats attendus.
Notre gouvernement a bien proposé un plan Hydrogène : mais les ambitions de celui-ci sont trop modestes, et sa présentation en grande pompe n’a pas suffi à retenir durablement un ministre de la transition écologique et solidaire en proie aux doutes les plus profonds.
Avec 100 millions d’euros par an, pendant cinq ans, pour un chantier d’une telle ampleur, et comparativement à ce qui se profile dans d’autres pays, on ne peut raisonnablement pas imaginer que nous sommes engagés vers une véritable transition énergétique.
Quelques mois plus tard, le nouveau ministre de la transition écologique et solidaire a même envoyé un signal des plus négatifs en annonçant que l’on ne subventionnerait plus, désormais, que les projets les plus avancés. En d’autres termes, il nous a joué le tour de la poule et de l’œuf, preuve indéniable d’une incroyable frilosité et, pour tout dire, d’un manque de responsabilité politique.
La défiance qui s’exprime actuellement envers les élus nous ordonne d’assumer nos missions, de donner un cap au lieu de porter des coups, de mettre à profit l’expertise qui nous entoure plutôt que de la jeter aux orties.
Le projet de loi d’orientation des mobilités, que nous examinerons dans un mois tout juste, renforce d’ailleurs ce sentiment. À aucun endroit ce texte ne fait mention de l’hydrogène : il est orienté exclusivement vers le véhicule électrique à batterie, alors que nombre d’avis expriment nettement la nécessité de diversifier notre approche des futures mobilités propres.
Enfin, cessons de dire, à grands renforts médiatiques, que nous pouvons, seuls, bouleverser les choses et inventer un nouveau modèle énergétique. Dans trois mois se dérouleront des élections européennes. Je veux croire que les programmes prochainement dévoilés feront la part belle à un projet européen susceptible de rivaliser avec les grandes manœuvres observées, en particulier, en Chine.
Le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé un Airbus de la batterie, avec une participation de 700 millions d’euros pour la France ; grand bien lui ferait de s’engager plus nettement encore sur la voie du développement de la filière hydrogène.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à ces conditions – elles sont lourdes et nombreuses, j’en conviens –, nous pourrons faire de l’hydrogène un acteur majeur de notre transition énergétique ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en prenant connaissance de l’intitulé de ce débat, « L’hydrogène, une énergie d’avenir », il m’a semblé qu’il y manquait au moins une chose : un point d’interrogation. (M. Jacques Mézard le concède.) Au temps de mes études, on me présentait déjà l’hydrogène comme l’avenir. Aujourd’hui, contrairement à l’époque, j’ai des cheveux blancs… (Sourires.) Beaucoup de temps a passé ! En définitive, l’hydrogène ne serait-il pas une solution d’avenir, et qui le restera longtemps ?
Il ne s’agit pas, bien entendu, de contester toutes les potentialités de ce vecteur énergétique, qui renferme trois fois plus d’énergie que l’essence, mais simplement de rappeler à quelles conditions et pour quels usages l’hydrogène pourrait être une réponse adaptée aux grands enjeux énergétiques et climatiques.
Tout d’abord, l’hydrogène ne sera une solution durable que si sa production est décarbonée. Nous en sommes encore très loin, puisque, aujourd’hui, 94 % de l’hydrogène produit en France l’est à partir d’énergies fossiles et que cette production représente environ 3 % des émissions nationales de CO2. Et, quand l’hydrogène est produit par électrolyse de l’eau, encore faut-il s’assurer que l’électricité est elle-même produite à partir de sources bas carbone, qu’il s’agisse du nucléaire ou d’énergies renouvelables.
En découle une autre question : celle de la compétitivité économique de cet hydrogène décarboné par rapport à l’hydrogène obtenu à partir d’énergies fossiles. Même si les technologies d’électrolyse progressent rapidement, les coûts varient encore du simple au double lorsqu’il s’agit de produire de grandes quantités, l’hydrogène propre n’étant aujourd’hui compétitif que pour certains usages industriels de niche.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement s’est fixé comme objectif d’incorporer 20 % à 40 % d’hydrogène décarboné dans l’hydrogène industriel d’ici à 2028, en mobilisant notamment 100 millions d’euros pour des appels à projets, et en instaurant une traçabilité de l’hydrogène décarboné. Mais ces mesures sont-elles vraiment à la hauteur du changement d’échelle espéré ?
En matière de stockage, le potentiel de l’hydrogène, notamment pour assurer le stockage saisonnier de l’électricité et répondre à l’intermittence des productions renouvelables, est souvent mis en avant. Dans ce domaine également, il faut rappeler que l’hydrogène est en concurrence avec d’autres technologies – je pense aux stations de transfert d’énergie par pompage, ou encore aux batteries, dont les coûts ne cessent de baisser. À moyen terme au moins, le stockage par hydrogène ne pourra répondre qu’à des situations très spécifiques, notamment dans les zones non interconnectées, avec des réseaux isolés ou présentant un fort taux d’intégration d’énergies renouvelables intermittentes.
De même, en matière de mobilité, l’hydrogène peut constituer l’une des solutions pour réduire nos émissions. Mais il viendra en complément des autres solutions que sont l’hybridation, la mobilité électrique et le bioGNV, et seulement pour les usages où il est le plus adapté, en particulier pour les transports lourds ou pour les flottes de véhicules, par exemple pour la livraison en milieu urbain.
Sur le segment des voitures particulières, l’électrification et le biogaz présentent, me semble-t-il, plus d’avantages que l’hydrogène, dont les surcoûts à l’achat et à l’usage – il faut toujours penser aux prix supportables pour les ménages et les familles ! –, dès lors que l’on voudrait s’approvisionner en hydrogène décarboné, restent élevés, et qui impose de respecter des conditions de sécurité strictes.
À travers son plan Hydrogène, le Gouvernement a affiché de grandes ambitions quant au nombre de véhicules déployés. La manière dont vous entendez favoriser concrètement le développement d’une gamme de véhicules lourds et accompagner les collectivités dans la mise en place de flottes territoriales n’apparaît pas clairement : mais sans doute pourrez-vous nous en dire davantage à ce propos dans quelques minutes, madame la secrétaire d’État.
Qu’il s’agisse de l’hydrogène ou des autres vecteurs énergétiques, il nous faut raisonner sans a priori, sans idéologie : la transition énergétique passera par une multitude de solutions, dont il importe de bien mesurer les avantages, les inconvénients, et surtout les coûts complets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je tiens à remercier M. Corbisez et ses collègues du groupe du RDSE d’avoir demandé ce débat, qui porte sur un sujet important : la place de l’hydrogène dans notre politique énergétique.
L’hydrogène est important, car – de nombreux orateurs l’ont rappelé –, s’il est produit à partir de sources décarbonées, comme les énergies renouvelables, c’est un vecteur assez unique de décarbonation de l’économie. À ce titre, Mme Préville et M. Roux nous ont rappelé l’urgence à agir.
Au cours de ce débat, l’hydrogène a inspiré de nombreuses métaphores et un rappel à la littérature : ainsi, MM. Cazabonne et Piednoir ont cité Jules Verne. M. Gay a relevé que l’hydrogène n’est pas un élément miracle. C’est, d’une certaine manière, le couteau suisse de la transition énergétique. En effet, il contribue à la décarbonation de trois secteurs essentiels : ceux de l’industrie, de la mobilité et de l’énergie.
Nombre d’entre vous l’ont rappelé : nous avons la chance, en France, d’avoir des acteurs industriels de premier rang capables de s’imposer pour ce qui concerne les technologies de l’hydrogène décarboné. Nous avons la chance d’avoir des utilisateurs prêts à s’engager, dans l’industrie, dans la mobilité, ou encore dans l’énergie, que ce soit des entreprises, des laboratoires ou des collectivités. Certains d’entre eux le font déjà : M. Fouché a ainsi rappelé l’exemple d’Ariane.
Vous l’avez tous dit, le Gouvernement, sous l’égide de Nicolas Hulot, a publié, le 1er juin 2018, une feuille de route pour l’hydrogène. Il a présenté un plan ambitieux pour que l’hydrogène puisse prendre toute sa place dans la transition énergétique. Le fil directeur, c’est l’idée d’accompagner l’innovation, le développement des technologies et des usages, ainsi que leur déploiement, à la fois pour contribuer à la transition énergétique et pour permettre à nos acteurs de se placer sur un marché qui va devenir mondial.
Ce plan prévoit, ce depuis son lancement, 100 millions d’euros d’investissement, conformément aux ambitions initiales.
Les objectifs du plan Hydrogène ont d’ailleurs été confirmés, comme l’ont dit certains d’entre vous, dans le cadre du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE, à la fois dans l’industrie et dans la mobilité.
Ce plan repose sur trois axes : décarboner les usages existants de l’industrie, développer des usages pour la mobilité propre, et, à moyen terme, utiliser l’hydrogène dans le système énergétique. L’année 2019 sera bien celle de l’amorçage, qui permettra d’avancer – je peux vous rassurer sur ce point.
Le premier axe porte sur la production d’hydrogène par électrolyse pour l’industrie, phase d’amorçage de ce plan français.
L’hydrogène représente en France 3 % des émissions de CO2 et 26 % des émissions de l’industrie, car aujourd’hui, cela a été indiqué, 95 % de l’hydrogène utilisé est carboné. Les volumes d’hydrogène actuellement consommés sont importants, et la réduction de ces émissions est un enjeu majeur.
Notre objectif est d’amorcer le déploiement de la technologie de l’électrolyse en France, pour changer d’échelle en faisant baisser les coûts et en soutenant la montée en performance des électrolyseurs. Certaines technologies en la matière arrivent à maturité, mais elles restent encore chères : pour diminuer les coûts, il va par conséquent falloir changer d’échelle.
Sur certains segments, les technologies relatives aux électrolyseurs sont déjà proches de la compétitivité par rapport à l’hydrogène produit à partir de sources fossiles. Cela concerne notamment les petits industriels, dans les secteurs de la chimie, de la verrerie, dont les besoins sont relativement limités et auxquels l’hydrogène est aujourd’hui livré par camion.
Ce n’est pas pour autant un marché facile à développer, parce qu’il faut convaincre l’industriel d’investir dans un électrolyseur pour plusieurs années, ce qui suppose un changement de pratiques.
Pour atteindre les objectifs de décarbonation de l’État, un appel à projets sera bientôt lancé pour le déploiement et l’industrialisation de la production décarbonée d’hydrogène, en complémentarité avec les outils existants relatifs à la démonstration et à la recherche. Une aide de l’État permettra donc de surmonter la barrière que représente l’investissement prévu dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, le PIA.
Je veux aussi vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs : la PPE couvre bien le développement de l’hydrogène et la question de la garantie d’origine, qui est un sujet important.
Nous sommes, par ailleurs, attentifs à trouver un équilibre entre les usages diffus – industrialisation un peu plus compliquée –, proches de la compétitivité, et des usages plus massifs – dans les secteurs du raffinage, de la chimie –, pour lesquels la compétitivité est plus éloignée entre l’hydrogène produit selon la technologie classique carbonée et l’hydrogène vert de demain, mais les volumes plus importants permettront, nous l’espérons, de déployer de gros électrolyseurs, afin de développer les unités de production.
Enfin, je souhaite indiquer que le comité stratégique de filière sur les énergies renouvelables s’est emparé de la question de l’hydrogène et formulera prochainement des propositions en ce sens.
Le deuxième axe du plan Hydrogène soutenu par le Gouvernement concerne la valorisation par le biais des usages en matière de mobilité, en complémentarité des filières 100 % batteries. L’hydrogène est en effet l’une des solutions clés pour développer les mobilités propres, en complémentarité avec le biogaz et les batteries ; plusieurs d’entre vous en ont parlé.
L’hydrogène présente trois avantages majeurs pour les usages intensifs et dans les transports lourds. Le temps de recharge est réduit – trois minutes –, très comparable à un plein d’essence, l’autonomie est plus grande, comparable à celle des véhicules thermiques, enfin, le poids du véhicule est plus faible et l’encombrement est moindre.
Les axes de travail pour accélérer le déploiement de la mobilité à l’hydrogène sont les suivants : d’abord, développer des écosystèmes territoriaux de mobilité à l’hydrogène, notamment pour les véhicules professionnels – à l’heure actuelle, 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds sont équipés et la construction de 100 stations alimentées en hydrogène est prévue à l’horizon 2023. À moyen terme, nous tablons sur 20 000 à 50 000 véhicules utilitaires légers, 800 à 2 000 véhicules lourds et sur 400 à 1 000 stations à l’horizon 2028. Les exemples cités de Pau, de Dunkerque, et du Pas-de-Calais, en général, sont intéressants ; les perspectives sont très concrètes.
Vous le savez, un premier appel à projets a été lancé par l’Ademe, en octobre dernier : vingt-quatre projets ont été déposés et sont en cours d’instruction, afin que l’on continue à amorcer cette transition.
La mission du député Benoît Simian a permis d’engager une dynamique pour fixer une trajectoire de verdissement du parc ferroviaire. Les travaux sont aujourd’hui poursuivis par les collectivités et les industriels. Une accélération est souhaitée en l’espèce, mais comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il existe un partenariat avec les collectivités territoriales. Si le recours à l’hydrogène peut être une bonne solution à la suppression du diesel, il nécessite l’investissement des régions en particulier.
Enfin, le troisième axe du plan Hydrogène concerne les perspectives de stockage des énergies renouvelables. Vous l’avez dit, l’hydrogène produit par électrolyse est, à long terme, une solution structurante pour l’intégration des énergies renouvelables au système électrique, notamment en tant que moyen de stockage massif des énergies intermittentes et de stockage massif intersaisonnier.
L’électricité est ainsi stockée sous forme d’hydrogène qui peut être soit valorisé directement, soit injecté dans les réseaux gaz, soit injecté sous forme de méthane de synthèse dans les réseaux gaz après recombinaison de l’hydrogène avec du CO2 par le procédé de méthanation. La complémentarité de ce procédé avec la méthanisation classique a été évoquée.
Les réseaux de gaz représentent donc un moyen de stockage de l’électricité et l’hydrogène permettant d’optimiser et de mutualiser le système énergétique.
Par ailleurs, les besoins de flexibilité émergent d’ores et déjà dans les zones ayant des taux de déploiement d’énergies renouvelables intermittentes importants. Je pense en particulier aux zones non interconnectées, les ZNI – l’exemple intéressant du microgrid de La Réunion a été cité. Du fait de la structure des coûts dans ces zones, le stockage et la flexibilité permis par l’hydrogène peuvent trouver plus facilement une valeur environnementale et économique compétitive.
Ces interactions entre électricité et gaz offrent de nouvelles perspectives, à moyen et à long termes, pour ces deux secteurs, mais aussi pour l’industrie. Le « power to gas » constitue une opportunité de décarboner les réseaux de gaz et encourage le développement des énergies renouvelables électriques – le démonstrateur de Cappelle-la-Grande a été évoqué –, et n’oublions pas la méthanation, dont je viens de parler.
Nous travaillons pour préparer l’utilisation d’hydrogène dans les systèmes énergétiques. Il convient d’identifier le mieux possible les services rendus par l’hydrogène et les moyens existants ou à mettre en place pour valoriser ce type de service. Une mission est en cours à RTE et Enedis en métropole pour déterminer les business models de l’hydrogène. Il faut également définir les besoins dans chaque zone non interconnectée pour ce qui concerne le stockage par hydrogène.
Nous allons lancer des expérimentations dans ces zones non interconnectées pour y développer au plus vite l’hydrogène et les électrolyseurs.
De plus, afin de préparer l’arrivée du procédé « power to gas », nous avons confié aux gestionnaires d’infrastructures gazières – GRTGaz, GRDF et Storengy – la mission de déterminer les conditions techniques et économiques, dont celles qui sont relatives à la sécurité, évidemment fondamentales. Le rapport intermédiaire confirme d’ores et déjà les premières conditions d’injection envisageables, avec un rapport final prévu cet été.
Au-delà des axes sectoriels que je viens de vous présenter, nous travaillons avec les différents acteurs de la filière à des engagements pour la croissance verte qui devront permettre, d’abord, de valoriser et de faire connaître les actions en cours de la filière française de l’hydrogène, dite « Équipe de France Hydrogène », car il est très important de valoriser l’action menée en France et à l’international, ensuite, de faciliter le déploiement de la filière hydrogène avec un travail sur les freins à lever – c’est ce qui a lieu dans le comité stratégique de filière –, enfin, d’avoir des engagements concrets des acteurs français de l’hydrogène, en complément à ceux de l’État pris dans le plan considéré.
Ce travail encourage les acteurs de l’hydrogène à se regrouper pour faire émerger les nouveaux usages, les technologies, les produits et les services indispensables à la réussite du plan.
J’ai bien noté les propositions formulées en matière de financement et de garanties qui pourront effectivement enrichir ces travaux. Je tiens à vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs : le développement de l’hydrogène, comme celui des autres énergies renouvelables, sera au service de notre objectif « zéro émission nette » en 2050, soit une division par huit de nos émissions de carbone, avec une partie compensation extrêmement limitée. Il n’y a aucun recul.
En conclusion, le plan Hydrogène n’est qu’un début. Il traduit une ambition. Il n’est pas figé, il n’est pas non plus fini, car nous devrons le faire vivre collectivement, avec tous les acteurs. C’est un accélérateur de la transition écologique, dans l’industrie, dans l’énergie et dans les mobilités. C’est donc aussi un élément de réponse aux enjeux de notre pays.
L’enjeu est grand, le potentiel existe. Nous allons agir ensemble pour relever ce défi ! Vous avez dit à quel point vous serez attentifs, mesdames, messieurs les sénateurs. Vous avez raison : nous rendrons compte régulièrement des progrès accomplis en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « L’hydrogène, une énergie d’avenir. »