Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je viens de demander exceptionnellement l’autorisation à Mme le rapporteur de m’exprimer à sa place. Pour nous, cet article est très important.
Madame la secrétaire d’État, heureusement que vous avez procédé à une concertation, c’est le contraire qui aurait été surprenant ! Toutefois, dans notre démocratie, il me semble essentiel, au sujet d’une politique aussi importante pour la prévention des souffrances endurées par des personnes vulnérables, que vous puissiez vous adosser à un débat ayant lieu au sein de la représentation nationale. Pour cela, l’instrument adéquat, c’est la loi d’orientation et de programmation. Il ne suffit pas en effet que les associations, les syndicats et toutes les forces vives du pays aient participé à une concertation pour que la représentation nationale apporte son soutien à une politique.
Nous voulons que la politique se discute au sein du Sénat et de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup à maintenir le caractère de loi d’orientation et de programmation que nous avions déjà donné à notre proposition de loi au mois de mars dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous soutenons évidemment l’amendement de Mme de la Gontrie et ne sommes pas favorables à la proposition du Gouvernement. Les aspects que vous avez développés sont importants, madame la secrétaire d’État. Sur toutes les travées de cette assemblée, quelles que soient nos sensibilités politiques, nous sommes tous très engagés en faveur de la prévention de ces violences sexistes et sexuelles. Vous parlez d’ambitions, madame la secrétaire d’État. Mais les ambitions nécessitent que des moyens soient débloqués. Vous me permettrez d’être extrêmement dubitative à ce sujet. Vous affirmez qu’il n’y a pas eu de baisse des subventions aux associations féministes. Ce n’est pas le retour que nous avons sur les territoires.
Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, les associations féministes mènent des actions de service public, auxquelles je sais que vous êtes sensible. Avec la libération de la parole, ces associations voient un nombre croissant de femmes victimes les interpeller et solliciter leur intervention. Elles ont donc besoin, au minimum, de moyens constants, et idéalement de moyens supplémentaires.
Ces associations souffrent de la suppression des emplois aidés, d’un manque de reconnaissance et d’une insuffisance de moyens.
Faut-il rappeler ici que l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, l’AVFT, a dû suspendre sa permanence téléphonique en raison d’un accroissement des plaintes ? On parle de mieux former les policiers et les magistrats, mais, quand on les écoute, on voit aussi qu’il est nécessaire de débloquer des moyens. Les engagements sont importants, mais s’ils ne s’accompagnent pas des moyens humains et financiers, ils restent de simples paroles sans conséquence concrètes.
Pour cette raison, nous ne suivrons pas le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, l’exposé des motifs de votre amendement est pour le moins sobre. Le présent projet de loi n’a pas pour objectif d’être une loi d’orientation et de programmation, et c’est précisément son défaut ! Il manque en effet une telle loi pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, car nous savons tous ici qu’il ne suffit pas de réformer le code pénal, d’aggraver les peines ou de faciliter les incriminations pour que les violences sexuelles à l’encontre des femmes et des enfants diminuent mécaniquement.
En amont, tout le travail de prévention, d’accompagnement des victimes, de mobilisation des services de police, de formation de la justice exige d’autres ambitions. Pour l’instant, il ne s’agit pas de la grande loi servant la grande cause du quinquennat, mais d’une petite loi contenant quelques mesures importantes comme l’allongement des délais de prescription, l’aggravation des peines et des dispositions interprétatives.
Pour qu’elle devienne une grande loi, il faudrait l’adosser – je reprends les mots du président Philippe Bas – à un programme ambitieux, à une mobilisation de la société et du Parlement pour garantir, dans les années à venir, l’indispensable mobilisation interministérielle.
Car, voyez-vous, le Parlement n’est pas simplement une encombrante institution par laquelle il faut passer régulièrement, c’est aussi une force et un point d’appui pour les ministres quand ils réalisent des grandes choses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. On peut certes comprendre l’objet de cet amendement présenté par Mme la secrétaire d’État, en dépit de sa brièveté.
Je rejoins le président et la rapporteur de la commission des lois sur la question des moyens. Nous avons beaucoup parlé de prévention. L’État, les collectivités territoriales, les établissements publics peuvent intervenir, mais nous sommes malheureusement confrontés à de nombreux drames humains sur nos territoires.
Je partage l’avis des deux oratrices qui m’ont précédé sur le manque de moyens humains et financiers. Les associations et les bénévoles, auxquels on peut rendre hommage, font ce qu’ils peuvent, à tous les niveaux, mais les actions de prévention restent malheureusement très limitées, comme différentes personnes auditionnées par la délégation aux droits des femmes nous l’ont confirmé.
Sur ces problèmes très importants, il faut se donner les moyens. En termes de prévention, les personnels des forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, font tout ce qu’ils peuvent dans les brigades de proximité de nos départements respectifs, mais ils ne sont pas toujours formés, malheureusement.
Je me rallie donc à l’avis du président de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Avec votre bienveillance, madame la présidente, je voudrais signaler ce qui pourrait s’apparenter à un problème technique. Je me permets d’interroger le président de la commission des lois à ce sujet, car, si j’ai bien compris, il serait peut-être préférable que d’autres amendements soient également intégrés dans l’annexe.
Or, si nous votons maintenant sur ces amendements, le débat sur l’annexe sera derrière nous. Dès lors, ne devrions-nous pas, comme l’a suggéré tout à l’heure le président de la commission des lois, réserver le vote sur l’annexe ? Les amendements pourraient ainsi être examinés, et peut-être approuvés, et nous pourrions ensuite nous prononcer sur l’intégralité de l’annexe.
Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, réservons-nous le vote sur l’ensemble des amendements en lien avec l’annexe ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je pourrais demander de réserver le vote sur l’annexe, mais je le ferais vraiment par courtoisie à l’égard des auteurs de ces amendements, qui auraient pu prendre les devants en rédigeant leurs amendements de telle manière qu’ils s’intègrent d’emblée au rapport. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie le conteste.)
Si nos collègues acceptaient de rectifier leurs amendements pour qu’ils viennent modifier le contenu du rapport faisant l’objet de l’annexe, je pourrais alors demander cette réserve.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cher président de la commission des lois, n’inversons pas les rôles, nous avons déposé des amendements, et nous souhaitons qu’ils soient approuvés. J’ai cru comprendre que la commission préférerait qu’ils soient intégrés dans l’annexe. Ce n’est pas notre demande.
Laissons donc les choses en l’état. Nous nous prononcerons, les amendements seront probablement rejetés et ce sera triste, car ils sont très intéressants.
Je regrette toutefois que vous n’ayez pas utilisé la porte que j’avais ouverte, monsieur le président.
Mme la présidente. Nous poursuivons donc l’examen des amendements selon l’ordre prévu initialement.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 124.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je plaide fortement pour l’idée d’une loi de programmation et d’orientation. J’espère que tous les sénateurs partageront cette thèse et que le Gouvernement nous entendra.
Depuis des années, certains d’entre nous militent sur ces sujets de violences faites aux femmes, dans le domaine du logement, de la prévention, de l’avertissement, du soutien aux associations, de la culture et de l’éducation. Le travail à accomplir est immense.
En dépit des législations successives, le nombre de cas ne cesse de s’accroître. On apprend dans la presse qu’une dame s’est rendue plusieurs fois au commissariat et qu’elle a fini par mourir faute de réactions, parce que les personnes qui accueillent les plaignants dans les commissariats et les gendarmeries n’ont manifestement pas la formation suffisante.
Pour avoir suivi l’aide aux victimes dans les années 2000, je me souviens que l’on annonçait déjà à l’époque une formation systématique de ces « accueillants ». Elle n’a toujours pas lieu. Si la loi n’en fait pas une obligation pour les services publics, si l’on ne lance pas un appel à la mobilisation collective, comment les départements vont-ils réagir avec des ressources de plus en plus comptées ? Comment répondre aux attentes si l’on fait la politique de l’autruche sur les moyens nécessaires ?
Après avoir amélioré le projet de loi, le Sénat a raison d’exiger que l’on passe maintenant rapidement à cette nouvelle étape. Sinon, ce seront encore des morts, des souffrances et des années perdues ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 1er A et du rapport annexé, modifié.
(L’article 1er A et le rapport annexé sont adoptés.)
Article additionnel après l’article 1er A
Mme la présidente. L’amendement n° 55 rectifié bis, présenté par Mmes Conway-Mouret, de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État se fixe pour objectif d’augmenter, sur tout le territoire et dans les territoires régis par l’article 73 de la Constitution, l’offre d’hébergement dans les centres d’hébergement et de réadaptation sociale et dans les établissements d’accueil mères-enfants pour favoriser la prise en charge des femmes victimes de violences ainsi que celle de leurs enfants mineurs, quel que soit leur âge.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. La France a ratifié le 4 juillet 2014 la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et les violences domestiques. L’obligation de créer un nombre suffisant de centres d’hébergement fait partie des engagements de la convention.
En France, 400 000 femmes ont été victimes de violences conjugales, physiques et/ou sexuelles, au cours des deux dernières années, selon une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales parue en 2016. La faiblesse des ressources de certaines femmes, l’absence de réseau de solidarité familiale ou amicale et la difficulté à trouver rapidement des logements adaptés constituent souvent des obstacles majeurs à la volonté des femmes d’échapper aux violences dont elles sont victimes, au sein du couple, marié ou non, mais également en risque de mariage forcé ou bien encore victimes d’autres violences telles que l’esclavage domestique ou la traite des êtres humains. La stratégie de l’agresseur est souvent d’isoler ces femmes victimes de leurs familles et de leurs amis.
L’offre d’hébergement dédiée aux femmes victimes de violences et les possibilités de relogement qui leur sont offertes sont des clés indispensables dans le parcours de sortie des violences conjugales selon le site du secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pourtant, ces places restent insuffisantes. Afin d’aider toutes les femmes victimes, l’augmentation des places d’hébergement devra se poursuivre et se renforcer pour répondre aux besoins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission avait émis un avis favorable sur cet amendement, mais sous réserve d’une rectification consistant à l’intégrer dans l’annexe à l’article 1er A. Comme nous venons de voter l’annexe, nous ne pouvons pas réintégrer cet amendement et je suis donc malheureusement tenue de donner un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, votre engagement est connu de longue date sur cette question de la défense des femmes victimes de violences. Je partage bien évidemment l’intégralité du constat que vous avez formulé, à la fois sur la pénurie des hébergements, mais également sur la difficulté d’extraire les femmes des domiciles conjugaux, toute la stratégie de l’agresseur consistant, comme vous l’avez très bien démontré, à les isoler et à les maintenir sous emprise. Néanmoins, l’objet de l’article que vous proposez d’insérer, aussi louable soit-il, ne crée pas d’obligation précise à la charge de l’État et des collectivités et ne revêt donc pas de caractère normatif.
Je tiens toutefois à préciser que l’ensemble du Gouvernement est mobilisé pour l’hébergement des femmes victimes de violences et pour les mettre à l’abri. C’est l’un des axes prioritaires de la lutte contre les violences et pour la protection des femmes et des enfants. Ce sera l’un des objectifs majeurs des contrats locaux contre les violences conjugales que j’évoquais tout à l’heure, qui seront conclus auprès de chaque préfet, dans chaque département, au plus près de la réalité de chaque territoire.
J’ajoute que nous avons annoncé en comité interministériel, le 8 mars dernier, la garantie de 5 000 nouvelles places d’hébergement pour les femmes victimes de violences et que le Gouvernement travaille au développement d’une plateforme de géolocalisation de ces lieux d’hébergement pour les femmes victimes de violences. Trop souvent, quand on travaille sur cette question, on méconnaît la réalité, en temps réel, des places qui sont disponibles.
Nous sommes donc en train de travailler à cette plateforme de géolocalisation, qui sera accessible aux travailleurs sociaux, à la police, à la justice, aux élus locaux et qui permettra de savoir en temps réel le nombre de places disponibles dans tel centre d’hébergement. L’objectif est de pouvoir mettre au plus tôt à l’abri des femmes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales et, in fine, de sauver des vies.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout d’abord, monsieur Bas, je ne comprends pas très bien pourquoi vous n’avez pas été en situation de nous fédérer en proposant une modification de notre façon de délibérer, alors que la commission partageait, me semble-t-il, les objectifs des auteurs de cet amendement. Le Sénat, c’est aussi un état d’esprit qui consiste à essayer de converger et de s’accorder quand on le peut.
Nous vous soutenions dans l’idée d’une forme de programmation et d’orientation et nous regrettons de ne pas avoir pu y introduire cette question majeure de l’hébergement, première marche vers l’autonomisation et la protection.
C’est aussi pour cela que je plaidais tout à l’heure pour une loi d’orientation. L’hébergement a besoin d’un financement pérenne, pas seulement de places. Si l’on ne prévoit pas la suite de l’hébergement immédiat, on est bloqué.
Je prends un exemple concret. Depuis maintenant quatre années, le programme « HLM accompagnés » permet de financer, grâce à la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, et à une partie des crédits du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement, le FNAVDL, cet accompagnement pour les femmes, en particulier les femmes victimes de violences.
Or, tous les ans, ce programme reste expérimental, les organismes étant obligés de déposer de nouveau les projets, avec des critères et des paperasses à n’en plus finir. Globalement, on ne parvient pas à atteindre la masse critique de logements sur l’ensemble du territoire – il en faut partout, pas seulement là où les gens sont très mobilisés.
Tous les ans, lors du budget, je dépose des amendements visant à ce que le programme HLM accompagnés soit pérennisé par un mécanisme financier, au moins pour les femmes victimes de violence. On peut discuter du mécanisme, j’en ai proposé un, les organismes d’HLM en ont proposé d’autres, mais il en faut un.
Ces lois d’orientation et de programmation ne répondent pas au plaisir de planifier, mais nous sommes en permanence confrontés à de fausses annonces. Pour moi, c’est la méthode de l’action publique qui est en cause, car d’autres gouvernements ont également procédé de la sorte.
Pour l’instant, le Gouvernement n’a pris aucun engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour explication de vote.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, refuser cet amendement, c’est se satisfaire d’une situation d’iniquité patente dans notre pays. Parfois, des volontés locales, émanant principalement des départements, ont permis de mettre en place des solutions palliatives, comme la réservation de places en hôtel social. Outre que ces financements reposent exclusivement sur l’impôt local, via les départements, ils créent une situation très inique, car ils dépendent de la volonté politique de tel ou tel pouvoir local. Je ne comprends donc pas que vous ne puissiez pas suivre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. La question de l’hébergement des femmes victimes de violences, et surtout des enfants, qui sont également victimes de ces violences lorsque la famille doit quitter le domicile, peut venir en complément de la mise en œuvre de la loi sur l’éviction du conjoint violent.
Souvent, il est encore difficile aujourd’hui d’imposer au conjoint violent de quitter le domicile conjugal. En cohérence avec la mise à l’abri des personnes victimes grâce au téléphone grand danger, on pourrait imaginer des politiques ciblées à mettre en œuvre au niveau des territoires. Les départements en prennent souvent l’initiative, mais un dispositif devrait être prévu dans la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je soutiens les interventions précédentes. Les départements investissent, certes, mais, nous le savons, nous manquons cruellement de logements et la solution de l’hôtel coûte très cher aux collectivités.
Malheureusement, nous assistons aujourd’hui à une mise en cause très grave des sociétés d’HLM, ce qui ne va pas arranger la situation.
Ma collègue a raison de souligner que les violences faites aux femmes touchent l’ensemble de la famille, y compris les enfants.
Le Gouvernement devrait approuver un tel amendement, gage de politiques pérennes et de soutien réel.
Je regrette que le président de la commission et la rapporteur n’aient pas trouvé de solution et qu’ils émettent finalement un avis défavorable sur un amendement dont ils semblaient approuver les objectifs. Je regrette aussi la timidité du Gouvernement, qui dit en substance : « Circulez, il n’y a rien à voir », les dispositifs sont déjà en place, alors que ce n’est pas la réalité.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je reconnais que les débats de procédure ont un intérêt limité, mais, à plusieurs reprises, il a été reproché à la commission des lois de ne pas avoir trouvé de solution pour rendre possible le vote de cet amendement. Or c’est exactement le contraire : la commission des lois a proposé une solution que les auteurs de l’amendement ont refusée. Vous avez été témoins, tout à l’heure, mes chers collègues, de l’expression de ma disponibilité pour donner une dernière chance à cet amendement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Vous avez refusé la réserve !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je dois rappeler des règles simples, qui sont celles du débat parlementaire. Cet amendement n’a pas de valeur normative, c’est ce qu’on appelle un « neutron législatif », une pure déclaration d’intention. Or nous ne pouvons pas introduire dans la loi des dispositions n’ayant pas valeur de règles de droit, sauf à contrevenir à l’article 41 de la Constitution.
Nous avons tellement voulu laisser sa chance à cet amendement qu’au lieu de lui opposer l’irrecevabilité de l’article 41, nous avons dit à ses auteurs qu’ils avaient peut-être une chance de le sauver s’ils acceptaient de l’intégrer au rapport fixant les orientations de la politique de lutte contre les violences sexuelles, le texte du Gouvernement étant transformé en loi d’orientation et de programmation. La disposition contenue dans l’amendement pourrait alors être approuvée au même titre que le rapport d’une loi de programme.
Je suis vraiment désespéré de ne pas avoir pu vous convaincre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Esther Benbassa. Nous allons vous consoler ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous avons fait tous les gestes nécessaires, et même au-delà, alors que la solution la plus simple aurait été de vous dire de cesser d’inscrire dans nos débats des amendements irrecevables, car n’ayant aucune consistance législative. Je rappelle que le Conseil constitutionnel invoque d’office cette irrecevabilité, même quand elle n’est pas mentionnée dans les motifs de la saisine.
Nous avons tellement souhaité vous aider que nous vous avons même indiqué la marche à suivre. J’ai encore réitéré notre offre tout à l’heure, mais vous l’avez rejetée.
De grâce, ne venez pas dire que la commission des lois n’a pas tout fait pour vous permettre d’avancer sur la voie de l’adoption de cet amendement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai bien entendu les arguments du président de la commission des lois, mais le plus important, dans ce débat, me semble d’alerter sur les moyens aujourd’hui mis à disposition de la lutte contre les violences faites aux femmes, et aux hommes aussi parfois.
Comme nos collègues l’ont souligné, il n’y a pas suffisamment de moyens, et il y en a même de moins en moins.
Je vous conseille de vous déplacer dans des centres d’hébergement pour femmes et enfants, mes chers collègues. Les conditions dans lesquelles on les reçoit sont effrayantes.
Nous débattons d’un texte sur les violences sexuelles et sexistes, donnons-nous aussi les moyens de répondre à ces violences ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 188 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 101 |
Contre | 221 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la prescription
Article 1er
I. – L’article 7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’action publique des crimes mentionnés à l’article 706-47 du présent code, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « dudit code » sont remplacés par les mots : « du code pénal ».
II. – Le premier alinéa de l’article 9-1 du code de procédure pénale est supprimé.
III (nouveau). – L’article 434-3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l’action publique court à compter du jour où tous les éléments constitutifs de l’infraction réprimée par le présent article ont cessé. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.
Mme Annick Billon. L’article 1er fait partie de ceux sur lesquels il y a consensus : l’allongement du délai de prescription est une évolution positive, qui avait été préconisée dès 2017 par la mission de consensus coprésidée par Flavie Flament et le magistrat Jacques Calmettes et réunie à la demande de notre collègue Laurence Rossignol, alors ministre chargée des droits des femmes.
Ces travaux ont largement contribué à faire évoluer les positions et à déverrouiller les blocages qui existaient. Cette évolution n’allait pas de soi il y a encore quelques mois : souvenons-nous des débats au cours de l’examen de la loi dite Fenech-Tourret sur la réforme de la prescription en matière pénale !
Il s’agit bien évidemment d’une avancée attendue par les victimes, en particulier pour celles qui, en raison de leur âge ou de leurs liens familiaux avec l’auteur des agressions, ont été incapables de révéler sur le moment les violences subies. En outre, les victimes sont parfois atteintes d’une amnésie traumatique qui les empêche de parler.
Nous nous devions de prendre en compte, dans la loi, ces situations dramatiques pour permettre aux personnes concernées d’engager une procédure judiciaire, mais aussi pour mieux sanctionner les auteurs de viol et prévenir la récidive.
Faut-il aller jusqu’à l’imprescriptibilité des crimes sexuels commis sur les mineurs, défendue par certains, y compris parmi les sénateurs ? La délégation aux droits des femmes ne s’est pas prononcée sur ce point.
Nous avons entendu les propos du Gouvernement, mais il ne doit pas y avoir de tabou en la matière. Nous savons que le débat reste vivace entre ceux qui pensent que l’imprescriptibilité doit être réservée aux crimes contre l’humanité et ceux qui estiment qu’elle serait tout à fait légitime dans ces situations.
Ne fermons pas la porte à une telle évolution et laissons la réflexion se poursuivre. Peut-être y arrivera-t-on aussi ! Pour l’heure, la délégation soutient l’article 1er, qui va dans le sens des recommandations qu’elle a formulées dans ses travaux récents sur les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)