M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’article 1er ouvre la possibilité aux entreprises volontaires de verser à leurs salariés une prime exempte d’impôt et de cotisations sociales.
Le Gouvernement n’a pas du tout pris la mesure des attentes du peuple français en matière d’augmentation du pouvoir d’achat et de rétablissement de la justice sociale. Il ne prend pas de mesures contraignantes pour les grandes entreprises, se contentant d’inviter les employeurs à distribuer à leurs salariés une prime exceptionnelle.
Cette disposition est profondément injuste, car sa mise en œuvre dépend de la bonne volonté des employeurs, et nullement des bénéfices réalisés par l’entreprise. Or de nombreuses petites entreprises sont en très grande difficulté et, de fait, ne pourront pas verser cette prime à leurs salariés. Vous créez ainsi une inégalité supplémentaire entre salariés ; vous les divisez.
Que vont recevoir les salariés dont les employeurs ont décidé de ne pas verser de prime, madame la ministre ? Que vont recevoir les salariés des TPE et des PME, les fonctionnaires, notamment ceux de catégorie C, dont les rémunérations sont très faibles ?
Alors que l’élaboration du PLF et du PLFSS a été guidée par une logique d’austérité, que vous imposez aux plus vulnérables de se serrer la ceinture en ne revalorisant pas les prestations sociales et les pensions de retraite, que les économies demandées entraînent des fermetures d’hôpitaux et de services publics de proximité et portent atteinte à l’accès des plus fragiles à leurs droits, l’article 1er de ce projet de loi ne contient aucune mesure contraignante, son dispositif se bornant à inviter les entreprises à faire un effort. Non seulement les entreprises sont laissées libres de ne pas verser de prime, mais, en plus, si elles le font, elles sont récompensées par des incitations financières, cette prime étant entièrement défiscalisée et exonérée de cotisations sociales. Autrement dit, la mesure ne coûtera pas grand-chose aux entreprises, mais privera les caisses de l’État et de la sécurité sociale de ressources pourtant nécessaires au maintien de services publics de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Aux fins de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, le Gouvernement a décidé d’ouvrir aux employeurs la possibilité de verser une prime exceptionnelle à leurs salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois le SMIC. Pourquoi, dès lors, les nombreux fonctionnaires, notamment de catégorie C, payés 1 200 ou 1 300 euros par mois n’auraient-ils pas droit à cette prime ? L’État ne peut pas ne pas appliquer, en tant qu’employeur, ce qu’il préconise pour les entreprises du secteur privé.
Vous nous répondrez, madame la ministre, à la suite de votre collègue Olivier Dussopt, que l’État n’en aurait pas les moyens. Ainsi donc, il n’aurait pas les moyens de faire vivre les services publics, mais il a ceux de privilégier les grandes fortunes, puisque le Gouvernement refuse de rétablir l’ISF !
Vous nous répondrez, madame la ministre, que les fonctionnaires sont concernés par le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », le PPCR, mais le Gouvernement a décidé de reporter d’un an la mise en œuvre de ce dispositif, qui devait entrer en application au 1er janvier 2018 : douze mois sans évolution des rémunérations ni des carrières.
Se trouvant de surcroît exclus du bénéfice de cette prime exceptionnelle, les fonctionnaires sont, plus encore que les oubliés, les punis du quinquennat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Fabien Gay applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, sur l’article.
M. Jean-François Rapin. Le 10 décembre, nous avons eu l’impression que le château de cartes s’était écroulé et, croyez-le bien, nous ne nous en réjouissons pas, loin de là. Disons-le franchement, le Parlement a été secoué. Il nous faut agir vite, fort, en votant des mesures dans l’urgence.
Instaurer une prime exceptionnelle peut être une mesure intéressante, mais sachez, mesdames les ministres, qu’une proposition de loi la préfigurant a été déposée le 7 décembre dernier sur le bureau du Sénat. Le Gouvernement devrait s’y intéresser : l’adoption d’une telle mesure nécessite une discussion parlementaire, par exemple pour envisager sa pérennisation ou son application aux fonctionnaires ou aux personnes rémunérées par le biais du CESU, le chèque emploi service universel. Il conviendrait également de reconditionner le dispositif, car le délai de trois mois pour le versement de cette prime et le plafond de 1 000 euros sont un peu trop contraignants.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, nous le savons, les entreprises françaises ont besoin de retrouver de la compétitivité : pour pouvoir distribuer, il faut d’abord créer des richesses.
Certes, il faut encourager les salariés à s’impliquer dans l’entreprise, mais la concurrence internationale est souvent terrible. Il est bien d’instaurer une telle prime, mais cela oblige le Gouvernement, pour l’année 2019, à prendre des mesures de nature à permettre aux entreprises de conserver leur compétitivité et leur capacité de création de richesses.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais poser au Gouvernement une question très simple sur cette prime et sur les heures supplémentaires défiscalisées : avec la retenue de l’impôt à la source, comment cela se passera-t-il concrètement ?
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier et Rossignol, M. Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Féraud, Mmes de la Gontrie, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception des dispositions prévues à la première section du même chapitre V
La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Mme Nadine Grelet-Certenais. Hier, à l’Assemblée nationale, il a été dit que le congé de maternité était pris en compte dans le temps de travail effectif et qu’il fallait en déduire que la prime prévue à l’article 1er ne pourrait pas être minorée du fait de la prise d’un congé de maternité. Cependant, le projet de loi mentionne parmi les critères de modulation du montant de cette prime la durée de présence effective pendant l’année 2018. Nous considérons donc que l’ambiguïté n’est pas totalement levée et nous jugeons nécessaire d’inscrire très clairement dans le texte le principe de la non-modulation en cas de congé de maternité, compte tenu notamment de la variabilité de la jurisprudence.
Le 11 avril 1991 déjà, la Cour de cassation avait jugé que la réduction ou la suppression de la prime de fin d’année ou d’assiduité d’une salariée en raison de son absence pour congé de maternité n’était ni discriminatoire ni illégale, à condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur l’attribution de cette prime. Cette position a été maintenue le 1er décembre 2016 par la chambre sociale de ladite cour.
Récemment, dans une décision rendue le 19 décembre 2018, les mêmes hauts magistrats ont précisé que cela vaut également pour l’attribution d’un bonus expressément subordonnée à la participation active et effective de la salariée à certaines activités.
Ces décisions sont d’autant plus gênantes qu’elles respectent pleinement les textes et la jurisprudence européens, qui se veulent protecteurs des salariées enceintes ou en congé de maternité. De fait, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé à plusieurs reprises – et encore le 14 juillet 2016 – qu’une salariée ne pouvait se fonder sur la directive du 19 octobre 1992 assurant la protection des femmes enceintes, accouchées ou allaitantes au travail pour revendiquer le maintien de sa rémunération dite « intégrale » pendant son congé de maternité, comme si elle occupait effectivement, comme les autres salariés, son poste de travail.
À notre sens, dans ce cas de figure, la salariée est bel et bien victime d’une discrimination indirecte, puisque le congé de maternité est un congé légal obligatoire. Ces décisions sont regrettables et n’envoient pas un signal positif aux femmes, pour lesquelles, bien souvent, le congé de maternité constitue un frein à la carrière professionnelle.
Pour toutes ces raisons, nous voulons être certains que les femmes concernées bénéficieront de l’entièreté de la prime et que celle-ci ne leur sera pas versée au prorata du temps passé dans l’entreprise. Il importe que cela soit mentionné explicitement dans le texte, afin que le congé de maternité ne les pénalise pas.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Le texte voté à 4 heures 30 du matin par l’Assemblée nationale, tel que modifié par un amendement adopté à l’unanimité, me paraît répondre tout à fait à votre préoccupation, ma chère collègue, puisqu’il est précisé que « les congés prévus au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail sont assimilés à des périodes de présence effective ». Il n’y a donc pas de doute quant au paiement de l’intégralité de la prime exceptionnelle aux salariées ayant pris un congé de maternité.
Le texte de l’article satisfaisant votre amendement, nous demandons le retrait de celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Madame la sénatrice, cette nuit, en séance publique à l’Assemblée nationale, le groupe Nouvelle Gauche…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Non, le groupe socialiste !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. … a soulevé la même question que vous et déposé un amendement visant notamment à lever l’ambiguïté de la jurisprudence. Cela a conduit le Gouvernement à présenter l’amendement que vient d’évoquer M. le rapporteur, afin de préciser que les périodes de suspension du contrat de travail au titre des congés de maternité, mais aussi de paternité, d’adoption, de maladie ou d’éducation des enfants sont bien assimilées à des périodes de présence effective.
La rédaction du texte qui vous est soumis me semble donc répondre pleinement à votre préoccupation. Je vous suggère de retirer cet amendement.
M. le président. Madame Grelet-Certenais, l’amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadine Grelet-Certenais. Toutes les garanties semblant apportées, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l’article 1er.
M. Yves Daudigny. Nous nous abstiendrons sur l’article 1er.
Il est certain que la prime sera appréciée comme une augmentation de pouvoir d’achat par celles et ceux qui pourront en bénéficier. Cependant, son versement est laissé au bon vouloir des entreprises et, comme l’a souligné ma collègue Corinne Féret, les fonctionnaires et les agents publics sont écartés de son bénéfice. D’une certaine façon, elle sera donc génératrice d’inégalités de traitement, d’injustices et de frustration.
Surtout, la présentation de ce dispositif est révélatrice de deux tendances fortes que nous pouvons observer aujourd’hui.
Premièrement, le travail ne suffit plus à procurer des ressources permettant de vivre dignement et dans de bonnes conditions. Certes, le phénomène n’est pas nouveau – le RSA « chapeau » a été mis en place il y a longtemps déjà –, mais il s’accentue aujourd’hui.
Deuxièmement, les parts de rémunération sur lesquelles ne pèsent aucune charge ou des charges réduites sont de plus en plus importantes. Cet amoindrissement de la contribution des entreprises à la solidarité nationale mettra certainement en difficulté, un jour ou l’autre, le financement de notre protection sociale.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je tiens d’abord à rappeler que le dispositif de l’article 1er est facultatif. La prime exceptionnelle ne sera ni imposable ni soumise à cotisations sociales pour les employeurs. À cet égard, les entreprises qui avaient de toute façon déjà prévu de verser une prime de fin d’année seront pleinement gagnantes…
Les grands punis seront les fonctionnaires : outre qu’ils ne bénéficieront pas de cette prime, ils ont eu confirmation du gel du point d’indice. À l’évidence, toutefois, les fonctionnaires ne sont pas tous logés à la même enseigne. En effet, après une journée de mobilisation, les policiers ont obtenu une augmentation salariale de 120 euros par mois environ. On ne peut bien évidemment que s’en féliciter, même si l’on s’interroge toujours sur le paiement des 23 millions d’heures supplémentaires que leur doit l’État. J’espère, mesdames les ministres, que nous pourrons avoir une réponse sur ce sujet.
Cela étant, nous pensons que les fonctionnaires de l’éducation nationale, les agents hospitaliers ou des collectivités locales sont aussi utiles à notre pays que les policiers. Or eux n’obtiendront rien…
Le dispositif de l’article 1er donnera sans aucun doute satisfaction à certains salariés, mais il en laissera surtout de côté des millions. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je souhaite relayer un témoignage que m’a rapporté Catherine Di Folco ce matin.
Dans la commune de notre collègue est implanté un établissement pour adultes autistes géré par l’association « Sésame Autisme Rhône-Alpes ». À la fin du mois de novembre, conscients des difficultés que rencontraient leurs salariés, les dirigeants de cette association ont versé à ceux-ci une prime exceptionnelle, afin notamment de les aider à préparer les fêtes de fin d’année. Du fait de sa date de versement, cette prime n’entrera pas dans le champ de l’exonération de charges prévue dans le présent texte. Les responsables de l’association se sentent aujourd’hui un peu les dindons de la farce, alors qu’ils se sont montrés vertueux et n’ont pas mis des semaines à se rendre compte des difficultés des salariés, contrairement au Gouvernement…
M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour explication de vote sur l’article.
M. Serge Babary. On peut évidemment se réjouir pour les salariés d’Orange, de la SNCF, de la RATP, d’Aéroports de Paris, de Michelin, de Total, d’Engie, de Veolia, etc. du versement de cette prime exceptionnelle, mais aucun fonctionnaire ou agent public n’en bénéficiera. Il est un peu facile de demander aux autres de faire un effort tout en s’en dispensant !
Par ailleurs, les salariés des entreprises que je viens de citer étaient peu nombreux sur les ronds-points parmi les « gilets jaunes », au contraire sans doute de ceux des TPE, des PME, de l’artisanat, du commerce et du monde agricole, qui, eux, ne toucheront que très rarement la prime exceptionnelle…
Avec cette mesure, on crée donc un nouveau risque d’iniquité entre salariés. Je crains que le résultat ne soit aux antipodes de celui qu’espère le Gouvernement en instaurant cette prime. Pour cette raison, je m’abstiendrai sur cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier et Rossignol, M. Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Courteau et Féraud, Mmes de la Gontrie, Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l’article L. 1142-1 du code du travail, après le mot : « rémunération, » sont insérés les mots : « de primes, ».
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que celui qu’a présenté Mme Grelet-Certenais, puisqu’il vise à garantir que les femmes enceintes ou en congé de maternité bénéficieront bien de la prime exceptionnelle. Il serait en effet tout à fait dommageable que ce ne soit pas le cas, d’autant que le congé de maternité est un congé légal et obligatoire.
L’amendement vise à compléter les dispositions de l’article L. 1142-1 du code du travail afin d’y mentionner explicitement les primes et d’écarter toute discrimination en la matière, comme c’est déjà le cas pour la rémunération, la formation ou la promotion professionnelle. Mme la ministre l’a elle-même rappelé, la jurisprudence récente ne considère pas le non-versement d’une prime à une femme ayant bénéficié d’un congé de maternité comme un cas de discrimination.
Si M. le rapporteur et Mme la ministre peuvent nous assurer que le texte adopté cette nuit à l’Assemblée nationale répond bien à notre préoccupation, nous pourrons envisager de retirer cet amendement.
(M. Vincent Delahaye remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Je pose la même question que notre collègue, sachant que l’amendement vise en réalité l’état de grossesse. La commission sollicite une réponse de fond du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Monsieur le sénateur, vous souhaitez modifier le dispositif de l’article L. 1142-1 du code du travail, qui interdit de discriminer une salariée en matière de rémunération du fait de son état de grossesse ou de la prise d’un congé de maternité.
L’interdiction est claire et précise. Le terme de « rémunération » est large : il désigne le salaire, les primes, les accessoires de salaire. Dans le droit actuel, il n’est donc pas possible de retirer à une salariée le bénéfice d’une quelconque prime au seul motif qu’elle est enceinte ou en congé de maternité.
Introduire le mot « primes » dans le texte de l’article en question n’apporterait donc rien par rapport au droit existant. Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, puisqu’il est satisfait.
Je voudrais maintenant apporter un certain nombre de précisions en réponse à des questions qui m’ont été posées.
Monsieur le sénateur Rapin, les particuliers employeurs sont bien concernés par le dispositif : ils peuvent d’ores et déjà verser une prime exceptionnelle aux personnes qui travaillent pour eux, notamment lorsque la rémunération s’opère via le CESU. Par ailleurs, le champ des associations est entièrement couvert, ainsi que les EPIC et les chambres consulaires.
En ce qui concerne le délai laissé aux entreprises pour verser la prime, nous l’avons fixé à trois mois après en avoir discuté avec les représentants des petites et moyennes entreprises ; nous pensions à l’origine retenir une échéance plus brève encore. Nous sommes convenus avec eux que trois mois suffisaient pour deux raisons.
Premièrement, le versement de cette prime exceptionnelle relève finalement d’une volonté de partage de la valeur. Or la loi PACTE facilitera grandement le partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises, par la suppression du forfait social.
Deuxièmement, le versement de la prime exceptionnelle ne doit pas interférer avec les négociations annuelles obligatoires sur les salaires : il ne faut pas que le calendrier entraîne un chevauchement qui pourrait créer une ambiguïté. C’est pourquoi le versement de la prime exceptionnelle ne sera possible que jusqu’au 31 mars 2019.
Monsieur Retailleau, les heures supplémentaires défiscalisées n’entreront pas dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. L’employeur ne leur appliquera donc pas le taux d’imposition au titre du prélèvement à la source.
S’agissant de la fonction publique, elle est soumise à des règles de rémunération différentes. La prime d’activité et les heures supplémentaires défiscalisées concerneront également les fonctionnaires. En revanche, pour ce qui concerne la prime exceptionnelle, il faut tenir compte des discussions plus larges sur les rémunérations qui sont en cours entre le ministre de l’action et des comptes publics et les organisations représentatives des fonctionnaires. Il n’y a pas lieu d’aborder ce sujet dans le présent texte, sachant que, dans le cadre du PPCR, plus de 800 millions d’euros sont prévus pour l’année prochaine au titre de l’augmentation des rémunérations des fonctionnaires.
Enfin, la prime exceptionnelle ne peut évidemment pas se substituer à une prime existante ou récurrente. En outre, nous avons veillé à ce qu’elle soit neutralisée au regard du calcul de la prime d’activité, afin que personne ne puisse perdre le bénéfice de celle-ci du fait de la perception d’une prime exceptionnelle.
M. le président. Monsieur Féraud, l’amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?
M. Rémi Féraud. Dès lors que le versement de la prime exceptionnelle ne peut en aucun cas être subordonné à la participation effective d’une salariée à l’activité de l’entreprise et concernera donc aussi, sans ambiguïté, les femmes enceintes ou en congé de maternité, nous retirons l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.
Article 2
(Non modifié)
I. – Le livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 81 quater est ainsi rétabli :
« Art. 81 quater. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu les rémunérations, les majorations et les éléments de rémunérations mentionnés aux I et III de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, dans les conditions et limites fixées au même article L. 241-17 et dans une limite annuelle égale à 5 000 €.
« Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article est subordonné au respect de la condition prévue au V de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale. » ;
2° Au c du 1° du IV de l’article 1417, après la deuxième occurrence du mot : « articles », est insérée la référence : « 81 quater, ».
II. – Les dispositions prévues au I s’appliquent aux rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2019.
III. – Au V de l’article 7 de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2019, les mots : « 1er septembre » sont remplacés par les mots : « 1er janvier ».
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.
M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, j’observe que vous faites un nouveau pas vers un dispositif de la loi TEPA votée sous la présidence de Nicolas Sarkozy ; j’en suis ravi !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Le président Emmanuel Macron, qui s’est fait élire sous l’égide factice de la modernité, tombe dans les travers de l’« ancien monde » et décide de ressortir du placard une vieille recette libérale déjà utilisée par le passé par Nicolas Sarkozy, celle de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Cette mesure a eu plusieurs effets pour le moins négatifs. En particulier, l’exonération de cotisations sociales a entraîné une perte de 4 milliards d’euros pour les caisses de la sécurité sociale. Destructrice d’emplois, la défiscalisation des heures supplémentaires n’incite nullement les chefs d’entreprise à embaucher de nouveaux salariés. Le bilan est lourd, avec 100 000 emplois perdus pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Mme Pascale Gruny. Ce n’est pas vrai !
Mme Esther Benbassa. L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, estime que le rétablissement d’une telle mesure pourrait détruire 44 000 postes d’ici à 2022.
Une telle mesure serait donc lourde de conséquences à moyen et long terme. Pourtant, pour le salariat et les fonctionnaires, pour les employés des petites entreprises, elle apparaît comme la seule opportunité d’accroître le pouvoir d’achat et constitue de ce fait un moindre mal. C’est d’ailleurs pour cette raison que la suppression de ce dispositif avait été mal comprise par les Français lors de la précédente mandature.
Au fond, la véritable cause de la crise sociale réside dans le niveau trop faible des rémunérations. La solution trouvée par le Gouvernement semble à cet égard imparfaite. Nous aurions souhaité une meilleure prise en compte de la pénibilité au travail, par exemple, car ce sont les personnes exerçant des métiers éprouvants, précaires et mal rémunérés qui sont le plus incitées à effectuer ces heures supplémentaires défiscalisées, à seule fin de vivre mieux, au détriment parfois de leur santé.
Nous prenons acte de l’absence de prise en compte de ces paramètres dans les propositions du Gouvernement. Nous sommes cependant conscients que la défiscalisation des heures supplémentaires permet une amélioration du niveau de vie des travailleurs, sans toutefois être pleinement satisfaisante.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 2 procède à la défiscalisation des heures supplémentaires et avance la mise en œuvre de leur exonération de cotisations sociales.
Mesdames les ministres, cette mesure a été mise en avant par le Gouvernement comme un moyen d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés. L’idée n’est pas nouvelle, c’est le fameux « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy. Le dispositif fut abrogé sous François Hollande.
Supprimer l’impôt et les cotisations sociales peut avoir un effet immédiat et permettre aux salariés d’avoir un peu plus d’argent à la fin du mois. Mais, en réalité, cela les appauvrit considérablement. La défiscalisation et la suppression des cotisations sociales vident les caisses de l’État et de la sécurité sociale. La perte est estimée à plusieurs milliards d’euros, rien que pour la sécurité sociale.
Or ce sont ces recettes qui financent les services publics de proximité ; ce sont ces recettes qui financent les hôpitaux ; ce sont ces recettes qui permettent le versement d’allocations sociales et de pensions de retraite. En réalité, le peu que les salariés gagneront à la fin du mois, ils le perdront à terme !
De plus, ces mesures de défiscalisation des heures supplémentaires ont un effet néfaste sur l’économie, déjà démontré à plusieurs reprises et dénoncé lors de plusieurs de nos interventions. Ainsi, un rapport de l’OFCE indique que le rétablissement de ce type de mesures pourrait provoquer la destruction de 20 000 à 45 000 emplois.
Même si de telles mesures peuvent apparaître positives au premier abord, elles s’inscrivent en réalité dans une logique libérale à l’œuvre depuis plusieurs décennies. Sans coûter un centime de plus aux grandes entreprises, elles font reposer sur les salariés la responsabilité de s’assurer un niveau de vie décent en travaillant toujours plus.
Or, selon nous, ce sont les employeurs qui se doivent de rémunérer le travail à sa juste valeur. Agir réellement pour le pouvoir d’achat des salariés, c’est revaloriser le travail et faire une différence entre les petites entreprises et les grands groupes. En effet, les échelles de valeur n’étant pas les mêmes, on ne peut pas demander les mêmes efforts aux uns et aux autres.
Pour nous, la solution consisterait, non seulement à augmenter les salaires, mais aussi à réduire le temps de travail. Nous sommes en 2018, mes chers collègues : ce serait beaucoup plus efficace pour réduire le chômage ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)