M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je n’ajouterai pas aux propos de nos collègues mon propre désappointement face à cette mesure présentée par un collègue neurologue – par ailleurs médecin de qualité – Olivier Véran.
Madame la ministre, nous vivons dans une société où, parfois, de bonnes intentions sont exploitées médiatiquement, d’une manière contraire aux objectifs recherchés. D’ailleurs, les hommes politiques au plus haut niveau profitent des médias pour faire passer des messages, qui parfois passent bien et parfois passent mal.
En l’occurrence, le problème est qu’il est dit partout que quelqu’un qui arrivera aux urgences sans que ce soit justifié sera renvoyé vers un autre praticien et que celui qui n’aura rien fait d’autre que de le renvoyer touchera entre 20 et 60 euros de commission – veuillez me pardonner ce terme. Moi qui suis à la retraite, je rouvre mon cabinet demain si c’est pour refouler tous mes patients en gagnant à chaque fois 20 euros. Ce sera plus facile que de soigner. (Sourires.)
M. Michel Amiel. Ça, c’est de la caricature ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je sais bien, mais comme tout ce qui a été dit avant, selon Mme la ministre.
Nous vivons dans un monde où, malheureusement, parfois, les bonnes intentions peuvent ne pas être comprises par la population, faute d’explications adéquates ou parce qu’elles sont trop complexes.
En fait, le désengorgement des urgences passe plus par des maisons médicales au pied des urgences, peut-être aussi par l’embauche, par les hôpitaux, de médecins généralistes qui feraient le tri pour laisser passer les vraies urgences et pratiquer eux-mêmes les autres soins. Il s’agit davantage de ce genre de travail que de refouler les gens – c’est l’image qui en a été donnée – qui n’ont rien à faire aux urgences.
Soit on considère qu’il s’agit d’une forme de médiatisation pure et on en rigole un peu, soit on accepte la proposition et nombreux sont ceux qui risquent d’être choqués. Un autre exemple des victimes de la médiatisation, c’est ce que nous avons fait hier avec les OCAM.
Aujourd’hui, la médiatisation est particulièrement complexe, et votre collègue Gérald Darmanin l’a un peu exploitée hier soir. On dit partout que le prélèvement de 1 milliard d’euros va entraîner des augmentations de cotisations pour les retraités et pas pour les autres. Nous sommes tous, à un moment ou à un autre, victimes de ce genre de médiatisation.
Là, honnêtement, on ne peut ici, au Sénat, laisser passer une telle proposition, qui est probablement sérieuse, mais qui, d’un point de vue médiatique, est catastrophique. Je le redis, l’une des solutions serait de prévoir des maisons médicales à l’entrée des urgences,…
Mme Catherine Troendlé. Oui !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … avec des médecins généralistes et des spécialistes libéraux – il y en a quelques-uns dans les hôpitaux –, ou d’embaucher des médecins généralistes, qui feraient le travail avant les urgentistes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je rejoins tout à fait les propos du président Milon : c’est en amont qu’il faut traiter le problème.
Deux solutions s’offrent à nous : des maisons de garde, qui se développent, mais pas encore assez – il faut encourager le mouvement, madame la ministre –, et la création d’un numéro unique des médecins de ville. Qu’attend-on pour le mettre en place ? Il paraît qu’une étude a été engagée : un membre de l’IGAS m’a confié avoir été chargé par Mme la ministre d’étudier la mise en place de ce numéro unique. Cela fait des années que j’en entends parler !
Il existe donc des solutions simples. Là où elles sont mises en œuvre, les urgences sont désengorgées.
Par ailleurs, se pose le problème du coût. Nombreux sont ceux qui viennent aux urgences parce que cela ne coûte rien. Il faut aussi trouver des solutions de nature à inciter les gens à ne pas passer aux urgences. Peut-être pourrait-on prévoir un tarif préférentiel la nuit ou, en tout cas, un remboursement de la sécurité sociale de nature à inciter les patients à ne pas passer aux urgences.
Il s’agit là de mesures de bon sens. Aussi, je m’étonne qu’on ne les ait pas encore testées. Vous parlez d’expérimentations. Expérimentez-les !
M. Michel Amiel. Ça existe à Marseille !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié bis, 72, 218 rectifié bis, 298, 462 rectifié, 518 et 583 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 29 quinquies est supprimé.
Article 29 sexies (nouveau)
La sous-section 3 de la section 5 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 162-22-17 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-22-17. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités de récupération des sommes indûment facturées par des établissements de santé au titre des activités pour lesquelles ils ne disposent pas d’autorisation au sens de l’article L. 6122-1 du code de la santé publique. »
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Nous n’avons pas déposé d’amendements sur cet article, et nous proposons de l’adopter en l’état. Néanmoins, il soulève certaines interrogations que je souhaite vous soumettre.
Notre commission ne peut que souscrire aux objectifs visés : la garantie de la sécurité et de la qualité des soins dans les services hospitaliers, qui est une impérieuse nécessité. Le mécanisme prévu par cet article, à savoir la possibilité de récupérer auprès des établissements de santé les sommes indûment facturées au titre des activités pour lesquelles ils ne disposent pas d’autorisation, constitue un instrument supplémentaire pour inciter les établissements à respecter les seuils d’activité. Cependant, on comprend mal que des établissements puissent continuer de pratiquer des activités de soins sans respecter les seuils d’activité de sécurité. Pourquoi proposer une mesure financière plutôt que la fermeture de services qui n’offrent pas toutes les garanties de sécurité ?
Par ailleurs, on se demande comment des procédures de contrôle pourraient être plus efficaces en matière financière si elles ne permettent pas aujourd’hui d’intervenir auprès des établissements problématiques. Il me semble donc que c’est plus sur la bonne conduite des contrôles qu’il conviendrait de se pencher. Or les modifications apportées par l’ordonnance du 3 janvier 2018 au régime de visite de conformité des ARS nous conduisent à nous interroger sur la volonté de s’assurer du strict respect de ces règles par les établissements de santé. Ces visites devaient jusqu’alors être obligatoirement réalisées dans les six mois suivant la délivrance d’une autorisation d’activité ou d’équipement ; elles sont désormais facultatives.
En outre, les auditions ont fait émerger la question de l’adéquation de la définition des seuils fixés par voie réglementaire avec les conditions réelles de l’activité des établissements de santé. En effet, la définition du seuil se fait au niveau de l’établissement, mais elle ne rend pas compte en particulier de la réalité de l’activité pratiquée de manière individuelle par chacun des professionnels de santé y exerçant.
Une réforme des autorisations est en cours. Aussi, je vous demande, madame la ministre, de prendre en compte nos observations, et nous vous serions reconnaissants de nous donner quelques éléments d’information sur les questions que je viens d’évoquer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet article me tient particulièrement à cœur. Il concerne un sujet sur lequel nous butons depuis de très nombreuses années.
Il apparaît dans la littérature internationale que, pour un certain nombre de cancers, le fait d’être opéré soit par un chirurgien qui n’a pas l’activité suffisante, soit par une équipe insuffisamment formée, soit par un hôpital ne disposant pas du plateau technique adapté – cela dépend du type de cancer : dans certains cas, c’est vraiment la responsabilité du chirurgien qui importe, dans d’autres, c’est le plateau technique –, a des conséquences sur les chances de guérison de certains malades.
Le plan Cancer 2014-2019 – il se trouve que je l’ai rédigé – avait pointé du doigt trois cas de figure assez dramatiques : le cancer de l’œsophage, certains cancers gynécologiques, celui de l’utérus, par exemple. Nous avions alors indiqué que ces activités ne pouvaient pas être réalisées en dehors des établissements ayant un seuil d’activité suffisant.
Force est de constater que, si certains hôpitaux ont les autorisations parce qu’ils atteignent les seuils d’activité, d’autres ne les ont pas, mais continuent malgré tout de pratiquer ces activités – nous le voyons au travers du codage du PMSI – et, parfois, en nombre important.
Il est possible que certains chirurgiens découvrent un cancer lors d’une intervention réalisée en urgence : un cancer du côlon, par exemple, alors qu’ils traitent une occlusion intestinale. Dans ce cas, on ne peut pas leur reprocher d’avoir opéré le patient. On peut le comprendre s’il y a un ou deux cas par an, pas s’il y en a des dizaines. Cela signifie qu’un certain nombre d’établissements, d’équipes ou de chirurgiens s’autorisent à pratiquer des interventions alors qu’ils n’en ont pas l’autorisation. Or toute la communauté nationale et internationale de professionnels sait que ces malades perdent entre 10 % et 20 % de chances de survie.
Nous n’avons pas trouvé d’autre moyen d’intervenir, car des autorisations existent déjà et ils ne les respectent pas. Nous ne pouvons pas fermer ces services, car, outre la faible activité consacrée à l’opération d’un cancer, ceux-ci ont une activité de chirurgie générale. Si nous fermons le service, la population locale perdra une compétence chirurgicale pour les autres pathologies habituelles. La fermeture n’est donc pas la solution.
Avec cet article, issu d’un amendement parlementaire que j’ai accepté, nous pensons que le fait de ne plus payer ces établissements ou ces professionnels pour ces actes-là était une bonne façon de diminuer une activité qui n’a pas lieu d’être et qui est problématique pour les quelques malades soignés dans ces établissements peu scrupuleux.
Je suis franchement favorable à cet article. Nous n’avons pas d’autres armes. Là aussi, c’est vraiment une question de pertinence.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, sur l’article.
M. Michel Amiel. Je ne cherche pas à me rattraper, mais, cette fois, je vous donne mille fois raison, madame la ministre. Vous dites : là aussi, c’est une question de pertinence. Non, cette fois-ci, c’est de la pertinence, de la vraie pertinence !
Pour avoir longtemps été maire, j’ai pu parler de ces questions avec des collègues. C’est anecdotique, c’est vrai, mais le maire qui, pour des raisons qu’on peut imaginer, défend bec et ongles son hôpital de proximité ira évidemment se faire soigner dans un hôpital disposant du meilleur plateau technique s’il a un cancer un peu compliqué.
Il est évident qu’il ne s’agit pas de fermer de façon sèche, comme vous venez très justement de le dire, madame la ministre, tel ou tel établissement, mais il faut faire en sorte que le plateau technique soit adapté au type de chirurgie pratiqué, le cancer étant l’exemple par excellence. Cette mesure va véritablement dans le bon sens. Sur ce point, cela ne me pose aucun problème.
M. René-Paul Savary. Vous vous rattrapez bien ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Je partage tout à fait cette notion de pertinence.
Lors des auditions, on a parlé des seuils par établissement. Envisagez-vous la possibilité de prévoir des seuils individualisés ? Je prends au hasard le seuil de quarante ou quarante-cinq actes : ce n’est pas bien si quarante actes sont pratiqués, sauf si, sur trois chirurgiens, l’un pratique quarante actes et les deux autres très peu.
Avec un seuil par établissement, on ne tient pas compte du nombre de praticiens : l’un d’entre eux pourra ne pas faire beaucoup d’actes, mais il en fera suffisamment pour être considéré comme compétent. On bute donc un peu sur la notion de seuils globalisés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. C’est toute la complexité du sujet : tout dépend du type de cancer.
Pour le cancer de l’œsophage, ce qui compte, c’est la qualité du plateau technique. Dans ce cas, le seuil au niveau de l’établissement est important. Pour d’autres cancers – je pense au cancer de l’ovaire –, c’est vraiment l’expérience du chirurgien qui compte.
Nous avons saisi la HAS pour définir le type de seuil que nous devons appliquer pour tel type d’intervention. En réalité, il n’y a pas de réponse binaire, d’où la complexité de la mesure. Cependant, nous devons, me semble-t-il, envoyer un signal : n’autorisons pas ce type de pratique.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Aucun problème pour envoyer ce signal !
M. le président. Je mets aux voix l’article 29 sexies.
(L’article 29 sexies est adopté.)
Article additionnel après l’article 29 sexies
M. le président. L’amendement n° 538 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 29 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 6111-3-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6111-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6111-3-… – I. – Aucun service ou établissement public de santé ne peut être fermé ou se voir retirer son autorisation, sans l’avis favorable du conseil de surveillance de l’établissement et de la conférence de santé du territoire, jusqu’à ce qu’une offre de santé au moins équivalente, pratiquant le tiers payant et les tarifs opposables soit garantie à la population concernée. La commission médicale d’établissement et le comité technique d’établissement sont également consultés. Leur avis est joint à ceux prononcés par le conseil de surveillance de l’établissement et la conférence de santé du territoire et adressé au directeur de l’Agence régionale de santé qui en tire toutes conséquences utiles.
« II. – Le I n’est pas applicable aux services et établissements publics de santé qui présentent un risque grave et imminent pour la santé et la sécurité des personnels, de ses usagers ou des personnes présentes à d’autres titres dans l’établissement.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles le directeur de l’Agence régionale de santé fait application du I, ainsi que les voies de recours devant l’autorité administrative. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Mon intervention va à l’encontre des arguments développés à l’article précédent. Avec mon groupe, nous présentons un amendement visant à instaurer un moratoire sur les fermetures d’établissements et de services de santé.
Je vous ai entendue, comme tout un chacun, madame la ministre, dire sur France Info que la réforme du système de santé ne prévoyait aucune fermeture d’un hôpital de proximité, ajoutant même qu’il y avait un mythe autour des fermetures des services d’urgences. Je cite vos propos : « Il y a parfois des services d’urgences qui ferment, mais il faut savoir que, globalement, nous avons 78 services d’urgences qui ont ouvert ces dernières années. »
Or on constate dans des territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, un recul du nombre de médecins, ce qui aboutit à des déserts médicaux. Dans le Lot, par exemple – mais je pourrais citer d’autres départements –, les gens rencontrent de grosses difficultés pour se soigner, y compris pour avoir accès à des établissements de proximité. Il est donc, selon moi, dangereux de parler de mythe.
Pouvez-vous dire aux patients et aux personnels des hôpitaux Bichat-Claude Bernard et Beaujon à Paris que la fermeture des services de l’hôpital et de la maternité est un mythe ? Pouvez-vous dire aux parents d’enfants malades de l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches que les suppressions de lits sont un mythe ? Pouvez-vous dire aux habitantes et aux habitants ainsi qu’aux élus que la fermeture du Blanc est un mythe ? Pouvez-vous dire au personnel et au collectif de défense des hôpitaux de Longjumeau, Juvisy et d’Orsay que la fermeture de ces centres est un mythe ?
Ces fermetures conduisent à des difficultés importantes dans l’accès aux soins pour ces populations. Nous pensons qu’il serait bon, à un moment donné, de mettre les choses à plat avant de fermer un service ou un hôpital, en engageant une concertation avec les personnels, avec les patients, en vue de trouver les solutions qui s’imposent. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Même si l’on entend les difficultés que peut représenter, dans les territoires, la fermeture d’établissements, il faut aussi tenir compte des enjeux sanitaires. C’est toujours, il est vrai, un cruel dilemme entre la proximité et la qualité des soins. Toutefois, nous ne sommes pas favorables à cette demande de moratoire sur les fermetures d’établissements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il s’agit d’un sujet très douloureux pour nos concitoyens.
Madame Cohen, cela m’étonne que j’aie utilisé le mot « mythe », car cela ne me ressemble pas de dire qu’il y a un mythe concernant la fermeture de services des urgences. Il y a des services d’urgences qui ferment, je ne le nie pas. Je disais simplement que, au total, il y a eu plus d’ouvertures de services des urgences que de fermetures. En outre, des adaptations de notre offre de soins peuvent simplement être liées à un flux de population : on le sait, certains territoires sont en « déprivation », tandis que d’autres sont plutôt en augmentation.
Cela étant dit, nous nous heurtons parfois à des difficultés de fonctionnement des hôpitaux, faute de pouvoir recruter des professionnels. J’hérite malheureusement d’une situation – j’aurais été ravie de ne pas avoir à gérer cela – qui découle de décisions qui ont été prises il y a vingt ans.
Vous me parlez de la fermeture de la maternité du Blanc. Je ne souhaite pas fermer cette maternité ; d’ailleurs, je ne souhaite fermer aucune maternité. Mon objectif dans la vie n’est ni de fermer une maternité ni de supprimer l’accès aux soins pour nos concitoyens. Les seuls cas où des fermetures ont été demandées concernent les établissements où la sécurité des patients est en jeu : quand il y a des trous dans le tableau de garde d’un service d’urgence ou d’un service d’obstétrique un jour sur deux, quand on ouvre un service d’obstétrique, mais sans pédiatre… Je me dois d’être garante de la sécurité des gens. Je ne peux pas me satisfaire de telles situations et considérer qu’elles ne présentent pas de risques, sous prétexte que les élus font pression – même si je comprends la douleur que ces fermetures représentent.
Concernant la maternité du Blanc, on m’a expliqué qu’elle fonctionne avec deux obstétriciens de plus de soixante-dix ans à la retraite… Je veux simplement dire aux élus qu’ils n’enverraient peut-être pas leur fille accoucher dans cette maternité.
Le seul engagement que je prends devant les Français, c’est de leur assurer la même qualité de soins que celle que je demande pour ma famille. Je pense que c’est le contrat que j’ai avec eux. Il serait effectivement beaucoup plus facile de dire aux élus : ne vous inquiétez pas, je ne ferme rien. Mais il n’y a pas de professionnels pour accepter les postes, et on met les patients en danger. Nous devons gérer cette situation collectivement.
Je veux bien qu’on m’attaque sur le fait que je veuille fermer des maternités et des services d’urgences, mais je n’ai pas accepté le ministère de la santé pour fermer des services ! Simplement, face à une démographie catastrophique dans certaines disciplines, que je n’ai pas souhaitée et dont je ne suis pas responsable, je prends des décisions plutôt courageuses, malheureusement, parce que je n’ai pas le choix pour la sécurité des patients.
Nous essayons évidemment de prendre ces décisions en concertation avec les conseils de surveillance et les élus, mais, dans certains départements, elles passent mal. Nous essayons de trouver des solutions de repli, d’aménagement, des alternatives de façon à permettre aux citoyens d’être rassurés sur notre capacité à les prendre en charge : ce peut être une offre en matière de transport ou, en obstétrique, des lits en périnatalité, par exemple, un service qui prépare très bien les grossesses et gère très bien l’après-accouchement.
J’entends ce que vous me dites, mais, sincèrement, vous me faites un mauvais procès. La seule politique que je mène aujourd’hui, c’est une politique en faveur de la qualité. Je ne fais rien sans prendre l’attache des conseils de surveillance, et les ARS ont ordre, de ma part, de prendre l’attache des élus, de négocier. J’entends bien que les élus sont face à leurs concitoyens et qu’ils expriment leurs demandes. Mais nous avons la responsabilité collective, me semble-t-il, d’assumer une situation particulièrement compliquée.
Je persiste à le dire, la totalité de mes décisions n’est jamais dictée, je peux vous le promettre, par des raisons financières pour ce qui concerne la fermeture de services de proximité ; elles sont uniquement prises pour des raisons de sécurité. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendlé. Madame la ministre, je vous fais confiance. Je pense que vous êtes sincère. Néanmoins, permettez-moi de prendre la situation particulière du Haut-Rhin.
On a commencé à fermer la maternité du petit hôpital de Saint-Louis. Dont acte ! Cette décision a été prise en concertation, les élus l’ont acceptée. Récemment, on a fermé le service des urgences de l’hôpital de Thann, un hôpital de proximité se trouvant sur un territoire routier accidenté à une heure trente de Mulhouse. Nous avons réussi à faire basculer les urgences vers l’hôpital de Mulhouse, en signant une convention avec le SDIS : ce sont les sapeurs-pompiers qui vont assurer les transferts.
M. René-Paul Savary. À quel prix ?
Mme Catherine Troendlé. Désormais, au nom d’une réorganisation, l’ARS veut fermer la maternité. Il en est de même pour le petit hôpital de proximité d’Altkirch.
Sur notre territoire, il n’y aura plus de maternités de proximité ; tout sera à Mulhouse. Certes, il y a un très grand hôpital, un très grand bâtiment a ouvert pour abriter un pôle mère-enfant, mais j’ai quand même l’impression – pardonnez-moi de le dire – qu’il faut remplir ce nouveau bâtiment !
Derrière tous ces projets, je n’ai pas l’impression, pour connaître des personnels de santé, que les moyens sont là pour assurer la prise en charge ; je pense, notamment, aux médecins, aux infirmières et aux puéricultrices. Vous êtes certainement sincère, madame la ministre, mais les ARS, j’en suis certaine, sont quand même dans une démarche purement financière. Avec l’exemple du Haut-Rhin, prenez le temps de le vérifier, vous verrez que je ne suis pas loin de la réalité : la décision est surtout dictée par le financier.
Madame Cohen, je voterai votre amendement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Ma collègue Catherine Troendlé, qui est sénatrice du même territoire que moi, a très bien expliqué notre problématique. Pour ma part, je tiens à dire que, quand une maternité disparaît, les gynécologues partent aussi. Se pose donc la question de la prévention.
Vous le savez très bien, quand le gynécologue se trouve à trente kilomètres, les femmes qui vivent au fin fond de la vallée ne font plus de prévention. Entre cinquante-cinq et quatre-vingts ans, elles ne vont pas chez le généraliste et elles ne font plus les examens, parce qu’il est compliqué d’aller en ville.
L’ARS nous a dit que la fermeture était décidée et qu’il n’y aura plus de maternité au printemps. Pour nous organiser, ça va être très compliqué ; il faudrait nous laisser du temps. Je sais que le président de la région Grand Est a indiqué qu’il voulait travailler sur ce dossier. Au lieu de fermer en trois mois, on pourrait prendre au moins un an ou deux pour nous permettre de nous organiser dans les territoires.
Cet amendement est un appel. On sait très bien que la prévention est une question importante. Or, on vit cette situation depuis quelques mois dans nos territoires, on ne prête plus d’attention à la prévention. Nous attendons de vous une réponse, madame la ministre. La question se pose surtout pour les ARS, qui prennent des décisions beaucoup trop rapidement.
On nous annonce la fermeture de deux maternités ; à Mulhouse, il y aura 3 500 accouchements pour 7 salles d’accouchement. Pour moi, c’est la chaîne.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je n’avais pas l’intention de parler de mon territoire – je ne confonds pas le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les questions orales sans débat –, mais je veux intervenir, car vous avez dit, madame la ministre, que vous n’étiez pas là pour fermer des maternités. Je vous en fais crédit – ce n’est effectivement pas la conception que vous avez de votre fonction. Pour autant, ces fermetures n’ont pas lieu sans votre accord, en dehors de votre tutelle.
Vous avez affirmé qu’il n’y avait aucune fermeture de maternité, sauf cas particulier de mise en danger des patientes ou de difficultés précises. Je prendrai un exemple, celui du département de l’Oise, proche de l’Île-de-France, mais sans en faire partie.
Deux maternités sont en voie de fermeture. J’insisterai surtout sur celle de Creil, une maternité de niveau 2, ce qui signifie qu’elle n’est pas en difficulté, avec 1 700 accouchements par an. Il s’agit donc d’une maternité dont l’activité est importante et se situe bien au-delà du seuil de rentabilité des maternités. Cette maternité va être déplacée pour fusionner avec une autre, qui compte, elle aussi, 1 700 accouchements par an. À vingt-cinq kilomètres de là, des menaces très lourdes pèsent depuis longtemps sur la maternité de Clermont.
Dans un rayon de vingt-cinq kilomètres, ce sont donc deux maternités qui vont fermer. J’appelle votre attention sur les conséquences de ces fermetures en termes de politique de la ville : imaginez ce que cela signifie dans le bassin du Creillois, qui compte 80 000 habitants, où 40 % de la population est très pauvre et n’a pas de véhicule, en termes de prise en charge, de prévention, d’accompagnement des familles, de demander aux femmes de se rendre dans une maternité qui se trouve à quinze kilomètres de leur ville, sans transports en commun. Cette décision est inutile sur le plan fonctionnel, dramatique sur le plan social et dangereuse sur le plan sanitaire.
Des menaces importantes pèsent donc bien aujourd’hui sur les maternités. C’est pourquoi je voterai l’amendement de Mme Cohen.