Mme Françoise Cartron. Bien !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La situation de l’immeuble Le Signal en Gironde est, au-delà de son caractère symbolique, au cœur de nos préoccupations : je partage avec vous le souci et l’exigence de trouver au plus vite une réponse équilibrée afin de mettre un terme à cette situation, qui est, il est vrai, comme vous l’avez souligné, très difficile pour certains des copropriétaires.
Le ministre d’État a également eu l’occasion d’exprimer sa préoccupation sur cette question et sa volonté d’identifier rapidement des solutions pratiques pour cette situation spécifique et particulière. Aussi, je veux vous assurer que l’État va rapidement – quand je dis rapidement, je veux dire d’ici à la fin de l’année – …
Mme Françoise Cartron. Ah ! Acceptez ce texte, alors !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. … prendre sa part dans la résolution de cette situation. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Nous avons d’ores et déjà demandé au préfet de région d’organiser des opérations de désamiantage de l’immeuble pour prévenir, sans attendre, les risques pour la santé publique et l’environnement. Vous pouvez aisément l’imaginer, si l’immeuble venait à s’effondrer, l’amiante contaminerait tout l’environnement. Il est en effet impératif d’agir vite sur cette question, et je sais par ailleurs que vous partagez ici la nécessité d’avoir une approche globale en faveur d’une gestion intégrée du trait de côte.
D’aucuns pensent peut-être qu’elle pourra intervenir dans un second temps, après avoir réglé la situation des copropriétaires du Signal. Pour ma part, je considère que la question de l’indemnisation ne peut pas être traitée indépendamment.
Mme Françoise Cartron. Ben voilà !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Elle doit faire partie d’un tout : il faut régler la question de l’acquisition de l’immeuble pour pouvoir le détruire et apporter aux autres territoires l’ensemble des outils nécessaires à la transformation de nos littoraux. Cela suppose que les collectivités intéressées soient parties prenantes des décisions prises à court et long termes.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur la proposition de loi qui nous est aujourd’hui présentée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc s’exclame également.)
Nous entendons travailler…
Mme Françoise Cartron. Vous reculez !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous ne reculons pas ! Bien au contraire, madame la sénatrice. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, seule Mme la secrétaire d’État a la parole !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Nous entendons travailler avec l’ensemble des parlementaires sur un texte de loi plus complet et plus ambitieux. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Éric Jeansannetas. Quand ?
Mme Françoise Cartron. Ben voyons ! Cela s’appelle « noyer le poisson » !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Je vois l’intérêt que ce texte suscite ici et je me réjouis de pouvoir travailler avec vous parce que nous ne pouvons pas avoir en France plusieurs Signal ; ce n’est pas possible.
Mme Françoise Cartron. Il n’y en a qu’un !
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Il y en a déjà eu un de trop ! Nous voulons éviter de telles situations, et c’est pour cette raison qu’il faut avoir le courage d’une approche large et intégrée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Daniel Laurent proteste également.)
Celui-ci devrait nous permettre d’atteindre dans les meilleurs délais l’objectif ciblé et légitime que nous défendons tous, à l’instar de Mmes les sénatrices Cartron et Tocqueville.
Je vous remercie de votre attention et me réjouis de discuter et d’avancer prochainement avec l’ensemble d’entre vous sur ces questions-là. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dennemont.
M. Michel Dennemont. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, en début d’année, nous avions discuté en ce lieu d’une proposition de loi tendant en partie à réviser la loi Littoral, dans une perspective globale d’aménagement des territoires littoraux.
Beaucoup d’entre nous dans l’hémicycle avaient peur d’ouvrir la boîte de Pandore : les avantages d’un tel assouplissement auraient pu avoir des effets pervers.
Nous étions tous d’accord pour reconnaître le bienfait de la loi Littoral, mais nous ne placions pas le curseur au même endroit. Il est nécessaire de lever les blocages, mais pas à n’importe quel prix ni dans n’importe quel cadre.
Néanmoins, si l’article 9 nous opposait, l’article 3 faisait plutôt consensus : il s’agissait de résoudre la situation des propriétaires de l’immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer.
La question du recul du trait de côte ne fera peut-être pas la une des journaux, pourtant cette problématique, au-delà de Soulac-sur-Mer, concerne aujourd’hui beaucoup de monde, et elle en concernera encore beaucoup plus demain.
Rappelons qu’un Français sur dix vit sur le littoral et que les départements d’outre-mer comptent près de cent dix communes littorales.
Pour bien comprendre les enjeux de la question du recul du trait de côte, il faut avoir en tête deux choses que l’on ne connaissait pas il y a trente ans au moment de la loi Littoral. Premièrement, l’érosion connaît des phases d’accélération dues au réchauffement climatique dont nous sommes responsables. Deuxièmement, l’érosion est moins prévisible qu’on ne le pensait : sa survenue s’apparente parfois à une catastrophe naturelle.
Vous le savez, mes chers collègues, nous ne pouvons pas faire des lois pour régler chaque cas particulier. Mais nous ne pouvons pas non plus, au motif de chercher des dispositifs élaborés et globaux mais qui mettent plusieurs années à être opérationnels, refuser de regarder en face les situations dramatiques que vivent nos concitoyens. L’équilibre entre la hauteur de vues et la réalité concrète, avec ses souffrances réelles, est parfois précaire.
Aussi, mes chers collègues, mon groupe soutient avant tout une réflexion globale et collective sur les enjeux liés au littoral. Nous devons en priorité développer une culture de la prévention qui anticipe les risques liés au dérèglement climatique. Mais, considérant que la problématique du trait de côte se présente sous un jour que ne pouvait pas encore connaître le législateur au moment du vote de la loi Littoral, considérant que la dimension de catastrophe naturelle liée à l’accélération de l’érosion justifie la mobilisation du fonds Barnier et, enfin, considérant que la situation de l’immeuble Le Signal n’a que trop durer, le groupe La République En Marche – je vais vous étonner, mes chers collègues ! – votera en faveur de ce texte. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le groupe socialiste et républicain de cette initiative, qui vise à mettre en place un régime transitoire d’indemnisation pour les interdictions d’habitation résultant d’un risque de recul du trait de côte.
Il s’agit de la troisième tentative avec, notamment, l’adoption en première lecture par notre assemblée, le 30 janvier dernier, de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, qui restera a priori sans suite.
Il y a urgence, madame la secrétaire d’État, et c’est la responsabilité de l’État de trouver une solution concrète à cette situation. Réglons d’abord ce problème et – chiche ! – comme vous l’avez dit, travaillons sur un texte plus vaste.
Il est essentiel de gommer aujourd’hui cet angle mort du dispositif de prévention des risques naturels majeurs. Rappelons que l’État a autorisé et supervisé la construction d’un immeuble sur une zone où le risque n’était pas inenvisageable. Pire, le droit censé protéger les citoyens est ici lacunaire, l’érosion dunaire n’étant pas prise en compte au titre des risques naturels indemnisés par le fonds Barnier.
Ainsi délogés sans indemnisation et après plusieurs années de procédures judiciaires au cours desquelles ils ont épuisé tous les recours, ces hommes et ces femmes se sentent abandonnés par les pouvoirs publics. Il est de notre rôle de législateur de régler ce problème et de débloquer une indemnisation légitime et de bon sens. Nous sommes ainsi favorables à cette proposition de loi.
Par ailleurs, ce cas d’espèce nous rappelle l’importance de la loi Littoral quant à l’aménagement de nos côtes. Nous ne pouvons plus nier le recul du trait de côte et déléguer la gestion de son impact aux générations futures. Une réflexion aurait été nécessaire sur les possibilités d’urbanisation dans des zones aussi proches du littoral et leur relocalisation sans pour autant défigurer les terres par une urbanisation discontinue et consommatrice de terrains agricoles ou naturels.
Cela doit également nous interpeller sur l’ensemble des situations similaires présentes tout le long de notre façade maritime. Il nous faut envisager un mécanisme d’indemnisation plus large, par équité envers les autres citoyens lésés par le recul du trait de côte.
Progressivement, les missions du fonds Barnier sont élargies, mais les moyens de ce dernier sont réduits chaque année. La loi de finances pour 2018 a également prévu le plafonnement de la taxe dévolue au fonds Barnier à hauteur de 137 millions d’euros, réaffectant ainsi près de 90 millions au budget général. Ce montant est très inférieur aux dépenses constatées ces dernières années, équivalant à 178 millions d’euros. De manière plus générale, le budget consacré aux risques hydrauliques et naturels est en constante régression.
À ce titre, la discussion de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux avait donné lieu à une discussion intéressante qu’il faudra reprendre rapidement, car la situation est urgente : en cinquante ans, le territoire français a rétréci de 2 600 hectares, l’équivalent de 3 600 terrains de football, témoin concret de l’ampleur et de la gravité du réchauffement climatique, qui est bien un défi d’aujourd’hui et non de demain.
Au-delà de ces aspects plus généraux, nous proposons de voter en faveur de ce texte et espérons vivement que ce travail parlementaire puisse aller à son terme. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Jean-Noël Guérini. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, c’est aujourd’hui la troisième fois que nous examinons dans cette assemblée un texte permettant de réparer l’injustice que connaissent les habitants de l’immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer.
Je tiens à remercier ma collègue Françoise Cartron, à l’origine de cette proposition de loi, et la rapporteur Nelly Tocqueville pour leur persévérance en faveur de la résolution de cette situation qui n’a que trop duré.
Ce texte entend en effet répondre à une urgence, alors même que la situation de l’immeuble Le Signal et de ses copropriétaires nous est désormais familière.
Lors de sa construction, en 1967, cet immeuble était éloigné de l’océan de plus de 200 mètres. Aujourd’hui, de tempête en tempête, le trait de côte n’est plus qu’à quelques mètres.
Depuis 2014, les habitants ne peuvent plus occuper les lieux, mais aucun dispositif d’expropriation permettant leur indemnisation n’a pu être mis en œuvre. Nous regrettons tous cet état de fait et les difficultés dans lesquelles se trouvent les copropriétaires.
Le Sénat a déjà voté deux propositions de loi intégrant une disposition en réponse à cette situation. Cela a permis de mettre en évidence un consensus sur la mise en place d’un régime transitoire d’indemnisation pour les interdictions d’habitation résultant d’un risque du recul du trait de côte. De plus, la commission des lois avait apporté des modifications au texte initial afin d’éviter que l’équilibre financier du fonds Barnier ne soit remis en cause, et je le salue de nouveau.
Or, malgré ce consensus et l’importance des enjeux, la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux reste inexplicablement bloquée par la majorité de l’Assemblée nationale. La mer monte, la plage disparaît, mais le texte, lui, pendant ce temps, s’ensable.
C’est donc pour cesser de perdre un temps précieux que l’article 3 de cette proposition de loi, initiée par notre collègue Michel Vaspart, est ici intégralement repris.
Par ailleurs, les études du Cerema, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, montrent que de plus en plus d’habitations seront touchées par ce phénomène, et l’indemnisation des propriétaires sera au cœur du problème. N’en déplaise aux sceptiques, le changement climatique est une réalité d’ores et déjà visible.
La montée du niveau des océans ainsi que l’aggravation de la fréquence et de l’intensité des tempêtes qui en résultent auront un impact important sur nos côtes. Il est donc temps de se saisir de ces problèmes et d’y apporter au plus tôt une réponse appropriée.
Mes chers collègues, le groupe UC votera cette proposition de loi, car celle-ci répond à un problème urgent, tout en étant symptomatique des effets de politiques d’aménagement du littoral que nous ne pouvons plus tolérer. Souhaitons que nos collègues du Palais-Bourbon, enfin sensibles à la détresse matérielle et humaine des habitants de l’immeuble Le Signal comme à la prégnance des enjeux auxquels font face les espaces littoraux, adoptent au plus vite cette proposition de loi, mais aussi celle dont elle est issue. Nos concitoyens, nos paysages et notre économie le méritent. Alain Cazabonne, sénateur du groupe Union Centriste, compte d’ailleurs évidemment sur une large adoption de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, je ne surprendrai probablement personne en disant que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera évidemment ce texte, car il vient en soutien de la proposition de notre collègue et des explications de Mme la rapporteur qui a très bien rappelé la situation. La plupart des groupes qui se sont prononcés depuis le début de la discussion générale vont dans ce sens ; nous sommes donc tout à fait solidaires de cette position.
Je suis moi-même issu d’un département littoral qui souffre de l’érosion, dans des conditions dont l’État ne se soucie pas toujours à la juste mesure. La mer a envahi il y a vingt-cinq ans notre littoral dans la partie que l’on appelle « le hâble de Ault » : la mer attaque les falaises de Ault et plusieurs rues de Ault-Onival, qui est une station balnéaire, ont dû être interdites à l’habitation. Ce sont donc des sujets que nous connaissons bien.
Par ailleurs, j’avais suivi avec beaucoup d’intérêt – le président avait bien voulu m’y déléguer au nom de l’ANEL, l’Association nationale des élus du littoral – les travaux menés par le groupe de travail mis en place par le Gouvernement à la suite des propositions de Pascale Got et Chantal Berthelot. Ce groupe de travail avait choisi un certain nombre de sites pilotes, dont la station balnéaire de Ault, une autre située sur le littoral méditerranéen et celle de Soulac-sur-Mer. Nous avons travaillé sur ce sujet depuis cinq ans au moins.
Madame la secrétaire d’État, quand vous dites que le Gouvernement va prendre ce sujet à bras-le-corps pour le résoudre d’ici à la fin de l’année, je suis tenté de vous croire – j’espère que c’est exact –, mais j’ai entendu tant d’autres ministres tenir de tels propos dans d’autres circonstances et depuis tant d’années… Comme on disait autrefois dans nos campagnes, chat échaudé craint l’eau…
M. Jean-Paul Émorine. Froide !
M. Jérôme Bignon. En effet!
Aussi, j’aimerais voir l’engagement du Gouvernement tenu.
Honnêtement, ce problème est beaucoup plus vaste que celui que rencontrent les habitants de Soulac-sur-Mer. Mais ce qu’ils vivent est humainement intolérable. On ne peut pas laisser ces habitants seuls ; il ne s’agit pas de riches citoyens habitant dans d’énormes propriétés au bord de la mer qui perdraient quelques mètres carrés. Ces gens ont économisé, investi, construit une partie de leur vie patrimoniale et de leur retraite. Certains font des dépressions, d’autres sont malades, meurent. Cette situation est quasiment inhumaine. On sait bien que la mer monte, on ne le sait pas depuis quarante-huit heures ! La France a été à l’initiative de la COP21 : l’un des arguments majeurs avancés par les climatologues, c’est l’augmentation du niveau de la mer. Mais on fait comme si elle ne montait pas. Ils nous disent : « Résolvez les problèmes »,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jérôme Bignon. … mais on ne les résout pas !
Aujourd’hui, nous voterons évidemment cette proposition et nous attendons résolument et avec attention, peut-être même avec une certaine exigence, madame la secrétaire d’État, que les engagements que vous avez pris devant nous cet après-midi soient tenus dans les meilleurs délais, dans l’intérêt des populations et de tous ceux qui, sur le littoral, sont dans la même situation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, en deux ans, c’est la troisième proposition de loi que nous examinons ayant pour objet d’utiliser le fonds Barnier afin de résoudre le problème de l’immeuble Le Signal.
Alors que des textes plus généraux sont encore dans les tuyaux de la machinerie législative, mais risquent fort de ne pas aboutir pour cause d’ouverture de la boîte de Pandore de la loi Littoral, le texte présenté ce jour a le mérite de se limiter au Signal : cette fois-ci, c’est clair. Le sujet est délimité, mais il ouvre évidemment le dossier plus général du risque de recul du trait de côte, avec ses conséquences sur les biens bâtis au bord d’une dune sableuse. Permettez-moi de rappeler que la dune peut bouger même si le niveau de la mer n’augmente pas ; les dunes ont aussi leur propre mécanique.
Répondant à l’urgence aujourd’hui médiatisée de la perte des économies de ces propriétaires d’appartements avec vue imprenable sur la mer, ce texte prévoit de créer un usage dérogatoire du fonds Barnier pour que les copropriétaires concernés puissent bénéficier d’une indemnisation de leurs biens à hauteur de 75 % de leur valeur.
Cela a été beaucoup dit, ces propriétaires qui se trouvent dans une situation inextricable connaissent une vraie détresse.
On a ici un débat assez théorique, mais il faut peut-être tout simplement reconnaître la responsabilité de l’État dans la délivrance du permis de construire. (Mme Françoise Cartron opine.)
Plutôt que d’avoir un débat très général, on devrait peut-être simplement se dire que l’État n’aurait pas dû délivrer ces permis de construire ; on aurait pu régler le problème ainsi. Tel n’a pas été le choix opéré. On en revient à un dispositif législatif, alors que l’affaire est encore actuellement pendante devant le Conseil d’État, qui se prononcera en juin.
Ce texte risque donc d’être adopté ici avant la décision de justice et celle-ci pourra sans doute recréer aussi de l’inconstitutionnalité. Il faut en être conscient, le dispositif proposé aujourd’hui reste tout à fait fragile et, ainsi que l’a relevé Mme la secrétaire d’État, ne serait pas juste.
Quoi qu’il en soit, cet exemple nous montre très clairement à quel point il faudra être prudent à l’avenir dans la gestion de l’urbanisme littoral. Il conviendra de se méfier des dispositifs temporaires, comme la création de zones constructibles potentiellement concernées par la montée des eaux et le risque de recul du trait de côte, ce que nous avions appelé les ZART, les zones d’activité résiliente et temporaire, que nous avions examinées au mois de janvier dernier – le législateur avait fait preuve là d’une très grande imagination.
Mal gérées, les ZART – elles ne font plus du tout partie, me semble-t-il, des projets du Gouvernement – pourraient conduire à ce que nous nous retrouvions avec sur les bras nombre d’immeubles similaires à celui du Signal.
Considérant que cette proposition de loi offre les garanties nécessaires à une application très circonscrite du fonds Barnier au cas de l’immeuble Le Signal, une majorité du groupe du RDSE votera ce texte, alors que l’autre partie du groupe – c’est aussi légitime – considérant qu’il pose trop de problèmes juridiques, ce cas particulier risquant de constituer une rupture d’égalité devant la loi, préférera s’abstenir. (M. Claude Bérit-Débat sourit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vaspart. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit cet après-midi appelle – enfin ! – une réponse du Gouvernement, alors qu’il est sollicité pour la troisième fois sur l’éligibilité de l’indemnisation du recul du trait de côte au titre du fonds Barnier.
Mes collègues Françoise Cartron, auteur de la présente proposition de loi, et Nelly Tocqueville, rapporteur, ont parfaitement restitué le contexte avant moi : il s’agit de traiter le cas particulier des propriétaires de l’immeuble Le Signal construit à Soulac-sur-Mer, en Gironde, dans les années soixante-dix, impactés par une interdiction définitive d’habiter ou d’occuper les lieux prise en raison de l’érosion du trait de côte, tant et si bien que l’immeuble est devenu inhabitable depuis de nombreuses années déjà, sans qu’ils aient été expropriés ni indemnisés, comme cela a été répété.
Je ne voudrais pas redire ce que mes collègues ont déjà exprimé aujourd’hui, et ce qui avait été déjà dit lors de l’examen de deux précédentes propositions de loi : la proposition de loi sur le recul du trait de côte présentée par Pascale Got et la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, que j’ai déposée avec mes collègues Retailleau et Bas et qui fut largement adoptée par le Sénat en séance publique en janvier dernier.
Merci, madame la secrétaire d’État, d’avoir enfin reconnu qu’il s’agit d’un sujet stratégique : cela fait déjà plusieurs années que nous le disons au Sénat !
La proposition de loi de Françoise Cartron reprend à l’identique l’article consacré au Signal.
Les mois passent, et les propriétaires, pour la plupart de modestes retraités, attendent désormais seulement, si j’ose dire, une indemnisation.
Face à cette situation, vous nous avez opposé un refus en janvier, en nous disant que l’érosion dunaire n’entrait pas dans le champ d’application de l’article L. 561–1 du code de l’environnement.
Il est par ailleurs pris acte du sort de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par le Conseil d’État, et rejetée par le Conseil constitutionnel le 6 avril dernier. Comme cela vient d’être rappelé, le Conseil d’État doit se prononcer sur le fond en juin.
Le Gouvernement dira qu’il faut attendre juin, voire la fin d’année, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, ou bien encore d’attendre le lancement des travaux d’un groupe de travail sur l’érosion du trait de côte, que vous avez vous-même annoncé en janvier dernier, groupe de travail au sujet duquel on attend encore d’être sollicité…
Certes, la création de ce groupe de travail sera peut-être un progrès puisque le recul du trait de côte est général : il appelle une réflexion globale et des solutions de principe et pérennes de façon à anticiper ces difficultés pour les propriétaires, les élus et les professionnels de la mer.
Mais s’agissant du cas particulier de l’immeuble Le Signal, vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, qu’il ne soit pas possible d’attendre. C’est d’ailleurs à l’unanimité que la commission a adopté ce texte le 18 avril dernier, afin de prévoir ce cas éligible au fonds Barnier.
J’y suis personnellement plus que favorable et je soutiens fortement cette proposition de loi discutée dans la niche réservée au groupe socialiste et républicain.
Il est des sujets, madame la secrétaire d’État, qui transcendent et qui devraient transcender les clivages politiques, et c’en est un. Plus généralement, la plupart des sujets qui touchent au littoral échappent aux clivages politiques, alors que certains veulent souvent, de mauvaise foi, opposer les protecteurs du littoral et les autres, ce qui finit par être insupportable.
Cependant, le Gouvernement le sait bien, ainsi que les sénateurs, qui représentent les élus locaux, ces élus locaux placés dans des situations inextricables du fait de l’interprétation jurisprudentielle fluctuante de la loi Littoral de 1986 appartiennent à tous les bords politiques. C’est un message que je m’efforce de faire passer depuis mon élection au Sénat en 2014.
Les élus locaux du littoral comme les associations de propriétaires dans ce domaine ne font pas de politique, ils sont pragmatiques : il n’est pas question de porter atteinte à l’environnement, il est seulement question, si j’ose dire, de trouver des solutions pragmatiques utiles à nos concitoyens et aux élus qui les représentent, sans dogmatisme. Et j’aimerais bien que le ministre, les secrétaires d’État et les hauts fonctionnaires du ministère soient dans le même état d’esprit.
Vendredi dernier encore, je me suis rendu à Plestin-les-Grèves, dans mon département des Côtes-d’Armor, sollicité par une famille sommée de détruire sa maison, alors qu’elle détient pourtant un permis de construire en bonne et due forme, une maison écologique à énergie positive construite dans une dent creuse. J’ajoute que la mairie s’est vu refuser l’extension de sa zone d’activité, alors qu’elle est en continuité de celle qui existe déjà. Nous allons là au-delà de la loi de 1986.
Excès de zèle ou parapluie inutile ? Madame la secrétaire d’État, cela n’est plus supportable et les élus locaux ne le supportent plus. Aujourd’hui, si le Gouvernement continue de faire la sourde oreille, ce sera non pas une erreur, mais une faute impardonnable.
Sur tous ces points, la position du Gouvernement doit être clarifiée, pour que chacun soit au clair et prenne ses responsabilités. Comment comprendre la remise à plus tard et la création de groupes de travail, alors que le travail a été fait par les représentants du peuple, notamment par le Sénat ?
Pour en revenir au Signal, je voterai cette proposition de loi sans aucune réserve, et c’est aussi la position de mes collègues du groupe Les Républicains.
Les propriétaires du Signal ne peuvent plus attendre. J’aimerais vous convaincre aussi de l’urgence à ouvrir clairement le sujet de la clarification de la jurisprudence sur la loi Littoral, en lien avec notre droit de l’urbanisme. La discussion à venir du projet de loi ÉLAN, le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, peut être l’occasion de clarifications. Je le propose, je le souhaite, je l’espère et je vous en conjure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain. – MM. Michel Dennemont et Jean-Noël Guérini applaudissent également.)