M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’apprécie que vous entendiez nos remarques et que vous en releviez la pertinence, madame la ministre. Elles viennent de notre connaissance du terrain et de nos rencontres avec les personnels.
Les personnes que nous avons rencontrées nous ont maintes fois sollicités et nous ont fait part d’une grande souffrance au travail en raison d’une dérive que vous devez sentir, madame la ministre : beaucoup trop d’hôpitaux sont gérés comme des entreprises, avec un « management » qui n’est pas adapté à des établissements de santé.
Il nous semble important de continuer à alerter. Nous n’avons pas envie, encore une fois, d’avoir raison avant tout le monde. Nous avions dénoncé, en son temps, les inconvénients de la T2A : vous êtes en train de réfléchir à un autre système de tarification, preuve que nous étions dans le vrai. De même, cela fait un moment que nous dénonçons le numerus clausus, aujourd’hui remis en cause : encore une fois, nous avons eu raison avant la prise de conscience générale…
On nous taxe souvent de jusqu’au-boutisme, mais nous aimons voir que les petites lampes que nous allumons au fil du temps finissent par convaincre. C’est dans cet esprit-là que nous allons maintenir notre amendement, dans l’espoir d’attirer l’attention et d’inciter tout le monde à la vigilance sur les conditions de travail dans les établissements hospitaliers.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. On m’informe à l’instant que la Haute Autorité de santé a bien écouté les demandes que j’avais formulées avant de la quitter, puisqu’elle a intégré l’indicateur de qualité de vie au travail dans la version actuelle de la certification, sans attendre 2020.
Madame la sénatrice, j’ai passé heureusement – ou malheureusement – vingt-cinq années de ma vie dans les hôpitaux publics : qu’il s’agisse de la qualité de vie au travail ou de la T2A, croyez que j’avais une bonne idée de la façon dont nos établissements étaient gérés avant de proposer une transformation du système de santé.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je partage certains des propos de Mme Cohen, mais je n’irai pas jusqu’à voter son amendement.
Madame la ministre, vous connaissez bien ces questions, mais faites attention à ne pas créer une nouvelle usine à gaz. Les choses sont déjà suffisamment compliquées et les équipes qui se consacrent à toutes ces certifications ne se consacrent pas aux malades. Plus on ajoute de critères de qualité, moins les soins sont de qualité. Soyons très attentifs.
Je suis membre du conseil de surveillance du CHU de Reims et de celui d’un petit groupement hospitalier de la Haute-Marne. Je connais bien les différences qu’il peut y avoir entre un centre hospitalier régional et un hôpital de proximité. Et pourtant, la préoccupation principale est la même dans les deux cas : le temps consacré aux malades n’est pas suffisant.
Je partage bien évidemment votre souci de la qualité des soins et de la performance de nos hôpitaux publics, mais on en arrive à consacrer de moins en moins de temps aux patients. Il faut donc trouver le juste milieu pour faire en sorte que les critères retenus ne soient si compliqués qu’ils en deviennent chronophages pour le personnel médical ou paramédical.
M. le président. L’amendement n° 260 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Micouleau, M. Morisset, Mme Gruny, MM. Vaspart, D. Laurent et Bouchet, Mme Bruguière, MM. Lefèvre, Mouiller et Magras, Mmes Deromedi, M. Mercier, Garriaud-Maylam et Lassarade, MM. Chaize, Sol et Mandelli, Mmes A.M. Bertrand et Deseyne, MM. del Picchia et Laménie, Mmes Lherbier, Delmont-Koropoulis et Berthet, MM. Poniatowski et Dériot et Mme Lamure, est ainsi libellé :
Après l’article 27
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 162-30-4 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Cet amendement vise à supprimer la partie « sanction » du CAQES.
Avec la mise en place d’un système de sanction, introduit dans le dispositif IFAQ par l’article 27 du présent projet de loi, une double sanction pourrait désormais exister avec le CAQES.
J’ai bien entendu vos propos, madame la ministre. Vous nous avez expliqué que les sanctions étaient exceptionnelles et que le risque de double peine était très faible, ce qui ne veut pas dire qu’il soit nul.
J’ai également bien écouté ce que vous avez dit lors de l’examen de l’amendement n° 66 présenté par Mme la rapporteur.
Il me semble nécessaire de clarifier tout cela. Je partage les propos de M. Savary tout comme votre volonté de disposer d’indicateurs relatifs à la qualité. Il faut pouvoir mesurer le risque infectieux, le risque médicamenteux et le risque de rupture de parcours de soins du patient.
J’anticipe un peu en disant que j’accepterai de retirer mon amendement. Je souhaitais simplement souligner que nous avons parfois le don de faire compliqué quand on pourrait faire simple. Cherchons à faciliter le travail des équipes tout en restant intransigeants sur un certain nombre d’indicateurs de qualité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. L’amendement précédent visait à supprimer les sanctions en cas de non-conclusion. Ici, il s’agit de supprimer les sanctions en cas de non-réalisation des objectifs fixés pour éviter le risque de doublon avec l’IFAQ que nous évoquions voilà quelques instants.
Cet amendement illustre bien la complexité des dispositifs de qualité demandés aux hôpitaux soit par le biais des contrats soit par le biais des dotations. Le Gouvernement doit s’efforcer de mettre en place un dispositif suffisamment lisible pour tout le monde.
En ce qui concerne l’IFAQ, madame la ministre, vous dites que les indicateurs seront assez précis et réduits, ce dont nous nous réjouissons. Par contre, en ce qui concerne les CAQES, force est de constater que les ARS ont demandé des indicateurs hyper nombreux et totalement inefficients que les établissements étaient bien incapables de respecter.
La commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. La complexité du système est en partie liée au fait que l’on utilise le terme « qualité » pour désigner des objets très différents : le CAQES concerne la gestion de l’hôpital, l’utilisation de génériques, la rationalisation des achats, la performance de l’établissement et la pertinence de l’organisation ; l’IFAQ vise la qualité des pratiques, la qualité des soins, avec un impact direct sur la sécurité des malades…
Il s’agit d’objectifs très différents et donc d’indicateurs très différents, mais que l’on a regroupés sous le même terme de « qualité », ce qui donne ce sentiment d’amoncellement du même dispositif.
Encore une fois, l’IFAQ concerne les pratiques des professionnels, la façon dont ils travaillent ; le CAQES s’intéresse davantage à la gouvernance de l’hôpital, à la meilleure organisation possible, au sens large. Il ne s’agit pas du tout des mêmes indicateurs. Je pense que l’on aurait dû retenir le terme de « pertinence » ou de « performance » pour le CAQES plutôt que celui de « qualité ».
Monsieur Savary, je suis absolument d’accord avec vous : il faut éviter de créer des usines à gaz. C’est la raison pour laquelle les indicateurs IFAQ – c’est là que réside toute la difficulté – devront être à la fois scientifiquement validés et faciles à récupérer. L’objectif n’est sûrement pas de retourner dans les dossiers des malades et de tout remplir à la main. Je crois que la Haute Autorité de santé est parfaitement consciente de cette nécessaire automaticité.
Enfin, les procédures de certification, qui permettent de mesurer l’engagement d’un hôpital, sont renouvelées tous les six ans pour les établissements certifiés de niveau A et tous les quatre ans pour les autres.
Certes, cette démarche mobilise un hôpital, mais pas tous les ans. Lorsque j’étais à la Haute Autorité de santé, j’ai fait évoluer la certification pour la simplifier et la rapprocher des pratiques médicales.
Comme vous, monsieur Savary, dans tout ce que j’entreprendrai, ma volonté sera de rendre du temps médical, d’arrêter les usines à gaz et les millefeuilles. Je serai extrêmement attentive à tout ce qui peut recentrer le corps médical sur la pratique de soins.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je vous remercie de partager mes préoccupations, madame la ministre, qui relèvent du bon sens. Je ne doutais pas que vous vous inscriviez dans cette philosophie : vous connaissez bien le terrain.
L’accréditation des laboratoires qui s’est greffée à tout cela a également conduit les hôpitaux périphériques à se réorganiser, à changer complètement les pratiques, à organiser des déplacements, ce qui a aussi pris du temps et complexifié les choses.
Je voudrais proposer une mesure simple à inscrire dans l’IFAQ. Mme Imbert a évoqué le risque infectieux : la transmission des maladies nosocomiales se réduit considérablement avec l’utilisation de poignées de porte en alliage de cuivre.
Nous avons mené des expérimentations locales dans un certain nombre de crèches et de maisons pour personnes âgées. Ces poignées permettent de limiter la transmission des virus et des bactéries : l’hiver, on a moins de gastro-entérites et moins de grippes. Voilà une disposition simple qui ne nécessite de recourir à aucun critère. Il y a des choses à faire, mais cela suppose des moyens et du sens pratique.
Je ne peux que vous inviter, madame la ministre, à vous rapprocher de ce que nous avons fait dans la Marne.
M. le président. Madame Imbert, l’amendement n° 260 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Corinne Imbert. Je vais faire confiance à Mme la ministre. Toutefois, une clarification sur ces fameux indicateurs dans le CAQES et dans l’IFAQ serait importante pour les établissements et bénéfique pour les patients.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 260 rectifié bis est retiré.
Article 28
La sous-section 3 de la section 5 du chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 162-22-6-1, il est inséré un article L. 162-22-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-22-6-2. – Afin d’améliorer le parcours de soins des patients atteints de pathologies chroniques dont la liste est précisée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, la prise en charge par l’assurance maladie obligatoire des prestations mentionnées aux articles L. 162-22-6, L. 162-26 et L. 162-26-1 peut donner lieu, par dérogation aux mêmes articles L. 162-22-6, L. 162-26 et L. 162-26-1, à une rémunération forfaitaire. » ;
2° Le I de l’article L. 162-22-10 est ainsi modifié :
a) Le 2° est complété par les mots : « ainsi que du forfait mentionné à l’article L. 162-22-6-2 » ;
b) Le 5° est abrogé ;
c) Au dernier alinéa, les références : « aux 2° et 5° » sont remplacées par la référence : « au 2° » ;
3° À l’article L. 162-22-12, après le mot : « montant», sont insérés les mots : « du forfait mentionné à l’article L. 162-22-6-2, » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 162-22-15 est ainsi modifié :
a) Les mots : « annuels, la dotation complémentaire et les dotations de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation mentionnés, respectivement, » sont remplacés par les mots : « et dotations mentionnés » ;
b) Après la première occurrence du mot : « articles », est insérée la référence : « L. 162-22-6-2, ».
M. le président. L’amendement n° 217 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Capus, Guerriau, Wattebled, A. Marc et Decool, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Bonhomme, Louault, Huré et Magras, Mme Malet, M. Nougein, Mme Lopez, MM. L. Hervé, del Picchia et H. Leroy, Mme Perrot et MM. Gremillet et Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer les trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 162-1-13, il est inséré un article L. 162-1-13-… ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-13-… – Afin d’améliorer le parcours de soins pour des patients atteints de pathologies chroniques, la prise en charge par l’assurance maladie obligatoire des prestations mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-5, L. 162-9, L. 162-12-2, L. 162-12-9, L. 162-14, L. 162-14-1, L. 162-16-1 et L. 162-22-1, peut donner lieu, par dérogation aux mêmes articles, à une rémunération forfaitaire, lorsque les professionnels exercent dans le cadre de structures coordonnées.
« Les modalités en sont définies par l’accord conventionnel interprofessionnel mentionné à l’article L. 162-14-1. » ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. L’article 28 du PLFSS prévoit la mise en place d’une rémunération au forfait pour les pathologies chroniques telles que le diabète et l’insuffisance rénale, dans les hôpitaux.
Cet amendement tend à étendre ce forfait aux professionnels libéraux, qui suivent 90 % du parcours des patients atteints de ces maladies, lesquels ne restent pas exclusivement en milieu hospitalier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Nous savons que la prise en charge des pathologies chroniques repose en grande partie sur les professionnels de ville.
C’est notamment le cas du diabète, par exemple, qui a été choisi pour la forfaitisation dans les établissements. Nous souhaitons que cette forfaitisation soit rapidement étendue à la médecine de ville pour éviter des actes redondants et améliorer la coordination entre tous les acteurs de la prise en charge.
Nous avions évoqué ce sujet en commission, madame la ministre, lorsque nous vous avions reçue pour préparer ce PLFSS. Vous nous aviez fait part de votre souhait d’étendre le dispositif assez rapidement.
Par ailleurs, les auteurs de cet amendement prévoient la forfaitisation entre les seuls acteurs de la prise en charge en ville, parallèlement au dispositif proposé pour l’hôpital, ce qui va cloisonner encore plus les deux secteurs que nous cherchons justement à décloisonner depuis des années.
En outre, il existe des modes de rémunération qui valorisent l’exercice coordonné, notamment dans les maisons de santé pluriprofessionnelles.
Pour ces raisons, monsieur Chasseing, la commission vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous partageons votre constat, monsieur Chasseing : les pathologies chroniques ont un parcours à la fois hospitalier et de ville, notamment le diabète et l’insuffisance rénale chronique.
Nous avons commencé par tarifer au forfait le parcours au sein de l’établissement, parce que nous étions prêts. Nous avions délimité ce que devait être le parcours de soins dans l’établissement.
Pour étendre le dispositif à la ville, il nous fallait un temps de concertation avec les professionnels. Nous avons prévu d’entreprendre les démarches en 2019 pour inscrire cette extension dans le PLFSS pour 2020.
Votre amendement est en quelque sorte satisfait par avance, la démarche étant engagée. Nous n’étions simplement pas prêts à présenter cette extension en 2019. Il s’agit de la poursuite logique de la tarification au parcours.
À mon tour, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 217 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 217 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 351 rectifié bis, présenté par Mmes Boulay-Espéronnier et Dumas, M. Danesi, Mme L. Darcos, MM. Bonhomme, Sido et Cambon, Mme Deromedi, MM. Grand, Mandelli, Bascher et Brisson, Mme Gruny, M. Priou, Mme N. Delattre, M. Gremillet et Mme Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
dont la liste est précisée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale
par les mots :
mentionnées à l’article L. 324-1
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement, déposé par Mme Boulay-Espéronnier, vise à élargir le dispositif de rémunération forfaitaire, défini à l’article 28, à l’ensemble des affections de longue durée.
L’intention développée à l’article 28 de garantir une meilleure prise en charge des pathologies chroniques, par-delà l’épisode aigu, en prévention de son apparition, constitue un progrès significatif.
L’incitation des professionnels et des structures à développer les actions de prévention, d’éducation du patient et à assurer la fonction de coordination des soins est aujourd’hui indispensable pour assurer une prise en charge de qualité et un parcours de soins plus efficient.
Les patients atteints de pathologies chroniques reconnues par la sécurité sociale comme affection de longue durée, ou ALD, et requérant le diagnostic et le suivi de multiples spécialistes pourraient grandement bénéficier de cette initiative. Il convient, par conséquent, de leur ouvrir uniformément les mêmes droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. La mise en place de financements forfaitaires doit reposer notamment sur des référentiels de prise en charge. La HAS a ainsi défini un tel référentiel pour l’insuffisance rénale chronique ; une expérimentation avait été engagée sur le fondement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
La volonté d’étendre le dispositif à l’ensemble des ALD est évidemment louable ; il n’est pas certain, néanmoins, que cette généralisation puisse être effectivement mise en œuvre. L’inscrire dans le présent PLFSS nous semble en tout cas impossible. Il faut avancer avec pragmatisme, pathologie par pathologie. C’est long, certes, mais les premiers référentiels sont toujours les plus difficiles à mettre en place ; après, c’est plus simple.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Mon avis est le même que celui de la commission.
En réalité, nous prévoyons d’élargir progressivement le dispositif à davantage de pathologies. Simplement, ce travail nécessite énormément de concertations avec les professionnels, qui sont en train d’établir les référentiels de parcours pour la plupart des pathologies chroniques.
Monsieur le sénateur, je vous ferai la même réponse qu’à M. Chasseing : aujourd’hui, s’agissant de l’élargissement de cette tarification forfaitaire à l’ensemble des ALD, nous ne sommes pas prêts. Mais l’idée est bien que nous élargissions progressivement le champ des rémunérations forfaitaires, tout en maintenant évidemment une part de rémunération à l’acte ou à l’activité – il ne s’agit pas de supprimer complètement cette dernière, mais simplement de diversifier les modes de financement.
Une telle diversification aura évidemment des effets sur les professionnels et les établissements. Il nous semble donc qu’il faut y aller progressivement, afin d’éviter de déséquilibrer complètement, du jour au lendemain, un mode de tarification sans prendre le temps de modéliser tous les risques financiers qu’une telle évolution ferait courir aux professionnels et aux établissements.
C’est prévu, donc, et les choses se font petit à petit : les conseils nationaux professionnels de chaque discipline travaillent, chacun dans leur champ de compétence – les cardiologues sur l’insuffisance cardiaque, les néphrologues sur l’insuffisance rénale, par exemple –, à définir pour nous le bon parcours, le bon référentiel, pour que, l’année prochaine, nous puissions intégrer de nouvelles pathologies dans le champ de la forfaitisation.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable, parce que nous ne sommes pas prêts.
M. le président. Monsieur Brisson, l’amendement n° 351 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Monsieur le président, au vu des propos de Mme la rapporteur et des engagements de Mme la ministre, et en accord avec Céline Boulay-Espéronnier, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 351 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 403 rectifié, présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, M. Fichet, Mme Guillemot, M. Magner, Mmes S. Robert et Monier, MM. Kerrouche, Tissot, Antiste, J. Bigot, P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dès 2019, cette liste de pathologies chroniques comprend le diabète et l’insuffisance rénale. Dans le cas de cette dernière, trois rémunérations forfaitaires sont créées afin de couvrir les trois parcours de soins des patients, à savoir la prévention, la dialyse et la transplantation. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Je reviens sur un sujet déjà évoqué l’an dernier.
L’insuffisance rénale, selon le rapport sur les charges et produits de l’assurance maladie pour 2019, affectait 79 160 patients en 2016. Elle impacte fortement la vie de ces patients, et représente en outre un coût de 3,4 milliards d’euros pour l’assurance maladie.
Le présent projet de loi comprend un certain nombre de mesures destinées à transformer la prise en charge des patients souffrant de maladies chroniques, et notamment, donc, d’insuffisance rénale chronique.
Jusqu’à présent, dans le traitement des patients ayant besoin d’une dialyse, l’adaptation des modalités thérapeutiques au projet de vie du patient n’a pas été suffisamment prise en compte, avec une sous-représentation des dialyses à domicile : celles-ci concernent 6,3 % des patients seulement, soit la moitié du taux moyen constaté dans les pays de l’OCDE.
Ce point a d’ailleurs été relevé par la Cour des comptes qui, dans un rapport de 2015, recommandait, s’agissant de l’insuffisance rénale chronique terminale, de « favoriser des prises en charge plus efficientes » et notait que « les modalités qui favorisent une meilleure qualité de vie ne sont pas assez développées » et que leur développement pourrait dégager des marges de manœuvre financières importantes pour la sécurité sociale.
Dans ce contexte, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, comme le plan « Ma santé 2022 », ouvre de nouvelles perspectives : il prévoit dès 2019 la création de financements au forfait pour la prise en charge à l’hôpital des pathologies chroniques, dont l’insuffisance rénale.
L’article L. 162-22-6-2 inséré dans le code de la sécurité sociale prévoit une rémunération forfaitaire des prestations, dans le cadre d’un parcours de soins, pour la prise en charge des patients atteints d’une pathologie chronique. Dès 2019, la prise en charge de l’insuffisance rénale sera assurée par ce nouveau mode de financement.
Toutefois, ce nouveau dispositif incitera les établissements de santé à privilégier les prises en charge les plus lourdes, qui sont aussi les plus rémunératrices.
Par conséquent, afin d’éviter une telle situation, à la fois pour le confort des patients et du point de vue économique, il nous semble impératif que les trois parcours de soins des patients, à savoir la prévention, la dialyse et la transplantation, soient forfaitisés simultanément.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Il s’agit en effet d’un sujet important. Lier les trois parcours nous semble essentiel si l’on veut éviter ce que l’on constate, à savoir la prépondérance d’une prise en charge hospitalière de traitements lourds et coûteux.
Nous souhaitons entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur Daudigny, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Nous avons centré la forfaitisation sur la pré-suppléance, c’est-à-dire sur le stade qui précède la dialyse. Nous considérons en effet qu’il n’y a pas lieu, aujourd’hui, de mettre en place une rémunération à l’acte, s’agissant du traitement des patients atteints d’insuffisance rénale terminale, pour le bilan pré-suppléance et l’équipement en cathéters, fistules, etc.
Ceci étant dit, notre volonté est bien d’étendre progressivement la forfaitisation à la suppléance. Mais, là aussi, une telle extension nécessite un travail préalable avec les professionnels pour établir un référentiel de bonnes pratiques. Si nous proposons d’emblée, de façon verticale, un forfait aux professionnels, sans avoir travaillé en amont sur ce qu’ils estiment nécessaire pour prendre en charge correctement un malade, on nous opposera que nous jetons sur le coût de la santé un regard administratif, alors que tel n’est vraiment pas notre choix aujourd’hui – notre regard est au contraire centré sur la qualité des soins.
Il est donc bien prévu d’élargir progressivement la forfaitisation à la suppléance elle-même ; aujourd’hui – je vous fais la même réponse qu’à vos collègues, monsieur le sénateur –, c’est trop tôt.
Par ailleurs, je pense que nous ne pouvons pas faire figurer dans la loi une disposition qui relève clairement du domaine réglementaire.
Le dispositif doit en effet pouvoir évoluer avec le temps. On peut inscrire dans la loi – c’est ce que nous faisons – le principe de la rémunération forfaitaire pour certaines pathologies ; mais ne commençons pas à figer les modalités d’application de ce principe en précisant dans la loi chaque pathologie et chaque stade du parcours de soins. Nous nous compliquerions considérablement la tâche pour les cas où nous devrons faire évoluer les dispositifs.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.