M. Rachid Temal. Un pognon de dingue !
M. Martial Bourquin. En effet !
Unanimement, ces patrons de PME jugeaient injustifiées de telles rémunérations. Ils ne veulent surtout pas être confondus avec ces grands patrons, parce que, eux, le dimanche, se relèvent souvent les manches, avec quelques salariés, pour régler un problème ou remédier à une panne. Ils ne conçoivent même pas des rémunérations de cet ordre, qui selon moi ne sont pas socialement acceptables.
Le code de bonne conduite auquel vous avez fait référence, monsieur Karoutchi, n’a tenu qu’un an, alors que nous étions en pleine crise. Depuis, les excès ont repris de plus belle ! Nombre de dirigeants sont rémunérés à hauteur de plus de 10 millions d’euros. On en est maintenant à l’attribution d’actions gratuites, et autres avantages non compris dans le salaire…
Tout cela pose un véritable problème de cohésion sociale. Comment peut-on dire aux personnes qui sont sur les ronds-points que l’on a fait tout ce que l’on pouvait quand on laisse perdurer un tel scandale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roger Karoutchi. Mais qu’avez-vous fait entre 2012 et 2017 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Ce débat est extrêmement intéressant. Je pense qu’il touche beaucoup de nos compatriotes. L’immense majorité d’entre eux, j’en suis convaincu, veulent un capitalisme plus raisonnable et plus juste. Il nous appartient de le redéfinir, mais en faisant bien la distinction entre ce qui relève du législatif, du respect des règles, et ce qui relève de l’incitation.
Le renforcement d’un certain nombre d’obligations est nécessaire. Je pense par exemple à la domiciliation fiscale des mandataires sociaux des plus grandes entreprises françaises. Nous allons prendre des mesures législatives à cet égard. Les Français ne peuvent pas accepter que le directeur général ou le président d’une très grande entreprise française ne soient pas domiciliés fiscalement en France. (Très bien ! sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Fabien Gay. Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. Puisque ce n’est malheureusement pas toujours le cas, même s’il s’agit seulement de quelques exceptions, nous prendrons des dispositions législatives et nous renforcerons les sanctions.
Par ailleurs, il y a ce qui est du domaine de l’incitation. Je crois aux vertus de la transparence en la matière. Je ne pense pas que ce soit aux parlementaires de fixer l’écart maximum entre le salaire le plus bas et le salaire le plus élevé d’une entreprise : cela relève fondamentalement de la gouvernance d’entreprise ; il revient à cette dernière d’apprécier ce qui lui paraît équitable, dans la transparence, de telles règles ne pouvant être définies de manière dissimulée. Bâtir un capitalisme plus responsable et plus juste, c’est précisément instaurer la transparence : aux acteurs de prendre ensuite leurs responsabilités dans ce cadre, car il n’incombe pas au législateur de fixer les écarts de salaire à l’intérieur d’entreprises privées.
Pour faire la transparence, je propose que l’on publie, outre le salaire moyen, le salaire médian dans l’entreprise. En effet, le salaire moyen, calculé en laissant de côté les vingt ou trente rémunérations les plus élevées de l’entreprise, est un chiffre brut qui ne signifie absolument rien, tandis que le salaire médian donne une idée de la distribution des salaires, donc de l’écart salarial. C’est là une vraie information, qui, je le pense, pèsera sur les choix de l’entreprise.
On pourrait aller plus loin en incluant la répartition des salaires par quartiles, comme M. Gay l’a proposé,…
M. Fabien Gay. Oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. … mais nous estimons que publier le salaire médian dans le rapport d’équité est une mesure suffisamment juste et efficace. Tout cela n’a rien de révolutionnaire : d’autres pays, qui ne sont pas réputés particulièrement dirigistes – je pense au Royaume-Uni –, ont déjà adopté des dispositifs similaires.
Veillons à bien faire la distinction entre ce qui relève de la règle de droit, que nous devons faire respecter – c’est le cas pour la domiciliation fiscale – et ce qui relève de l’information et de la transparence. En matière de définition des niveaux de salaires, c’est, à mon sens, la transparence qui doit permettre de faire bouger les lignes.
M. Fabien Gay. Mais vous n’avez pas répondu : quel est l’écart salarial qui vous semble juste ?
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Je trouve que nous sommes tout de même ici à la limite de la démagogie !
M. Jean-Louis Tourenne. C’est un expert qui parle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Emmanuel Capus. Pourquoi toujours vouloir pointer du doigt les dirigeants d’entreprise et leur taper dessus ? En quoi le fait que le dirigeant de son entreprise gagne moins va-t-il améliorer la situation du smicard ? En quoi rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune va-t-il résoudre les problèmes des personnes qui gagnent le moins ? Je suis favorable à l’augmentation des salaires, pas à la baisse des plus hautes rémunérations.
Il est tout à fait normal que M. Gay et ses amis défendent de telles positions. Leurs propositions sont tout à fait valables dans un système communiste où personne n’a la liberté de quitter le territoire : dans un système soviétique, on peut facilement maîtriser les hautes rémunérations ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Martial Bourquin. On est vraiment dans le grand n’importe quoi !
M. Rachid Temal. Il a oublié de citer le goulag !
M. Emmanuel Capus. En revanche, ce n’est pas possible dans une économie libérale, où chacun peut quitter le pays.
Cette discussion est totalement rétrograde et ubuesque. Certes, c’est à la mode de taper sur les patrons, cela fait plaisir aux « gilets jaunes »,…
M. Martial Bourquin. Heureusement qu’ils sont là !
M. Emmanuel Capus. … mais cela me paraît irresponsable. On pointe du doigt les chefs d’entreprise, alors que l’on ne dit rien des footballeurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Martial Bourquin. Bien sûr que si !
M. Emmanuel Capus. … dont la rémunération est pourtant totalement indécente, ni des présentateurs télé, pour ne pas se fâcher avec eux !
M. Rachid Temal. Ça suffit, la démagogie !
M. Emmanuel Capus. Il est plus facile de taper sur les dirigeants d’entreprise ou de PME,…
M. Martial Bourquin. Pas ceux des PME !
M. Emmanuel Capus. … qui, eux, prennent des risques. Ils ne sont pas dans la même situation que les salariés. En cas de liquidation de la société, le salarié est assuré de percevoir ce qui lui est dû, il touchera une allocation chômage, tandis que le dirigeant d’entreprise pourra voir sa maison saisie…
M. Jean-Raymond Hugonet. Mais non ! Arrêtez !
M. Emmanuel Capus. … et se retrouve sur le carreau. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Il faut évidemment de la responsabilité, voire un peu plus de transparence, puisque c’est à la mode, mais cessez de pointer du doigt ceux qui créent de l’emploi dans ce pays !
M. Martial Bourquin. Parfois, ils en suppriment…
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Je ne pensais pas intervenir, mais je m’y sens obligé après ce que je viens d’entendre… Commencer en dénonçant la démagogie et terminer en évoquant quasiment le goulag, ce n’est pas sérieux !
M. Emmanuel Capus. Cela a existé !
M. Rachid Temal. Nous sommes en France, en 2019, mon cher collègue !
M. Emmanuel Capus. Il reste des communistes !
M. Rachid Temal. La question n’est pas de savoir si limiter les plus hauts salaires changerait la vie des smicards. Le sujet du débat, c’est la justice sociale. On est en droit de s’interroger quand il existe de tels écarts de rémunération. Les salariés, qui contribuent à la création de la richesse, doivent pouvoir aussi en bénéficier.
On dénonce les effets de seuil, mais quand il s’est agi de supprimer l’ISF, ce n’était plus du tout un problème… Quant à l’augmentation des salaires, celle qui a été annoncée par le Président de la République le 10 décembre ne se concrétise pas.
Encore une fois, ces amendements ne concernent pas les TPE, ces hommes et ces femmes qui prennent effectivement des risques au quotidien pour bâtir leur entreprise, créer de l’emploi, essayer de conquérir des marchés, délivrer des services de qualité. Il s’agit ici des dirigeants de quelques grands groupes, qui changent d’entreprise tous les deux ou trois ans. J’ai entendu un ministre affirmer que le dossier de Carlos Ghosn était clean. (M. Gay s’esclaffe.) Il l’est tellement qu’il n’existe pas de dossier en France !
M. Martial Bourquin. Normal, c’est un évadé fiscal !
M. Rachid Temal. Vous devez entendre ce débat sur la justice sociale. Au lieu de crier à la démagogie et d’invoquer le laisser-faire, vous auriez pu formuler des propositions.
Monsieur le ministre, vous auriez aussi pu évoquer, à côté de la gouvernance d’entreprise, le dialogue social, mais je sais que ce n’est pas une priorité de ce gouvernement…
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Si je ne m’abuse, nous débattons d’un texte destiné à favoriser un plus juste partage de la valeur au sein de l’entreprise. Je ne vois donc pas en quoi il serait déplacé de souligner qu’il existe des salaires indécents et de se demander comment remédier à cet état de fait.
Mon cher collègue Emmanuel Capus, vos remarques me font quelque peu sourire. Hier, quand il s’agissait de limiter les pouvoirs des salariés, vous n’aviez aucune objection à formuler. Mais aujourd’hui, vous vous empressez de venir à la rescousse des grands patrons des entreprises du CAC 40 – nous ne parlons pas ici, cela a été rappelé, des patrons de PME : pas touche à leurs salaires !
Plutôt que d’engager un débat politique, on sort les caricatures ! Pourquoi de tels sujets seraient-ils tabous dans notre assemblée ? Pourquoi ne pourrait-on pas envisager de réglementer des salaires exorbitants ? D’ailleurs, on se demande comment ceux qui en bénéficient pourront profiter de tout ce qu’ils ont accumulé une fois qu’ils auront atteint un âge avancé.
Carlos Ghosn a été « mis à l’écart », pour dire les choses poliment, mais l’entreprise continue de tourner ! Personne n’est indispensable ! Il n’y a pas, d’un côté, le grand patron, qui serait indispensable, et, de l’autre, les salariés, qui ne seraient que de la valetaille ! Vous voyez, moi aussi, je peux donner dans la caricature.
Il faut raison garder. Monsieur le ministre, je ne comprends pas que vous n’indiquiez pas quel écart de salaire serait juste selon vous.
M. Rachid Temal. Il l’a dit ! Pour lui, il n’y a pas à fixer d’écart !
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.
M. Michel Vaspart. Ni caricature ni démagogie : le sujet est très compliqué.
Je suis très attaché à la liberté d’entreprendre, qui, à mon sens, est tout à fait nécessaire au bon fonctionnement de notre économie. Mais je suis également, à titre personnel, très clairement choqué par les niveaux de rémunération des dirigeants de certains grands groupes.
Encadrer me semble excessivement compliqué, mais on peut peut-être envisager que les dirigeants d’entreprise bénéficiant d’une rémunération très élevée paient beaucoup plus d’impôts. On pourrait à cette fin revoir les tranches du barème de l’impôt sur le revenu : cela ferait rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.
Mme Laurence Cohen. Oui, c’est une proposition, en effet !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 290 rectifié ter et 692 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 462 rectifié ter, présenté par MM. Sueur, Tourenne, Daudigny, Durain et M. Bourquin, Mme Ghali, M. Fichet, Mmes Lepage et Bonnefoy, M. Mazuir, Mme Blondin, M. Courteau, Mme G. Jourda, MM. Vaugrenard, Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 5° de l’article 39 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les rémunérations différées mentionnées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce sont admises en déduction du bénéfice net, dans la limite de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale par bénéficiaire. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, vos propos et ceux, quelque peu caricaturaux, de M. Capus révèlent les différences qui existent entre nous.
Pour ma part, je ne crois pas que l’on doive limiter le champ d’intervention de la loi comme vous l’avez fait. Dans de nombreuses démocraties – je pense en particulier à plusieurs pays du nord de l’Europe –, il existe des règles légales sur ces sujets. En plus, nous ne parlons pas, en ce qui nous concerne, de limiter les salaires : nos amendements portaient sur la transparence sur les salaires, ce qui n’est tout de même pas scandaleux. Nous nous attaquons à tout ce qui est hors salaire : les stock-options, les actions gratuites, les revenus spéculatifs, etc. À notre sens, il serait tout à fait justifié que la loi fixât des règles applicables à tout le monde.
Le présent amendement vise à prévoir une fiscalité équilibrée et progressive pour les rémunérations différées. Au-delà d’un montant de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale pour un même attributaire, les rémunérations différées des dirigeants de société ne seraient plus, comme c’est le cas aujourd’hui, déduites du bénéfice net imposable de la société. Ce serait quand même très moral, et aussi raisonnable, puisque ne seraient concernées que des rémunérations supérieures à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Le code de commerce encadre déjà les rémunérations différées et l’article 39 du code général des impôts encadre les dépassements au regard de la déductibilité.
En outre, pensez-vous sincèrement que l’on va attirer des talents en France en fixant un seuil à 243 000 euros ? Je ne crois pas que le nivellement par le bas soit le meilleur moyen de rendre notre pays attractif pour les dirigeants de talent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur. La question est celle de la déduction fiscale !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J’ai beaucoup apprécié l’angle sous lequel M. Vaspart a abordé notre discussion. Nous avons ici un vrai débat de fond ; il faut tout mettre à plat. Même si vous ne voulez pas l’entendre, la question de la justice sociale est posée, et elle le sera de plus en plus, pas seulement par les « gilets jaunes ».
On nous reproche souvent de mettre tous les patrons dans le même sac. Or nous distinguons entre les patrons de PME ou de TPE, qui emploient quelques salariés et ont souvent du mal à se verser un salaire, et certains dirigeants d’entreprises du CAC 40. C’est de ces derniers que nous parlons.
On nous dira qu’il s’agit de seulement quarante personnes et qu’on en fait un totem. Certes, mais les chiffres qui ont été rappelés sont insupportables pour la grande majorité de nos concitoyens.
Je le redis, le patron de Carrefour gagne 306 fois le salaire d’un caissier ou d’une caissière. Et c’est cette personne qui décide de verser des milliards d’euros de dividendes, de supprimer des milliers d’emplois – 5 000 l’an dernier –, tandis que son groupe touche plus de 160 millions d’euros au titre du CICE – autant d’argent public octroyé sans la moindre condition. C’est de cela qu’il faut parler !
C’est un système global. Je ne prône pas l’égalitarisme. Ford estimait, au début du XXe siècle, que l’écart de rémunération devait être de 1 à 40. Je pense qu’il est bien plus compliqué d’être un capitaine d’industrie aujourd’hui qu’à son époque. Cela ne me pose donc pas de problème qu’un patron gagne beaucoup, mais sa rémunération ne doit pas pour autant devenir extravagante, quand la majorité de ses salariés ont du mal à boucler les fins de mois !
On peut aussi prendre le débat sous le même angle que M. Vaspart, celui de l’imposition de ces rémunérations très élevées. (M. Michel Vaspart acquiesce.) Les dirigeants d’entreprise dont nous parlons bénéficient de la suppression de l’ISF. C’est tout cela qu’il faut remettre à plat.
J’aurais aimé que nous puissions avoir un tel débat. Malheureusement, cela n’a pas été possible dans le cadre de l’examen du présent projet de loi.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 462 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 62 quater
La section 2 du chapitre V du titre II du livre II du code de commerce est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article L. 225-53 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces propositions de nomination s’efforcent de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 225-58 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La composition du directoire s’efforce de rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes. » ;
3° Après la deuxième phrase du 6° de l’article L. 225-37-4 , est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle est également complétée par la présentation des moyens mis en œuvre pour rechercher une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans le cadre du processus de désignation des directeurs généraux délégués et des membres du directoire. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 115 rectifié est présenté par MM. Tourenne et M. Bourquin, Mme Espagnac, MM. Lalande et Kanner, Mme Tocqueville, MM. Lurel et Durain, Mme Artigalas, M. Antiste, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Courteau, Duran et Fichet, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 798 est présenté par MM. Lévrier, Yung, Patient, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 2
Avant les mots :
Ces propositions
insérer une phrase ainsi rédigée :
Il détermine à cette fin un processus de sélection qui garantir jusqu’à son terme la présence d’au moins une personne de chaque sexe parmi les candidats.
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Le dernier alinéa du même article L. 225-58 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il détermine à cette fin un processus de sélection qui garantit jusqu’à son terme la présence d’au moins une personne de chaque sexe parmi les candidats. »
La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 115 rectifié.
M. Jean-Louis Tourenne. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 62 quater dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Cet article visait à garantir une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les fonctions exécutives des sociétés. Concrètement, il s’agissait d’assurer que le processus de sélection garantisse la présence jusqu’aux phases finales d’au moins une personne de chaque sexe. Le dispositif se limitait donc à fixer une obligation de moyens.
C’était sans doute trop audacieux pour la commission spéciale, qui a vidé l’article de sa substance, avec un argument particulièrement spécieux : selon elle, une telle mesure pourrait conduire les entreprises à présenter des candidates factices à seule fin de respecter la loi.
Invoquer un possible contournement de la loi pour s’abstenir de légiférer, c’est ériger le renoncement en méthode de gouvernement. Pourtant, on nous répète à longueur de temps que c’est la « confiance » qui doit présider à nos relations avec les entreprises.
Nous proposons donc de rétablir le dispositif de l’article 62 quater. Pour rappel, l’article 1er de la Constitution dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Cela nous impose de ne pas renoncer au prétexte que quelques entreprises ne seraient pas vertueuses. Il faut au contraire agir en fixant un objectif ambitieux.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 798.
M. Martin Lévrier. Notre collègue Jean-Louis Tourenne a très bien parlé. Je considère cet amendement comme défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. Ce qui dicte la position de la commission spéciale, ce n’est pas l’audace ; c’est tout simplement le bon sens. Je ne vois pas à quoi instituer de nouvelles contraintes pourrait mener, sinon à créer de l’insécurité juridique dans les entreprises.
Tout le monde applique déjà les dispositions qui découlent de l’article 1er de la Constitution. Il est inutile d’introduire de nouvelles réglementations, qui seraient difficilement applicables par les entreprises, pour cela.
La commission spéciale émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement sera différent.
Je suis profondément attaché à la parité et la féminisation des fonctions de direction. Je considère que l’entrepreneuriat au féminin – j’ai eu l’occasion de le dire ce matin – est une des clés de la reconquête économique de notre pays. J’ai le sentiment que si on ne met pas un peu plus le pied dans la porte, on n’y arrivera pas. Je crois important de mieux garantir, y compris par la loi, la féminisation des fonctions de direction. Je suis donc favorable à la réintroduction d’une telle disposition.
M. Martial Bourquin. Très bien !
Mme Sophie Primas. C’est par notre talent que nous arriverons à la parité, pas par la loi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 115 rectifié et 798.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 62 quater, modifié.
(L’article 62 quater est adopté.)
Article additionnel après l’article 62 quater
M. le président. L’amendement n° 694 rectifié, présenté par M. Gay, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 62 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … . – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action mentionné à l’article L. 2323-47 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-7 du même code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à lutter contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes en créant la possibilité de supprimer les allégements de cotisations pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations légales en la matière.
À l’heure actuelle, et malgré les lois successives en matière d’égalité professionnelle, les écarts de salaire entre les femmes et les hommes restent élevés, puisque la différence est de 27,5 %, tous temps de travail confondus.
Une telle situation est inacceptable. Je sais, pour en avoir débattu avec elle ici, que Muriel Pénicaud, la ministre du travail, s’attelle à y remédier.
Dans ce contexte, il faut, nous semble-t-il, sanctionner davantage les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations. La loi impose aux entreprises, au-delà d’un certain effectif salarié, de négocier un accord d’entreprise ou d’élaborer un plan d’action en matière d’égalité professionnelle. Or 60 % seulement d’entre elles se sont pliées à cette obligation. Des sanctions sont prévues pour les entreprises récalcitrantes. L’inspection du travail peut mettre en demeure une entreprise ayant manqué à ses obligations. Elle peut entendre les justifications du chef d’entreprise et, en dernier recours, décider d’appliquer une pénalité dont le montant varie selon les circonstances. Or cette pénalité n’est appliquée que dans 0,2 % des cas…
Il me paraît donc important de faire vraiment la différence entre les entreprises « vertueuses » et celles qui ne respectent pas la loi. C’est tout le sens de notre amendement.
En tant que vice-présidente de la commission des affaires sociales, je tiens à rappeler que si l’égalité salariale entre les femmes et les hommes était respectée dans les entreprises, cela rapporterait entre 30 milliards et 50 milliards d’euros à la sécurité sociale. C’est loin d’être négligeable, d’autant que le présent projet de loi prive la sécurité sociale d’un certain nombre de ressources, notamment avec la suppression ou la réduction du forfait social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Michel Canevet, rapporteur. La commission spéciale est bien entendu profondément attachée à la parité et à ce que les femmes puissent exercer des responsabilités dans les entreprises,…