Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 11.
Articles additionnels après l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 772, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 1er janvier 2019, le Gouvernement remet un rapport au Parlement évaluant, par catégorie et taille d’établissements, les surcoûts potentiels induits par l’application des règles prévues aux articles L. 230-5-1 à L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime pour les gestionnaires des établissements mentionnés à l’article L. 230-5 du même code, ainsi que sur le reste à charge éventuel pour les usagers de ces établissements. Il comporte, le cas échéant, des propositions pour compenser ces surcoûts ou restes à charge.
Au plus tard le 1er janvier 2023, ce rapport est actualisé et remis, dans les mêmes formes, sur la base des données recueillies auprès d’un échantillon représentatif des gestionnaires des établissements visés.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Dans la suite des discussions sur l’article 11, nous proposons, avec cet amendement, de demander au Gouvernement de réaliser un rapport – une fois n’est pas coutume ! – pour mesurer les conséquences financières des règles d’approvisionnement de la restauration collective, tant pour les gestionnaires des établissements que pour les usagers.
Ce rapport aurait trois objectifs principaux : analyser les surcoûts potentiels ; évaluer le reste à charge pour les usagers et pour leurs familles ; envisager, le cas échéant, des mesures de compensation de ces surcoûts et restes à charge. Deux échéances sont prévues pour ce rapport après la mise en œuvre globale de ces dispositions : le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2023.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Madame la rapporteur, vous proposez que le Gouvernement remette un rapport au plus tard en janvier 2019.
Nous avons déjà prévu une concertation avec les parties prenantes pour la rédaction du décret sur les conditions de mise en œuvre, telles qu’elles sont prévues dans l’amendement gouvernemental. Cette concertation sera organisée dans le cadre du nouvel organisme qui sera créé d’ici à la fin de l’été, c’est-à-dire le Conseil national de la restauration collective.
Je suis très attaché au suivi de l’application de la loi. Nous ferons donc des points d’étape réguliers au Conseil précité. Il y a un enjeu financier, qui est, certes, important, mais il n’est pas le seul. Il faut aussi travailler sur la formation des acheteurs publics, avec l’actualisation de la boîte à outils Localim, que le ministère de l’agriculture a créée, ainsi que sur le développement des projets alimentaires territoriaux, avec l’information sur le maillage territorial de la production et de la distribution.
Les dispositions de votre amendement posent aussi une difficulté pratique en fixant l’échéance de ce rapport au 1er janvier 2019. À ce stade, on ne disposera pas du recul nécessaire pour évaluer correctement et objectivement les surcoûts, de même que les problèmes de mise en œuvre de l’article 11.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 254 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann et MM. Iacovelli, Assouline, Tissot, Tourenne et Kerrouche, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° du I de l’article L. 1 code rural et de la pêche maritime, après le mot : « diversifiée », sont insérés les mots : « et équilibrant protéines d’origine animale et végétale ».
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. La consommation globale de protéines animales est en constante augmentation.
L’agriculture mondiale ne pourra pas satisfaire l’ensemble des besoins des populations à la hauteur de l’actuelle consommation des pays développés sans provoquer de nombreux problèmes environnementaux, climatiques et de santé publique. Les activités agricoles et alimentaires représentent 36 % des émissions de gaz à effet de serre, les GES, françaises. Dans la ration moyenne d’un Français, les protéines animales représentent 67 % des GES émis.
Le CNRS constate, dans une étude récente, la disparition d’un tiers des oiseaux en quinze ans. En cause, la fin des jachères imposées par la PAC, l’agriculture intensive en monoculture et la généralisation des néonicotinoïdes, qui ont participé amplement à l’effondrement des populations d’insectes – 80 % des insectes ont disparu en trente ans.
Enfin, quelque 35 % du blé européen sont destinés à l’alimentation animale. Plus largement, les animaux sont les premiers consommateurs de céréales en France. Ainsi, en termes de surfaces, l’alimentation animale mobilise en France 14 millions d’hectares de cultures fourragères et 4 millions d’hectares de céréales, oléagineux, protéagineux, représentant respectivement 50 % et 14 % des surfaces agricoles françaises. Il faut sept kilogrammes de céréales pour produire un kilogramme de bœuf et deux kilogrammes pour produire un kilogramme de poulet.
Nous devons rendre la transition des élevages français et l’amélioration du bien-être animal économiquement viables, tout en faisant disparaître les pratiques qui font du tort tant sur le plan environnemental qu’économique. Il est donc nécessaire de diminuer sensiblement notre consommation de protéines animales par habitant. Il ne s’agit pas de ne plus en consommer, mais d’en consommer moins et mieux.
C’est pourquoi cet amendement vise, sur l’initiative de France Nature Environnement, à inclure un objectif de rééquilibrage des protéines animales et végétales dans les objectifs de la politique nationale de l’alimentation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. L’article L. 1 du code rural est sans doute l’un des articles fixant des objectifs de politique publique parmi les plus longs et les plus détaillés ; le présent projet de loi l’allonge encore.
Il prévoit « d’assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante ».
La diversification des protéines est sans nul doute, mon cher collègue, à promouvoir, mais je ne suis pas certaine qu’il faille fixer dans la loi un objectif d’équilibre entre protéines d’origine animale et végétale, ce qui serait très imprécis et, in fine, purement déclaratoire.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Il revient au programme national nutrition santé et au programme national pour l’alimentation, sur la base des données scientifiques, d’adapter et de faire connaître les repères nutritionnels pour promouvoir des choix alimentaires qui soient favorables à la santé et respectueux de l’environnement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 254 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par Mme Dumas, M. Bansard, Mmes Berthet, Billon et Bonfanti-Dossat, MM. Cadic, Chasseing, Chatillon et de Nicolaÿ, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi et Duranton, MM. B. Fournier et Guerriau, Mme Guidez, M. Houpert, Mme Imbert, M. Kennel, Mme Lamure, M. H. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras, Malhuret, Mandelli, Milon, Moga, Paccaud et Pierre, Mmes Raimond-Pavero et Renaud-Garabedian et M. Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « alimentaires, », sont insérés les mots : « le rythme alimentaire, ».
La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. En France, trois repas rythment la journée : le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Pris à table, à heures régulières, et composés de produits variés, ces repas représentent le socle du modèle alimentaire français. Ce rythme alimentaire est d’ailleurs l’un des facteurs qui permettent à la France de limiter l’accroissement de l’obésité dans la population.
Cependant, cet équilibre est menacé, confronté qu’il est à l’importation de comportements alimentaires qui se standardisent à travers le monde.
Le petit-déjeuner, par exemple, constitue la base de l’équilibre nutritionnel en France. Il représente en moyenne 20 % de l’apport énergétique total quotidien et il fournit de nombreux nutriments essentiels pour que les enfants en pleine croissance bénéficient de leurs entières capacités physiques et mentales.
Pourtant, les chiffres de 2016 du CREDOC sont inquiétants : un enfant sur cinq saute le petit-déjeuner au moins une fois par semaine. Cela entraîne pour toute la journée un décalage dans la prise des repas, ce qui encourage la consommation de snacking et affaiblit les capacités d’apprentissage de l’enfant.
Cet amendement vise donc à souligner le rôle central du rythme alimentaire français, pour que ce facteur soit pris en compte dans les programmes d’information et de communication relatifs à l’alimentation et à la santé, notamment à destination des enfants et des adolescents.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Madame la sénatrice, vous entendez inclure dans les domaines d’action du programme national pour l’alimentation, le PNA, le « rythme alimentaire ».
Le PNA propose déjà « des catégories d’actions dans les domaines de l’éducation et de l’information pour promouvoir l’équilibre et la diversité alimentaires ». Cette notion d’équilibre intègre, me semble-t-il, cette dimension de rythme alimentaire quotidien. De même, le programme national nutrition santé comporte déjà ce type de recommandation.
Cet amendement me semblant largement satisfait, j’en demande le retrait, faute de quoi j’y serais défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Travert, ministre. Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice : trois fois par jour, nos concitoyens, les enfants, ont la capacité de magnifier l’agriculture française en consommant les produits issus de nos territoires.
Je comprends votre objectif, qui est de lutter contre le surpoids, l’obésité, en faisant en sorte que le rythme des repas soit parfaitement intégré par les enfants. Cependant, comme l’a dit Mme la rapporteur, le programme national de l’alimentation comprend déjà cet aspect dans ses missions.
Cet amendement étant superfétatoire, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Je rappelle que nous avons fait inscrire en 2009 le repas gastronomique des Français à l’UNESCO. Or le rythme alimentaire en est un élément essentiel. Je vous encourage, mes chers collègues, à voter cet amendement, parce que l’expression « rythme alimentaire » me semble indispensable dans la rédaction de ce texte.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 492 rectifié ter, présenté par MM. Labbé, Dantec, Arnell et Artano, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 230-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 230-5-… – Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire ainsi que des services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans sont tenus de proposer une option végétarienne en alternative au plat quotidien, dès lors qu’ils proposent au moins deux menus.
« Un décret détermine les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement a pour objet d’introduire une option quotidienne sans viande ni poisson dans les cantines.
Il s’agit de préserver la liberté de choix alimentaire de chacun, de chaque famille. Sans cette option, les personnes concernées sont contraintes de manger un repas déséquilibré, ce qui est contraire à l’objectif d’accès à une alimentation de qualité pour tous. Le repas à la cantine étant parfois le seul repas équilibré de la journée, comme on l’a déjà dit, il convient que ceux qui ne mangent pas de viande ni de poisson, ce qui est respectable, aient également accès à un repas de qualité.
Cette mesure s’appliquerait aux restaurants proposant déjà au moins deux menus. Telle n’était pas ma rédaction initiale, mais j’ai dû modifier, et je le regrette, le dispositif de cet amendement pour échapper à l’irrecevabilité sacrée au titre de l’article 40 de la Constitution.
Je suis convaincu qu’il est possible d’introduire cette option à coût constant, en agissant par exemple sur la réduction du gaspillage alimentaire.
Je précise que je ne souhaite absolument pas attaquer l’élevage. Nombre d’éleveurs réalisent un travail remarquable, essentiel à la vie des territoires, à la structuration des paysages, à l’alimentation de qualité. Je suis également tout à fait conscient de l’efficacité des complémentarités entre productions végétale et animale. Cet amendement ne vise pas à promouvoir la généralisation du véganisme, mais il me semble essentiel de respecter les libertés et les choix alimentaires de chacune et de chacun.
Il se trouve que j’ai cinq enfants. Par tradition et culture, je mange de la viande, mais trois de mes enfants sont végétariens, sans que quoi que ce soit leur ait été imposé. Certains de mes petits-enfants seront donc sans doute végétariens. Je souhaite que l’on respecte cet aspect de la culture nouvelle, qui va dans le bon sens, car force est de constater que l’on consomme trop de viande.
Néanmoins, pour ceux qui continuent à consommer de la viande, je plaide pour une viande de qualité, qui permette aux producteurs d’être bien rémunérés, tout en produisant de moindres quantités, au même prix pour le consommateur.
Mme la présidente. L’amendement n° 390 rectifié quinquies, présenté par Mme Rossignol, MM. Tissot et Vallini, Mmes Jasmin, Lienemann, Conway-Mouret et Préville, M. Kerrouche, Mme Lepage et M. Jomier, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 230-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 230-5-… – Les gestionnaires publics ou les gestionnaires privés agissant pour le compte de personnes publiques de services de restauration collective servant plus de quatre-vingts repas par jour ouvré en moyenne sur l’année sont tenus de proposer au plus tard au 1er janvier 2022 un menu végétarien en option alternative au menu quotidien dès lors qu’ils proposent au moins deux menus. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement est très proche de celui que vient de nous présenter notre collègue Joël Labbé. Comme le sien, il a dû être réajusté pour entrer dans le cadre de l’article 40 de la Constitution, mais aussi pour répondre à des préoccupations soulevées par des gestionnaires qui auraient été obligés de changer de logiciel et de mécanisme de gestion s’ils ne proposaient jusque-là qu’un seul menu ; cela aurait pu conduire certaines collectivités, devant cette difficulté nouvelle, à décider de passer au privé, plutôt que de continuer à assurer la restauration collective en gestion publique.
Cet amendement tend à prolonger la discussion, très longue, que nous avons eue tout à l’heure sur le bio et que je ne veux pas reprendre. Je voudrais attirer l’attention de nos collègues qui se demandaient tout à l’heure si la fourniture de repas avec 20 % de bio allait coûter plus cher que ce qui est actuellement proposé aux enfants.
Je leur réponds que, pour conserver des prix constants, il faut également changer le type de menu, le type d’alimentation, ce qui oblige à renoncer à la traditionnelle viande à tous les repas, pour aller chercher les légumineuses, les céréales, etc. C’est une autre réflexion sur ce qu’est une alimentation équilibrée qui doit accompagner l’introduction du bio dans la restauration collective.
Cette évolution ouvre notamment la possibilité de proposer des menus végétariens. Diversifier aujourd’hui l’alimentation de nos concitoyens, surtout de nos enfants, c’est faire œuvre d’éducation pour l’avenir.
Mme la présidente. L’amendement n° 493 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Corbisez, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 230-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 230-5-… – Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire ainsi que des services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans sont tenus de proposer quatre menus végétariens sans viande ni poisson sur une fréquence de vingt repas. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Avec cet amendement, je vous propose d’aller vers le « mieux de viande ». En effet, aujourd’hui, en moyenne, quelque 67 % des viandes servies en restauration collective des entreprises, des écoles, des hôpitaux et autres établissements publics et privés sont des viandes importées, d’après les données de l’Institut de l’élevage.
Nous le savons, les budgets de la restauration collective étant très contraints, nous servons à nos enfants et aux personnes vulnérables présentes dans les hôpitaux, de la viande importée, la moins chère possible, donc de mauvaise, voire de très mauvaise qualité, produite avec des standards environnementaux et sociaux bien moins exigeants que les nôtres. Pis, dans une perspective de baisse des coûts, il arrive régulièrement que la viande donnée soit de la viande reconstituée.
Pendant ce temps, nos éleveurs locaux produisent de la viande de qualité, mais ne trouvent souvent pas un prix rémunérateur dans la restauration collective locale. Proposer un repas végétarien par semaine permettrait de limiter les coûts sur ce repas, sans traumatiser les enfants, et de proposer pour les repas restants une viande de meilleure qualité, produite localement.
Cette mesure est pratiquée dans de nombreuses villes. Ainsi, Clermont-Ferrand a pu accroître son offre en viande locale grâce à cette pratique.
Avec cet amendement, il s’agit non pas de promouvoir la généralisation du véganisme, mais de favoriser la qualité à la quantité et de permettre de manière opérationnelle à nos éleveurs de fournir la restauration collective. Cette proposition se situe dans l’air du temps et entend répondre aux attentes de nos populations.
Mme la présidente. L’amendement n° 138 rectifié septies, présenté par Mme Mélot, MM. Lagourgue, Capus, Guerriau, Malhuret, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent et M. Daubresse, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 139 rectifié septies, présenté par Mme Mélot, MM. Capus, Guerriau, Lagourgue, Malhuret, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent et M. Daubresse, n’est pas non plus soutenu.
L’amendement n° 84, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, pour une durée de deux ans, les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective scolaire, universitaire et des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans sont tenus, dès lors qu’ils proposent au moins deux entrées et deux plats principaux différents pour chaque repas, de proposer parmi ceux-ci un menu végétalien quotidien.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement va dans le même sens que celui de Joël Labbé.
Nous cherchons à mener une expérimentation consistant en l’obligation de proposer, chaque jour, un repas de substitution végétalien quotidien dans les services de restauration collective qui propose au moins deux entrées et deux plats principaux distincts.
En effet, la législation impose de servir de la viande, du poisson et des produits laitiers à une fréquence définie. Il nous paraît indispensable d’assouplir cette norme pour celles et ceux qui en feraient la demande, en introduisant des menus de substitution végétaliens, dès lors que la capacité du restaurant collectif le permet.
L’élevage intensif, en particulier l’élevage bovin, représente 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre, soit peu ou prou l’équivalent de tous les véhicules terrestres, maritimes et aériens de la planète. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC nous indique que pour limiter le réchauffement climatique dans la limite de deux degrés, l’humanité doit diviser par deux sa consommation de viande et aller vers une consommation de qualité.
Avec vingt kilos de poissons consommés par être humain et par an, les ressources halieutiques sont aussi menacées, 31 % des stocks de poissons mondiaux sont surexploités et 11 % des espèces sont menacées de disparition, notamment celles que nous consommons le plus. Le poisson est tellement essentiel à la survie de l’humanité qu’il faut instaurer une pêche durable et responsable, en laissant les espèces se reproduire, donc diminuer notre ponction sur les océans.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable de faire évoluer nos modes de consommation, en vue d’amorcer une diminution de la production carnée et d’en finir avec la surpêche. Il est du rôle du législateur d’accompagner les citoyens déjà engagés dans cette démarche.
Une telle expérimentation permettrait également de sensibiliser et d’éduquer les autres, en particulier les plus jeunes, à un type d’alimentation qui comprenne moins de viande, mais qui soit plus local et de qualité, dans l’intérêt des éleveurs. Elle invitera nos cuisiniers à renouveler et à enrichir le vaste répertoire de la cuisine française, en inventant de nouvelles recettes à base de protéines végétales.
Elle permettra, enfin, de lever le préjugé selon lequel une alimentation équilibrée nécessite de manger de la viande à tous les repas, alors que tous les spécialistes, y compris ceux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, considèrent que manger cinq fois de la viande et deux fois du poisson chaque semaine est largement suffisant.
La forme souple de cette proposition reposant sur le volontariat des clients de la restauration collective invite tout à chacun à le voter.
Mme la présidente. L’amendement n° 83, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental, au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, pour une durée de deux ans, les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective scolaire, universitaire et des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans sont tenus, dès lors qu’ils proposent au moins deux entrées et deux plats principaux différents pour chaque repas, de proposer parmi ceux-ci un menu végétarien quotidien. Ce menu peut être composé de protéines animales ou végétales.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il nous faut avoir ici un débat de qualité. Les dispositions de nos amendements s’appuient sur des chiffres qui nous invitent à nous interroger. Personne ne donne de leçons à personne, surtout pas moi.
Alors que les viandes et les poissons représentent aujourd’hui 20 % du gaspillage alimentaire et 50 % du coût de ce dernier, la législation française impose de servir ces denrées, ainsi que les produits laitiers, à une fréquence définie.
Nous proposons, à des fins d’évaluation et d’éducation, une expérimentation d’une durée de deux ans, en introduisant l’obligation d’alternatives végétariennes quotidiennes à base de protéines animales ou végétales dans la restauration collective scolaire publique ou privée.
La dimension d’évaluation de cette expérimentation a pour but de déterminer l’incidence de la présence d’options végétariennes sur ce gaspillage alimentaire.
La dimension éducative consiste, notamment chez les enfants, à introduire d’autres solutions alimentaires, en raison notamment de l’impact de la surconsommation de viande sur la santé.
L’un des enjeux ici est, comme pour bon nombre de points discutés dans ce projet de loi, la santé. De plus en plus d’études tendent en effet à montrer que la consommation de viande en trop grande quantité a, ou peut avoir, un impact négatif sur la santé. Elle favorise, par exemple, les maladies cardiovasculaires, les troubles métaboliques, comme le diabète de type 2, ainsi que certains cancers.
L’ANSES, tout comme le Haut Conseil de santé publique, recommande de ne pas consommer plus de 70 grammes de viande par jour. Consommer de la viande rouge une à deux fois par semaine peut suffire pour assurer les besoins en fer de l’organisme.
L’autre enjeu fondamental est celui de l’environnement et de la protection de la planète. Le changement climatique et le respect de la biodiversité, mais également l’augmentation de la population mondiale, nous imposent d’ores et déjà d’explorer des solutions alimentaires alternatives.
En raison de ces impacts, pour des raisons sanitaires, mais aussi pour limiter le gaspillage alimentaire, nous proposons de tester la réduction de la part des viandes et des poissons et d’introduire d’autres propositions d’alimentation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Tous ces amendements visent, selon des modalités différentes, la même question, à savoir l’instauration de menus de diversification, végétariens ou végétaliens.
Quelles que soient les solutions proposées, il est excessif, à notre sens, de vouloir imposer des menus aux gestionnaires locaux.
Tout d’abord, cette préoccupation est déjà en partie satisfaite, entre autres, par l’instauration d’un plan de diversification des protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales. Ensuite, il convient de privilégier – je pense que nous en serons tous d’accord – le dialogue au sein des communautés éducatives, plutôt que d’agir par la contrainte. Il faut le savoir, aujourd’hui, les établissements peuvent d’ores et déjà prévoir tous les menus qu’ils souhaitent, notamment des repas végétariens ou l’alternance de poissons ou d’autres protéines, sans pour autant qu’il faille modifier la loi.
Enfin, comme M. le ministre l’a souligné tout à l’heure, les repas à la cantine sont, bien souvent et pour de nombreux enfants, le seul repas équilibré de la journée, voire le seul repas où ils ont l’occasion de manger de la viande, que nous espérons française, ou du poisson, que nous espérons français également.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur tous ces amendements.