Mme Muriel Pénicaud, ministre. Ces deux amendements portent sur le mécénat de compétences de la part de grandes entreprises désireuses d’aider leur écosystème composé des start-up ou des PME qui gravitent autour d’elles. Ce type de mécénat correspond souvent à une forte demande des salariés, qui souhaitent apporter, dans le cadre d’un projet industriel ou marketing, leurs compétences à des associations ou petites entreprises, qui, financièrement, ne pourraient pas se les offrir. Ce besoin de compétences n’est pas forcément permanent.
J’ai moi-même eu à connaître d’un exemple, celui d’une grande association œuvrant dans le domaine de l’aide alimentaire, qui fait face à des besoins de logistique extrêmement complexes. Au travers du mécénat de compétences, une grande entreprise a pu mettre à sa disposition des ingénieurs logisticiens pendant quelques mois, le temps que cette association mette en place un système lui permettant de changer d’échelle.
De la même manière, les start-up, lorsqu’elles démarrent leur activité, n’ont souvent pas les moyens de s’offrir des compétences en matière de recherche et développement ou de marketing. Le mécénat de compétences, au-delà de promouvoir la solidarité, est un formidable moyen de développer la motivation des salariés dans les grands groupes. L’ordonnance permet de sécuriser un tel dispositif sur le plan juridique.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 52 et favorable à l’amendement n° 161 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 6
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1233-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.
« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. La question des licenciements dits « boursiers » est une vieille histoire ; cela fait déjà quelques années que l’opinion publique a l’occasion de se scandaliser en raison de la manière dont certaines directions d’entreprise se séparent d’une partie de leurs salariés.
Différent du licenciement pour motif personnel, qui tient à la personne même du salarié, et du licenciement pour motif économique, caractérisé par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, quand bien même il y aurait des choses à dire à leur sujet, le licenciement boursier est inacceptable. Or il présente la particularité de peser sur les salariés qui en sont victimes, alors même que les entreprises qui les employaient jusqu’alors ne connaissent aucune difficulté particulière ni prévisible.
Aujourd’hui, les entreprises peuvent licencier alors qu’elles sont prospères. Elles peuvent même licencier dans le seul but d’accroître la rémunération des actionnaires.
C’est en 1999 que l’affaire Michelin a mis en évidence ce type de situations. Chacun s’en souvient, cette année-là, la direction annonçait simultanément des bénéfices semestriels en augmentation de 20 %, une hausse des dividendes et 7 500 suppressions d’emplois suivies, dès le lendemain, par une progression de 12 % du cours de l’action.
Plus récemment, en 2010, Alstom, qui avait déclaré 1,22 milliard d’euros de bénéfices, a décidé de supprimer 4 000 postes. On sait où cela nous a menés, aujourd’hui, avec les risques de démantèlement de l’entreprise.
Chaque semaine, chaque jour, des entreprises bénéficiaires décident de licencier, afin de conserver les marges de profit nécessaires à une importante redistribution aux actionnaires.
Désormais avec les ruptures conventionnelles collectives, Carrefour, la Société générale, Peugeot et les autres pourront sans sourciller licencier pour accroître les dividendes.
Notre amendement vise justement à refuser cela et à interdire que les entreprises championnes des dividendes versés aux actionnaires licencient leurs salariés sans état d’âme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission a déjà été conduite à repousser à de très nombreuses reprises l’interdiction des licenciements dits boursiers que défendent les auteurs de cet amendement.
M. Fabien Gay. Parce qu’ils continuent !
M. Alain Milon, rapporteur. Elle émet, cette fois encore, un avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas une réponse !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Éliane Assassi. Toujours pas de réponse !
M. Fabien Gay. Répondez sur le fond !
M. le président. L’amendement n° 54, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 2 du chapitre V du titre III du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1235-7-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-7-1-… – Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d’emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l’entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou la suppression d’emplois envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d’emploi, l’employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts si son entreprise est déjà bénéficiaire, ou l’opportunité d’en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l’employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement, qui vient en complément du précédent, tend au remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique aura été jugé sans cause réelle et sérieuse, notamment en cas de licenciement économique boursier. L’entreprise se verra alors condamnée à rembourser le montant des exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au titre de l’ensemble des salariés initialement concernés par les licenciements ou les suppressions d’emplois.
Par ailleurs, l’entreprise perdra, le cas échéant, le bénéfice ou l’opportunité de bénéficier du crédit d’impôt recherche, le CIR, ou du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le fameux CICE.
Enfin, le juge pourra ordonner le remboursement de tout ou partie du montant dont aura bénéficié l’entreprise au titre du CIR ou du CICE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Comme sur l’amendement précédent, l’avis est défavorable. Je rappelle que, en cas de licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, le juge peut ordonner le versement d’une indemnité en application d’un barème.
L’adoption de l’amendement poserait un problème majeur, dans la mesure où il ne précise pas le nombre d’années sur lequel le remboursement des réductions de cotisations patronales peut porter : s’agit-il d’un an, de deux ans, de trois ans ou de plus encore ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Si j’émets un avis défavorable sur cet amendement, je comprends l’intention de ses auteurs. Il n’est pas concevable d’inscrire dans le présent projet de loi une telle mesure de portée universelle, appelée à s’appliquer dans tous les cas de licenciement, quel que soit le contexte.
Pour autant, dès lors que l’État prend des engagements spécifiques à l’égard d’une entreprise, je pense notamment à certains exemples de l’actualité récente, il est clair que, si des licenciements économiques devaient par la suite intervenir, il faudrait que cela se passe dans le respect complet desdits engagements. C’est sur ce terrain-là que les choses se jouent.
C’est bien parce qu’il ne saurait y avoir universalité que le juge est conduit à apprécier la cause réelle et sérieuse du licenciement et le montant des dommages et intérêts éventuels. Il n’est pas possible de sanctionner uniformément tous les cas de figure existants, justement parce qu’ils ne correspondent pas aux mêmes situations.
Le Gouvernement s’emploie à développer des engagements contractuels avec un certain nombre d’entreprises. Il peut y avoir, selon le contexte, des motifs de licencier, mais, je le répète, ce n’est pas une raison pour ne pas respecter les engagements pris. Nous continuerons d’être vigilants sur ce point.
M. le président. L’amendement n° 55, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 1242-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1242-2 – Le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :
« 1° Remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail et pour pourvoir directement le poste de travail du salarié absent ;
« 2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. Au titre de ce motif, le nombre de salariés occupés en contrat de travail à durée déterminée ne peut excéder 10 % de l’effectif moyen occupé au cours de l’année civile précédente dans les entreprises d’au moins onze salariés. Le nombre obtenu est arrondi à l’unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d’ancienneté dans l’entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée ;
« 3° Emplois à caractère saisonnier de courte durée définis par décret ou pour lesquels dans certains secteurs d’activité définis par décret, il est d’usage constant et établi de recourir à des emplois temporaires en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
« 4° Remplacement d’un chef d’entreprise temporairement absent ;
« 5° Réalisation d’un contrat d’apprentissage. » ;
2° Les articles L. 1242-3 et L. 1242-4 sont abrogés.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Avec cet amendement, nous proposons, d’une part, d’encadrer le recours des entreprises aux contrats de travail à durée déterminée, afin que ceux-ci cessent d’être utilisés comme des variables d’ajustement, d’autre part, de limiter le nombre de personnes en contrat à durée déterminée à 10 % de l’effectif total dans les entreprises d’au moins 11 salariés.
Ces deux mesures contraignantes visent à lutter efficacement contre la précarisation du marché du travail qui pèse sur les salariés et, en premier lieu, sur les femmes, comme nous avons eu l’occasion de le préciser à plusieurs reprises.
Le total des CDD intérimaires, des CDD, des intérimaires et des temps partiels subis représente 4 millions de personnes.
La proportion des emplois précaires traduit aussi la spécialisation de la France dans des productions à bas coûts salariaux, au détriment de l’exigence de montée en gamme de notre industrie.
D’où notre proposition, que je réitère, de limiter le nombre de personnes en CDD dans l’entreprise, en les plafonnant à 10 % de l’effectif global dans les entreprises de plus de 10 salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Madame Assassi, vous défendez, par cet amendement, l’interdiction pour un employeur de compter plus de 10 % de son personnel embauché en CDD.
Nous aurons l’occasion d’avoir ce débat au printemps prochain, lors de l’examen du projet de loi sur l’assurance chômage, puisque le Gouvernement pourrait, dans ce cadre, proposer de pénaliser les entreprises qui utilisent beaucoup de contrats courts, peut-être au travers d’un système de bonus-malus.
C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. J’ai déjà répondu à une proposition similaire cette après-midi. La lutte contre la précarité fait partie des thèmes qui figurent dans le projet de réforme des règles de l’assurance chômage. J’en ai saisi les partenaires sociaux, ils sont en train d’en discuter, et nous aurons effectivement l’occasion d’en débattre au printemps prochain.
Je propose donc le retrait de cet amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 55 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 57, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3121-27 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3121-27. – La durée légale du travail des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile ou par toute autre période de sept jours consécutifs. Cette durée est fixée à trente-deux heures à compter du 1er janvier 2021. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Tout le monde l’a bien compris : nous défendons une série d’amendements alternatifs qui visent à aller plus loin que la réglementation actuelle et à évoquer des sujets d’avenir.
Sur les licenciements boursiers, vous nous dites que l’on peut toujours ester en justice et qu’il n’y a pas deux cas similaires. Je prendrai simplement l’exemple d’une commune proche de mon lieu de résidence, Hénin-Beaumont, où des centaines de salariés ont été victimes de licenciements boursiers. Vous connaissez l’étiquette politique de cette ville.
Quand on ne légifère pas sur ces questions, quand on renvoie toujours le sujet à plus tard, à un moment donné, on le paye sur le plan politique.
Cet amendement vise la diminution du temps de travail, autre sujet de société, sur lequel il y a un débat. Chacun reconnaît dans cette enceinte que les mutations actuellement à l’œuvre et les progrès technologiques, en particulier l’émergence de l’intelligence artificielle, bouleversent le monde du travail et imposent de le repenser.
En l’occurrence, comme sur les licenciements boursiers ou la limitation des contrats précaires, nous pensons que nous devons agir. À tout le moins, il nous faut en débattre sérieusement dans cet hémicycle, une bonne fois pour toutes. Sinon, nous déposerons toujours ces mêmes amendements sur de nombreux textes ! (Sourires.)
Nos propositions ne sont pas nouvelles. On sait que les 35 heures ont permis, par exemple, la création de 350 000 emplois. On sait aussi que les progrès technologiques rendront l’insertion de chacun plus difficile dans la nouvelle société du travail.
Le temps effectif de travail est de 39,5 heures. Les marges de manœuvre existent donc pour s’interroger sur une réelle réduction du temps de travail. Aller par étapes vers les 32 heures nous paraît être une bonne solution.
Nous voulons, à travers cet amendement, anticiper la mutation du marché du travail et donner à nos concitoyens plus de temps pour s’engager différemment au service de la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’avis est défavorable, monsieur le président.
Je ne reviendrai pas sur les 35 heures, en particulier sur leurs conséquences à l’échelon des hôpitaux.
Je précise simplement que cette proposition, en l’état, dépasse le cadre du projet de loi de ratification.
Elle ne correspond pas en outre à l’analyse de la commission sur les enjeux économiques auxquels notre pays est confronté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Rien dans la loi d’habilitation n’indiquait que nous puissions modifier le temps de travail de l’ensemble des salariés en France. Pour les mêmes raisons que le rapporteur, il me semble que cette proposition est quelque peu hors sujet.
On pourrait certes débattre du fond de la question, mais peut-être pas ce soir… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3123-7 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la durée de travail convenue est inférieure à vingt-quatre heures par semaine et supérieure à quinze heures par semaine, ces heures de travail sont rémunérées à un taux majoré de 25 %.
« Lorsque la durée de travail est inférieure ou égale à quinze heures par semaine, ou lorsque la durée quotidienne de travail est inférieure à deux heures, ces heures de travail sont rémunérées à un taux majoré de 50 %. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Lors de l’examen de la loi Macron, je me souviens que l’un des points particulièrement mis en avant pour vanter ses mérites, ici même, au Sénat, était la mise en place d’un plancher de 24 heures minimales hebdomadaires pour les contrats à temps partiel. L’objectif était d’en finir avec les mini-contrats de quelques heures qui ne font qu’entraîner de la précarité.
Nous avions bien évidemment soutenu cette mesure, qui allait, selon nous, dans le sens d’une amélioration des conditions de travail, notamment celles des femmes, dont on sait qu’elles sont majoritairement concernées.
Malheureusement, très vite, cette mesure positive a été suivie de très nombreuses dérogations dans les entreprises, ce qui a rendu caduque cette belle ambition. Et nous avions dénoncé ce fait.
C’est pourquoi nous proposons, à travers cet amendement, de majorer de 25 % la rémunération des heures de travail comprises entre 15 et 24 heures hebdomadaires.
Pour une durée de travail inférieure ou égale à 15 heures par semaine, ou lorsque la durée quotidienne de travail est inférieure à 2 heures, nous proposons que ces heures de travail soient rémunérées à un taux majoré de 50 %.
Ces majorations auraient pour finalité, tout à la fois, de compenser les faibles salaires dus au petit nombre d’heures effectuées et d’être dissuasives pour les entreprises.
Trop de femmes travaillent à temps partiel de façon subie. Il est temps pour nous de mettre fin à cette discrimination « genrée », qui a des conséquences au quotidien sur les salaires et les retraites.
Madame la ministre, voici une nouvelle fois l’occasion de faire évoluer les choses. On nous dit souvent que ce n’est pas le bon vecteur, mais, à un moment, il faut agir. Ces ordonnances relatives aux conditions de travail constituent une opportunité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission ne juge pas utile de rouvrir le débat sur le temps partiel à l’occasion de l’examen du présent texte. Elle considère aussi que l’idée de majorer aussi fortement le coût du travail pourrait être très néfaste pour certaines entreprises. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il n’a jamais été prévu de traiter ces sujets dans le cadre de la loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
En outre, nous avons assisté à deux mouvements opposés. Vous proposez de majorer le paiement des heures en deçà de 24 heures effectuées par semaine ; d’autres ont proposé de relever le seuil des 24 heures ou de le supprimer.
Si tous les arguments s’entendent, une chose est certaine : ce sujet ne figurait pas dans le champ de la loi d’habitation.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’entends les arguments du rapporteur et de la ministre. Toutefois, mon groupe a avancé plusieurs propositions pour combattre la précarisation et la flexibilité du travail, et l’on nous dit à chaque fois que ce texte n’est pas le bon vecteur…
S’agissant des 24 heures hebdomadaires, il ne s’agit pas seulement de s’attaquer au temps partiel subi, monsieur le rapporteur. On assiste aujourd’hui à une attaque qui concerne plus particulièrement les femmes. Le seuil des 24 heures est soumis à de très nombreuses dérogations, avec pour conséquence des petits boulots de quelques heures.
Je veux bien que ce ne soit ni le moment ni le lieu d’examiner cette proposition, mais j’attire toutefois l’attention du Gouvernement et de la Haute Assemblée sur ce sujet. À un moment donné, il faut trouver des solutions qui remédient à un problème durement vécu par une partie non négligeable de la population.
On arrive bien à débloquer de l’argent pour les grands groupes en espérant qu’ils créent de l’emploi, et l’on voit que cela ne marche pas. Il faudrait faire preuve de la même détermination pour le temps partiel.
J’ai entendu, hier, madame la ministre, que l’égalité professionnelle était une préoccupation globale du Gouvernement. C’est important, mais ces petits boulots de quelques heures que nous dénonçons contribuent aussi à l’accroissement des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
Je souhaite donc que vous intégriez ce sujet à la réflexion que vous allez conduire, et que nous avons envie de mener avec vous, car nous voulons agir pour améliorer les conditions de travail, notamment des femmes.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je ne voudrais pas laisser croire que tout le monde considère dans cet hémicycle que des contraintes supplémentaires sont nécessaires pour les entreprises et que le temps de travail est constamment subi, et non choisi. Il faut aussi penser à tous ceux qui ont envie d’un temps de travail inférieur à la durée légale du travail.
Selon les discours que nous venons d’entendre, tous les salariés seraient exploités. Ce n’est absolument pas la réalité sur le terrain, dans les entreprises. Je ne veux pas laisser sans réponse ce genre de messages émis au sein de notre hémicycle.
Alors que nous considérons tous qu’il y a trop de normes et de contraintes dans notre pays, les derniers amendements que nous venons d’examiner ne cessent de contenir des normes et des contraintes supplémentaires. Or celles-ci contribueraient à augmenter encore le chômage, alors qu’il faut au contraire tout faire pour que l’emploi soit au cœur de nos priorités. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Éliane Assassi. Vos politiques ne marchent pas !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Mme Cohen souhaite que le travail des femmes donne lieu à un salaire décent. Je suis d’accord.
Nous devons toutefois faire attention lorsque nous imposons de nouvelles contraintes. J’ai été président d’une association en secteur rural qui embauchait en tant que prestataire des femmes pour des emplois d’aide-ménagère ou d’auxiliaire de vie. Certaines femmes ne voulaient pas travailler plus de 24 heures pour des raisons personnelles.
De surcroît, au démarrage, lorsqu’une entreprise embauche du personnel, pendant un ou deux mois, elle n’a pas toujours une demande suffisante pour pouvoir confier à ses employés un travail d’une durée supérieure à 24 heures. C’est un handicap qu’il faudra également prendre en compte dans le dialogue qui s’engagera. Sinon, certains secteurs ne pourront pas embaucher.
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise
« Art. L. 3230-1. – Le présent chapitre est applicable aux rémunérations des personnels, des mandataires sociaux et des autres dirigeants, régis ou non par le présent code, des entreprises, constituées sous forme de société, groupement, personne morale ou établissement public à caractère industriel et commercial, quel que soit leur statut juridique.
« Art. L. 3230-2. – Le montant annuel de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230-1, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature dus ou susceptibles d’être dus à titre de rémunération ou d’indemnisation au cours de l’exercice comptable, ne peut être supérieur à vingt fois le salaire annuel minimal appliqué en France pour un emploi à temps plein dans la même entreprise ou dans une entreprise qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.
« Art. L. 3230-3. – Pour chaque exercice comptable, lorsque l’application d’une décision ou d’une convention a pour effet de porter le montant annuel de la rémunération annuelle la plus élevée à un niveau supérieur à vingt fois celui du salaire minimal annuel défini à l’article L. 3230-2 du présent code, l’ensemble des décisions ou conventions relatives à la détermination de cette rémunération sont nulles de plein droit, sauf si le salaire minimal annuel pratiqué est relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article. » ;
2° L’article L. 2323-17 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 2323-17. – En vue de la consultation prévue à l’article L. 2323-15, l’employeur met à la disposition du comité d’entreprise, dans les conditions prévues à l’article L. 2323-9 :
« 1° Les informations sur l’évolution de l’emploi, des qualifications, de la formation et des salaires, sur les écarts de rémunérations des salariés et mandataires sociaux au sein de l’entreprise et des entreprises qui la contrôlent au sens de l’article L. 233-3 du code du commerce, sur les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, sur le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires, sur l’apprentissage et sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial ;
« 2° Les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, mentionnés au 1° bis de l’article L. 2323-8, ainsi que l’accord ou, à défaut, le plan d’action mentionnés au troisième alinéa du 2° de l’article L. 2242-8 en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
« 3° Les informations sur le plan de formation du personnel de l’entreprise ;
« 4° Les informations sur la mise en œuvre des contrats et des périodes de professionnalisation et du compte personnel de formation ;
« 5° Les informations sur la durée du travail, portant sur :
« a) Les heures supplémentaires accomplies dans la limite et au-delà du contingent annuel applicable dans l’entreprise ;
« b) A défaut de détermination du contingent annuel d’heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement dans les conditions prévues à l’article L. 3121-11 ;
« c) Le bilan du travail à temps partiel réalisé dans l’entreprise ;
« d) Le nombre de demandes individuelles formulées par les salariés à temps partiel pour déroger à la durée hebdomadaire minimale prévue à l’article L. 3123-14-1 ;
« e) La durée, l’aménagement du temps de travail, la période de prise des congés payés prévue à l’article L. 3141-13, les conditions d’application des aménagements de la durée et des horaires prévus à l’article L. 3122-2 lorsqu’ils s’appliquent à des salariés à temps partiel, le recours aux conventions de forfait et les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés ;
« 6° Les éléments figurant dans le rapport et le programme annuels de prévention présentés par l’employeur au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, prévus à l’article L. 4612-16 ;
« 7° Les informations sur les mesures prises en vue de faciliter l’emploi des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils et des travailleurs handicapés, notamment celles relatives à l’application de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ;
« 8° Les informations sur l’affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l’entreprise se propose de recruter ;
« 9° Les informations sur les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés prévues à l’article L. 2281-11. »
II. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l’écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l’article L. 3230-2 du même code disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.
La parole est à M. Fabien Gay.