Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je m’efforcerai d’être particulièrement bref, puisque, comme vous le savez, ce débat s’inscrit dans une niche parlementaire d’une durée limitée à quatre heures. Or j’entends bien, avec votre concours, faire enfin adopter cette proposition de loi, dont le parcours a été pour le moins chaotique, comme vient de le rappeler son auteur, Thani Mohamed Soilihi.
De fait, déposée en 2014, la proposition de loi a été examinée en commission en 2016, malheureusement sans suite à l’époque. C’est ainsi que nous réexaminons, en 2018, un texte qui sera voté, je l’espère, plus de quatre ans après son dépôt.
Un tel parcours, chaotique pour le moins, me paraît regrettable, car le texte comporte, depuis l’origine, un certain nombre de mesures de simplification utiles et attendues par nos entreprises. Je remercie donc le groupe La République En Marche d’en avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour du Sénat cet après-midi.
Je veux aussi saluer l’inspiration et la ténacité de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, auteur de la proposition de loi. Il aura fallu du temps, mon cher collègue, mais j’espère que, ensemble, nous aurons pu mener ce texte à bonne fin !
Pour avoir été tous deux, au cours des dernières années, rapporteurs de lois de simplification concernant la vie des entreprises, nous avons, l’un comme l’autre, constaté combien elles sont loin d’épuiser le champ de la simplification. Les suggestions supplémentaires de simplification sont toujours nombreuses, et même de plus en plus, et il nous est naturellement difficile de les satisfaire toutes.
En dépit des discours répétés en faveur de la simplification et de l’allégement des charges administratives des entreprises, nous nous sommes rendu compte qu’il n’est pas simple de simplifier, compte tenu de la surcharge de l’ordre du jour législatif. Simplifier est un travail ingrat, minutieux, peu visible politiquement et peu prioritaire. Il suffit, mes chers collègues, de voir l’affluence dans notre hémicycle… Le sort réservé à cette proposition de loi jusqu’à présent l’illustre parfaitement.
Certes, un certain nombre de dispositions de la proposition de loi ont été reprises par d’autres textes depuis que nous l’avons examinée en commission, en juin 2016, en particulier par la loi du 9 décembre 2016, dite Sapin II, et par plusieurs ordonnances de mai et juillet 2017, prises, pour la plupart, sur la base d’habilitations figurant dans la loi précitée.
Le Sénat avait justement introduit les mesures de cette proposition de loi dans le projet de loi dont est issue la loi Sapin II, mais, pour l’essentiel, l’Assemblée nationale n’en a pas voulu à l’époque. Je le regrette, car nous aurions pu, je pense, gagner du temps et simplifier encore plus vite la vie de nos entreprises.
Dans ces conditions, nous devons aujourd’hui toiletter ce texte, pour en retirer les dispositions qui n’ont plus lieu d’être, ou simplement pour en corriger ou en actualiser d’autres. Tel est le sens des amendements que j’ai déposés.
Sans m’étendre sur le contenu de la proposition de loi, j’en citerai quelques mesures, toujours d’actualité et très attendues par les entreprises et tous les praticiens : les modalités d’octroi de garanties à une filiale contrôlée, le décompte des abstentions dans les assemblées générales, l’assouplissement des « fenêtres négatives » en matière d’attribution de stock-options et de cession d’actions gratuites.
Au total, ce texte comporte une cinquantaine de mesures de simplification, certes d’importance variable, mais toutes utiles.
Notre collègue Thani Mohamed Soilihi a déposé quatre amendements qu’il vient de présenter. Il m’a annoncé qu’il ne les défendrait pas dans la discussion des articles, ce qui nous permettra de gagner du temps ; vous avez compris que nous travaillons dans l’urgence.
Ces quatre amendements très importants visent à ajouter au texte de nouvelles mesures de simplification. La commission s’y est déclarée favorable, et je m’en réjouis. Il s’agit de rendre enfin opérationnelle la possibilité de réunir de façon dématérialisée – nous sommes en 2018 ! – l’assemblée générale des sociétés non cotées, mais aussi de favoriser l’investissement dans les petites et moyennes entreprises, comme l’a expliqué M. Mohamed Soilihi, en assouplissant les règles de rachat des actions des sociétés non cotées et en modernisant le régime des actions de préférence.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi démontre que l’initiative parlementaire authentique – nous nous sommes efforcés qu’elle le soit – peut prendre sa part de l’œuvre de simplification du droit, secteur par secteur, loin de la méthode fourre-tout de certaines lois de simplification passées dont je ne citerai pas l’auteur, et que notre ancien collègue Bernard Saugey avait qualifiées d’« assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence »… Comme c’est bien dit !
Dans nos commissions permanentes, mes chers collègues, nous pouvons faire ce travail et passer au crible un pan complet du droit pour en retirer une série de mesures de simplification sectorielles, ciblées et évaluées. C’est ce que M. Mohamed Soilihi a voulu faire, et je m’en félicite. Encore faut-il, bien sûr, que de tels travaux puissent aboutir en séance publique. Tel est le cas cet après-midi, et c’est tant mieux.
Dès lors, monsieur le ministre, alors que vous allez bientôt présenter le projet de loi pour un plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, nous comptons sur vous – je me permets de compter sur vous – pour que cette excellente initiative puisse suivre son cours devant l’Assemblée nationale. Le cas échéant, nous sommes disposés à introduire d’autres simplifications dans votre projet de loi, par voie d’amendement. En tout cas, au moment de l’examen de ce projet de loi, le Sénat pourra, comme cet après-midi, apporter sa contribution à l’œuvre de soutien au développement des entreprises, œuvre qui, je l’espère, nous réunit tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe La République En Marche. – Mme Sylvie Vermeillet et M. Jean-François Longeot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, quatre heures : nous avons quatre heures pour adopter la proposition de loi présentée par votre collègue Thani Mohamed Soilihi. Cela semblera peut-être très court à certains, mais je les mets en regard des quatre années qu’il a fallu attendre pour que, enfin, ce texte puisse être examiné en séance publique. J’espère – et c’est pourquoi je serai très bref – que nous parviendrons, en quatre heures, à rattraper les quatre années écoulées depuis le dépôt du texte.
Le 4 août 2014, monsieur Mohamed Soilihi, vous avez déposé cette proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce. Je le dis très simplement : elle est une nécessité absolue.
Tous ceux qui aiment nos petites et moyennes entreprises, nos très petites entreprises, nos commerçants, nos artisans, toutes nos petites entreprises et qui voient les obstacles auxquels ils sont confrontés en termes de complexité juridique savent qu’il faut simplifier le code de commerce.
Je tiens à saluer le travail accompli par le rapporteur, André Reichardt : en toilettant ce qui devait l’être, en retirant les articles qui n’avaient plus lieu d’être parce qu’ils avaient fait l’objet d’autres dispositions législatives depuis le 4 août 2014, il doit nous permettre de travailler vite cet après-midi.
Nous avons désormais un texte pertinent et actualisé par M. Reichardt. Il mérite un examen attentif, et j’espère qu’il pourra être adopté dans les quatre heures prévues.
Pourquoi cette simplification est-elle nécessaire ? Elle s’inscrit dans tout le travail de simplification de la vie des entreprises que nous menons avec le Premier ministre et le Président de la République.
Dans le projet de loi que je présenterai au printemps prochain – le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises –, il y aura la même idée-force de simplification de la vie des entrepreneurs. Ce sont ces entrepreneurs qui créeront les emplois dont nous avons besoin ; ce sont eux qui créeront les richesses et la prospérité dont nous avons besoin ; c’est à eux qu’il faut donner les moyens de développer leurs activités pour être concurrentiel par rapport à nos grands voisins et partenaires européens ; c’est à eux qu’il faut répondre quand ils disent que certains obstacles juridiques sont incompréhensibles et les empêchent de développer leur activité dans de bonnes conditions.
Comme l’a très bien dit le sénateur Thani Mohamed Soilihi voilà quelques instants, tout cela n’est absolument pas incompatible avec la valorisation des droits des salariés. Je pense au contraire – c’est d’ailleurs tout l’enjeu de ce texte comme du futur projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises – qu’il existe une véritable complémentarité entre la production et le partage :…
M. François Patriat. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. … c’est parce que nous produirons plus que nous pourrons partager davantage, et c’est parce que nous aurons permis à nos entreprises de grandir que les salariés pourront avoir une meilleure rémunération à la fin du mois. (M. François Patriat opine.)
Voilà notre objectif : faire en sorte que les salariés soient mieux récompensés, que le travail soit mieux récompensé, que le risque pris, aussi bien par les entrepreneurs que par les salariés eux-mêmes, soit davantage récompensé ! C’est pourquoi je remercie les sénateurs qui ont travaillé sur cette proposition de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas plus long. Comme l’a très bien dit André Reichardt, l’objectif est de développer les entreprises. Cet objectif dépasse les clivages partisans qui existent naturellement dans une assemblée démocratique : il doit nous rassembler, nous permettre d’avancer vite et, surtout, d’adopter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Yves Détraigne, Jean-Claude Requier et Stéphane Piednoir applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, rien n’est jamais trop simple dans l’existence. Nul doute que notre collègue Thani Mohamed Soilihi pourrait faire sienne cette réflexion près de trois ans et demi après avoir déposé le texte que nous examinons aujourd’hui. (M. Thani Mohamed Soilihi sourit.)
À l’origine, nous avions une proposition de loi sans enjeu politique majeur, fruit d’une analyse relativement précise d’un certain nombre de dispositions du code de commerce, dont l’objet était de pourchasser les dispositions devenues obsolètes au fur et à mesure de l’adoption de textes modifiant ce qui constitue tout de même l’un des éléments les plus complexes de notre droit, à savoir le droit des sociétés.
Au départ, nous étions face à un texte qui comprenait soixante articles. Un certain temps, et même un temps certain, s’est écoulé entre le dépôt de la proposition de loi et la publication du rapport au fond, à tel point que le texte s’est trouvé amputé d’une bonne vingtaine d’articles avant d’en regagner une douzaine pour les raisons les plus diverses.
Depuis le dépôt du rapport de notre collègue André Reichardt, la loi Sapin II du 9 décembre 2016 a assez substantiellement modifié une bonne partie des dispositions restantes puisque, selon nos relevés, ce sont treize des articles soumis à notre examen - rien de moins ! - qui sont susceptibles d’être supprimés sans nuire, loin de là, au contenu du texte. La loi Sapin II comprenait en outre un certain nombre de mesures habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, ce qui ajoute encore quelques articles à la liste de ceux qui sont appelés à disparaître.
De fait, plusieurs dispositions figurant dans cette proposition de loi sont reprises dans la lettre d’articles issus de l’une des ordonnances promulguées dans le courant de l’année 2017 et dans le droit fil de la loi Sapin II. Il s’agit plus précisément de l’ordonnance sur le commissariat aux comptes, issue de la loi Macron : celle-ci a été ratifiée et les articles de la proposition de loi qui y font référence n’ont de fait plus de raison d’être.
Par ailleurs, l’ordonnance n° 2017–80 du 26 janvier 2017 qui a repris les termes de l’article 60 de la proposition de loi sur la question très importante de la responsabilité environnementale des entreprises qui abandonnent un site soumis à la législation sur les installations classées est actuellement en instance.
Le sort d’autres dispositions est pendant à la ratification de l’ordonnance n° 2017–1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification et de clarification des obligations d’information à la charge des sociétés. On observera dans ce cas qu’il existait en parallèle une proposition de loi en attente d’examen et une ordonnance en instance de ratification qui cherchaient à atteindre un objectif similaire.
De notre point de vue, si l’on peut apprécier la teneur des articles de l’ordonnance portant sur le document de référence présenté aux actionnaires comme aux instances représentatives du personnel lors des assemblées générales ordinaires pour retracer la vie de l’entreprise sur l’exercice comptable, on ne peut en revanche pas tout à fait souscrire aux articles qui réduisent le rapport produit dans les petites et moyennes entreprises à un document pour le moins succinct.
Nous sommes également en présence de dispositions qui sont en instance d’être validées en cas de ratification de l’ordonnance n° 2017–747 du 4 mai 2017 portant diverses mesures facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés. Une telle ordonnance, qui n’est toujours pas ratifiée, autorise l’organisation d’assemblées générales par visioconférence et reconnaît, même de façon limitée, le droit aux actionnaires minoritaires de faire porter certaines questions à l’ordre du jour. Le projet de loi ratifiant cette ordonnance a été déposé sur le bureau du Sénat en octobre dernier sans jamais trouver sa place dans l’ordre du jour de notre assemblée, ce qui porte à déjà neuf mois la durée au cours de laquelle la législation est certes effective mais temporaire.
Au-delà d’un contenu qui ne nous semble poser problème que sur quelques points, nous nous trouvons avec cette proposition de loi face à une véritable démonstration des limites de la procédure législative telle qu’elle est pratiquée depuis de trop longues années. À l’origine, nous avions une proposition de loi presque anodine. Son examen a été sans cesse repoussé, ce qui l’a exposé au risque d’une caducité partielle ou totale. En définitive, son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée s’est révélée tardive, quarante-trois mois après le dépôt du texte originel !
Reconnaissons à notre collègue Thani Mohamed Soilihi le mérite d’avoir su faire preuve de patience ! (Sourires.) Cette longue attente a été marquée par l’adoption, au fil de textes divers, de dispositions reprenant tout ou partie du contenu de la proposition de loi initiale, le dépassant même dans certains cas. Sauf que le véhicule parfois choisi – celui de l’ordonnance – ne s’avère pas le meilleur !
Cerise sur le gâteau, si vous me permettez cette expression, certaines des mesures contenues dans le texte, d’une extrême simplicité au demeurant, n’ont pas été prises depuis son dépôt. Mes chers collègues, un tel traitement de l’initiative parlementaire me paraît justifier que nous nous interrogions sur le sens actuel de la démocratie représentative et les modalités d’exercice du pouvoir comme de la confection de la loi. En tant que présidente du groupe CRCE et organisatrice cette semaine même, au lendemain du coup de force mené contre l’initiative parlementaire, d’un colloque sur le sujet dans les locaux de notre Haute Assemblée, il m’était difficile de trouver meilleure illustration de la situation !
Pour conclure, tout en reconnaissant le bon travail de la commission, nous estimons que ce texte ne s’attaque pas aux vrais enjeux et ne permet pas une évolution du code de commerce synonyme de progrès. C’est pourquoi nous nous abstiendrons tout en faisant en sorte, monsieur Mohamed Soilihi, que ce texte puisse être mis aux voix dans les délais impartis pour son examen ! (MM. Pierre-Yves Collombat, Thani Mohamed Soilihi et François Patriat applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne. (Mme Sylvie Vermeillet et M. Jean-François Longeot applaudissent.)
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de simplification de la vie des entreprises, aujourd’hui de plus en plus partagé, peut être atteint par le biais de divers leviers, qu’il s’agisse du droit du travail, du droit fiscal ou du droit social.
L’actualisation du code de commerce en fait également partie : de nombreuses contraintes, inutilement lourdes et complexes, pèsent en effet sur les sociétés, auxquelles viennent s’ajouter des obligations parfois ambiguës, incohérentes, voire obsolètes.
En conséquence, c’est un sentiment d’insécurité juridique qui prédomine pour une partie des sociétés françaises. Il était donc absolument nécessaire de s’atteler à une clarification et une actualisation de notre code de commerce. Ce vaste chantier de simplification a été ouvert il y a quelques années déjà par l’adoption, d’une part, de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et, d’autre part, de la loi du 10 mai 2016 ratifiant l’ordonnance n° 2015–1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, deux textes dont vous avez été le rapporteur, monsieur Reichardt.
C’est dans la continuité de ces avancées législatives que s’inscrit la présente proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du code de commerce, texte qui ne comprend pas moins de cinquante mesures.
Si l’on aurait pu craindre un texte fourre-tout au premier abord, nous nous réjouissons de voir que son auteur a évité cet écueil, puisque la plupart des mesures ont été circonscrites au champ du droit des sociétés.
Monsieur Mohamed Soilihi, cher collègue, vous avez su mettre à profit les travaux que vous aviez précédemment menés en tant que rapporteur de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Les besoins de ces dernières ont été cernés avec acuité, et le travail que vous avez accompli saura sans nul doute combler leurs attentes.
Je profite d’ailleurs du temps qui m’est accordé pour saluer l’initiative de nos collègues du groupe La République En Marche, qui ont déposé un amendement visant à ratifier quatre ordonnances prises en 2017 dans le domaine du droit des sociétés. Dans la mesure où les dispositions de ces ordonnances rejoignent celles de la proposition de loi sur plusieurs points, cette ratification nous paraît tout à fait opportune.
J’en viens plus précisément au contenu de la proposition de loi. Bien entendu, je ne pourrai revenir que sur une partie des mesures proposées, mais j’insiste sur le fait qu’elles nous semblent toutes frappées au coin du bon sens. Certaines portent sur les fonds de commerce, et visent à en simplifier les formalités de cession et les conditions de mise en location-gérance. D’autres concernent les commissaires aux comptes et prévoient d’assouplir certaines règles d’incompatibilité ou de secret professionnel.
Néanmoins, le cœur du texte a trait à la simplification du droit des sociétés, que ces dernières soient de nature civile ou commerciale. Des incohérences sont supprimées, à l’image de l’impossibilité actuelle d’annuler une décision des associés de SARL – ou société à responsabilité limitée – prise en violation des règles de délibération. Certaines règles de fonctionnement des sociétés sont également assouplies, puisqu’il est question de dématérialiser la tenue des assemblées générales des sociétés anonymes, en utilisant par exemple les outils de visioconférence et de télécommunication.
Enfin, certaines procédures lourdes et complexes sont allégées. Je souhaiterais revenir à cet égard sur le contenu de l’article 18, dont les dispositions visent à faciliter les conditions d’octroi de cautions, d’avals et de garanties par une société mère à ses filiales. Rappelons qu’en l’état du droit ces cautions, avals et garanties consentis par des sociétés autres que des sociétés exploitant des établissements bancaires ou financiers doivent avoir reçu l’autorisation du conseil de surveillance ou d’administration, et c’est ce même conseil qui va ensuite fixer le montant et la durée de l’autorisation.
Il s’agit donc d’une procédure relativement lourde, qui nécessite la réunion du conseil à chaque demande d’autorisation. Cette procédure entraîne par ailleurs une forte insécurité juridique pour nos sociétés en raison des incertitudes sur les montants autorisés. Cette situation est d’autant plus problématique que les sociétés sont aujourd’hui fréquemment amenées à apporter leur garantie à l’une de leurs filiales, en particulier pour des opérations conduites dans le cadre de marchés publics internationaux, qui requièrent parfois des capacités financières dont les filiales ne disposent pas.
À l’aune de ces différents éléments, la proposition visant à autoriser l’octroi de la garantie par le conseil, sans limite de montant, sous la forme d’une garantie globale, permettra de sécuriser l’environnement juridique dans lequel évoluent les sociétés. Nous sommes donc face à une mesure certes technique, mais également pragmatique, dont on ne peut douter de l’utilité pour les entreprises.
Mes chers collègues, le groupe Union Centriste, vous l’avez compris, votera en faveur de ce texte, dont les mesures répondent aux attentes et aux besoins des entreprises. Nous espérons que le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, dont la simplification est l’une des thématiques, et que nous examinerons prochainement, sera à nouveau l’occasion d’envisager la simplification de certaines démarches pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-François Longeot, Joël Guerriau et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux à mon tour saluer l’initiative de Thani Mohamed Soilihi, ainsi que sa ténacité à vouloir faire adopter des dispositions qui sont assez techniques, mais qui sont utiles, à la fois parce qu’elles vont dans le sens de la simplification d’un certain nombre de procédures et parce que, tout simplement, elles favorisent le développement de notre vie économique. En effet, chaque fois que l’on peut réduire les lourdeurs, supprimer les pertes de temps, toutes les hésitations et, parfois, les renoncements qui résultent d’une complexité inutile, on va dans le bon sens !
Les mesures que vous proposez sont assurément positives. Je vais simplement mettre l’accent sur certaines d’entre elles.
S’agissant des fonds de commerce, la mesure qui tend à supprimer les informations qui doivent être mentionnées par le cédant dans tout acte de cession amiable d’un fonds en abrogeant l’article L. 141–1 du code de commerce est très utile. De même, l’idée d’encourager le recours au régime de la location-gérance des fonds de commerce en supprimant la condition selon laquelle le loueur doit avoir exploité le fonds pendant deux ans est nécessaire. Je regrette que l’Assemblée nationale se soit opposée à ces deux dispositions qui ont été présentées à la faveur d’autres textes.
S’agissant maintenant des sociétés civiles, je veux saluer les dispositions de l’article 10 bis qui permet la dématérialisation des formalités de cession de parts de société civile auprès du registre du commerce et des sociétés, à l’instar de ce qui a été fait pour les SARL. Là encore, il aurait été archaïque de continuer à vivre dans un contexte où cette dématérialisation n’aurait pas été possible : ce n’est vraiment pas conforme aux objectifs qui sont les nôtres !
Monsieur Mohamed Soilihi, je tiens à souligner la clarté avec laquelle vous prévoyez le remplacement du gérant d’une SARL placé en tutelle ou curatelle. S’agissant des sociétés anonymes, vous prévoyez la démission d’office du mandataire social placé lui aussi en tutelle ou curatelle. Je salue également la disposition qui vise à faciliter l’octroi de garanties par une société mère à ses filiales contrôlées.
S’agissant des sociétés anonymes, vous proposez une disposition qui met fin à une règle selon laquelle le vote d’abstention des actionnaires équivaut à un vote négatif, procédure qui peut paraître incongrue aux parlementaires que nous sommes, puisque nous disposons ici de bulletins de vote de couleur bleue, blanche ou rouge nous permettant de distinguer les vote pour, contre ou d’abstention. Il était opportun de clarifier les choses sur ce point.
Je tiens également à saluer l’initiative qui offre la possibilité aux sociétés cotées de regrouper dans un document de référence unique l’ensemble des informations qu’elles sont légalement tenues de publier, comme le rapport de gestion du conseil, le rapport du président, les comptes annuels ou les données sociales et environnementales : que de papier ! Si l’on peut faire en sorte qu’il n’y ait plus qu’un seul document synthétique, franchement, qui s’en plaindra ?
De même, la proposition que vous faites d’autoriser la dématérialisation des assemblées générales ordinaires des actionnaires dans les sociétés non cotées va dans le bon sens.
Je suis en outre favorable à cette autre disposition qui permet d’assouplir les périodes d’interdiction d’attribution aux salariés de stock-options ou d’actions gratuites pour favoriser l’actionnariat des salariés : toutes les propositions qui permettent de mieux associer les salariés au devenir de leur entreprise vont dans le bon sens.
Enfin, monsieur Mohamed Soilihi, j’ai été particulièrement sensible au fait que vous proposiez une mesure qui facilitera les choses en étendant la norme professionnelle simplifiée de contrôle légal des comptes aux associations et autres entités du secteur non marchand lorsque le total de leur bilan, leurs ressources et le nombre de leurs salariés sont inférieurs à des seuils fixés par décret. Que l’on puisse aider les associations est une bonne chose, et je crois que personne ne s’en plaindra.
Mes chers collègues, je n’ai pas fait le compte exhaustif des dispositions figurant dans la proposition de loi – tous les intervenants ont de toute façon déjà été très éloquents – ni cité tous les apports dus à notre rapporteur André Reichardt, que je tiens à saluer, car il a contribué lui aussi à compléter le dispositif de ce texte.
En tout cas, j’ai le sentiment que cette proposition de loi témoigne d’un travail que je qualifierai – sans vouloir porter atteinte à la laïcité à laquelle nous sommes tous très attachés – de « bénédictin » (Sourires.) : en effet, notre collègue Thani Mohamed Soilihi se tenait là avec son code à étudier toutes les options possibles pour faciliter la vie de nos entreprises !
Les membres du groupe socialiste et républicain ne seront pas très nombreux dans l’hémicycle cet après-midi : pour dire la vérité, nous avions prévu de longue date un séminaire sur un sujet qui nous intéresse beaucoup, la future révision constitutionnelle, surtout dans cette période où le droit d’amendement est parfois contesté, dans des conditions qui nous choquent.
Monsieur le ministre, je le dis à cette tribune : j’ai été complètement abasourdi d’entendre dire qu’il était envisageable de contingenter le droit d’amendement selon l’importance numérique des groupes politiques, alors que ce droit est individuel, je vous le rappelle ! Je n’ai pas compris que l’on pût avoir une telle idée. Il s’agit là d’une simple parenthèse qu’il m’était possible d’ouvrir, dans la mesure où je disposais encore de quelques minutes pour m’exprimer.
Quoi qu’il en soit, monsieur Mohamed Soilihi, je souhaite vous présenter mes excuses au nom de mon groupe, lequel vous apporte néanmoins tout son soutien. Je tiens également à vous féliciter pour tout le travail que vous avez accompli, travail qui aboutit aujourd’hui à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Guillaume Arnell et Sébastien Meurant applaudissent également.)