M. Alain Houpert, rapporteur spécial. … pour lequel nous avons auditionné le directeur général de l’alimentation.
Monsieur le rapporteur pour avis, la commission est favorable à votre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Guillaume, ministre. Je ne pense pas que M. Dehaumont ait parlé de la nécessité de 900 ETP pour la période post-Brexit. Ce qui est certain, c’est que, pour garantir la sécurité sanitaire, il faudra procéder à des recrutements dans les services vétérinaires au cours des dix prochaines années ; Mme Férat l’a dit.
Vraisemblablement, nous sommes d’accord, ces 40 ETP ne seront pas suffisants, pour les raisons que j’ai indiquées en commission. Une fois que le coordinateur interministériel pour le Brexit aura établi un bilan global, nous connaîtrons le chiffre des recrutements supplémentaires nécessaires – cinquante, soixante, cent ETP, je ne sais pas –, lesquels seront financés non pas sur le budget du ministère de l’agriculture, mais sur le budget général.
Certes, on peut toujours augmenter les effectifs des services vétérinaires et recruter toujours plus de fonctionnaires. Mais sachez que la France est prête à exercer ses contrôles et à surveiller la situation, et qu’il ne se passera rien entre le 29 mars et le 1er avril. On n’assistera pas à un déferlement sur la France de camions remplis de denrées avariées.
L’État fera ce qu’il faudra faire. À ce stade, je ne puis vous indiquer quels seront les besoins. Et encore une fois, je ne pense pas que M. Dehaumont ait parlé de 900 ETP supplémentaires.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Si, je vous le confirme !
M. Didier Guillaume, ministre. Je ne remets pas en cause ce que vous affirmez, vous et vos deux collègues rapporteurs pour avis ; simplement, il a dû mal s’exprimer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Je voudrais rappeler les propos que j’ai tenus dans mon intervention à la tribune il y a quelques instants au sujet de ces 40 emplois : « C’est assurément trop peu compte tenu des besoins de contrôle », mais j’ai ajouté : « On ne sait pas quand ils se matérialiseront ». C’est une vraie question.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Aujourd’hui se pose un problème fondamental, celui du contrôle, dans un certain nombre de ports, des produits entrant sur le continent européen.
Dans ce rapport qu’Alain Houpert et moi avons rédigé, et que M. le ministre a eu la bonté de trouver excellent, nous dressions le constat que certains ports, en particulier celui d’Anvers, pratiquaient un taux de contrôle extrêmement faible – moins de 1 % des marchandises contrôlées –, par rapport à d’autres ports, en particulier français. Ce sujet dépasse le cadre de la discussion que nous avons cet après-midi.
Ce problème des contrôles insuffisants dans certains ports est évoqué également par les producteurs français, et même probablement européens. Il est à craindre justement qu’un certain nombre de pays ne privilégient ces ports à d’autres quand il s’agira de faire entrer des produits sur notre continent.
J’entends ce que dit le ministre, à savoir que ces 40 postes devront être vraisemblablement complétés par d’autres quand on y verra un peu plus clair dans le Brexit et les conséquences que ce dernier entraînera, qu’il faudra examiner de très près. Je sais également, parce que ce sujet a été évoqué l’autre jour en en commission des affaires européennes, que s’instaure dès à présent une concurrence entre les ports européens pour recueillir une partie du flux des marchandises qui arriveront en Europe.
Je sais aussi que les ports français n’ont pas été très bien traités jusque-là, en particulier les ports normands et ceux du nord de la Bretagne. En l’état, je souscris sur le fond à cette demande de création de postes ; la question n’est pas celle-ci, c’est celle du calendrier. De bonne foi, j’entends l’argument du ministre.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Nous devrons examiner les choses attentivement, une fois que l’on y verra un peu clair sur le Brexit.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous avons été nombreux à le rappeler dans la discussion générale ou dans des débats précédents, et cette proposition nous rappelle l’exigence de s’assurer de la sécurité des produits entrant dans notre pays. Nous savons bien que, avec le Brexit, se posera la question des produits en provenance du Royaume-Uni.
On ne peut pas à la fois exiger pour notre pays des pratiques agricoles garantissant notre sécurité alimentaire – je fais partie de ceux qui portent cette exigence – tout en acceptant qu’entre tout et n’importe quoi à n’importe quel prix, quitte à mettre en danger la santé des consommateurs français.
Par ailleurs, ce qui est en jeu, c’est la qualité de l’alimentation et l’évolution des comportements alimentaires des uns et des autres. Un certain nombre de scandales qui ont éclaté dans le passé expliquent en partie que de plus en plus de nos concitoyens et de nos concitoyennes soient désormais sensibles à une musique les incitant à revoir leur régime alimentaire et à se détourner partiellement de l’alimentation traditionnelle, néanmoins indispensable au bon développement de l’être humain.
Enfin, ces scandales alimentaires ont aussi fortement fragilisé l’ensemble de nos industries agroalimentaires de transformation. La question de la sécurité alimentaire des produits entrants intervient donc à tous les niveaux de la production agricole.
Bien évidemment, nous voterons cet amendement de la commission des affaires économiques. À ce propos, vous me permettrez, en ce 1er décembre, de ne pas bouder mon plaisir quand j’entends mon collègue Laurent Duplomb défendre avec autant de ferveur l’idée qu’il faut davantage de fonctionnaires dans notre pays. (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) Cela montre que, en France, les fonctionnaires sont utiles et efficaces !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Je ne répondrai pas à Cécile Cukierman, même si ce n’est pas l’envie qui m’en manque. (Sourires.) Je reviendrai sur trois points.
Premièrement, monsieur le ministre, l’exercice d’aujourd’hui, me semble-t-il, c’est le budget. Or le bon sens paysan veut que, lorsque l’on élabore un budget, il faut penser à se protéger, c’est-à-dire, en bon père de famille, à prévoir un peu plus qu’il ne faut, quitte à ce que toutes les dépenses ne soient pas exécutées si les besoins ne s’en font pas sentir. C’est ce que l’on fait quand on gère correctement une collectivité locale.
Deuxièmement, nous ne sommes pas sûrs que le Brexit ne soit pas un Brexit dur le 31 mars 2019. Le cas échéant, bons Français que nous sommes, nous aurons tellement mis la poussière sous le tapis que nous regretterons de ne pas y avoir pensé un peu plus vite ou un peu plus tôt. Inscrire dans le budget des crédits supplémentaires, même s’ils ne sont pas consommés, c’est simplement une mesure de précaution.
Troisièmement, une grande quantité de produits traversent déjà nos frontières sans qu’ils répondent à nos normes. Par conséquent, même si cela n’est pas obligatoirement nécessaire à la suite du Brexit, et pour répondre à l’invitation de Cécile Cukierman, embauchez des fonctionnaires pour renforcer les contrôles. Cela évitera que nous nous écharpions sur la qualité de notre agriculture et sur notre modèle agricole.
Nos concitoyens pourront ainsi manger des produits français, conformes à nos normes, plutôt que des produits étrangers qui ne les respectent pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je me félicite de la position de notre rapporteur spécial Alain Houpert et de son avis favorable.
Laurent Duplomb a parfaitement exprimé la position de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, l’adoption de cet amendement entraînerait peut-être une charge supplémentaire, mais chaque fois que l’on empêchera un produit d’entrer sur le territoire national parce qu’il n’est pas conforme à l’exigence que nous formulons pour les assiettes des Français, nous favoriserons d’autant notre propre production. Cela s’inscrit parfaitement dans l’esprit du texte que nous avons voté dernièrement, alors même que vous siégiez encore dans cet hémicycle.
Ce n’est pas du protectionnisme ; c’est simplement faire en sorte que ce que trouveront dans leurs assiettes nos enfants et nos concitoyens, corresponde exactement à ce que nous leur avons promis.
Je ferai une dernière remarque, que je vous demande de ne pas prendre mal. Il y a un an, le Sénat était resté fort prudent s’agissant de l’augmentation des taxes. S’il avait été écouté, nous n’en serions pas là. Loin de moi l’idée de tout amalgame, mais, à certains égards, c’est un peu la même chose : il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que l’on se retrouve dans l’incapacité de répondre à l’instant t aux exigences auxquelles nous confronteront les textes de loi que nous avons votés ici, Brexit ou pas.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Nous n’allons pas entamer une partie de ping-pong, et je vais donc faire le filet. (Sourires.)
Mon collègue Yannick Botrel, coauteur avec moi d’un rapport sur la sécurité alimentaire, a dit qu’il était urgent d’attendre parce que nous ne sommes pas prêts. M. Duplomb dit qu’il est urgent de prévoir. Je suis d’accord avec lui, parce que nos frontières sont des passoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Henri Cabanel, rapporteur pour avis. Je veux conforter les propos de mon collègue Duplomb : la langue du directeur général de l’alimentation a sûrement fourché, mais il a bien déclaré qu’en cas de Brexit dur, il faudrait au moins 500 à 900 ETP supplémentaires.
De quoi parlons-nous ? Effectivement, on peut comprendre votre position. Sauf que c’est du nombre de contrôleurs que dépendront les contrôles.
Aujourd’hui, cela a été dit, bon nombre d’aliments importés ne sont pas suffisamment contrôlés. En outre, 10 % des aliments contrôlés sont non conformes. Ce pourcentage monte à 20 % pour les viandes, et à plus encore pour les produits bio.
Aussi, avec le peu d’ETP que vous proposez, les contrôles risquent d’être insuffisants, et la proportion de produits non conformes augmentera très certainement. Il vaut mieux prévenir que guérir : vous réajusterez certainement le dispositif dans les années qui viennent, monsieur le ministre, mais, en attendant, je suggère de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. À mon tour de confirmer ce que j’ai entendu au cours de l’audition.
Je voudrais simplement insister sur les 40 équivalents temps plein, monsieur le ministre. Certes, en trois jours, aucune situation ne peut devenir gravissime. Néanmoins, expliquez-moi comment vous faites avec 40 équivalents temps plein ?
On peut supposer que ces salariés ne travailleront pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre – ce serait une nouveauté ! –, qu’ils auront droit à quelques congés et, hélas !, même si nous ne le souhaitons pas, que certains tomberont malades. Vous vous trouverez alors, en moins de trois jours, dans une situation impossible, sauf à accepter, comme vient de le dire M. Cabanel, que des aliments ne soient pas contrôlés.
On parle du Royaume-Uni, mais ce n’est pas le seul pays concerné. Avez-vous encore à l’esprit tous ces pays du Commonwealth qui transiteront, eux aussi, par cette porte d’entrée ? Il ne me semble pas du tout raisonnable de s’en tenir aux 40 équivalents temps plein, monsieur le ministre. Vous allez être très rapidement débordés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. L’amendement n° II-110 rectifié bis, présenté par MM. Tissot, Cabanel, Montaugé, Botrel et Kanner, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
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Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
1 300 000 |
|
1 300 000 |
|
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
|
|
|
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Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
|
1 300 000 |
|
1 300 000 |
TOTAL |
1 300 000 |
1 300 000 |
1 300 000 |
1 300 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. La question de l’installation des jeunes agriculteurs reste pour nous très importante. D’ailleurs, le sujet fait écho à ce que disait M. le ministre à l’instant à propos de la compétitivité de l’agriculture française et de sa transition vers un mode plus agroécologique.
Mes chers collègues, cet amendement vise à attirer votre attention sur la baisse des autorisations d’engagement dans ce budget. Il est souhaitable de les rétablir, au moins au niveau qui était les leurs en 2018. C’est la raison pour laquelle nous demandons une augmentation de 1,3 million d’euros en autorisations d’engagement. En effet, celles-ci ont baissé, je le souligne, de près de 7 %, soit 3,8 millions d’euros. Pour mémoire, le gouvernement précédent avait porté les autorisations d’engagement concernant ces installations à 40 millions d’euros.
M. le ministre évoquera peut-être le Grand Plan d’investissement avec ses 5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros permettra des garanties via la Banque européenne d’investissement pour l’installation des jeunes agriculteurs.
Comme on dit chez moi et ailleurs, « il vaut mieux tenir que courir » ; d’où notre amendement qui vise – puisque les mesures ne sont pas encore en place, même si elles sont annoncées – à éviter de dissuader les jeunes et à permettre de les accompagner lorsqu’ils souhaitent s’installer. Encore une fois, il y va de la modernisation, dans le bon sens du terme, de nos agricultures françaises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Il s’agit là d’un signe positif, montrant notre volonté de maintenir l’effort en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Guillaume, ministre. Je suis favorable au maintien du soutien à l’installation des jeunes agriculteurs, mais pas à cet amendement. (Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis, s’exclame.) Néanmoins, je l’ai évoqué, le Grand Plan d’investissement, avec les 5 milliards d’euros pour l’agriculture, y contribuera.
Cette année, dans le cadre de l’équilibre budgétaire, les autorisations d’engagements sont à moins 600 000 euros, laissant penser que le budget baisse. Mais les crédits de paiement sont de plus 12,8 millions d’euros, permettant de souligner un effort important du Gouvernement pour l’installation des jeunes agriculteurs.
On peut toujours ajouter 1,3 million d’euros, mais en avons-nous réellement besoin ? Pour l’instant, nous ne le pensons pas. Sont prévus, en outre, des ajustements de fiscalité pour les jeunes – je n’en parlerai pas.
Pour ces raisons, je suis au regret de solliciter, avec peu d’espoir de succès il est vrai, le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Dans certains territoires comme le mien, le département du Lot, la situation est critique. La population, d’une manière générale, est non seulement vieillissante, notamment chez les agriculteurs, mais en baisse. Nous perdons 1 000 habitants par an pour une population de 170 000 habitants.
Dans nombre de nos communes, les quelques agriculteurs restants sont trop souvent sans successeur. Or reprendre une exploitation peut être presque impossible pour un jeune désirant s’installer. Il y a urgence dans certains territoires, où la déprise agricole est là. L’avenir ne doit pas passer par la désertification rurale, qui mène aux espaces spontanément « enforestés ».
Nous devons entendre le malaise des jeunes agriculteurs. En votant cet amendement, mes chers collègues, vous leur enverrez un signal fort d’engagement et de soutien. (M. le ministre s’exclame.)
Donnez une chance à nos territoires ruraux, en somme, à la France !
M. le président. L’amendement n° II-94, présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Cabanel, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
|
1 200 000 |
|
1 200 000 |
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
1 200 000 |
|
1 200 000 |
|
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
|
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|
|
TOTAL |
1 200 000 |
1 200 000 |
1 200 000 |
1 200 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à lutter contre la désertification des vétérinaires en zone rurale, en promouvant les stages tutorés de vétérinaires.
Les vétérinaires spécialisés en élevage jouent, vous le savez parfaitement, mes chers collègues, un rôle essentiel dans la prévention, la détection et le traitement des épizooties sur l’ensemble de notre territoire. Or l’Observatoire national démographique de la profession vétérinaire pour 2017 craint une diminution importante de ses effectifs. L’activité principale de ceux-ci s’oriente de plus en plus vers les filières « animaux de compagnie ».
Ce phénomène pourrait s’aggraver dans les années à venir, à mesure que les jeunes praticiens ne remplacent plus les anciens vétérinaires ruraux, qui étaient proches de la retraite, pour se concentrer sur les soins d’animaux de compagnie dans les centres urbains.
C’est un drame, mais tout comme ont surgi les « déserts médicaux », les premiers « déserts vétérinaires » sont apparus en France et devraient se multiplier d’ici cinq à dix ans dans certaines régions rurales. Vous n’ignorez pas non plus que cela constituerait un drame pour nos territoires ruraux, pour notre élevage, ainsi que pour la sécurité sanitaire de la France dont nous parlons jusqu’à présent.
Pour autant, certaines solutions ont fait leurs preuves. C’est le cas des « stages tutorés en milieu rural », financés par le programme 206, monsieur le ministre, à hauteur de 300 000 euros. Lors de leur dernière année du cursus des écoles nationales vétérinaires, les étudiants peuvent réaliser un stage tutoré. Une vingtaine d’entre eux a bénéficié de ce dispositif et plus des trois quarts – 80 % environ, ce qui est particulièrement significatif – s’installent et exercent, par la suite, en milieu rural.
Le stage tutoré est donc un outil qui a fait ses preuves. Il faut l’étendre dès aujourd’hui pour agir avant qu’il ne soit trop tard. C’est la raison pour laquelle cet amendement vous propose de relever le budget des stages tutorés de 1,2 million d’euros pour créer 80 places supplémentaires, ce qui porterait le total des places offertes à cent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Cet amendement a été merveilleusement défendu, et la commission est favorable à toute action en faveur du tutorat vétérinaire.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Guillaume, ministre. On constate dans les classes vétérinaires – j’en ai personnellement eu la confirmation récemment –, tout d’abord, que 80 % à 90 % des étudiants sont des filles, et 10 % à 20 % des garçons, et, ensuite, que quand on leur demande ce qu’ils veulent faire plus tard et s’ils souhaitent devenir vétérinaires en zone rurale, ils répondent par la négative, car ils préfèrent travailler comme vétérinaires de ville. C’est donc un vrai sujet, et vous avez raison de le souligner, madame Férat.
C’est pourquoi, en 2016, un engagement avait été pris, avec une feuille de route pour organiser des stages tutorés. Nous pensons que les choses avancent, car le nombre des étudiants concernés par les stages est passé de trente-cinq en 2017-2018 à cinquante-cinq en 2018-2019. Et ce n’est pas la seule action qui est menée. J’en veux pour preuve les huit axes stratégiques que vous connaissez beaucoup mieux que moi.
Toutefois, dans ce budget, nous n’avons pas les moyens d’augmenter le nombre de stages. Je ne sais même pas si nous avons les moyens d’accueillir de nouveaux jeunes et si de nouveaux cabinets vétérinaires pourront organiser les tutorats.
Aussi, parce qu’il nous faut continuer à appliquer la feuille de route qui a été lancée en 2016, je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Émettre un avis défavorable sur cet amendement est à mes yeux une erreur. Certes, il s’agit d’une dépense supplémentaire, monsieur le ministre. Mais c’est une mesure intelligente.
Prenons l’exemple du Royaume-Uni, qui, pendant une certaine période, a dénaturé complètement les services sanitaires vétérinaires. Souvenons-nous de la crise de la vache folle, que chacun devrait garder en mémoire, comme étant susceptible de se reproduire dans notre pays. Je vous rappelle que nous avons eu, en France, trois cas de maladie de Creutzfeld Jakob, mais que cette affection a pu être stoppée grâce au tissu vétérinaire et sanitaire réparti sur la totalité des territoires et permettant une bonne surveillance. Au Royaume-Uni, des milliers, voire des millions de cas se sont déclarés, au point que des buchers d’animaux étaient allumés à travers tout le pays.
Nous devons faire de la prospection et être capables de former des jeunes, pour les inciter à travailler au sein de services vétérinaires ruraux. Ce n’est pas contraire à la mode ou à la responsabilité d’un ministre de l’agriculture. Le peu d’argent que ce dispositif représente devrait au contraire peser directement sur le budget de cette année. Il y va de la sécurité sanitaire future des consommateurs et de nos élevages, plutôt que d’intérêts purement financiers.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. J’irai dans le même sens que mon collègue : vous n’aurez pas de politique d’élevage dans nos territoires, monsieur le ministre, si aucun vétérinaire n’exerce à proximité.
Nous sommes tous d’accord sur l’importance de soutenir l’installation des jeunes agriculteurs et de favoriser le renouvellement des générations. Mais les productions animales jouent un rôle extrêmement important sur nos territoires, notamment sur l’utilisation de l’herbe, elle-même essentielle pour la qualité de l’eau.
Il faut savoir tirer les leçons de l’expérience que nous avons dans les zones rurales ou dans certains secteurs urbains dépourvus de médecins. Ne répétons pas le même schéma pour l’agriculture, car jusqu’à présent, comme je l’ai souvent dit, l’élevage était parfois mieux traité que l’homme. En effet, jour et nuit, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un vétérinaire pouvait se rendre disponible dans le quart d’heure ou la demi-heure suivant la demande.
M. Daniel Gremillet. C’est ainsi que l’on peut donner envie à des personnes d’investir dans le secteur de l’élevage.
Je souhaiterais maintenant conforter le propos de mon collègue. Dans une autre vie, j’étais responsable de la politique de l’élevage au sein des chambres d’agriculture. Monsieur le ministre, je suis allé à Bruxelles avec vos services pour témoigner de ce que l’on avait fait en France, et non au Royaume-Uni, non pas à la suite de la crise de la vache folle, mais en réaction à l’épidémie de fièvre aphteuse. Alors que nos voisins britanniques avaient brûlé de nombreux animaux sur des bûchers, en France, nous avions su tout conjuguer.
La France a été auditionnée par la Commission à Bruxelles. Pourquoi ? Justement pour savoir comment notre organisation territoriale avait contribué à faire naître cet esprit de surveillance territoriale aussi fin. J’aimerais que la France ne gâche pas ses forces. Cet amendement en est l’un des moyens, car il donne envie et rassure la population et les acteurs économiques. On peut dire qu’il est stratégique. C’est pourquoi je le soutiens.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. J’ai peu de choses à ajouter aux propos de mes deux collègues. Simplement, monsieur le ministre, vous sembliez penser que nous manquions de tuteurs en la matière.
Eh bien, je m’inscris en faux contre cette déclaration, car les auditions que nous avons menées démontrent bien au contraire que les vétérinaires sont prêts à être les tuteurs qui pourront demain transmettre leurs savoir-faire. Sur ce point, soyez pleinement rassuré, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je voudrais conforter les propos de Mme la rapporteur pour avis.
Lors de l’audition qui nous a permis d’écouter les vétérinaires, on les a vus exprimer leurs craintes – M. Gremillet l’a dit. À cette occasion, la comparaison a vite été établie entre la désertification médicale et la disparition des vétérinaires. L’explication que les vétérinaires nous ont donnée est assez simple : il vaut mieux s’installer comme vétérinaire dans une ville, soigner des chats et des chiens sans sortir, plutôt que parcourir pendant des heures et des heures des routes rurales, pour prodiguer à la campagne des soins à tel ou tel animal.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Bien sûr !
M. Henri Cabanel. Il faut vraiment se soucier de l’inquiétude de ces professionnels. C’est la raison pour laquelle je vous invite à aller dans le sens de cet amendement.