M. Marc-Philippe Daubresse. Quel respect du protocole !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Pensiez-vous à un meilleur alibi ?… Celui-ci est parfait ! (Sourires.)
Monsieur le sénateur, je vous invite à interroger sur l’essentiel et non pas sur l’accessoire. L’approche consistant à dire que, sur un budget de 3,5 milliards d’euros, une société publique n’a pas la capacité d’économiser 50 millions d’euros et que cela mettrait en cause le service public de l’audiovisuel est certainement révélatrice d’un mal plus profond quant à la qualité et aux objectifs du service public de l’audiovisuel.
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. En effet, 3,5 milliards d’euros, c’est plus que le budget du ministère de la culture ! Dans ces conditions, on peut effectivement demander à l’audiovisuel public de contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics à hauteur de 50 millions d’euros.
On peut aussi considérer que, finalement, tout va bien et qu’il ne faut rien faire. Eh bien non !
Quand on regarde les objectifs assignés au service public – nous sommes tous ici, me semble-t-il, attachés aux ambitions du service public de l’audiovisuel, parce qu’il nous accompagne au quotidien, du matin jusqu’à tard le soir –, on constate qu’il doit relever de nombreux défis : premièrement, reconquérir la jeunesse, qui se détourne des médias traditionnels ; deuxièmement, investir massivement dans la transformation numérique ;…
M. David Assouline. Cela vaut aussi pour le privé !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. … troisièmement, investir dans les contenus de qualité pour mieux se distinguer parmi une offre abondante ; quatrièmement, et enfin, être le garant d’une information de référence et du pluralisme des opinions, tout en jouant – c’est la différence avec le privé – la carte locale, celle de la proximité, pour faire vivre nos territoires et leur identité.
On peut considérer soit que tout va bien et que les objectifs sont atteints, soit que tel n’est pas le cas et que la qualité de l’offre du service public de l’audiovisuel n’est pas au niveau.
C’est la raison pour laquelle la ministre de la culture ne travaille pas à huis clos, mais réunit régulièrement l’ensemble des dirigeants de société – ce sera de nouveau le cas le 21 décembre prochain – pour évoquer avec eux les projets de réforme et de transformation en profondeur que le Gouvernement portera dans quelques semaines. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.
M. Pierre Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, vos propos rassurants ne me rassurent pas. (Exclamations.) Vous ne l’ignorez pas, les économies demandées à l’audiovisuel public à hauteur de 50 millions d’euros ne sont pas, et de loin, les premières !
Vous dites vouloir sauver le service public, mais, en vérité, vous en faites une cible. Vous le savez très bien, personne ne veut le statu quo, et sûrement pas nous, qui avons beaucoup à dire sur le pluralisme de l’information et la qualité du service public !
Toutefois, c’est toute la télévision française qui est menacée. Avec la révolution numérique et celle des usages, les appétits des GAFA, de Netflix,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Laurent. … et des géants privés de la téléphonie et de la communication peuvent tout engloutir.
Pour sortir de cette situation, l’audiovisuel public…
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue !
M. Pierre Laurent. … aura besoin de moyens. L’austérité peut tuer le service public ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Patrick Kanner applaudit également.)
négociations sur le climat
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Martine Filleul. Ma question s’adresse à M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le ministre d’État, mardi dernier, se tenait le sommet consacré à la finance verte. Nous saluons cette initiative. Après la signature historique de l’accord de Paris sur le climat sous l’impulsion du président Hollande, les engagements pris doivent désormais se traduire par des actes, donc, des investissements massifs. Malheureusement, ces derniers paraissent encore largement insuffisants.
La décision de retrait des États-Unis laisse un manque de 2 milliards de dollars pour le Fonds vert pour le climat. Certains engagements égrenés mardi ne sont que le rappel de dispositifs déjà connus.
Les déclarations nouvelles, quant à elles, si elles doivent être soulignées et louées, reposent uniquement sur la bonne volonté d’acteurs privés.
Or les États, en particulier les plus développés, doivent prendre toute leur part à l’égard des États plus vulnérables ; je pense notamment à l’Afrique, qui subit fortement les conséquences du changement climatique, poussant ses populations à migrer vers le nord, alors même qu’elle n’émet que 4 % des gaz à effet de serre.
En France, le Président a certes annoncé une hausse de l’aide pour l’adaptation des pays du Sud à hauteur de 1,2 milliard à 1,5 milliard d’euros, mais celle-ci est largement insuffisante au regard de l’accord de Paris, alors que la taxe européenne sur les transactions financières, repoussée en juillet dernier, aurait permis de mobiliser 22 milliards d’euros.
Si l’on se félicite de l’engagement de la Banque mondiale de ne plus financer les énergies fossiles, on peut regretter qu’une telle décision n’ait pas été prise aussi par la Caisse des dépôts et consignations.
Monsieur le ministre d’État, au regard de l’urgence et de la gravité de la situation, le Gouvernement prévoit-il de prendre des mesures complémentaires, notamment financières, pour se conformer à ses engagements pris lors de l’accord de Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, loin de moi l’idée de verser dans l’autosatisfaction, parce que la situation, notamment en Afrique, exige qu’on en fasse beaucoup plus. Croyez-moi, avant de crier victoire, il faudra encore attendre, malheureusement.
À ce stade, le One Planet Summit, qui s’est conclu par douze engagements – vous en avez rappelé quelques-uns –, va permettre, je l’espère, de changer d’échelle avec l’engagement de fonds souverains ou de la Banque mondiale, que vous avez évoquée. Les choses vont donc changer, me semble-t-il.
Vous avez raison, en matière de financements, il faut faire beaucoup plus et mieux mobiliser les ressources. Faire plus, c’est l’engagement de la France de consacrer 1,5 milliard d’euros à l’adaptation en 2020 – on le doit à ceux qui sont en première ligne des dérèglements climatiques.
C’est aussi dans cette logique que nous avons voté une aide de 30 millions d’euros pour le Fonds LDN, le fonds Neutralité en matière de dégradation des sols, qui vise à lutter contre la dégradation des sols, au Sahel notamment.
Vous le savez, le Président de la République a aussi pris l’engagement de porter à 0,5 % du revenu national brut l’aide publique au développement française en 2022.
Mécaniquement, cela conduira à une hausse de nos financements pour le climat. L’AFD, l’Agence française de développement, a désormais pour mandat la mise en œuvre de l’accord de Paris, ce qui est une première dans le monde. D’ailleurs, je précise que l’AFD, la Banque publique d’investissement et la Caisse des dépôts et consignations ont également pris l’engagement de mettre un terme à tout soutien aux énergies fossiles.
M. André Gattolin. Bravo !
M. Nicolas Hulot, ministre d’État. Mieux financer, c’est aussi réorienter les flux financiers, grâce à la mobilisation de tous les acteurs, publics et privés, présents lors de ce sommet. De nouveaux engagements ont été pris. Parmi les plus significatifs, on note les engagements chinois, américains et européens pour accélérer la mise en œuvre d’un prix du carbone significatif. Je vous rappelle aussi l’annonce de la création du plus grand marché carbone au monde par les Chinois.
Plus d’argent, cela correspond aussi à l’engagement des investisseurs publics, comme je viens de le mentionner.
Pour conclure, il faudra à l’avenir consacrer plus d’argent à l’Afrique ! Le vrai contrat à passer, ce sera lorsque l’Europe se dotera d’une taxe sur les transactions financières destinée à aider l’Afrique à faire face aux enjeux climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
concessions hydroélectriques des vallées du lot et de la truyère
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Alain Marc. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
L’avenir des concessions hydrauliques en France préoccupe les acteurs locaux. En effet, la Commission européenne met la France en demeure de s’ouvrir à la concurrence, c’est-à-dire d’attribuer ses concessions à d’autres opérateurs que celui qui les exploite historiquement – je parle d’EDF –, car, selon la Commission, EDF serait en position dominante.
La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a introduit la possibilité, pour l’État, de prolonger des concessions hydroélectriques afin d’y réaliser des investissements.
Or il existe dans les vallées d’importance nationale du Lot et de la Truyère des projets contribuant fortement aux objectifs de la loi de transition énergétique et qui pourraient être lancés rapidement, dans le cadre d’une prolongation. Ces projets auraient un impact très positif sur le développement de nos territoires ruraux, en matière tant d’emploi que de ressources nouvelles pour nos collectivités.
Le complexe hydroélectrique du Lot amont et de la Truyère, exploité par EDF, est principalement implanté dans le département de l’Aveyron, avec deux aménagements dans le Cantal.
Ces concessions constituent un ensemble de production stratégique au plan national, avec près de 2 000 mégawatts de puissance installée, soit environ 20 % du parc hydroélectrique de pointe français. Par sa puissance et par sa capacité très rapide d’ajustement aux fluctuations de la demande d’électricité, cet ensemble joue aujourd’hui un rôle clef dans la régulation du système électrique national.
Ce bassin essentiel joue également un rôle primordial pour le développement de nos territoires. En outre, EDF a déjà engagé localement des travaux à hauteur de 50 millions d’euros.
Monsieur le ministre d’État, au moment où nos territoires ont tant besoin d’investissements et alors que notre pays doit relever le défi de la transition énergétique, pourriez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne la prorogation des concessions du Lot et de la Truyère, et nous indiquer la date à laquelle nous aurons une réponse définitive à ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Alain Marc, j’ai présenté en juillet dernier le plan Climat, qui affiche, en matière d’énergie renouvelable, des ambitions importantes. Dans notre mix énergétique, vous faites bien de le rappeler, l’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable.
La loi de transition énergétique de 2015 a conforté le modèle de l’hydroélectricité, et le Gouvernement défend fermement une mise en œuvre équilibrée de cette loi, au travers de différents outils. Parmi ceux-ci figure, en premier lieu, le renouvellement des concessions, qui est imposé par le droit européen et par le droit national, avec des possibilités de regroupement sur une même rivière ; en second lieu, la prolongation de certaines concessions, en contrepartie d’investissements ; en troisième lieu, la constitution de sociétés d’économie mixte hydrauliques associant les collectivités lors des renouvellements de concession.
Dans ce cadre, le Gouvernement soutient la réalisation de nouveaux investissements dans la chaîne que vous évoquez, l’ensemble hydroélectrique d’intérêt national Lot-Truyère, afin d’optimiser l’exploitation de cette ressource. Ces investissements pourront être réalisés dans le cadre d’une prolongation des concessions existantes, si elles sont effectivement jugées compatibles avec le droit national et, surtout, avec le droit européen relatif aux concessions et à la concurrence.
J’ai reçu Mme Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, et nous lui avons rendu visite il y a à peine quarante-huit heures ; nous travaillons à ce sujet avec ses équipes.
Grâce au régime des concessions, l’État dispose des moyens d’engager une politique forte de développement de la production d’hydroélectricité. Ce régime permettra d’assurer, je l’espère, la réalisation des investissements souhaités par l’État, que ce soit dans le cadre d’une prolongation ou dans celui d’une nouvelle concession, tout en garantissant un partage équitable des bénéfices de l’exploitation, notamment avec les acteurs du territoire.
En tout cas, vous l’aurez compris, nous nous efforçons de trouver une issue, notamment pour le barrage de la Truyère. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Raison. Ma question s’adressait à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur ; elle concerne la sécurité routière. C’est un sujet grave, très grave, qui me préoccupe depuis un certain nombre d’années, et j’ai d’ailleurs reçu récemment Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière.
On le sait, les causes d’accident sont multiples et sont souvent conjuguées, ce qui complique évidemment la définition des mesures à mettre en œuvre et rend difficile la tâche du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Il semble néanmoins qu’il soit envisagé de mettre toutes les routes sans séparateur à 80 kilomètres par heure, et ce dès la deuxième quinzaine de janvier. (Exclamations.)
M. Alain Fouché. C’est ridicule !
M. Michel Raison. Toutefois, le Gouvernement ne peut pas se fonder uniquement sur le précepte italien selon lequel chi va piano va sano… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ai deux interrogations. La première concerne l’expérimentation du précédent ministre de l’intérieur – trois tronçons à 77 kilomètres par heure, pendant seulement deux ans. Avez-vous des conclusions sur cette expérimentation et sont-elles utilisables ?
M. Gilbert Bouchet. Il n’y en a pas !
M. Michel Raison. Ma seconde question est simple ; si vous mettez cette mesure en place au mois de janvier, comment l’expliquerez-vous aux citoyens, et au moyen de quels arguments ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Qui va payer ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Raison, je me souviens des propos tenus le 14 juillet 2002 – j’étais député depuis peu de temps – par le président Jacques Chirac. Celui-ci proposait trois grandes causes nationales à la France : l’insertion des handicapés – un sujet important –, l’action contre le cancer et la lutte pour faire diminuer le nombre de tués sur les routes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Et alors ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Il a ainsi pris un certain nombre de mesures, avec le gouvernement qui l’accompagnait, qui ont permis de constater que, à la fin de son second mandat, près de 8 000 personnes avaient conservé la vie du fait de ces actions et que près de 100 000 personnes avaient évité un accident relativement important entraînant des séquelles physiques permanentes. Il a fallu à ce moment-là le courage de tenir bon face à ceux qui revendiquaient le droit de rouler sur les routes à la vitesse qu’ils souhaitaient.
C’était le même débat en 1974, quand on a abordé la question de la ceinture de sécurité à l’avant des véhicules. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et territoires.)
M. Alain Fouché. Non, cela n’a rien à voir !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. Là encore, au nom de la liberté, certains contestaient cette mesure. Soyons sérieux, mesdames, messieurs les sénateurs. Les études montrent que baisser de 10 kilomètres par heure la vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central permettrait de sauver 350 vies par an.
M. Gilbert Bouchet. C’est faux !
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État. On peut certes considérer qu’il faut continuer ainsi et se satisfaire de l’augmentation, sur les trois dernières années, de la mortalité sur nos routes – de 3,6 % en 2014, 2,3 % en 2015 et 0,5 % en 2016 –, mais on peut aussi choisir le courage. Et puisque la moitié des morts sur nos routes adviennent sur ce type de voies, assumer de prendre des mesures de sécurité routière et de prévention et d’engager des investissements, que les collectivités territoriales discutent, en ce moment même, à Cahors, en présence du Premier ministre et des représentants des départements qui ont une responsabilité sur ces routes.
On peut décider d’avoir le courage politique pour sauver des vies ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Cette mesure ne sauvera aucune vie !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour la réplique.
M. Michel Raison. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État. Je suis tout à fait d’accord : on doit être très rigoureux sur ce sujet. Toutefois, je suis également partisan de la pédagogie. Pour que les citoyens puissent s’approprier une nouvelle mesure, il faut la leur expliquer. La pédagogie ne peut être bonne que si l’on a des arguments chiffrés, ce qui ne me semble pas être tout à fait le cas.
Je ne voudrais surtout pas que la mesure soit contre-productive ; tel était le but de ma question. Je ne suis pas, je vous rassure, pour le laxisme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
possible abaissement de la limitation de vitesse sur les routes secondaires
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Claude Luche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, preuve que ce sujet est majeur, non seulement pour l’ensemble des sénateurs, mais encore pour tous les Français, ma question a le même objet que la précédente, posée par mon collègue Michel Raison. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le secrétaire d’État, dans nos départements ruraux, isolés, les temps de trajet sont extrêmement longs.
Aussi, l’analyse menée sur les départements ruraux doit être différente de celle qui est faite sur les départements urbains, parce que, vous le savez, notre problème est que nous n’avons pas de TGV, que nous avons des difficultés à maintenir nos aéroports et que nous n’avons pas de routes limitées à 110 kilomètres par heure ni d’autoroutes à 130 kilomètres par heure. Nous avons nos routes départementales, pour lesquelles les conseils départementaux font de gros efforts d’investissement, afin d’en améliorer la sécurité et le confort.
Il ne faudrait pas que l’on en arrive à une France à deux vitesses. (Sourires.) Bien évidemment, nous sommes tous concernés par ces problèmes de sécurité routière, mais, voyez-vous, dans les départements comme les nôtres, on prend souvent des risques en dépassant des véhicules à 50 ou à 70 kilomètres par heure. Aussi, que nous roulions à 80 ou à 90 kilomètres par heure n’est pas le problème essentiel de sécurité routière.
Nous devons bien entendu être vigilants sur la fatigue, sur l’utilisation du téléphone…
M. Gilbert Bouchet. Sur l’alcool !
M. Jean-Claude Luche. … sur l’alcool et sur toutes les substances que certains consomment, mais, monsieur le secrétaire d’État, soyez attentif, ne faites pas n’importe quoi !
Dans ces départements, nous avons besoin de rouler tranquillement, modérément, mais nous sommes très vigilants dans nos pratiques quotidiennes de transport. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez – je m’adresse à l’ensemble de la représentation nationale – près de 3 500 personnes ont trouvé la mort sur les routes de France l’an dernier.
M. Gilbert Bouchet. C’est reparti !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Depuis le début de l’année, sur les routes de l’Aveyron, vingt personnes sont mortes. Au-delà de celles qui ont perdu la vie, quelque 72 000 personnes ont été blessées, avec des séquelles physiques, parfois visibles, ou psychologiques importantes. Tous ceux qui, parmi vous, se sont rendus dans un service hospitalier de grands accidentés de la route savent la souffrance que connaissent tant les blessés que leurs proches.
Après douze années de baisse, nous connaissons, depuis 2014, une hausse de la mortalité routière.
M. Gilbert Bouchet. Mais sur quelles routes ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Devons-nous nous y résigner ?
Dans le domaine de la sécurité routière, l’histoire nous a enseigné quelque chose : seules les mesures de rupture, c’est-à-dire des changements de comportement, produisent des effets.
M. Gilbert Bouchet. Ce n’est pas une mesure de rupture !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Quand je m’asseyais, enfant, à l’arrière de la voiture (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), mes parents ne se souciaient vraisemblablement pas du port de la ceinture de sécurité ; je suis certain que, aujourd’hui, pas une seule personne, sur vos travées, n’omet de se retourner, avant d’actionner le démarreur, pour s’assurer que ses enfants sont bien attachés. C’est donc bien une bataille culturelle qu’il faut mener.
Le Premier ministre réunira, au début du mois de janvier prochain, un comité interministériel à la sécurité routière. Il a indiqué être, à titre personnel, favorable à l’abaissement de 10 kilomètres par heures de la vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparateur de voies. Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, Christophe Castaner, indiquait que 300 à 400 vies pourraient être épargnées chaque année.
M. Gilbert Bouchet. Nous voulons des preuves !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. D’autres éléments de comportement pourront également être discutés ; je suis certain que vous y serez sensibles. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Pierre Sueur et Bernard Lalande applaudissent également.)
unités laïcité
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Josiane Costes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’éducation nationale.
Lors d’une visite, le samedi 9 décembre dernier, dans un lycée du Val-de-Marne, à l’occasion de l’anniversaire de la loi de 1905, Jean-Michel Blanquer a installé « l’unité laïcité » au rectorat de Créteil. Il a annoncé que de telles instances seraient créées au début de 2018 dans toutes les académies, et l’on ne peut que s’en féliciter. En effet, les enseignants se sentent parfois très démunis face à des réactions d’élèves portant atteinte au principe de laïcité. Je suppose que ces unités ont pour mission de leur venir en aide.
Quand et comment pourront-elles intervenir dans les établissements scolaires ? Quel sera leur lien avec les référents « laïcité » déjà en place dans les rectorats ? Quelle en sera la composition ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Costes, en ne reconnaissant aucune religion officielle, la République protège la liberté de croire et celle de ne pas croire.
Parce qu’elle a pour mission d’éduquer les mineurs et de les conduire vers la liberté, vers la citoyenneté, vers l’indépendance d’esprit et vers le sens critique, afin de développer le civisme de nos concitoyens, l’école a pour fonction de protéger nos enfants de toute emprise, que celle-ci soit de nature religieuse, idéologique, politique ou économique.
Depuis une trentaine d’années, vous le soulignez, les remises en cause de la laïcité – l’un des principes fondateurs de la République, et dont l’histoire est intimement liée à la construction de notre école – se multiplient. La réponse de l’institution scolaire doit être claire, apaisée, très sereine. Elle passe en premier lieu, vous le souligniez, par un soutien très clair aux professeurs et aux équipes pédagogiques.
C’est pourquoi le ministre de l’éducation nationale a annoncé la création d’un conseil des sages de la laïcité. Ce conseil répondra aux sollicitations de l’équipe nationale « laïcité et fait religieux » ; il sera composé de chefs d’établissement, de psychologues, de juristes et de spécialistes du numérique – un espace important pour défendre cette belle valeur qu’est la laïcité. Cette équipe nationale apportera son soutien opérationnel à des équipes académiques, qui auront deux missions : d’abord, prévenir ; ensuite, agir.
La prévention passera par un recensement exhaustif des atteintes au principe de laïcité dans les écoles et les établissements. L’action interviendra en cas de faits significatifs, graves, dans les établissements.
Ces équipes seront en mesure d’agir rapidement, en se déplaçant et en répondant concrètement aux problèmes rencontrés par les chefs d’établissement. Voilà ce que je puis vous dire sur ces équipes.
Évidemment, des expérimentations auront lieu, ainsi qu’une évaluation de l’efficacité de ce dispositif. J’en suis convaincu, nous sommes tous, ici, très attachés à la défense de la laïcité, en particulier au sein de l’école. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)