PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 44 de la Constitution dispose que le droit d’amendement « s’exerce en séance ou en commission ». Avant cette révision, les tentatives de simplification de la procédure législative s’étaient heurtées au principe constitutionnel selon lequel tout parlementaire exerce son droit d’amendement en séance.
En 2015, avec la nouvelle rédaction de l’article 44, nous avons pu intégrer dans notre règlement une « procédure d’examen en commission ». Cette innovation avait pour objet de n’autoriser l’exercice du droit d’amendement qu’en commission, et non plus en séance publique, afin de réduire le temps d’examen en séance publique.
Cette procédure nous paraît intéressante. Après qu’elle eut été appliquée à quatre reprises pour six textes différents, la conférence des présidents et, au-delà, les groupes politiques ont pu en dresser le bilan. Pour ce qui est du groupe Union Centriste, nous considérons que cette procédure a bien fonctionné. Nous sommes donc favorables à sa pérennisation, ainsi qu’aux modifications procédurales proposées par le président du Sénat. Sauf erreur de ma part, cette opinion est d’ailleurs assez largement partagée sur l’ensemble des travées de cette assemblée.
C’est parce que nous croyons en cette procédure que nous souhaitons qu’il en soit fait une application plus large à l’avenir. Cela a été rappelé par le président Bas, le recours à cette procédure est soumis à l’accord de tous les présidents de groupe. En ma qualité de président du groupe Union Centriste, je suis attaché à cet aspect du dispositif. En même temps, j’entrevois une possible dérive dans l’usage de cette prérogative.
Il est important de rappeler que ce pouvoir des présidents de groupe peut s’exercer à deux moments : tout d’abord, par une opposition préalable, exprimée en conférence des présidents, au recours à la procédure de législation en commission ; ensuite, en cours de discussion, en demandant le retour à la procédure normale. Cette seconde modalité appelle une observation : la menace de revenir à la procédure normale ne pourrait-elle pas constituer un moyen de pression en vue d’obtenir telle ou telle modification du texte ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Exactement !
M. Hervé Marseille. On aurait peut-être pu envisager un droit de veto uniquement au stade de la conférence des présidents.
La réforme du règlement que nous examinons aujourd’hui est importante, et nous la soutiendrons. Néanmoins, cela ne nous empêchera pas de formuler quelques remarques de caractère plus général.
Le Président de la République a annoncé que le Gouvernement allait nous soumettre dans les semaines ou les mois à venir un projet de révision de la Constitution. Si cette réforme devait être adoptée, il est fort probable que nous aurions besoin d’actualiser notre règlement, comme cela a été le cas après la révision de 2008. Peut-être aurions-nous donc pu attendre quelques mois supplémentaires, afin d’avoir un débat global sur notre règlement, d’autant que cette question du travail en commission a été expressément mise en avant par le Président de la République.
Une autre raison aurait pu nous conduire à différer quelque peu ce débat ou à élargir le champ de cette proposition de résolution : la disparition de l’IRFM, l’indemnité représentative de frais de mandat, le 1er janvier prochain.
J’attire l’attention sur le fait que, si la procédure d’examen en commission n’est plus opérationnelle depuis le 30 novembre dernier, une autre disposition de notre règlement ne sera plus applicable au 1er janvier 2018 : les retenues sur indemnités en cas d’absences répétées. Je rappelle que l’article 23 bis du règlement prévoit que, en cas d’absence au cours d’un même trimestre de la session ordinaire à plus de la moitié des votes solennels et réunions obligatoires de commission, la retenue est égale à la totalité du montant trimestriel de l’indemnité de fonction et à la moitié du montant trimestriel de l’IRFM.
Autrement dit, notre règlement fait expressément référence à l’IRFM comme base de calcul de cette sanction : je crains donc que cette disposition ne soit plus applicable à compter du 1er janvier prochain. Même si, heureusement, la quasi-totalité des membres de cette assemblée sont présents en commission comme en séance publique, ce qui a rendu inutile de recourir à cet ultime degré de sanction, il serait souhaitable, ne serait-ce que pour la crédibilité du dispositif, que nous en tenions compte dans notre règlement…. (Sourires.)
Sous réserve de ces quelques observations et commentaires, et non sans avoir salué l’important travail réalisé par le président de la commission des lois, le groupe Union Centriste soutiendra la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. –M. Didier Guillaume applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition de résolution du président du Sénat visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission, la phase d’expérimentation étant parvenue à son terme.
Comme l’a indiqué notre collègue Hervé Marseille, cette expérimentation a été rendue possible par une disposition introduite par la révision constitutionnelle de 2008 et mise en application grâce à la loi organique du 15 avril 2009, qui dispose que le droit d’amendement des parlementaires « s’exerce en séance ou en commission ».
Le texte qui nous est soumis tend à pérenniser la procédure de législation en commission en introduisant de surcroît une innovation, à savoir la possibilité d’examen partiel d’un texte selon cette procédure. En effet, un certain nombre de textes comportent une partie strictement politique, qui mérite d’être débattue en séance publique, et une partie plus technique, dont l’examen pourrait se dérouler en commission.
Cette proposition de résolution vise donc à renforcer l’efficacité parlementaire. Elle doit également, selon moi, être considérée comme une occasion de renforcer l’initiative parlementaire : sachant que la discussion des propositions de loi dans le cadre des niches réservées à chaque groupe s’effectue dans un laps de temps très contraint, des textes plus fournis et plus techniques pourraient être présentés si les présidents de groupe s’accordaient pour qu’un certain nombre de propositions de loi ne soient examinées au fond qu’en commission.
On peut aussi imaginer que la législation en commission puisse être utilisée en matière de transposition de directives européennes, domaine dans lequel nous avons du retard à rattraper, ou de mise en conformité rapide de lois avec des engagements conventionnels. Il s’agit en effet parfois de textes très techniques qui, pour cette raison, ne font guère l’objet de débats en séance publique.
Pour autant, nous sommes tous très attachés au temps législatif, qui permet de faire prévaloir la réflexion sur l’émotion et de sécuriser les citoyens. S’il importe de pouvoir agir rapidement quand cela est nécessaire, sachant que le dispositif proposé comporte des sécurités, il convient également d’assurer, grâce à un temps législatif raisonnable, un examen approfondi de la plupart des textes. Cela correspond à la vocation du bicamérisme.
D’autres grandes démocraties, telles que l’Italie, les États-Unis ou le Royaume-Uni, ont expérimenté ce que nous nous apprêtons à mettre en œuvre. Les expériences de ces pays font apparaître que les groupes parlementaires sont capables de se mettre d’accord pour examiner un certain nombre de textes selon une procédure fast track, ce qui permet finalement une bonne négociation sur le fond des textes.
Il faudra cependant veiller à parer à certains risques : un lobbying moins transparent, une publicité moindre des débats, un risque d’inflation législative s’il est recouru trop souvent à cette procédure. Nous devrons donc être vigilants, mais l’existence de ces risques ne doit pas nous conduire à ne pas soutenir la présente initiative. En effet, les droits de l’opposition et les droits garantis par la Constitution à chaque parlementaire sont respectés. À cet égard, le droit de veto accordé aux groupes politiques est essentiel pour éviter toute dérive.
Mme Éliane Assassi. Il existait déjà un droit de veto !
M. Jean-Yves Leconte. Cela a été dit, chaque président de groupe aura la possibilité de s’opposer d’emblée au recours à la législation en commission pour l’examen d’un texte ou d’exiger le retour à la procédure normale lorsque cet examen aura déjà débuté. Je crois donc que, contrairement à ce que certains ont pu dire, les droits de l’opposition se trouveront renforcés. J’ajoute que, dans tous les cas, il y aura une discussion générale, qui permettra de mettre en évidence les clivages et les oppositions politiques, et que chacun pourra déposer des amendements. Je le répète, les garde-fous mis en place garantissent l’exercice des droits de l’opposition et des droits assurés à chaque parlementaire par la Constitution.
Le groupe socialiste et républicain soutiendra cette proposition de résolution mais défendra deux amendements, visant, l’un, à allonger le délai prévu pour le dépôt des amendements, l’autre, à instaurer un parallélisme des formes entre projets de loi constitutionnelle et propositions de loi constitutionnelle, seules ces dernières pouvant, pour l’heure, être discutées selon la procédure de législation en commission. Je ne saurais terminer sans saluer le travail réalisé par le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, dès la réforme de son règlement de 2015, le Sénat avait mis à profit les avancées de la révision constitutionnelle de 2008 relatives à l’exercice du droit d’amendement en instituant la procédure d’examen en commission, cela à titre expérimental jusqu’au 30 septembre 2017.
La proposition de résolution déposée par le président Gérard Larcher vise à pérenniser cette procédure, tout en procédant à plusieurs adaptations pour en améliorer l’efficacité.
Malgré la dénomination de « législation en commission » donnée à cette nouvelle procédure, les textes qui en feront l’objet resteront votés en séance publique, même si le droit d’amendement ne s’exercera plus qu’en commission, laquelle sera en outre le lieu de l’essentiel des débats. Ainsi, il ne s’agit pas d’un mécanisme par lequel le Sénat déléguera entièrement son pouvoir législatif à une commission, à l’image de ce qui peut exister au Sénat italien.
Si le dispositif de cette nouvelle procédure a été élaboré à partir de celui de la procédure expérimentale d’examen en commission, il en diffère toutefois en innovant sur deux points. En premier lieu, il sera possible d’appliquer la procédure de législation en commission pour une partie seulement du texte. En second lieu, la possibilité sera ouverte de présenter, dans un cadre prédéfini, des amendements en séance sur les dispositions ayant fait l’objet d’un examen en commission.
Comme pour la procédure d’examen en commission, la décision d’engager cette nouvelle procédure reviendra à la seule conférence des présidents, sur proposition du président du Sénat, du président de la commission saisie au fond, du président d’un groupe ou du Gouvernement. Dans ce cas, le droit d’amendement ne s’appliquera qu’en commission.
Par ailleurs, il est expressément prévu que cette procédure ne sera pas applicable aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Comme dans le cadre de la procédure d’examen en commission, le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond et tout président de groupe politique auront la faculté de s’opposer à la mise en œuvre de la procédure de législation en commission à deux stades : lors de la réunion de la conférence des présidents qui statue sur la question, tout d’abord ; à la suite de la réunion de la commission, c’est-à-dire au vu du texte adopté par la commission, ensuite.
De plus, la proposition de résolution prévoit la possibilité de demander un retour à la procédure normale pour une partie du texte seulement, que celui-ci ait fait l’objet de la procédure de législation en commission dans son ensemble ou uniquement pour certains articles.
Concernant l’organisation et la publicité des travaux de la commission, la proposition de résolution précise que les règles de publicité et de débat en séance sont applicables à la réunion de la commission, sauf dispositions contraires, et que le Gouvernement comme tous les sénateurs peuvent y assister. Ainsi, ces dispositions systématisent l’application des règles de publicité des débats en séance et permettent à tous les sénateurs qui le souhaiteront d’assister à la réunion de la commission.
Enfin, pour ce qui concerne l’exercice du droit d’amendement en séance, à la différence de la procédure d’examen en commission, la proposition de résolution prévoit d’autoriser le dépôt de certains amendements sur les dispositions ayant fait l’objet de la procédure de législation en commission, que celle-ci se soit appliquée à l’ensemble du texte où à une partie seulement. Seront seuls recevables les amendements visant à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec les textes en vigueur ou en cours d’examen ou avec le texte en discussion ou à procéder à la correction d’une erreur matérielle.
Mes chers collègues, cette procédure simplifiée doit nous permettre d’alléger la séance publique de discussions secondaires et, par là même, de gagner du temps.
En outre, grâce à l’instauration de garde-fous, le recours à cette procédure restera l’exception et ne deviendra pas la règle. Ainsi, chaque président de groupe disposera d’un droit de veto, qui pourra être exercé lors de la réunion de la conférence des présidents, mais également après l’adoption du texte de la commission selon la nouvelle procédure ; dans ce second cas, il y aura retour à la procédure normale pour la suite des travaux.
Cette double possibilité de veto est de nature à rassurer chacun. Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de résolution ! (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, pour des raisons circonstancielles, la commission des affaires économiques n’a pas eu l’occasion d’expérimenter la législation en commission dans la formule appliquée entre 2015 et 2017. Je sais néanmoins que mon prédécesseur, Jean-Claude Lenoir, l’avait envisagée favorablement.
Le président Philippe Bas vient de rappeler excellemment la réussite de cette expérience. Je tiens à dire d’emblée que le groupe Les Républicains, dans un souci constant de moderniser nos procédures, votera avec enthousiasme la proposition de résolution présentée par le président Larcher dans la rédaction retenue par la commission des lois.
Quel est à nos yeux le principal objet de ce texte ? Il est d’éviter la redondance, que nous constatons tous trop fréquemment, entre l’examen en commission et l’examen en séance publique. Les mêmes amendements sont bien souvent examinés trois fois : lors de la réunion de commission pour élaborer le texte, lors de la réunion d’examen des amendements de séance et, enfin, lors de la séance publique elle-même. D’une certaine manière, en déposant et redéposant ces amendements, nous « tentons notre chance » à chaque stade de la procédure ! Ces redondances allongent les discussions parfois inutilement : le temps gagné grâce à leur élimination nous permettra d’approfondir d’autres débats qu’il nous arrive de devoir escamoter, faute de temps.
Mais le recours à cette procédure aura aussi pour effet de valoriser notre travail législatif en commission. Il permettra de rendre publique une partie de ce travail. Il nous assurera un dialogue direct et vivant avec le Gouvernement et rendra sa solennité à la séance publique, qui pourra davantage se concentrer sur les textes que nous jugerons collectivement comme plus importants d’un point de vue politique.
Nous n’avons aucune inquiétude à nourrir quant à d’éventuelles restrictions à nos droits d’expression parlementaire. Personne ne pourra imposer qu’un texte soit discuté selon cette procédure, puisque le Gouvernement, la commission saisie au fond et, surtout, les groupes politiques pourront s’opposer à sa mise en œuvre.
Il sera également possible de revenir à la procédure ordinaire, même lorsque la législation en commission aura été engagée pour un texte. Il n’est en effet pas toujours possible d’anticiper la teneur d’un débat sur un projet de loi, son caractère plus ou moins intense ou conflictuel. Prévoir cette possibilité de retour à la procédure normale est donc extrêmement sage, et quoi de plus simple que de la faire jouer après la réunion de commission qui aura permis de comprendre qu’une séance publique de plein exercice est nécessaire ?
Dans son rapport, le président Philippe Bas précise bien que le recours à cette procédure a vocation à demeurer exceptionnel.
Lorsque le président-rapporteur de la commission des lois m’a auditionnée, je lui ai fait part de ma principale observation : la législation en commission ne doit pas être une séance publique en « modèle réduit », mais une vraie séance de commission. La proposition de résolution prévoit en effet que les règles de publicité et de débat en séance publique sont applicables à la réunion de la commission, sauf dispositions contraires. Je pense pour ma part que les règles du débat doivent s’apparenter davantage à celles du débat en commission qu’à celles de la séance publique. Le débat en commission autorise des souplesses, des prises de parole multiples, des durées d’intervention à la discrétion du président et non pas fixes, parfois des retours en arrière s’apparentant à des secondes délibérations, qui contribuent à la vitalité et la spontanéité du débat.
Pour parler clair, nous débattons en commission sans papiers préparés ; notre cœur, notre expérience et notre volonté s’y expriment plus spontanément. C’est pourquoi j’ai indiqué une préférence pour des règles de débat inspirées de celles qui sont vigueur en commission.
Sur ce point, la commission des lois apporte à mon sens la bonne réponse : il convient de ne pas importer en commission ce que Philippe Bas appelle « le formalisme, l’apparat et la rigidité de la séance publique », selon un rythme ternaire que nous apprécions tous ! Comme il le précise, le plus simple est d’appliquer les règles de la séance à titre supplétif, comme un recours quand la conduite d’un débat devient difficile.
La réussite de cette procédure dépendra également de la pratique qui sera retenue.
À cet égard, il sera à mon sens difficile de partager les textes entre parties purement « techniques » et parties que l’on pourrait qualifier de plus « sensibles », qu’il conviendrait de continuer à soumettre à un double examen en commission et en séance publique. Je pense que ce partage reposera sur des critères un peu subjectifs, certaines parties en apparence techniques pouvant se révéler plus sensibles en réalité qu’on ne l’imaginait au départ. En outre, si la commission est appelée à examiner les différentes parties dans la même journée ou demi-journée, il sera sans doute difficile de faire comprendre que la présence du Gouvernement et la publicité des travaux sont réservées aux parties les plus techniques, donc peut-être les moins importantes, du texte.
Je considère par ailleurs que maintenir la tradition sénatoriale qui laisse le Gouvernement en dehors des séances législatives à huis clos est souhaitable. C’est une question non pas de principe, mais d’efficacité : sa présence pourrait être source de redondances.
J’ai tendance à penser que nous privilégierons l’examen de textes entiers, relativement courts, car il est peu probable que nos collègues souhaiteront siéger en commission plusieurs jours et plusieurs nuits pour débattre d’un même texte.
La législation en commission pourrait aussi concerner des textes dont on peut penser qu’ils seront relativement consensuels, suscitant le dépôt de relativement peu d’amendements et peu d’affrontements, peu de discussions en tout cas, ce qui n’empêchera pas un débat vivant. C’est le cas des projets de loi de ratification d’ordonnance lorsque le Sénat aura donné son accord à l’habilitation à légiférer par ordonnance, par exemple. Le rapport de la commission des lois évoque également les textes en fin de navette, faisant l’objet d’une deuxième lecture, notamment.
Le texte voté en commission selon cette procédure fera l’objet d’un débat simplifié en séance publique. Je souhaite insister sur un point : il sera nécessaire d’appliquer très rigoureusement les règles de recevabilité des amendements de séance. Je rappelle qu’il est prévu qu’amender un texte en séance publique soit possible dans trois cas seulement : assurer le respect de la Constitution, la coordination avec d’autres textes en vigueur ou en cours de discussion ou la rectification d’erreurs matérielles. Il faudra éviter que ne soient rouverts des débats de fond de façon détournée, comme cela a pu arriver par le passé à l’Assemblée nationale, à propos d’articles pourtant « fermés » par des étapes antérieures de la discussion.
Enfin, une question me paraît devoir être posée, comme l’a d’ailleurs déjà fait Mme Assassi : celle de la concomitance de la législation en commission avec d’autres débats. L’actuelle procédure d’examen en commission est exclusive de la séance publique, mais autorise la tenue d’autres réunions de commission. Comme il est probable que l’application de la procédure de législation en commission impliquera de siéger plus longuement en commission, cela pourrait conduire à reléguer les réunions de certaines commissions, et même la séance publique, en soirée et la nuit, alors même que ces instances n’auraient pas pu siéger durant la journée.
Mme Éliane Assassi. Très juste !
Mme Sophie Primas. À première vue, cela ne paraît pas souhaitable, mais, d’un autre côté, la législation en commission étant ouverte à tous les sénateurs, le problème de l’éventuelle simultanéité des réunions se posera pour certains de nos collègues. Il faudra donc bien organiser l’agenda des travaux du Sénat en conférence des présidents !
Pour conclure, j’aimerais souligner que cette nouvelle procédure constitue une pierre de plus ajoutée à l’édifice de la réforme que nous avons entamée en mars 2015, qui se poursuivra avec la révision constitutionnelle que souhaite le Président de la République et à laquelle le Sénat travaille déjà dans un esprit que je qualifierai non pas de « constructif », mais en tous les cas de « novateur » ! (Sourires.)
Dans notre République, l’Assemblée nationale n’a plus beaucoup de marges de manœuvre, le Gouvernement ne lui en laissant guère. Elle doit toujours approuver l’essentiel des projets de loi. Cela n’a rien d’indigne : la logique majoritaire est l’un des fondements de la solidité des institutions voulues par le général de Gaulle. Depuis 1958, les Français ont rarement eu à s’en plaindre. Néanmoins, la contrepartie est que nos collègues députés ont de plus en plus tendance à multiplier les ajouts de détails dans les textes, faute de pouvoir peser sur les sujets de fond.
Nous, sénateurs, devons avoir une ambition plus large. Nous fustigeons l’inflation normative : nous devons donc faire la chasse aux lois obèses, aux lois bavardes, aux lois protéiformes, et recentrer les textes sur quelques prescriptions nécessaires. Ainsi que nous avons commencé à le faire sous l’impulsion des présidents Larcher et Bas, nous devons strictement appliquer les irrecevabilités, traquer les dispositions sans lien avec les textes en discussion et celles qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Mes chers collègues, nous devons aussi nous discipliner dans l’usage de notre droit d’amendement, cesser de redéposer sans cesse les mêmes amendements, car la législation déléguée n’aura qu’un effet restreint sur nos débats de ce point de vue.
Bref, pour éviter que ne tombent les bras des grands législateurs sous le regard desquels nous sommes constamment placés dans cet hémicycle, le Sénat se doit d’être et de demeurer le gardien exigeant de la qualité de la loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de résolution visant à pérenniser et adapter la procédure de législation en commission
Articles additionnels avant l’article unique
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Bouchet et Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, MM. Vogel, Paccaud et Magras, Mme Procaccia, MM. Bonne, de Nicolaÿ et Chatillon, Mmes F. Gerbaud, Lherbier, Lanfranchi Dorgal, Lamure et Thomas et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 23 bis du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … – Pour l’application des alinéas 7 et 8, la participation d’un sénateur aux travaux d’une réunion consacrée à l’examen des amendements en commission selon la procédure de législation en commission définie à l’article 47 ter est prise en compte comme une présence en commission. »
La parole est à M. Gilbert Bouchet.
M. Gilbert Bouchet. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Collin, Requier, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :
Avant l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du 1 de l’article 28 ter du Règlement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Aucune dérogation n’est possible dans le cadre de la procédure de législation en commission prévue au chapitre VII bis. »
La parole est à M. Yvon Collin.