Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions. Je remercie tous ceux qui ont salué la police et la gendarmerie.
J’ai été interrogée sur le renforcement des équipements. Comme je l’ai dit, la modernisation des outils sera poursuivie. Les locaux et les véhicules sont une priorité, de même que les moyens numériques. Il y a d’ores et déjà aujourd’hui 80 000 tablettes en service dans la police et la gendarmerie. Les caméras-piétons, déjà déployées pour les forces dans les quartiers sensibles – on en compte déjà 2 000 –, seront, demain, déployées plus largement.
Pour ce qui concerne l’héritage de la police de proximité, je répète que les intentions qui ont présidé à sa création étaient tout à fait louables, mais que les modalités de sa mise en œuvre ont desservi ses objectifs. La police de sécurité du quotidien en reprend bien évidemment certaines orientations, notamment le rapprochement avec la population, pour un meilleur ancrage local. En revanche, les modalités seront différentes. Nous ne généraliserons pas un modèle unique : des dispositifs différents seront déployés en fonction des besoins de chaque territoire. De fait, il faut aussi tenir compte, dans le domaine de la sécurité, des différences réelles et parfois importantes existant entre les territoires.
La réforme concerne, au-delà de la police, l’ensemble des forces de sécurité, c’est-à-dire la gendarmerie et les polices municipales.
Par ailleurs, nous consacrerons, lors des recrutements supplémentaires, les moyens nécessaires à une formation adaptée et à un renforcement du management local.
Comme je l’ai indiqué, la consultation menée auprès des élus est très large. Dans tous les départements, instruction a été donnée aux préfets d’associer étroitement les élus locaux. Selon les informations qui nous sont remontées, les choses se passent bien ainsi sur le terrain. En outre, les associations d’élus ont été saisies sur le plan national. Certaines ont déjà remis une contribution et toutes celles qui le souhaitent seront bien évidemment entendues et reçues au ministère au cours des prochaines semaines, si elles ne l’ont déjà été.
Madame Benbassa, j’insiste, les partenaires sociaux et associatifs sont étroitement consultés, localement comme sur le plan national. Je pense en particulier aux structures chargées de la médiation, qui, on le sait, font un travail remarquable dans certains départements. Les bailleurs sociaux seront eux aussi largement associés à la réflexion.
De manière générale, nous considérons que la coproduction est essentielle sur ce projet de la police du quotidien.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à réhabiliter la police de proximité
Article 1er
L’article L. 111-2 du code de la sécurité intérieure est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour la mise en œuvre du 1°, une stratégie est élaborée, sur la base d’un diagnostic partagé, au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance prévus à la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du présent code.
« La police de proximité tend à assurer des relations de confiance entre la police et les habitants, dont les attentes guident le travail policier. Elle repose sur la territorialisation de l’action et sur l’autonomie des agents, qui reçoivent à cet effet une formation spécifique. La gestion des effectifs garantit la valorisation de la fonction de policier de proximité ainsi que l’adaptation de la composition des équipes à la situation du territoire. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. Au début de la discussion générale, un certain nombre d’interventions intéressantes ont permis de pousser le débat sur un sujet que nous savons sensible, non seulement dans cet hémicycle, mais aussi pour les populations et pour nos forces de police.
Je regrette toutefois que certains intervenants aient ensuite franchi le Rubicon de la caricature, voire, malheureusement, de la mauvaise foi. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Parole d’expert ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. À plusieurs reprises, on nous a opposé que des mesures de notre proposition de loi, qui est effectivement très ambitieuse, relevaient du domaine réglementaire.
Chacun devrait pourtant savoir ici que, en matière de sécurité intérieure de notre pays, toutes les mesures sont essentiellement d’ordre réglementaire. Dès lors, que l’on nous dise simplement que, sur ce sujet, aucune initiative parlementaire n’est possible ! Mais le pluralisme et la démocratie seraient alors bafoués.
Mme Esther Benbassa. La démocratie l’est déjà !
Mme Éliane Assassi. Quant à l’argumentation sur la faible normativité de notre proposition de loi, qui la rendrait inconstitutionnelle, le Conseil constitutionnel censurant les dispositions ne définissant que des orientations ou ne présentant aucun caractère impératif, je voudrais tout de même vous renvoyer, mes chers collègues, à la dernière proposition de loi du groupe Les Républicains pour le redressement de la justice, dont les premiers articles listaient plusieurs orientations budgétaires : lorsque nous avons soulevé l’inconstitutionnalité flagrante liée à l’article 40, on nous a précisément opposé que ces mesures n’avaient aucun caractère impératif !
Je vous appelle donc à un peu de cohérence. La norme suprême ne saurait être interprétée différemment selon que la proposition de loi que nous examinons émane de sénateurs siégeant sur vos travées ou sur les nôtres. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. Selon le rapport de M. Grosdidier, notre proposition de loi ne tient pas compte de la police municipale.
Il semble aujourd’hui nécessaire de rappeler que la police municipale et la police nationale ne sont pas perméables et que leurs missions, au-delà du maintien de l’ordre public, sont singulièrement différentes. Rappelons que le policier national agit, par exemple, en matière judiciaire, ce qui l’habilite notamment à mener des enquêtes lors de la commission d’infractions, alors que son collègue municipal n’a qu’une compétence très limitée dans ce domaine. Au reste, chacun a passé un concours distinct et suivi une formation propre.
Si les effectifs de police municipale ont doublé en vingt ans et quadruplé en trente ans, comme le relève le rapport, il n’y a pas de quoi se réjouir, compte tenu de la pénurie d’effectifs dans la police nationale.
Partout, sur notre territoire, l’État se défausse sur les collectivités territoriales, sans compensation budgétaire, pour pallier les difficultés rencontrées par la police nationale.
À Onnaing, ville dont j’étais encore maire voilà deux mois, j’ai dû me battre avec acharnement pour conserver l’agence de police nationale. Après une baisse de loyer de 50 %, elle a échappé à la fermeture.
Je ne suis pas la seule dans cette situation. Jean-Pierre Bosino, ancien sénateur du groupe CRC et maire de Montataire, nous a rappelé la fermeture de son agence de police nationale, malgré la gratuité du loyer qu’il avait mise en place. De nombreuses agences ont fermé. Les chiffres, les statistiques, les coupes budgétaires sont impitoyables.
À la suite de sa protestation, le préfet a fermement suggéré à M. Bosino d’accompagner l’État dans ses efforts, en déployant, sur son territoire, une police municipale et des caméras de vidéosurveillance qui ne sont pas forcément subventionnées.
Ajoutez à cela l’armement des policiers municipaux, qui n’ont pas la formation requise ou d’entraînement au tir, et vous comprendrez que, peu à peu, face à l’indigence de la police nationale, les communes n’ont pas d’autre choix que de répondre à la demande de sécurité de leurs citoyens en se tournant vers des sociétés d’agents de sécurité privée, avec lesquelles les forces de l’ordre ont reçu du ministre de l’intérieur la consigne de travailler. Oui, l’avenir peu reluisant de la sécurité publique de notre pays tend vers la privatisation, laquelle grève le budget des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, résistons à cette vision de la société, porteuse d’inégalité des territoires, d’insécurité et de déperdition de l’État dans cette fonction régalienne. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la ministre, je vous salue respectueusement. Nous sommes toujours très heureux de vous retrouver sur ce banc, d’autant que vous êtes accompagné aujourd’hui par M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, dont j’apprécie tout particulièrement la sagacité, la compétence et le sens politique. (Mouvements divers.)
Mes chers collègues, je veux répondre à Mme la présidente Assassi avec les égards qu’elle mérite. En effet, lorsqu’elle était commissaire aux lois, notre collègue a toujours fait preuve d’une grande compétence en matière juridique, compétence que je veux saluer.
Mme Éliane Assassi. Mais… ? (Sourires.)
M. Philippe Bas, président de la commission. Cela ne m’empêche pas de relever tout de même que le Conseil constitutionnel considère, et cette jurisprudence ne date pas d’hier, qu’un texte qui ne comporte pas de dispositions normatives n’est pas conforme à l’article 34 de la Constitution, la loi devant poser des règles qui relèvent du domaine législatif, et non du domaine réglementaire. Pardonnez-moi de rappeler une exigence aussi simple !
Or cette proposition de loi ne comporte que des orientations générales…
Mme Éliane Assassi. C’est exagéré !
M. Philippe Bas, président de la commission. … et, quand elle pose des règles, celles-ci relèvent, au mieux, du décret.
Mme Éliane Assassi. Dites plutôt que vous n’êtes pas d’accord avec ces règles !
M. Philippe Bas, président de la commission. Par conséquent, si la commission des lois n’avait pas tant d’indulgence pour les textes déposés par votre groupe, elle aurait normalement dû opposer l’irrecevabilité, mais elle a souhaité, en raison d’un accord qui continue à s’appliquer justement pour l’organisation des travaux du Sénat, que votre proposition de loi ait le privilège de pouvoir accéder à la séance et de donner lieu à une discussion générale,…
Mme Éliane Assassi. Dois-je vous en remercier ?
M. Philippe Bas, président de la commission. … ce qui ne préjuge évidemment pas de son adoption.
Je ne voudrais pas que, après avoir manifesté une telle bienveillance, la commission soit mise en accusation pour sa sévérité exagérée. Ce serait véritablement le monde à l’envers, madame la présidente !
Je tiens à souligner par ailleurs, mais sans doute le savez-vous, madame Assassi, qui avez mis quelque malice à évoquer la proposition de loi de programmation des moyens de la justice que j’ai rédigée, que les lois de programme ne sont pas de même nature que les autres lois.
Si votre proposition de loi avait été une proposition de loi de programme organisant la mobilisation des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la police de proximité, j’aurais été obligé de vous dire qu’elle était recevable.
M. Pierre-Yves Collombat. En voilà une bonne idée !
M. Philippe Bas, président de la commission. Cependant, qu’on le regrette ou non, elle ne planifie pas les moyens de la police de proximité. Elle est donc bien irrecevable.
Le régime de faveur…
M. François Bonhomme. Bien trop large !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … dont elle aura en quelque sorte bénéficié,…
Mme Esther Benbassa. Un geste princier !
M. Philippe Bas, président de la commission. … méritait à mon sens d’être relevé, alors même que vous avez suggéré que vous aviez subi un traitement déloyal montrant quelque intolérance de la part de la commission des lois, laquelle fait preuve, au contraire, d’une grande ouverture d’esprit.
Mme Éliane Assassi. Arrêtez, monsieur le président !
Mme Esther Benbassa. Nous ne sommes pas en monarchie !
M. Philippe Bas, président de la commission. Vous le savez, parce que vous y avez longtemps contribué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Grosdidier, rapporteur. Je veux simplement compléter ce que vient de dire M. le président de la commission des lois.
Madame Gréaume, aujourd’hui, les polices municipales sont devenues de vrais acteurs de la sécurité publique dans de très nombreuses villes.
Dans la ville de 15 000 habitants dont j’étais le maire voilà encore trois semaines, deux équipages de police municipale tournent chaque nuit. Dans la circonscription de police, qui regroupe une population de 230 000 habitants, ce sont trois équipages qui tournent.
Chacun peut faire part de son expérience en la matière. Toujours est-il que l’on ne peut pas envisager aujourd’hui une police territorialisée sans appréhender la montée en puissance des polices municipales, qu’on le regrette ou qu’on s’en félicite. Le Gouvernement, d’ailleurs, en convient.
Le fait qu’il puisse ne pas avoir de portée législative ne serait qu’une raison supplémentaire de ne pas adopter l’article 1er. En effet, aux termes de son alinéa 2, la stratégie de mise en œuvre de la police affectée à la proximité est élaborée sur la base d’un diagnostic partagé au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Je participe à l’action et à la réflexion de ces conseils. J’estime que ce n’est pas à eux de définir la doctrine d’emploi des policiers de proximité ! Si la loi le prévoyait, ce serait très dangereux.
Par ailleurs, l’alinéa 3 pose le principe de l’autonomie des agents. Je dis oui à la polyvalence des agents et éventuellement, à l’autonomie du responsable du secteur ou de la circonscription de police, mais non à l’autonomie de chaque agent. Il ne faudrait pas que chacun puisse décider, le matin, de ce qu’il fera dans la journée. Les services doivent tout de même être hiérarchisés.
Pour ces deux raisons, il convient de s’opposer à l’article 1er, si tant est qu’il puisse avoir une valeur normative.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er n’est pas adopté.)
Article 2
Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Agents de police de proximité
« Art. L. 411-22. – Pour anticiper et prévenir les troubles à l’ordre public, tout en prenant en compte les attentes de la population, dans le cadre de l’article L. 111-2 du code de la sécurité intérieure, la police nationale forme et encadre des agents de police de proximité.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il définit notamment les missions des agents de police de proximité ainsi que les conditions d’évaluation des activités concernées.
« Art. L. 411-23. – Chaque agent de police de proximité est responsabilisé à son secteur, dans le cadre d’un maillage territorial bien identifié et cohérent avec le découpage administratif par quartier ou “secteur ”. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Je ne sais pas s’il s’agit d’une action de grâce, mais je trouve que ce débat est plus qu’utile.
En complément de ce qu’ont dit mes collègues, je veux ajouter deux éléments.
Premièrement, depuis quelques semaines, on assiste, dans notre pays, à une libération de la parole des femmes sur les violences sexuelles et sexistes qu’elles subissent.
Cette parole s’est exprimée essentiellement au travers des réseaux sociaux. Si ce vecteur est le symbole des nouveaux modes de communication, le phénomène est également révélateur du fait que cette parole n’a pas trouvé d’écho ailleurs.
D’après les chiffres du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, seules 11 % des victimes de viols ou tentatives de viols, qui, rappelons-le, sont très majoritairement des femmes, portent plainte. Seules 13 % déposent une main courante.
Les raisons en sont multiples, mais l’une d’entre elles est qu’il y a dans la police un manque de moyens, un manque de reconnaissance et un déficit de formation pour recueillir la parole des femmes.
Il est temps d’en finir avec les discours qui minimisent la gravité de ces actes, qui culpabilisent et infantilisent.
Oser parler nécessite du courage. Il sera d’autant plus facile de le faire que l’on peut trouver une oreille attentive, compréhensive de la part de policiers avec qui la relation n’est pas marquée par la défiance réciproque, d’une police bien ancrée territorialement, qui connaît les associations relais pouvant accompagner les victimes.
Il n’est plus acceptable d’entendre des femmes ou des jeunes filles dire que cela ne sert à rien de porter plainte. La police de proximité pourrait ainsi être l’interlocutrice privilégiée dans des démarches qui, chacun et chacune en conviendra, ne sont pas faciles à faire.
Au demeurant, le dispositif annoncé par le Président de la République, le 25 novembre dernier, à savoir la possibilité de procéder à des signalements en ligne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ne peut être efficace que si ces signalements sont traités immédiatement par des personnes physiques formées et compétentes en nombre suffisant.
Deuxièmement, il faut prendre en compte avec détermination le problème des discriminations que subissent certains jeunes dans certains quartiers dans le cadre de contrôles d’identité abusifs, dits « contrôles au faciès ».
Il faut entendre ce problème et y répondre. Notre proposition de loi ouvre justement des perspectives en ce sens.
Je suis assez étonnée, pour ne pas dire plus, d’entendre certains de nos collègues banaliser les problèmes et caricaturer nos propos… Ce n’est pas ainsi que le débat législatif peut être constructif ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 n’est pas adopté.)
Article 3
Une réflexion sur la réorganisation administrative de la police nationale est engagée, dans l’objectif de créer une direction générale de la police de proximité au ministère de l’intérieur. Un décret en Conseil d’État précise les missions et l’organisation de la direction générale de la police de proximité.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.
M. Patrick Kanner. Considérant le sort qui va manifestement être réservé à l’article 3, sauf alignement exceptionnel des planètes, je veux dire que le débat qui a eu lieu sur l’initiative de Mme Assassi aura eu l’immense mérite de rappeler qu’il existe un véritable clivage entre la droite et la gauche sur les sujets de société tels que ceux que nous avons évoqués – et heureusement !
La caricature a parfois été au rendez-vous ; la provocation aussi, même à fleurets mouchetés.
Le groupe socialiste et républicain s’apprête, si jamais nous en avions l’occasion – notez, mes chers collègues, que je suis prudent –, à voter l’ensemble de ce texte, qui nous permet d’évoquer dans de bonnes conditions de débat parlementaire ce que nous voulons pour les populations, en termes de sûreté générale et de sécurité en particulier, grâce à la police de proximité, qui deviendra peut-être la police de sécurité du quotidien.
En tout état de cause, je suis fier d’avoir, avec d’autres parlementaires, notamment de mon groupe, défendu cette idée de police de proximité, notamment pendant le « quinquennat » de Lionel Jospin, cette période de cohabitation pendant laquelle il était Premier ministre.
J’espère que nous allons recréer les conditions de mise en œuvre de cette police de proximité.
Je dirai simplement aux membres du Gouvernement que nous avions, en 1997 et en 1999, un monde d’avance par rapport aux théories de l’ancien ou du nouveau monde.
Madame la ministre, si tout est dans tout, et réciproquement, et en même temps, il vous faudra bien préciser quels moyens vous comptez mettre en œuvre pour que ce beau projet de police de sécurité du quotidien devienne réalité, notamment pour les populations les plus fragiles de notre pays.
Ce débat aura eu le mérite de nous faire avancer. Le groupe socialiste et républicain voterait ce texte s’il était soumis au vote de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Forissier, sur l’article.
M. Michel Forissier. Madame Assassi, je ne peux vous suivre et voter cette proposition de loi. Ce texte a l’avantage d’ouvrir le débat, mais je ne veux pas que l’on cède à la caricature en opposant un camp à l’autre, en adoptant une approche systématique et idéologique.
J’ai été maire de banlieue et c’est à ce titre que j’interviens. Je voudrais rapporter les propos de quelqu’un qui n’est pas réputé être de mon camp, mais qui est mon ami : l’ancien maire de Vénissieux, André Gérin. S’il était parmi nous, il ne voterait pas ce texte, car il refuse toute confusion entre forces de police, chargées de faire régner l’ordre républicain, et travailleurs sociaux. C’est la réalité du terrain.
Aujourd’hui, les policiers municipaux sont même davantage formés au maniement des armes – quand ils sont armés – que les policiers nationaux, trop occupés par toutes les missions qui leur incombent. Et vous voulez encore alourdir leur tâche, en leur confiant des missions qui n’entrent pas dans le cadre régalien ? Ce n’est pas raisonnable.
Je ne voterai pas cette proposition de loi. Des policiers nationaux s’investissent dans le tissu associatif de nos banlieues et c’est dans ce cadre qu’ils sont à même de créer du lien social. Ils ne terrorisent pas les petits loubards de banlieue, c’est plutôt l’inverse. S’ils les terrorisaient, ils seraient moins performants.
Dans ma ville, les policiers municipaux n’ont fait usage de leur arme qu’une seule fois, contre une voiture qui fonçait sur un groupe d’enfants. Il n’y a jamais eu le moindre incident.
Il ne faut pas caricaturer le débat : il existe aujourd’hui une vraie complémentarité entre la police nationale et les polices municipales. Le travail des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, permet de bien identifier qui doit faire de la prévention et qui est en charge de la répression et du respect de l’ordre, et il ne s’agit pas des mêmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Je voudrais apporter une note positive et souligner que, même si ce texte n’est pas voté, il était important d’avoir ce débat pour aller de l’avant.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Je crois ce débat effectivement très utile.
Je ne suis pas sûr que le texte soit mis aux voix, raison pour laquelle je prends la parole maintenant.
Un orateur du groupe Les Républicains a résumé le débat de fond qui nous oppose en disant que nous voulions réactiver le débat entre une police d’ordre au service de l’État et une police de proximité au service des citoyens.
Or c’est précisément cette différence que nous ne voulons pas. Pour nous, la police d’État doit être une police de proximité, au service des citoyens. Nous voulons de nouveau placer cette mission, qui fait profondément défaut aujourd’hui, au cœur du dispositif national de la police.
Personne n’a relevé les propos de Laurence Cohen sur le très grand nombre de femmes victimes de violences qui n’osent pas porter plainte, pour de multiples raisons. Il s’agit d’un exemple parmi beaucoup d’autres. Ces femmes ne se rendent pas dans les commissariats de proximité, car elles n’y trouvent pas toujours les moyens de porter plainte dans de bonnes conditions ?
Qui peut prétendre ici que l’on répondra sérieusement à cette exigence, dont le Président de la République vient de faire une grande cause nationale de son quinquennat, sans moyens supplémentaires pour les services de police de proximité ?
Il s’agit d’un problème sérieux qui ne sera jamais résolu par l’idéologie qui est la vôtre, par la conception de la police que vous défendez et qui me semble profondément contradictoire : d’un côté, vous refusez de créer une direction nationale de la police de proximité pour ne pas séparer les missions de prévention et de répression, mais, de l’autre, vous nous expliquez qu’il faut bien distinguer les missions de la police municipale et de la police nationale pour ne pas confondre prévention et répression. Il faut choisir !
Nous avons choisi la non-séparation en remettant la proximité avec les citoyens au cœur des missions de la police nationale. C’est tout le sens de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, sur l’article.
M. Jérôme Bascher. Il est assez logique que la Haute Assemblée s’empare du sujet ô combien régalien du rôle de la police, de son fonctionnement et de ses missions.
Toutefois, j’ai parfois l’impression d’un débat hors sol : on peut parler de police de proximité, mais quand on connaît les « trous à l’effectif » – à savoir la différence entre les effectifs théoriques dont nos territoires devraient disposer et ceux dont ils disposent réellement –, on a l’impression que vous inventez de nouvelles missions alors qu’il n’y a personne pour les assumer.
C’est peut-être là qu’est le fond du sujet et c’est peut-être aussi pour cela que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, a refusé d’adopter les crédits insuffisants du ministère de l’intérieur qui nous étaient proposés dans le projet de loi de finances pour 2018. Il est donc logique, eu égard à ce manque de moyens, que nous votions contre un texte sans fondement réel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire cela.
Les crédits de ce budget prévoyaient la création de nombreux postes dans la police et dans la gendarmerie, la réfection de commissariats, l’achat de voitures neuves, etc. Mais pour faire tout cela, il faut justement un budget. (M. Alain Richard applaudit.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article 3, je vous rappelle, mes chers collègues, que si celui-ci n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les trois articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 n’est pas adopté.)