Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, je veux remercier les sénateurs de leur participation à ce débat ô combien important. Je tiens à saluer plus particulièrement M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur, qui ont contribué à un débat fourni.
Je veux également remercier les vice-présidents qui se sont succédé au plateau : ils ont tous contribué au bon déroulement des travaux parlementaires.
Au-delà des divergences d’appréciation qui se sont exprimées, sur des points de détail comme sur des sujets majeurs, les débats entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement se sont globalement tenus dans une bonne ambiance.
Pour compléter les propos de M. le rapporteur, je veux évoquer nos différences sur les quotas et sur l’aide médicale d’État, deux points qui me semblent importants dans le débat.
Le Gouvernement forme maintenant le vœu que les uns et les autres soient suffisamment éclairés et fassent preuve d’ouverture d’esprit, si je puis dire, dans la perspective de la commission mixte paritaire, qui se tiendra la semaine prochaine.
J’ai bien écouté les orateurs qui sont intervenus aujourd’hui. Il m’a frappé que tous, au fond, ont repris, à leur manière, le triptyque sur lequel repose notre politique de l’asile et de l’immigration : la responsabilité nationale – dans tous les États, nous avons affaire à une mission régalienne ; la nécessaire coopération européenne, dont chacun sait combien elle est importante et difficile dans la situation actuelle ; enfin, la diplomatie active avec les pays tiers, pays de départ comme pays de transit et, parfois, pays d’arrivée. Un sénateur a cité l’exemple du Maroc, qui, de fait, appartient à ces pays qui sont à la fois de départ, de transit et d’arrivée.
La diplomatie n’est pas toujours facile, mais elle est conduite avec beaucoup de volontarisme de la part du Président de la République, du Premier ministre et du ministre d’État, ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. J’en profite pour remercier les secrétaires, Mmes Françoise Gatel et Jacky Deromedi, ainsi que M. Éric Bocquet, qui ont assuré un très bon déroulement du scrutin public solennel.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Jacky Deromedi.
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Nous subissons, en ce moment même, une concurrence footballistique extrêmement forte… (Sourires.) Essayons de tenir le coup et de respecter la durée des mi-temps ! Pour ma part, je m’efforcerai d’exercer un arbitrage à la hauteur. (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.)
négligence de l’état envers les collectivités
M. le président. La parole est à M. Benoît Huré, pour le groupe Les Républicains.
M. Benoît Huré. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, 9 milliards d’euros par an, c’est, en moyenne, depuis trop longtemps, ce que l’État ne rembourse pas aux départements qui versent les allocations de solidarité pour le compte de la Nation. Depuis 2012, de négociations en négociations avec les gouvernements successifs, on achoppe sur le financement des politiques de solidarité.
À ce jour, un financement pérenne n’a toujours pas été mis en place. Des fonds d’urgence destinés aux départements les plus accablés leur permettent de maintenir la tête hors de l’eau, pour reprendre l’expression d’un ancien ministre en charge des collectivités territoriales.
La prise en charge des mineurs non accompagnés s’est ajoutée à ces dépenses. Des mesures ont récemment été proposées par le Gouvernement, à savoir 250 millions d’euros supplémentaires pour les allocations individuelles de solidarité, les AIS. Bien que cette proposition soit mince, les départements l’ont acceptée, dans un esprit constructif. Cependant, ces derniers se sont prononcés, à 77 %, contre le principe du pacte financier, dont les modalités de mise en œuvre restent, selon eux, trop floues.
À la surprise générale, monsieur le Premier ministre, certains membres de votre administration ont affirmé que, en cas de non-signature des contrats, les propositions du Gouvernement ne seraient pas mises en œuvre, ce qui a été interprété comme un chantage et un autoritarisme déplacé.
La France, pour se redresser, a besoin de tous, de l’État comme des collectivités locales, chacun devant consentir sa propre part d’efforts. Les relations à construire entre l’État et les collectivités doivent reposer sur une confiance réciproque et sur une vraie concertation.
Aussi, monsieur le Premier ministre, que doivent croire les départements ? Les propos de certains membres de votre administration, que vous avez vous-même repris dans un courrier que vous avez récemment adressé aux présidents de département, ou ceux que vous avez tenus dans cet hémicycle jeudi dernier, à savoir que les collectivités avaient le droit le plus strict de ne pas signer les contrats et qu’elles seraient alors tout aussi respectables que les autres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, permettez-moi, pour vous répondre, d’évoquer la question de la nature des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, plus particulièrement les départements, puisque c’est sur la situation de ces derniers que vous appelez l’attention du Gouvernement.
Depuis longtemps – vous l’avez dit –, depuis bien avant la nomination de ce gouvernement, sous de très nombreuses majorités successives, les relations financières entre l’État et les départements sont compliquées. Elles le sont en raison du dynamisme de la dépense sociale. Le dynamisme des dépenses sociales dites « AIS » est tel que les départements doivent consentir un effort considérable pour y faire face.
De la même façon, depuis quelques années, les départements sont confrontés à une charge croissante et difficile à prendre en compte, liée au « dynamisme » de la dépense afférente aux mineurs non accompagnés, les MNA.
Conscients de ces difficultés, les gouvernements successifs ont, année après année, décidé d’accorder des fonds d’urgence aux départements. Les sommes concernées ont évidemment évolué – souvent, d’ailleurs, dans un sens un peu plus favorable à l’approche des élections ! –, mais, en moyenne, ce sont quelque 140 millions d’euros qui ont été attribués pour faire face aux difficultés liées à l’ensemble des dépenses sociales des départements, sous forme de fonds d’urgence.
Compte tenu de cette difficulté, le Gouvernement s’est rapproché de l’Assemblée des départements de France, afin d’évoquer directement ce qui pouvait être envisagé pour faire face au dynamisme des AIS comme à celui des MNA.
S’agissant des MNA, nous avons formulé une proposition fondée sur une reprise en main par l’État d’un certain nombre d’éléments de responsabilité avant le moment où un mineur est déclaré – ou non – mineur non accompagné.
Nous avons prévu la création d’un fichier permettant d’éviter les doublonnements de questions, donc un allongement de la prise en charge de la part des départements. Nous avons mis une somme sur la table. Vous le savez, monsieur le sénateur, les départements nous ont indiqué que cette proposition leur convenait et qu’elle était à la hauteur des enjeux – elle avait d’ailleurs fait l’objet d’une longue discussion avec les départements.
Pour ce qui concerne les AIS, nous avons proposé de travailler avec les départements. Nous avons indiqué que nous étions prêts à mettre sur la table un budget de 250 millions d’euros, soit beaucoup plus que les 140 millions d’euros versés en moyenne jusque-là, mais qu’il fallait, en plus de cette somme, que, de leur côté, les départements organisent eux-mêmes les conditions d’une péréquation horizontale accrue.
Cette proposition a été entendue. J’ai même indiqué aux présidents de département qui étaient présents lors de la discussion que, si cette proposition leur convenait, les départements seraient autorisés à augmenter, de façon très modérée, ce que l’on appelle les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ce qui constituerait une hausse des prélèvements obligatoires. Pourtant, si vous me permettez cette expression un peu triviale, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas exactement ma tasse de thé !
Cette proposition a été soumise à la discussion, mais les départements, après l’avoir examinée, nous ont fait savoir qu’elle ne leur convenait plus. Je l’entends, et c’est parfaitement respectable, mais, dès lors, la proposition n’a pas vocation à rester sur la table. C’est ainsi que se passent les négociations. Il est normal que chacun tire les conséquences du résultat de la discussion.
Comme je l’ai indiqué devant le Sénat, les collectivités territoriales qui concluront le pacte financier que nous leur proposons seront, à l’avenir, bénéficiaires de cet engagement de stabilité que nous prenons – c’est exactement la lettre de l’accord. Les collectivités territoriales qui ne souhaitent pas signer les contrats seront évidemment respectées, conformément au droit et dans le cadre de l’article de loi voté et déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.
Les collectivités territoriales seront donc respectées, mais les conséquences ne seront pas exactement les mêmes pour celles qui s’engagent et tiennent les engagements fixés et pour les autres.
De même, en cas de dépassement de la norme de 1,2 %, les conséquences ne seront pas identiques pour les collectivités territoriales qui se sont engagées et pour celles qui ne l’ont pas fait, ce qui, je le répète, est parfaitement respectable.
Il n’y a là aucun chantage. Il n’y a que de la clarté, la négociation s’étant déroulée, me semble-t-il, dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Benoît Huré, pour la réplique.
M. Benoît Huré. Monsieur le Premier ministre, je souhaite que tout soit mis en œuvre pour mettre fin aux incompréhensions entre l’État et les collectivités, en particulier les départements. Nous devons tous nous rasseoir autour de la table et trouver des solutions.
Sans les départements, la solidarité à l’égard des plus fragiles d’entre nous ne pourrait pas être assumée dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
avenir des pensions de réversion
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Claude Luche. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, vous avez engagé une réflexion sur les pensions de réversion, et, depuis une semaine, vous vous êtes expliquée sur ce sujet. Vous avez notamment affirmé que vous ne toucherez pas aux pensions déjà versées et que l’acquis serait maintenu.
Malgré tout, sachez que l’ouverture de ce débat suscite de nombreuses inquiétudes.
Vous le savez, la pension de réversion concerne à 90 % des femmes. Il est vrai que l’espérance de vie est plus importante pour une femme que pour un homme, comme nous le savons toutes et tous ici. Cependant, il s’agit aussi, par cette pension de réversion, d’améliorer la situation de nombre de femmes qui ont connu des carrières incomplètes ou des différences de salaire importantes avec les hommes.
Au travers de cette question, je souhaite que vous nous apportiez des précisions sur les critères que vous pensez retenir pour cette éventuelle réforme et sur la manière dont vous allez prendre en compte, dans vos calculs, les nouvelles formes de familles, comme les couples pacsés ou les familles recomposées.
Madame la ministre, après la hausse de la CSG, avec l’annonce de cette réforme des pensions de réversion, les retraités sont une fois de plus pointés du doigt et se retrouvent dans l’incertitude.
Ainsi, plus tôt vous annoncerez vos orientations, plus tôt vous pourrez rassurer, je l’espère, toute une partie de la population qui a travaillé toute sa vie pour pouvoir bénéficier d’une retraite sécurisée. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, au mois de juin 2017, avant même les élections législatives, le Gouvernement a eu l’occasion d’indiquer que le programme de travail que nous nous fixions comporterait, avant septembre 2017, une transformation du droit du travail – les ordonnances ont été adoptées depuis lors –, une modification de l’ensemble du dispositif existant en matière d’apprentissage, de formation professionnelle et d’assurance-chômage, ayant vocation à être discutée au printemps – le projet de loi présenté par Muriel Pénicaud a été examiné à l’Assemblée nationale –, enfin, une réforme globale des retraites, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, réforme qui serait mise en œuvre au cours de l’année 2019.
Nous avions annoncé également que cette réforme serait précédée d’un exercice de consultation, de concertation et de réflexion, auquel nous consacrerions la totalité de l’année 2018. Pourquoi ? Parce que le sujet est redoutablement complexe, parce que la question des retraites est, d’une certaine façon, au cœur du pacte républicain et de la solidarité nationale et parce que la diversité des régimes applicables et la sensibilité de nos concitoyens à l’avenir de leur pension sont telles que la précipitation et l’urgence seraient évidemment contre-productives.
C’est la raison pour laquelle j’ai procédé, avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, à la nomination d’un haut-commissaire, dont la mission est d’associer le plus complètement possible l’ensemble des acteurs intéressés – les organisations syndicales et patronales, l’ensemble des acteurs de la société civile et des forces politiques – à cette réflexion et à cette consultation sur ce que sera, demain, notre système de retraite.
Pour cela, j’ai fixé quelques objectifs très simples : la préservation d’un système de retraite par répartition, le maintien de la solidarité nationale, la prise en compte, par notre système, du vieillissement de notre population, qui est une donnée, mais aussi une chance évidente, avec un souci de stabilité et de durabilité et de manière à faire disparaître les inquiétudes des Français, qui sont, au fond, très profondes, sur ce que sera leur retraite le moment venu.
Vous évoquez le sujet spécifique des pensions de réversion. Vous savez, comme nous tous ici, que cette question est d’abord marquée par une nécessité souvent absolue pour les personnes qui en bénéficient – des femmes, dans 90 % des cas. Elle est aussi souvent caractérisée par une très grande inégalité entre ces bénéficiaires, pour une raison très simple, qui est l’existence de treize systèmes de pension de réversion, très différents les uns des autres. Le travail ou la mission exercée par le conjoint décédé explique également que les bénéficiaires de ces pensions se trouvent dans des situations incroyablement diverses.
Comme tous les aspects du système de retraite, nous devons poser sur la table la question les pensions de réversion.
Il ne s’agit évidemment pas de les faire disparaître. Ne jouons pas à nous faire peur ! Il n’est absolument pas question de revenir sur cet élément indispensable en matière de solidarité et de complément de revenu pour des femmes qui, bien souvent, ont participé à une activité de production ou ont dû interrompre leur activité pour élever leurs enfants. Il s’agit de faire en sorte que, au fil du temps, chaque euro contribué rapporte le même produit à ceux qui sont à la retraite.
Monsieur le sénateur, je veux le dire de la façon la plus claire possible : en aucune façon, le Gouvernement ne travaille sur des mesures qui viendraient amoindrir ou remettre en cause les pensions de réversion.
Les expressions d’angoisse que l’on entend parfois sont légitimes, mais je ne puis m’empêcher de penser que, çà et là, on fait prospérer ces craintes. Au demeurant, tel n’était vraiment pas le sens de votre discours, monsieur le sénateur.
En aucune façon, le Gouvernement ne travaille sur une quelconque hypothèse de remise en cause des pensions de réversion. Je ne peux pas dire les choses plus clairement !
Je suis sûr que, après cette année de consultation, l’année prochaine verra un très beau débat public et un très beau débat parlementaire. Il nous faudra faire en sorte de sauver notre système de pensions durablement et, peut-être, en profiter pour prendre en compte des questions relatives à la dépendance, un sujet qui n’a pas fini être devant nous. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
pensions de réversion
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche. (M. André Gattolin applaudit.)
M. Michel Amiel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
M. le Premier ministre a longuement répondu à M. Luche. Ma question va certes dans le même sens, mais, après tout, les Anciens ne disaient-ils pas bis repetita placent ? Au reste, ma question sera légèrement différente.
Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, l’inquiétude qui remonte de la population sur le sujet des pensions de réversion.
Certes, me direz-vous, des démentis ont été apportés, y compris par vous-même, mais le mal est fait : la rumeur, qui est le plus vieux média du monde et qui se nourrit de tout ce qui passe à côté d’elle, circule et empoisonne le débat avant même qu’il ait commencé.
Sous Nicolas Sarkozy, il y a déjà eu la suppression de la demi-part des veuves. Certes, ce « pacte de solidarité entre conjoints », pour reprendre l’expression de Jean-Paul Delevoye, concerne 4,4 millions de bénéficiaires – dont 89 % de femmes, comme vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre – pour un coût de 36 milliards d’euros, soit 1,5 point de PIB.
Madame la ministre, vous avez déclaré vouloir « une remise à plat » des règles, afin d’« harmoniser » celles-ci. Cette volonté d’harmonisation est au cœur du projet de réforme des retraites en préparation, qui a pour objectif l’instauration d’un régime universel en établissant ce qui relève de l’ordre de la redistribution et de l’ordre de la solidarité.
Cette remise à plat s’effectuera-t-elle à enveloppe constante, sans chercher à rogner sur quelques dixièmes de point de PIB ? À quel moment s’appliquerait cette harmonisation ? Cette réforme toucherait-elle les conjointes et conjoints de celles et ceux qui sont déjà à la retraite ?
C’est au prix de certaines clarifications, dès le départ, que le débat pourra s’engager d’une façon sereine, car je ne doute pas que votre volonté n’est pas de réformer pour réformer, ni même de réformer pour réduire les droits ou pour les niveler par le bas, mais bien d’assurer un système de retraites juste et pérenne, dans le cadre bien sûr d’un retour à l’équilibre des comptes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Amiel, je vous remercie de me donner l’occasion de revenir encore une fois sur cette réforme des retraites.
Nous le savons, notre système de retraite, avec ses multiples régimes, ses multiples règles, est inéquitable et illisible. Il crée de l’anxiété, notamment pour les jeunes générations, qui craignent de ne pas en profiter.
Un certain nombre de questions a donc été posé aux partenaires sociaux dans le cadre des négociations en cours, menées par le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye.
Six blocs principaux sont à l’étude, dont trois seront discutés avant l’été.
Le premier bloc concerne la construction d’un système universel, c’est-à-dire, comme vient de le souligner le Premier ministre, d’un système par répartition commun à tous les actifs. Pour cela, il nous faut définir le périmètre du nouveau régime, le taux de couverture, l’assiette et le taux de cotisation.
Le deuxième bloc concerne la construction d’un système redistributif et solidaire. Il s’agit de poser la question des droits non contributifs liés à la maternité, au chômage, à l’assurance maladie, notamment.
Le troisième bloc a trait aux évolutions de la société et donc aux droits familiaux. C’est dans ce cadre que se pose la question des pensions de réversion, raison pour laquelle cette thématique a émergé au cours de la concertation et dans les contributions sur le site internet qui permet aux citoyens de s’exprimer.
Cette question est aussi celle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Bien évidemment, l’objectif n’est pas de réduire les pensions de réversion des femmes. Nous souhaitons que leur parcours de vie soit mieux pris en compte.
La discussion des trois autres blocs commencera à partir de l’automne prochain. Le quatrième concerne les conditions d’ouverture des droits à la retraite. Il s’agit d’offrir davantage de liberté dans la transition vers la retraite. Les cinquième et sixième blocs concernent respectivement la reconnaissance des spécificités de certains parcours professionnels et l’instauration d’un système pérenne et responsable, avec des modalités de transition entre l’ancien et le nouveau régime.
Nous aurons tous l’occasion d’en débattre au cours de discussions passionnantes pour la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
désertification médicale
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Véronique Guillotin. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, vous étiez entendue ce matin par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’égal accès aux soins, à la suite de l’audition du directeur de l’agence régionale de santé Grand Est.
Ces auditions interviennent dans un contexte de grande tension dans les hôpitaux. Dans une lettre adressée au Premier ministre, cent soixante-quinze médecins affirment ne plus pouvoir remplir leur mission de service public et alertent sur une mise en danger de la vie d’autrui, faute de moyens suffisants et d’une organisation efficiente de l’offre de soins.
Les services d’urgences sont les plus touchés et la situation devrait même s’aggraver : d’après une étude de l’agence régionale de santé Île-de-France, au cours des deux mois d’été, il manquera un médecin dans un service d’urgence de la région pendant six cents journées de vingt-quatre heures.
Pour répondre à cette situation, un décret paru au début du mois de juin modifie l’organisation des lignes de garde. Les syndicats se sont fortement opposés à cette mesure, qui répond pourtant à une nécessaire réorganisation des services, mais qui apparaît comme une solution dégradée face à la pénurie de praticiens.
Dans mon département de Meurthe-et-Moselle, la maternité de l’hôpital de Mont-Saint-Martin est menacée de fermeture en raison d’un nombre considéré comme excessif de médecins remplaçants, qui pallient pourtant la pénurie à laquelle nous sommes tout particulièrement confrontés.
Cette maternité, avec ses 670 naissances chaque année, a toute sa place sur un territoire transfrontalier en pleine renaissance post-industrielle, où le préfet de région s’est vu tout récemment confier une mission de prospective de dynamisation par le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard.
Madame la ministre, vous ne portez pas la responsabilité du manque de réformes de vos prédécesseurs. Vous avez eu le courage d’annoncer une refonte en profondeur du système de santé : pouvez-vous nous dire quelle place vous comptez accorder aux hôpitaux de proximité ? Êtes-vous en mesure de rassurer les habitants de mon territoire sur le maintien de la maternité contribuant à l’attractivité de l’hôpital et à l’attractivité médicale de tout un territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Évelyne Perrot et M. Jean-François Husson applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Guillotin, dans certains territoires, nous faisons face à de graves difficultés en matière d’accès aux soins et de fonctionnement de nos hôpitaux, notamment pour les urgences et l’obstétrique. Il nous est difficile de recruter des médecins de façon pérenne, afin d’assurer une meilleure sécurité des soins.
Nous subissons trente ans de mauvais choix des gouvernements successifs qui ont réduit le numerus clausus pour diminuer le déficit de la sécurité sociale. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.) Nous sommes passés, dans les années soixante-dix… (Mêmes mouvements.)
M. Gérard Longuet. Il s’agit d’aujourd’hui, madame la ministre !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il faut assumer ses choix, mesdames, messieurs les sénateurs !
Le besoin de médecins n’a pas été anticipé, non plus que le besoin de temps des soignants. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’exercice médical a changé, les jeunes médecins aspirent à mieux concilier leur vie personnelle avec leur vie professionnelle.
Nous faisons face à une pénurie de temps médical, au-delà même du nombre de médecins accessibles sur le territoire, notamment pour les services d’urgence. Je rappelle qu’il faut huit urgentistes à temps plein pour faire fonctionner un service d’urgence vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui nécessite des organisations courageuses et des mutualisations de services.
La démarche est la même pour les services de gynécologie obstétrique, qui ne peuvent fonctionner uniquement avec des intérimaires venant une ou deux journées par mois ; on met alors en jeu la sécurité des parturientes. C’est la raison pour laquelle nous réorganisons les filières de prise en charge dans les territoires.
Des hôpitaux de proximité vont être préservés. Nous allons réorganiser les filières et graduer les soins sur les territoires. Nous sommes pleinement mobilisés sur la transformation du système de santé, de façon à mieux répondre aux besoins en proximité de nos concitoyens et à leur assurer le bénéfice d’une médecine de qualité partout en France. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
situation des hôpitaux en guyane et en métropole