M. Bruno Sido. C’est un scandale !
M. Jean-Marc Todeschini. La SNCF n’est pas seulement silencieuse à l’égard des usagers et des élus, elle l’est désormais aussi avec la presse, comme le relate Le Républicain Lorrain de ce jour. Après avoir menti au mois de décembre dernier, je le répète, elle invoque aujourd’hui tout simplement, après une semaine d’interrogations, un bug informatique ! Il est tout de même bizarre qu’il ait fallu tant de temps pour s’en apercevoir…
La SNCF ne fait que peu de cas de la Lorraine en général et de la Moselle en particulier ; peu de cas des usagers et peu de cas des collectivités, lesquelles ont pourtant largement financé la ligne à grande vitesse vers l’Est, rentable pour l’entreprise.
La SNCF agit unilatéralement et autoritairement sur tous les sujets. Pourtant, nos collectivités sont mobilisées et demandent toutes à être parties prenantes, aux côtés des associations d’usagers, d’un véritable débat des mobilités dans nos territoires : débat sur la LGV, mais aussi sur toutes les autres lignes de l’axe Nancy-Luxembourg et sur le désenclavement des espaces de l’Est mosellan ou des bassins de vie frontaliers de la Belgique, du Luxembourg et de l’Allemagne.
Je vais illustrer mon propos par l’exemple de la suppression sans concertation de la ligne entre Saint-Dié et Épinal, qui contraint les habitants de deux aires urbaines de 50 000 et 100 000 habitants à ne se déplacer qu’en voiture… Quel progrès pour l’environnement ! Des exemples de ce type, chacune et chacun de mes collègues ici présents en a un en tête.
À l’heure du grand débat, mais surtout des mouvements sociaux de ces derniers mois, le silence de la SNCF est d’autant plus absurde et incompréhensible. Comment désenclaver nos territoires si le premier service public de mobilité n’est plus assuré ? Comment désenclaver nos territoires si la concertation est impossible ?
Autant de questions sur lesquelles les citoyens de nos territoires attendent la SNCF, mais vous attendent aussi, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie tout d’abord nos collègues d’avoir porté devant notre assemblée le sujet de l’enclavement des territoires.
C’est une réalité qui, dans certains secteurs, rend de plus en plus difficile toute perspective de développement. Toutefois, selon nous, les solutions proposées dans ce texte ne répondent pas vraiment à la question de l’enclavement. Les causes de ce dernier sont multiples et les réponses à apporter se doivent donc de l’être, elles aussi.
J’évoquerai tout d’abord l’enclavement physique, lié à l’accessibilité des territoires. Dans son article 1er, la proposition de loi donne un cadre, en fixant soit à 50 kilomètres la distance maximale d’accès à une unité urbaine, soit à une heure d’automobile l’accès à une ligne à grande vitesse. Je ne crois pas que ces critères répondent à l’enjeu du désenclavement des territoires.
S’agissant du transport aérien, nous approuvons l’article 4 sur la qualité du service que doivent apporter les compagnies et l’exigence de résultat dont nous devons faire preuve.
Enfin, je regrette que l’on traite du désenclavement sans évoquer plus largement le ferroviaire, qui peut pourtant apporter des réponses, tant à l’enjeu des mobilités qu’à celui de la transition écologique.
Le désenclavement des territoires passe aussi par la lutte contre la fracture numérique. Au fond, en effaçant la notion de distance, le numérique a ouvert une nouvelle voie de désenclavement ; il a ouvert le champ des possibles pour les territoires ruraux.
Or, trop souvent, c’est l’inverse qui s’est produit. Dans les secteurs à faible densité de population, on s’est contenté de courir sans cesse derrière les avancées technologiques avec cinq ou dix ans de retard. Prenons le seul exemple de la couverture 4 G par l’opérateur Orange : on relève une couverture à 99 % pour les villes, contre seulement 39 % pour les zones rurales. Le numérique s’est donc installé en vecteur supplémentaire de l’enclavement des territoires.
Nous le savons, la révolution numérique se poursuit. Elle nous ouvrira de nouveaux champs de développement, qui seront facteurs de désenclavement, à condition que nous sachions réussir ces nouveaux rendez-vous par une politique volontariste d’aménagement du territoire. Cet objectif mériterait d’être inscrit dans un texte de loi.
J’aborderai, enfin, la question de l’enclavement sanitaire. L’absence d’une offre de soins de proximité constitue, en effet, le premier facteur d’isolement des populations, donc d’enclavement.
Je me trouvais la semaine dernière dans un secteur de mon département, un bassin de vie regroupé autour d’un bourg-centre, ancien chef-lieu de canton, dans lequel il n’y a plus aucun médecin pour assurer les soins !
Oui, trouver des solutions à l’enclavement, c’est aussi assurer des services de proximité, et cette exigence devrait également trouver sa place dans un texte de loi.
Mes chers collègues, enclavement physique et numérique, isolement dans l’accès aux services essentiels à la vie quotidienne, ce sont bien des réponses globales que nous devons apporter pour réussir le désenclavement des territoires.
C’est pourquoi nous regrettons la portée insuffisante du texte qui nous est soumis. Toutefois, afin d’inscrire dans la loi les prémices d’un travail, même incomplet et qu’il sera impératif de poursuivre, je voterai ce texte, tout comme la majorité des membres du groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier nos collègues du groupe du RDSE, en particulier Jacques Mézard, à qui j’adresse d’ailleurs mes félicitations pour sa récente nomination au Conseil constitutionnel, de nous permettre d’aborder aujourd’hui la question du désenclavement des territoires.
En effet, la sénatrice des Hautes-Alpes que je suis peut témoigner des contraintes liées à l’absence de desserte routière, ferroviaire et aérienne dimensionnée dans un territoire rural et de montagne. Chaque semaine, pour rejoindre Paris, deux heures de voiture, puis trois heures de TGV sont nécessaires, la même chose dans l’autre sens, et il convient d’ajouter, bien entendu, les contraintes inhérentes à un voyage, telles que le stationnement ou les embouteillages. C’est donc au minimum douze heures de voyage par semaine.
Cet exemple est d’autant plus significatif que le temps de trajet n’a cessé de s’allonger au fil des années en raison du nombre croissant de véhicules sur les routes, conséquence de l’augmentation des déplacements professionnels et personnels, sans que des solutions collectives adaptées soient proposées, voire sans qu’elles soient possibles, dans tous les départements.
C’est aussi pour cette raison que la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure a été très mal vécue dans les territoires ruraux, où les habitants ont ressenti cette décision, venue d’en haut, comme une double peine, car, bien souvent, seule la voiture individuelle permet d’accéder à son travail, à la boulangerie ou à une unité de soins.
Si la République française est une et indivisible, la France est diverse et plurielle. Ce texte nous offre donc la possibilité de rappeler qu’il n’existe pas une réalité territoriale, mais des réalités, et que les contextes économiques, géographiques ou sociologiques sont multiples.
C’est pourquoi le droit à l’expérimentation doit être reconnu, plutôt que de remettre en cause ou casser ce qui fonctionne. La différenciation territoriale devrait enfin être une réalité pour les collectivités. En effet, faire confiance aux territoires, notamment aux présidents d’exécutifs départementaux, me paraît être une excellente chose, car nous en avons tous fait l’expérience : plus le centre de décision est éloigné, moins les décisions sont adaptées et comprises par nos concitoyens.
Aussi, n’aurait-il pas été plus logique de laisser la limitation de vitesse à 90 kilomètres par heure et donner la liberté aux départements de fixer une vitesse maximale inférieure à celle qui est prévue par le code de la route, lorsque les circonstances le justifient ?
M. Jean-Marc Boyer. Très bien !
Mme Patricia Morhet-Richaud. En matière de sécurité routière, si la vitesse est un facteur aggravant en termes de risques, seules les modifications des comportements des automobilistes sur le long terme pourront agir de façon importante sur le nombre d’accidents mortels. Le week-end dernier, la station de Serre-Chevalier a malheureusement été le théâtre d’un terrible drame de la route avec le décès de quatre jeunes, qui avaient tous entre dix-sept et vingt ans. (M. Bruno Sido s’exclame.)
Dans ce domaine, un certain nombre de propositions ont été formulées par le Sénat et je me réjouis que les articles 5 et 6 les reprennent en partie, même si, une nouvelle fois, on peut regretter que les nombreuses mises en garde des sénateurs n’aient pas été entendues plus tôt par le Gouvernement et que ce texte ne vienne que rétablir ce qui existait auparavant.
S’agissant de l’article 1er et de l’objectif de désenclavement à l’horizon 2025, il faudra se situer à moins de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile d’une unité urbaine de 1 500 à 5 000 emplois. Si l’on peut se réjouir des précisions apportées aux critères de désenclavement, on peut craindre que la rédaction actuelle ne couvre que partiellement le territoire national.
Je regrette pour ma part que, pour rompre l’isolement d’une ville ou d’un territoire, on se limite à l’aspect routier, car les objectifs ferroviaires ou aériens sont encore moins ambitieux.
En outre, le désenclavement, ce sont aussi des services, je pense par exemple aux services de santé, en particulier aux maternités. Dans les Hautes-Alpes, une femme enceinte demeurant à Aiguilles, dans la vallée du Queyras, devra effectuer un trajet de plus d’une heure et dix minutes, dans le meilleur des cas, pour venir accoucher à la maternité de Briançon.
Si l’objectif de désenclavement des territoires est louable et qu’il est l’une des principales batailles des sénateurs qui représentent la diversité du pays, il ne peut être atteint s’il ne s’accompagne pas d’une ferme volonté d’aménager le territoire ; deux notions pourtant essentielles pour retrouver l’unité de notre pays et renouer avec la solidarité nationale.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Qu’en est-il de l’égal accès de chaque citoyen aux services publics, au savoir ou à la formation ? L’objectif fixé en matière de désenclavement est-il suffisamment ambitieux pour réduire la fracture territoriale et corriger les inégalités ?
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai ce texte, en étant toutefois réservée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le redis, je suis très attachée aux questions de désenclavement, qui sont une composante essentielle de l’équilibre de nos territoires.
De fait, les déficits de desserte des zones rurales et des villes petites et moyennes pénalisent tous les territoires : ceux qui sont privés de la capacité d’attirer des emplois, des services de santé ou des commerces, mais aussi les métropoles, qui connaissent parfois des situations d’asphyxie qui ne sont pas non plus très enviables. Et je ne parle pas de la saturation des TER, qui, bien souvent, circulent sur des lignes qui n’ont pas été adaptées à la croissance des besoins.
Évidemment, répondre à ces enjeux de cohésion des territoires passe par de nombreuses politiques, que le Gouvernement s’attache à mener. Je pourrais citer le plan « Action cœur de ville » – Jacques Mézard le connaît bien –, la couverture numérique du territoire ou encore le projet de réforme de notre système de santé présenté par Agnès Buzyn.
Répondre à ces enjeux passe aussi par l’adoption de choix clairs en matière d’infrastructures ; nous avons ainsi adopté comme principale priorité la remise en état de nos réseaux, qu’il s’agisse des réseaux routiers ou ferroviaires ou des lignes structurantes ou de desserte fine.
À cet égard, je voudrais rappeler l’ambition du Gouvernement. Nous respecterons les engagements pris dans les contrats de plan, mais, au-delà, nous souhaitons définir, avec chacune des régions, un véritable plan de bataille pour ne pas laisser des territoires dans lesquels les lignes de desserte fine disparaissent – c’est le sens de la mission que j’ai confiée au préfet Philizot.
Madame Préville, je ne puis m’empêcher de vous dire que j’ai du mal à me sentir comptable des fermetures qui ont lieu depuis 2011… La majorité à laquelle vous avez appartenu a peut-être sa part de responsabilité en la matière ! (M. Gilbert Roger proteste.) En tout cas, je puis vous assurer que le Gouvernement prend ce sujet très à cœur.
Répondre aux enjeux de cohésion passe également par l’accélération des projets de désenclavement, mais je suis convaincue que ceux-ci doivent s’appuyer sur des normes raisonnables – je salue en ce sens l’article 2 de la proposition de loi. Nous débattrons d’ailleurs de ces questions dans les prochaines semaines dans le cadre du débat sur la programmation des infrastructures.
Je voudrais répondre à M. Boyer sur les promesses de projets pharaoniques qui ont été faites pendant des années. En arrivant à la tête de mon ministère, j’ai trouvé des promesses de lignes à grande vitesse, dont le coût atteignait 36 milliards d’euros pour toute la France ! S’obliger à promettre des choses réalistes, en fixant un calendrier et des modalités de financement, me paraît être un exercice de sincérité qui redonne de la crédibilité à la parole publique.
M. Bruno Sido. Très bien !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis aussi convaincue – j’ai eu l’occasion de le dire en préambule, mais je veux le répéter – que la question des infrastructures est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Il faut aussi être capable de proposer des services accessibles à tous. C’est vrai pour nos jeunes comme pour les personnes âgées que l’on ne peut pas laisser dépendre de leur voiture. C’est tout le sens des trois premiers titres du projet de loi d’orientation des mobilités, dont nous aurons l’occasion de débattre prochainement.
En ce qui concerne les dessertes TGV, j’ai défendu, dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire, le maintien d’un modèle qui irrigue tous les territoires. À ce titre, le nouveau pacte ferroviaire prévoit la mise en place de comités de suivi, qui permettront d’associer en amont les territoires aux évolutions des dessertes, ce qui me semble indispensable.
S’agissant plus particulièrement de la desserte de Metz, la SNCF connaît en effet un bug informatique, et les billets non accessibles devraient l’être prochainement.
En conclusion, je voudrais évoquer la question des TGV dits « Ouigo », qui pourraient dans certaines situations remplacer les TGV classiques – nous aurons certainement à en reparler, notamment dans le cadre des comités de desserte. Il me semble que ce type d’offre correspond au modèle d’un TGV accessible à tous et que nous pouvons défendre ensemble cette idée d’accessibilité.
Le développement de la nouvelle offre des TGV Ouigo, qui fournissent certes des services moins importants, mais qui sont accessibles à tous, je le répète, permettra à la SNCF d’accueillir 25 millions de voyageurs dans les TGV en 2020. En stabilisant les péages TGV, le nouveau pacte ferroviaire voté par le Parlement permettra le développement de ces dessertes et de ces TGV accessibles à tous. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à faciliter le désenclavement des territoires
Article 1er
I. – L’article L. 1111-3 du code des transports est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Au 31 décembre 2025, aucune partie du territoire français métropolitain continental n’est située soit à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile d’une unité urbaine de 1500 à 5000 emplois, d’une autoroute ou d’une route aménagée pour permettre la circulation rapide des véhicules, soit à plus de soixante minutes d’automobile d’une gare desservie par une ligne à grande vitesse. »
II. – Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires mentionnés à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales prennent en compte l’objectif de désenclavement mentionné au II de l’article L. 1111-3 du code des transports à compter de leur prochaine révision suivant la promulgation de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. L’article 1er souligne l’importance de prendre en compte l’objectif de désenclavement dans la programmation des investissements relatifs aux infrastructures de transport, ne serait-ce que pour répondre aux difficultés quotidiennes de nos concitoyens pour accéder à un emploi, à des services publics ou simplement à des biens de consommation essentiels.
J’ajoute que cet enclavement est plus ou moins marqué selon les territoires. C’est une évidence ! Les rapports du commissariat général à l’égalité des territoires nous rappellent régulièrement que les évolutions de long terme – désindustrialisation, vieillissement de la population, polarisation démographique ou métropolisation – sont des phénomènes majeurs, qui ont donné lieu à des évolutions territoriales très diverses et contrastées.
Je ne veux pas opposer ici les métropoles dynamiques, captant les richesses et les opportunités, et les territoires périphériques délaissés, mais je crois que seul l’État peut jouer un rôle de modulation pour assurer la péréquation et garantir la cohésion territoriale.
Mes chers collègues, prenez la situation du Sud-Ouest. À la fin des années 1970, le train dit « Capitole », qui partait de Toulouse pour relier la capitale, était cité comme un exemple de désenclavement et de rapidité… De ce point de vue, nous avons connu une véritable régression ! En quarante ans, des villes comme Lyon, Marseille, Strasbourg, Lille, Rennes ou Bordeaux se sont « rapprochées » de Paris.
En revanche, Toulouse et les territoires voisins sont les oubliés du plan TGV. La ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse pour relier Paris reste orpheline, alors même que, en quarante ans, les lignes à grande vitesse se sont développées dans les autres régions de France. J’ajoute que la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT, a été négligée et que son entretien a largement fait défaut.
Même si cet article peut paraître homéopathique, dans la mesure où il ne contient pas de principe actif, il a au moins le mérite de rappeler la nécessité pour l’État, même devenu impotent, d’investir de nouveau dans les infrastructures de transport et de prendre ainsi la mesure de la crise de l’aménagement du territoire que nous connaissons. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, sur l’article.
M. Jean-Claude Requier. L’article 1er de notre proposition de loi constitue son essence même. Si l’idée d’un objectif national de désenclavement n’est pas foncièrement nouvelle, elle n’est pas non plus la simple lubie de quelques élus de province. Déjà en 2014, dans son rapport sur l’hyper-ruralité, notre collègue Alain Bertrand posait parfaitement le diagnostic. Et le contexte dans lequel se trouve notre pays démontre que cet objectif a aujourd’hui toute sa pertinence.
Nous connaissons la réalité des territoires les plus enclavés. Nous avons tous en tête des exemples d’usines qui ferment, de voies ferrées désaffectées, de routes dégradées, de services publics en recul.
Je pense à la fermeture en 2008 de l’usine Molex dans le département de Françoise Laborde, qui a aussi touché une centaine de salariés du Tarn-et-Garonne, département de notre collègue Yvon Collin. Je pense aux menaces de fermeture de la gare de La Brillanne, dans le département de notre collègue Jean-Yves Roux, alors même que le trafic augmente. Je pense à ces villes moyennes, à ces centres-bourgs dévitalisés et à ces communes rurales, où le quotidien devient plus pesant.
Nous connaissons bien sûr les efforts du Gouvernement, en particulier les vôtres, madame la ministre, mais il nous semble plus que jamais nécessaire d’accélérer le désenclavement des territoires grâce à un objectif national, afin de préserver nos infrastructures de transport et de les étendre.
La voiture reste très souvent, au quotidien, le seul moyen de déplacement. C’est pourquoi nous proposons de rendre chaque partie du territoire métropolitain accessible à une autoroute, à une voie rapide ou à un petit bassin d’emplois en moins de quarante-cinq minutes d’automobile ou, à défaut, en moins de cinquante kilomètres de trajet d’ici à 2026.
Cet objectif n’a rien d’irréaliste. Nous prenons d’ailleurs en compte la nécessité d’une cohérence de cet objectif avec la programmation régionale de l’aménagement du territoire, puisque les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, les SRADDET, ne prendront en compte l’objectif qu’à compter de leur prochaine révision.
Nos concitoyens attendent désormais du concret ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, sur l’article.
M. Raymond Vall. Lors du Conseil national de l’industrie qui a eu lieu en novembre 2018, le Gouvernement a annoncé le déploiement du programme « Territoires d’industrie », dont les premiers contrats seront signés à la fin du premier semestre 2019, nous dit-on. Une enveloppe de 1,3 milliard d’euros a ainsi été annoncée pour redynamiser l’industrie dans les cent vingt-quatre territoires retenus, dont une majorité est située en zone rurale ou périurbaine.
Si un tel engagement doit être salué, j’attire toutefois l’attention du Gouvernement sur le risque qu’il n’atteigne pas ces objectifs s’il ne prend pas en compte la réalité globale de ces territoires, en particulier leur enclavement.
C’est pourquoi il me semble nécessaire que la question du désenclavement soit inscrite à l’article 1er de cette proposition de loi. Je rappelle que certains de ces territoires attendent depuis de nombreuses années, parfois dix ans, la mise en place de routes à 2x2 voies.
Madame la ministre, j’y insiste, pour que le plan adopté par le Gouvernement réussisse, il faut qu’une partie des crédits soit fléchée sur les territoires ruraux enclavés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.
M. Stéphane Piednoir. Bien évidemment, je comprends l’intention, louable, de ce texte – il suffit de lire son intitulé. Nul n’ignore, sur les travées du Sénat, l’attention particulière qu’il faut porter aux territoires ruraux, dont l’un des problèmes essentiels, nous le savons, est le manque, voire l’absence, de dessertes routières, de transports publics et tout simplement de services publics.
Je voudrais dire aux auteurs de cette proposition de loi que, après avoir lu l’exposé des motifs, fort convaincant et qui laisse entrevoir des orientations concrètes en termes d’aménagement du territoire, la lecture de l’article 1er a quelque peu douché mon enthousiasme…
En effet, cet article propose tout simplement de sortir la règle à calcul, afin de déterminer si, en tout point du territoire continental, une autoroute se trouve à moins de cinquante kilomètres – la présence d’une éventuelle sortie n’est pas évoquée… –, un centre urbain à moins de quarante-cinq minutes – aucune précision n’est donnée sur ce qu’est exactement un centre urbain – ou un aérodrome à moins de deux heures d’automobiles – cette durée prend-elle en compte la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure ?
En réalité, je ne suis pas certain que ce type d’annonces permette de rassurer les élus locaux ! Je suis convaincu que l’issue la plus certaine est que chaque projet d’aménagement sera une occasion, au mieux, de s’arracher les cheveux, au pire, de baisser les bras… Les élus locaux attendent plutôt du concret, en particulier de la part de leurs sénateurs.
J’ai connu les auteurs de cette proposition de loi plus pragmatiques et moins technocratiques, en particulier lorsqu’il s’agissait de défendre nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Je souhaite tout d’abord saluer l’initiative de nos collègues du RDSE. Ce texte n’aura peut-être pas un impact très puissant sur l’équilibre global du pays, mais il permettra de réintégrer des territoires de la République qui sont aujourd’hui délaissés. C’est important à l’égard des habitants de ces territoires.
En allant dans le sens de mon collègue Raymond Vall, je voudrais profiter de l’occasion, madame la ministre, pour vous dire l’enjeu que constitue pour le département du Gers l’achèvement de la route nationale 124, en particulier dans sa portion comprise entre Auch, chef-lieu du département, et la métropole. Le territoire d’industrie, qui a été retenu et qui couvre une partie du Gers, est concerné par cette route. Or ce chantier n’a que trop duré, et nous sommes aujourd’hui incapables de savoir quand il sera achevé.
Vendredi dernier, nous avons reçu avec plaisir M. de Rugy, ministre d’État. Nous avons eu l’occasion de lui demander des précisions quant au calendrier de réalisation de cette infrastructure routière, qui est absolument indispensable. Il ne nous a pas répondu très clairement…
Nous enchaînons les contrats de plan, et ce chantier a démarré il y a maintenant quinze ans. Il ne reste plus qu’une quinzaine de kilomètres à réaliser, notamment le contournement de Gimont. Ensuite, il restera un petit morceau de route qui est pratiquement en ligne droite. Il faut vraiment en finir.
Nous en rediscuterons dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, mais ce chantier est absolument indispensable, comme le sera, madame la ministre, le contournement de la ville d’Auch – ce projet ne veut pas nécessairement dire une mise à 2x2 voies, car une voie simple serait déjà un progrès…
À Auch, la route nationale passe aujourd’hui au pied de l’escalier monumental et de la cathédrale, qui sont les monuments les plus visités du département et parmi les plus importants de la région Occitanie, ce qui entraîne l’engorgement de la ville. Ce n’est plus possible !
Madame la ministre, je voulais attirer votre attention sur ce sujet. Je compte sur vous pour penser aux Gersois et au désenclavement du Gers, pour le bonheur de tous !