Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
M. Éric Bocquet, Mme Agnès Canayer.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Procédure de législation en commission. – Adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l’article unique
Amendement n° 1 rectifié bis de M. Jean-Pierre Grand. – Rejet.
Amendement n° 13 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 16 rectifié bis de M. Joël Labbé. – Rejet.
Amendement n° 19 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 6 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 14 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 8 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 21 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 9 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 23 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 24 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 3 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 11 rectifié de M. Yvon Collin. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait.
Amendement n° 30 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 26 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 27 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 17 rectifié de M. Yvon Collin. – Rejet.
Amendement n° 29 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article unique.
Intitulé de la proposition de résolution
Amendement n° 18 rectifié de M. Joël Labbé. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 45, de la proposition de résolution.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann
4. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Gilbert Bouchet ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Gilbert Bouchet.
obligation d’accès aux cantines scolaires
M. Jean-François Longeot ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-François Longeot.
M. Robert Navarro ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
gestion des dotations budgétaires versées aux collectivités territoriales
Mme Mireille Jouve ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.
situation de l’audiovisuel public
M. Pierre Laurent ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Pierre Laurent.
Mme Martine Filleul ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
concessions hydroélectriques des vallées du lot et de la truyère
M. Alain Marc ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes
M. Michel Raison ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Raison.
possible abaissement de la limitation de vitesse sur les routes secondaires
M. Jean-Claude Luche ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Mme Josiane Costes ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; Mme Josiane Costes.
circulaire sur le recensement des migrants en centre d’accueil d’urgence
Mme Sylvie Robert ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.
succession de problèmes techniques à la gare montparnasse
M. Gérard Cornu ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Isabelle Raimond-Pavero ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; Mme Isabelle Raimond-Pavero.
Suspension et reprise de la séance
5. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
6. Loi de finances rectificative pour 2017. – Discussion d’un projet de loi
Discussion générale :
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Clôture de la discussion générale.
Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
M. Éric Bocquet,
Mme Agnès Canayer.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 44 du 13 décembre 2017 portant sur l’ensemble de la proposition de résolution présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution et relative au développement du fret ferroviaire, M. Bernard Delcros a été considéré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Procédure de législation en commission
Adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat (proposition de résolution n° 98, texte de la commission n° 135, rapport n° 134).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter cette proposition de résolution préparée par M. Gérard Larcher, président du Sénat, qui vise à conforter une expérimentation dont le Sénat avait pris l’initiative : la législation en commission – une expression qui peut paraître exagérée, car c’est, bien sûr, l’assemblée tout entière qui adopte les textes de loi examinés selon cette procédure.
À cet égard, le Sénat a su innover, en sorte que, au mois de juillet dernier, lorsque le Président de la République a souhaité que cette procédure puisse être mise en œuvre dans les deux assemblées, nous n’avons pu que nous réjouir de faire ainsi école, en inspirant des réformes plus larges sur ce point.
La procédure de législation en commission a joué à six reprises, pour quatre textes de loi, dont deux textes de loi organique. Elle permet de délibérer en commission, mais publiquement et en présence d’un membre du Gouvernement, sur un certain nombre de textes.
Dans le cadre de cette procédure, chacun d’entre nous peut participer aux travaux de la commission, même s’il n’en est pas membre ; mais seuls les membres de la commission votent sur les amendements soumis à leur appréciation. Le texte élaboré par la commission est ensuite porté en séance publique, où il donne lieu à une discussion générale, mais, sauf exceptions circonscrites dans notre règlement, il ne fait pas l’objet d’amendements.
Pour apporter la garantie que cette procédure ne se généralise pas – car la règle commune doit rester, bien entendu, l’examen des amendements dans l’hémicycle –, un droit de veto est prévu. En effet, la mise en œuvre de la procédure de législation en commission est décidée par la conférence des présidents, où chaque président de groupe peut s’y opposer.
Il y a là un verrou radical pour éviter la généralisation de cette procédure extrêmement utile dans certains cas, mais qui, dans le cas de textes très importants, pourrait être préjudiciable au bon fonctionnement du Parlement et à la libre expression de chacune et de chacun d’entre nous par la défense de ses amendements dans l’hémicycle lui-même.
En outre, ce droit de veto peut être exercé par un président de groupe non seulement au moment où la conférence des présidents se prononce sur l’application à un texte donné de la procédure de législation en commission, mais aussi après la réunion de la commission au cours de laquelle le texte de la commission a été adopté.
En d’autres termes, la discussion d’un texte de loi peut démarrer dans le cadre de la procédure de législation en commission, puis reprendre son cours normal en chemin. En sorte que, si tel ou tel groupe est mécontent du texte de la commission, il aura une seconde chance après la réunion de la commission, tout étant remis en jeu devant notre assemblée. Je crois que ces garanties sont très importantes.
Certains voudraient qu’on aille plus loin – j’en ai auditionné plusieurs dans le cadre de la préparation de mon rapport –, mais il n’y aurait pas de consensus entre nous pour cela. Or, sur un sujet qui concerne chacune et chacun d’entre nous, il est bon tout de même qu’il y ait un consensus minimal.
Le projet de résolution ne sera probablement pas voté par les membres de tous les groupes, je crois que les concertations auxquelles le président du Sénat a procédé et les auditions qui ont suivi permettent de garantir ce consensus minimal sans lequel la réforme ne serait certainement pas souhaitable.
Je vous signale une innovation par rapport au système que nous avons expérimenté pendant trois ans : désormais, si vous adoptez la proposition de résolution modifiant notre règlement, nous pourrons scinder un texte en plusieurs parties, l’une examinée selon la méthode de la législation en commission, l’autre selon la voie normale, à condition bien sûr qu’elles puissent être totalement distinguées.
Nous verrons, si nous inscrivons cette possibilité dans notre règlement, dans quelle mesure elle correspondra réellement à un besoin. En tout cas, la faculté nous en serait ouverte, ce qui me paraît plutôt une bonne chose.
Telle est, monsieur le président, mes chers collègues, la réforme qui nous est proposée. Son adoption montrerait que le Sénat continue d’aller de l’avant pour moderniser ses méthodes de travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, en d’autres circonstances, l’annonce d’une proposition de modification de notre règlement précédant une réforme constitutionnelle aurait pu paraître incongrue. La logique voudrait en effet qu’on adapte le règlement aux modifications introduites par des lois constitutionnelles ou organiques, plutôt que l’inverse.
Pourtant, dans le contexte d’un affaiblissement institutionnel continu du Parlement face à l’exécutif, et à l’approche de la prochaine révision constitutionnelle, cette démarche est la bonne.
Les députés emboîtent également le pas, après la publication, hier, du compte rendu des groupes de travail sur la réforme du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Leur proposition n° 6, intitulée : « Simplifier l’examen des textes les plus consensuels en prévoyant un examen uniquement en commission », reconnaît d’ailleurs explicitement l’avancée de la réflexion sénatoriale en la matière. Les hommages venant de cette assemblée sont suffisamment rares pour être soulignés…
C’est pourquoi nous soutenons la proposition de résolution du président Larcher, qui illustre la capacité d’initiative de la Haute Assemblée et notre volonté de prendre une part active à l’élaboration de la future réforme constitutionnelle.
Près de dix ans après la dernière modification de la Constitution et plus de vingt-cinq ans après la publication d’un rapport du Conseil d’État condamnant les « bavardages » de la loi, les critiques contre le Parlement n’ont guère évolué.
Le renforcement des commissions permanentes dans la procédure législative n’a, à l’évidence, pas permis d’en faire disparaître les causes, comme nous l’anticipions à l’époque. Je pense notamment à l’inversion de la règle à la suite de laquelle le texte examiné en séance publique est le texte adopté en commission, et non plus le texte initial.
Face aux successives tentatives de rationalisation de la procédure législative, notre position est toujours restée constante : elle consiste à rappeler le rôle déterminant joué par le Parlement en faveur des libertés et du progrès social, en particulier sous la Troisième République, une référence à laquelle nous sommes, comme vous le savez, très attachés. Je reste, à titre personnel, fermement attaché à l’idée d’un Parlement fort, contre-pouvoir nécessaire à l’exécutif, ce qui n’est pas trop le cas aujourd’hui.
Or, derrière la volonté de rationaliser l’activité parlementaire, hier en réduisant les pouvoirs d’initiative et d’amendement des parlementaires, demain en limitant peut-être leur nombre, se cache souvent un antiparlementarisme qui n’ose pas dire son nom.
Comment expliquer, sinon, que l’on continue de réduire le temps des débats parlementaires, jugés trop lents, sans réduire en même temps les délais d’adoption des décrets d’application ? De même, comment expliquer que l’on contraigne notre droit d’amendement pour lutter contre l’inflation législative, alors qu’une part considérable des articles additionnels adoptés en séance sont d’origine gouvernementale ?
Il est pourtant évident que le premier obstacle à la qualité du travail parlementaire est notre difficulté à bénéficier, au même titre que le Gouvernement, de l’expertise de l’administration. En particulier, les rapports des inspections générales nous sont quasi inaccessibles, quand bien même nous apprenons leur existence.
Dans son dernier rapport d’activité, le Conseil d’État constate également la faible qualité des études d’impact annexées aux projets de loi. Cela ne fait en réalité que confirmer que la loi organique du 15 avril 2009, relative notamment à l’application de l’article 39 de la Constitution, est inopérante.
À bien des égards, il semble que les parlementaires soient devenus les fusibles d’un régime de gouvernance qui apparaît à la croisée des chemins, condamnés à porter la responsabilité de dispositions législatives sur lesquelles ils ont de moins en moins de prise.
La procédure de législation en commission vise à lutter davantage contre les effets que contre les causes des excès du parlementarisme rationalisé : elle risque d’agir comme un cautère sur une jambe de bois…
Elle n’a pas vocation à être fréquemment utilisée, en raison du maintien du droit de veto des présidents de groupe, comme cela a été rappelé. La précision est nécessaire : il s’agit d’éviter que, à l’avenir, une majorité sénatoriale moins respectueuse que l’actuelle des droits des groupes minoritaires et d’opposition ne puisse détourner cette procédure au profit d’un passage en force.
L’ouverture de la possibilité d’appliquer l’examen en commission à des parties de texte pose également problème. Elle n’a pas été soumise à l’expérimentation, et nous considérons qu’il serait peut-être plus sage de supprimer cette faculté, dans un premier temps.
De même, les règles de publicité les plus strictes devront être effectivement appliquées à la commission, où l’essentiel des débats se tiendra, dès lors que la séance publique sera réduite à un simple rôle cérémoniel.
Conformément à l’esprit de liberté qui est l’essence du groupe du RDSE, et dont nous sommes très fiers, plusieurs amendements ont été déposés par notre collègue Joël Labbé, qui propose d’étendre nos débats à la question d’une meilleure association des citoyens à nos travaux législatifs. Quelles que soient nos positions sur le sujet, ses propositions ont le mérite de montrer que certaines attributions que l’on voudrait donner à la chambre du futur sont déjà mises en œuvre au Sénat.
En définitive, le groupe du RDSE soutient totalement la démarche de modernisation de la procédure législative, tout en restant, monsieur le président de la commission des lois, prudent sur le fond. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Très bien !
(Mme Catherine Troendlé remplace M. Thani Mohamed Soilihi au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition de résolution, présentée par M. le président Larcher, visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission.
Il faut, dès l’abord, se féliciter de cette volonté partagée de modernisation du travail législatif.
Disons-le sans ambages : cette initiative illustre aussi la capacité réformatrice de notre institution parlementaire.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. Thani Mohamed Soilihi. En effet, s’il est dans l’esprit du temps de construire une représentation fallacieuse de notre Haute Assemblée en l’enfermant dans une inertie conservatrice infondée, le Sénat ne doit pas prêter le flanc aux critiques qui l’accablent et qui viennent interroger, à intervalle régulier, la pertinence institutionnelle du bicamérisme français.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Thani Mohamed Soilihi. Notre assemblée doit tout au contraire démontrer sa capacité à pointer empiriquement ses imperfections internes éventuelles, les mêmes qui risqueraient d’entacher la crédibilité de son travail.
Cette proposition de résolution s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Elle permet à la conférence des présidents de décider que le droit d’amendement sur un projet de loi ou une proposition de loi ou de résolution s’exercera uniquement au sein de la commission saisie au fond. Dans ce cas, cette dernière pourra accueillir les sénateurs qui n’en sont pas membres, et ses travaux seront rendus publics, comme en séance.
Les amendements adoptés par la commission saisie au fond permettront l’établissement d’un texte qui ne sera pas examiné article par article en séance, mais fera l’objet d’une présentation courte et d’explications de vote des groupes, le scrutin portant sur l’ensemble du texte uniquement, sans possibilité d’en amender le contenu.
Par ailleurs, la proposition de résolution comprend une innovation qu’il faut noter : la possibilité de n’appliquer la nouvelle procédure qu’à une partie d’un texte, sur décision de la conférence des présidents.
Quant à la séance, seuls des amendements de coordination ou tendant à assurer le respect de la Constitution ou la correction d’une erreur matérielle pourraient être présentés, si nécessaire.
Voilà pour l’essentiel. Ici, mes chers collègues, le diable ne se niche pas dans les détails.
Cette proposition de résolution nous apporte la preuve, s’il en était besoin, que la procédure d’examen décentralisé en commission peut être revalorisée sans nécessairement réduire les parlementaires à leur seule fonction de tribuns ni tomber dans l’écueil d’une rationalisation excessive de la procédure parlementaire.
Plus que jamais, il paraît opportun de poursuivre la revalorisation du rôle déjà névralgique des commissions délibérantes, amorcée par la révision constitutionnelle de 2008.
S’agissant des levées de boucliers que la résolution pourrait susciter – il y en a toujours –, au motif qu’elle porterait en germe un antiparlementarisme décomplexé, il me semble utile de rappeler que le travail en commission est une phase technique d’élaboration de la loi, permettant d’apprécier au préalable la fiabilité normative des textes, avant qu’ils ne soient soumis à l’espace de confrontation politique que nous offre la séance publique. Les deux phases, loin d’être antinomiques, sont en fait complémentaires.
C’est d’autant plus vrai que les garanties prévues par la proposition de résolution sont de nature à apaiser les débats. En effet, des garde-fous ont été institués : chaque président de groupe disposera d’un droit de veto, qu’il pourra exercer non seulement en amont, lors de la réunion de la conférence des présidents, mais également après l’adoption du texte de la commission, pour un retour à la procédure normale.
Il conviendra tout de même de veiller à la bonne application pratique de ces dispositifs. En particulier, la transposition aux différentes commissions des règles de publicité applicables à la séance doit être assurée sans tarder.
En définitive, mes chers collègues, rendons justice à notre assemblée : sans revêtir nos déclarations d’un esprit corporatiste qui serait assurément malvenu, n’hésitons pas à faire connaître la qualité du travail parlementaire accompli dans nos murs !
Cette proposition de résolution, destinée à pérenniser une pratique qui a fait ses preuves, va dans le bon sens. Apportons-lui notre soutien, tout en restant vigilants sur les difficultés pratiques qui pourraient se faire jour ultérieurement.
Le groupe La République En Marche, pour sa part, soutient ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le président et rapporteur de la commission, mes chers collègues, en 2015, une très large majorité du Sénat a voté l’expérimentation de ce qui était alors la procédure d’examen en commission, jusqu’au 30 septembre dernier.
L’objectif d’affaiblissement du pouvoir législatif – car il vous faudra bien un jour sortir des faux-semblants et admettre que c’est de cela qu’il s’agit ! –, un objectif prôné sans ambages par le nouveau Président de la République lors de son discours de Versailles du 13 juillet dernier, n’apparaissait pas encore dans toute son ampleur.
Depuis des années, la volonté est pourtant à l’œuvre de réduire la prérogative essentielle, selon nous, du Parlement : débattre de la loi, en prenant le temps de le faire, pour que l’intervention législative ne relève pas du simple travail d’enregistrement.
Notre combat, sur les travées du groupe CRCE, a toujours visé à préserver le droit à la parole, notamment, bien entendu, celui de l’opposition, sans laquelle le mot « démocratie » se vide de son sens ; mais aussi à empêcher que les assemblées parlementaires, dont la vocation même est d’être le législateur – ou plutôt la législatrice –, ne se transforment, j’y insiste, en vulgaires chambres d’enregistrement.
Alors que se termine le débat budgétaire, moment essentiel de l’année parlementaire, peut-on sans rougir affirmer que les droits du Parlement ont été maintenus ces dernières années ?
Peut-on continuer à berner nos concitoyennes et concitoyens en leur laissant à penser que la loi de programmation des finances publiques, non seulement d’inspiration européenne, mais transcription directe des directives de la Commission de Bruxelles, le traité budgétaire signé par M. Sarkozy et Mme Merkel et validé par François Hollande et la déclinaison de cet encadrement européen dans la Constitution – l’article 40 radicalisé par la LOLF – n’ont aucune incidence sur la réalité du pouvoir parlementaire ?
Aujourd’hui, M. Macron veut impulser une nouvelle étape ; il pousse à l’accélération des débats, à la réduction de la durée de la session législative, à la législation en commission, enfin.
Faisant mine de flatter le Parlement, il vante les mérites du pouvoir de contrôle des assemblées. Mais cette petite musique, celle du comité Balladur, qui rendit ses travaux sur la réforme des institutions voilà dix ans, fait perdre de vue l’essentiel : notre système démocratique, qui puise sa source – faut-il le rappeler ? – dans l’élan révolutionnaire de 1789, la force du Contrat social de Rousseau ou L’Esprit des lois de Montesquieu, c’est de conférer le pouvoir législatif aux représentants du peuple !
Notre opposition constante à la Constitution de 1958 trouve sa source dans l’affirmation du pouvoir présidentiel face au pouvoir législatif. Or, depuis le constat du « coup d’État permanent » dressé par François Mitterrand, la situation s’est aggravée au détriment des assemblées. En effet, l’inflation législative, la déferlante des normes européennes mêlant technicité et réformes essentielles et la montée en puissance du Conseil constitutionnel affaiblissent année après année le pouvoir des assemblées.
La révision constitutionnelle de juillet 2008 nous a fait franchir un pas important, par exemple en instaurant le discours du Congrès de Versailles, mais surtout en s’attaquant franchement au droit d’amendement. Ainsi, c’est depuis cette révision que le crédit-temps, véritable « 49-3 parlementaire », a été instauré à l’Assemblée nationale ; depuis lors, l’élaboration des textes au Palais-Bourbon a notablement perdu de sa substance.
La qualité du travail législatif s’y est à tel point détériorée que, jusqu’à présent, le Sénat, chambre élue indirectement par un collège de moins de 170 000 électeurs – faut-il le rappeler ? –, pouvait apparaître comme le gardien d’un travail législatif sérieux et surtout pluraliste.
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Éliane Assassi. La proposition de résolution, sur laquelle nous reviendrons en détail avec l’examen des amendements, tend à pérenniser et développer la procédure de législation en commission. Nous sommes hostiles par principe à l’instauration d’une telle procédure, qui éloigne de la séance publique et du débat pleinement pluraliste l’examen des projets ou propositions de loi destinés à cette procédure par la conférence des présidents.
Le Sénat semble s’enorgueillir d’anticiper les réformes de M. Macron. Nous estimons au contraire que le Sénat en particulier, et le Parlement en général, scie la branche sur laquelle il est assis en limitant le débat démocratique, transparent ou pluraliste, voire en lui barrant la route.
La résolution proposée paraît au surplus confuse, avec, par exemple, la législation partielle en commission. Nous avons noté les doutes et interrogations de M. le rapporteur, qui relève lui-même les difficultés qu’il y aura à gérer cette procédure, tant les mesures techniques et politiques sont imbriquées dans les textes. Ces doutes, j’espère que M. le rapporteur en tirera toutes les conséquences au moment de voter… (M. le rapporteur s’esclaffe.)
Par ailleurs, comment sera géré l’agenda du parlementaire si des commissions qui légifèrent se tiennent parallèlement à la séance publique ? Et vous vantez l’ouverture des commissions à l’ensemble des élus,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !
Mme Éliane Assassi. … mais seuls ont le droit de vote les membres de la commission !
Nous entendons bien, monsieur le rapporteur, que cette procédure sera limitée aux textes les moins importants. Mais qui décidera de cela à l’avenir ?
Quant au droit de veto d’un groupe sur la mise en œuvre de cette procédure, que nous avons contribué, avec d’autres, à préserver explicitement dans le règlement de notre assemblée, il s’agit d’une garantie réelle – je vous rejoins sur ce point, monsieur le rapporteur –, mais jusqu’à quand ? Le pluralisme sera-t-il respecté, avec la réduction envisagée du nombre de parlementaires ? Que deviendront les groupes d’opposition et minoritaires dans ce futur cadre ? Qui pourra exercer le droit de veto à l’avenir ?
En 2008, l’article 44 de la Constitution a été modifié pour permettre l’exercice du droit d’amendement en commission ou en séance publique. Mais, selon le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement de l’époque, notre collègue Roger Karoutchi, cette modification visait – je vous renvoie aux explications qu’il donnait lors de la séance du 23 juin 2008 – à empêcher le dépôt en séance publique d’un amendement déjà déposé en commission et rejeté. La révision a donc été détournée de son sens pour favoriser un dangereux déni de démocratie.
Notre groupe rejettera cette nouvelle procédure, d’autant que j’ai peu de doutes sur le sort qui sera réservé à nos amendements… (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
(M. Thani Mohamed Soilihi remplace Mme Catherine Troendlé au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 44 de la Constitution dispose que le droit d’amendement « s’exerce en séance ou en commission ». Avant cette révision, les tentatives de simplification de la procédure législative s’étaient heurtées au principe constitutionnel selon lequel tout parlementaire exerce son droit d’amendement en séance.
En 2015, avec la nouvelle rédaction de l’article 44, nous avons pu intégrer dans notre règlement une « procédure d’examen en commission ». Cette innovation avait pour objet de n’autoriser l’exercice du droit d’amendement qu’en commission, et non plus en séance publique, afin de réduire le temps d’examen en séance publique.
Cette procédure nous paraît intéressante. Après qu’elle eut été appliquée à quatre reprises pour six textes différents, la conférence des présidents et, au-delà, les groupes politiques ont pu en dresser le bilan. Pour ce qui est du groupe Union Centriste, nous considérons que cette procédure a bien fonctionné. Nous sommes donc favorables à sa pérennisation, ainsi qu’aux modifications procédurales proposées par le président du Sénat. Sauf erreur de ma part, cette opinion est d’ailleurs assez largement partagée sur l’ensemble des travées de cette assemblée.
C’est parce que nous croyons en cette procédure que nous souhaitons qu’il en soit fait une application plus large à l’avenir. Cela a été rappelé par le président Bas, le recours à cette procédure est soumis à l’accord de tous les présidents de groupe. En ma qualité de président du groupe Union Centriste, je suis attaché à cet aspect du dispositif. En même temps, j’entrevois une possible dérive dans l’usage de cette prérogative.
Il est important de rappeler que ce pouvoir des présidents de groupe peut s’exercer à deux moments : tout d’abord, par une opposition préalable, exprimée en conférence des présidents, au recours à la procédure de législation en commission ; ensuite, en cours de discussion, en demandant le retour à la procédure normale. Cette seconde modalité appelle une observation : la menace de revenir à la procédure normale ne pourrait-elle pas constituer un moyen de pression en vue d’obtenir telle ou telle modification du texte ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !
M. Hervé Marseille. On aurait peut-être pu envisager un droit de veto uniquement au stade de la conférence des présidents.
La réforme du règlement que nous examinons aujourd’hui est importante, et nous la soutiendrons. Néanmoins, cela ne nous empêchera pas de formuler quelques remarques de caractère plus général.
Le Président de la République a annoncé que le Gouvernement allait nous soumettre dans les semaines ou les mois à venir un projet de révision de la Constitution. Si cette réforme devait être adoptée, il est fort probable que nous aurions besoin d’actualiser notre règlement, comme cela a été le cas après la révision de 2008. Peut-être aurions-nous donc pu attendre quelques mois supplémentaires, afin d’avoir un débat global sur notre règlement, d’autant que cette question du travail en commission a été expressément mise en avant par le Président de la République.
Une autre raison aurait pu nous conduire à différer quelque peu ce débat ou à élargir le champ de cette proposition de résolution : la disparition de l’IRFM, l’indemnité représentative de frais de mandat, le 1er janvier prochain.
J’attire l’attention sur le fait que, si la procédure d’examen en commission n’est plus opérationnelle depuis le 30 novembre dernier, une autre disposition de notre règlement ne sera plus applicable au 1er janvier 2018 : les retenues sur indemnités en cas d’absences répétées. Je rappelle que l’article 23 bis du règlement prévoit que, en cas d’absence au cours d’un même trimestre de la session ordinaire à plus de la moitié des votes solennels et réunions obligatoires de commission, la retenue est égale à la totalité du montant trimestriel de l’indemnité de fonction et à la moitié du montant trimestriel de l’IRFM.
Autrement dit, notre règlement fait expressément référence à l’IRFM comme base de calcul de cette sanction : je crains donc que cette disposition ne soit plus applicable à compter du 1er janvier prochain. Même si, heureusement, la quasi-totalité des membres de cette assemblée sont présents en commission comme en séance publique, ce qui a rendu inutile de recourir à cet ultime degré de sanction, il serait souhaitable, ne serait-ce que pour la crédibilité du dispositif, que nous en tenions compte dans notre règlement…. (Sourires.)
Sous réserve de ces quelques observations et commentaires, et non sans avoir salué l’important travail réalisé par le président de la commission des lois, le groupe Union Centriste soutiendra la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. –M. Didier Guillaume applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition de résolution du président du Sénat visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, la phase d’expérimentation étant parvenue à son terme.
Comme l’a indiqué notre collègue Hervé Marseille, cette expérimentation a été rendue possible par une disposition introduite par la révision constitutionnelle de 2008 et mise en application grâce à la loi organique du 15 avril 2009, qui dispose que le droit d’amendement des parlementaires « s’exerce en séance ou en commission ».
Le texte qui nous est soumis tend à pérenniser la procédure de législation en commission en introduisant de surcroît une innovation, à savoir la possibilité d’examen partiel d’un texte selon cette procédure. En effet, un certain nombre de textes comportent une partie strictement politique, qui mérite d’être débattue en séance publique, et une partie plus technique, dont l’examen pourrait se dérouler en commission.
Cette proposition de résolution vise donc à renforcer l’efficacité parlementaire. Elle doit également, selon moi, être considérée comme une occasion de renforcer l’initiative parlementaire : sachant que la discussion des propositions de loi dans le cadre des niches réservées à chaque groupe s’effectue dans un laps de temps très contraint, des textes plus fournis et plus techniques pourraient être présentés si les présidents de groupe s’accordaient pour qu’un certain nombre de propositions de loi ne soient examinées au fond qu’en commission.
On peut aussi imaginer que la législation en commission puisse être utilisée en matière de transposition de directives européennes, domaine dans lequel nous avons du retard à rattraper, ou de mise en conformité rapide de lois avec des engagements conventionnels. Il s’agit en effet parfois de textes très techniques qui, pour cette raison, ne font guère l’objet de débats en séance publique.
Pour autant, nous sommes tous très attachés au temps législatif, qui permet de faire prévaloir la réflexion sur l’émotion et de sécuriser les citoyens. S’il importe de pouvoir agir rapidement quand cela est nécessaire, sachant que le dispositif proposé comporte des sécurités, il convient également d’assurer, grâce à un temps législatif raisonnable, un examen approfondi de la plupart des textes. Cela correspond à la vocation du bicamérisme.
D’autres grandes démocraties, telles que l’Italie, les États-Unis ou le Royaume-Uni, ont expérimenté ce que nous nous apprêtons à mettre en œuvre. Les expériences de ces pays font apparaître que les groupes parlementaires sont capables de se mettre d’accord pour examiner un certain nombre de textes selon une procédure fast track, ce qui permet finalement une bonne négociation sur le fond des textes.
Il faudra cependant veiller à parer à certains risques : un lobbying moins transparent, une publicité moindre des débats, un risque d’inflation législative s’il est recouru trop souvent à cette procédure. Nous devrons donc être vigilants, mais l’existence de ces risques ne doit pas nous conduire à ne pas soutenir la présente initiative. En effet, les droits de l’opposition et les droits garantis par la Constitution à chaque parlementaire sont respectés. À cet égard, le droit de veto accordé aux groupes politiques est essentiel pour éviter toute dérive.
Mme Éliane Assassi. Il existait déjà un droit de veto !
M. Jean-Yves Leconte. Cela a été dit, chaque président de groupe aura la possibilité de s’opposer d’emblée au recours à la législation en commission pour l’examen d’un texte ou d’exiger le retour à la procédure normale lorsque cet examen aura déjà débuté. Je crois donc que, contrairement à ce que certains ont pu dire, les droits de l’opposition se trouveront renforcés. J’ajoute que, dans tous les cas, il y aura une discussion générale, qui permettra de mettre en évidence les clivages et les oppositions politiques, et que chacun pourra déposer des amendements. Je le répète, les garde-fous mis en place garantissent l’exercice des droits de l’opposition et des droits assurés à chaque parlementaire par la Constitution.
Le groupe socialiste et républicain soutiendra cette proposition de résolution mais défendra deux amendements, visant, l’un, à allonger le délai prévu pour le dépôt des amendements, l’autre, à instaurer un parallélisme des formes entre projets de loi constitutionnelle et propositions de loi constitutionnelle, seules ces dernières pouvant, pour l’heure, être discutées selon la procédure de législation en commission. Je ne saurais terminer sans saluer le travail réalisé par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, dès la réforme de son règlement de 2015, le Sénat avait mis à profit les avancées de la révision constitutionnelle de 2008 relatives à l’exercice du droit d’amendement en instituant la procédure d’examen en commission, cela à titre expérimental jusqu’au 30 septembre 2017.
La proposition de résolution déposée par le président Gérard Larcher vise à pérenniser cette procédure, tout en procédant à plusieurs adaptations pour en améliorer l’efficacité.
Malgré la dénomination de « législation en commission » donnée à cette nouvelle procédure, les textes qui en feront l’objet resteront votés en séance publique, même si le droit d’amendement ne s’exercera plus qu’en commission, laquelle sera en outre le lieu de l’essentiel des débats. Ainsi, il ne s’agit pas d’un mécanisme par lequel le Sénat déléguera entièrement son pouvoir législatif à une commission, à l’image de ce qui peut exister au Sénat italien.
Si le dispositif de cette nouvelle procédure a été élaboré à partir de celui de la procédure expérimentale d’examen en commission, il en diffère toutefois en innovant sur deux points. En premier lieu, il sera possible d’appliquer la procédure de législation en commission pour une partie seulement du texte. En second lieu, la possibilité sera ouverte de présenter, dans un cadre prédéfini, des amendements en séance sur les dispositions ayant fait l’objet d’un examen en commission.
Comme pour la procédure d’examen en commission, la décision d’engager cette nouvelle procédure reviendra à la seule conférence des présidents, sur proposition du président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, du président d’un groupe ou du Gouvernement. Dans ce cas, le droit d’amendement ne s’appliquera qu’en commission.
Par ailleurs, il est expressément prévu que cette procédure ne sera pas applicable aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Comme dans le cadre de la procédure d’examen en commission, le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond et tout président de groupe politique auront la faculté de s’opposer à la mise en œuvre de la procédure de législation en commission à deux stades : lors de la réunion de la conférence des présidents qui statue sur la question, tout d’abord ; à la suite de la réunion de la commission, c’est-à-dire au vu du texte adopté par la commission, ensuite.
De plus, la proposition de résolution prévoit la possibilité de demander un retour à la procédure normale pour une partie du texte seulement, que celui-ci ait fait l’objet de la procédure de législation en commission dans son ensemble ou uniquement pour certains articles.
Concernant l’organisation et la publicité des travaux de la commission, la proposition de résolution précise que les règles de publicité et de débat en séance sont applicables à la réunion de la commission, sauf dispositions contraires, et que le Gouvernement comme tous les sénateurs peuvent y assister. Ainsi, ces dispositions systématisent l’application des règles de publicité des débats en séance et permettent à tous les sénateurs qui le souhaiteront d’assister à la réunion de la commission.
Enfin, pour ce qui concerne l’exercice du droit d’amendement en séance, à la différence de la procédure d’examen en commission, la proposition de résolution prévoit d’autoriser le dépôt de certains amendements sur les dispositions ayant fait l’objet de la procédure de législation en commission, que celle-ci se soit appliquée à l’ensemble du texte où à une partie seulement. Seront seuls recevables les amendements visant à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec les textes en vigueur ou en cours d’examen ou avec le texte en discussion ou à procéder à la correction d’une erreur matérielle.
Mes chers collègues, cette procédure simplifiée doit nous permettre d’alléger la séance publique de discussions secondaires et, par là même, de gagner du temps.
En outre, grâce à l’instauration de garde-fous, le recours à cette procédure restera l’exception et ne deviendra pas la règle. Ainsi, chaque président de groupe disposera d’un droit de veto, qui pourra être exercé lors de la réunion de la conférence des présidents, mais également après l’adoption du texte de la commission selon la nouvelle procédure ; dans ce second cas, il y aura retour à la procédure normale pour la suite des travaux.
Cette double possibilité de veto est de nature à rassurer chacun. Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de résolution ! (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, pour des raisons circonstancielles, la commission des affaires économiques n’a pas eu l’occasion d’expérimenter la législation en commission dans la formule appliquée entre 2015 et 2017. Je sais néanmoins que mon prédécesseur, Jean-Claude Lenoir, l’avait envisagée favorablement.
Le président Philippe Bas vient de rappeler excellemment la réussite de cette expérience. Je tiens à dire d’emblée que le groupe Les Républicains, dans un souci constant de moderniser nos procédures, votera avec enthousiasme la proposition de résolution présentée par le président Larcher dans la rédaction retenue par la commission des lois.
Quel est à nos yeux le principal objet de ce texte ? Il est d’éviter la redondance, que nous constatons tous trop fréquemment, entre l’examen en commission et l’examen en séance publique. Les mêmes amendements sont bien souvent examinés trois fois : lors de la réunion de commission pour élaborer le texte, lors de la réunion d’examen des amendements de séance et, enfin, lors de la séance publique elle-même. D’une certaine manière, en déposant et redéposant ces amendements, nous « tentons notre chance » à chaque stade de la procédure ! Ces redondances allongent les discussions parfois inutilement : le temps gagné grâce à leur élimination nous permettra d’approfondir d’autres débats qu’il nous arrive de devoir escamoter, faute de temps.
Mais le recours à cette procédure aura aussi pour effet de valoriser notre travail législatif en commission. Il permettra de rendre publique une partie de ce travail. Il nous assurera un dialogue direct et vivant avec le Gouvernement et rendra sa solennité à la séance publique, qui pourra davantage se concentrer sur les textes que nous jugerons collectivement comme plus importants d’un point de vue politique.
Nous n’avons aucune inquiétude à nourrir quant à d’éventuelles restrictions à nos droits d’expression parlementaire. Personne ne pourra imposer qu’un texte soit discuté selon cette procédure, puisque le Gouvernement, la commission saisie au fond et, surtout, les groupes politiques pourront s’opposer à sa mise en œuvre.
Il sera également possible de revenir à la procédure ordinaire, même lorsque la législation en commission aura été engagée pour un texte. Il n’est en effet pas toujours possible d’anticiper la teneur d’un débat sur un projet de loi, son caractère plus ou moins intense ou conflictuel. Prévoir cette possibilité de retour à la procédure normale est donc extrêmement sage, et quoi de plus simple que de la faire jouer après la réunion de commission qui aura permis de comprendre qu’une séance publique de plein exercice est nécessaire ?
Dans son rapport, le président Philippe Bas précise bien que le recours à cette procédure a vocation à demeurer exceptionnel.
Lorsque le président-rapporteur de la commission des lois m’a auditionnée, je lui ai fait part de ma principale observation : la législation en commission ne doit pas être une séance publique en « modèle réduit », mais une vraie séance de commission. La proposition de résolution prévoit en effet que les règles de publicité et de débat en séance publique sont applicables à la réunion de la commission, sauf dispositions contraires. Je pense pour ma part que les règles du débat doivent s’apparenter davantage à celles du débat en commission qu’à celles de la séance publique. Le débat en commission autorise des souplesses, des prises de parole multiples, des durées d’intervention à la discrétion du président et non pas fixes, parfois des retours en arrière s’apparentant à des secondes délibérations, qui contribuent à la vitalité et la spontanéité du débat.
Pour parler clair, nous débattons en commission sans papiers préparés ; notre cœur, notre expérience et notre volonté s’y expriment plus spontanément. C’est pourquoi j’ai indiqué une préférence pour des règles de débat inspirées de celles qui sont vigueur en commission.
Sur ce point, la commission des lois apporte à mon sens la bonne réponse : il convient de ne pas importer en commission ce que Philippe Bas appelle « le formalisme, l’apparat et la rigidité de la séance publique », selon un rythme ternaire que nous apprécions tous ! Comme il le précise, le plus simple est d’appliquer les règles de la séance à titre supplétif, comme un recours quand la conduite d’un débat devient difficile.
La réussite de cette procédure dépendra également de la pratique qui sera retenue.
À cet égard, il sera à mon sens difficile de partager les textes entre parties purement « techniques » et parties que l’on pourrait qualifier de plus « sensibles », qu’il conviendrait de continuer à soumettre à un double examen en commission et en séance publique. Je pense que ce partage reposera sur des critères un peu subjectifs, certaines parties en apparence techniques pouvant se révéler plus sensibles en réalité qu’on ne l’imaginait au départ. En outre, si la commission est appelée à examiner les différentes parties dans la même journée ou demi-journée, il sera sans doute difficile de faire comprendre que la présence du Gouvernement et la publicité des travaux sont réservées aux parties les plus techniques, donc peut-être les moins importantes, du texte.
Je considère par ailleurs que maintenir la tradition sénatoriale qui laisse le Gouvernement en dehors des séances législatives à huis clos est souhaitable. C’est une question non pas de principe, mais d’efficacité : sa présence pourrait être source de redondances.
J’ai tendance à penser que nous privilégierons l’examen de textes entiers, relativement courts, car il est peu probable que nos collègues souhaiteront siéger en commission plusieurs jours et plusieurs nuits pour débattre d’un même texte.
La législation en commission pourrait aussi concerner des textes dont on peut penser qu’ils seront relativement consensuels, suscitant le dépôt de relativement peu d’amendements et peu d’affrontements, peu de discussions en tout cas, ce qui n’empêchera pas un débat vivant. C’est le cas des projets de loi de ratification d’ordonnance lorsque le Sénat aura donné son accord à l’habilitation à légiférer par ordonnance, par exemple. Le rapport de la commission des lois évoque également les textes en fin de navette, faisant l’objet d’une deuxième lecture, notamment.
Le texte voté en commission selon cette procédure fera l’objet d’un débat simplifié en séance publique. Je souhaite insister sur un point : il sera nécessaire d’appliquer très rigoureusement les règles de recevabilité des amendements de séance. Je rappelle qu’il est prévu qu’amender un texte en séance publique soit possible dans trois cas seulement : assurer le respect de la Constitution, la coordination avec d’autres textes en vigueur ou en cours de discussion ou la rectification d’erreurs matérielles. Il faudra éviter que ne soient rouverts des débats de fond de façon détournée, comme cela a pu arriver par le passé à l’Assemblée nationale, à propos d’articles pourtant « fermés » par des étapes antérieures de la discussion.
Enfin, une question me paraît devoir être posée, comme l’a d’ailleurs déjà fait Mme Assassi : celle de la concomitance de la législation en commission avec d’autres débats. L’actuelle procédure d’examen en commission est exclusive de la séance publique, mais autorise la tenue d’autres réunions de commission. Comme il est probable que l’application de la procédure de législation en commission impliquera de siéger plus longuement en commission, cela pourrait conduire à reléguer les réunions de certaines commissions, et même la séance publique, en soirée et la nuit, alors même que ces instances n’auraient pas pu siéger durant la journée.
Mme Éliane Assassi. Très juste !
Mme Sophie Primas. À première vue, cela ne paraît pas souhaitable, mais, d’un autre côté, la législation en commission étant ouverte à tous les sénateurs, le problème de l’éventuelle simultanéité des réunions se posera pour certains de nos collègues. Il faudra donc bien organiser l’agenda des travaux du Sénat en conférence des présidents !
Pour conclure, j’aimerais souligner que cette nouvelle procédure constitue une pierre de plus ajoutée à l’édifice de la réforme que nous avons entamée en mars 2015, qui se poursuivra avec la révision constitutionnelle que souhaite le Président de la République et à laquelle le Sénat travaille déjà dans un esprit que je qualifierai non pas de « constructif », mais en tous les cas de « novateur » ! (Sourires.)
Dans notre République, l’Assemblée nationale n’a plus beaucoup de marges de manœuvre, le Gouvernement ne lui en laissant guère. Elle doit toujours approuver l’essentiel des projets de loi. Cela n’a rien d’indigne : la logique majoritaire est l’un des fondements de la solidité des institutions voulues par le général de Gaulle. Depuis 1958, les Français ont rarement eu à s’en plaindre. Néanmoins, la contrepartie est que nos collègues députés ont de plus en plus tendance à multiplier les ajouts de détails dans les textes, faute de pouvoir peser sur les sujets de fond.
Nous, sénateurs, devons avoir une ambition plus large. Nous fustigeons l’inflation normative : nous devons donc faire la chasse aux lois obèses, aux lois bavardes, aux lois protéiformes, et recentrer les textes sur quelques prescriptions nécessaires. Ainsi que nous avons commencé à le faire sous l’impulsion des présidents Larcher et Bas, nous devons strictement appliquer les irrecevabilités, traquer les dispositions sans lien avec les textes en discussion et celles qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Mes chers collègues, nous devons aussi nous discipliner dans l’usage de notre droit d’amendement, cesser de redéposer sans cesse les mêmes amendements, car la législation déléguée n’aura qu’un effet restreint sur nos débats de ce point de vue.
Bref, pour éviter que ne tombent les bras des grands législateurs sous le regard desquels nous sommes constamment placés dans cet hémicycle, le Sénat se doit d’être et de demeurer le gardien exigeant de la qualité de la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission
Articles additionnels avant l’article unique
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Bouchet et Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, MM. Vogel, Paccaud et Magras, Mme Procaccia, MM. Bonne, de Nicolaÿ et Chatillon, Mmes F. Gerbaud, Lherbier, Lanfranchi Dorgal, Lamure et Thomas et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 23 bis du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … – Pour l’application des alinéas 7 et 8, la participation d’un sénateur aux travaux d’une réunion consacrée à l’examen des amendements en commission selon la procédure de législation en commission définie à l’article 47 ter est prise en compte comme une présence en commission. »
La parole est à M. Gilbert Bouchet.
M. Gilbert Bouchet. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du 1 de l’article 28 ter du Règlement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Aucune dérogation n’est possible dans le cadre de la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis. »
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Le troisième alinéa de l’article 42 de la Constitution dispose que la discussion en séance publique en première lecture ne peut intervenir dans la première assemblée saisie qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après le dépôt du texte. Pour la seconde assemblée saisie, ce délai est de quatre semaines après la transmission du texte.
Cette règle vise à garantir que les parlementaires disposent d’un délai raisonnable pour examiner chaque projet ou proposition de loi avant sa discussion.
À ces délais s’ajoute celui que prévoit le règlement de notre assemblée, devenu absolument nécessaire depuis la réforme de 2008 et l’entrée en vigueur de la règle de l’examen du texte de la commission en séance publique.
Ce délai vise à garantir, quant à lui, que les sénateurs disposent d’un temps raisonnable d’examen du texte entre sa modification en commission et sa discussion en séance publique. L’article 28 ter du règlement le fixe à deux semaines, avec possibilité de réduction à une semaine sur décision de la conférence des présidents.
Lorsque, comme c’est souvent le cas au Sénat, le texte est transmis par l’Assemblée nationale et que cette exception est appliquée, cela signifie que le rapporteur dispose de trois semaines pour élaborer sa version du texte, tandis que les autres sénateurs, s’ils veulent modifier celui-ci en commission, ne disposent en réalité pour ce faire que de cinq jours entre la réunion de la commission, qui se tient le mercredi, et la date limite de dépôt, souvent fixée au lundi suivant.
La fenêtre d’opportunité est donc extrêmement réduite.
Chacun ici mesure les implications de cette situation du point de vue de la qualité des amendements déposés, d’autant que les sénateurs autres que le rapporteur ne disposent pas de l’appui des services de la commission.
Nous proposons donc que, dans les cas particuliers de recours à la procédure de législation en commission, la réduction du délai de deux semaines à une semaine soit rendue impossible, afin de permettre un examen serein des modifications introduites par le rapporteur et, si besoin, de pouvoir demander le retour à la procédure normale.
Cette solution a l’avantage d’améliorer la qualité du travail législatif sans accroître pour autant le temps des discussions en commission ou en séance publique. Son application profiterait tant aux membres des groupes minoritaires et d’opposition qu’à ceux du groupe majoritaire.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet excellent amendement ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je suis au regret de devoir vous dire, monsieur Collin, que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Avec la procédure de législation en commission, nous entrons dans un régime de souplesse : la conférence des présidents décidera.
Vous savez bien, mon cher collègue, que les délais de six ou quatre semaines – selon qu’il s’agit de la première ou de la seconde assemblée saisie – prévus dans le cadre du parcours ordinaire d’un texte de loi « sautent » dès lors que la procédure dite accélérée est engagée.
La meilleure garantie que nous aurons le temps de procéder à un travail de fond sur les textes examinés dans le cadre de la procédure de législation en commission – ce ne seront sans doute pas les plus complexes dont nous aurons à délibérer – tient au fait que la conférence des présidents devra décider du recours à cette procédure. Je crois qu’il faut lui faire confiance, sachant que le droit de veto de chaque président de groupe garantit, de manière absolue et radicale, que l’examen en commission ouverte permettra un travail de qualité.
Je préférerais, monsieur Collin, que vous retiriez votre amendement, au bénéfice de cette explication un peu empirique.
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Dantec et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le chapitre IV bis du Règlement, il est inséré un chapitre IV … ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV …
« Association des citoyens à l’examen des projets et des propositions de loi
« Art. 28 … – Un espace participatif destiné à recueillir l’avis de citoyens est aménagé sur le site internet du Sénat après la désignation du rapporteur par la commission saisie au fond pour l’examen d’un projet de loi ou d’une proposition de loi.
« Les principales observations ainsi collectées ainsi que les propositions d’amendements recevables en émanant sont présentées par le rapporteur lors de l’examen des amendements en commission.
« L’ensemble des participations ainsi recueillies est publié conjointement au rapport. »
II. – Le I s’applique jusqu’au 31 décembre 2019.
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Nous discutons un texte visant à simplifier la procédure législative au Sénat en favorisant le débat en commission élargie, tout en amoindrissant le poids de la séance publique. Cette dernière sera réduite à sa plus simple expression : la correction des erreurs matérielles et l’examen des amendements de coordination.
Cela aura pour effet de rendre notre travail encore plus difficilement compréhensible par nos concitoyens, à moins, évidemment, que l’on établisse un certain formalisme pour les séances de commission et que l’on accepte, enfin, qu’elles soient filmées et diffusées en direct, au même titre que la séance publique, comme cela se fait d’ailleurs déjà à l’Assemblée nationale.
Dans cet esprit, nous présentons un amendement allant dans le sens du rapprochement avec nos concitoyens, afin de les inciter à participer à nos travaux en émettant des avis et des propositions sur une plateforme dédiée sur le site du Sénat. Il existe déjà des espaces participatifs sur notre site internet. Il conviendrait toutefois d’en améliorer l’ergonomie et, surtout, de publier les résultats de ces consultations dans nos rapports, afin de pouvoir en débattre dans l’hémicycle.
Cet amendement constitue avant tout un message adressé à nos concitoyens. Nous leur manifestons notre souhait de travailler avec eux ; nous leur indiquons que nous les écoutons et sommes à leur disposition pour leur expliquer les décisions que nous prenons.
En adoptant cette disposition, le Sénat montrerait sa capacité à adapter son fonctionnement aux nouvelles attentes des citoyens, qui ne se limitent pas à l’accélération de la procédure législative.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Dantec et Gabouty et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre IV bis du Règlement, il est inséré un chapitre IV … ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV …
« Association des citoyens à l’examen des projets et des propositions de loi
« Art. 28 … – À la demande du rapporteur désigné par la commission saisie au fond pour l’examen d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, un espace participatif destiné à recueillir l’avis de citoyens est aménagé sur le site internet du Sénat.
« Les principales observations ainsi collectées, et les propositions d’amendement s’en inspirant sont présentées par le rapporteur lors de la présentation de son rapport et de l’examen des amendements en commission. »
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Cet amendement de repli, très similaire au précédent, prévoit que l’espace participatif soit ouvert seulement à la demande du rapporteur. Il ne comporte plus, en outre, la mention d’une publication dans le rapport des propositions soumises par nos concitoyens.
En l’état, ce dispositif s’apparente à la pratique actuelle de la Haute Assemblée. Il s’agit donc uniquement de consacrer cette pratique dans notre règlement, sans que cela puisse perturber nos modes actuels de fonctionnement.
Toutefois, le signal que nous enverrons à nos concitoyens si cet amendement est adopté est important : le Sénat simplifie sa procédure législative, tout en incitant les citoyens à participer à ses travaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. À regret, j’exprime un avis défavorable. Je précise « à regret », car nous aimons tous les espaces participatifs. La commission des lois y recourt d’ailleurs régulièrement : cela a été le cas pour la réforme de la justice, donc sur un sujet qui n’était pas secondaire.
Cependant, monsieur Artano, nous n’avons pas besoin d’adopter l’un de ces amendements pour faire vivre des espaces participatifs. En revanche, si nous votions l’un ou l’autre, nous commettrions une inconstitutionnalité, ce qui serait regrettable pour la Haute Assemblée…
En effet, des amendements pourraient être déposés dans le cadre des espaces participatifs dont vous proposez la mise en place et ils devraient ensuite être discutés par notre assemblée. Or une telle disposition est inconstitutionnelle : selon le principe de la démocratie représentative, nos concitoyens n’ont pas le droit d’amendement. Nous, parlementaires, représentons la Nation et, avec le Gouvernement, nous disposons du monopole de l’initiative législative.
On peut certes envisager de faire évoluer cette doctrine, mais pour cela il faudra réviser la Constitution. Un exercice de révision constitutionnelle semble précisément pouvoir s’ouvrir dans un proche avenir : profitez-en alors, mon cher collègue, pour faire progresser vos idées !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je ne rejoins pas M. le rapporteur dans ses conclusions. De fait, la législation en commission donnera au rapporteur un pouvoir bien plus important. L’espace participatif que nous proposons d’instaurer lui permettra de se forger une vision plus large des différentes pistes d’amélioration de la loi. À l’heure actuelle, nous recevons tous des propositions d’amendement de notre entourage, de personnes expérimentées qui nous fournissent un texte tout rédigé… C’est ainsi que, parfois, un même amendement est présenté à trois, quatre ou cinq reprises en séance.
Cet espace participatif permettra une transmission directe des propositions d’amendement aux parlementaires, par courriel. Offrant à des citoyens non organisés un espace de proposition, il permettra au rapporteur de disposer d’une vision plus générale du sujet examiné. Évidemment, il ne s’agit nullement de donner un droit d’amendement aux contributeurs. Tout restera totalement sous le contrôle du rapporteur. Nous prévoyons simplement que le rapport restituera la teneur des propositions et observations déposées dans l’espace participatif.
Alors que nous nous apprêtons à donner une plus grande place au travail en commission, ce serait faire œuvre utile que de mettre cet outil complémentaire à la disposition du rapporteur. En tout cas, notre proposition n’a rien d’anticonstitutionnel, car il n’est absolument pas prévu d’accorder un droit d’amendement aux citoyens via l’espace participatif.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Voilà une excellente idée, si excellente qu’elle n’est pas nouvelle ! L’espace participatif est un moyen que nous utilisons assez souvent. Il a été mis en œuvre, en particulier, par la commission des lois, et j’y ai eu recours à titre personnel, à l’occasion de l’examen de la loi dite Sapin II et de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale. Nous avons alors ouvert un espace participatif et je puis vous assurer que nous avons lu et analysé l’ensemble des contributions qui y ont été inscrites. Je souhaite que nos concitoyens puissent par ce biais s’initier et participer au débat parlementaire, mais je dois dire que les expériences que j’ai tentées ont tout de même débouché sur une réelle déception, tant les contributions ont été peu nombreuses.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article unique
Le chapitre VII bis du Règlement est ainsi rédigé :
« Chapitre VII bis
« Législation en commission
« Art. 47 ter
« 1. – À la demande du Président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, du président d’un groupe ou du Gouvernement, la Conférence des Présidents peut décider que le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement sur un projet de loi ou une proposition de loi ou de résolution s’exerce uniquement en commission, dans les conditions mentionnées aux alinéas 1 et 2 de l’article 28 ter.
« 1 bis. – La procédure de législation en commission n’est pas applicable aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.
« 2. – La procédure de législation en commission ne peut être décidée en cas d’opposition du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d’un président de groupe.
« 2 bis. – La procédure de législation en commission peut être décidée sur certains articles seulement d’un projet de loi ou d’une proposition de loi ou de résolution.
« 3. – Sur la proposition du président de la commission saisie au fond, la Conférence des Présidents fixe la date de la réunion consacrée à l’examen des amendements en commission et à l’établissement du texte de la commission ainsi que le délai limite pour le dépôt des amendements en commission. Elle fixe également le délai limite pour le dépôt des amendements au texte de la commission en application de l’alinéa 1 de l’article 47 quater et, lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur certains articles seulement du texte, pour le dépôt des amendements aux autres articles du texte de la commission.
« 4. – Les sénateurs et le Gouvernement sont immédiatement informés de la date de la réunion et des délais limite.
« 5. – Le Gouvernement et l’ensemble des sénateurs peuvent participer à la réunion.
« 6. – Les règles de publicité et de débat en séance sont applicables en commission, sauf dispositions contraires du présent article.
« 7. – Seules les motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et la question préalable peuvent être présentées en commission. Leur adoption entraîne le rejet du texte et le retour à la procédure normale pour sa discussion en séance.
« 8. – Sans préjudice de l’alinéa précédent, à la fin de la réunion, la commission statue sur l’ensemble du texte. Le rejet du texte entraîne le retour à la procédure normale pour sa discussion en séance.
« 9. – Le rapport de la commission comprend un compte rendu détaillé des débats en commission.
« 10. – Le retour à la procédure normale peut être demandé, le cas échéant sur certains articles seulement du texte, par le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond ou un président de groupe, au plus tard le vendredi précédant la semaine au cours de laquelle est examiné le texte en séance, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.
« 11. – En cas de retour à la procédure normale, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance est celui fixé en application de l’alinéa 3, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.
« Art. 47 quater
« 1. – Sur les dispositions faisant l’objet de la procédure de législation en commission, sont seuls recevables en séance, dans les conditions fixées à l’article 50, les amendements visant à assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d’autres textes en cours d’examen ou avec les textes en vigueur ou procéder à la correction d’une erreur matérielle.
« 2. – Lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur certains articles seulement du texte, il ne peut être reçu en séance aucun amendement qui remettrait en cause les dispositions faisant l’objet de cette procédure.
« 3. – La commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et des sous-amendements dans les cas prévus au présent article.
« Art. 47 quinquies
« 1. – Lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur l’ensemble du texte, aucune des motions mentionnées à l’article 44 ne peut être présentée en séance, sauf l’exception d’irrecevabilité. Lors de la séance, le Président met aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants des commissions pour une durée ne pouvant excéder sept minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents.
« 2. – Lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur certains articles seulement, lors de la séance, le Président met aux voix l’ensemble des articles adoptés selon cette procédure avant le vote sur l’ensemble du texte. Seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants des commissions pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe et un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder deux minutes et demie chacun, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents. »
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, sur l’article.
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, je n’ai pas pris la parole dans la discussion générale et je ne la reprendrai pas au moment des explications de vote.
Je ne m’opposerai pas à l’adoption de ce texte, même s’il représente, à mes yeux, une grave remise en cause du pouvoir des parlementaires.
Je ne m’y opposerai pas parce que des garde-fous ont été prévus : le président de la commission saisie au fond et les présidents de groupe peuvent s’opposer à l’utilisation de la procédure de la législation en commission ou y mettre fin. Ce droit de veto constitue une garantie, mais vous devez être tous conscients, mes chers collègues, que dans ce système un sénateur n’aura plus le droit de vote sur un texte qu’il aura proposé s’il n’est pas membre de la commission saisie au fond, sachant que le droit d’amendement en séance publique sera fortement restreint. Nous nous apprêtons donc à voter un texte qui diminuera notre pouvoir réel…
Nous pouvons le concevoir tant que la nouvelle procédure s’appliquera pour des textes de portée limitée, mais si un jour, pour des raisons que l’on peut imaginer, une dérive apparaît, le pouvoir de chacun d’entre nous se trouvera gravement remis en cause. Il aurait fallu accorder à l’auteur du texte le droit de vote en commission. Certes, des membres de son groupe appartenant à la commission saisie au fond pourront se faire son porte-parole, mais le tropisme de ladite commission s’exercera.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je me suis entretenu de cette question avec M. Adnot au cours des auditions auxquelles j’ai procédé.
Je reconnais bien volontiers que, dans nos débats au sein de l’hémicycle, des amendements qui ne font pas l’objet d’un avis favorable de la commission peuvent être adoptés quand l’un ou l’une d’entre nous déploie suffisamment de force de conviction pour persuader un certain nombre de collègues bienveillants de prendre part à la séance au moment opportun…
Votre observation s’inspire de votre expérience de sénateur n’appartenant à aucun groupe politique, monsieur Adnot, mais on peut voir les choses d’une autre manière. La régulation des travaux de notre assemblée repose tout de même largement sur l’existence d’une majorité et d’une opposition, et le rôle des groupes politiques est très important. De ce point de vue, l’affirmation d’une majorité a tout de même une valeur démocratique.
Vous vous exprimez en tant que sénateur n’appartenant à aucun groupe, je vous réponds en tant que président de commission : chacun est dans son rôle. Je dois dire qu’il m’est parfois arrivé de me sentir pris dans une embuscade lorsque, nuitamment, les collègues favorables à un amendement se sont soudain trouvés assez nombreux dans l’hémicycle pour le faire adopter, ce qui a pu conduire à des incohérences dans le texte en discussion.
C’est pour cette raison que, tout en reconnaissant la valeur de votre argument, je n’ai pas souhaité lui donner de traduction juridique au travers des amendements que j’ai présentés sur cette proposition de résolution.
J’admets que c’est pour vous une perte de chances, mais je ne souhaite pas que l’on puisse porter atteinte à la cohérence et à l’équilibre d’un texte en tirant parti des circonstances d’un débat pour faire adopter, parfois dans une sorte d’improvisation, un amendement qui serait contraire à la position de la commission.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Nous entendons réaffirmer notre opposition de fond à la procédure de législation en commission.
À l’heure où le Président de la République exprime avec force sa volonté de réduire les pouvoirs et les droits du Parlement, il nous semble risqué de lui donner des moyens de mettre en œuvre cette politique, aux dépens de la liberté de la Haute Assemblée.
En outre, nous relevons dans la proposition de résolution des incohérences ou des approximations qui mettent en question, selon nous, la crédibilité du dispositif présenté. Vous-même avez, monsieur le rapporteur, quelques doutes à cet égard. Vous soulevez, notamment, le caractère aléatoire et parfois complexe de la délimitation entre mesures dites techniques et mesures plus politiques. La question de la recevabilité des amendements portant sur les dispositions examinées en séance publique n’est, par exemple, pas résolue de manière satisfaisante à notre avis.
Pour justifier une éventuelle extension du recours à la législation en commission, vous ouvrez à l’ensemble des sénatrices et des sénateurs la réunion de la commission saisie au fond. Mais seuls les membres de cette commission auront le droit de vote : peut-on dès lors considérer que le droit d’amendement de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs est respecté ? La question mérite d’être débattue.
Une autre interrogation porte sur l’arbitraire de l’organisation des débats de commission, laissée à la discrétion du président ou de la présidente de celle-ci. Ce sera donc une législation à géométrie variable, sans droits préétablis pour l’opposition, en particulier. Le respect du pluralisme, alors que les petits groupes ne comptent qu’un ou deux membres dans chaque commission, est aussi loin d’être assuré.
Enfin, nous avons obtenu le rétablissement explicite du droit de veto pour les présidents de groupe. C’est une garantie, mais seulement pour aujourd’hui. Qu’adviendra-t-il demain si, du fait de la réduction du nombre de parlementaires et du maintien d’un mode de scrutin imparfait, l’opposition n’est plus représentée sous forme de groupes ? Dans la situation de recomposition politique que nous connaissons, cette hypothèse n’est pas absolument aberrante.
Toutes ces objections nous conduisent à proposer la suppression de ce projet d’instauration de la procédure de législation en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois. Je ne conteste pas la cohérence de la position de votre groupe, monsieur Ouzoulias. Pour autant, au cours de la discussion générale, l’intérêt de cette nouvelle procédure, qui encore une fois n’est pas appelée à se substituer dans une large mesure à la procédure normale, a été clairement mis en évidence. Par ailleurs, et surtout, il ne faut pas oublier que, à tout moment, un président de groupe pourra mettre fin à l’utilisation de la procédure de législation en commission. Tout est dit !
L’avis de la commission est évidemment défavorable.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
ou de résolution
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Le champ d’application de la procédure de législation en commission est une question essentielle. Fallait-il le limiter à certains types de textes dès lors que le droit de veto des présidents de groupe était consacré ?
Dans sa décision du 11 juin 2015, le Conseil constitutionnel a considéré que certains textes ne pouvaient se voir appliquer cette procédure, en raison de leur soumission à des dispositions particulières du règlement : les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Cela revient finalement à reconnaître que pourraient se faire jour des dérives dans l’application de cette procédure.
Dès lors qu’aucun obstacle juridique ne nous empêche de réduire un peu plus le champ d’application de la procédure de législation en commission au-delà des limites fixées par le Conseil constitutionnel, le cas particulier des résolutions mérite d’être évoqué, puisque celles-ci ne constituent pas, à proprement parler, des dispositions législatives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je reprends l’argument avancé à l’instant par M. Pillet : le droit de veto accordé aux présidents de groupe empêchera une application de la procédure de législation en commission qui pourrait être jugée politiquement inopportune.
M. Yvon Collin. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Leconte, Sueur, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Après la première occurrence du mot :
projets
insérer les mots :
et aux propositions
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jean-Yves Leconte. La proposition de résolution prévoit qu’il ne peut être recouru à la procédure de législation en commission pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Cela s’explique par le fait que ces trois types de projets de loi ne donnent pas lieu à l’élaboration d’un texte en commission.
Toutefois, afin d’assurer un parallélisme des formes entre projets de loi constitutionnelle et propositions de loi constitutionnelle, nous proposons d’élargir cette exception à ces dernières, même si en pratique, nous le reconnaissons, il est probable que le président d’un groupe demandant l’inscription d’une proposition de loi constitutionnelle à l’ordre du jour souhaitera que ce texte soit discuté en séance publique.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Yvon Collin. Notre entêtement à vouloir mettre sur le même plan projets et propositions de loi constitutionnelle procède de la volonté de défendre les droits du Parlement que j’ai exprimée dans la discussion générale.
Le rééquilibrage institutionnel entre le Parlement et l’exécutif nécessite en premier lieu que les parlementaires refusent d’intérioriser les limites de la portée de leur action. Imagine-t-on quelque gouvernement que ce soit reconnaître à une proposition de loi une valeur supérieure à celle d’un projet de loi ?
Cette résistance passe par l’octroi des mêmes garanties procédurales à l’examen des textes constitutionnels, que ceux-ci soient d’origine gouvernementale ou parlementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je dois reconnaître que j’ai de la sympathie pour ces amendements et que je me suis fait quelque peu violence pour les rejeter ! (Exclamations amusées.) Si je l’ai fait, c’est par devoir !
L’approche des auteurs de ces amendements est cohérente : puisque les projets de loi constitutionnelle ne peuvent pas faire l’objet de la procédure de législation en commission, pourquoi les propositions de loi constitutionnelle ne bénéficient-elles pas de la même exception ? La question est légitime.
En fait, il y a une raison relativement simple à cette différence.
Dans le cas d’un projet de révision de la Constitution émanant du Gouvernement, la commission n’adopte pas de texte et l’on examine en séance le texte gouvernemental. Cela rend absolument impossible l’application de la procédure de législation en commission.
En revanche, les propositions de loi constitutionnelle donnent bien lieu à l’établissement d’un texte par la commission. Dès lors, le recours à la procédure de législation en commission pourrait se concevoir. Toutefois, s’il peut se concevoir juridiquement, il est inconcevable sur le plan politique, cela va de soi.
Si nous voulons éviter de faire une entorse à la règle générale selon laquelle seuls sont exclus du champ d’application de la procédure de législation en commission les textes qui ne donnent pas lieu à l’établissement d’un texte par la commission, nous devons rejeter ces amendements. Cela me paraît d’autant plus souhaitable que, sinon, il faudra aussi envisager des règles spécifiques pour l’examen des résolutions portant sur le règlement ou des lois organiques, supposées très importantes. On n’en sortira pas ! Là encore, il faut se dire que la seule vraie garantie est d’ordre politique : c’est le droit de veto accordé aux présidents de groupe ! Qui imaginerait que l’on puisse réviser la Constitution en utilisant la procédure de législation en commission ? Personne !
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir rejeter ces amendements. Ils me sont sympathiques et sont inspirés par une vision exacte de l’importance des textes constitutionnels, mais leur adoption poserait un problème de cohérence.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Votre brillante argumentation, monsieur le président de la commission, m’amène à penser que vous auriez logiquement dû exprimer un avis favorable sur ces amendements ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. C’était mon premier mouvement, mais j’ai résisté ! (Sourires.)
M. Jean-Yves Leconte. Il ne faut pas se faire violence, monsieur le rapporteur !
M. Didier Guillaume. Faites encore un effort ! (Nouveaux sourires.)
Réviser la Constitution, ce n’est tout de même pas rien ! Vous objectez que si l’on suivait notre proposition, les exceptions pourraient être nombreuses, mais exclure les propositions de loi constitutionnelle du champ d’application de la procédure de législation en commission, ce n’est pas une exception comme les autres !
Certes, la conférence des présidents est souveraine et un président de groupe pourra toujours mettre son veto. Nous sommes d’accord, et c’est pourquoi nous soutenons la proposition de résolution, mais y inscrire qu’aucun texte visant à réviser la Constitution ne pourra être débattu selon la procédure de législation en commission instituerait un verrou plus solide que celui de la conférence des présidents et du droit de veto des présidents de groupe. Cela aurait une portée symbolique forte. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. Vous avez enterré ces amendements sous les fleurs, monsieur le rapporteur (Rires.), mais je suis persuadé que le Sénat les adoptera.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 5 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
constitutionnelle,
insérer les mots :
aux projets ou propositions de loi organique,
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Je voudrais simplement souligner – n’y voyez pas d’acharnement de ma part, mes chers collègues ! (Sourires.) –, que notre droit constitutionnel réserve également aux lois organiques des garanties procédurales spécifiques, en lien avec leur place dans la hiérarchie des normes. Pourquoi, dès lors, les soumettre à une procédure législative si confidentielle ?
Je n’ignore pas qu’une loi organique a déjà été adoptée selon cette procédure, en vue de dématérialiser le Journal officiel, sujet sensible s’il en est… Mais peut-on, d’une expérience si précisément consensuelle, tirer la conclusion que cette procédure serait utile en matière organique ? Je ne le crois pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ici, le problème est différent.
M. Didier Guillaume. Ni fleurs ni couronnes ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Sur quatre lois adoptées en application de cette procédure, deux étaient organiques, notamment la célèbre loi sur la dématérialisation du Journal officiel. Il peut arriver que des dispositions de lois organiques n’aient pas une importance universelle…
Mme Éliane Assassi. Ou cosmique !
M. Philippe Bas, rapporteur. Tout à fait, ma chère collègue !
Il peut arriver, donc, que de telles dispositions, techniques, aient leur place au sein de cette procédure. Ce n’est pas la même situation que pour la Constitution, où chaque disposition est importante.
Sous le bénéfice de cette explication, peut-être accepteriez-vous de retirer votre amendement, mon cher collègue ?
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville.
L’amendement n° 20 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
M. Yvon Collin. L’alinéa 8 de la proposition de résolution ouvre la possibilité de recourir à la procédure de législation en commission pour des parties de texte également. Nous nous opposons à cette possibilité pour diverses raisons.
Tout d’abord, cette faculté n’a pas été expérimentée dans le temps imparti par la précédente résolution. Compte tenu des nombreux problèmes techniques que sa mise en œuvre est susceptible de comporter, cette expérimentation aurait pourtant été très utile, me semble-t-il.
À l’heure où nous critiquons les lois « portant diverses dispositions en matière de », qui ne sont que des agrégats de dispositions disparates visant plusieurs objectifs parfois très éloignés, il est à craindre que ce « saucissonnage » – permettez-moi cette expression –, cette fragmentation de l’examen des textes selon différentes procédures aggrave cette tendance au salmigondis !
En la matière, le Parlement n’a d’ailleurs pas de leçons à recevoir du Gouvernement. Comme l’a relevé fort justement le président Larcher, un cinquième des amendements portant articles additionnels sont en réalité d’origine gouvernementale !
Je crois que l’amélioration de la qualité de la loi passera par une plus grande cohérence de l’ensemble des dispositions intégrées à un même texte, au service d’un nombre d’objectifs restreints. Tel n’est pas l’effet escompté de l’application partielle de la procédure de législation en commission.
Enfin, l’ouverture de cette possibilité réveille nos inquiétudes de voir cette procédure utilisée de manière plus fréquente qu’elle l’a été jusqu’à présent, soit quatre fois en deux ans. On peut en effet imaginer que des dispositions jugées consensuelles soient identifiées dans chaque texte soumis au Parlement.
Si les propositions de recours partiel à cette procédure se multipliaient, les présidents de groupes devraient systématiquement procéder à un examen minutieux des dispositions en cause avant même leur inscription à l’ordre du jour, ce qui n’est pas souhaitable compte tenu des délais déjà très restreints que j’évoquais plus tôt.
La législation en commission doit demeurer une procédure exceptionnelle, appliquée à un texte dans son intégralité.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 20.
M. Fabien Gay. L’une des principales innovations de cette proposition de résolution, par rapport à l’expérimentation qui s’est déroulée de mai 2015 au 30 septembre 2017, est d’autoriser une législation partielle en commission.
Un même texte pourra donc être amendé pour partie en commission, pour ce qui est des dispositions jugées techniques, par la commission saisie au fond, et pour partie en séance publique pour les dispositions jugées politiques et plus fondamentales.
Vous l’aurez compris, nous sommes en total désaccord avec ce principe, auquel vous consacrez, monsieur le président Bas, une pleine page dans votre rapport – la page 37. Vous y utilisez les termes « complexe », « difficultés » et « subjective » pour montrer, sans le dire, l’imperfection du système proposé.
Une question clef est, bien entendu, le caractère aléatoire de la classification des articles jugés techniques ou non. Nous l’avons vu à l’occasion de la loi Macron, ou encore de la première loi Travail, des dispositions jugées techniques peuvent être lourdes de conséquences sociales ou économiques.
Monsieur le président, nous nous étonnons du maintien d’un dispositif qui, apparemment, ne vous convenait pas. Il s’agit pourtant ici du respect d’un droit fondamental, le droit d’amendement, qui nécessite de prendre clairement ses responsabilités.
C’est ce que nous proposons en supprimant la législation partielle en commission.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a estimé qu’un peu de souplesse ne nuirait pas, car certains textes peuvent être sécables et s’inscrivent en réalité dans la tradition ancienne des projets de lois portant diverses dispositions d’ordre social ou financier, ou relatifs à la législation du travail.
Certaines mesures ne posent pas de problème politique majeur et peuvent à ce titre faire l’objet d’un examen selon la procédure législative en commission. D’autres, qui n’ont strictement rien à voir entre elles, méritent au contraire un débat très approfondi, selon la procédure ordinaire.
C’est la raison pour laquelle la commission a estimé devoir émettre un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’ai retenu de la discussion générale, et plus particulièrement des propos de Mme Primas, que la Haute Assemblée devait se garder des lois redondantes, obèses, bavardes, etc.
Je partage tout à fait cette volonté, mais, pour ce faire, il faut avoir une intelligence complète de la loi et ne pas remettre à des commissions le droit de porter un jugement sur des aspects que l’on estimerait a priori techniques ; c’est au contraire en séance que nous devons, lorsque c’est possible, considérer que certains articles relèvent du domaine réglementaire et doivent être repoussés. Sinon, on estime qu’il y a deux possibilités d’examen, dont l’un est réalisé par une espèce de commission, avec un rôle subalterne, qui consisterait à émettre un avis technique extrêmement simple.
Mes chers collègues, je vous incite à voter cet amendement pour éviter les dérives qui ont été identifiées par Mme Primas.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Monsieur Ouzoulias, en effet, j’ai dit tout à l’heure en séance que j’émettais un certain nombre de réserves sur le découpage des textes, compte tenu de la transformation de certains débats techniques, qui deviennent contre toute attente extrêmement sensibles.
Toutefois, dans ce cas, M. le président de la commission des lois a prévu des garde-fous, qui permettent de revenir en arrière à l’issue de l’examen en commission. Ces éléments sont suffisamment forts pour que l’expérience soit tentée dans des conditions bien précises.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié et 20.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
la réunion
par les mots :
l’examen des amendements et au vote
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement vise à réserver un temps de discussion préalable à l’examen d’un texte en commission par la voie de la procédure de législation en commission aux membres de la commission saisie au fond.
En effet, plusieurs d’entre nous ont souligné les limites liées à la présence systématique du Gouvernement lors de l’examen du texte en commission, qui pourrait limiter la liberté d’expression des parlementaires soutenant la majorité gouvernementale. Les pratiques varient d’ailleurs entre le Sénat et l’Assemblée nationale, où le Gouvernement assiste plus régulièrement aux réunions des commissions, afin d’asseoir le fait majoritaire.
Les travaux issus des groupes de travail de l’Assemblée nationale suggèrent de systématiser cette présence dès le stade de la commission. Nous considérons au contraire que cette évolution aurait le défaut de rendre plus opaques les travaux parlementaires et pourrait donner lieu à des réunions informelles préalables dans les couloirs, comme c’est courant, paraît-il, au Parlement européen.
Bien que le Conseil constitutionnel se soit appuyé sur la mention de la présence du Gouvernement dans sa décision relative à la dernière modification de notre règlement, sa position n’est pas claire sur le caractère obligatoire ou non de cette présence lors des réunions en commission.
Pour notre part, nous sommes favorables à l’interprétation stricte de l’article 44 de la Constitution, selon laquelle la présence du Gouvernement n’est requise que pour l’examen des amendements et le vote.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est important que nous donnions à la séance de la commission se réunissant selon la procédure de la législation en commission toute la solennité nécessaire, en nous inspirant des règles d’organisation de nos débats dans l’hémicycle.
Nous ne concevons pas que le débat législatif puisse se dérouler en l’absence d’un ministre dans l’hémicycle. Cette présence doit aussi être obligatoire lorsque nous légiférons en commission, ce qui est très différent d’une réunion ordinaire. D’ailleurs, si les ministres exigeaient d’être présents lors de nos réunions de commission, nous serions obligés de les recevoir. Certains s’y sont essayés, mais, après avoir fait le bilan de leur participation à ces travaux, ils n’ont pas renouvelé l’expérience ! (Sourires.)
S’agissant de cet exercice tout à fait particulier, la séance est publique, le Gouvernement est là et nos débats sont filmés : nous nous inspirons au maximum du travail au sein de l’hémicycle.
C’est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; en effet, je serais particulièrement désolé d’avoir à confirmer l’avis défavorable de la commission.
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première phrase
Après les mots :
texte de la commission
insérer les mots :
, hors des horaires habituellement réservés aux réunions des commissions permanentes
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement a pour objet de souligner les limites pratiques à l’application de la procédure de législation en commission.
Cette version de la résolution prévoit en effet que tous les sénateurs pourront y assister, y compris ceux qui ne sont pas membres de la commission saisie au fond.
Il serait nécessaire de prévoir que les réunions de la commission saisie au fond se déroulent à des horaires différents de ceux qui sont habituellement réservés aux réunions des commissions permanentes, c’est-à-dire le mercredi matin, afin que tous les sénateurs puissent effectivement y participer. Il s’agit là d’une limite logistique non négligeable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La souplesse est nécessaire. Toutefois, je vous apporte tous les apaisements nécessaires, d’autant que cette question intéresse l’ensemble de nos collègues.
En tant que membre d’une commission autre que celle qui se prononce selon la procédure de législation en commission, vous participerez aux travaux de celle-ci un mercredi matin. Votre présence aura la même valeur pour le calcul du temps de travail parlementaire que si vous aviez siégé au sein de votre propre commission.
Mon cher collègue, la règle est déjà posée et nous avons déjà eu l’occasion d’expérimenter cette procédure depuis trois ans. N’ayez donc aucune inquiétude, tout a été prévu : la participation aux travaux d’une commission qui légifère ne vous pénalisera pas.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Nous pouvons dormir tranquilles ! (Sourires.) Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.
L’amendement n° 21, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il s’agit d’un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Dans la mesure où nous avons rejeté un précédent amendement, celui-ci n’a plus d’objet.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Gay, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Fabien Gay. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Chaque amendement peut être défendu pendant deux minutes et demie.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. La version actuelle de la résolution prévoit que les règles de la séance publique seront respectées en commission, mais supprime dans le même temps certaines dispositions qui figuraient dans la version du texte expérimentée depuis 2015.
Il est proposé de rétablir la mention explicite du temps de parole garanti pour défendre un amendement, ce qui permet de souligner par ailleurs les limites pratiques à l’observation exacte des règles de la séance au stade de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Le travail en commission est déjà régi par des obligations de temps de parole ; simplement, le président de la commission en use avec souplesse.
D’une part, nous n’avons pas besoin de préciser de nouveau ce qui existe déjà. D’autre part, cette règle – c’est tout l’avantage de légiférer en commission – n’a pas besoin d’être opposée à chaque orateur de manière aussi rigoureuse que pendant nos travaux dans l’hémicycle. Ainsi, la législation en commission permet à un dialogue plus souple de s’instaurer.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est extrêmement important. Nous savons tous comment les choses se passent en commission, notamment lorsque nous devons traiter mille amendements à la chaîne, dans des délais très restreints.
M. Yvon Collin. Ce n’est pas partout pareil !
M. Philippe Bas, rapporteur. Venez à la commission des lois ! (Sourires.)
M. Ronan Dantec. Puisque les choses ne se passent pas toujours comme en commission des lois, il faut renforcer la règle.
M. Philippe Bas, rapporteur. Elle existe déjà !
M. Ronan Dantec. Cet argument confirme l’utilité de notre amendement, qui vise précisément à sécuriser le travail en commission. Sinon, nous risquons des frustrations et des contentieux, bref des difficultés.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. François Pillet, vice-président de la commission des lois. Cet amendement est satisfait par l’alinéa 6 de l’article 49 du règlement, qui prévoit que « le signataire de l’amendement dispose d’un temps de parole de deux minutes et demie pour en exposer les motifs ». Cette disposition prévue pour la séance publique sera applicable à la réunion de la commission dans le cadre de la procédure de législation en commission.
Vous pouvez donc être totalement rassuré, mon cher collègue. (M. Ronan Dantec sourit.) Et manifestement vous l’êtes… (M. Ronan Dantec acquiesce.)
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Je suis moi aussi rassuré, donc je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 10 rectifié est présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville.
L’amendement n° 22 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
détaillé
par le mot :
intégral
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié.
M. Yvon Collin. Si la réforme proposée vise à accélérer la procédure législative, elle ne doit pas aboutir à ce que les sénateurs qui n’ont pas été présents en commission ne puissent accéder à l’intégralité des débats. Nos concitoyens doivent pouvoir, comme c’est le cas d’un examen en séance, consulter le compte rendu intégral des débats.
Le présent amendement a donc pour objet de préciser que le compte rendu des débats en commission est intégral, et non pas détaillé. Il s’agit d’un amendement très important.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 22.
Mme Éliane Assassi. Ce très important amendement a été défendu par mon collègue, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Un compte rendu détaillé de nos travaux en commission existe déjà, qui va bien au-delà du compte rendu analytique de séance. Il suffit amplement à informer le public de la réalité des propos qui ont été tenus.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié et 22.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un compte rendu analytique est publié au plus tard le lendemain de l’examen en commission d’un texte sous le régime de la législation en commission.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 24.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 24, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer les mots :
, sauf décision contraire de la conférence des présidents
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. L’amendement n° 23 a pour objet de faire en sorte que le compte rendu analytique soit, comme pour la séance publique, disponible le plus rapidement possible dans le cadre de la procédure de législation en commission, en particulier de législation partielle, pour en mesurer les effets potentiels sur les dispositions conservées pour le débat en séance publique.
L’amendement n° 24 vise quant à lui à apporter une précision importante lors de notre débat. Bien évidemment, nous approuvons que le retour à la procédure normale puisse être demandé par un président ou une présidente de groupe après l’examen en commission sur le régime de la nouvelle procédure de législation.
La fin de l’alinéa visé par notre amendement évoque la possibilité d’une opposition de la conférence des présidents. Cette opposition porte-t-elle sur le principe même du retour à la procédure normale ou sur le délai durant lequel ce retour pourra être demandé ? J’espère obtenir une réponse sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement n° 23 vise à ajouter un compte rendu analytique. Or le compte rendu détaillé suffit largement, me semble-t-il.
L’amendement n° 24 a pour objet de supprimer la possibilité, pour la conférence des présidents, de modifier la date butoir afin de demander le retour à la procédure normale. Nous avons considéré que cette mesure rigidifierait inutilement les choses, alors que toutes garanties sont déjà apportées. De plus, ce retour à la procédure normale pourra être obtenu dans des délais raisonnables.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il me semble que, si l’on veut effectivement sécuriser la procédure de législation en commission, il faut instaurer le plus de garanties possible.
C’est l’objet de ces amendements, qui tendent à introduire un minimum d’exigence, de transparence et de rapidité grâce à la publication d’un compte rendu analytique. Cela pourrait rassurer ceux qui doutent de l’efficacité de cette procédure et garantir à tous la transparence. Il serait donc de bon esprit, me semble-t-il, d’adopter cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3, présenté par MM. Leconte, Sueur, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Après le mot :
normale
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
la conférence des présidents ou le Sénat fixe la date de l’examen du texte adopté par la commission en séance publique ainsi que le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. En cas de retour du texte en séance publique, une rigidité trop importante affecterait dans un certain nombre de cas le délai de dépôt des amendements, qui ne dépasserait pas les quelques heures, d’après la rédaction actuelle.
C’est pourquoi cet amendement vise à rétablir un droit effectif d’amendement en séance. En outre, la décision reviendra automatiquement à la conférence des présidents : celle-ci aura la sagesse de fixer un délai raisonnable permettant d’exercer un droit d’amendement qui pourrait être menacé si nous n’adoptions pas cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer les mots :
celui fixé en application de l’alinéa 3, sauf décision contraire de
par les mots :
ouvert et fixé par
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Il s’agit d’un amendement de bon sens, sur lequel nous devrions tous nous retrouver.
Il serait étonnant que le délai de dépôt d’amendements sur un texte, en cas de retour à la procédure normale à la suite de la demande du Gouvernement, du président de la commission ou d’un président de groupe, ne puisse être rouvert. Le délai de dépôt prévu à l’article 3 pour l’examen en commission ne peut être conservé, sous peine d’empêcher concrètement le dépôt de nouveaux amendements, alors que le débat a pu évoluer durant ce délai.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il ne peut être inférieur à une semaine à compter de la décision de retour à la procédure normale.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Dans son discours préliminaire sur le projet de code civil, Portalis, dont la statue nous regarde, déclarait : « Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison ».
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est beau !
M. Yvon Collin. La qualité du droit se dégrade et aggrave l’insécurité juridique pour nos concitoyens.
Mes chers collègues, nous concevons qu’il faille simplifier les normes ou, comme le recommande le Conseil d’État, que les amendements puissent faire l’objet d’une évaluation en termes d’impact, qu’ils proviennent du Gouvernement ou du Parlement.
Toutefois, le droit d’amendement mérite d’être préservé, alors que, dans sa grande sagesse bien connue, le Sénat parvient fréquemment à améliorer la qualité des textes soumis à son examen. La Haute Assemblée ne doit pas devenir une chambre d’enregistrement.
Si la réforme proposée offre la possibilité d’un retour à la procédure normale d’examen, elle ne garantit pas que les délais seront suffisants pour permettre aux sénateurs d’amender le texte, comme cela a été rappelé par les précédents orateurs.
Le présent amendement vise à préciser que le délai de dépôt des amendements ne peut être inférieur à une semaine.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, en réalité, le problème est déjà réglé !
La conférence des présidents, quand elle décide la mise en œuvre de cette procédure, prévoit, d’une part, la date de la séance publique, qui est déjà arrêtée et réservée, et, d’autre part, la date limite pour la présentation des amendements en séance publique.
J’ai dit tout à l’heure à la tribune, d’une manière trop brève sans doute, que la possibilité d’amender le texte en séance publique survivait par exception à la règle selon laquelle le texte est adopté intégralement en commission et que l’on n’y touche plus.
Plusieurs types d’amendements pourront en effet être présentés : des amendements visant à corriger une erreur matérielle, des amendements visant à se conformer aux exigences constitutionnelles si, par malheur, le texte adopté en commission était contraire à certaines dispositions de la Constitution, et des amendements de pure coordination.
Au moment où l’on décide de la mise en œuvre de la procédure, on décide donc aussi, pour le dépôt des amendements, d’une date limite que personne, parmi nos collègues, ne pourra ignorer.
En conséquence, les dispositions qui viennent d’être présentées ne sont pas nécessaires. J’ajoute que, si ces modifications étaient adoptées, elles risqueraient de poser une lourde difficulté.
Supposons que la commission compétente se réunisse un jeudi, puis que le président de l’un des groupes demande le retour à la procédure normale. L’ordre du jour de la séance publique ayant été fixé au préalable pour la semaine suivante, on ne pourra réunir la conférence des présidents que le vendredi, voire le samedi, ce qui n’est pas dans nos usages. En pareil cas, alors qu’une procédure rapide avait été adoptée, l’adoption du texte en question pourrait être retardée de manière totalement inutile !
Mes chers collègues, mieux vaut ne pas rigidifier la procédure : nous avons déjà suffisamment de garanties quant au délai de dépôt des amendements et quant à la date de la séance.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, en la matière, le mieux est l’ennemi du bien et, à mon sens, si le Sénat n’adoptait pas au moins l’un de ces trois amendements, il s’exposerait à un risque constitutionnel.
Vous le savez, l’article 10 du nouveau règlement du Sénat permettra à chaque président de groupe de demander le retour à la procédure normale.
Cette demande devra être formulée au plus tard le vendredi précédant la semaine au cours de laquelle est examiné le texte en séance. Mais on peut tout à fait imaginer que, en vertu des décisions prises par la conférence des présidents, le délai limite de dépôt des amendements soit fixé au lundi matin. En conséquence, les sénatrices et les sénateurs ne disposeront que du week-end pour exercer leur droit d’amendement.
Certes, il n’est pas dans nos usages de réunir la conférence des présidents pendant le week-end ; mais ce n’est pas non plus l’usage de laisser seulement quelques heures aux sénatrices et aux sénateurs pour amender un texte appelé en séance publique selon la procédure normale, donc de manière totalement ouverte !
Refuser ces amendements, c’est donc attaquer notre droit effectif de déposer des amendements dans tous les cas. C’est la raison pour laquelle il faut assouplir le dispositif : dans le cas de figure que j’ai mentionné, la conférence des présidents doit pouvoir fixer un nouveau délai de dépôt d’amendements. En effet, les sénateurs ne se limiteraient pas aux modifications qu’ils auraient pu apporter lors d’une simple séance de lecture du texte de la commission.
Dès lors que la procédure normale est rétablie, c’est l’ensemble du texte qui doit pouvoir être amendé. Or la rédaction que vous proposez ne le permet pas systématiquement.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après les mots :
les amendements
insérer les mots :
n’ayant pas fait l’objet d’un examen en commission, dans les conditions mentionnées à l’article 47 ter, en particulier ceux
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Mes chers collègues, il convient d’accélérer la procédure législative : nous sommes tous d’accord sur ce point. Toutefois, cette réforme ne doit pas aboutir à entraver de manière excessive le droit d’amendement, qui est prévu par la Constitution et constitue la principale expression du droit d’initiative du Parlement.
Les délais d’examen des projets et des propositions de loi étant d’ores et déjà courts, il est indispensable de permettre aux parlementaires de réfléchir aux sujets traités, afin de faire avancer le débat sur les points nouveaux qui peuvent se présenter en cours de discussion.
Entre l’examen en commission et le débat en séance, la réflexion se poursuit, et souvent elle mûrit. C’est pourquoi nous proposons d’élargir le droit d’amendement en séance pour permettre l’examen des amendements qui n’ont pas été étudiés en commission.
Alors que cette discussion touche à sa fin, M. le rapporteur aura certainement un beau geste : il émettra sans doute un avis favorable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, n’abusez pas de ma réputation de tendresse ! (Sourires.) Vous me compliquez la tâche…
Je ne puis émettre un avis favorable sur votre amendement, et croyez bien que j’en éprouve un profond chagrin. (Nouveaux sourires.)
M. André Reichardt. Cela se voit !
M. Philippe Bas, rapporteur. En effet, ces dispositions videraient de toute substance la procédure de législation en commission : elles permettraient de débattre dans l’hémicycle de tous les amendements qui auraient été précédemment rejetés !
M. Bruno Retailleau. Évidemment !
M. Philippe Bas, rapporteur. Comment voulez-vous que je puisse soutenir un tel amendement ? J’émets donc, quoiqu’avec regret, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.
L’amendement n° 30, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Remplacer les mots :
qui remettrait en cause les
par les mots :
portant sur l’une de ces
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. À nos yeux, les dispositions du deuxième alinéa de cet article unique limitent le droit d’amendement sur les articles examinés en séance publique dans le cadre d’une législation en commission partielle.
En effet, en vertu de ces dispositions, « il ne peut être reçu en séance aucun amendement remettant en cause les dispositions faisant l’objet de cette procédure ». Cette rédaction nous semble trop restrictive : il serait impossible de proposer la suppression d’articles en séance publique si cette suppression avait un impact sur les dispositions techniques examinées en commission.
Il paraît plus conforme à l’esprit qui semble être celui du présent texte de ne pas accepter les amendements portant sur les articles abordés en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Remplacer les mots :
La commission saisie au fond
par les mots :
La direction de la Séance
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous estimons que l’examen de la recevabilité d’un amendement visant des articles débattus en séance publique relève de la compétence de la direction de la séance.
C’est ce service qui, selon nous, est la garante d’une cohérence en matière de recevabilité des amendements. Il ne faudrait pas que l’on évolue vers une jurisprudence à géométrie variable selon les commissions concernées !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame Assassi, comme vous, j’ai beaucoup d’égards pour le service de la séance…
Toutefois, je dois vous rappeler la règle en vigueur : l’appréciation de la recevabilité des amendements relève d’une instance, non pas administrative, mais politique.
Mme Éliane Assassi. Cela ne m’avait pas échappé !
M. Philippe Bas, rapporteur. Je n’en doute pas, chère collègue. Mais vous voulez précisément transmettre à une instance administrative le soin de se prononcer sur l’irrecevabilité des amendements et, ainsi, de décider s’ils doivent être débattus ou non.
Je préfère que nous conservions notre règle traditionnelle, selon laquelle la commission saisie au fond se prononce sur la recevabilité des amendements. Mieux vaut que nous gardions cette responsabilité politique !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 23, première phrase
Remplacer les mots :
aucune des motions mentionnées à l’article 44 ne peut être présentée en séance, sauf l’exception d’irrecevabilité
par les mots :
les motions mentionnées à l’article 44 peuvent être présentées en séance
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le dépôt des trois types de motions que constituent l’exception d’irrecevabilité, la question préalable et la motion de renvoi en commission apparaît pleinement justifié dans le cadre de la procédure de législation en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame Assassi, vous pouvez vous opposer à l’engagement de la procédure de législation en commission lors de la conférence des présidents : vous ne voudriez tout de même pas que l’on adopte une motion d’irrecevabilité après que tous les présidents de groupe ont donné leur accord ! Ce ne serait pas cohérent. Il faut savoir ce que vous voulez.
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui devriez savoir ce que vous voulez !
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 23, dernière phrase
Remplacer les mots :
ne pouvant excéder sept minutes
par les mots :
de sept minutes au moins
les mots :
ne pouvant excéder cinq minutes
par les mots :
de sept minutes au moins
et les mots :
ne pouvant excéder trois minutes
par les mots :
de cinq minutes au moins
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Chers collègues de la majorité sénatoriale, nous vous l’avouons, nous avons découvert avec étonnement que la présente proposition de résolution accompagnait la sacralisation du débat en commission d’une réduction de temps de parole au titre des explications de vote.
En effet, l’expérimentation dénommée « procédure d’examen en commission », qui a pris fin le 30 septembre dernier, instaurait des explications de vote de sept minutes pour les groupes.
Curieusement, vous nous proposez désormais de réduire ce temps de parole, alors que vous appelez de vos vœux une extension de la législation en commission… Vous ouvrez même le droit, à la conférence des présidents, de réduire encore ce temps. Les explications portant sur des articles examinés en commission dans le cadre de la législation partielle auront pourtant valeur législative.
À notre sens, cette obsession de la réduction du droit d’expression des parlementaires est inquiétante, d’autant qu’une dangereuse course à l’échalote s’est engagée, en la matière, entre le Sénat et l’Assemblée nationale. En quoi réduire presque à néant le temps de parole des parlementaires, en quoi les empêcher d’étayer leur propos par le moindre argument politique permettrait-il de renforcer la démocratie ?
De telles dispositions n’ont rien d’anodin. Je le répète, elles participent d’une vaste entreprise : l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement au profit d’un exécutif jugé seul efficace pour agir dans un espace mondialisé.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 23, dernière phrase
Remplacer le mot :
sept
par le mot :
dix
II. – Alinéa 24, dernière phrase
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
sept
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Mes chers collègues, la défense de cet amendement sera ma dernière tentative d’attendrir le président de la commission des lois et d’obtenir sa clémence ! (Sourires.)
L’article unique prévoit que, lorsque la procédure de législation en commission s’applique sur l’ensemble du texte, le Gouvernement et les représentants des commissions peuvent intervenir pour une durée maximale de sept minutes. Lorsque cette procédure ne s’applique que sur certains articles du texte, leur temps de parole est limité à cinq minutes chacun.
Ces temps de parole demeurent insuffisants compte tenu de la technicité de certains sujets. Dès lors, il convient de permettre aux intéressés de s’exprimer plus longuement.
Le présent amendement tend à rétablir les temps de parole, tels qu’ils étaient prévus dans la version de la procédure qui a fait l’objet d’une expérimentation, en les portant respectivement à dix et à sept minutes. Je suis sûr que ces dispositions vont connaître un franc succès ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 24, seconde phrase
Remplacer les mots :
ne pouvant excéder cinq minutes
par les mots :
de cinq minutes au moins
et les mots :
ne pouvant excéder deux minutes et demie
par les mots :
de trois minutes au moins
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de conséquence, monsieur le président. Nous le considérons donc comme défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique.
(L’article unique est adopté.)
Intitulé de la proposition de résolution
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Dantec et Mme Laborde, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
pérenniser la procédure de législation en commission
par les mots :
moderniser la procédure législative
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. Mes chers collègues, nous avons, à mon sens, montré notre volonté de discuter des évolutions possibles de notre fonctionnement interne, et nous continuerons de le faire lors des discussions qu’appellera bientôt la révision constitutionnelle.
Notre but doit rester d’améliorer la qualité de la loi. Or cet objectif est presque contraire à celui de légiférer plus rapidement…
Chacun sait l’influence qu’ont acquise certains groupes d’intérêts dans le processus législatif, y compris au stade de l’élaboration des textes de loi, dans les arcanes ministériels. Une meilleure association de l’autre partie de la société civile, à savoir les citoyens, pourrait aussi être envisagée plus sérieusement par le biais d’outils numériques. Ces derniers ont été évoqués au cours de ce débat. Ils sont d’ailleurs déjà employés, y compris dans nos murs.
Vous l’aurez compris, la modernisation de notre procédure législative doit également nous conduire à examiner ces perspectives. Nous ne saurions nous contenter d’évoquer la rationalisation des discussions et la limitation des temps de parole.
Pour ce qui concerne cet amendement, j’espère, moi aussi, bénéficier de la tendresse légendaire du président de la commission des lois ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable !
Mme Éliane Assassi. Merci pour les arguments…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de résolution, je donne la parole à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, mes chers collègues, vous l’avez constaté à l’instant, lors du vote de l’article unique, nous soutenons la proposition de résolution présentée par M. le président du Sénat.
Or, monsieur le rapporteur, les deux amendements que nous avons déposés en vue d’améliorer ce texte n’ont pas reçu votre soutien : à l’évidence, la relation entre la commission et les élus de notre groupe est quelque peu asymétrique…
Nous voterons quand même le présent texte. Toutefois, je vous invite, ainsi que l’ensemble de nos collègues, à profiter de cette nouvelle procédure pour renforcer l’initiative parlementaire.
J’espère que, dès le début de l’année prochaine, le Sénat verra prospérer les propositions de loi que les groupes politiques déposeront au titre de leurs niches respectives, qui auront réellement vocation à faire avancer les choses et qui ne seront pas politiquement clivantes : ainsi, nous démontrerons que cette proposition de résolution est à même de renforcer l’initiative parlementaire dans le domaine législatif. L’enjeu, c’est de faire progresser la capacité du Parlement à proposer des textes de loi et à les adopter.
J’espère que, dans ce cadre, nous pourrons bénéficier de votre appui réel, monsieur le président de la commission. Je le répète, nous avons eu l’impression de vous soutenir davantage que vous ne souteniez nos propositions d’amélioration du présent texte. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Avant tout, je tiens à saluer le travail, excellent, comme à l’accoutumée, accompli par M. le rapporteur à titre personnel et, plus largement, par la commission des lois au sujet de cette proposition de résolution.
Avec le présent texte, nous trouvons un bon point d’équilibre, et le Sénat prouve une fois de plus qu’il sait se rénover et moderniser la procédure législative.
De toute façon, nous reviendrons sur cette question d’ici à quelques mois en examinant la révision constitutionnelle, dont le champ sera sans doute encore plus large que celui du présent texte. Pour l’heure, cette proposition de résolution montre que nous pouvons moderniser notre manière de fabriquer la loi.
Enfin, je tiens à rassurer celles et ceux de nos collègues qui ont manifesté quelques réticences : un double droit de veto est prévu, aux deux moments cruciaux. La procédure de législation en commission devra être autorisée ex ante, lors de la conférence des présidents, et le travail de la commission sera sanctionné ex post.
À mon sens, ce double droit de veto offre toutes les garanties nécessaires pour que la nouvelle pratique instaurée ne donne lieu à aucune dérive. Ainsi, les élus de notre groupe voteront le présent texte. D’après ce que j’ai pu entendre, de nombreux autres sénateurs s’associeront à eux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris pleinement aux propos de Jean-Yves Leconte. Aussi, je me contenterai d’ajouter quelques mots, pour me réjouir, à l’instar de M. Retailleau, du gage de modernité que constitue le présent texte.
Conformément à une évolution observée dans de nombreux autres parlements, cette proposition de résolution nous permet de donner davantage de place aux commissions dans le travail législatif et dans le processus d’adoption des lois.
Les garanties nécessaires existent : il suffit qu’un seul groupe s’oppose à la procédure de législation en commission pour que celle-ci ne puisse pas être mise en œuvre.
Toutefois, cette démarche ne doit pas s’inscrire dans une logique que je vois prospérer aujourd’hui : à en croire un certain nombre de déclarations, il faudrait aller plus vite, toujours plus vite, et simplifier la procédure toujours davantage. (M. Ronan Dantec opine.) Ainsi, il serait souhaitable que la procédure accélérée devînt la procédure de droit commun.
Monsieur le président de la commission, je dois vous le dire, je suis totalement opposé à cette idée. Le temps de la loi mérite toute l’attention, tout le travail et tout le tamis des différentes lectures : grâce à ces précautions, la loi, que nul ne peut ignorer, est peaufinée et précisée mot à mot, ligne après ligne. C’est là qu’est notre travail de législateur.
Affirmer que la précipitation serait une bonne chose, c’est nier le travail accompli par le législateur. Le temps de la loi n’est pas forcément celui de l’exécutif ; c’est le temps qu’il faut pour que la démocratie fonctionne, en donnant au Parlement tout le rôle qui est le sien, dans l’intérêt public et dans l’intérêt de la Nation.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont pris part à ce débat.
Au nom du groupe du RDSE, j’ai défendu un certain nombre d’amendements. Ces dispositions ont obtenu des succès d’estime, à défaut d’être adoptées… Néanmoins, elles ont nourri le débat ; sans doute l’ont-elles enrichi ; peut-être même ont-elles permis à M. le rapporteur de donner un certain nombre de précisions à propos d’un texte somme toute complexe. (M. le rapporteur le confirme.)
Mes chers collègues, je l’avoue, j’ai tué le suspense en annonçant dès la discussion générale que les membres du groupe auquel j’appartiens voteraient le présent texte : nous le voterons, bien sûr, même s’il n’a pas été amendé comme nous le souhaitions. Mais nous resterons vigilants quant à son application.
Cette proposition de résolution est un gage de modernité ; à cet égard, je m’associe aux propos de Jean-Pierre Sueur. Je le répète, l’ensemble des élus du RDSE votera le présent texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de résolution.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 324 |
Contre | 15 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
En application du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera soumise avant sa mise en application au Conseil constitutionnel.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.)
PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Questions d’actualité au Gouvernement
Mme la présidente. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous remercie tout d’abord de bien vouloir excuser le président Gérard Larcher, retenu à Cahors à l’occasion de la Conférence nationale des territoires.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat, le site internet du Sénat et Facebook.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à respecter au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que celui du temps de parole, pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
prison de valence
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, il y a un peu plus d’un an, une deuxième mutinerie éclatait à la prison de Valence. Cela m’avait conduit à la fin de l’année dernière à attirer l’attention de votre prédécesseur sur la situation très difficile de cet établissement.
Dans la réponse du ministre, les promesses au personnel étaient nombreuses : la mise en place de binômes était décidée, et les travaux de réfection devaient être engagés rapidement.
Le 30 novembre dernier, lorsque je suis retourné sur le site, j’y ai rencontré un personnel inquiet pour sa propre sécurité ; les travaux promis n’ont pas commencé. J’ai appris que le recours au travail en binôme décidé après la mutinerie, qui a permis de passer une année à peu près tranquille, va être supprimé par votre gouvernement ! Avec un seul agent par étage, il s’agit d’un retour en arrière inacceptable pour le personnel. On a le sentiment que les leçons du passé sont déjà oubliées à Paris.
La situation de Valence illustre un climat très tendu dans toutes les prisons de France, avec 480 incidents durant l’été dernier, et aucune réponse à la hauteur de ces événements. Le budget pour 2018 que vous venez de présenter est un très mauvais signal donné au personnel pénitentiaire.
Ne pensez-vous pas, madame la garde des sceaux, que le niveau élevé d’insécurité en France et la situation difficile dans nos prisons imposent de donner les moyens à la justice et au personnel pénitentiaire de travailler en toute sécurité ? Quelles sont vos intentions concrètes pour la prison de Valence ? Pourquoi renoncer aux binômes qui ont fait leur preuve ? Y aura-t-il un jour des travaux de réfection ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me permet de vous apporter des éléments d’information généraux et spécifiques.
Le centre pénitentiaire de Valence, vous l’avez dit, a connu au mois de novembre 2016 des incidents, qui ont causé des dégradations importantes. Cet établissement est géré sous le régime du partenariat public-privé : les frais de remise en état ont été évalués à 1,7 million d’euros. Ces travaux devraient intervenir très rapidement, à compter du début de l’année 2018, et durer sept mois. Monsieur le sénateur, au mois d’août prochain, les travaux seront terminés.
Parallèlement, comme vous m’avez interrogée sur les ressources humaines, je vous rappelle que la situation dans l’établissement est, me semble-t-il, assez favorable. En effet, le taux de couverture de surveillants pénitentiaires, comme nous disons dans notre jargon, est de près de 103 %, c’est-à-dire au-dessus du seuil cible spécifique, ce qui paraissait normal au regard des circonstances. Étant donné que nous sommes au-dessus des moyennes nationales, la situation n’est pas, à ma connaissance, destinée à évoluer.
Enfin, je rappelle que cet établissement ne connaît pas de phénomène de surpopulation carcérale, contrairement à bien d’autres prisons en France, puisque le taux d’occupation est de 106 % dans le quartier maison d’arrêt, avec, me semble-t-il, 360 prisonniers pour 344 places, et de 77 % dans le quartier maison centrale.
Tout cela me conduit à vous faire remarquer, monsieur le sénateur, que le budget de la justice pour 2018 est tout à fait satisfaisant : il est en augmentation de près de 4 %, avec des créations d’emplois importantes. Nous n’avons donc pas d’inquiétudes à avoir ni pour la justice ni pour la prison de Valence ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Bouchet, pour la réplique.
M. Gilbert Bouchet. J’entends bien votre réponse, madame la garde des sceaux : le candidat Macron avait pris des engagements pour créer 15 000 places. Or les 26 millions d’euros inscrits au budget de 2018 ne permettront d’en créer que 10 000, me semble-t-il.
Je note aussi que les crédits de rénovation des prisons baissent de 23 %. Aucun crédit n’est prévu pour résorber les vacances des postes pénitentiaires,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Gilbert Bouchet. … et les crédits consacrés à l’aménagement des peines diminuent également de 27 %. Vos propos rassurants, en décalage avec la réalité des chiffres, me laissent donc perplexe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
obligation d’accès aux cantines scolaires
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-François Longeot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et concerne l’accès aux cantines scolaires pour nos enfants.
La semaine dernière, le tribunal administratif de Besançon a annulé une décision de la ville, l’obligeant en conséquence à accepter dans ses cantines un enfant scolarisé à l’école primaire, qu’elle avait refusé faute de place disponible.
Nous sommes bien sûr favorables à l’accès le plus juste et le plus large possible de nos enfants aux cantines. Néanmoins, cette décision s’appuie sur une disposition de la loi Égalité et citoyenneté, qui recèle des effets pervers que le groupe centriste avait déjà dénoncés il y a un an.
En premier lieu, les collectivités qui proposent aujourd’hui un service de restauration devront se mettre en capacité de l’élargir à tous les élèves inscrits dans leurs écoles, sans que le surcoût entraîné par les aménagements et les frais de personnel soit compensé.
En second lieu, l’autre effet pervers concerne les familles. Cette nouvelle contrainte pourrait inciter certaines communes, en particulier dans le monde rural, à ne plus proposer de service de cantine dès lors qu’elles ne le maîtriseront pas. Les familles devront alors trouver des modes alternatifs de restauration pour leurs enfants.
D’autres conséquences sont à redouter : augmentation du coût des repas pour les familles, déséquilibre nutritionnel du fait de mesures d’économies, ou encore creusement des inégalités entre les familles. Croyez-en mon expérience de maire, faisons enfin confiance aux élus locaux pour gérer leur collectivité !
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il accompagner les familles et les communes pour éviter que ces effets pervers ne l’emportent sur la bonne intention initiale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous le savez, l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Vous avez raison de soulever ici les difficultés que pose cet article.
Le Conseil constitutionnel a déjà été saisi, par les sénateurs, de cet article, qui présente effectivement certaines difficultés. Aux termes dudit article, « l’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. »
M. Patrick Kanner. Très bien !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cela signifie donc, comme vous l’avez indiqué à juste titre, que l’inscription est de plein droit quand ce service existe et qu’aucune discrimination ne peut être commise par les maires à l’égard des parents qui demandent l’inscription de leur enfant à la cantine.
En revanche, cet article n’oblige pas les communes à créer ce service, qui reste un service public facultatif, juridiquement en tout cas, même si les parents le ressentent très souvent comme un service public obligatoire.
Telles sont les raisons qui ont fondé la décision du tribunal administratif de Besançon. Cela implique, a précisé le tribunal, que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration scolaire sont tenues de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit. En conséquence, ajoute le tribunal, elles doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de places disponibles, refuser d’y inscrire un élève qui en fait la demande.
Tel qu’il est rédigé, il est évident que l’article n’impose pas aux communes de se doter d’un service de restauration scolaire, mais, dès lors que ce service existe, l’ensemble des élèves doit y être inscrit.
M. Claude Kern. Et s’il n’y a plus de place ?…
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Si nous voulons faire évoluer les pratiques, il faudra sans aucun doute retravailler ensemble l’écriture de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.
M. Jean-François Longeot. Je vous remercie de votre réponse, madame la garde des sceaux, qui reprend effectivement la décision du tribunal administratif.
L’effet pervers est bien celui que vous avez souligné : les communes où il n’y a pas de cantine n’en créeront pas, de peur de ne pas pouvoir assumer leur mission auprès de l’ensemble des élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
avenir de la zone euro
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Navarro, pour le groupe La République En Marche.
M. Robert Navarro. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La semaine dernière, des propositions essentielles pour l’avenir de l’Europe ont été mises sur la table par la Commission européenne. L’actualité, chargée, a malheureusement éclipsé ce débat.
Je souhaite ici saluer l’action européenne du Président de la République et celle du ministre de l’économie et des finances. En restaurant la crédibilité de la France, ils ont permis que l’Europe évolue. La Commission européenne a repris plusieurs propositions françaises : son projet met l’accent sur la convergence par le haut des économies et sur la démocratie.
L’histoire de l’euro, c’est la fable des trois petits cochons, comme on devrait l’expliquer aux citoyens. Le premier petit cochon construit une maison en paille, c’est le traité de Maastricht en 1992 ; l’idée est excellente, et nous devons ici saluer l’action de François Mitterrand. Mais cette maison de paille ne résiste pas à la crise de 2008.
Le deuxième petit cochon bâtit une maison en bois pour faire face à la crise, c’est le Mécanisme européen de stabilité et l’Union bancaire ; ici, nous devons saluer l’action de Nicolas Sarkozy et d’Angela Merkel pour leur action. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Seulement voilà, dans l’urgence de la crise, c’est une maison fragile qui a été construite, encombrée d’étais et de poutres pour soutenir le toit et les murs.
Le troisième petit cochon, c’est ce que propose la Commission européenne, grâce aux initiatives prises par la France à Athènes et à la Sorbonne, et nous devons saluer ici l’action du président Emmanuel Macron et de M. le ministre de l’économie et des finances. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh oui, il faut tout dire, mes chers collègues ! (Sourires.) Nous allons enfin édifier une maison en briques pour la zone euro.
Ma question est la suivante : quelle place et quel rôle souhaitez-vous donner à la représentation nationale dans cette maison commune, l’Europe, projet dont nous sommes les dépositaires et que nous devons transmettre à nos enfants ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur Navarro, je vous remercie beaucoup de cette question fort imagée, qui a le mérite de faire comprendre la volonté de doter et de renforcer l’Union européenne d’institutions toujours plus solides, pour faire face à une réalité mondiale toujours plus complexe, et parfois exposée à des vents contraires.
Le 26 septembre dernier, à la Sorbonne, le Président de la République a effectivement formulé dans son discours un certain nombre de propositions pour permettre à l’Union européenne d’aller de l’avant et à la solidarité de s’exercer. Nous nous réjouissons de la contribution de la Commission européenne, qui fera demain l’objet de débats entre les chefs d’État et de gouvernement.
Dans cet esprit, il va falloir achever l’Union bancaire et l’Union des marchés, mais aussi favoriser une plus grande intégration économique, ce qui pose la question de certaines convergences en matière fiscale et sociale. Il convient également de prévoir une capacité budgétaire, en vue de mettre en place un certain nombre de projets communs, notamment en matière d’infrastructures. L’Europe doit être concrète ; la zone euro a la capacité toujours plus grande de créer de l’emploi et de la croissance.
Dès lors qu’il y a une plus grande intégration économique ou monétaire, les parlements doivent être associés pour contrôler toutes ces évolutions. Nathalie Loiseau est venue s’exprimer devant la Haute Assemblée sur ce sujet, et elle reviendra la semaine prochaine. Pour suivre la politique commerciale, je suis convaincu de l’intérêt d’associer également les peuples à toutes les dimensions de nos politiques européennes.
De retour de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce avec le président Jean Bizet, je veux vous dire que nous nous rendons compte, après l’échec relativement retentissant des négociations, combien il est important d’avoir une zone comme l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Bernard Lalande applaudit également.)
gestion des dotations budgétaires versées aux collectivités territoriales
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Mireille Jouve. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre d’État, le 4 décembre dernier, devant le corps préfectoral réuni à Paris, vous avez loué, à juste titre, les vertus de la dotation de soutien à l’investissement public local et de la dotation d’équipement des territoires ruraux.
À cette occasion, vous avez déclaré : « Le Gouvernement a choisi de maintenir la DETR à un niveau élevé et de préserver la DSIL, conçue pour pallier la chute de l’investissement du bloc communal. » Pour l’exercice 2018, l’examen du projet de loi de finances nous a permis de constater que la réalité était plus contrastée.
Pour l’exercice 2017, un décret portant avance et annulation de crédits, publié le 1er décembre dernier, a annulé 48 millions d’euros au sein de l’enveloppe DSIL. Il fait suite à un précédent décret, publié en juillet dernier, qui avait déjà amputé la DETR et la DSIL de 216 millions d’euros, ainsi que les crédits des politiques de la ville et de l’aménagement du territoire. Cette nouvelle coupe a été justifiée par « un rythme de paiement plus lent qu’anticipé ».
Monsieur le ministre d’État, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à ne pas partager ce ressenti d’une sous-consommation des crédits de la DSIL. Au contraire, les remontées du terrain font état de nombreux refus de demandes de subvention, parfois même motivés par un manque de crédits.
Chacun d’entre nous – nos élus locaux les premiers – a conscience des efforts que nécessite le redressement de nos comptes publics. Par ailleurs, nous savons que chaque gouvernement recourt à des ajustements dans l’exécution de la loi de finances. Toutefois, ces annulations de crédits, par leur ampleur et parce que ces crédits auraient dû revenir aux territoires, ne sont pas acceptables.
Monsieur le ministre d’État, ma question est donc simple : le Gouvernement peut-il s’engager à accroître la transparence de la gestion de ces dotations de soutien aux projets des collectivités territoriales, notamment la DSIL ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, qui se trouve à Cahors.
M. David Assouline. Il n’est jamais là !
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous évoquez deux questions : le décret d’avance, qui relève directement de ma responsabilité, et la bonne information des parlementaires et des élus quant aux crédits utilisés notamment au titre de la DSIL et de la DETR.
Le décret d’avance est soumis à l’autorisation et au vote des commissions des finances du Parlement. Je relève que la commission des finances du Sénat avait émis un avis favorable – chacun sait pourtant que la majorité sénatoriale n’est pas forcément favorable à l’action du Gouvernement ! (Mme Éliane Assassi manifeste son scepticisme.) Elle a noté « une consommation décevante des crédits alloués à la dotation de soutien à l’investissement public local dans la mesure où, fin octobre, la consommation des crédits de paiement sur cette enveloppe s’élevait à 96,5 millions d’euros, soit seulement 30 % de l’enveloppe des 322 millions d’euros prévue en loi de finances initiale. »
À la différence du décret de l’été dernier, les 48 millions d’euros que nous évoquons sont bel et bien des crédits de paiement qui ne concernent aucun projet engagé ni aucun projet finalisé.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ce schéma de fin de gestion me paraît donc être de bon aloi.
Par ailleurs, des crédits pour les collectivités territoriales ont été inscrits dans le projet de loi de finances rectificative, dans le cadre de décrets d’avance. M. le ministre d’État Nicolas Hulot a insisté – il a eu raison de le faire – pour inscrire 75 millions d’euros dans le projet de loi de finances rectificative que vous allez examiner en faveur des communes et des territoires à énergie positive.
De même, un fonds d’urgence à hauteur de 100 millions d’euros est prévu pour les départements, et Mme la ministre des outre-mer a demandé 50 millions d’euros de crédits pour faire face aux difficultés que rencontrent les outre-mer, notamment Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Au total, plus de 200 millions d’euros seront inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour les collectivités locales, outre les crédits inscrits dans le projet de loi de finances.
Enfin, avec M. le ministre d’État, nous publierons sur le site du ministère de l’intérieur, dès l’année prochaine, l’intégralité de tous les projets et de tous les dossiers éligibles à la DSIL et à la DETR. Ainsi, la transparence sera parfaite. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
situation de l’audiovisuel public
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. En quelques semaines, le Président de la République et le Gouvernement viennent de déclencher deux salves d’une grande brutalité contre l’audiovisuel public. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La première a consisté en une réduction soudaine de 50 millions d’euros du budget de France Télévisions, coupe drastique soutenue avec zèle par la droite sénatoriale, qui en a même rajouté une couche lors du débat budgétaire.
En imposant à la direction de France Télévisions la mission impossible de réaliser ces coupes en trois mois, vous venez de plonger l’entreprise dans une nouvelle crise, comme en attestent la colère et la grève des personnels, ainsi que le vote d’une motion de défiance par les sociétés de journalistes.
La seconde salve est venue il y a quelques jours du Président de la République lui-même, tirant à boulets rouges lors d’une réunion à l’Élysée sur l’audiovisuel public qui serait, paraît-il, la « honte de la République ». Les propos précis rapportés par plusieurs témoins attestent que le mot « honte » a bien été prononcé à plusieurs reprises.
Mes questions sont simples.
À quoi jouez-vous en pariant ainsi sur la déstabilisation du service public de l’audiovisuel, sur la division et la mise en concurrence de ses personnels, de ses antennes et de ses directions ?
Par ailleurs, quand le Président de la République et le Gouvernement entendent-ils parler clair, autrement qu’à huis clos lors d’une réunion à l’Élysée, sur l’avenir que vous entendez réserver à l’audiovisuel public ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord d’excuser le Premier ministre et les treize ministres qui ont accompagné le président Gérard Larcher. (Rires.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Quel respect du protocole !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Pensiez-vous à un meilleur alibi ?… Celui-ci est parfait ! (Sourires.)
Monsieur le sénateur, je vous invite à interroger sur l’essentiel et non pas sur l’accessoire. L’approche consistant à dire que, sur un budget de 3,5 milliards d’euros, une société publique n’a pas la capacité d’économiser 50 millions d’euros et que cela mettrait en cause le service public de l’audiovisuel est certainement révélatrice d’un mal plus profond quant à la qualité et aux objectifs du service public de l’audiovisuel.
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. En effet, 3,5 milliards d’euros, c’est plus que le budget du ministère de la culture ! Dans ces conditions, on peut effectivement demander à l’audiovisuel public de contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics à hauteur de 50 millions d’euros.
On peut aussi considérer que, finalement, tout va bien et qu’il ne faut rien faire. Eh bien non !
Quand on regarde les objectifs assignés au service public – nous sommes tous ici, me semble-t-il, attachés aux ambitions du service public de l’audiovisuel, parce qu’il nous accompagne au quotidien, du matin jusqu’à tard le soir –, on constate qu’il doit relever de nombreux défis : premièrement, reconquérir la jeunesse, qui se détourne des médias traditionnels ; deuxièmement, investir massivement dans la transformation numérique ;…
M. David Assouline. Cela vaut aussi pour le privé !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … troisièmement, investir dans les contenus de qualité pour mieux se distinguer parmi une offre abondante ; quatrièmement, et enfin, être le garant d’une information de référence et du pluralisme des opinions, tout en jouant – c’est la différence avec le privé – la carte locale, celle de la proximité, pour faire vivre nos territoires et leur identité.
On peut considérer soit que tout va bien et que les objectifs sont atteints, soit que tel n’est pas le cas et que la qualité de l’offre du service public de l’audiovisuel n’est pas au niveau.
C’est la raison pour laquelle la ministre de la culture ne travaille pas à huis clos, mais réunit régulièrement l’ensemble des dirigeants de société – ce sera de nouveau le cas le 21 décembre prochain – pour évoquer avec eux les projets de réforme et de transformation en profondeur que le Gouvernement portera dans quelques semaines. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.
M. Pierre Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, vos propos rassurants ne me rassurent pas. (Exclamations.) Vous ne l’ignorez pas, les économies demandées à l’audiovisuel public à hauteur de 50 millions d’euros ne sont pas, et de loin, les premières !
Vous dites vouloir sauver le service public, mais, en vérité, vous en faites une cible. Vous le savez très bien, personne ne veut le statu quo, et sûrement pas nous, qui avons beaucoup à dire sur le pluralisme de l’information et la qualité du service public !
Toutefois, c’est toute la télévision française qui est menacée. Avec la révolution numérique et celle des usages, les appétits des GAFA, de Netflix,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Laurent. … et des géants privés de la téléphonie et de la communication peuvent tout engloutir.
Pour sortir de cette situation, l’audiovisuel public…
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Laurent. … aura besoin de moyens. L’austérité peut tuer le service public ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Patrick Kanner applaudit également.)
négociations sur le climat
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Martine Filleul. Ma question s’adresse à M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le ministre d’État, mardi dernier, se tenait le sommet consacré à la finance verte. Nous saluons cette initiative. Après la signature historique de l’accord de Paris sur le climat sous l’impulsion du président Hollande, les engagements pris doivent désormais se traduire par des actes, donc, des investissements massifs. Malheureusement, ces derniers paraissent encore largement insuffisants.
La décision de retrait des États-Unis laisse un manque de 2 milliards de dollars pour le Fonds vert pour le climat. Certains engagements égrenés mardi ne sont que le rappel de dispositifs déjà connus.
Les déclarations nouvelles, quant à elles, si elles doivent être soulignées et louées, reposent uniquement sur la bonne volonté d’acteurs privés.
Or les États, en particulier les plus développés, doivent prendre toute leur part à l’égard des États plus vulnérables ; je pense notamment à l’Afrique, qui subit fortement les conséquences du changement climatique, poussant ses populations à migrer vers le nord, alors même qu’elle n’émet que 4 % des gaz à effet de serre.
En France, le Président a certes annoncé une hausse de l’aide pour l’adaptation des pays du Sud à hauteur de 1,2 milliard à 1,5 milliard d’euros, mais celle-ci est largement insuffisante au regard de l’accord de Paris, alors que la taxe européenne sur les transactions financières, repoussée en juillet dernier, aurait permis de mobiliser 22 milliards d’euros.
Si l’on se félicite de l’engagement de la Banque mondiale de ne plus financer les énergies fossiles, on peut regretter qu’une telle décision n’ait pas été prise aussi par la Caisse des dépôts et consignations.
Monsieur le ministre d’État, au regard de l’urgence et de la gravité de la situation, le Gouvernement prévoit-il de prendre des mesures complémentaires, notamment financières, pour se conformer à ses engagements pris lors de l’accord de Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, loin de moi l’idée de verser dans l’autosatisfaction, parce que la situation, notamment en Afrique, exige qu’on en fasse beaucoup plus. Croyez-moi, avant de crier victoire, il faudra encore attendre, malheureusement.
À ce stade, le One Planet Summit, qui s’est conclu par douze engagements – vous en avez rappelé quelques-uns –, va permettre, je l’espère, de changer d’échelle avec l’engagement de fonds souverains ou de la Banque mondiale, que vous avez évoquée. Les choses vont donc changer, me semble-t-il.
Vous avez raison, en matière de financements, il faut faire beaucoup plus et mieux mobiliser les ressources. Faire plus, c’est l’engagement de la France de consacrer 1,5 milliard d’euros à l’adaptation en 2020 – on le doit à ceux qui sont en première ligne des dérèglements climatiques.
C’est aussi dans cette logique que nous avons voté une aide de 30 millions d’euros pour le Fonds LDN, le fonds Neutralité en matière de dégradation des sols, qui vise à lutter contre la dégradation des sols, au Sahel notamment.
Vous le savez, le Président de la République a aussi pris l’engagement de porter à 0,5 % du revenu national brut l’aide publique au développement française en 2022.
Mécaniquement, cela conduira à une hausse de nos financements pour le climat. L’AFD, l’Agence française de développement, a désormais pour mandat la mise en œuvre de l’accord de Paris, ce qui est une première dans le monde. D’ailleurs, je précise que l’AFD, la Banque publique d’investissement et la Caisse des dépôts et consignations ont également pris l’engagement de mettre un terme à tout soutien aux énergies fossiles.
M. André Gattolin. Bravo !
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Mieux financer, c’est aussi réorienter les flux financiers, grâce à la mobilisation de tous les acteurs, publics et privés, présents lors de ce sommet. De nouveaux engagements ont été pris. Parmi les plus significatifs, on note les engagements chinois, américains et européens pour accélérer la mise en œuvre d’un prix du carbone significatif. Je vous rappelle aussi l’annonce de la création du plus grand marché carbone au monde par les Chinois.
Plus d’argent, cela correspond aussi à l’engagement des investisseurs publics, comme je viens de le mentionner.
Pour conclure, il faudra à l’avenir consacrer plus d’argent à l’Afrique ! Le vrai contrat à passer, ce sera lorsque l’Europe se dotera d’une taxe sur les transactions financières destinée à aider l’Afrique à faire face aux enjeux climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
concessions hydroélectriques des vallées du lot et de la truyère
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Alain Marc. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
L’avenir des concessions hydrauliques en France préoccupe les acteurs locaux. En effet, la Commission européenne met la France en demeure de s’ouvrir à la concurrence, c’est-à-dire d’attribuer ses concessions à d’autres opérateurs que celui qui les exploite historiquement – je parle d’EDF –, car, selon la Commission, EDF serait en position dominante.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a introduit la possibilité, pour l’État, de prolonger des concessions hydroélectriques afin d’y réaliser des investissements.
Or il existe dans les vallées d’importance nationale du Lot et de la Truyère des projets contribuant fortement aux objectifs de la loi de transition énergétique et qui pourraient être lancés rapidement, dans le cadre d’une prolongation. Ces projets auraient un impact très positif sur le développement de nos territoires ruraux, en matière tant d’emploi que de ressources nouvelles pour nos collectivités.
Le complexe hydroélectrique du Lot amont et de la Truyère, exploité par EDF, est principalement implanté dans le département de l’Aveyron, avec deux aménagements dans le Cantal.
Ces concessions constituent un ensemble de production stratégique au plan national, avec près de 2 000 mégawatts de puissance installée, soit environ 20 % du parc hydroélectrique de pointe français. Par sa puissance et par sa capacité très rapide d’ajustement aux fluctuations de la demande d’électricité, cet ensemble joue aujourd’hui un rôle clef dans la régulation du système électrique national.
Ce bassin essentiel joue également un rôle primordial pour le développement de nos territoires. En outre, EDF a déjà engagé localement des travaux à hauteur de 50 millions d’euros.
Monsieur le ministre d’État, au moment où nos territoires ont tant besoin d’investissements et alors que notre pays doit relever le défi de la transition énergétique, pourriez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne la prorogation des concessions du Lot et de la Truyère, et nous indiquer la date à laquelle nous aurons une réponse définitive à ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Alain Marc, j’ai présenté en juillet dernier le plan Climat, qui affiche, en matière d’énergie renouvelable, des ambitions importantes. Dans notre mix énergétique, vous faites bien de le rappeler, l’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable.
La loi de transition énergétique de 2015 a conforté le modèle de l’hydroélectricité, et le Gouvernement défend fermement une mise en œuvre équilibrée de cette loi, au travers de différents outils. Parmi ceux-ci figure, en premier lieu, le renouvellement des concessions, qui est imposé par le droit européen et par le droit national, avec des possibilités de regroupement sur une même rivière ; en second lieu, la prolongation de certaines concessions, en contrepartie d’investissements ; en troisième lieu, la constitution de sociétés d’économie mixte hydrauliques associant les collectivités lors des renouvellements de concession.
Dans ce cadre, le Gouvernement soutient la réalisation de nouveaux investissements dans la chaîne que vous évoquez, l’ensemble hydroélectrique d’intérêt national Lot-Truyère, afin d’optimiser l’exploitation de cette ressource. Ces investissements pourront être réalisés dans le cadre d’une prolongation des concessions existantes, si elles sont effectivement jugées compatibles avec le droit national et, surtout, avec le droit européen relatif aux concessions et à la concurrence.
J’ai reçu Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, et nous lui avons rendu visite il y a à peine quarante-huit heures ; nous travaillons à ce sujet avec ses équipes.
Grâce au régime des concessions, l’État dispose des moyens d’engager une politique forte de développement de la production d’hydroélectricité. Ce régime permettra d’assurer, je l’espère, la réalisation des investissements souhaités par l’État, que ce soit dans le cadre d’une prolongation ou dans celui d’une nouvelle concession, tout en garantissant un partage équitable des bénéfices de l’exploitation, notamment avec les acteurs du territoire.
En tout cas, vous l’aurez compris, nous nous efforçons de trouver une issue, notamment pour le barrage de la Truyère. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Raison. Ma question s’adressait à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur ; elle concerne la sécurité routière. C’est un sujet grave, très grave, qui me préoccupe depuis un certain nombre d’années, et j’ai d’ailleurs reçu récemment Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière.
On le sait, les causes d’accident sont multiples et sont souvent conjuguées, ce qui complique évidemment la définition des mesures à mettre en œuvre et rend difficile la tâche du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Il semble néanmoins qu’il soit envisagé de mettre toutes les routes sans séparateur à 80 kilomètres par heure, et ce dès la deuxième quinzaine de janvier. (Exclamations.)
M. Alain Fouché. C’est ridicule !
M. Michel Raison. Toutefois, le Gouvernement ne peut pas se fonder uniquement sur le précepte italien selon lequel chi va piano va sano… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ai deux interrogations. La première concerne l’expérimentation du précédent ministre de l’intérieur – trois tronçons à 77 kilomètres par heure, pendant seulement deux ans. Avez-vous des conclusions sur cette expérimentation et sont-elles utilisables ?
M. Gilbert Bouchet. Il n’y en a pas !
M. Michel Raison. Ma seconde question est simple ; si vous mettez cette mesure en place au mois de janvier, comment l’expliquerez-vous aux citoyens, et au moyen de quels arguments ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Qui va payer ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Raison, je me souviens des propos tenus le 14 juillet 2002 – j’étais député depuis peu de temps – par le président Jacques Chirac. Celui-ci proposait trois grandes causes nationales à la France : l’insertion des handicapés – un sujet important –, l’action contre le cancer et la lutte pour faire diminuer le nombre de tués sur les routes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Et alors ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Il a ainsi pris un certain nombre de mesures, avec le gouvernement qui l’accompagnait, qui ont permis de constater que, à la fin de son second mandat, près de 8 000 personnes avaient conservé la vie du fait de ces actions et que près de 100 000 personnes avaient évité un accident relativement important entraînant des séquelles physiques permanentes. Il a fallu à ce moment-là le courage de tenir bon face à ceux qui revendiquaient le droit de rouler sur les routes à la vitesse qu’ils souhaitaient.
C’était le même débat en 1974, quand on a abordé la question de la ceinture de sécurité à l’avant des véhicules. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et territoires.)
M. Alain Fouché. Non, cela n’a rien à voir !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Là encore, au nom de la liberté, certains contestaient cette mesure. Soyons sérieux, mesdames, messieurs les sénateurs. Les études montrent que baisser de 10 kilomètres par heure la vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central permettrait de sauver 350 vies par an.
M. Gilbert Bouchet. C’est faux !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. On peut certes considérer qu’il faut continuer ainsi et se satisfaire de l’augmentation, sur les trois dernières années, de la mortalité sur nos routes – de 3,6 % en 2014, 2,3 % en 2015 et 0,5 % en 2016 –, mais on peut aussi choisir le courage. Et puisque la moitié des morts sur nos routes adviennent sur ce type de voies, assumer de prendre des mesures de sécurité routière et de prévention et d’engager des investissements, que les collectivités territoriales discutent, en ce moment même, à Cahors, en présence du Premier ministre et des représentants des départements qui ont une responsabilité sur ces routes.
On peut décider d’avoir le courage politique pour sauver des vies ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Cette mesure ne sauvera aucune vie !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour la réplique.
M. Michel Raison. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Je suis tout à fait d’accord : on doit être très rigoureux sur ce sujet. Toutefois, je suis également partisan de la pédagogie. Pour que les citoyens puissent s’approprier une nouvelle mesure, il faut la leur expliquer. La pédagogie ne peut être bonne que si l’on a des arguments chiffrés, ce qui ne me semble pas être tout à fait le cas.
Je ne voudrais surtout pas que la mesure soit contre-productive ; tel était le but de ma question. Je ne suis pas, je vous rassure, pour le laxisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
possible abaissement de la limitation de vitesse sur les routes secondaires
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Claude Luche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, preuve que ce sujet est majeur, non seulement pour l’ensemble des sénateurs, mais encore pour tous les Français, ma question a le même objet que la précédente, posée par mon collègue Michel Raison. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le secrétaire d’État, dans nos départements ruraux, isolés, les temps de trajet sont extrêmement longs.
Aussi, l’analyse menée sur les départements ruraux doit être différente de celle qui est faite sur les départements urbains, parce que, vous le savez, notre problème est que nous n’avons pas de TGV, que nous avons des difficultés à maintenir nos aéroports et que nous n’avons pas de routes limitées à 110 kilomètres par heure ni d’autoroutes à 130 kilomètres par heure. Nous avons nos routes départementales, pour lesquelles les conseils départementaux font de gros efforts d’investissement, afin d’en améliorer la sécurité et le confort.
Il ne faudrait pas que l’on en arrive à une France à deux vitesses. (Sourires.) Bien évidemment, nous sommes tous concernés par ces problèmes de sécurité routière, mais, voyez-vous, dans les départements comme les nôtres, on prend souvent des risques en dépassant des véhicules à 50 ou à 70 kilomètres par heure. Aussi, que nous roulions à 80 ou à 90 kilomètres par heure n’est pas le problème essentiel de sécurité routière.
Nous devons bien entendu être vigilants sur la fatigue, sur l’utilisation du téléphone…
M. Gilbert Bouchet. Sur l’alcool !
M. Jean-Claude Luche. … sur l’alcool et sur toutes les substances que certains consomment, mais, monsieur le secrétaire d’État, soyez attentif, ne faites pas n’importe quoi !
Dans ces départements, nous avons besoin de rouler tranquillement, modérément, mais nous sommes très vigilants dans nos pratiques quotidiennes de transport. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez – je m’adresse à l’ensemble de la représentation nationale – près de 3 500 personnes ont trouvé la mort sur les routes de France l’an dernier.
M. Gilbert Bouchet. C’est reparti !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Depuis le début de l’année, sur les routes de l’Aveyron, vingt personnes sont mortes. Au-delà de celles qui ont perdu la vie, quelque 72 000 personnes ont été blessées, avec des séquelles physiques, parfois visibles, ou psychologiques importantes. Tous ceux qui, parmi vous, se sont rendus dans un service hospitalier de grands accidentés de la route savent la souffrance que connaissent tant les blessés que leurs proches.
Après douze années de baisse, nous connaissons, depuis 2014, une hausse de la mortalité routière.
M. Gilbert Bouchet. Mais sur quelles routes ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Devons-nous nous y résigner ?
Dans le domaine de la sécurité routière, l’histoire nous a enseigné quelque chose : seules les mesures de rupture, c’est-à-dire des changements de comportement, produisent des effets.
M. Gilbert Bouchet. Ce n’est pas une mesure de rupture !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Quand je m’asseyais, enfant, à l’arrière de la voiture (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), mes parents ne se souciaient vraisemblablement pas du port de la ceinture de sécurité ; je suis certain que, aujourd’hui, pas une seule personne, sur vos travées, n’omet de se retourner, avant d’actionner le démarreur, pour s’assurer que ses enfants sont bien attachés. C’est donc bien une bataille culturelle qu’il faut mener.
Le Premier ministre réunira, au début du mois de janvier prochain, un comité interministériel à la sécurité routière. Il a indiqué être, à titre personnel, favorable à l’abaissement de 10 kilomètres par heures de la vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparateur de voies. Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, Christophe Castaner, indiquait que 300 à 400 vies pourraient être épargnées chaque année.
M. Gilbert Bouchet. Nous voulons des preuves !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. D’autres éléments de comportement pourront également être discutés ; je suis certain que vous y serez sensibles. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Pierre Sueur et Bernard Lalande applaudissent également.)
unités laïcité
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Josiane Costes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’éducation nationale.
Lors d’une visite, le samedi 9 décembre dernier, dans un lycée du Val-de-Marne, à l’occasion de l’anniversaire de la loi de 1905, Jean-Michel Blanquer a installé « l’unité laïcité » au rectorat de Créteil. Il a annoncé que de telles instances seraient créées au début de 2018 dans toutes les académies, et l’on ne peut que s’en féliciter. En effet, les enseignants se sentent parfois très démunis face à des réactions d’élèves portant atteinte au principe de laïcité. Je suppose que ces unités ont pour mission de leur venir en aide.
Quand et comment pourront-elles intervenir dans les établissements scolaires ? Quel sera leur lien avec les référents « laïcité » déjà en place dans les rectorats ? Quelle en sera la composition ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Costes, en ne reconnaissant aucune religion officielle, la République protège la liberté de croire et celle de ne pas croire.
Parce qu’elle a pour mission d’éduquer les mineurs et de les conduire vers la liberté, vers la citoyenneté, vers l’indépendance d’esprit et vers le sens critique, afin de développer le civisme de nos concitoyens, l’école a pour fonction de protéger nos enfants de toute emprise, que celle-ci soit de nature religieuse, idéologique, politique ou économique.
Depuis une trentaine d’années, vous le soulignez, les remises en cause de la laïcité – l’un des principes fondateurs de la République, et dont l’histoire est intimement liée à la construction de notre école – se multiplient. La réponse de l’institution scolaire doit être claire, apaisée, très sereine. Elle passe en premier lieu, vous le souligniez, par un soutien très clair aux professeurs et aux équipes pédagogiques.
C’est pourquoi le ministre de l’éducation nationale a annoncé la création d’un conseil des sages de la laïcité. Ce conseil répondra aux sollicitations de l’équipe nationale « laïcité et fait religieux » ; il sera composé de chefs d’établissement, de psychologues, de juristes et de spécialistes du numérique – un espace important pour défendre cette belle valeur qu’est la laïcité. Cette équipe nationale apportera son soutien opérationnel à des équipes académiques, qui auront deux missions : d’abord, prévenir ; ensuite, agir.
La prévention passera par un recensement exhaustif des atteintes au principe de laïcité dans les écoles et les établissements. L’action interviendra en cas de faits significatifs, graves, dans les établissements.
Ces équipes seront en mesure d’agir rapidement, en se déplaçant et en répondant concrètement aux problèmes rencontrés par les chefs d’établissement. Voilà ce que je puis vous dire sur ces équipes.
Évidemment, des expérimentations auront lieu, ainsi qu’une évaluation de l’efficacité de ce dispositif. J’en suis convaincu, nous sommes tous, ici, très attachés à la défense de la laïcité, en particulier au sein de l’école. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.
Mme Josiane Costes. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces propos.
J’ai récemment été alertée par des professeurs tout à fait déstabilisés par des situations particulièrement complexes à régler. Aucun professeur ne doit se sentir seul ; il doit pouvoir signaler ces situations à son chef d’établissement. Si je comprends bien, ce dernier pourra alerter ces unités pour en obtenir de l’aide au sein de l’établissement. (M. le secrétaire d’État opine.)
Par ailleurs, il est impératif de mettre en place, le plus vite possible, des actions de prévention. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
circulaire sur le recensement des migrants en centre d’accueil d’urgence
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le Président de la République a déclaré qu’il ne voulait plus, « d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues », avant d’ajouter que « la première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. »
Il s’agit bien de dignité, en effet, tant la dignité des demandeurs d’asile que la nôtre, celle de la France, terre d’asile séculaire qui a accueilli, entre autres, Chagall, Nabokov, et Noureev, mais aussi tous ces anonymes, qui ont pour seul point commun d’avoir fui les persécutions et les massacres, et pour seule boussole la recherche de la liberté. La France n’est pas le pays du renfermement, elle est le pays des belles destinées.
Cette dignité découle de l’humanisme le plus élémentaire, et il est de notre responsabilité collective de faire perdurer la tradition française en matière d’asile, qui fait la fierté et la richesse de notre pays, tout en l’adaptant bien sûr aux réalités contemporaines complexes du monde. En un mot, il faut conjuguer humanisme et réalisme.
Cet équilibre semble avoir été rompu la semaine dernière, lorsque le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a évoqué, avec les associations, l’épineuse question du traitement administratif des demandeurs d’asile au sein des centres d’hébergement. Le Gouvernement ne peut remettre en cause l’accueil inconditionnel dans ces centres, qui résulte du code de l’action sociale et des familles.
Pour être juste, la politique de l’asile doit nécessairement reposer sur un équilibre entre humanisme et réalisme et se nourrir du dialogue entre tous les acteurs qui y prennent part, l’État, bien sûr, mais aussi les collectivités, sans oublier les associations. Le Gouvernement a-t-il l’intention de renouer le dialogue avec ces dernières ?
Par ailleurs, que contient la circulaire établissant les équipes mobiles chargées du suivi administratif des personnes migrantes accueillies dans les centres d’urgence ? Ne craignez-vous pas qu’un tel dispositif n’aboutisse précisément au contraire de l’objectif du Président de la République ?
Enfin, mes chers collègues, gardons à l’esprit qu’une politique de l’asile humaine, efficace et cohérente ne peut voir le jour sans une action concertée et solidaire des pays membres de l’Union européenne, sans oublier la dimension internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame Robert, vous l’avez souligné dans votre question, le Gouvernement souhaite effectivement instaurer des équipes mobiles, composées d’agents des préfectures et d’agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui seraient chargées d’examiner la situation administrative des personnes accueillies dans les dispositifs d’hébergement d’urgence.
Il ne s’agit pas d’effectuer un tri parmi des migrants concernés, puisque ce projet ne remet pas en cause le principe d’inconditionnalité de l’accueil, qui exige, je le rappelle, que toute personne sans abri et en situation de détresse de tout ordre ait accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence.
Toutefois, le fait d’être hébergé ne confère pas en lui-même un droit à rester sur le territoire. De trop nombreuses personnes sont aujourd’hui dans une situation d’indétermination. Ceux qui remplissent les conditions nécessaires pour être régularisés doivent l’être, mais ceux qui sont en situation irrégulière ont vocation à quitter le territoire.
Il y a, dans ces centres d’hébergement, de nombreuses personnes qui devraient pouvoir accéder à d’autres dispositifs. Il y a ainsi des demandeurs d’asile, que notre tradition, vous le soulignez à juste titre, nous impose d’accueillir, et qui devraient être hébergés, à ce titre, en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Il y a également des réfugiés, que nous devons aider à accéder au logement.
Il n’est pas demandé aux travailleurs sociaux ni aux associations qui administrent ces centres d’hébergement de faire le travail de l’État.
Un sénateur du groupe socialiste et républicain. Des départements !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En revanche, il est embarrassant que des associations fassent obstacle à l’application de la loi, en l’occurrence celle du droit au séjour. Le dialogue doit donc sans doute se poursuivre avec ces associations.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Les préfets devront mettre en œuvre ces orientations et, comme vous le disiez, trouver un équilibre entre humanisme et pragmatisme.
succession de problèmes techniques à la gare montparnasse
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Cornu. En l’absence de Mme Borne, ministre chargée des transports, qui est certainement retenue à Cahors, ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot.
Je veux vous parler, monsieur le ministre d’État, du transport ferroviaire, qui vous est cher, et plus particulièrement de la gare Montparnasse. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’était une gare modèle, symbole de la modernisation de la SNCF, proposant de nombreuses lignes de TER et de TGV vers l’ouest de la France. Mais, patatras, le symbole de la modernité est devenu un cauchemar : des pannes techniques à répétition, des retards intempestifs pour les TER – même les feuilles d’automne qui tombent sont une cause de retard, se répercutant sur les TGV –,…
Mme Éliane Assassi. Cela arrive tous les ans !
M. Gérard Cornu. … trois jours de pagaille en juillet dernier et, pour couronner le tout, une très grande panne, qui a paralysé le trafic pendant une journée ! Les voyageurs, vous l’imaginez, sont excédés par cette situation.
La ministre chargée des transports a reçu les dirigeants de la SNCF, pour avoir des explications. Patrick Jeantet, le PDG de SNCF Réseau, a dit prendre un certain nombre d’engagements – la nomination d’un troisième directeur général délégué et le lancement d’un audit. C’est très bien, mais les usagers, eux, veulent des réformes très concrètes.
À l’aube de l’ouverture annoncée à la concurrence, donc de la refondation du modèle économique ferroviaire, il est important que l’État actionnaire joue pleinement son rôle. Monsieur le ministre d’État, comment le Gouvernement compte-t-il faire évoluer la SNCF ? Quel modèle économique avez-vous en tête pour la SNCF de demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présente les excuses de Mme Borne, qui est effectivement avec le Premier ministre et avec le président Larcher. (Sourires.)
Vous interpellez Mme Borne au sujet du dernier événement en date. Je suis très mal placé pour vous répondre, parce que je suis moi-même utilisateur, une fois par semaine, de la gare Montparnasse, et je suis malheureusement témoin et victime de ces incidents à répétition ; je comprends donc l’agacement des utilisateurs, qui témoigne, selon moi, d’une situation bien plus importante et plus grave que l’on ne l’imagine.
Élisabeth Borne s’est rendue sur place et elle a reçu, le jour même, M. Patrick Jeantet, afin d’essayer de tirer tous les enseignements de cet événement. Elle a salué la mise en place d’un plan de remplacement, qui a permis de limiter les conséquences pour les voyageurs.
Je reste prudent – il faut évidemment, selon moi, envisager le problème d’une manière beaucoup plus globale et structurelle –, mais, pour l’instant, une mission de préfiguration a été annoncée à M. Jeantet par un courrier que nous lui avons adressé à la fin de la semaine dernière, pour établir, le plus rapidement possible, une nouvelle organisation et une nouvelle gestion des grands travaux et de l’ingénierie.
Élisabeth Borne et moi allons rester très vigilants sur ce sujet, car il constitue une priorité pour nous. Nous avons d’ailleurs suspendu un certain nombre de projets pour concentrer notre attention sur le réseau ferré français. J’espère que cela permettra de mieux articuler la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre des projets, afin de renforcer la fiabilité en ce domaine. Les conclusions seront rendues à la fin de janvier 2018.
En outre, dans le même esprit, vous l’avez dit également, le Gouvernement a confié à Jean-Cyril Spinetta une mission questionnant le modèle économique du système ferroviaire dans son ensemble. Ses conclusions seront également rendues à la fin de janvier prochain.
Soyez donc assuré que c’est notre priorité. Je comprends non seulement l’agacement, mais encore la colère des utilisateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
agressions de pompiers
Mme la présidente. La parole est à Mme Raimond-Povero, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les sapeurs-pompiers sauvent nos vies, garantissent notre sécurité, servent leurs concitoyens et leur pays.
Or, dans son rapport annuel de 2017, l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales souligne que les agressions sur les sapeurs-pompiers sont de plus en plus fréquentes. En 2016, quelque 2 280 plaintes ont été déposées en France, soit une hausse de 17,6 % par rapport à 2015. Ce chiffre est éloquent !
L’exercice de leur métier est de plus en plus difficile. Les situations de violence auxquelles ils sont confrontés sont intolérables. À la source de danger inhérente à leur métier s’ajoute désormais le risque d’être « caillassés », frappés, pris dans une embuscade…
Dans certaines parties de notre territoire, d’autres professions, comme les médecins, sont confrontées aux mêmes risques, alors qu’ils ne font qu’exercer leur métier au service de leurs concitoyens.
Ces situations traduisent la montée en puissance d’une violence gratuite, qui n’a d’autre raison d’être que de défier tous ceux qui représentent l’État et son autorité. Elle appelle une réponse déterminée du Gouvernement. Des mesures techniques s’imposent, comme, par exemple, la coordination des secours et des forces de sécurité ou la garantie de l’anonymat lors des dépôts de plainte.
Toutefois, une fermeté exemplaire s’impose également face aux délinquants violents qui bravent l’État que vous représentez.
Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d’État, pour protéger les sapeurs-pompiers ? Quelles mesures concrètes comptez-vous mettre en œuvre pour rétablir l’État de droit et faire en sorte que les statistiques édifiantes que je viens d’évoquer amorcent une décrue ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, nous ne pouvons évidemment, quelle que soit notre place dans cet hémicycle ou au sein du Gouvernement, qu’entendre votre question. En effet, c’est l’autorité de l’État qui est remise en question. Tout ce qui relève du secours et de l’assistance se trouve fragilisé, de même que nos valeurs républicaines et de rassemblement. Nous devons donc être très attentifs à cette situation.
Vous avez cité quelques exemples. Ces agressions lâches et inacceptables qui ont eu lieu, en octobre, à Nîmes, puis à Vénissieux, ces violences presque quotidiennes, sont autant d’atteintes à notre système de sécurité civile. Vous avez, à juste titre, élargi votre propos aux médecins – il s’agit d’un véritable enjeu.
La semaine dernière, trois des quatre auteurs d’une agression commise à coups de marteau contre des sapeurs-pompiers, dans la périphérie de Lille, ont été condamnés à dix-huit, quinze et dix mois de prison ferme, assortis d’un mandat de dépôt pour les deux premiers.
Gérard Collomb, ministre d’État, a demandé à tous les préfets, en novembre dernier, d’évaluer en détail les protocoles départementaux qui définissent les modes d’action et les procédures d’intervention partagés par les services d’incendie et de secours, la police et la gendarmerie.
La première des priorités consiste à coordonner l’intervention de ces différentes forces de l’ordre, pour qu’elles puissent accompagner, chaque fois que nécessaire, l’intervention des secours et des sapeurs-pompiers.
Mme la garde des sceaux, en lien avec le ministre de l’intérieur, a veillé à ce que les parquets suivent attentivement ces faits précis, pour que des réponses pénales adaptées puissent être systématiquement proposées en cas d’agression de sapeurs-pompiers.
Enfin, Mme Gourault, ministre auprès du ministre de l’intérieur, a reçu lundi dernier l’ensemble des organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels, non seulement pour rappeler le plein engagement du ministère, mais aussi pour définir avec eux les meilleures façons de protéger nos forces de sécurité civile. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. J’entends bien votre propos, monsieur le secrétaire d’État, mais aux agressions dont sont victimes les sapeurs-pompiers doit répondre une chaîne police-justice implacable.
Les budgets de sécurité et de justice du projet de loi de finances pour 2018, que le Sénat a rejetés, montrent que le Gouvernement n’a pas pris la mesure des enjeux de sécurité.
Le peu d’ambition budgétaire que vous assumez dans ce domaine révèle, je le crains, que le « nouveau monde » devra se faire attendre encore longtemps en matière de sécurité et de justice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 19 décembre 2017, à seize heures quarante-cinq, et seront retransmises sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017 ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Loi de finances rectificative pour 2017
Discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, du projet de loi de finances rectificative pour 2017 (projet n° 155, rapport n° 158, tomes I et II).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le second projet de loi de finances rectificative pour l’année 2017.
Avant d’en venir aux principales dispositions de ce texte, j’aimerais vous en présenter les lignes directrices. Les prévisions macroéconomiques, quant à elles, n’ont pas changé depuis nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et sur le projet de loi de finances pour 2018.
Je distinguerai trois points dans mon propos : premièrement, ce projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans la stricte continuité de la démarche de « sincérisation » de nos comptes publics ; deuxièmement, ce texte vise à améliorer l’efficacité de l’action administrative, notamment en matière fiscale ; troisièmement, et enfin, il opère plusieurs ajustements budgétaires afin d’assurer la mise en œuvre des priorités gouvernementales eu égard aux ajustements apportés par l’Assemblée nationale.
Ce texte permet tout d’abord de confirmer la démarche de « sincérisation » de nos comptes entreprise par le Gouvernement depuis son accès aux responsabilités.
L’année dernière, la Haute Assemblée avait refusé de débattre du projet de loi de finances pour 2017, arguant de son insincérité. Dans un rapport, la Cour des comptes avait également constaté la sous-budgétisation de certaines dépenses, d’un montant tel que la sincérité du budget s’en trouvait entachée.
Ce projet de loi de finances rectificative vise donc à assurer la tenue de nos engagements en matière de finances publiques, à la fois pour 2017 et pour 2018, confirmant notamment la réduction du déficit public dès cette année, toutes administrations publiques confondues, en deçà des 3 % du PIB.
Nous maintenons des hypothèses de croissance, à hauteur de 1,7 %, et de réduction de déficit public – en baisse de 2,9 % – raisonnables, grâce aux efforts entamés dès l’été dernier et poursuivis dans ce projet de loi de finances rectificative.
Ainsi, du côté des dépenses, ce texte confirme les annulations de crédits, d’un montant de 840 millions d’euros, nécessaires pour financer des dépenses indispensables au bon fonctionnement de nos services publics, qu’il s’agisse de payer les salaires de nos enseignants ou bien de financer les opérations extérieures de nos armées dont le coût a encore augmenté par rapport aux prévisions de l’année dernière.
Par ailleurs, afin d’assurer, dans une logique de responsabilité budgétaire, le financement de certaines dépenses de cohésion sociale, dites « dépenses de guichet », ce projet de loi de finances permet également une ouverture de crédits de 3 milliards d’euros, destinée à couvrir les dépenses supplémentaires, sous-budgétisées par l’ancien gouvernement : 840 millions d’euros pour la prime d’activité ; 370 millions d’euros pour l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH ; 135 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence et 188 millions d’euros pour les contrats aidés.
Le texte opère une réactualisation des recettes, afin de les ajuster au mieux à la réalité, conformément aux dernières prévisions disponibles.
Toujours dans cette démarche de « sincérisation » de nos comptes, ce texte est également l’occasion d’apurer un certain nombre de dettes, notamment celle du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, envers Areva, ou encore la créance contractée auprès de Pôle emploi au titre des allocations versées aux demandeurs d’asile. Ces opérations permettront de réduire le montant des reports des crédits et d’inverser la dynamique de ces dernières années en la matière.
De la même manière, ce projet de loi de finances rectificative permettra également de solder définitivement la fameuse, voire la funeste, question de l’écotaxe poids lourds. Comme vous le savez, son abandon par la précédente majorité impliquait à la fois l’arrêt du contrat avec la société Ecomouv’, en charge de la collecte, et le reclassement de ses salariés. Ces deux volets étant désormais achevés, la liquidation de la société a été programmée, afin d’en finir avec les coûts.
Pour ce faire, le Gouvernement a décidé de prendre toutes les dispositions nécessaires au paiement des dettes liées au contrat conclu avec Ecomouv’. Ainsi, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à réajuster de 339 millions d’euros pour l’année 2017 la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui est affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Ce réajustement permettra d’assurer, en une seule fois, le remboursement de la dette d’Ecomouv’, principal restant et frais de rupture des instruments de dette, afin de mettre un terme à son schéma de remboursement initial, qui s’étendait encore sur sept ans, avec les intérêts associés…
Ce projet de loi de finances rectificative porte ensuite des mesures fiscales particulières : d’une part, en matière de lutte contre la fraude ; d’autre part, en matière de simplification administrative.
S’agissant de la lutte contre la fraude, nous prenons trois séries de mesures : des mesures anti-abus, aux termes desquelles il appartiendra désormais au contribuable de démontrer que la détention d’actifs dans des pays ne pratiquant pas l’assistance administrative avec la France ou inscrits sur la liste des États non coopératifs n’a pas une visée fiscale – il s’agit d’un changement majeur ; des mesures prévoyant à la fois l’harmonisation et la simplification des procédures de recouvrement forcé mises en œuvre par les comptables publics ; enfin, des mesures permettant la consolidation du contrôle par l’administration fiscale de la tenue de comptes d’épargne réglementés.
En matière de simplification fiscale, ce texte confirme – nous avons déjà eu de longs débats sur cette question – la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2019.
Ce report, que je suis venu présenter devant vous l’été dernier, a permis aux collecteurs de mener les expérimentations nécessaires et à l’Inspection générale des finances, l’IGF, en association avec le cabinet Mazars, de mener un audit dont ce projet de loi de finances rectificative tire les conséquences.
Ce texte comporte également plusieurs mesures sectorielles permettant d’ajuster au mieux nos finances publiques à l’actualité gouvernementale. C’est le cas en matière d’éducation, où nous instaurons une limitation du bénéfice du fonds de soutien au développement des activités périscolaires vers les communes ayant opté pour la semaine de quatre jours. J’avais déjà évoqué ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018 à la suite des annonces du ministre de l’éducation nationale.
C’est également le cas en matière de logement, puisque ce texte permet de garantir les prêts des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts à Action logement, disposition qui accompagne pleinement la réforme du logement et qui permettra à la Caisse des dépôts d’accorder jusqu’à 2 millions d’euros de prêts aux bailleurs sociaux afin de soutenir la construction de nouveaux logements sociaux.
En ce qui concerne la fiscalité locale, le projet de loi de finances rectificative prévoit la codification de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et reporte au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur de la mise à jour permanente des tarifs de ces mêmes locaux professionnels.
Enfin, ce projet de loi permet de garantir financièrement l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, au regard, d’une part, des sommes versées par le Comité international olympique en cas d’annulation des Jeux, et, d’autre part, des différents prêts que pourra contracter le Comité d’organisation des jeux Olympiques lui-même.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qu’il en est des dispositions figurant dans le texte initial. Je voudrais en venir maintenant aux articles introduits à l’Assemblée nationale.
L’adoption d’un amendement transpartisan, présenté par M. Joël Giraud, rapporteur général, au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a permis de modifier le barème de la taxe de séjour et d’en améliorer la cohérence. Le dispositif retenu permet notamment d’instaurer, pour les hébergements non classés, une taxe de séjour proportionnelle au prix de la nuitée par personne dans les limites d’un plafond fixé par les communes.
Il s’agit d’une mesure de justice fiscale rétablissant une certaine équité entre les hébergements classés et ceux qui ne le sont pas, ces derniers se révélant parfois relativement peu taxés au regard de leur qualité, voire de leur caractère luxueux.
La totalité des groupes politiques de la commission des finances de l’Assemblée nationale a ainsi mené une réflexion collective, conclue par l’adoption de cet amendement dont je salue la cohérence. J’ajoute que le Gouvernement s’est également déclaré favorable à la collecte, par les plateformes numériques, de la taxe de séjour à compter de 2019. Le ministre de l’économie et des finances présentera donc, début 2019, un texte allant en ce sens.
Vous me permettrez également de revenir sur l’abattement exceptionnel que nous avons décidé de mettre en place pour les cessions de terrains à bâtir ou de biens immobiliers dans le cadre du véritable « choc d’offre » annoncé par Jacques Mézard et Julien Denormandie.
Cette disposition est en effet pleinement cohérente avec la stratégie pour le logement présentée en septembre dernier et visant à encourager la création d’un choc d’offre de logements au sein des zones les plus tendues – à savoir les zones A et A bis –, contrairement à ce qui a pu être dit.
Concrètement, cette mesure permettra d’exonérer d’impôt les plus-values immobilières concernées à hauteur de 70 % – de 85 % en cas d’engagement à construire des logements sociaux.
Toujours dans cette logique, le Gouvernement propose également de proroger jusqu’au 31 décembre 2020 à la fois les exonérations existantes en faveur des cessions directes ou indirectes réalisées au profit d’organismes en charge du logement social et les exonérations des cessions de droits de surélévation.
Enfin, conformément aux engagements du Premier ministre devant le congrès des départements de France, l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant d’instituer, pour 2017, un fonds exceptionnel de 100 millions d’euros destiné à soutenir les départements et les collectivités qui en ont le plus besoin, notamment au titre de dépenses sociales importantes et indispensables.
Selon nos estimations, un tel fonds permettrait à dix-neuf départements ou collectivités d’obtenir un soutien financier que nous savons très précieux eu égard aux restes à charge pesant sur eux, en attendant que le Gouvernement et les départements trouvent une solution. Nous comprenons que ces derniers, qui doivent faire face aux afflux migratoires, notamment à l’accueil de mineurs étrangers isolés, estiment que ces dépenses sociales ne sont pas totalement financées. Le Gouvernement travaille sur cette question. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, après Cahors, retour au palais du Luxembourg… Le temps est le même partout ! (Sourires.)
Nous nous retrouvons pour l’examen du second projet de loi de finances rectificative de l’année. Le premier, passage quelque peu obligé, n’a pas laissé un souvenir très agréable…
Avant d’évoquer les articles de ce traditionnel collectif budgétaire de fin d’année, je vais, comme à l’accoutumée, revenir brièvement sur le contexte économique, sur l’évolution du solde public et sur la situation budgétaire de l’État en cette fin d’année.
Par rapport aux prévisions annoncées en septembre dernier et lors du premier projet de loi de finances rectificative, le scénario macroéconomique est inchangé. Ainsi, l’hypothèse gouvernementale de croissance du PIB pour 2017 est maintenue à 1,7 %.
L’INSEE a pourtant confirmé, dans sa nouvelle estimation, que l’acquis de croissance s’élevait à 1,7 % après trois trimestres. Une hausse modeste du PIB d’environ 0,2 % au dernier trimestre suffirait donc pour atteindre un taux de croissance de 1,8 % sur l’ensemble de l’année. En l’absence d’événement exceptionnel, la croissance française devrait donc s’établir à ce niveau fin 2017, et non à 1,7 %.
Je note qu’une révision à la hausse du taux de croissance et des recettes afférentes aurait pu permettre de réduire le montant de la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises à la suite de l’annulation, par le Conseil constitutionnel, de la taxe à 3 % sur les dividendes, et cela sans risquer de dépasser le fameux seuil de 3 % du PIB. Tel était le sens d’un amendement que j’avais alors proposé.
Exprimées en pourcentage de la richesse nationale, les prévisions de solde structurel et de solde effectif pour l’année 2017 sont inchangées par rapport à celles qui ont été présentées dans le premier projet de loi de finances rectificative et dans le projet de loi de finances pour 2018.
En pratique, deux évolutions contradictoires, d’un montant analogue en points de PIB, sont venues se compenser : d’une part, le Gouvernement a révisé à la hausse l’hypothèse d’élasticité des prélèvements obligatoires, compte tenu des remontées comptables favorables observées ; d’autre part, il enregistre une hausse plus importante qu’escomptée des dépenses d’investissement des administrations publiques locales par rapport aux estimations précédentes.
Toutefois, il faut nuancer le propos, en rappelant que cette évolution de l’investissement public fait suite à une chute d’une ampleur sans précédent. Comme l’ont dit nos collègues qui ont travaillé sur cette question, les dépenses d’investissement des administrations publiques locales ont diminué de 17 % entre 2013 et 2016, soit d’environ 10 milliards d’euros.
L’excédent des administrations de sécurité sociale serait par ailleurs minoré de 200 millions d’euros, en lien avec les nouvelles prévisions fournies par l’UNEDIC.
Par rapport aux estimations des organisations internationales et de la Commission européenne, la prévision de solde du Gouvernement apparaît raisonnable, mais des incertitudes subsistent concernant les décisions d’Eurostat sur la recapitalisation d’Areva et le contentieux lié à l’annulation de la taxe à 3 %.
Pour la recapitalisation d’Areva, tout dépendra du jugement porté par Eurostat sur la viabilité financière du nouvel Areva. La présence d’investisseurs japonais aux côtés de l’État est à cet égard rassurante. S’agissant de l’annulation de la taxe à 3 %, le scénario du Gouvernement repose sur la comptabilisation de remboursements à hauteur de 5 milliards d’euros en 2017 et en 2018.
Là encore, l’interprétation qui est faite par le Gouvernement des règles fixées dans le système européen des comptes devra être confirmée par Eurostat à la fin du mois de mars 2018.
Après ces éléments macroéconomiques, j’en arrive à la situation budgétaire de l’État.
Le déficit budgétaire s’établirait fin 2017 à 74,1 milliards d’euros, soit une amélioration de 2,8 milliards d’euros par rapport au premier projet de loi de finances rectificative, mais aussi une dégradation de 4,8 milliards d’euros au regard de l’estimation de la loi de finances initiale, alors même que la croissance a été finalement au rendez-vous.
Les crédits ministériels sont encore revus à la hausse, soit un dérapage total des dépenses de 4,8 milliards d’euros qui confirme les biais de construction dont était entachée la loi de finances initiale pour 2017.
L’amélioration constatée depuis les dernières estimations du premier projet de loi de finances rectificative provient principalement de la hausse des recettes fiscales nettes, dont le produit attendu est relevé de deux milliards d’euros.
Cette révision porte principalement sur deux impôts : la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Il est regrettable que le dernier projet de loi de finances rectificative n’ait pas intégré ces données, alors que la progression des recettes de TVA était déjà constatée dans les remontées comptables et que, s’agissant de la TICPE, la décision de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, était connue depuis juillet.
On constate, par ailleurs, une nouvelle baisse du prélèvement au profit de l’Union européenne, qui devrait s’établir à 16,4 milliards d’euros en 2017, soit une diminution de 2,6 milliards d’euros par rapport à l’année 2016.
En 2017, le Gouvernement a dû procéder à des redéploiements très significatifs : ce sont près de 7 milliards d’euros qui auront été réalloués par rapport aux plafonds de crédits votés par le Parlement en loi de finances initiale. Sur ce total, 100 millions d’euros d’ouvertures de crédits sont liés au cyclone Irma. En dehors de cet événement par nature imprévisible, force est de constater que l’ampleur des réallocations tient aux sous-budgétisations importantes de la loi de finances initiale et au caractère incontrôlé de certaines dépenses d’intervention.
Vous nous aviez indiqué en juillet dernier, monsieur le ministre, que le nouveau gouvernement ne recourrait plus aux décrets d’avance. Puisse cet engagement être respecté ! Je note cependant une plus grande discipline concernant les sous-budgétisations et une volonté de sincérité des comptes, dont nous nous félicitons.
J’en viens maintenant aux articles de ce projet de loi, qui sont nombreux : le texte initial comportait 36 articles, il en compte désormais 92 – il a donc quasiment triplé. C’est assez classique, mais on peut constater que la pratique gouvernementale n’a pas beaucoup évolué en la matière : malheureusement, nous sommes encore trop souvent saisis à la dernière minute de nombreuses dispositions, parfois techniques, mais qui entraînent souvent des obligations nouvelles pour les contribuables.
Je prendrai quelques exemples : pourquoi les mesures en faveur de la libération du foncier, annoncées officiellement par le ministre Jacques Mézard et le secrétaire d’État Julien Denormandie, le 20 septembre dernier, sont-elles adoptées par amendement en séance à l’Assemblée nationale, donc sans examen préalable, notamment par le Conseil d’État ? Faut-il vraiment réformer tout le régime fiscal applicable à l’immobilier à Mayotte par voie d’amendement de dernière minute ? Est-il raisonnable d’ouvrir des données fiscales sur les valeurs foncières sans s’assurer, au préalable, que le secret de la défense nationale et les droits des contribuables seront pleinement garantis ?
Nos délais d’examen ne nous permettent pas de travailler correctement, et ces méthodes doivent changer ! La qualité de la législation fiscale ne gagne rien à ces procédures d’examen à marche forcée. L’épisode de la taxe à 3 %, retracé dans un rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, montre malheureusement que la précipitation peut avoir des conséquences catastrophiques.
J’espère que nous pourrons revoir ces procédures avec le Gouvernement. Vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, un certain nombre d’évolutions. Nous sommes prêts à y travailler ; c’est indispensable si nous voulons mieux légiférer.
Enfin, j’en viens au prélèvement à la source, mesure emblématique de ce dernier projet de loi de finances rectificative, sur laquelle, monsieur le ministre, vous connaissez la position du Sénat.
J’ai examiné avec attention les rapports remis par le Gouvernement : le rapport d’audit de l’IGF, le rapport sur la phase pilote mise en œuvre cet été, avec moins de 600 collecteurs, enfin celui sur les options alternatives à la réforme proposée par le Gouvernement.
L’audit de l’IGF a pointé un certain nombre de difficultés pour lesquelles aucune solution concrète n’est apportée à ce jour : la prise en compte des réductions et crédits d’impôt, l’accompagnement des particuliers employeurs et de leurs salariés, le traitement des indemnités journalières maladie, ou encore l’état inégal de préparation des tiers collecteurs au passage au prélèvement à la source.
Certes, le projet de loi de finances rectificative procède à des aménagements et l’Assemblée nationale a également assoupli le régime des sanctions applicables aux tiers collecteurs, mais ces modifications demeurent marginales et ne répondent pas aux problèmes de fond de la réforme.
C’est pourquoi je reste convaincu, ainsi que la majorité sénatoriale, que la proposition présentée l’an dernier de prélèvement mensualisé et contemporain, effectué non par les entreprises, mais par l’administration fiscale, est la meilleure solution. Ce prélèvement évite de faire porter la charge de la retenue à la source par les employeurs – c’est l’administration fiscale, dont après tout c’est le travail, qui la supporte –, tout en supprimant l’année de décalage.
Ce système serait plus avantageux pour les contribuables, qui pourraient moduler le montant des prélèvements en cas de baisse de revenus. De plus, je rappelle que, dans le système proposé par le Gouvernement, les contribuables ne seront pas exempts de démarches s’ils veulent opter pour le taux individualisé au sein des couples, le taux neutre, ou encore déclarer un changement de situation familiale.
Voilà les raisons pour lesquelles la commission des finances propose d’adopter une nouvelle rédaction de l’article 9 du projet de loi de finances rectificative.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d’adopter le présent collectif budgétaire, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle vous présente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant d’évoquer le contenu de ce projet de loi de finances rectificative, je veux dire un mot de la procédure et de la méthode.
Je le dis tout net au Gouvernement : il n’est pas normal que la commission des finances n’ait disposé que de cinq jours pour examiner 60 % des articles de ce projet de loi de finances rectificative, c’est-à-dire les 56 articles ajoutés par l’Assemblée nationale, d’autant que, pendant trois de ces cinq jours, nous siégions en séance sur la loi de finances.
M. Philippe Dominati. C’est bien vrai !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je suis surpris. À la suite de nos débats sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2017, et en réaction aux malfaçons de la taxe de 3 % sur les dividendes, nous avons assisté à un grand acte de contrition du ministre Bruno Le Maire : il nous a écrit pour nous dire que la manière d’élaborer la loi fiscale allait changer, afin qu’il ne soit plus jamais possible de voter des dispositions dans la précipitation et sans en mesurer totalement les effets.
Pourtant, nous sommes aujourd’hui saisis d’un projet de loi de finances rectificative qu’il n’a pas été possible d’examiner sous toutes ses coutures et sur lequel il n’a bien sûr pas été possible d’organiser d’auditions ou de consultations.
Monsieur le ministre, nous sommes face à un scandale législatif – je pèse mes mots ! – qui nous renvoie au débat sur les modalités d’examen des lois de finances, que vous avez ouvert et que nous allons engager avec nos collègues députés.
L’une des réformes les plus urgentes est celle du collectif budgétaire de fin d’année. Il faut que les gouvernements renoncent à inscrire des mesures fiscales dans la loi de finances rectificative de fin d’année, dont le contenu devrait être strictement limité aux ajustements budgétaires de fin de gestion.
Si la loi de finances initiale ne peut accueillir toutes les mesures fiscales souhaitées par le Gouvernement, alors il faut à tout le moins déposer une loi de finances rectificative au printemps.
Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous renonciez à recourir aux décrets d’avance dans les mêmes conditions que vos prédécesseurs. Nous vous félicitons de cette décision, car il est courageux qu’un ministre du budget se prive d’un outil de pilotage. Toutefois, il faut surtout que, selon la même logique de revalorisation de la qualité des débats budgétaires, le Gouvernement s’engage désormais à ne plus inscrire de mesures fiscales dans le collectif de fin d’année.
Sur le fond, que dire de ce projet de loi ?
En matière de fiscalité, l’imagination n’est toujours pas au pouvoir. La principale mesure fiscale de ce collectif n’est rien d’autre que la reprise, ajustée à la marge, d’une réforme votée par le précédent gouvernement : la mise en place du prélèvement à la source. De la même manière, le Gouvernement s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur s’agissant des mesures relatives à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.
Pour le reste, je ne reviendrai pas longuement sur mes propos tenus lors de la discussion générale du projet de loi de finances, sinon pour rappeler sommairement que, en 2017, sans les « bonnes nouvelles » liées à la révision à la hausse de la croissance et à l’élasticité des prélèvements obligatoires, le déficit serait nettement supérieur à 3 % du PIB. On peut donc dire que le Gouvernement a « surfé » sur la reprise pour contenir le déficit à 3 %.
Cette reprise est notamment liée aux efforts de redressement de la compétitivité de l’économie française engagés par la précédente majorité.
M. Yvon Collin. Eh oui !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Le déficit structurel devrait diminuer de 0,3 point entre 2016 et 2017 : c’est trois fois plus que l’objectif que s’est fixé le Gouvernement pour 2018.
Pour ce qui concerne le budget de l’État stricto sensu, du côté des dépenses, le « dérapage » annoncé, voire mis en scène, par certains n’a pas eu lieu. La gestion du premier semestre 2017 a été sérieuse, avec un blocage des dégels de crédits pour éviter une accélération des décaissements avant la tenue des élections présidentielles et législatives.
Depuis la prise de fonctions du nouveau gouvernement, et contrairement à ce qui est parfois affiché, les redéploiements opérés n’ont rien d’exceptionnel. En 2017, le schéma de fin de gestion, c’est-à-dire l’ajustement des crédits en fin d’exercice, est inférieur à celui de 2015 et de 2016. Le solde des comptes spéciaux sera globalement en ligne avec les prévisions de la loi de finances initiale, y compris celui du compte spécial « Participations financières de l’État », qui a porté les dépenses de recapitalisation d’Areva.
Au total, les recettes fiscales nettes de l’État devraient s’élever à 291,7 milliards d’euros, contre une prévision initiale de 292,3 milliards d’euros, soit une très légère révision à la baisse de 600 millions d’euros, ce qui, sur ces ordres de grandeur, représente l’épaisseur du trait. Les estimations du Gouvernement n’étaient donc pas si optimistes – encore moins insincères – que certains ont bien voulu le dire !
Au total, nous avons assisté à une année électorale classique, au cours de laquelle le nouveau gouvernement a noirci le bilan de son prédécesseur pour expliquer le recul de ses ambitions initiales, tout en engrangeant les bénéfices de l’action conduite au cours des cinq années précédentes. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. C’est merveilleux !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Cette discussion générale aura au moins le mérite de permettre de corriger quelques fake news. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, et si ce dernier texte nous mettait enfin d’accord ? (Exclamations amusées.)
M. Philippe Dallier. Après ce que vient de dire le président Éblé, ce n’est pas gagné !
M. Julien Bargeton. Je n’ai jamais vraiment cru au père Noël, mais je pense que nous sommes capables de nous retrouver autour des enjeux de fond qui dépassent la seule année 2017 finissante…
Devant la diversité des sujets abordés dans ce texte, j’ai choisi quatre défis structurants, qui vont occuper nos travaux.
Le premier défi fait l’objet d’un article technique dans ce texte et donnera lieu à une loi ad hoc discutée la semaine prochaine devant l’Assemblée nationale : ce sont les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris. L’organisation de ce type de manifestation ne laisse pas de place à l’improvisation. C’est pourquoi le Gouvernement a pleinement pris la mesure de cet événement dans le projet de loi à venir, à savoir d’abord la livraison dans les temps des infrastructures des jeux, ce qui est la meilleure garantie de maîtrise des coûts.
Dans le prolongement du dossier de candidature constitué par la précédente majorité, ce collectif budgétaire prévoit une garantie par l’État des sommes engagées par le Comité international olympique, le CIO, en cas d’annulation des jeux, et se porte garant des emprunts souscrits par le Comité d’organisation des jeux Olympiques, le COJO. Au moment où je vous parle, le budget prévisionnel pour ces jeux s’élève à un peu moins de sept milliards d’euros, dont un milliard à la charge de l’État.
Nous soutenons à fond cet événement dont les retombées dépasseront sans nul doute le périphérique, et même l’Île-de-France. En tant qu’acteurs du contrôle budgétaire, nous suivrons avec bienveillance et vigilance l’évolution des coûts des travaux.
Le second défi – nous en avons déjà parlé au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 et ce sujet restera à l’agenda –, c’est la fiscalité des plateformes de location de logements saisonniers. Des initiatives bienvenues ont été prises à l’Assemblée nationale sous l’impulsion du rapporteur général Joël Giraud, mais avec le soutien de groupes politiques très semblables à la majorité sénatoriale.
Il s’agit d’abord de la possibilité pour les collectivités de fixer leur taxe de séjour entre 1 % et 5 % du prix de la nuitée pour ces locations très souvent « non classées ». Soyons clairs, il s’agit non pas de déclarer la guerre à telle ou telle plateforme, mais de rétablir une situation d’équité fiscale entre le secteur hôtelier « classique » et ces plateformes. J’insiste sur le fait que le versement de la taxe de séjour s’effectuera dans la limite du tarif le plus élevé voté par la collectivité. À cela s’ajoute la généralisation, à compter de 2019, de la collecte de la taxe de séjour par les plateformes sur l’ensemble du territoire.
Nous, parlementaires, devons à la fois accompagner ce mouvement en croissance, le contrôler et en corriger les effets parfois négatifs sur le marché immobilier local : je pense aux arrondissements centraux de Paris, mais aussi à Barcelone, Venise ou encore Dubrovnik. C’est d’ailleurs la dimension la plus inquiétante de cette activité, qui doit apporter des compléments de revenu utiles, mais limités.
Le troisième défi, et non le moindre, est celui de la simplification. Le groupe La République En Marche partage totalement les ambitions du Gouvernement, en particulier les vôtres, monsieur le ministre, pour réconcilier les Français avec leur administration en mettant en place des procédures moins longues, plus souples et très souvent numérisées.
Le Gouvernement a fait adopter un amendement bienvenu à l’Assemblée nationale, qui a pour objet la mise en place progressive, d’ici à 2022, de services de paiement en ligne pour la très grande majorité des administrations publiques. C’est la même logique qui préside à la division par deux des intérêts de retards du contribuable vis-à-vis de l’État, comme vous vous y étiez engagés.
J’en viens à un point que j’espère le plus consensuel possible, monsieur le rapporteur général : la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui sera mis en œuvre à compter du 1er janvier 2019.
Je rappelle que le Gouvernement ne légifère pas sans filets, comme en atteste la mission d’audit de l’IGF, mais également l’expérimentation dont les conclusions ont été transmises à notre commission des finances.
J’ai, comme vous, suivi les débats au Palais-Bourbon et j’ai entendu les griefs faits à cette réforme : le prélèvement à la source serait une charge excessive pour les entreprises ; il mettrait à mal la confidentialité ; il entraînerait des ruptures de traitement entre contribuables. Il me semble que c’est un mauvais procès que l’on fait à cette mesure, dont le bénéfice principal est de permettre aux contribuables de payer leur impôt sur le revenu de 2019 sur la base de leurs revenus de 2019.
Le Gouvernement s’est engagé à accompagner les contribuables et les entreprises dès l’automne 2018 avec une phase de préfiguration, pour une entrée en douceur dans ce dispositif qui déconcerte. Mais, en d’autres temps, l’impôt sur le revenu lui-même a déconcerté lors de sa création par Joseph Caillaux.
Le dernier défi est celui de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, avec des mesures visant à obliger les institutions financières à renforcer leur identification de détenteurs de comptes, ou encore une mesure anti-abus assez forte : il appartiendra désormais aux contribuables de démontrer que la détention dans certains pays et territoires n’a pas de visée fiscale. Les « Paradise papers » ne seront pas, je le crains, le dernier volet de cette mauvaise saga, qui peut comprendre encore de nombreuses saisons. Ce collectif poursuit l’action résolue de la France depuis 2013.
Au terme de ce marathon budgétaire, par adhésion politique et pour saluer son endurance, le groupe La République En Marche soutiendra pleinement le projet de loi de finances rectificative tel qu’il est présenté ici.
Si son contenu est hétérogène, il n’est pas hétéroclite, car il est cohérent dans son inspiration. Jeux Olympiques, fiscalité numérique, lutte contre la fraude, modernisation des procédures, ce texte prépare l’avenir en tenant compte des bouleversements économiques, mais aussi numériques, qui traversent notre époque. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à quelques jours de la fin de l’année, et il est évident que le collectif du mois dernier, avec la majoration exceptionnelle de l’impôt sur les plus grandes entreprises, venue contrebalancer le contentieux fiscal en cours relatif à la contribution sociale sur les bénéfices, a largement dévitalisé le débat de ce jour.
Ce qui peut étonner néanmoins, c’est qu’il y ait encore de quoi produire un texte de près d’une centaine d’articles – si le Sénat décide d’en augmenter encore le nombre. Cela semble montrer que la capacité du Gouvernement à rendre la loi toujours plus complexe n’est pas encore tout à fait éteinte.
Ce collectif semble donc un exercice mineur, surtout peu de temps après la discussion d’une loi de finances pour 2018 dont la portée politique risque fort de se prolonger bien au-delà du 31 décembre de l’an prochain…
Quand on revient aux temps révolus de l’avoir fiscal, avec le prélèvement forfaitaire unique, on peut s’interroger sur les intentions véritables qui sous-tendent ce projet de loi de finances rectificative.
Nous qui avions cru que ces vieilles lunes n’avaient plus de raison d’être, eh bien, il a fallu l’arrivée aux commandes du pays d’une « nouvelle classe politique » pour que les fantômes du passé reviennent errer dans les couloirs des assemblées ! Affrontement dialectique de haute volée entre la pierre et la bourse, que vous avez réglé ici en supprimant et l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, le tout agrémenté, en plus, de la baisse de la taxation des plus-values !
Le même salaire peut supporter demain la CSG, l’impôt sur le revenu, l’impôt local et la TVA grevant la consommation populaire ; cela ne provoquera jamais la moindre réaction indignée de la part de ceux qui confondent l’intérêt général et quelques intérêts particuliers.
Ce collectif n’est pas sans intérêt ni enseignements, pour le coup. Si le déficit semble contenu dans les limites imposées par la Commission européenne, les voies et moyens pour y parvenir sont pour le moins discutables.
Ainsi, certaines dépenses auraient été manifestement sous-évaluées dès l’origine, et le budget pour 2017 aurait été insincère ? Qu’importe cependant la sincérité d’un budget, si aucune des questions clefs qui se posent n’est véritablement résolue !
Il a fallu ouvrir des crédits supplémentaires pour signer des contrats aidés, ou verser certaines allocations ? Insincérité ? Ou bien tout simplement incapacité de l’économie, dans des entreprises sous la coupe des établissements financiers, à créer suffisamment d’emplois pour permettre aux travailleurs privés d’emploi ou précarisés de stabiliser leur situation ?
Insincérité ? Ou bien incapacité des chefs d’entreprise à favoriser l’emploi de travailleurs handicapés, durablement exclus du monde du travail où ils peuvent pourtant légitimement réclamer toute leur place ?
Insincérité ? Ou bien absence de courage politique pour réellement encadrer les loyers du secteur privé et, de fait, éviter le glissement permanent des aides au logement ? Nous en avons assez que les ressources publiques soient ainsi mobilisées pour combler les insuffisances du secteur marchand à prendre lui-même en charge ses propres travers et ses propres dérives !
Ce sont ces réalités qui résident derrière le froid examen des chiffres de dépenses, comme de recettes, figurant dans les articles initiaux de ce projet de collectif.
Et si les indicateurs semblent satisfaisants du point de vue comptable, qu’y a-t-il derrière, sinon cette somme de frustrations collectives et individuelles, de rêves sans cesse remis à plus tard, de problèmes sociaux non résolus qui procèdent, pour notre pays, comme la charge explosive d’une bombe à retardement chaque année plus puissante ?
Pour le reste, qu’y a-t-il dans ce collectif ?
La mise en place du système de prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu, qui n’apportera pas grand-chose à la qualité du recouvrement de l’impôt, sinon de permettre d’élaguer un peu plus les effectifs de la DGFiP…
La définition d’un outil d’incitation fiscale pour l’implantation d’entreprises dans les quartiers urbains sensibles ou les communes des bassins de vie ruraux à relancer ? Il serait peut-être temps de penser les choses autrement. Il nous semble que l’État serait mieux inspiré de changer les formes de son appui à l’activité économique.
Alors même que l’on finance depuis une bonne vingtaine d’années l’accession à la propriété, par sollicitation d’un prêt sans intérêt, rien de tel n’a jamais été tenté pour l’activité économique. Une avance sans intérêt dévolue aux nouveaux entrepreneurs, leur permettant de faire face aux contraintes du lancement de leur affaire, ou pour donner un nouvel élan aux entreprises déjà existantes ayant besoin d’un coup de pouce, ne serait-ce pas une meilleure utilisation de l’argent public ?
Le chapitre de la lutte contre la fraude fiscale occupe quelques articles de ce projet de loi. N’ayons pas peur de le dire : le compte n’y est pas et les mesures d’optimisation fiscale que contient le texte en certains articles risquent en partie de ruiner les efforts accomplis par ailleurs…
L’article 4 porte comme une tache indélébile la composition pénale – appelons-la ainsi – que la banque HSBC a négocié avec l’État et qui fait que, moyennant le versement de 300 millions d’euros, un gigantesque coup d’éponge est porté sur les listes de comptes bancaires non déclarés de l’établissement.
Cette décision illustre parfaitement les limites de la loi Sapin 2. Une banque qui, tout en reconnaissant sa culpabilité, consent à verser 300 millions d’euros à l’État, alors qu’elle avait dissimulé 1,6 milliard d’euros d’actifs, tout cela dans le cadre d’une « convention judiciaire d’intérêt public », c’est au fond presque un encouragement à la fraude. Au regard de la conclusion apportée au dossier, certains lanceurs d’alerte doivent se demander, a posteriori, s’il était nécessaire de prendre de tels risques pour eux-mêmes, leur intégrité professionnelle, psychique, parfois physique, et la tranquillité de leur famille.
Le texte comprend aussi la modification et la création d’un certain nombre de nouvelles taxes, en général inspirées du modèle de la taxe sur la valeur ajoutée – bien évidemment ! –, et dont le rendement ne sera pas forcément très élevé.
Ajoutons-y une réforme des droits indirects en outre-mer et quelques mesures pour sanctionner les petits ou moyens trafics, et nous voilà avec ce texte. Comme il demeure fondé sur des orientations que nous ne partageons guère, nous craignons fort de ne pouvoir le voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je retiendrai de ce projet de loi de finances rectificative un acquis, une certitude et une interrogation.
L’acquis, c’est la croissance, et chacun s’en félicite. Elle n’est certes pas à un niveau très élevé, mais il y a lieu effectivement de s’en réjouir.
La certitude, c’est que les sous-budgétisations dénoncées par le Sénat l’année dernière, à la même époque, étaient bien présentes et qu’il a fallu y remédier.
L’interrogation, elle, porte sur l’ampleur de l’effort de maîtrise des dépenses publiques.
S’agissant de la croissance, même si celle-ci est relative, la conjoncture a du bon. Le retour à une conjoncture plus favorable permet en effet une hausse des recettes de l’État de 2,1 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable pour tenir l’engagement des 2,9 % de déficit. Sans doute auriez-vous été dans une position bien plus difficile dans le cas contraire. On pourrait presque soutenir que le Gouvernement s’est laissé des marges, en tout cas si l’on retient une hypothèse de croissance de 1,8 %.
Le 1,7 % retenu est en effet un signe de prudence. Il permet aussi de justifier la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés et les nécessaires mesures de réduction des dépenses. Le chiffre de 1,8 % eût été ambitieux ; celui de 1,7 % a des vertus pédagogiques.
Toutefois, l’une et l’autre de ces mesures sont à bien des égards nécessaires quand on regarde les risques qui demeurent.
Cet acquis de croissance est opportun et utile au regard du risque que fait peser l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. La décision d’Eurostat, si elle devait conduire à rattacher la totalité des 11 milliards d’euros à l’année 2017, nous conduirait sans doute à dépasser à nouveau la barre des 3 % de déficit. On peut donc lire cet acquis de croissance comme providentiel ; on peut aussi l’estimer trop court pour faire face à nos enjeux et à ces risques.
Au total, on peut comprendre votre prudence. Et quand on met bout à bout les contraintes, sans doute était-il difficile de bâtir un autre scénario. L’avenir dira si nous respectons les 3 % et si nous faisons mieux, en fonction de la conjoncture. Nous savons que cela ne se décidera pas qu’en fin d’année, mais surtout après la décision d’Eurostat. C’est un risque à 5 milliards d’euros !
S’il y a un point qui apparaît clairement, c’est bien l’ampleur des précédentes sous-budgétisations. De ce point de vue, nous pouvons nous réjouir de voir que vous semblez en avoir tiré les leçons. C’est heureux, et les corrections faites en cours d’année sont démonstratives des choix antérieurs de sous-budgétisations que le Sénat avait d’ailleurs dénoncées.
S’il y a une certitude, c’est bien le côté artificiel du projet de loi de finances pour 2017. Ce projet de loi de finances rectificative rectifie les sous-budgétisations de la loi de finances initiale. Il faut donc saluer l’effort de sincérité réalisé par le Gouvernement dans ce domaine, et l’inviter à poursuivre en ce sens.
Mon interrogation porte sur la maîtrise des dépenses. Le rapporteur général nous glisse, à juste titre, que, de ce point de vue, il y a même une dégradation de 4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et qu’elle va au-delà du simple rattrapage des sous-budgétisations de vos prédécesseurs. On mesure la difficulté qu’il y a à contenir les dépenses publiques !
En termes de méthode, vous annoncez la fin du rabot, et c’est heureux. Quelle que soit l’option retenue, nous convergeons tous, ou presque, pour dire que le plus dur reste à faire en matière de maîtrise de la dépense.
Nous sommes encore loin d’un rétablissement durable de nos comptes publics. Le Gouvernement le sait, la seule croissance économique ne nous permettra pas de réduire durablement nos déficits et notre dette.
Nous le mesurons ensemble, malgré les efforts, la France restera à la traîne des pays de l’Union européenne. En se plaçant avant-dernière en termes d’équilibre budgétaire, elle détient toujours le record de la dépense publique, qui représente 56 % du PIB, ce qui est bien au-dessus de la moyenne européenne. Quant à la pression fiscale, elle est l’une des plus fortes des pays comparables. Enfin, notre dette est parmi les plus importantes de l’Union européenne.
Des efforts doivent encore être fournis pour ce qui concerne la dépense publique, qui devrait augmenter de 1,9 % en 2017, au lieu des 1,8 % annoncés. Pour réduire durablement nos dépenses publiques, nous devons entreprendre, le Gouvernement l’a dit, des réformes structurelles de l’action publique. Un certain nombre d’entre elles ont déjà été initiées, mais d’autres doivent suivre. La volonté du Gouvernement de dépasser la logique du rabot va dans le bon sens. Pour autant, nous savons que les réformes structurelles sont difficiles à conduire. Le Gouvernement a entrepris des réformes, et il convient d’avancer dans le sens donné.
Rappelons que, si le déficit budgétaire est de 74,1 milliards d’euros, en amélioration de 2,9 milliards d’euros par rapport à la prévision du premier projet de loi de finances rectificative, il reste supérieur à celui de 2016.
Au-delà de ces considérations sur le cadrage global du PLFR, je veux revenir sur la réforme du prélèvement à la source, qui constitue l’un des points majeurs de ce texte. Du moins revenez-vous, monsieur le ministre, sur la réforme introduite par la loi de finances pour 2017, puis reportée par votre gouvernement, à juste titre d’ailleurs. La Sénat a plusieurs fois manifesté son scepticisme s’agissant de l’approche précédente. Vous la complétez et tentez d’éviter des difficultés que chacun mesure inévitables. On peut, et c’est la position du Sénat dans sa majorité, s’offusquer, entre autres éléments, de la surcharge infligée aux entreprises. Bien d’autres critiques peuvent sans doute être formulées. Il faut l’admettre, il y a un coût à ce type de réforme. Il peut engendrer un effet d’aubaine. Surtout, il faut éviter qu’un trop grand nombre de contribuables y perdent. Une vraie difficulté s’oppose à ce projet : le revenu figurant sur la fiche de paie sera à la baisse, ce qui constitue, en soi, une révolution. De nombreux gouvernements y ont réfléchi. Au vu du travail engagé, vous choisissez d’aller au bout de la réforme, ce qui est courageux. Je souhaite que nous éclairions, au cours du débat, les points qui doivent encore être améliorés.
La plupart d’entre nous n’avons aucune hostilité de principe à l’égard du prélèvement à la source. Nous voyons en effet d’un bon œil, pour nos concitoyens, l’objectif d’une plus grande contemporanéité de l’impôt. L’une des principales difficultés soulevées tient sans doute au modèle français de l’impôt sur le revenu.
L’imposition au niveau du foyer fiscal, le barème progressif et l’importance du nombre de niches fiscales sont autant d’éléments qui complexifient et peuvent rendre contre-productive l’application du prélèvement à la source. Là est tout le défi.
L’ampleur des modifications apportées en séance à l’Assemblée nationale, bien souvent sur l’initiative du Gouvernement, montre que tout projet de loi de finances rectificative devient un projet de loi de finances bis. Ce travers devra sans doute, à l’avenir, faire l’objet d’une réflexion. Monsieur le ministre, vous mesurez à quel point les sujets très techniques introduits lors de la lecture à l’Assemblée nationale, que vous avez vous-même détaillés, appelleront des débats durant les prochaines heures.
Le groupe Union Centriste abordera la discussion avec la volonté de répondre à l’exigence de redressement de nos finances publiques. Il salue le travail mené par M. le rapporteur général en commission pour éclairer le débat, travail qui nous permettra d’apporter une plus-value à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Yvon Collin et Sébastien Meurant applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, telle plume au vent, croissance varie ! (M. Philippe Dallier s’esclaffe.)
Estimée en projet de loi de finances pour 2017 à 1,5 % par le précédent gouvernement, chiffre jugé optimiste par le Haut Conseil des finances publiques et inatteignable par notre commission des finances, la prévision de croissance, fixée à 1,7 % dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2017, est désormais considérée comme prudente.
En la matière, j’espère qu’à l’avenir nos positions sur la croissance seront pour le moins, elles aussi, plus prudentes.
Ainsi, cette meilleure croissance permet d’améliorer le déficit budgétaire de 2,8 milliards d’euros, notamment grâce aux revenus supplémentaires de TICPE et de TVA. Nous nous en réjouissons et relativisons très largement les critiques entendues au cours des premiers mois de votre gouvernement.
Sur le fond, ce projet de loi de finances rectificative, traditionnel en fin de gestion, ne se distingue guère des autres : il est tout aussi technique que d’habitude, et le temps dont nous disposons pour l’examiner, tout aussi réduit.
Parmi les mesures proposées, il y a bien évidemment des éléments positifs à retenir.
Le premier d’entre eux est la mise en place, dans une version légèrement aménagée, du prélèvement à la source. Je laisserai Thierry Carcenac intervenir sur ce sujet.
Dans un tout autre domaine, l’article 16 ter, qui met en place un abattement exceptionnel des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir, nous paraît particulièrement pertinent, d’autant qu’il s’agit de la reprise par le Gouvernement d’une proposition de nos collègues députés du groupe Nouvelle Gauche.
Du point de vue des collectivités territoriales, quelques avancées sont également à relever.
S’agissant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, les aménagements proposés par l’article 17 nous semblent aller dans le bon sens.
Tout particulièrement, le maintien des dispositifs de planchonnement et de lissage des cotisations en cas de réalisation de petits travaux est utile. En effet, l’absence d’application de ces mécanismes de lissage en cas de travaux posait un problème important pour les programmes de rénovation des centres-villes.
En revanche, le report de la mise à jour permanente, si elle est acceptable pour l’année 2018, ne doit pas se renouveler, sans quoi le principal acquis de cette réforme sera perdu.
M. Claude Raynal. Merci, monsieur le ministre !
Par ailleurs, la suppression de la participation des collectivités territoriales au coût du plafonnement de la CET, la contribution économique territoriale, peut se comprendre. Les effets du mécanisme mis en place par l’article 52 de la loi de finances rectificative pour 2015 avaient déjà été reportés par le gouvernement précédent. Aujourd’hui, ce dispositif est supprimé, soit ! Est annoncée la présentation, l’année prochaine, d’un « mécanisme plus simple et lisible ». Monsieur le ministre, avez-vous des éléments plus précis à nous communiquer sur ce point ?
Est également positive pour les collectivités territoriales la mise en place d’un tarif de la taxe de séjour s’appliquant aux hébergements non classés, du type Airbnb.
D’autres aspects de ce texte sont, en revanche, critiquables.
Ainsi, des engagements avaient été pris par le précédent gouvernement en faveur de deux territoires. Ils ont été tenus pour le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, mais pas pour le bassin ferrifère de Lorraine. Nous défendrons bien évidemment un amendement afin de remédier à cette situation.
S’agissant du Fonds d’urgence pour les départements, le texte est également insuffisant. Le fonds est abondé à hauteur de 100 millions d’euros, contre 170 millions d’euros l’année précédente. Nous vous soumettrons également un amendement sur ce point.
Enfin, nous ne saurions approuver la ratification du décret d’avance du 30 novembre 2017. Outre le fait qu’il annule plus de 200 millions d’euros de crédits destinés à la mission « Travail et emploi », il supprime également 48 millions d’euros affectés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette nouvelle annulation est motivée par une sous-consommation des crédits de la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux. Curieusement, tel n’est pas le sens des messages que nous renvoient les maires, plutôt confrontés à une diminution des crédits pour mettre en place leurs projets.
Dans l’ensemble, vous l’avez compris, monsieur le ministre, nous approuvons nombre des mesures techniques proposées. Toutefois, les derniers points que je viens d’évoquer auraient pu nous faire pencher tout naturellement vers l’abstention.
Je crains cependant que les apports de la majorité sénatoriale,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Excellents apports !
M. Claude Raynal. … notamment sur le prélèvement à la source,…
M. Julien Bargeton. Eh oui !
M. Claude Raynal. … ne nous amènent à voter contre la version issue des travaux du Sénat. (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Étudiez d’abord les amendements !
M. Claude Raynal. Mais, nous verrons bien, peut-être qu’un peu de sagesse reviendra dans cette maison ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017. Ce texte, avec celui qui l’a précédé, devrait permettre de solder une fois pour toutes l’héritage d’insincérité – on peut le dire – et même d’irresponsabilité budgétaire des derniers mois du quinquennat de François Hollande. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
M. Claude Raynal. Ça attaque dur !
M. Emmanuel Capus. Je savais que cette remarque vous plairait !
Au total, les biais de construction de la loi de finances initiale pour 2017 auront nécessité 6,2 milliards d’euros d’ouvertures de crédits en cours d’exercice, un montant tout à fait inédit par son ampleur.
M. Michel Canevet. Eh oui !
M. Emmanuel Capus. Ce projet de loi de finances rectificative est donc également une forme d’avertissement pour vous, monsieur le ministre, un contre-exemple qui doit, pour l’avenir, vous maintenir éloigné de l’insincérité, des erreurs volontaires, et autres oublis informés.
M. Michel Canevet. C’est bien dit !
M. Emmanuel Capus. Si votre premier projet de loi de finances semble s’être en partie écarté de ces écueils, ce projet de loi de finances rectificative nous rappelle collectivement que la responsabilité budgétaire est une vertu qui s’entretient. Elle est d’autant plus admirable qu’elle est constante dans le temps.
Le premier projet de loi de finances rectificative était ainsi une illustration des conséquences dommageables, pour nos concitoyens et nos entreprises, sinon de l’incurie budgétaire au sommet de l’État, du moins, comme l’a dit M. le rapporteur général, de sa précipitation.
Sur le fond, les prévisions macroéconomiques de ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017 demeurent inchangées par rapport à celles qui avaient été retenues dans le projet de loi de finances pour 2018. La prévision de croissance est maintenue à 1,7 % et le déficit public, toujours attendu à 2,9 % du PIB en 2017.
Quant au déficit 2018, il était initialement prévu à 2,6 %. Il sera finalement de 2,8 %, notamment à cause des 5 milliards d’euros que l’État devra prendre en charge dans le cadre du contentieux lié à la taxe de 3 % sur les dividendes. Je disais tout à l’heure que ce projet de loi de finances rectificative solde les comptes du quinquennat Hollande, ce n’était malheureusement que partiellement exact : l’exercice 2018 ne sera pas exempt de cadeaux empoisonnés.
Malgré tout, ces chiffres devraient nous faire sortir, en 2018, de la procédure européenne pour déficit excessif. C’est une nouvelle que nous saluons. La sortie de cette procédure est une nécessité pour retrouver notre crédibilité politique en Europe.
Toutefois, le rapporteur général nous a justement alertés sur l’importance de l’appréciation que porterait Eurostat sur plusieurs opérations susceptibles de dégrader le déficit 2017. Je veux parler du traitement comptable de la recapitalisation d’Areva et de la ventilation des remboursements de la taxe à 3 % sur les exercices 2017 et 2018.
Avant de m’attarder sur quelques articles de ce projet de loi de finances rectificative, je voudrais souligner, comme l’a fait M. le rapporteur général, le point suivant : ce texte a beaucoup grandi à l’Assemblée nationale (M. Claude Raynal opine.), surtout du fait du Gouvernement.
M. Emmanuel Capus. Il est dommageable que ce véhicule législatif devienne le moyen de faire passer des réformes d’une ampleur parfois importante et portant éventuellement sur des exercices lointains, ce qui est la vocation du projet de loi de finances initiale. Les délais d’examen restreints de ce type de textes ne nous permettent ni la même expertise ni la même vigilance que pour le projet de loi de finances.
Concernant les différentes mesures prévues par ce texte, je reviendrai d’abord sur l’article 9. Notre groupe n’est pas, par principe, opposé au prélèvement à la source. Néanmoins, nous voudrions attirer l’attention sur plusieurs points qui ont suscité notre inquiétude. M. le rapporteur général en a également évoqué quelques-uns.
Tout d’abord, je pense aux incertitudes qui pèsent sur la nature du contentieux issu de cette réforme. La répartition entre la juridiction administrative et la juridiction prud’homale en cas d’affaires complexes concernant les données récoltées par l’entreprise n’est pas claire.
Ensuite, le coût pour les petites et moyennes entreprises de la mise en place des logiciels et de la collecte de l’impôt risque de pénaliser leur activité.
Enfin, cette réforme remet en question la familialisation de l’impôt sur le revenu. Notre groupe, qui a montré lors de l’examen du projet de loi de finances son attachement à ce principe en votant le rehaussement du plafond du quotient familial proposé par la commission des finances, sera particulièrement vigilant sur ce point à l’avenir.
La phase de test prévue dans le présent texte permettra sans doute à chacun d’y voir plus clair et constitue une période d’adaptation certes courte, mais bienvenue.
Enfin, je souhaiterais saluer la création dans ce projet de loi de finances rectificative d’un tirage spécial du loto pour le patrimoine, organisé à partir de 2018 à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Les recettes correspondant à la part ordinairement versée au budget général de l’État serviront à alimenter un fonds « patrimoine en péril » de la Fondation du patrimoine. Actuellement, en France, 25 % des monuments protégés sont en mauvais état et 5 %, soit environ 2 000 monuments, sont jugés en état de péril grave.
Face à cette situation critique, nous saluons le volontarisme du Président de la République et de la ministre de la culture dans le cadre de la stratégie pluriannuelle du ministère de la culture en faveur du patrimoine.
Pour conclure, ce texte apparaît comme une véritable mosaïque, avec des mesures qui vont dans le bon sens et des points qui nous inquiètent ou nous interpellent davantage, comme les articles sur la fiscalité écologique ou les conséquences potentiellement néfastes du prélèvement à la source. Sans nous opposer à cette dernière mesure, nous attendons du Gouvernement qu’il fasse les efforts nécessaires pour en diminuer au maximum la charge sur les entreprises, sur les familles et sur les contribuables. (MM. Julien Bargeton et Marc Laménie applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’élaboration d’un projet de loi de finances rectifiant le budget du gouvernement qui précède n’est pas un exercice facile, il faut le reconnaître. Les nouvelles équipes en place ne manquent jamais de dire qu’elles héritent du passé, pour ne pas dire du passif.
Je pense en particulier à l’annulation de la contribution de 3 % sur les dividendes, qui avait été instituée en 2012. Depuis la décision du Conseil constitutionnel en date du 6 octobre dernier, nous savons que l’État est contraint de rembourser 10 milliards d’euros aux entreprises, un montant très significatif et, par conséquent, extrêmement déséquilibrant pour nos finances publiques.
Je n’oublie pas non plus un autre héritage encombrant. Je veux parler de la pratique des sous-budgétisations, qui n’ont cessé de croître entre 2012 et 2017, pour atteindre cette année un peu plus de 6 milliards d’euros.
La Cour des comptes a d’ailleurs pointé cette dérive, et je salue les efforts entrepris par le gouvernement actuel pour tenter de la contenir. En effet, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, j’ai bien noté l’augmentation des provisions pour les actions sujettes au risque de sous-budgétisation, telles les OPEX au sein de la mission « Défense » ou encore la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
J’ajoute que la baisse du taux de mise en réserve de 8 % à 3 % s’inscrit également dans cette volonté de sincérité budgétaire, que nous saluons, monsieur le ministre.
En attendant, mes chers collègues, le déficit budgétaire prévu à l’issue de ce second projet de loi de finances rectificative se situerait à 2,9 %. On ne peut pas cacher que c’est principalement le dynamisme des recettes fiscales, avec un bonus de 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires, qui permet de rester sous la barre fatidique des 3 %.
Quoi qu’il en soit, en 2017, la France remplira ses obligations européennes et pourrait ainsi sortir de la procédure pour déficit excessif. Cependant, il reste du chemin à parcourir pour s’éloigner davantage du seuil fixé par le pacte de stabilité et de croissance. Avec l’Espagne, nous sommes parmi les plus mauvais élèves. Pour la zone euro, le déficit moyen était de 1,7 % l’année dernière.
Au-delà de l’équilibre général, le projet de loi de finances rectificative comporte des dispositions fiscales techniques. Parmi cet ensemble assez épars, je relève plusieurs articles pertinents : l’article 13 bis sur les extensions d’exonération en cas de première transmission familiale dans les zones de revitalisation rurale, l’article 16 sur la prorogation de DEFI, le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt, ou encore l’article 23 ter relatif à la généralisation de la collecte de la taxe de séjour « au réel » par les plateformes en ligne.
Mais je souhaite surtout m’arrêter sur l’article 9, relatif au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui focalise – à juste titre – l’attention.
La commission, qui n’a pas caché ses inquiétudes quant à la faisabilité du dispositif, a proposé sa réécriture. J’approuve, comme l’ensemble de mon groupe, cette nouvelle rédaction, qui serait, selon moi, de nature à simplifier les choses.
En effet, si le présent projet de loi de finances rectificative tient compte de quelques recommandations du récent rapport de l’Inspection générale des finances, il ne va pas assez loin pour garantir la fluidité de l’impôt contemporain.
Je partage bien entendu le principe d’un prélèvement à la source, parce que c’est le vœu d’une majorité de nos concitoyens. Toutefois, comme l’a souligné notre collègue rapporteur général dans son rapport d’information de 2016 sur le sujet, cette mesure n’intervient-elle pas trop tard, dans la mesure où elle s’effectuera sur la base d’une fiscalité devenue complexe, pour ne pas dire très complexe, au fil du temps ?
La plupart des pays occidentaux ayant mis en place le prélèvement à la source l’ont fait depuis des décennies, voire au début du siècle dernier. La France l’avait d’ailleurs expérimenté brièvement dans les années 1940 sous la dénomination « stoppage à la source ». Aujourd’hui, dans le cadre d’une fiscalité compliquée, le prélèvement à la source sera compliqué, tous les experts le disent. Il existe en outre un risque de contentieux, ce qui pourrait affecter le consentement à l’impôt, si les contribuables ne bénéficient pas d’un système intelligible, lisible et juste.
Enfin, nous sommes nombreux à avoir quelques craintes s’agissant de la charge que le système de collecte pourrait faire peser sur les entreprises, en particulier les TPE et les PME. On parle de 300 millions d’euros pour les collecteurs. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu’une partie du coût serait pris en charge par les entreprises. Pourquoi juste « une partie », alors que le Gouvernement porte une ambition générale d’allégement des charges et de simplification pour les entreprises !
Aussi, je pense que le prélèvement à la source est encore, à ce stade, très perfectible. Je serai donc attentif à sa mise en œuvre.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais formuler sur ce projet de loi de finances rectificative, dont mon groupe approuve les grandes orientations techniques. Il apportera donc son soutien à ce texte. (MM. Julien Bargeton et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année est le moment de dresser un premier bilan de l’année qui s’achève. Les résultats découlent pour moitié du quinquennat précédent et pour moitié du quinquennat qui commence.
Si nous nous réjouissons du retour de la croissance, celle-ci demeure bien en deçà de la moyenne européenne en 2017 : le Gouvernement prévoit une croissance de 1,7 %, la Commission européenne, de 1,6 %, contre 2,2 % prévu en 2017 en moyenne dans la zone euro et 2,3 % dans l’Union européenne.
Si la faible croissance française, sous le quinquennat de François Hollande, était essentiellement due à des facteurs exogènes – baisse du prix du pétrole et de l’euro, politique d’achats d’actifs par la BCE, la Banque centrale européenne, taux d’intérêt très bas –, le léger rebond constaté actuellement repose sur un cycle européen favorable, mais aussi sur un redémarrage cyclique auto-entretenu, notamment à travers la hausse de l’investissement des entreprises, la forte reprise du marché immobilier et la très bonne tenue de la consommation des ménages en 2017.
Néanmoins, ce niveau de consommation pourrait ralentir en 2018, car il était largement dû à des facteurs ponctuels : championnat d’Europe de football en France, dépenses de chauffage et changement de standard de la diffusion télévisuelle.
De surcroît, le déficit commercial demeure très élevé, ce qui constitue un handicap fort pour notre pays. Il s’est en effet de nouveau creusé en octobre. Sur un an, il atteint 61 milliards d’euros, contre 48,2 milliards d’euros en 2016, année qui avait marqué un coup d’arrêt à l’amélioration du solde commercial français entamée en 2011.
Dans ce contexte, il est important de soutenir l’innovation et la croissance de nos PME et ETI industrielles. C’est le seul moyen de réduire nos importations. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.
Pour ce qui concerne la réduction du déficit public, la France devrait – enfin ! – tout juste repasser sous la barre des 3 % en 2017. Le projet de loi de finances rectificative confirme la prévision de 2,9 %.
Ce résultat positif ne peut être mis au crédit ni du gouvernement actuel ni du gouvernement précédent, dans la mesure où la baisse du déficit repose exclusivement sur une conjoncture favorable : les prévisions de croissance et d’élasticité des recettes ont été révisées respectivement de 0,1 et 0,3 point, sans quoi le déficit serait de 3,3 % en 2017, bien au-dessus des 3 %…
De plus, pour sortir de la procédure de déficit excessif, qui ne concerne plus que la France et l’Espagne, alors que vingt-quatre États membres étaient encore en déficit excessif en 2012, il faut que la France reste sous la barre des 3 % pendant au moins deux années consécutives.
Or il existe un risque pour 2018. Pour Bruxelles, le remboursement de la taxe française sur les dividendes et la recapitalisation d’Areva « représentent des risques clairs pour la prévision et la correction du déficit au-dessous de 3 % du PIB ».
La Commission européenne prévoit d’ailleurs un déficit de 3 % en 2019, comme le Gouvernement lui-même, le FMI prévoyant même 3,2 % en 2019.
Quant au solde public structurel, son amélioration ne serait que de 0,1 point en 2017 : la France est six fois au-dessous de l’objectif assigné par nos partenaires européens, épuisant ainsi en une seule fois la marge de manœuvre autorisée par Bruxelles. Cette compromission pesant sur l’avenir ne nous rassure pas !
D’autant plus que l’amélioration du solde public repose uniquement sur une conjoncture plus favorable. En effet, entre le projet de loi de finances pour 2017 et ce texte, le déficit structurel a doublé, passant de 1,1 % à 2,2 %. Du fait de l’absence de réforme structurelle engagée dès 2017, l’OCDE et le FMI prévoient une aggravation du déficit structurel en 2018, respectivement de 0,3 et 0,4 point.
Quant à la dette publique, elle atteindrait 96,8 % en 2017, un niveau record. C’est d’autant plus inquiétant que l’État empruntera en 2018 un montant colossal – 195 milliards d’euros – sur les marchés. Du jamais vu depuis plus de dix ans ! En cas de remontée des taux, le choc sera très rude !
Pourtant, les ménages et les entreprises contribuent largement au financement de la dépense publique : le rapport d’Eurostat publié voilà une semaine indique que la France est la championne d’Europe de la pression fiscale. Le ratio recettes fiscales/PIB est de 47,6 %, contre 41,3 % pour la zone euro et 40 % pour l’Union européenne.
Dernière pièce de ce tableau bien sombre : le chômage. La France connaît l’un des plus forts taux de chômage de l’Union européenne : selon les données d’Eurostat de juillet 2017, le taux de chômage en France est de 9,8 %, contre 3,7 % en Allemagne et 7,7 % dans l’Union européenne. Nous sommes 22e sur 27.
Championne de la pression fiscale, recordwoman du déficit, place d’honneur pour le taux de chômage : telles sont les performances de la France en 2017.
Cette situation n’appelle pas de demi-mesures. Il faut prendre des décisions courageuses pour réduire la dépense publique. Tel est l’état d’esprit dans lequel travaillent les membres du Comité Action publique 2022. À la charge du Gouvernement, ensuite, d’assurer la mise en œuvre des préconisations.
Il faut profiter du frémissement de croissance pour provoquer un choc de confiance, un choc de compétitivité et un choc des finances publiques, sans quoi il n’y aura pas de nouveau monde.
Nous regrettons que ce troisième texte budgétaire de l’automne ne porte pas de grande ambition, si ce n’est d’acter la réforme du prélèvement à la source en 2019, qui entraînera de nouvelles charges pour les entreprises. Mme Lamure reviendra sur ce point.
Pis encore, ce collectif budgétaire de fin d’année utilise toutes les recettes du passé, cela a été largement souligné par les orateurs qui m’ont précédée. Il a été l’occasion, pour le Gouvernement, de déposer, au dernier moment, des dizaines d’amendements à l’Assemblée nationale, triplant, comme les années passées, le nombre d’articles du projet de loi de finances rectificative.
Où est donc le nouveau monde quand le Gouvernement dépose 41 amendements en séance publique, dont 31 visent à créer des articles additionnels, ce qui a contribué à faire passer le texte de 37 articles à 91 articles ? Court-circuiter le Conseil d’État et la commission des finances de l’Assemblée nationale et créer en séance autant de nouveaux articles que d’articles initiaux, est-ce une façon sérieuse de travailler ? Au regard du marathon budgétaire auquel nous sommes soumis, avec un enchaînement immédiat des textes, comment le Parlement peut-il examiner sérieusement celui qui nous est proposé aujourd’hui ?
Pour conclure, ce texte fourre-tout, sans grande ambition, n’appelle ni rejet ni adoption enthousiaste. Au cours de la lecture, nous apporterons des modifications, notamment sur la réforme du prélèvement à la source. Le groupe Les Républicains votera le texte ainsi amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la délégation aux entreprises s’est réunie ce matin pour évoquer les dispositions du PLFR pour 2017 qui intéressent les entreprises.
Si quelques articles du texte ont pu nous donner des motifs de satisfaction, je souhaite intervenir sur l’article 9, qui nous préoccupe au plus haut point.
Le texte de cet article confirme en effet que c’est sur les entreprises que le Gouvernement entend faire reposer la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, le PAS, à partir du 1er janvier 2019. Les entreprises sont très inquiètes de l’impact qu’une telle réforme aura sur elles ; c’est pourquoi la délégation aux entreprises avait fait réaliser, par le cabinet d’avocats fiscalistes Taj, une étude de cet impact. Celle-ci a été présentée à la commission des finances et à notre délégation, réunies le 28 juin dernier.
Le 10 octobre dernier, le Gouvernement a transmis au Parlement les trois rapports attendus sur cette réforme, dont un rapport de l’IGF, l’Inspection générale des finances, établi avec le concours du cabinet d’audit privé Mazars, évaluant la charge réelle incombant aux futurs collecteurs.
Nous avons pu comparer ces deux chiffrages. L’étude de l’IGF et celle de Taj distinguent coûts de mise en œuvre et coûts récurrents.
Concernant les coûts récurrents, c’est-à-dire les coûts annuels, les deux études aboutissent à des résultats comparables : le coût annuel récurrent serait compris entre 60 et 100 millions d’euros.
En revanche, les deux études diffèrent significativement quant à l’évaluation des coûts de mise en œuvre du système pour les entreprises : pour l’IGF, ces coûts se situeraient entre 310 et 420 millions d’euros, contre presque 1,2 milliard d’euros selon l’étude de Taj. Si l’on y regarde de plus près, on voit que la quasi-totalité de cet écart concerne les très petites entreprises.
D’où vient cet écart ? Sans entrer ici dans le détail, on peut dire en substance qu’il reflète finalement la différence d’appréciation entre le Gouvernement et la délégation aux entreprises sur l’effet de la mise en œuvre du prélèvement à la source dans les petites entreprises : le Gouvernement est résolument optimiste et prévoit une mise en œuvre du PAS sans heurts, alors que la délégation anticipe un scénario dans lequel le PAS va susciter des questions, à la fois chez les salariés et chez les entreprises collectrices.
J’ai pu échanger hier avec votre cabinet, monsieur le ministre ; il reste sur cette ligne optimiste. Ainsi voulez-vous croire les experts-comptables lorsqu’ils indiquent leur intention d’absorber le coût du PAS sans le refacturer à leurs clients ! Vous comptez aussi tarir les questions par la diffusion aux entreprises et aux salariés d’un kit de démarrage et par la publication de précisions dans le BOFiP-impôts, le Bulletin officiel des finances publiques-impôts. Croyez-vous que les PME iront spontanément s’y référer ?
Pour la délégation, il ne fait aucun doute que la mise en œuvre du PAS sera une source de complexité supplémentaire pour les entreprises, au moins au cours de l’année de transition.
Surtout, cette mise en œuvre risque de dégrader les relations humaines dans l’entreprise : les salariés confrontés à une baisse de leur salaire net vont se tourner vers leur employeur ! Le climat dans l’entreprise sera aussi gâté par la transmission à l’employeur des taux d’imposition des salariés.
Pour toutes ces raisons, la délégation soutient ardemment la solution proposée par la commission des finances. Un prélèvement mensualisé et contemporain, par l’administration fiscale, supprime le décalage entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt, tout en soulageant les entreprises de la charge du prélèvement à la source et en préservant la confidentialité.
L’amendement déposé en la matière tend à instaurer une règle simple et claire pour l’application du CIMR, le crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement. Son adoption permettrait en outre d’intégrer les réductions et crédits d’impôt « historiques » dans le montant des prélèvements.
Monsieur le ministre, il est encore temps de renoncer. Évitons de foncer tête baissée au-devant des ennuis, au nom de l’alignement sur les pays voisins, dont le système fiscal n’a rien à voir avec le nôtre. Notre modernité, ce doit être une administration fiscale réactive, et non des entreprises assommées de nouvelles tracasseries administratives ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je me bornerai, dans mon intervention, à évoquer l’article 9, destiné à consolider la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2019, du prélèvement à la source, Claude Raynal ayant apporté l’éclairage de notre groupe sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative.
Cet article ne concerne nullement l’instauration du prélèvement à la source en tant que telle ; celle-ci est acquise depuis le vote du projet de loi de finances pour 2017.
Il ne me paraît pas souhaitable de rouvrir le débat sur le bien-fondé du prélèvement à la source, l’ordonnance du 22 septembre 2017 ayant décalé d’un an la réforme pour raisons techniques.
Le groupe socialiste et républicain est convaincu que cette modalité de recouvrement n’est pas l’horreur décrite par nombre de ses détracteurs. Si cette modalité de recouvrement apparaît complexe, c’est parce que notre fiscalité est complexe.
Il ne s’agit donc que du recouvrement de l’impôt sur le revenu par une retenue prélevée sur un revenu imposable par un tiers verseur, entreprise, caisse de retraite, administration, collectivité territoriale ou autre, par application d’un taux de prélèvement fourni par l’administration fiscale ou à l’aide d’un taux neutre.
Cette méthode va simplifier la vie de nombre de nos concitoyens, qui disposeront ainsi d’un revenu net de cotisations sociales et fiscales. En effet, il a été constaté qu’entre 2014 et 2015, 38 % des foyers fiscaux imposables ont connu une diminution de leurs revenus, et 2 % d’entre eux une baisse supérieure à 30 %.
Par ailleurs, ce mode de recouvrement pourra s’adapter aux évolutions de la situation personnelle du foyer fiscal ; en outre, il prend en compte la réalité, avec la suppression du décalage d’un an entre la perception du revenu et le paiement de l’impôt sur le revenu.
Je voudrais également insister sur la simplicité et la confidentialité du dispositif.
Le tiers verseur se verra transmettre par l’administration fiscale le taux à appliquer. La mise en œuvre du support qu’est la déclaration sociale nominative, au demeurant très appréciée par les entreprises pour les prélèvements sociaux, intégrera quelques éléments fiscaux supplémentaires que les éditeurs de logiciels ont déjà inclus dans les produits qu’ils commercialisent.
Tous les mois, le tiers verseur déclare les revenus versés à chaque contribuable ; en retour, l’administration fiscale lui communique de manière dématérialisée le taux de prélèvement à appliquer. Le tiers verseur reverse le montant d’impôt sur le revenu collecté à l’administration, comme c’est déjà le cas pour les prélèvements sociaux, la confidentialité étant assurée.
Chaque année, le contribuable procède à une régularisation pour solder, s’il y a lieu, l’impôt définitif de l’année précédente.
Ce dispositif est-il coûteux pour les entreprises et les finances publiques ?
Nous sommes loin des chiffres annoncés, notamment pour les cas où les entreprises ont déjà externalisé l’établissement de la paye. Restent les petites entreprises. M. le ministre pourrait utilement rappeler les sommes éventuellement en cause, qui sont relativement modestes.
Pour l’administration fiscale, le coût informatique et de formation des agents est déjà engagé. L’arrêt du dispositif aurait toutefois un coût, certes beaucoup moins important que l’échec et l’abandon, dans le passé, de l’opérateur national de paye, ainsi que d’autres systèmes d’information, tel le système Louvois.
Je rappelle qu’un suivi plus attentif des systèmes d’information doit être effectué, sur le modèle des expertises bienvenues effectuées par la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État.
J’ajoute que les entreprises collectent déjà des impôts : TVA, versement transport. Ce n’est donc pas une nouveauté.
Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler en ma qualité de rapporteur spécial lors de l’examen de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les agents ainsi libérés pourraient être utilement affectés à la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales dans le cadre du plan de lutte contre la fraude que vous avez annoncé, monsieur le ministre.
Qui a peur de l’administration fiscale ? Pas les personnes ou entreprises qui respectent leurs obligations fiscales, pour lesquelles, s’il y a erreur involontaire, les pénalités pourront ou pourraient être allégées dans le cadre des modifications apportées par l’Assemblée nationale.
Reste l’« année blanche ».
Pour l’année de transition, les crédits d’impôt ou les déductions fiscales constatés doivent être mieux pris en compte, notamment pour ce qui concerne les travaux effectués dans l’immobilier locatif, dont le Gouvernement considère qu’il s’agit d’un investissement improductif, alors que les entreprises du bâtiment et des travaux publics sont des entreprises de main-d’œuvre non délocalisables. Il apparaît opportun, sur ce point, de suivre la proposition du rapporteur général qui vise à améliorer la déductibilité des travaux effectués en 2018.
Dès lors, le report d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ressemble à « la montagne qui accouche d’une souris » ; il sert de prétexte à l’affichage d’une pseudo-hausse de salaire via la baisse des cotisations sociales – cet affichage aurait risqué d’être percuté par les conséquences du prélèvement à la source si ce dernier avait été appliqué dès le 1er janvier 2018.
Les rapports remis par l’administration fiscale, l’IGF et le cabinet privé ne sont là que pour répondre à la majorité sénatoriale, qui considère que le prélèvement mensuel et contemporain est plus opportun.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Carcenac. Le prélèvement à la source décidé sous le précédent gouvernement entrera donc en vigueur, assorti seulement de quelques modifications de bon aloi. Le groupe socialiste et républicain ne peut que s’en féliciter.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce mardi, le Sénat a adopté le projet de loi de finances pour 2018. Dans la continuité de cette discussion, nous examinons, à partir de ce soir, le second projet de loi de finances rectificative pour 2017. Je ne me lasserai jamais de souligner le travail de grande qualité partagé avec l’ensemble du personnel de notre commission et de la Haute Assemblée. Je sais, par ailleurs, combien l’établissement d’un projet de loi de finances rectificative constitue une tâche extrêmement complexe pour un gouvernement, quel qu’il soit.
Comme l’a indiqué notre rapporteur général, le scénario macroéconomique reste inchangé. Néanmoins, même si l’on constate une amélioration des recettes, estimée à 400 millions d’euros, il convient de garder en mémoire les chiffres suivants : la prévision de déficit budgétaire s’établit à 74,1 milliards d’euros, soit, certes, une amélioration de 2,8 milliards d’euros ; la charge de la dette est de 40,2 milliards d’euros ; l’encours de la dette s’élève à plus de 1 750 milliards d’euros. Nous avons examiné cette question dans le cadre de la discussion de la mission « Engagements financiers de l’État ». La situation reste très grave et préoccupante.
S’agissant des recettes fiscales nettes de l’État, 291,7 milliards d’euros, leur révision légèrement à la hausse est principalement liée à deux impôts : la TVA, première recette du budget de l’État, et la TICPE, la taxe intérieur de consommation sur les produits énergétiques.
À noter également, pour 2017, plus de 6 milliards d’euros de sous-budgétisations – beaucoup de nos collègues ont évoqué ce sujet.
Dans ce second projet de loi de finances rectificative, le nombre d’articles est impressionnant : 92 articles, souvent complexes, techniques, la difficulté étant aggravée par le manque de temps dont nous disposons pour les examiner, comme l’ont indiqué, en toute objectivité, le président et le rapporteur général de notre commission des finances. Beaucoup d’articles, donc, des mesures qui méritent une attention particulière, des dispositions fiscales très techniques.
Je prends deux exemples.
L’article 2 prévoit un ajustement des ressources affectées au compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » – mon propos est celui d’un défenseur du rail – et à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, en raison de la baisse du taux de la contribution de solidarité territoriale et en vue d’assurer le remboursement complet de la dette de l’État à la société Ecomouv’ à la suite de l’échec de l’écotaxe poids lourds.
L’article 13 prévoit l’instauration d’un dispositif d’exonération fiscale pour les entreprises qui sont créées dans les bassins urbains à dynamiser. Je pense à mon département, les Ardennes, avec le BER, le bassin d’emploi à redynamiser.
La lutte contre la fraude – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – reste une priorité. Cependant, il convient de maintenir les moyens humains consacrés à cette question – je fais référence à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». En tant que représentant d’un département frontalier, les Ardennes, je reste très attaché à nos administrations des douanes, ainsi qu’à nos trésoreries.
Des inquiétudes existent également concernant les financements de nos collectivités locales, en matière tant d’aides à l’investissement que de dotations de fonctionnement.
Autre point d’inquiétude, dont ont fait état un grand nombre de nos collègues : le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2019 et sera source de complexité pour les entreprises.
Ces différents points seront examinés par notre groupe avec une particulière attention et une particulière vigilance, pour l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Michel Canevet, Emmanuel Capus et Julien Bargeton applaudissent également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
L’ordre du jour étant épuisé, je vais lever la séance.
7
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 15 décembre 2017, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2017, adopté par l’Assemblée nationale (n° 155, 2017-2018) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 158, tomes I et II, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire
La liste des candidats établie par la commission des finances a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.
Les représentants du Sénat à l’éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017 sont :
Titulaires : MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Philippe Dallier, Mme Christine Lavarde, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Julien Bargeton ;
Suppléants : MM. Éric Bocquet, Yvon Collin, Bernard Delcros, Jacques Genest, Éric Jeansannetas, Roger Karoutchi, Sébastien Meurant.
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD