M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, le Sénat est très favorable, dans sa grande majorité, à la réforme systémique des retraites, qu’il ne s’agit donc pas ici de remettre en cause, non plus que la méthode utilisée par le haut-commissaire. René-Paul Savary et moi-même nous investissons personnellement dans l’élaboration de cette réforme, dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS.
Toutefois, il faut bien convenir que vous nous contraignez à modifier ce paramètre essentiel qu’est l’âge légal du départ à la retraite, parce que vous avez vous-même touché à un autre paramètre essentiel, le montant des pensions, avant que l’on aborde la réforme systémique. Comme l’a dit le président Milon, les règles de revalorisation des pensions de retraite ayant été modifiées, il nous fallait trouver un moyen de maintenir l’équilibre financier de la branche vieillesse et celui de la sécurité sociale, conformément à l’exigence que la commission s’est imposée. Vous ne pouvez pas nous accuser d’être légèreté ! S’il y avait eu une véritable concertation, nous aurions sans doute pu trouver des solutions, mais vous avez décidé unilatéralement de ne pas compenser certaines exonérations de cotisations, pour tout de même quelque 2 milliards d’euros.
Tous les gouvernements se sont employés à toucher aux paramètres : le précédent avait modifié le taux de cotisation, d’autres sa durée. Il faudra trouver les bons équilibres, sachant que ces paramètres ne disparaîtront pas avec la réforme systémique.
Madame la ministre, nous agissons aujourd’hui en réaction à des dispositions que le Gouvernement a prises. Il est peut-être regrettable de le faire dans le cadre de l’examen du PLFSS, mais c’était le seul moyen de maintenir l’équilibre financier de la sécurité sociale. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement n’est pas très populaire, surtout auprès de ceux qui sont à moins de cinq ans de la retraite, mais ses auteurs ne manquent pas de courage. À mon sens, le report de l’âge légal de départ à la retraite est inéluctable, puisque l’on vit de plus en plus longtemps et que l’on entre dans la vie active de plus en plus tard.
Toutefois, le groupe du RDSE considère qu’adopter cette disposition serait prématuré, dans la mesure où une réforme systémique des retraites est annoncée. Il convient notamment d’attendre de connaître les propositions du haut-commissaire, M. Jean-Paul Delevoye, qui a déjà beaucoup consulté ; j’ai moi-même eu l’honneur d’être entendu, en tant que président de groupe.
Nous nous abstiendrons donc sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je suis très fier de siéger, au service des citoyens, dans une chambre qui est normalement un lieu de travail, de réflexion, de recherche de consensus, mais, depuis avant-hier, certains amendements me donnent le sentiment d’une assez terrible brutalité…
Ainsi, le présent amendement vient contrebattre les engagements sur la foi desquels le Président de la République a été élu. Je ne reviendrai pas sur le projet de réforme systémique des retraites qui est cours d’élaboration.
Cette brutalité s’exerce à l’encontre de tous les actifs, et pas seulement ceux qui prendront leur retraite dans moins de cinq ans : quel que soit leur âge, ils viennent d’apprendre, s’ils suivent nos débats, qu’ils devront travailler un an de plus.
Notre objectif était avant tout de mettre l’accent sur la valeur travail. Or, en l’espèce, sans le dire explicitement, vous recréez indirectement des taxes sur le travail, en demandant aux gens de cotiser un an de plus pour leur retraite.
Par ailleurs, au travers d’un amendement que vous avez présenté avant-hier et qui m’avait fait bondir, vous taxez les OCAM, là encore sans concertation : on prend l’argent là où l’on estime pouvoir en prélever !
Tout cela est très surprenant de la part d’une chambre qui n’a pas l’habitude de se comporter ainsi. Nous sommes très déçus de votre attitude. Il nous semble normal de revaloriser le travail.
Vous avez omis d’évoquer la suppression de la taxe d’habitation, monsieur Savary. J’ai découvert avec surprise que le Conseil d’orientation des retraites, le COR, ne compte, pour un montant de taxe d’habitation de 600 euros, que 200 euros d’économie par année pour 2018, 2019 et 2020. Or cela ne fonctionne pas ainsi : on passe de 200 euros en 2018 à 400 euros en 2019 puis à 600 euros en 2020.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Cela vaut aussi pour la CSG, mais vous l’augmentez !
M. Martin Lévrier. Nous demandons, certes, un petit effort à certains retraités, mais vous, vous taxez les gens qui travaillent. Nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’étais en train de me pincer pour vérifier que je ne rêvais pas, tant les propos que j’entends me semblent relever d’une hallucination !
Mes chers collègues, en réalité, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous voulez taxer les mêmes personnes, de diverses façons.
Bien entendu, le groupe CRCE ne votera pas le report de l’âge de départ à la retraite ; nous y sommes fondamentalement opposés. Sur la forme, d’abord, une telle mesure ne se décide pas au détour de l’examen d’un amendement au PLFSS. Sur le fond, ensuite, s’il est vrai que l’on vit plus longtemps, ce n’est pas une raison pour repousser l’âge du départ à la retraite.
Vous nous dites que vous voulez revaloriser les pensions de retraite, mais qu’il va falloir demander aux gens de travailler plus longtemps pour équilibrer les comptes : ce sont donc les actifs qui vont financer eux-mêmes cette revalorisation dont ils bénéficieront une fois à la retraite. C’est extraordinaire !
Mes chers collègues, cela fait une semaine que nous débattons en brassant des milliards. Ainsi, les exonérations de cotisations patronales représentent 40 milliards d’euros : voilà une ressource qu’il serait légitime de mobiliser pour conduire une politique plus juste en faveur des retraités ou des hôpitaux, par exemple ! Mais, bizarrement, pas touche à ces milliards-là ! Il ne faut surtout pas écorner les profits des grandes entreprises, sinon, à vous entendre, l’emploi en pâtira.
Les seniors sont les plus touchés par le chômage. Notre pays compte 9 % de chômeurs et des millions de salariés travaillant à temps partiel sans l’avoir choisi. À quoi cela rime-t-il de reporter encore l’âge de départ à la retraite ? À quoi cela rime-t-il d’accumuler les allégements de cotisations alors que le chômage continue à augmenter ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. De grâce, essayez de trouver d’autres arguments et cessez de vous renvoyer la patate chaude, mes chers collègues, parce que, finalement, vous êtes sur la même ligne !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Le groupe socialiste et républicain est totalement opposé à la désindexation des pensions de retraite et d’invalidité, ainsi que des prestations familiales ; nous nous en expliquerons lors de l’examen de l’article 44.
Dans le même temps, notre collègue Bernard Jomier l’a excellemment dit, nous sommes opposés à cette mesure de modification de l’âge de départ à la retraite, dont on se demande ce qu’elle vient faire dans la discussion de ce PLFSS.
Cela étant, nous sommes des élus responsables. Ainsi, avant le début de cette séquence budgétaire, les parlementaires socialistes, députés et sénateurs réunis, ont présenté des versions alternatives du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui maintenaient les grands équilibres, et qui respectaient en particulier le déficit budgétaire prévu.
Une de nos propositions était toute simple : ne pas doubler, en le portant de 20 milliards à 40 milliards d’euros, le montant des aides apportées aux entreprises au titre de l’exercice 2019. Les 20 milliards d’euros ainsi économisés auraient pu permettre de ménager une autre transition, de mettre en place d’autres dispositifs.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.
Mme Colette Mélot. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires présentera à l’article 44 un amendement préservant l’équilibre des comptes.
Reporter l’âge de départ à la retraite à si brève échéance, sans que cela ait été préparé en amont, ne nous paraît ni juste ni faisable. Nous avons l’impression que l’on va dans le mur, faute de proposition satisfaisante, aussi nous abstiendrons-nous sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je voudrais saluer le courage dont fait preuve le rapporteur en faisant cette proposition, qui n’est certes pas populaire. Sa présentation dans le cadre de la discussion du PLFSS, sans attendre la réforme systémique annoncée, tient au fait que le Gouvernement a agi sans concertation.
Rappelons que, à partir du 1er janvier, les salariés seront déjà, dans les faits, amenés à partir à la retraite à soixante-trois ans au plus tôt s’ils ne veulent pas subir une baisse du montant de leur retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.
Tout à l’heure, notre collègue Lévrier du groupe La République En Marche a parlé de brutalité. Il me semble que la brutalité est plutôt du côté du Gouvernement, mon cher collègue : elle s’exerce à l’encontre des familles, des Français, au travers des retraites, du pouvoir d’achat. Je pense que vous en entendrez parler demain ! (M. Jérôme Bascher applaudit.)
M. Martin Lévrier. Vous porterez un gilet jaune ? Bravo !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Mon cher collègue Lévrier, depuis dix-huit mois, quelques annonces du Gouvernement ont été perçues comme brutales par les Français.
Je voudrais décortiquer l’argument de M. le rapporteur selon lequel l’espérance de vie augmentant, il est normal que l’on travaille plus longtemps. À première vue, cela semble clair comme de l’eau de roche. Cependant, pourquoi l’espérance de vie a-t-elle augmenté au cours du XXe siècle ? C’est d’abord parce que nous travaillons moins…
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Différemment, plutôt.
M. Fabien Gay. … et mieux que nos grands-parents et parents. Ceux-ci travaillaient quarante-neuf heures par semaine, contre trente-cinq aujourd’hui, ils ne bénéficiaient pas de congés payés, etc. Le progrès médical a bien sûr aussi joué son rôle.
Si nous allons à rebours en acceptant des reculs sociaux, la courbe de l’espérance de vie pourrait s’inverser. D’ailleurs, l’espérance de vie en France a commencé à diminuer depuis 2014, pour l’instant de façon insensible : elle est aujourd’hui de soixante-dix-neuf ans pour les hommes et quatre-vingt-cinq ans pour les femmes. Ce qui est en net recul, c’est l’espérance de vie en bonne santé : elle est de soixante-quatre ans pour les femmes et de soixante-deux ans pour les hommes, avec un écart très important entre les ouvriers et les cadres. Par conséquent, repousser l’âge légal de départ à la retraite à soixante-trois ans serait une injustice flagrante !
Quant au financement, ma collègue Laurence Cohen l’a dit, il y a beaucoup d’argent dans notre pays ; mais, là aussi, il faut se poser les bonnes questions !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je vais essayer de répondre à cette salve d’arguments opposés à une mesure qui peut en effet sembler provocatrice ; cependant, ce n’est pas nous qui avons commencé, c’est bien le Gouvernement qui a brutalement pris la décision de baisser le niveau de vie des retraités en dérogeant à la règle de l’indexation des pensions sur l’inflation.
Madame la ministre, si nous voulons donner confiance aux Français, il faut être clairs et leur dire la vérité. Pour équilibrer les systèmes de retraite par répartition, on peut jouer sur trois leviers.
Le premier, c’est le taux de cotisations patronales et salariales, aujourd’hui fixé à 28 %. Le haut-commissaire l’a dit, on ne peut pas y toucher sous peine de porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises.
Le deuxième levier, c’est l’âge de départ à la retraite. Tous les pays européens l’ont relevé.
M. Fabien Gay et Mme Patricia Schillinger. Avec quelles conséquences ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il y a un ratio actifs/retraités à maintenir.
Le troisième levier, c’est le niveau des pensions. Nos concitoyens devront-ils vivre plus longtemps avec des retraites basses ?
M. Fabien Gay. Non !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Voulons-nous que, à terme, les retraités n’aient plus les moyens de maintenir leur niveau de vie ?
M. Fabien Gay. Sur ce point, nous vous suivons !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ce sont des choix de société. Nous sommes clairs sur les nôtres : le recul de l’âge de départ à la retraite devra inéluctablement être considéré dans la réforme des retraites.
M. Fabien Gay. Non !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous alertons dès aujourd’hui le Gouvernement : cet élément devra être pris en compte dans la réflexion si nous ne voulons pas que les retraites des Français en deviennent trop basses. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 19 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 44.
Article 44
Au titre de 2019 et 2020, par dérogation à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, les montants des prestations et des plafonds de ressources relevant du même article L. 161-25 sont revalorisés annuellement de 0,3 %.
Toutefois, ne sont pas concernés par cette dérogation :
1° L’allocation de veuvage mentionnée à l’article L. 356-2 du même code ;
2° L’allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l’article L. 815-1 dudit code et les prestations mentionnées à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de ces allocations ;
3° L’allocation supplémentaire d’invalidité mentionnée à l’article L. 815-24 du code de la sécurité sociale, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de cette allocation ;
4° Le plafond de ressources prises en compte pour l’attribution de la protection complémentaire en matière de santé prévu à l’article L. 861-1 du même code ;
5° Le revenu de solidarité active mentionné à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles et l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants mentionnée à l’article L. 117-3 du même code ;
6° Les allocations mentionnées au 2° de l’article L. 5421-2 du code du travail et l’allocation temporaire d’attente mentionnée à l’article L. 5423-8 du même code ;
7° L’allocation pour demandeur d’asile mentionnée à l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
8° L’allocation spéciale pour les personnes âgées mentionnée à l’article 28 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte, ainsi que le plafond de ressources prévu pour le service de cette allocation ;
9° L’allocation de solidarité aux personnes âgées et les prestations mentionnées, respectivement, aux 1° et 9° de l’article 7 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de ces allocations.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.
Mme Corinne Féret. Cet article prévoit que les montants et les plafonds de prestations sociales seront revalorisés à hauteur de 0,3 % par an pour les années 2019 et 2020. Ce dispositif déroge totalement à la règle selon laquelle les prestations sont revalorisées annuellement au niveau de l’inflation constatée sur l’année précédente, qui est de l’ordre de 1,6 % à 1,7 %. Si un certain nombre d’allocations sont exclues du champ de cette mesure de sous-revalorisation, toutes les prestations familiales seront concernées.
Madame la ministre, avec cet article, vous rompez avec un principe fort selon lequel s’est bâtie notre protection sociale depuis des décennies. Il a permis jusqu’à maintenant de garantir le pouvoir d’achat de nos concitoyens, en particulier des plus modestes d’entre eux. Vous vous attaquez aux prestations familiales, aux pensions de retraite, aux pensions d’invalidité, aux rentes accident du travail-maladie professionnelle ou encore aux aides au logement : rien de moins !
Pour les retraités, cette décision intervient alors que l’année 2018 a déjà été marquée par l’absence de revalorisation des pensions et par une augmentation non compensée de la CSG de 1,7 point. C’est donc pour eux la double, voire la triple peine ! Pourtant, les retraités ne sont ni des privilégiés ni des nantis, non plus que les familles, qui ont déjà participé à l’effort de modération des dépenses sociales.
Ces mesures contredisent totalement l’objectif affiché par le Gouvernement, au travers notamment du plan Pauvreté, de protéger les Français les plus fragilisés.
« Ajustement exceptionnel », « revalorisation maîtrisée », « désindexation », « revalorisation différenciée », « sous-indexation » : on nous noie sous des formules complexes, en martelant qu’il y aura des gagnants. Pour ma part, je vois surtout des perdants ! Que l’on ne nous parle plus de gains de pouvoir d’achat, c’est exactement l’inverse !
Pour toutes ces raisons, nous présenterons un amendement visant à supprimer cet article profondément injuste et inégalitaire.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 416 rectifié bis est présenté par M. Daudigny, Mmes Féret, Lubin et Van Heghe, M. Kanner, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Blondin, M. Fichet, Mmes G. Jourda, Préville et Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, MM. Duran, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 546 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 416 rectifié bis.
M. Yves Daudigny. Après la hausse de la CSG, qui concerne plus de 7 millions de retraités, l’absence de toute revalorisation des pensions en 2018, impliquant une baisse de leur pouvoir d’achat, les retraités pouvaient espérer que leurs pensions seraient au moins revalorisées au niveau de l’inflation pour les années 2019 et 2020.
La conjoncture économique est favorable – la croissance du PIB a atteint 2,2 % en 2017, et l’on prévoit qu’elle s’élève à 1,5 % les années suivantes – et, surtout, les comptes de la sécurité sociale se rétablissent.
Pourtant, madame la ministre, le Gouvernement fait le choix d’un quasi-gel des prestations sociales pour les années 2019 et 2020.
Cette revalorisation de 0,3 % des pensions de retraite et d’invalidité, mais aussi des allocations familiales ou de l’aide personnalisée au logement, très inférieure à l’inflation, engendrera une perte de pouvoir d’achat de plus de 1 %, en premier lieu pour les retraités. Une telle mesure est à nos yeux une erreur, tant politique qu’économique. En outre, elle entre en contradiction avec le retour à l’excédent de la branche famille.
Au même moment, le dernier rapport du Secours catholique sur la pauvreté en France met en exergue une plus grande précarisation des personnes âgées et des familles monoparentales. Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités et les dernières analyses Eurostat abondent dans le même sens. La Cour des comptes indique que quatre cinquièmes des familles ont connu une baisse des aides qu’elles reçoivent. Rappelons enfin que M. Delevoye, le haut-commissaire nommé par le Président de la République, préconise l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation.
La position du Gouvernement est simple : quand l’inflation réapparaît, la désindexation des prestations sociales devient un outil très efficace de régulation des dépenses publiques. L’étude d’impact le prouve : en 2019, cette revalorisation permettra d’économiser 3,5 milliards d’euros ; en 2020, le gain sera proche de 7 milliards d’euros.
Madame la ministre, mes chers collègues, le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale doit être mis au service de la modernisation de notre système de santé et du progrès social. L’enjeu, c’est la justice sociale, l’efficacité économique, mais aussi le maintien de la cohésion de notre pays, au moment où celle-ci est menacée de toutes parts, comme nous risquons de nous en rendre compte demain !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 546.
M. Fabien Gay. D’après une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, huit retraités sur dix devraient voir leur pouvoir d’achat reculer en 2020, en raison, notamment, du quasi-gel des pensions pour les deux prochaines années. Le portefeuille des retraités sera ainsi rudement mis à l’épreuve par les différentes mesures annoncées par le Gouvernement.
La politique du « et en même temps » promue par le Président de la République donne à penser que vous parvenez à trouver l’équilibre entre mesures négatives et positives, mais, pour les retraités, le déséquilibre est patent.
D’un côté, certains ménages devraient bénéficier de mesures favorables, comme l’exonération de la taxe d’habitation, la revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ou encore l’exonération de la hausse de la CSG ; mais, de l’autre, une pluie de mauvaises nouvelles va s’abattre sur eux, dont la faible revalorisation, à hauteur de 0,3 %, des pensions en 2019 et en 2020 – un taux nettement inférieur à celui de l’inflation – et la hausse de la CSG, enclenchée dès 2018.
Si l’on estime que, en 2018, six ménages sur dix comptant au moins un retraité ont perdu aux réformes engagées par le Gouvernement en termes de pouvoir d’achat, ce ratio devrait être supérieur à sept sur dix en 2019, malgré l’annonce récente de l’annulation de la hausse de la CSG pour 300 000 retraités. Les différences de traitement entre gagnants et perdants devraient encore grossir en 2020. Au total, ce sont huit ménages sur dix qui devraient voir leur pouvoir d’achat diminuer de près de 700 euros cette année !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voulons supprimer l’article 44.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ces amendements identiques tendent à supprimer l’article 44 pour maintenir le niveau de vie des retraités. Très bien, mais cela fait une dépense nouvelle qui n’est pas financée… Pour notre part, nous sommes carrés (Sourires.) et nous sommes partisans de dire la vérité aux gens. Nous aurions pu, comme le gouvernement précédent, proposer une augmentation de la durée de cotisation, ce qui conduit, indirectement mais inéluctablement, à un recul de l’âge de la retraite, puisque les gens ne peuvent pas partir à l’âge légal sauf à subir une décote. Nous avons été clairs : l’âge de départ à la retraite n’est pas un sujet tabou, il doit être mis en débat sur la place publique.
Je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements, en invitant leurs auteurs à soutenir celui que je présenterai dans quelques instants : il va dans le sens qu’ils souhaitent !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 416 rectifié bis et 546.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par M. Savary, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après les mots : « sur la base », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « de l’indice des prix hors tabac prévisionnel figurant dans le projet de loi de finances de l’année. » ;
2° Le second alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Si l’indice des prix hors tabac diffère de la prévision, il est ensuite procédé à un ajustement. Cet ajustement comporte :
« 1° Une compensation de l’écart entre les sommes effectivement perçues et celles qui auraient dû l’être pour respecter la parité entre, d’une part, l’évolution des prestations et, d’autre part, l’indice des prix à la consommation hors tabac ;
« 2° Une revalorisation destinée à maintenir, pour l’avenir, ladite parité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Cet amendement tend à revaloriser les retraites au niveau de l’inflation, comme cela se pratiquait avant 2015. Il s’agit de redonner du pouvoir d’achat à une majorité de retraités.
Des études ont montré clairement que la sous-revalorisation des pensions à hauteur de 0,3 %, cumulée avec les autres mesures prises – l’augmentation de la CSG et la diminution des aides au logement –, fait, malgré la compensation partielle permise par la suppression de la taxe d’habitation, 79 % de perdants pour 21 % de gagnants.
La revalorisation des pensions à hauteur de l’inflation permettra également de ne pas remettre en cause l’écart entre le minimum vieillesse et les retraites basses de ceux qui ont été au SMIC tout au long de leur carrière.