M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission estime que la réduction du délai de clôture de l’instruction est une disposition importante de l’article 36. Le présent amendement tendant à supprimer cet article, elle a émis un avis défavorable.
La CRPC est une procédure à laquelle les magistrats peuvent avoir recours dans un certain nombre de situations, notamment lorsque l’auteur d’une infraction admet sa culpabilité.
On peut comprendre qu’il soit plus compliqué de l’appliquer pour des dossiers soumis à l’instruction, qui sont plus complexes et comportent de plus lourds enjeux. C’est ce qui explique – je l’imagine – le pourcentage plus faible que vous avez évoqué, ma chère collègue. Il convient toutefois de conserver cet outil dans notre arsenal juridique.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame Assassi, le Gouvernement est naturellement opposé à la suppression de cet article, qui, selon nous, améliore les règles applicables au contrôle et à la clôture de l’instruction.
En particulier, l’amélioration du mécanisme du règlement contradictoire, qui s’appliquera si une partie l’a demandé et non de manière systématique, a vocation à être maintenu, afin de raccourcir les délais de l’instruction dans un souci d’efficacité et de bonne administration de la justice – nous évitons d’ailleurs la systématisation du délai de trois mois en prévoyant un délai de quinze jours.
De même, l’uniformisation du délai d’appel du procureur de la République des ordonnances du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention devant la chambre de l’instruction sur ceux du procureur général et des autres parties nous semble pleinement justifiée.
Enfin, nous proposons de mettre en place une passerelle entre l’instruction et la CRPC. Cette solution permettra de revitaliser cette procédure, qui nous semble tout à fait pertinente.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
quinze jours
par les mots :
quarante-cinq jours
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Si de nombreux praticiens se sont plaints de la longueur et de la rigidité des délais prévus lors de la clôture de l’instruction, il n’en demeure pas moins que le respect du contradictoire constitue une pièce maîtresse dans le déroulement du procès pénal, car il est la condition de l’exercice effectif des droits de la défense.
Dans le droit en vigueur, le juge d’instruction doit communiquer le dossier au procureur de la République et en aviser en même temps les parties et leurs avocats aussitôt que l’information lui paraît terminée. Le procureur de la République dispose alors d’un délai d’un mois si une personne mise en examen est détenue, ou de trois mois dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d’instruction.
Copie de ce règlement définitif est adressée dans le même temps aux parties par lettre recommandée. Les parties disposent du même délai pour adresser des observations écrites au juge d’instruction, pour formuler des demandes ou pour présenter des requêtes. À l’expiration de ce délai, les parties ne sont plus recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes.
L’article 36 du texte initial du présent projet de loi donne un délai de dix jours aux parties pour annoncer si elles souhaitent recourir aux mécanismes de règlement contradictoire de l’instruction ou y renoncer.
On escompte que les parties ne recourent à ce mécanisme que si elles estiment qu’il présente un intérêt. Mais, en pratique, le mécanisme du règlement contradictoire ne s’appliquera que si une partie l’a demandé et non de manière systématique.
Outre que le dispositif retenu par l’article 36 complexifie la procédure, ce qui nous semble contraire à l’objectif du projet de loi, le mécanisme envisagé oblige les parties à réagir dans des délais extrêmement contraints, ce qui retire au droit de la défense une réelle effectivité, portant atteinte au caractère du contradictoire, donc à la protection du justiciable.
La commission des lois a porté ce délai de dix à quinze jours. Nous estimons qu’il serait plus raisonnable de laisser aux parties un délai de quarante-cinq jours, afin que celles-ci disposent de plus de temps pour prendre position.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Sans revenir sur le fond, à l’issue de l’instruction, le magistrat instructeur rend une ordonnance de règlement qui clôture son instruction. Il en informe le procureur de la République et chacune des parties, qui, dans le droit positif, dispose d’un délai pour demander des éléments d’information complémentaires.
Le projet de loi réduit ce délai de quarante-cinq jours à dix jours. La commission a jugé que c’était un peu court ; elle a considéré qu’un délai de quinze jours était plus raisonnable pour permettre aux parties de formuler une demande complémentaire ; libre ensuite au magistrat de donner ou non son accord.
De plus, il faut reconnaître que les demandes formulées le quarante-troisième jour à la veille de la remise de l’ordonnance relèvent parfois d’une manœuvre dilatoire visant à faire durer le procès. Dans ces conditions, un délai de quinze jours nous paraît tout à fait raisonnable.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’allongement du délai, qui a été porté de dix à quinze jours sur proposition de la commission, comme vient de le rappeler M. le corapporteur, paraît suffisant pour garantir les droits des parties.
Il me semble que porter ce délai à quarante-cinq jours serait complètement excessif. En effet, il excéderait ainsi le délai d’un mois qui est accordé aux parties pour présenter leurs réquisitions, observations et demandes dans le cadre du dossier qui concerne une personne détenue.
Le Gouvernement souhaite réellement accélérer les délais de règlement, car, dans la plupart des dossiers, il n’y a pas de demande d’actes. Le délai de trois mois allongeant inutilement la procédure, nous souhaitons vraiment en rester au délai de quinze jours qui est proposé.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 347, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
… – À la première phrase du dernier alinéa de l’article 173 du code de procédure pénale, les mots : « 175, quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « 175, quatrième à septième alinéas ».
… – Au huitième alinéa de l’article 116 du code de procédure pénale, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
… – À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 186-3 du code de procédure pénale, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ».
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rétablir les V à VII dans la rédaction suivante :
V. – Au deuxième alinéa des articles 41-4 et 778 du code de procédure pénale, les mots : « à la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « au président de la chambre de l’instruction ou à la chambre de l’instruction».
VI. – À l’article 41-6 et à la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 706-153 du même code, les mots : « la chambre de l’instruction » sont remplacés par les mots : « le président de la chambre de l’instruction ou la chambre de l’instruction».
VII. - Après l’article 170 du même code, il est inséré un article 170-1 ainsi rédigé :
« Art. 170-1. - Lorsque la solution d’une requête en annulation paraît s’imposer de façon manifeste, le président de la chambre de l’instruction statue sur cette demande, conformément aux dispositions de l’article 199, sans la présence des deux conseillers de la chambre.
« Si la décision qui s’impose consiste dans l’annulation des actes ou pièces de la procédure, elle peut, en cas d’accord du ministère public, être prise par ordonnance sans qu’il soit procédé à l’audience prévue par l’article 199.
« L’auteur de la requête en annulation peut cependant demander que celle-ci soit examinée par la chambre de l’instruction. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le présent amendement tend à rétablir les dispositions supprimées par la commission des lois, afin d’étendre la compétence du président de la chambre de l’instruction statuant à juge unique pour les contentieux en matière de saisie, de restitution et de rectification d’identité, tout en lui permettant de statuer à juge unique, le cas échéant sans audience, pour les requêtes en annulation dont la solution paraît s’imposer.
Ces dispositions constituent selon nous des simplifications cohérentes. En effet, la rigidité des règles d’examen en formation collégiale des requêtes en annulation ne se justifie pas lorsque la nullité est évidente. Ces simplifications sont d’ailleurs très attendues par les acteurs du droit, compte tenu de la longueur des délais de traitement par la chambre d’instruction, du fait de son encombrement.
Cependant, pour tenir compte des inquiétudes de la commission des lois, il est proposé que, si l’auteur de la requête le demande, celle-ci soit examinée par la chambre de l’instruction dans sa formation collégiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission ayant adopté un amendement de nos collègues du groupe socialiste et républicain qui visait à maintenir le principe de la collégialité, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Permettez-moi d’exprimer nos préventions quant à l’évolution du texte.
Concernant tout d’abord la procédure dite « du plaider-coupable », le projet de loi prévoyait que, lorsque la proposition émanait du procureur de la République, les parties disposaient d’un délai de dix jours pour se prononcer. En cas d’accord, les dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale n’étaient pas applicables.
Cette solution permet au parquet de se dispenser du travail de règlement de la procédure et au juge d’instruction d’éviter la rédaction d’une ordonnance de renvoi motivé. Or le règlement nous semble constituer un indispensable travail de synthèse et d’analyse de la procédure. Nous avions déposé en commission un amendement de suppression de cette mesure, qui a été adopté par la commission des lois.
Concernant ensuite la collégialité, qu’il vient d’être question de réduire, de la chambre d’instruction, il nous semble que cette collégialité constitue un gage de qualité de la délibération et une protection du justiciable contre les aléas liés à des décisions individuelles.
L’article 36 du projet de loi allège la charge de la chambre de l’instruction dans sa formation collégiale. Il étend dans trois matières la compétence du président de la chambre de l’instruction statuant à juge unique, lui permettant éventuellement de statuer sur cette demande à juge unique – le cas échéant sans audience lorsque le parquet admet lui aussi la nécessité d’annuler les pièces.
Nous avions présenté en commission un amendement de suppression de ces mesures, et celui-ci a été adopté par la commission des lois, les corapporteurs ayant exprimé un avis de sagesse. Nous constatons avec regret que le Gouvernement souhaite rétablir une partie de ces mesures au travers de l’amendement n° 240. Vous ne serez donc pas surpris par notre intention de voter contre celui-ci.
M. le président. Je mets aux voix l’article 36, modifié.
(L’article 36 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives à l’action publique et au jugement
Section I
Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et aux poursuites
Sous-section 1
Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire
Article 37
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3353-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. » ;
2° L’article L. 3421-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. »
II. – L’article L. 3315-5 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le délit prévu au premier alinéa du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 800 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 640 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 1 600 €. »
III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article 495-17 est ainsi rédigé :
« Lorsque la loi le prévoit, le procureur de la République peut recourir à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle. Le paiement de l’amende forfaitaire délictuelle fixée par la loi, qui ne peut excéder le montant prévu au premier alinéa de l’article 131-13 du code pénal, éteint l’action publique dans les conditions prévues à la présente section. » ;
1° bis (nouveau) Après l’article 495-17, il est inséré un article 495-17-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-17-1. – Pour les délits, prévus par le code pénal, punis d’une peine d’amende, le procureur de la République peut recourir à la procédure de l’amende forfaitaire, conformément à la présente section, lorsque la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés et que les victimes éventuelles ont été intégralement désintéressées.
« Sauf disposition contraire, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 600 €. » ;
2° L’article 495-23 est abrogé ;
3° L’article 768 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les informations relatives au paiement des amendes forfaitaires ou à l’émission du titre exécutoire des amendes forfaitaires majorées non susceptibles de réclamation pour les délits et pour les contraventions de la cinquième classe. » ;
4° Après le 4° de l’article 768-1, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Les informations relatives au paiement des amendes forfaitaires ou à l’émission du titre exécutoire des amendes forfaitaires majorées non susceptibles de réclamation pour les délits et pour les contraventions de la cinquième classe. » ;
5° L’article 769 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « expiration de la peine », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « , la date du paiement de l’amende et la date d’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée non susceptible de réclamation. » ;
b) Le 6° est complété par les mots : « , soit fait l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle mentionnée au 11° de l’article 768 du présent code » ;
c) Il est ajouté un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les fiches relatives aux amendes forfaitaires mentionnées au 11° de l’article 768, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de leur paiement, si la personne n’a pas, pendant ce délai, soit subi de condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle, soit exécuté une composition pénale, soit fait de nouveau l’objet d’une amende forfaitaire délictuelle. » ;
6° Après le 15° de l’article 775, il est inséré un 16° ainsi rédigé :
« 16° Les amendes forfaitaires mentionnées au 11° de l’article 768 du présent code. »
IV. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° L’article L. 121-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 121-5. – Les règles relatives à la procédure de l’amende forfaitaire applicable à certaines infractions au présent code sont fixées aux articles 495-17 à 495-25 et 529-7 à 530-4 du code de procédure pénale.
« Le recours à cette procédure, y compris en cas d’extinction de l’action publique résultant du paiement de l’amende forfaitaire, ne fait pas obstacle à la mise en œuvre et l’exécution des mesures administratives de rétention et de suspension du permis de conduire, ou d’immobilisation et de mise en fourrière du véhicule, prévues aux articles L. 224-1 à L. 224-7 et L. 325-1 et L. 325-1-2 du présent code. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 325-1-2 est complétée par les mots : « , sauf s’il a été recouru à la procédure de l’amende forfaitaire ».
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 37 du présent projet de loi prévoit notamment une amende forfaitaire pour usage de stupéfiants.
Présenté il y a quelques mois par le Gouvernement comme un premier pas vers la décriminalisation de l’usage des stupéfiants, qui viendrait remplacer les peines de prison auxquelles sont parfois condamnés certains consommateurs, l’alinéa 2 de l’article 37 renforce simplement l’arsenal pénal prévu pour sanctionner la prise de drogue.
Sur un tel sujet, le bon sens devrait primer. Plutôt que la répression, une véritable politique de santé publique et de prévention devrait être mise en place. Plutôt que d’enfermer les consommateurs victimes d’addiction, accompagnons-les !
Depuis plusieurs années maintenant, je milite pour la légalisation contrôlée du cannabis – j’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens –, ainsi que la décriminalisation des autres drogues comme l’héroïne, la cocaïne ou le crack.
Nous ne saurions mettre tous les stupéfiants sur le même plan, comme le fait notre droit. Le cannabis a déjà fait l’objet d’une légalisation contrôlée dans certains pays européens et États fédérés américains, ainsi qu’au Canada, pour la consommation récréative aussi bien que médicale.
Malgré la répression accrue de la consommation du cannabis dans notre pays, le nombre d’utilisateurs augmente vertigineusement d’année en année. On aurait pu au moins espérer la dépénalisation du cannabis, qui est déjà effective dans la grande majorité des pays européens. Or l’amende délictuelle ne constitue nullement une dépénalisation, bien au contraire.
Quant aux autres stupéfiants, ils créent dans tous les cas une dépendance et nuisent fortement à la santé de leurs consommateurs. Il est urgent d’accompagner ceux-ci, et de la meilleure manière.
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait donné quelques gages en faveur de la légalisation du cannabis. Aujourd’hui, il rétropédale et traite la question aux antipodes de ses promesses antérieures. Pourtant, on ne peut envisager de meilleur moyen de contrôler une consommation que de la rendre légale afin de la réguler et d’en prévenir les risques tout en s’adonnant à la prévention en général et à l’accompagnement des addicts.
C’est pourquoi nous enjoignons l’exécutif à mener une réflexion en la matière. Il est temps de poser avec courage et pragmatisme la question de la légalisation contrôlée du cannabis.
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, sous le titre « Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire », l’article 37 crée trois groupes d’amendes forfaitaires délictuelles, qui s’ajouteraient aux deux cas déjà prévus par la loi de 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
L’amende forfaitaire délictuelle constitue à mon sens une négation absolue du principe d’individualisation de la peine, en ce qu’elle réduit l’acte de juger à l’application de tarifs à la seule appréciation des forces de l’ordre, sans intervention préalable de magistrats.
Selon le Syndicat de la magistrature, c’est d’autant plus grave que l’on nous propose ni plus ni moins d’étendre ce dispositif d’amende forfaitaire à trois nouvelles infractions, dont la principale est l’usage de stupéfiants, alors même qu’il reste purement et simplement inapplicable en pratique, faute de mesures réglementaires d’application, en raison d’obstacles juridiques et techniques non résolus.
De plus, loin de l’ambition de clarification affichée, ce projet de loi sème la confusion sur un certain nombre de points.
Ainsi, il y a une réelle incohérence entre le montant des amendes forfaitaires prévu par le projet de loi et les peines délictuelles encourues. Par exemple, l’amende forfaitaire pour la conduite sans assurance – 500 euros – est plus lourde que celle qui est prévue pour la vente d’alcool à un mineur – 300 euros –, alors que c’est l’inverse concernant leurs peines délictuelles, respectivement 3 750 euros et 7 500 euros.
De la même façon, l’article L. 3353-5 du code de la santé publique prévoit qu’aucune peine ne sera appliquée au prévenu qui peut prouver « qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur, sur la qualité ou l’âge de la personne l’accompagnant ou encore sur l’état du malade ». Quid de l’application de cette disposition en cas de procédure de forfaitisation ?
En outre, je tiens à le souligner, la mise en place d’une amende forfaitaire pour usage de stupéfiants n’empêcherait aucunement les poursuites directes devant le tribunal correctionnel et ne constituerait donc pas un allégement de la répression ni une simplification : elle serait plus vraisemblablement de nature à « élever significativement le niveau de répression de l’usage de stupéfiants ». Cela va clairement à l’encontre du rapport de la mission d’information parlementaire du mois de janvier 2018, qui recommande la contraventionnalisation de l’usage de stupéfiants au regard des moyens insuffisants accordés à la justice pour traiter ce délit.
C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant au maintien de la possibilité de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants en lieu et place du paiement de l’amende forfaitaire. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Plusieurs associations – Fédération Addiction, Syndicat de la magistrature, Autosupport des usagers de drogues ou ASUD, la Ligue des droits de l’homme, Médecins du Monde, AIDES – considèrent que cet article marquerait un net recul quant à la santé, aux avancées des politiques de réduction des risques et aux droits des usagers et usagères de drogues, qui demeurent les oubliés des politiques publiques qui les concernent.
En réalité, cette mesure d’extension de l’amende forfaitaire délictuelle au délit d’usage de stupéfiants n’a d’autre finalité que de poursuivre et d’affirmer la politique du chiffre et de faciliter la répression, en rendant la procédure plus expéditive, en faisant fi des pratiques diverses – pour la plupart non problématiques –, de la consommation de stupéfiants, et cela bien évidemment en passant sous silence les enjeux sanitaires.
Pourtant, un consensus se dégage, y compris en France, pour réduire la pression pénale. L’avis sur les addictions du Conseil économique, social et environnemental, publié au mois de juin 2015 pointe les limites de la politique répressive, souligne la nécessité de lever les stigmatisations qui pèsent sur les usagers et usagères de drogues et plaide en faveur de l’ouverture d’un débat public sur les sanctions. Dans son avis « Usages de drogues et droits de l’homme » du mois de novembre 2016, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, préconise notamment de renforcer et de sécuriser les politiques de réduction des risques et de leur donner des moyens.
Or ce projet de loi place policiers et gendarmes dans la position d’évaluer la situation sociale et sanitaire d’une personne, dans un contexte qui ne permet pas de prendre en compte la complexité des parcours, des trajectoires et des risques associés à la consommation.
Cette confusion des genres est dangereuse, dans la mesure où il existe une pluralité de consommations, comme le rappelle l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l’OFDT : les usages problématiques de produit sont liés à l’environnement social, au contexte de la pratique, aux facteurs de vulnérabilité de la personne, à la fréquence et à la quantité, bien plus qu’au caractère licite ou illicite des substances.
Mes chers collègues, sachez que, avec ce choix, la France ferait toujours partie des six pays européens continuant de sanctionner l’usage de cannabis par une peine de prison ferme,…