M. André Reichardt. Très bien !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. On gagnera ainsi du temps.
Le demandeur gardera bien sûr la possibilité de saisir le tribunal administratif d’un recours contre l’OQTF. Une exception à l’exécution de cette décision est en outre prévue, en cas de problèmes de santé.
Tel est l’objet de cet article. La volonté de la commission des lois est, depuis le début, de promouvoir l’efficacité et le respect des décisions prises.
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. L’article 23 du projet de loi prévoit un examen parallèle des demandes d’asile et des autres demandes de titre de séjour. Par conséquent, toutes les demandes doivent être déposées dès le départ. L’OFPRA examine la demande d’asile, la préfecture les autres demandes. Ce n’est qu’ensuite qu’une OQTF peut être prononcée – par le préfet, bien évidemment – et exécutée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, nous n’en sommes pas encore à l’article 23 et vous n’avez pas répondu aux objections formulées par les défenseurs des amendements de suppression. L’attribution à l’OFPRA et à la CNDA de nouvelles compétences sans rapport avec leur vocation ne peut qu’être source de confusion et compliquer les choses. Nous maintenons notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Soyons très clairs, monsieur Leconte : nous ne modifions en rien les compétences de l’OFPRA ou de la CNDA !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Bien sûr que si !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous ne touchons à rien ! Nous disons simplement que, à partir du moment où la décision de rejet de la demande a un caractère définitif, elle vaut obligation de quitter le territoire français. C’est tout.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. S’il est un amendement sur lequel on ne nous fera pas fléchir, c’est bien celui-là. Nous le maintiendrons avec fermeté. Le scrutin public permettra à chacun de se prononcer en son âme et conscience.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8, 219 rectifié bis, 419, 443 rectifié et 522 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 145 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 6 bis A est supprimé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Article 6 bis
(Non modifié)
Le 1° de l’article L. 732-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le a est complété par les mots : « ou les membres du Conseil d’État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile » ;
2° Le b est complété par les mots : « ou les magistrats de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile » ;
3° Au c, après le mot : « honoraires », sont insérés les mots : « ou les magistrats de l’ordre judiciaire à la retraite disposant d’une compétence particulière en matière de droit d’asile ». – (Adopté.)
Chapitre III
L’accès à la procédure et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile
Article additionnel avant l’article 7
M. le président. L’amendement n° 351 rectifié, présenté par MM. Leconte, Iacovelli et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner et Kerrouche, Mme Blondin, M. Devinaz, Mmes G. Jourda, Lepage, Lienemann et S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol et Taillé-Polian, M. Temal, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Lors de la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande de protection internationale, l’autorité administrative compétente distingue les situations exposées à l’article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 précité, et ne peut considérer que l’examen de la demande d’asile ne relève pas de la compétence de la France au seul motif que l’étranger a été enregistré conformément au règlement (UE) n° 603/2013 comme ayant irrégulièrement franchi la frontière de l’un des autres États membres, si celui-ci n’a jamais déposé de demande de protection dans un autre État membre, et ce quelle que soit sa date d’entrée sur le territoire français. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement, essentiel, vise à indiquer quelle orientation nous souhaiterions donner à la politique d’asile de notre pays.
Actuellement, lorsqu’une personne dépose une demande d’asile en France après que ses empreintes ont été enregistrées dans EURODAC dans un autre pays de l’Union européenne, elle est « dublinable ».
Nous proposons de distinguer deux cas à l’avenir.
Dans celui où la personne aurait déjà déposé, auparavant, une demande d’asile dans un autre État de l’Union européenne et aurait été définitivement déboutée, elle resterait « dublinable » au sens actuel du terme. Il serait bon toutefois que, à l’avenir, les procédures de demande d’asile des différents pays soient équivalentes et reconnues dans l’ensemble de l’Union européenne.
En revanche, dans le cas où une personne demanderait l’asile en France après être entrée irrégulièrement dans l’Union européenne via un autre pays, comme la Grèce, l’Italie ou l’Espagne, sans y avoir déposé une telle demande, nous proposons de faire preuve de solidarité, en ne renvoyant pas systématiquement cette personne vers le pays d’entrée et en considérant que sa requête est immédiatement recevable en France.
En adoptant un tel dispositif, nous enverrions un signal important, du même ordre que celui qu’a adressé le gouvernement de Pedro Sánchez la semaine dernière en acceptant d’accueillir l’Aquarius. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. Ce serait également un signal important adressé à toutes ces personnes « dublinables » qui n’ont rien…
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Jean-Yves Leconte. C’est important, monsieur le président !
… et qui doivent aujourd’hui attendre six mois avant de pouvoir formuler une demande d’asile… (M. le président coupe le micro de l’orateur, qui continue de s’exprimer.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le règlement européen Dublin III fixe des critères permettant de déterminer l’État membre responsable d’une demande d’asile. Les auteurs de l’amendement proposent que, de manière unilatérale, la France n’applique plus certains de ces critères. Elle devrait ainsi traiter les demandes d’asile présentées par des migrants entrés dans l’Union européenne par la Grèce, l’Espagne ou l’Europe de l’Est, par exemple, dès lors qu’ils n’auraient pas déjà déposé une telle demande dans le pays d’entrée.
La France ne peut évidemment pas, de manière unilatérale et discrétionnaire, aller à l’encontre d’une réglementation qu’elle s’est engagée à respecter.
Cela étant dit, tout le monde sait que le règlement de Dublin est aujourd’hui quelque peu à bout de souffle, très compliqué et très difficile à appliquer.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi ne pas l’abroger, alors ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous avons voté la proposition de loi Warsmann pour répondre à une urgence juridique, consécutive à une décision de la Cour de cassation du mois de septembre dernier, mais l’urgence est sans doute aussi de revoir le dispositif. Un débat s’engage au sein de l’Union européenne en vue d’élaborer un système qui fonctionne mieux. Pour autant, ce n’est pas parce que le dispositif actuel ne fonctionne pas bien qu’il faut tout abandonner et ne plus rien faire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Même avis. Il faut évidemment que le pays de première entrée dans l’Union européenne garde la responsabilité du traitement de la demande d’asile.
M. Xavier Iacovelli. Vous avez vu ce qu’il se passe en Italie ?
M. Gérard Collomb, ministre d’État. C’est à lui qu’il appartient de décider s’il convient d’accorder l’asile ou non. Sinon, nous verrons affluer en France des dizaines de milliers de personnes ayant été enregistrées dans d’autres pays.
Il est vrai que le règlement de Dublin III ne fonctionne pas, mais nous sommes en train d’essayer de le réformer. Un certain nombre de propositions ont été faites par la présidence bulgare en vue de trouver un compromis ; nous y travaillons. La France ne peut pas décider de manière unilatérale qu’elle sera responsable du traitement des demandes d’asile de tous ceux qui arriveront sur son territoire après être entrés dans l’Union européenne par un autre pays. Si j’étais le ministre de l’intérieur italien, je me précipiterais sur votre proposition ! (M. Roger Karoutchi rit.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. On est en pleine hypocrisie, car chacun sait que le système de Dublin n’est plus applicable.
À titre d’exemple, le camp du Millénaire, à Paris, comptait peut-être 80 % de Soudanais et d’Érythréens, éligibles à l’asile politique. On ne peut pas dire que leurs pays d’origine soient sûrs. Ces migrants vivaient, invisibles, sous les ponts. Quelques drames se sont produits, beaucoup moins nombreux toutefois que l’on aurait pu le craindre. Il leur aura fallu attendre des semaines avant de pouvoir bénéficier de conditions d’accueil dignes, d’un toit, de repas, d’un suivi sanitaire, en bref ne plus vivre comme des bêtes, entassés au bord de la Seine. C’est cela, la réalité ! Je me suis rendu plusieurs fois dans ce camp. Un jour, je suis tombé sur un môme de quinze ans, un Érythréen, isolé, sans parents. Heureusement que des associations étaient là pour s’occuper de lui, car sinon il aurait vécu sous les ponts, avec les autres, dans la promiscuité.
Quand ces migrants se sont enfin vu offrir un hébergement temporaire, on les a renvoyés vers l’Italie pour le dépôt de leur demande d’asile, parce qu’ils étaient entrés dans l’Union européenne par ce pays. Du point de vue de la solidarité, il n’est pas juste que certains pays doivent traiter toutes les demandes d’asile parce que, en raison de leur situation géographique, les migrants entrent dans l’Union européenne par leur territoire. Ce n’est pas possible ! Je ne sais pas comment on a pu concevoir un tel dispositif, maltraiter ainsi des pays comme la Grèce, l’Italie et, dans une moindre mesure actuellement, l’Espagne.
C’est de l’hypocrisie, mais le comble est que l’on sait très bien que ces Érythréens, ces Soudanais ne sont pas renvoyés en Italie. Ils n’ont pas d’existence, ils ne peuvent pas demander l’asile politique, alors qu’ils y ont droit. On leur dit que, s’ils veulent obtenir l’asile, ils doivent retourner en Italie, où l’on ne veut pas d’eux, encore moins depuis que le ministre de l’intérieur y prône une épuration de masse !
M. le président. Il faut conclure !
M. David Assouline. Ne les sacrifions pas en attendant que les négociations aboutissent. Ce n’est pas cela, la France !
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Dans l’attente d’une solution qui ne peut être qu’européenne et devant l’échec des procédures de relocalisation et de réinstallation, doit-on continuer de laisser les « dublinés » errer de pays en pays ?
Le Gouvernement français fait les efforts nécessaires pour convaincre ses partenaires, mais, en attendant, le dispositif aujourd’hui proposé par notre groupe et présenté par Jean-Yves Leconte permettrait d’apporter une réponse humanitaire à ces personnes privées de perspectives. Aucun d’eux ne trouvera refuge en Italie. Ce pays compte déjà 300 000 réfugiés aujourd’hui. Peut-on réellement croire, a fortiori après les dernières élections, que l’Italie leur accordera la protection qu’ils réclament et à laquelle ils ont droit ? Non !
La France, fidèle à sa tradition humaniste, doit montrer l’exemple. Adopter notre proposition permettrait de résoudre un certain nombre de problèmes, sans pour autant créer un appel d’air, pour la bonne et simple raison que beaucoup de migrants ne sont qu’en transit en France et souhaitent s’installer ailleurs, notamment en Grande-Bretagne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, cet amendement n’est pas contraire au règlement Dublin III. Il repose sur une interprétation différente de son article 17, qui indique très précisément que l’application de la clause de « dublinage » relève in fine de l’État concerné, et exclusivement de celui-ci. Nous proposons donc simplement que la France applique de manière plus systématique cette possibilité qui lui est donnée d’étudier des demandes d’asile qui sont souvent légitimes.
Par ailleurs, monsieur le ministre d’État, la rédaction de notre amendement a été ciselée afin d’offrir une solution à ceux qui sont aujourd’hui privés de tous droits, sans pour autant créer d’appel d’air. Si vous acceptiez notre proposition, cela renforcerait la position de la France dans la négociation d’un nouveau règlement. Notre pays montrerait à ses partenaires qu’il reste fidèle aux valeurs de l’Union européenne et à la convention de Genève. Cela me paraît indispensable.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Depuis hier, sur toutes les travées, on condamne de façon très claire des projets de l’Italie et de la Hongrie. Le Parlement hongrois a d’ailleurs délibéré et pris des décisions dans des conditions pour le moins surprenantes. Tout le monde affirme que l’Union européenne doit intervenir, parce qu’il n’est pas acceptable que certains États membres légifèrent sur les problèmes migratoires en prenant des décisions totalement incompatibles avec le système européen.
Monsieur le ministre d’État, lors du prochain Conseil européen, il faut que l’Union européenne prenne des décisions, définisse une politique migratoire commune qui ait du sens, qui soit appliquée et reconnue par tout le monde. Sinon, en l’absence de cohérence européenne, chaque État fera ce qu’il voudra et définira sa propre politique migratoire. Je vous laisse imaginer ce que ça pourrait donner dans certains pays…
Je suis d’accord, le système de Dublin est à bout de souffle.
Mme Esther Benbassa. Ah, tout de même !
M. Roger Karoutchi. Il appartient aux États membres de l’Union européenne de se mettre d’accord sur un nouveau système. Si la France, comme vous le demandez, mes chers collègues, prenait une initiative unilatérale allant à l’encontre du système de Dublin (MM. Jean-Yves Leconte et Xavier Iacovelli protestent.), cela signifierait qu’elle reprend la main sur la politique migratoire.
De deux choses l’une : ou bien nous faisons confiance à l’Union européenne, en espérant qu’elle imposera aux États membres de renoncer aux décisions scandaleuses qu’ils ont prises, au profit d’une vision européenne, ou bien chacun fait ce qu’il veut, et alors nous irons au-devant de très graves difficultés.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. Je voudrais évoquer le cas de mon territoire, la Guyane française, région ultrapériphérique de l’Union européenne qui partage 700 kilomètres de frontière avec le Brésil.
Des centaines d’Irakiens et de Syriens sont venus demander l’asile en Guyane après avoir transité par l’Afrique, traversé l’Atlantique et franchi la frontière avec le Brésil. Mais la Guyane française n’est pour eux qu’une étape vers leur destination finale, l’Europe. On leur explique qu’ils ne peuvent se rendre sur le territoire européen et qu’ils doivent rester en Guyane en attendant que leur situation puisse être réglée au cas par cas. Quelle réponse peut-on donner à ces personnes qui sont de véritables demandeurs d’asile, ayant connu la guerre et toutes les vicissitudes du Proche-Orient ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. On parle de la responsabilité de l’Europe, de l’ambition qui doit être la nôtre, de la renégociation de Dublin III, mais il faut partir de ce que dit précisément ce règlement. Son article 17 prévoit que chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement.
En droit français, l’article L. 742-1 du CESEDA indique explicitement qu’il « ne fait pas obstacle au droit souverain de l’État d’accorder l’asile à toute personne dont l’examen de la demande relève de la compétence d’un autre État ».
On voit donc que la France a déjà la possibilité d’instruire une demande d’asile même s’il incomberait en principe à un autre État, aux termes du règlement Dublin III, de le faire.
L’amendement tend simplement à prévoir que l’on ne déclare pas mécaniquement irrecevable une demande d’asile au seul motif que les empreintes du requérant auraient été enregistrées dans un autre État de l’Union européenne, sans qu’une telle demande y ait été déposée. Notre proposition vise ce seul cas et elle reste, je le répète, dans le cadre du règlement Dublin III.
D’ailleurs, il existe d’autres cas – minorité du demandeur, préservation des liens familiaux – dans lesquels ce n’est pas forcément le pays de première entrée dans l’Union européenne qui traite la demande d’asile. Le règlement de Dublin est assez sophistiqué.
Quoi que l’on puisse penser du règlement de Dublin, ôtons-nous de l’esprit que cet amendement viserait à s’en écarter ou à adopter des mesures unilatérales.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le ministre d’État, après l’affaire de l’Aquarius, sur laquelle je vous ai interrogé lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement de la semaine dernière, je pensais que vous porteriez un autre regard sur cet amendement.
La France, qui ne s’est pas souciée de secourir ces migrants, qui a rappelé l’Italie à ses devoirs au regard du droit maritime international, se déclare maintenant, non sans cynisme, prête à accepter sur son territoire une partie des passagers de ce bateau que l’Espagne a bien voulu accueillir avant qu’il ne fasse naufrage. Nous ne pouvons pas ignorer la situation de l’Italie, quand bien même, en l’occurrence, elle n’a pas respecté le droit maritime international.
Nous proposons aujourd’hui non pas d’instaurer une obligation d’accueil pour la France, mais d’affirmer que l’OFPRA ne peut pas systématiquement refuser d’examiner les demandes d’asile des personnes dont les empreintes ont été enregistrées dans un autre pays de l’Union européenne. Il s’agit pour nous de répondre à des situations individuelles, alors que, de votre côté, vous n’envisagez que les problèmes globaux.
Je suis désolé que le devoir humanitaire échappe au Gouvernement. Je me demande si le cynisme ne serait pas parfois aussi du côté de la France… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Cela faisait très exactement un an et trois mois que nous n’avions pas vu de bateaux approcher les côtes européennes, du fait de la politique menée par l’Italie, qui avait conclu un code de bonne conduite avec les ONG. La situation a changé avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement. Si nous continuons dans cette voie, nous verrons arriver demain non plus un bateau, mais deux, trois, cinq, dix…
La limite qui a été fixée par la France n’a pas changé. Nous avons dépêché en Espagne une mission de l’OFPRA pour déterminer qui, parmi les passagers de l’Aquarius, peut bénéficier du statut de réfugié.
Dans le passé, nous avions accepté des relocalisations de réfugiés en provenance d’Italie, mais nous n’en avons finalement accueilli que 635, tout simplement parce que les autorités italiennes n’ont pu nous présenter davantage de personnes éligibles au statut de réfugié : les autres étaient des migrants économiques.
Si demain la France, de manière unilatérale, décide d’accueillir tous les migrants sans distinction (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)…
M. Xavier Iacovelli. Nous n’avons pas dit ça !
M. le président. Seul M. le ministre d’État a la parole, mes chers collègues !
M. Gérard Collomb, ministre d’État. Parce que le système de Dublin ne fonctionne pas, vous proposez que la France décide de manière unilatérale de prendre la responsabilité, en dernière intention, de traiter toutes les demandes d’asile qui lui sont soumises. De nombreux autres pays de l’Union européenne ne manqueraient pas de se féliciter d’une telle décision…
Je vous rappelle que, à Paris, nous en sommes à la trente-sixième mise à l’abri.
Il ne faut pas croire que toutes ces personnes ne vont nulle part après avoir quitté Paris. On les retrouve dans l’est de la France, dans un certain nombre de régions, alors que le dispositif national d’asile est d’ores et déjà saturé. On les retrouve aussi dans la périphérie parisienne.
Tout cela montre que le dispositif ne fonctionne pas bien. Très souvent, en menant ce type de politique, on ajoute de la misère là où il y en a déjà beaucoup. Ce n’est pas ce que nous voulons. Que nous refondions le système Dublin, oui. Mais, que, de manière unilatérale, nous y dérogions en affirmant que nous prenons à notre compte l’ensemble des responsabilités, non, cela n’est pas possible ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je dois dire que je suis tout à fait convaincu par l’argumentation qui vient de nous être présentée par M. le ministre d’État.
M. David Assouline. On sait que vous êtes d’accord avec lui !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est à Bruxelles que doivent se traiter les réformes nécessaires du système de Dublin, et non par des mesures unilatérales, qui ne manqueraient pas d’avoir de très nombreux effets pervers sur le volume de la demande d’asile en France.
Les clandestins sont nombreux dans notre pays à ne pas avoir fait de demande d’asile. Décider, pour le seul territoire français, de prendre des mesures d’admission de l’examen de la demande d’asile, ce serait contraire aux accords de Dublin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Xavier Iacovelli. Mais non !
M. Jean-Yves Leconte. Relisez notre proposition !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. De mon point de vue, c’est une responsabilité que, en aucun cas, nous ne devons prendre.
Je voudrais rappeler, notamment à vous, chers collègues du groupe socialiste, que la France a accepté, voilà quelques années, un objectif en matière de relocalisation des demandeurs d’asile, pour soulager les pays sur les territoires desquels ils arrivaient par centaines de milliers.
L’objectif était d’ailleurs bien modeste, puisque, sur les 160 000 relocalisations acceptées au niveau de l’Union européenne, la France, généreusement, a proposé la relocalisation de 6 000 demandeurs d’asile. Et encore cet objectif a-t-il rapidement paru nettement excessif au précédent gouvernement, car il n’a été réalisé qu’aux deux tiers, ce qui représentait environ 4 000 personnes.
Notre collègue David Assouline, avec des accents de sincérité qui m’ont ému, a mis en garde tout à l’heure contre « l’hypocrisie » qui présiderait à certaines réponses. Je voudrais lui dire et vous dire, à vous mes chers collègues qui vous êtes exprimés en mettant en avant un devoir de solidarité avec beaucoup de vigueur, que l’on ne voyait pas, à l’époque où vous étiez vous-mêmes solidaires de l’action gouvernementale, cette même solidarité se manifester avec une telle intensité.
M. Xavier Iacovelli. Relisez les débats de l’époque !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Quelle libération de votre parole depuis quelques mois ! Quel soulagement sans doute, pour vous, de pouvoir enfin vous exprimer librement ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Xavier Iacovelli. Vous, vous êtes constants…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La générosité semble vous revenir maintenant que vous n’avez plus à en assumer les conséquences. Eh bien, moi, je vous le dis : responsable un jour, responsable toujours !
Mme Esther Benbassa. Oh !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Revenez sur les chemins de la responsabilité. C’est ainsi, sans doute, que vous pourrez reconquérir une certaine crédibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)