M. le président. Veuillez conclure !
Mme Nathalie Goulet. Je crois en effet que nous n’arriverons pas à aligner nos politiques sans tous nous mettre autour d’une table avec beaucoup de bonne volonté. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Un certain nombre de questions ayant été posées, je veux apporter en réponse quelques précisions aussi rapidement que possible.
Monsieur le sénateur Carcenac, vous vous interrogez sur les progrès réalisés en Europe depuis l’affaire des LuxLeaks. Vous les rappelez vous-même – adoption d’une directive sur l’échange des rulings, des rescrits fiscaux qui oblige les États à plus de transparence en la matière, adoption d’une directive sur la publication des montages fiscaux pour forcer les intermédiaires et conseils à la transparence. En pratique, la conséquence est notable.
La présente convention, qui participe de la mise en œuvre de ces progrès, garantira l’existence d’un cadre à hauteur des derniers standards en matière d’échange d’information.
Vous l’avez tous mentionné, mesdames, messieurs les sénateurs, elle contient, par ailleurs, un article sur l’assistance administrative en matière de recouvrement de l’impôt correspondant aussi aux derniers standards européens.
Le Luxembourg, sur demande de la France, échange les informations bancaires et financières nécessaires à l’application de notre législation fiscale et au bon déroulement des opérations de contrôle fiscal : au troisième trimestre 2018, par exemple, plusieurs centaines de demandes de renseignements avaient fait l’objet de réponses de la part du Luxembourg. Le dispositif fonctionne donc de manière tout à fait raisonnable.
Madame Guillotin, vous m’avez interrogée sur le crédit d’impôt permettant d’éliminer la double imposition pour les personnes résidant en France et ayant des revenus de source luxembourgeoise. Ce n’est pas une nouveauté. Le dispositif est prévu par l’OCDE ; il figure dans l’ensemble des conventions fiscales signées par la France. Il permet d’assurer la justice et l’équité fiscales en prenant en compte l’ensemble des revenus d’un contribuable, même étranger, pour le calcul de son taux d’imposition.
J’en viens au télétravail. Cette convention tient compte de la situation spécifique des travailleurs frontaliers. La durée de vingt-neuf jours nous paraît suffisamment longue pour permettre la pratique du télétravail à raison de trois ou quatre jours par mois, si l’on prend en compte les mois de congés.
Dans la vaste majorité des cas, cette dérogation à la règle de taxation au lieu de l’activité concernera les travailleurs français travaillant au Luxembourg et télétravaillant depuis la France ; elle sera donc coûteuse pour le Trésor français.
L’équilibre trouvé nous semble raisonnable. Il permet de concilier la simplification pour les travailleurs frontaliers et la préservation de nos intérêts financiers. En réalité, il est assez proche de ce qui a pu être négocié avec d’autres pays, sachant que certains réfléchissent à d’autres chiffres. Pour l’instant, rien n’est fait. Nous sommes plutôt compétitifs, tout en garantissant de façon équilibrée nos intérêts.
S’agissant de la coopération transfrontalière et du développement économique avec le Luxembourg, au regard du nombre grandissant des travailleurs se rendant chaque jour de la région Grand Est vers le Luxembourg, mentionné par M. le sénateur Husson, le développement économique de la zone frontalière franco-luxembourgeoise passe nécessairement par une coopération accrue entre nos deux pays. Dans ce contexte, la dynamique de codéveloppement de notre zone frontalière doit davantage s’appuyer sur un financement partagé d’infrastructures. Ce sujet est plus budgétaire que fiscal.
M. Jean-François Husson. Il faut avoir une autre ambition !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. C’est ce qu’a rappelé le Gouvernement français lors du séminaire intergouvernemental franco-luxembourgeois du 20 mars dernier, ce qui a permis la signature d’un protocole d’accord relatif au renforcement de la coopération en matière de transport transfrontalier incluant le ferroviaire, en prévoyant une augmentation de capacité sur le sillon lorrain par le biais d’un cofinancement franco-luxembourgeois.
Nos deux États sont, à cet égard, convenus de poursuivre leurs discussions sur le codéveloppement des territoires par des réflexions sur les secteurs prioritaires, les questions de gouvernance et le renforcement de l’attractivité économique du Nord lorrain.
Deux projets de loi relatifs, l’un à un accord de coopération transfrontalière en matière sanitaire, l’autre à un accord de coopération en matière de transport, vous seront soumis en 2019. Je crois que l’inscription à l’ordre du jour parlementaire était prévue pour le premier semestre, mais je ne m’aventure pas trop sur les programmations législatives en ce moment…
M. Jean-François Husson. Ce sera décalé !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Sur la question plus large, que vous avez été plusieurs à évoquer, de la lutte contre l’évasion fiscale et de l’injustice fiscale, la taxation du secteur du numérique est l’un des premiers pas.
Vous le savez, nous avons porté ce sujet à l’échelon international, puisque nous en discutons lors des rencontres bilatérales et souhaitons l’inscrire à l’agenda du G7 que nous présiderons au semestre prochain.
Ce sujet, nous l’avons aussi défendu à l’échelon européen. C’est la raison pour laquelle nous avions suspendu l’idée de taxer les GAFA au niveau français. En effet, il faut en être conscient, dans un pays de 68 millions de consommateurs, cette mesure n’aura malheureusement pas le même impact que si elle était appliquée par une plaque continentale de 500 millions de consommateurs.
L’important pour nous était d’envoyer un signal fort, ce qui explique notre préférence pour une taxation à l’échelon européen. Sur ce plan, nous avons obtenu des avancées du côté de l’Allemagne, qui s’est finalement rangée à notre avis, acceptant l’idée de la nécessité de cette taxation. Pour autant, cela ne signifie pas une réalisation dans les prochaines semaines.
Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, avait indiqué, avant même que la crise des « gilets jaunes » n’ait pris l’ampleur que vous savez, que si l’Europe n’était pas capable d’arriver à un projet commun, la France allait en tout cas prendre ses responsabilités et envoyer un signal fort, ce qui sera fait dans les prochains jours ou les prochaines semaines. Nous sommes en train d’étudier le véhicule législatif permettant d’avancer, sans pour autant renoncer à défendre le sujet au plan européen, qui est l’échelon adapté pour envoyer un signal à l’égard des GAFA.
Nous continuons à soutenir l’harmonisation et la consolidation de l’impôt sur les sociétés à l’échelon européen avec le projet ACCIS pour réduire le dumping fiscal en Europe. Bruno Le Maire, Olaf Scholz et Angela Merkel ont avancé au niveau franco-allemand lors de l’accord de Meseberg auquel nous devons désormais rallier les Européens. Ce point sera probablement mentionné en filigrane demain dans la déclaration lors de la réunion ministérielle des Amis de l’industrie. Nous remettons ce combat sur la table. Je l’ai moi-même évoqué de nouveau lors du conseil Compétitivité de l’Union européenne le 30 novembre dernier. Ce sujet, nous le travaillons donc de manière continue.
Parallèlement, un projet de loi défendu par Gérald Darmanin a renforcé les dispositifs internes de lutte contre la fraude : hausse des sanctions, création d’une police fiscale, publicité des sanctions fiscales pour les fraudes graves et fermeture des guichets de régularisation pour les Français ayant des comptes non déclarés à l’étranger.
Il est clair que la France ne transigera pas avec l’injustice fiscale. C’est la priorité du Gouvernement, et nous la soutiendrons avec détermination !
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du grand-duché de luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole), signée à Paris le 20 mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. L’article 14 de cette convention et le point 3 du protocole annexé concernent la question du télétravail, désormais permis à hauteur d’une durée maximale de vingt-neuf jours.
J’aurais aimé que ce nombre soit plus élevé, un peu à l’image de ce que négocient les autorités luxembourgeoises et belges. En effet, chez nous, le sujet de tous les instants, c’est celui de la mobilité. Or tous les réseaux de transport entre la France et le Luxembourg sont saturés – le réseau autoroutier, le réseau routier, le réseau ferroviaire – et ce en dépit des efforts des uns et des autres, des autorités françaises régionales, nationales, intercommunales, comme des autorités luxembourgeoises. Le compte n’y est pas !
Aujourd’hui, pour aller travailler au Luxembourg et parcourir une vingtaine de kilomètres, il faut deux heures et demie, voire trois heures le matin et autant le soir.
Si nous prévoyions un nombre de jours supérieur, nous apporterions notre pierre à l’édifice. Nous l’avons constaté il y a quelques jours, la fiscalité a quelque influence sur les comportements… (Sourires.)
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. Jean-Marie Mizzon. Sachons ne pas l’oublier !
Il n’est pas simple de trouver la solution en matière de transport. Ce sera long. Il faut s’appuyer sur tous les leviers et toutes les solutions existants.
La meilleure des solutions, la moins coûteuse, c’est d’éviter que les gens ne se déplacent, tout en leur permettant de travailler à domicile. Ce serait un plus sur le plan social, sur le plan environnemental et sur le plan de la mobilité.
J’ai bien noté que la convention de 1958 avait fait l’objet de plusieurs avenants. Je forme le vœu que le Gouvernement rencontrera son homologue luxembourgeois pour évoquer cette question et aller dans le sens attendu par nombre de frontaliers. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Jean-François Husson. Tout a été dit et bien dit !
M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 18 décembre 2018 :
À quatorze heures trente :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne (n° 201, 2018-2019) ;
Rapport de Mme Martine Berthet, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 205, 2018-2019) ;
Texte de la commission (n° 206, 2018-2019).
Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer (n° 200, 2018-2019).
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq et, éventuellement, le soir : suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD