Sommaire
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.
2. Loi de finances pour 2018. – Discussion d’un projet de loi
Discussion générale :
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann
3. Questions d’actualité au Gouvernement
M. David Assouline ; Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture.
politique européenne de la pêche
M. Jean-Pierre Decool ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
impact de la réforme du logement sur les collectivités
Mme Sophie Primas ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Joissains ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Sophie Joissains.
situation de l’entreprise ascométal
M. Michel Amiel ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances ; M. Michel Amiel.
avenir des jeunes à la sortie des centres éducatifs fermés
Mme Josiane Costes ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Josiane Costes.
projet de loi relatif à l’enseignement supérieur
Mme Michelle Gréaume ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale.
M. Xavier Iacovelli ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
proposition de loi sur la stabilité du droit de l’urbanisme
M. Rémy Pointereau ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires ; M. Rémy Pointereau.
réforme du dispositif « pinel »
Mme Catherine Fournier ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
situation politique au cambodge
M. André Gattolin ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
situation des territoires ruraux
M. François Bonhomme ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires ; M. François Bonhomme.
taxe sur les dividendes et taxe foncière
M. Sébastien Meurant ; M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances/
4. Loi de finances pour 2018. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Discussion générale (suite)
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° I-138 de Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendement n° I-293 rectifié bis de M. Sébastien Leroux. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article liminaire modifié.
Suspension et reprise de la séance
Article 27 et participation de la France au budget de l’Union européenne
M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes
Amendement n° I-396 de M. Éric Bocquet. – Rejet.
Adoption de l’article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2018
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport général n° 108).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, avant tout je vous prie de transmettre à M. le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, mes vœux de prompt rétablissement puisque je comprends qu’il a dû être hospitalisé en urgence ce matin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Gérald, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de finances pour 2018 est le premier du nouveau quinquennat.
Il traduit la vision économique portée par le Gouvernement. Il s’inscrit dans une stratégie globale clairement annoncée par le Président de la République pendant sa campagne et choisie par les Français : transformer le modèle économique de notre pays.
Partons d’abord de la situation économique internationale.
La reprise mondiale se confirme, avec une croissance globale estimée à 3,6 % pour 2017. Les prévisions les plus récentes, notamment celles du Fonds monétaire international, le FMI, annoncent un rythme équivalent en 2018.
Le continent européen se place, notons-le, dans le peloton de tête. La reprise économique se poursuit à un rythme solide dans la zone euro. La croissance économique dans l’Union monétaire devrait atteindre 2 %, en moyenne, cette année.
En France, les principaux indicateurs économiques se redressent. En un an, 300 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand. L’investissement retrouve un rythme soutenu, la création d’entreprises également. La confiance est donc de retour chez les entrepreneurs et j’estime la croissance française désormais solide.
Dans cette conjoncture favorable, nous voulons accélérer la transformation économique de la France, mais en évitant les erreurs trop souvent commises, quand, à la moindre amélioration de la conjoncture, on reportait la transformation économique nécessaire. Au contraire, c’est parce que les choses vont mieux, estimons-nous, qu’il faut accélérer ce processus, afin que notre pays puisse exploiter à plein ses talents et ses atouts, qui sont immenses.
La réforme du marché du travail, le budget que nous discutons aujourd’hui, la réforme de la formation professionnelle et, demain, de l’assurance chômage marquent notre détermination totale, dans cette majorité, à accomplir cette transformation économique et sociale du pays.
M. François Patriat. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous irons jusqu’au bout de cette démarche nécessaire.
Le monde ne nous attendra pas ! Les autres nations ne nous attendront pas ! Les grandes puissances, comme la Chine ou les États-Unis, ne nous attendront pas !
Si nous voulons rester une puissance économique de premier plan, nous devons saisir les révolutions technologiques en cours. Faute de quoi, nous serons rejetés dans les marges, appauvris, négligés.
Nos choix économiques ont un but clair : permettre à la France de répondre aux défis contemporains et de réussir dans le monde tel qu’il est.
Pour cela, la première exigence est de permettre à nos entreprises d’investir, mais encore faut-il, pour ce faire, qu’elles retrouvent de la profitabilité. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, l’allégement de la fiscalité sur le capital est une des décisions majeures qu’avec Gérald Darmanin nous vous proposons.
Alléger la fiscalité sur le capital, c’est renforcer la profitabilité, trop faible, des entreprises et leur permettre d’investir pour innover.
Les solutions du passé ont échoué. Les solutions qui consistaient à redistribuer la richesse avant de la créer ont échoué. Nous vous proposons une autre voie : l’allégement de la fiscalité sur le capital, afin que nos entreprises puissent dégager les moyens nécessaires pour investir, pour innover, pour rester en tête de la course technologique actuelle.
Regardez le niveau actuel des taux marginaux d’imposition sur le capital : 62 % pour les intérêts et 44 % pour les dividendes. En Allemagne, 26 %… Comment voulez-vous que nos entrepreneurs fassent la course en tête avec un tel boulet au pied ?
Nous allons donc alléger la fiscalité sur le capital pour récompenser le risque, faciliter l’investissement et le financement de nos entreprises.
Sans capital, pas d’investissement ! Sans investissement, pas d’innovation ! Sans innovation, pas d’emploi !
Nous voulons rompre avec cette fâcheuse habitude que nous avons en France de redistribuer les richesses avant de les avoir créées, parce que, au bout du compte, cela affaiblit tous les Français, comme cela affaiblit la souveraineté de la France.
L’allégement de la fiscalité sur le capital passe par une décision historique : la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur tous les revenus du capital. Ce sera un gage de simplicité et de meilleur financement de notre économie. Une fiscalité proportionnelle de ce type a déjà été adoptée dans 80 % des pays européens.
Mais nous avons aussi été attentifs à ne pas pénaliser la fiscalité de l’épargne salariale, pour marquer notre volonté de récompenser le travail.
Travail et capital ne doivent plus être opposés. Travail et capital doivent aller de pair.
Il faut alléger la taxation du capital pour ne pas le faire fuir dans un monde où il est de plus en plus mobile, mais il faut aussi redonner sa valeur au travail. Toutes les Françaises et tous les Français qui aujourd’hui vont travailler, parfois pour de faibles rémunérations, doivent pouvoir se dire que, en travaillant, ils auront la récompense de leurs efforts.
Nous voulons maintenir les avantages des produits d’épargne populaire : le livret A et le livret de développement durable resteront entièrement défiscalisés pour les ménages français. Nous conserverons aussi les avantages des produits fortement investis en actions, comme le plan d’épargne en actions – le PEA –, par souci de cohérence avec le besoin de financement de notre économie.
S’agissant de la fiscalité de l’assurance vie, qui a suscité tant de débats dans cet hémicycle et à l’Assemblée nationale, je rappelle que seuls les revenus des futurs versements seront concernés : nous ne prenons personne par surprise.
Je rappelle également que les mesures proposées ne touchent que les encours supérieurs à 150 000 euros, soit des encours très élevés. La fiscalité ne change pas pour les autres, qui représentent 94 % des contrats.
Il est essentiel de rappeler, enfin, que le prélèvement forfaitaire unique, le PFU, demeure une option et que les contribuables pourront choisir de rester au barème, si cela est plus intéressant pour eux.
Pour faciliter l’accès au capital des entreprises, pour redonner à nos entrepreneurs et à l’ensemble de notre économie les moyens de mieux se financer, nous supprimons l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF.
Pourquoi cette suppression ? Parce qu’il faut réinjecter des capitaux dans l’économie française. Parce qu’il faut attirer les investisseurs dont nous avons besoin pour développer nos entreprises, les renforcer, créer des emplois en France, enrayer la fuite des talents, récompenser la prise de risque.
Arrêtons avec l’idéologie ! Regardons ce qui est bon pour le pays, bon pour les entrepreneurs, bon pour la création de richesses, bon pour l’emploi, bon pour valoriser le risque et récompenser le travail. Respecter ces valeurs, ce sera respecter le travail des Françaises et des Français tout autant que le goût du risque de nos entrepreneurs.
Je l’ai dit, le capital est de plus en plus mobile. Voulons-nous qu’il parte ou qu’il reste ? Voulons-nous qu’il aille s’investir à l’étranger ou plutôt dans les entreprises françaises, pour qu’elles puissent enfin grandir, et avec elles notre tissu de petites et moyennes entreprises ? Car vous connaissez mieux que personne nos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous savez combien ce tissu est fragile, trop fragile, et combien nos PME sont petites, trop petites, et que, faute de fonds propres suffisants, nos PME dépendent trop de la dette.
Eh bien, redonnons du capital à ces entrepreneurs, et nous leur permettrons de grandir, d’investir, d’affronter la concurrence et de se projeter sur les marchés extérieurs, où se trouvent la croissance et les emplois pour les Français.
Pourquoi maintenir, parallèlement à la suppression de l’ISF, un impôt sur la fortune immobilière ? Tout simplement parce qu’un euro investi dans l’immobilier, notamment ancien, ne crée pas le même effet d’entraînement qu’un euro investi dans une entreprise.
Cet impôt sur la fortune immobilière, je le rappelle, ne fera aucun perdant. Il reprend exactement les règles de l’ISF sur le volet « immobilier » : même seuil et même abattement de 30 % sur la résidence principale.
À tous ceux qui m’objectent que nous allons affaiblir la classe moyenne, je répondrai que nous n’avons pas la même conception de la classe moyenne : l’impôt sur la fortune immobilière ne concernera que les biens immobiliers de plus de 1,3 million d'euros avec un abattement de 30 %, soit les biens d’une valeur supérieure à 1,7 million d'euros !
Par ailleurs, le secteur du logement bénéficie déjà d’un certain nombre de dispositifs favorables, avec des incitations fiscales puissantes, comme l’exonération de la plus-value sur la vente de la résidence principale ou le prêt à taux zéro et le dispositif Pinel, que nous allons pérenniser.
Notre modèle social va-t-il pour autant devenir inégalitaire ? Depuis le début des débats sur le PLF pour 2018, Gérald Darmanin et moi-même entendons cette critique. On nous suspecte, au fond, en libérant des capitaux pour les entrepreneurs, en supprimant l’ISF, en mettant en place le prélèvement forfaitaire unique, en allégeant l’impôt sur les sociétés, de créer davantage d’inégalités que d’égalités. C’est exactement le contraire !
Je refuse cette caricature du budget que nous portons, avec Gérald Darmanin. Je n’accepte pas que l’on dise du budget du Président de la République, du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement qu’il est un budget pour les riches : mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un budget pour les Français, un budget pour le travail, un budget pour l’emploi ! Les décisions fiscales que nous prenons permettront enfin à nos entrepreneurs de créer les emplois et les richesses dont les Français ont tellement besoin.
La première des inégalités, c’est le chômage, et la meilleure façon de lutter contre le chômage, c’est de donner à notre économie les moyens de mieux se financer, à nos entrepreneurs la récompense de leur prise de risque et à tous ceux qui travaillent la récompense de leurs efforts !
Telle est la philosophie politique qui nous anime derrière ce projet de loi de finances pour 2018 : la récompense de l’effort et du travail des salariés, la valorisation du risque, le soutien à nos entrepreneurs, la capacité à mieux se financer, l’indépendance et la souveraineté financière d’une nation qui arrête de trop taxer et se donne les moyens de créer les richesses dont elle a besoin.
Je rappelle en outre que la redistribution résulte, pour 66 %, des prestations sociales ; que les prélèvements directs y contribuent à hauteur de 34 % ; que 10 % des contribuables paient 70 % de l’impôt sur le revenu.
Par conséquent, si l’on veut traiter la question, majeure, des inégalités dans notre pays, il ne faut pas se contenter d’examiner ce qui est fait en matière de fiscalité ; il faut également tenir compte de la redistribution sociale, la meilleure façon de lutter contre les inégalités, dont nous maintenons l’architecture principale.
Le budget que nous vous présentons comporte également une ambitieuse politique fiscale en faveur des entrepreneurs.
Nous réduirons l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % d’ici à la fin du quinquennat, soit une baisse de plus de 11 milliards d’euros de charges fiscales pour les entreprises.
Il s’agit là d’un choix structurant dans le budget, un choix que nous revendiquons avec Gérald Darmanin, le Premier ministre et le Président de la République.
Nos entreprises doivent être plus profitables. Leur taux de marge n’a cessé de se dégrader depuis des années. Il s’est récemment redressé, mais insuffisamment pour leur permettre de dégager les moyens d’investir et de créer de nouvelles richesses. Alléger la fiscalité sur les entreprises, c’est renforcer leur capacité à créer des emplois.
Nous commencerons par un taux de 28 % dès 2018 sur la fraction de bénéfices inférieure à 500 000 euros. Nous baisserons ensuite le taux à 31 % pour tous les bénéfices à partir de 2019, tout en maintenant le taux de 28 % pour les bénéfices inférieurs à 500 000 euros. Ce sera ensuite 28 % en 2020 pour tous les bénéfices, 26,5 % en 2021 et 25 % en 2022. Le taux de l’impôt sur les sociétés sera alors le plus faible, en France, depuis plusieurs décennies.
Nous maintiendrons évidemment le taux réduit de 15 % pour les PME qui en bénéficient déjà, ayant bien conscience que les PME sont les entreprises qui, actuellement, ont le plus besoin de notre soutien.
Vous me direz que nous avons mis en place, dans un récent projet de loi de finances rectificative, une contribution exceptionnelle allant à l’encontre de cette politique.
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne rouvrirai pas les débats sur cette question, qui nous a déjà pris bien du temps. Mais je ne voudrais pas que cette mesure soit l’arbre qui cache la forêt. Cette contribution exceptionnelle est bien exceptionnelle ! Elle n’a pas vocation à être reproduite. (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle ne sera appliquée qu’en 2017 – point barre – et nous reprendrons ensuite le cap fixé pour le quinquennat : la baisse de l’impôt sur les sociétés, la baisse des prélèvements sur les bénéfices et le soutien à nos entreprises.
M. Jean-François Husson. L’avenir le dira !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous supprimerons également le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, pour le transformer en un allégement de charges pérenne. Son taux passera de 7 % à 6 % en 2019, mais, cette même année 2019, les entreprises bénéficieront à la fois de ce CICE ramené à un taux de 6 % et de l’allégement de charges directes. Leur avantage fiscal, sur cet exercice, sera donc considérable.
Enfin, le Premier ministre a souhaité que nous ouvrions la réflexion sur les allégements de charges sur les salaires dépassant 2,5 SMIC.
C’est là un changement majeur. Nous considérons – et c’est une première depuis plusieurs années – que les allégements de charges doivent permettre de répondre, non seulement au défi de l’emploi, mais aussi à celui de la compétitivité de notre industrie.
Cette question, qui est aussi majeure, a également déjà été l’objet de débats dans cet hémicycle.
Oui, les allégements de charges ont prouvé leur efficacité sur les bas salaires ; ils permettent aux plus fragiles, aux moins qualifiés de trouver un emploi et une place dans la société française.
Mais oui, nous devons aussi tenir compte de la situation de notre industrie. Nous ne devons pas oublier que l’industrie française a perdu 1,4 million d’emplois en vingt-cinq ans et que, sur la même période, la part de notre patrimoine industriel dans la richesse nationale est passée de 20 % à 13 %.
Voilà pourquoi, à tous ceux qui m’expliquent qu’il faut continuer comme avant, ne rien toucher, ne rien modifier, je réponds qu’il en est hors de question : le statu quo ne peut pas être une solution pour notre industrie !
Nous avons besoin de regagner en compétitivité. Cela suppose un effort d’innovation, mais aussi l’allégement des charges sur les salaires des travailleurs les plus qualifiés, car ils sont l’avenir de notre industrie.
Nous ouvrirons donc la réflexion sur une mesure de cette nature, mais, comme l’a indiqué le Premier ministre, Édouard Philippe, nous ne la mettrons en œuvre que lorsque la restauration des comptes publics nous le permettra, et seulement à ce moment-là.
Nous maintiendrons également les dispositifs de soutien à la recherche. En particulier, le crédit d’impôt recherche – le CIR – sera sanctuarisé, car il fonctionne, parce qu’il a démontré son efficacité.
Nous mettrons en place, au début de l’année 2018, un fonds pour l’innovation de rupture de 10 milliards d'euros, financé par des cessions d’actifs de l’État dans le secteur concurrentiel. L’argent de l’État sera tout de même mieux employé s’il est investi dans l’innovation et la recherche, en vue de préparer l’avenir de nos enfants, plutôt que s’il permet de toucher des dividendes d’entreprises dont nous ne contrôlons pas suffisamment le fonctionnement.
Telle est notre stratégie fiscale. Telles sont les mesures qui doivent permettre à nos entreprises, à notre économie de réaliser, enfin, leur potentiel, qui est considérable.
Nous sommes convaincus de l’efficacité de ces choix, qui sont, oui, des choix de rupture. Alors qu’ils auraient dû être faits voilà dix, vingt ou trente ans, ils ne le sont qu’aujourd'hui, mais, du fait de leur caractère tout à fait nouveau, nous sommes prêts à les évaluer.
La meilleure réponse aux critiques, et les critiques sont toutes légitimes en démocratie, c’est la transparence, c’est l’évaluation : je suis prêt à engager, d’ici deux ans, une évaluation de notre politique fiscale.
Nous mettrons en place, comme je l’avais promis, une mission de suivi, qui pourra rendre ses premières conclusions à cette échéance.
Cette mission sera composée de parlementaires, de membres de la Cour des comptes, de représentants des administrations compétentes – le Trésor ou encore l’INSEE – et de personnalités qualifiées. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas y ajouter des entrepreneurs, qui pourront, eux aussi, participer à cette évaluation et juger des résultats de cette politique fiscale ?
Il s’agira, pour la mission, d’examiner les effets de notre réforme sur l’orientation de l’épargne des Français, sur l’investissement des entreprises, sur l’attractivité du territoire, sur l’emploi et sur les inégalités de revenus et de patrimoine.
Je suis prêt à ce que nous regardions l’ensemble des effets de cette politique fiscale, car réconcilier les Français et l’engagement politique, c’est être capable de rendre des comptes, c’est assumer la transparence et l’évaluation sincère et honnête de nos politiques publiques.
Nous travaillons également avec les institutions bancaires pour que celles-ci proposent des produits adaptés à leur client et qu’ainsi le capital libéré soit effectivement investi dans nos entreprises et dans notre tissu économique.
Un travail de concertation a été organisé en ce sens par les députés de la majorité, notamment Amélie de Montchalin. Il doit permettre de faire évoluer les mentalités et d’orienter l’épargne vers le financement de nos entreprises.
C’est au début de l’année 2018 que nous disposerons des premières propositions sur ce sujet et, avant le 1er avril 2020, un premier rapport sera transmis au Parlement sur l’évaluation de la politique fiscale du Gouvernement.
Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai lu hier les remarques de la Commission européenne sur nos déficits et notre dette.
Je veux redire ici la détermination totale du Président de la République, du Premier ministre, de l’ensemble du Gouvernement à tenir nos engagements vis-à-vis de l’Europe.
Nous tiendrons nos engagements européens ! Nous respecterons les règles de déficit pour 2017, en nous maintenant en dessous de la limite des 3 % qui nous a été fixée et que nous avons, nous-mêmes, acceptée.
La France qui se moque de ses engagements européens, c’est fini !
La France qui balaie d’un revers de la main les critiques de ses partenaires européens, c’est fini !
La France qui estime qu’elle peut, seule, dicter sa propre conduite, sans écouter ce que ses partenaires européens ont à lui dire, alors que nous sommes engagés dans le même projet politique, c’est fini !
La France qui ne se soucie pas de la bonne tenue de ses comptes publics, c’est fini !
La France qui vote des budgets de la Nation insincères, dans lesquels les financements nécessaires aux politiques publiques choisies ne se trouvent pas inscrits, c’est fini !
La France qui ment, la France qui trompe, la France qui triche, c’est fini ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. - M. Martin Lévrier applaudit avec force.)
M. Didier Guillaume. Excessif !
Mme Annie Guillemot. Tricheurs ?…
M. Bruno Le Maire, ministre. Avec le ministre des comptes publics, nous assumons la sincérité de notre budget.
M. Didier Guillaume. Certains mots, trop forts, peuvent blesser !
M. Bruno Le Maire, ministre. En 2017, nous avons dû absorber 8 milliards d’euros de dépenses qui n’avaient pas été budgétées.
Le contentieux de la taxe à 3 % sur les dividendes a alourdi de 10 milliards d’euros la charge pesant sur les comptes de l’État. C’est un fardeau de 18 milliards d’euros qu’il a fallu intégrer à nos comptes en 2017.
Voilà la stricte réalité des chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs !
Je ne suis pas là pour juger…
M. Patrick Kanner. C’est mal parti !
M. Bruno Le Maire, ministre. … ni condamner qui que ce soit. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Mme Annie Guillemot. Et « en même temps »…
M. Bruno Le Maire, ministre. Mais je suis responsable, avec le ministre des comptes publics, de la bonne tenue des comptes de la Nation, et nous tiendrons bien les comptes de la Nation, mesdames, messieurs les sénateurs.
Oui, un fardeau de 18 milliards d’euros pèse aujourd’hui sur l’État français et, malgré ce fardeau, notre déficit public sera sous la barre des 3 % du PIB en 2017. L’effort est considérable, mais il est juste et nécessaire. (M. Martin Lévrier applaudit. - Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Un seul applaudit, monsieur le ministre !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nos prévisions confirment que nous respecterons la limite des 3 % cette année, permettant à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dans laquelle elle se trouve depuis 2009. La Commission européenne a, elle aussi, indiqué que cet objectif était atteignable en 2018.
Notre responsabilité est collective. Que voulons-nous, vous, parlementaires, et nous, membres du Gouvernement, pour la France ?
Je le redis, je ne juge personne.
M. Jean-François Husson. Retirez vos propos, alors !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne suis pas là pour regarder le passé ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Je demande simplement : que souhaitez-vous pour l’avenir ?
Voulez-vous un budget sincère ? C’est ce que nous vous proposons ! Voulez-vous respecter les règles européennes ? C’est ce que nous vous proposons ! Voulez-vous que la France sorte de la procédure pour déficit public excessif ? C’est ce que nous vous proposons !
J’espère donc pouvoir, avec Gérald Darmanin, compter sur votre soutien s’agissant de ces ambitions nationales et européennes.
Nous avons fait le double choix de tenir les engagements de campagne du Président de la République et de tenir nos engagements européens. Nous avons pris les mesures nécessaires, en préparant un projet de loi de finances sincère et en proposant un projet de loi de finances rectificative pour tenir compte de l’annulation de la taxe de 3 % sur les dividendes.
Au-delà de 2017, nous continuerons à tenir ce cap économique et politique, avec la baisse des impôts et la maîtrise des dépenses. C’est la meilleure façon de renforcer notre croissance potentielle et de réduire le déficit structurel français.
Nos obligations européennes nous imposent effectivement, au-delà du respect de la règle des 3 % de déficit afin de sortir de la procédure pour déficit excessif, de réduire graduellement notre déficit structurel, et c’est le point sur lequel la Commission européenne s’est arrêtée le plus longuement.
En 2018, nous prévoyons une réduction de 0,1 % du déficit structurel. L’évaluation de la Commission européenne diffère de la nôtre, mais il est arrivé par le passé que les évaluations de la France soient finalement davantage confirmées par les faits que celles de la Commission européenne.
Nous sommes donc en discussion avec elle pour faire converger nos chiffres. Nous souhaitons qu’elle prenne en compte la sincérité des mesures contenues dans ce projet de loi de finances, ce qui n’est pas encore le cas et ce qui explique largement l’écart entre nos estimations de correction de 0,1 % du déficit structurel et celles de la Commission, qui estime à l’inverse à 0,4 % le désajustement.
La Commission doit également prendre en compte l’ensemble des réformes structurelles que nous engageons, et qui vont porter leurs fruits : réforme de la fiscalité, rationalisation des dépenses – qui sera accentuée dès que leur revue aura permis d’identifier précisément les marges –, réforme du code du travail, réforme de l’assurance chômage. Toutes ces mesures structurelles, nous souhaitons que la Commission européenne en tienne davantage compte dans l’évaluation de la réduction de notre déficit structurel. J’en parlerai prochainement à ses membres.
En respectant nos engagements européens, non seulement nous garantissons la bonne tenue des comptes publics de la Nation, mais nous garantissons surtout la restauration de la crédibilité de la parole de la France en Europe. Si le Président de la République a réussi à obtenir une transformation en profondeur de la directive sur les travailleurs détachés, c’est parce que la France a retrouvé de la crédibilité sur la scène européenne. Si nous avons relancé le débat sur la taxation des géants du numérique, débat absolument majeur sur l’avenir de la fiscalité internationale, c’est parce que la France a retrouvé sa crédibilité sur la scène internationale.
Comment voulez-vous que nous expliquions aux entrepreneurs de vos territoires, qu’ils soient dans le bâtiment, dans la restauration, dans la chimie, dans l’industrie automobile, qu’ils auront à payer leurs taxes locales et leur impôt sur les sociétés, alors que Google, Amazon ou Facebook ne paient que des impôts dérisoires au Trésor public français ? Nous ne lâcherons rien, rien, rien sur la taxation des géants du numérique en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) Nous lutterons également contre le dumping fiscal en Europe. Avec un objectif clair : réduire les écarts entre les taux d’imposition européens à la fin du quinquennat et faire dépendre de cet écart, comme l’a dit le Président de la République, le versement des aides européennes au titre des fonds structurels.
Certains États disent déjà : « Mais notre modèle économique, c’est le dumping fiscal ! » Certes, notre modèle consistant à dépenser plus d’argent et plus de richesses que nous n’en créons n’était pas un modèle qui pouvait être inspirant pour les autres États européens. Eh bien ! de la même manière qu’on a dit à la France que son modèle de dépenses publiques ne pouvait pas être un modèle pour l’Europe, ce qui nous a amenés à faire des efforts, ce qui m’amène aujourd’hui à vous présenter, avec Gérald Darmanin, un budget par lequel nous baissons l’impôt sur les sociétés et le niveau d’imposition, par lequel nous mettons en place un prélèvement forfaitaire unique, je dis non à tous ceux qui font du dumping fiscal le modèle économique de l’Europe : ni le dumping fiscal ni le dumping social ne peuvent être un modèle pour l’avenir de la construction européenne !
À chacun de faire des efforts : nous en faisons ; que nos partenaires en fassent également ! C’est uniquement si chacun fait un pas dans la direction de l’autre que l’avenir de l’Europe se construira de manière positive pour tous les citoyens européens.
Notre budget tente également de transformer notre modèle économique en faisant bénéficier tous les Français des résultats de cette transformation. Le travail doit payer, le travail doit payer pour tous les Français : les salariés verront donc leur salaire net augmenter grâce à la suppression de leurs cotisations chômage et maladie ; les indépendants seront plus nombreux à bénéficier des régimes simplifiés d’imposition et à pouvoir tenir une comptabilité allégée.
Je vous demande également de compléter votre regard sur le projet de loi de finances avec un regard sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, présenté par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, et par le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin : rehaussement du minimum vieillesse, revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH, mesures en faveur des familles monoparentales, plan d’accès territorial aux soins.
Nous avons fait en sorte que les Français les plus fragiles, ceux qui sont touchés par le handicap, ceux qui sont touchés par la maladie, ceux qui sont dans les situations les plus précaires, puissent continuer à bénéficier du soutien de la Nation.
Ces mesures redistributives sont importantes et elles sont justifiées quand elles concernent les publics qui en ont le plus besoin. Nous estimons que cette question des inégalités reste une question majeure et que l’on peut concilier ambition économique pour la Nation et réduction des inégalités.
Je vais vous dire ma conviction profonde : c’est justement en retrouvant une ambition économique pour la Nation que nous retrouverons des marges de manœuvre pour réduire réellement les inégalités. Nous retrouverons des marges de manœuvre nationales, mais nous retrouverons aussi une crédibilité internationale pour porter ce combat de la lutte contre les inégalités.
J’ai organisé il y a deux jours au ministère de l’économie et des finances une réunion avec des acteurs de l’économie, des chercheurs, des universitaires, des présidents d’entreprise, des responsables politiques pour ouvrir cette réflexion sur la lutte contre les inégalités face aux ruptures technologiques. Comment faire en sorte que ces ruptures technologiques ne se traduisent pas par toujours plus d’inégalités entre les nations et à l’intérieur des nations ? Comment ne pas être interpellé par la puissance de ces géants du numérique dont je vous parlais à l’instant, par leurs niveaux de capitalisation, jamais atteints, qui se chiffrent en dizaines de milliards de dollars ? Comment ne pas être interpellé par le fait que, sur sept de ces géants du numérique, cinq sont américains, deux sont chinois ? Comment l’Europe peut-elle retrouver sa place dans ce combat économique ? Comment faire en sorte qu’il n’y ait pas, demain, quelques grandes puissances et des dizaines de nations qui perdent leur souveraineté, leur indépendance et leur capacité à créer de la richesse ? Comment éviter qu’il n’y ait, dans une nation, d’un côté, ceux qui gagnent, et d’un autre côté, ceux qui perdent ? Comment éviter que les riches ne soient toujours plus riches et les pauvres toujours plus faibles ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Encore faut-il chercher !
M. Bruno Le Maire, ministre. Comment préserver la capacité d’une nation à faire émerger une classe moyenne ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est certainement pas en redistribuant l’argent que nous n’avons pas, des richesses que nous n’avons pas créées que nous arriverons à lutter contre la pauvreté et contre les inégalités dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Le projet de budget que Gérald Darmanin et moi-même vous présentons vise précisément à relever ces défis, à retrouver le chemin de la croissance, à retrouver le chemin de l’emploi, à valoriser le risque, à récompenser le travail, à soutenir nos entrepreneurs, à retrouver la crédibilité de la parole française en Europe et la capacité de la France à porter sa voix dans le monde : celle de la justice et celle de la liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants République et Territoires et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord d’avoir, comme Bruno Le Maire, une attention particulière pour votre rapporteur général, empêché aujourd’hui – nos pensées les plus affectueuses et les plus républicaines l’accompagnent –, et de saluer Gérard Longuet qui le remplace !
Quelques mots pour compléter, s’il me le permet, les propos de M. le ministre de l’économie et des finances. J’insisterai sur quatre points pour souligner l’action du Gouvernement en matière budgétaire, points qui, me semble-t-il, font écho au débat que nous avons eu lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 – texte certes non normatif – ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 – qui prévoit donc la bascule vers la CSG.
Ces quatre points sont les suivants : la « sincérisation » de ce budget et les efforts que nous faisons dans ce sens ; la politique à destination des collectivités locales – sujet important pour votre assemblée et alors que se tient ces jours-ci le congrès des maires de France – ; la transformation de notre économie ; enfin, le soutien au pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Le premier point est sans doute le plus important pour le ministre des comptes publics que je suis, et je sais que votre chambre est particulièrement attentive à la « sincérisation » budgétaire. Il reste sans doute encore beaucoup de travail, étant donné qu’il subsiste une marge importante. Toujours est-il que je remercie le rapporteur général, lors du premier débat que nous avons eu ensemble, ainsi que l’Assemblée nationale, en particulier le président de sa commission des finances, Éric Woerth, et son ancien président, Gilles Carrez, pour qui nous avons tous beaucoup de respect, de même que le Haut Conseil des finances publiques et la Commission européenne, d’avoir souligné le fait que ce budget de la Nation essaie de revenir sur les insincérités les plus flagrantes que les gouvernements ont accumulées, année après année.
La Cour des comptes a rendu un rapport au lendemain de la nomination du Gouvernement dans lequel elle pointe 7 milliards d’euros de sous-budgétisation portant soit sur des dépenses de guichet, notamment l’allocation aux adultes handicapés ou la politique du logement, soit sur des dépenses plus larges d’un montant tel que la sincérité du budget s’en est trouvée entachée. Je pense notamment au ministère de l’agriculture, dont les dépenses ont connu une dérive très importante dans les années précédentes.
C’est désormais chose faite, nous sommes revenus sur ces 7 milliards d’euros de sous-budgétisation, tant pour l’année 2017, bien sûr, que pour l’année 2018, ce qui me paraît normal : les parlementaires – et c’est bien logique –, qui contrôlent l’action du Gouvernement et l’utilisation des deniers publics, doivent évidemment s’appuyer sur les chiffres les plus vraisemblables possible.
Bien sûr, la vie d’un pays, comme la vie d’une commune, comme la vie d’une entreprise, est traversée de difficultés qui ne sont pas toujours prévisibles dans un budget. Il se pourrait que le Gouvernement revienne vers vous pour les expliciter, mais il apparaîtrait anormal et pour le moins irrespectueux du débat parlementaire que le Gouvernement n’applique pas les chiffres qu’il connaît au moment où il vous parle. Je crois que ce travail a été fait et qu’il a été bien fait. Je remercie les services, et également les rapporteurs spéciaux, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, de souligner là où le Gouvernement peut encore faire des efforts. Je serai ouvert évidemment aux critiques lors du débat parlementaire sur cette question.
Je souhaiterais d’ailleurs, monsieur le président de la commission des finances, comme je l’ai évoqué avec le président Gérard Larcher et le président François de Rugy, que nous puissions revoir la procédure parlementaire. Il est évident que, si le Parlement souhaite contrôler davantage l’action du Gouvernement, notamment pour suivre les évolutions budgétaires, encore faudrait-il que nous ayons une discussion commune sur les volets recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Nous parlons du coût du travail d’un côté comme de l’autre, alors que, évidemment, pour les Français, l’argent provient de la même poche et ce sont les mêmes parlementaires qui contrôlent l’un et l’autre de ces budgets.
Il faut également revoir, je crois, notre procédure budgétaire de « sincérisation ». Et l’incroyable originalité qui consiste à voir les ministres une seule fois par an pour parler de leur budget et les rapporteurs spéciaux une seule fois par an au moment de ce contrôle, ne me paraît pas de bonne politique, surtout que nous allons consacrer quelques semaines – voire quelques mois, pour ma part – au débat budgétaire, contre une demi-journée pour la loi de règlement. Cela ne me paraît bon ni pour le Gouvernement, ni pour le Parlement, ni même pour la démocratie.
Plus de temps pour le contrôle de l’action gouvernementale, un petit peu moins de temps pour la discussion du budget, peut-être une plus grande présence des rapporteurs – y compris lorsqu’ils sont membres de l’opposition – dans le débat budgétaire que j’ai avec les ministres : voilà ce que je propose à votre assemblée et à ses rapporteurs, pour un meilleur travail en amont et en aval.
En ce qui concerne la dépense publique, dont nous pensons bien sûr qu’elle est parfois un bien pour notre société, mais malheureusement un peu grossière ces derniers temps, nous devons lutter contre son inflation. Nous allons essayer de tenir la promesse qu’a faite le Premier ministre dans son discours de politique générale de limiter cette dépense publique, en ramenant si possible sa croissance à zéro.
Nous n’avons pas totalement réussi, car c’est difficile. Je lisais encore ce matin un excellent éditorial dans le journal Les Échos, dont l’auteur employait l’expression « drogué à la dépense publique ». Si nous partons du principe que cette dépense publique amène notre pays à être parfois un peu obèse, souvent contradictoire dans la demande de gestion des deniers publics et à refuser les économies lorsqu’elles se présentent, Bruno Le Maire et moi-même sommes fiers de vous présenter un budget qui prévoit une augmentation des dépenses publiques de 0,5 %. C’est trop par rapport à 0 %, mais c’est deux fois moins que les deux années précédentes. Ce courage est à mettre au crédit du Gouvernement.
Nous sommes persuadés qu’une trop grande dépense publique fait naître une fiscalité trop lourde, est source de trop de déficits et de trop de dettes. Il faut diminuer la dépense publique, le faire évidemment sans mesures paramétriques, avec le plus de transformations possible, pour faire baisser la fiscalité – ce qu’a évoqué M. le ministre de l’économie et des finances – et in fine notre déficit et notre dette.
Le deuxième point que je voudrais évoquer devant vous, sur lequel je m’attarderai un peu, c’est la question des collectivités locales.
Le projet de loi de finances que présente le Gouvernement illustre une nouvelle façon d’imaginer les relations entre l’État et les collectivités locales. Bien sûr, les élus demandent que les efforts qui sont faits par leur propre administration locale soient désormais proportionnés à leur part dans la dépense publique. Ils ont raison : jusqu’à présent, l’État a trop demandé aux collectivités locales par rapport à ce qu’il s’est imposé. Cependant, il faut souligner – et chacun le comprendra – que les dépenses à la charge de l’État diffèrent de celles des collectivités locales : les dépenses régaliennes, d’une part, et les dépenses à destination des collectivités locales – un quart de ses dépenses –, d’autre part.
Mais il est tout à fait vrai que les économies demandées aux collectivités locales sont proportionnellement plus importantes que la part de leurs dépenses dans la dépense publique globale – 20 % –, surtout si l’on considère les années précédentes, notamment les baisses de dotations.
Lorsque nous ciblons une augmentation de 1,2 % de la dépense – nous y reviendrons pendant le débat –, vous constaterez que cette légère augmentation de la dépense qui pourrait être contractualisée avec les collectivités est deux fois supérieure à ce que l’État va s’imposer lui-même. La part des collectivités locales dans l’effort de réduction de la dépense publique sera d’un sixième, alors qu’elles représentent un cinquième des dépenses totales. L’État fera donc le plus gros de cet effort : il a beaucoup à rattraper, il a beaucoup à changer et à transformer.
Le principe est donc la contractualisation : ne pas toucher à la quasi-intégralité des communes de France et considérer que pour les communes de plus de 50 000 habitants, pour tous les départements, toutes les régions, soit les 319 collectivités que nous évoquions, il y aura non pas une baisse des dotations – pour la première fois depuis 2010 –, mais un encadrement de la dépense publique afin que celle-ci n’augmente pas de manière trop importante – nous aurons l’occasion d’y revenir. Cet encadrement porte sur les dépenses non pas d’investissement, mais de fonctionnement. Il s’agit bien sûr de donner également aux élus les marges de manœuvre nécessaires pour rester dans ce cadre, ce qui veut dire qu’il faudra revoir la façon dont ils peuvent gérer leur masse salariale et notamment le glissement vieillesse-technicité, ou GVT.
Vous constaterez ainsi que ce projet de loi de finances rétablit le jour de carence, tandis que le point d’indice n’augmente pas. C’est une mesure qu’attendaient les élus locaux. En effet, lorsque l’État décide d’augmenter le point d’indice, ce sont souvent les collectivités locales qui paient. Il nous apparaît nécessaire de réformer ce point.
La réforme des collectivités locales est une réforme de confiance : pas de baisse des dotations – et même une légère augmentation de certaines d’entre elles – ; une dotation d’équipement des territoires ruraux, ou DETR, qui reste au même niveau que l’année dernière – alors qu’elle avait été opportunément augmentée la veille de l’élection présidentielle, mais c’était le jeu – ; et une dotation de soutien à l’investissement local, ou DSIL, qui reste identique.
Nous pourrons reposer la question des variables d’ajustement, source de difficultés s’agissant de dotations qui ont peut-être un peu vieilli. J’ai pris l’engagement, devant l’Assemblée nationale en première lecture, de revenir en seconde lecture, au Sénat comme devant les députés, sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ou DCRTP, qui ne me paraît pas être une bonne variable d’ajustement. Le Gouvernement procédera à la correction.
La question très importante de la transformation de nos politiques publiques a été évoquée. Je voudrais souligner, indépendamment de la baisse de la fiscalité qu’a évoquée le ministre de l’économie et des finances et sur laquelle je ne reviendrai pas, que c’est la première fois qu’est créée dans le budget de la République une ligne de 700 millions d’euros – dont 200 millions d’euros dès l’année prochaine – pour permettre cette transformation : transformation numérique, transformation des services publics. Évitons peut-être des décisions un peu paramétriques : tant la révision générale des politiques publiques que la modernisation de l’action publique ont pu apporter quelques bonnes solutions – mais parfois également des mauvaises, notamment pour la police nationale. Aussi, assignons à la revue des politiques publiques une mission plus intelligente pour savoir ce qu’on doit changer, ce qu’on doit renforcer et ce qu’on doit limiter en adaptant notre pays à la vie des collectivités locales, des entreprises et de nos concitoyens.
Le budget que nous vous présentons prévoit trois grandes transformations et des baisses de crédits budgétaires. Est concernée la politique du logement, où 40 milliards d’euros sont dépensés chaque année pour 4 millions de mal-logés. Il y a donc sans doute des transformations très importantes à faire, ce dont nous aurons l’occasion de parler longuement. Est également concernée la politique du travail, avec la diminution du nombre des contrats aidés et une augmentation des moyens consacrés aux formations qualifiantes, preuve d’une transformation de la politique publique en la matière. Enfin est concernée la politique des transports : nous avions tous de grandes idées de dépenses, sans comprendre que la fin de l’écotaxe a signifié la fin des recettes. Cela ne pouvait donc évidemment pas fonctionner. Nous aurons l’occasion d’y revenir, en écho aux assises nationales de la mobilité.
A contrario, certains budgets augmentent. Je voudrais cependant dire devant votre assemblée qu’il ne me semble pas que je sois un mauvais ministre, et pourtant mon budget baisse ! M. le ministre de l’économie et des finances est d’accord avec moi, l’heure n’est plus à dire : « Je dépense, donc je suis bon. » Il est important de le souligner et ce n’est pas parce qu’un budget baisse qu’il n’est pas prioritaire.
Il y a des dynamiques qu’il ne faut pas ignorer, en premier lieu la dynamique de protection de notre pays. Ainsi nos armées verront leur budget augmenter de 1,7 à 1,8 milliard d’euros chaque année pendant cinq ans, ce qui est sans précédent depuis l’époque du général de Gaulle. De même, les ministères de l’intérieur et de la justice voient également leurs moyens augmenter. Le régalien est donc au rendez-vous des augmentations budgétaires.
Ce qui est également sans précédent depuis les années 1980, je le souligne, c’est l’augmentation du budget de l’éducation nationale et de l’université. C’est une priorité gouvernementale. En particulier, les universités doivent faire face, encore cette année, à l’arrivée de 40 000 étudiants supplémentaires.
Enfin, les crédits d’un certain nombre de ministères n’augmentent ni ne baissent. Et vous savez à quel point il est parfois difficile de lutter contre un tendanciel. Je remercie chacun des membres du Gouvernement – ils vous diront tour à tour à quel point ils ont été heureux de ses arbitrages et de la maîtrise de la dépense publique. (Sourires.)
Dernier point, la question très importante du pouvoir d’achat, qu’a abordée M. le ministre de l’économie et des finances. Je reviendrai rapidement sur trois de ses aspects.
Le dégrèvement de la taxe d’habitation concernera 80 % des Français, je m’en suis encore expliqué ce matin avec les maires de France. Ce dégrèvement est prévu dans la loi et suivra évidemment une dynamique – habitants, nouveaux locaux – ou ce que décidera la commission des finances. Mais il faut aussi dire – et nous attendons tous le discours du Président de la République – que la taxe d’habitation est un impôt injuste – nous en avons beaucoup parlé ici – et le demeurera tout autant si 20 % des contribuables continuent de l’acquitter.
M. Philippe Dallier. C’est bien de le dire !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous l’avons toujours dit, monsieur Dallier.
La baisse de fiscalité de 10 milliards d’euros que nous vous proposons pour nos concitoyens dont les revenus n’excèdent pas 2 500 euros net est une bonne mesure en faveur du pouvoir d’achat de l’ensemble des classes moyennes et des classes modestes. La fiscalité locale doit être revue évidemment, et nous y reviendrons avec la question des valeurs locatives.
Il est tellement urgent de réviser les bases locatives que cela fait quarante-cinq ans que cela n’a pas été fait, depuis l’époque où Georges Pompidou était Président de la République et Jacques Chaban-Delmas Premier ministre. Nous devrions le faire dans les six mois qui viennent, alors que c’est si compliqué. D’autant que la réforme de la valeur locative des locaux commerciaux, engagée il y a sept ans et que je suis chargé d’appliquer en tant que ministre, prendra pleinement effet dans douze ans, au terme de la période d’adaptation. C’est-à-dire qu’il aura fallu attendre dix-neuf ans pour que cette réforme de la valeur locative des locaux commerciaux soit achevée. Tout le monde comprend bien la difficulté et qu’il importe de ne toucher que d’une main tremblante à ce genre de fiscalité, tant qu’on ne sait pas exactement quelle sera la fiscalité locale.
Compte tenu du rôle éminent que la Constitution confère à votre chambre, nous étudierons prioritairement cette question avec vous.
Toujours est-il que la baisse de la taxe d’habitation, c’est du pouvoir d’achat pour nos concitoyens, un pouvoir d’achat extrêmement concret. Son montant moyen en France – et je suis bien conscient que c’est une moyenne – est de 600 euros. Dès l’année prochaine, ce sera 200 euros de moins pour 80 % des Français, encore 200 euros de moins l’année suivante, puis plus rien à partir 2020. Je crois que c’est une mesure sans précédent de baisse de la fiscalité pour les classes moyennes.
L’augmentation de l’AAH, pour arriver à 900 euros par mois, est également sans précédent, tandis que le minimum vieillesse augmentera de 100 euros par mois : la chronique budgétaire est inscrite dans le présent projet de loi de finances.
Monsieur le président, j’ai essayé de m’en tenir aux quinze minutes que vous m’avez imposées. « Sincérisation » du budget, limitation de la dépense publique, baisse de la fiscalité, nouveau contrat avec les collectivités locales, transformation de notre pays, notamment par ses missions, et pouvoir d’achat retrouvé, c’est le projet du gouvernement. Je suis sûr que le rapporteur général, le président de la commission des finances et vous toutes et vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, aurez à cœur d’améliorer la copie gouvernementale, ce dont nous serons très heureux. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. Je salue la présence du président Gérard Larcher, qui m’a fait l’honneur de me céder sa place ce matin au fauteuil de la présidence.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, je souhaite informer le Sénat que la commission des finances, réunie ce matin, a décidé que, dans la discussion générale, comme pour l’examen des articles, notre collègue Gérard Longuet s’exprimerait en remplacement de notre rapporteur général Albéric de Montgolfier.
Bien sûr, je m’associe au nom de tous nos collègues aux vœux de plein et rapide rétablissement qui lui ont déjà été adressés.
M. le président. Je m’associe également à ces vœux.
La parole est à M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances.
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cet instant, mes pensées vont à Albéric de Montgolfier, dont je partage les convictions, ce qui rend ma tâche plus facile, mais dont je n’ai ni le talent ni la compétence. J’espère que vous me pardonnerez d’être moins à l’aise qu’il ne l’aurait été sur ce rapport général.
Cette année 2017, vous l’avez dit, se termine dans un contexte plus favorable : l’économie européenne se porte mieux et nous pouvons espérer une croissance de 1,7 %. Ce climat permettra naturellement des recettes fiscales plus élevées et nous avons la perspective réjouissante pour le pays, porté par cette conjoncture, que le déficit public global soit inférieur à 3 % du PIB.
Ce qui nous rassemble, c’est le budget pour 2018 et c’est ce budget sur lequel Albéric de Montgolfier, en qualité de rapporteur général, s’exprime.
Albéric de Montgolfier ne discute pas les hypothèses de croissance, même si, comme il le précise dans son rapport écrit, celles-ci sont évidemment soumises à des aléas à la hausse ou à la baisse – nous espérons et préférons les aléas à la hausse.
Compte tenu de ces hypothèses, on s’étonne que le Gouvernement ne prévoie qu’un recul du déficit de très faible ampleur – 0,1 %, une sorte de statu quo –, après, reconnaissons-le, prise en compte de l’annulation de la taxe de 3 % et de son remboursement, qui est partiellement assuré par l’État, c’est-à-dire par le contribuable et par le déficit en l’espèce.
Le déficit va donc atteindre 2,8 % du PIB, ce qui est très supérieur à la moyenne européenne, je tiens à le rappeler. Il faut bien se rendre compte que nous sommes encore le mauvais élève de la classe européenne. Ce taux ne nous permet pas, contrairement à l’ensemble des autres pays européens, de commencer à réduire notre ratio d’endettement par rapport au PIB.
Cette faible réduction du déficit structurel ne correspond pas à nos engagements européens. Messieurs les ministres, Albéric de Montgolfier rappelait que nous avons reçu une note de la Commission européenne signalant les risques de déviation significative. Nous sommes sous le regard attentif d’un contrôleur vigilant.
Pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Eh bien – et c’est un bon point – parce que vous n’avez pas choisi de différer les baisses de prélèvements obligatoires – et ce n’est pas le libéral que je suis qui vous le reprochera – ; mais vous avez surtout choisi de reporter d’une façon significative la maîtrise de la dépense publique. L’addition des deux aboutit à ce statu quo dans le taux de notre déficit par rapport au PIB.
Cela étant – et c’est un autre bon point –, vous rompez avec la politique de matraquage fiscal des cinq années précédentes et on ne peut pas vous en vouloir. En particulier, nous approuvons le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, qui nous permet d’envisager de nous placer à un niveau européen satisfaisant, au moment même – et les sénateurs franciliens le savent – où nous sommes en compétition pour devenir une place financière attractive. Les mesures qui ont été prises sont donc bienvenues. Seront-elles suffisantes ? C’est un débat que je n’ouvrirai pas à cet instant.
Messieurs les ministres, après les bons points, venons-en aux points de divergence du rapporteur général, qui sont simples.
Premier sujet de désaccord : les familles. Elles continuent d’être matraquées – c’est le mot qu’il emploie –, par exemple à travers la réduction de la prestation d’accueil du jeune enfant, ou PAJE, prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle notre commission des finances proposera de relever le plafond du quotient familial pour enfin adresser un geste positif à l’attention des familles.
Le deuxième sujet de désaccord est l’immobilier. Albéric de Montgolfier a présenté un rapport extrêmement documenté sur le caractère parfaitement illusoire du concept de « rente immobilière ». On trouve des rentes dans tous les secteurs de l’économie – je ne connais pas de chef d’entreprise qui ne cherche à organiser sa propre rente –, mais elles sont combattues.
En ce qui concerne la situation des investisseurs, nous soutenons votre choix de permettre à l’investissement mobilier de retrouver une certaine liberté. Nous souhaitons profondément que ce geste significatif encourage les investisseurs français et étrangers à choisir notre pays comme lieu d’investissement.
En revanche, ce que vous faites avec l’immobilier méconnaît gravement son utilité dans notre pays et risque de casser, en quelque sorte, un petit renouveau qui se manifestait dans ce secteur.
Le troisième point de désaccord a trait à la hausse de la fiscalité énergétique. On peut raconter ce que l’on veut, mais le rapprochement de la fiscalité du diesel sur celle de l’essence va sanctionner ceux pour lesquels l’automobile est un outil de travail, ce qui est le cas de l’immense majorité de nos compatriotes vivant en dehors des réseaux de transports en commun.
Ces trois désaccords s’inscrivent dans un contexte général où, selon nous, votre budget, messieurs les ministres, ne se soucie guère de la maîtrise de la dépense collective. En particulier, vous aviez l’objectif, inédit, de stabiliser la dépense publique en volume en 2018 et, tendanciellement, vous envisagiez une baisse de 20 milliards d’euros. Cela signifie non pas 20 milliards d’euros de baisse, mais une hausse inférieure de 20 milliards d’euros à ce qu’elle aurait pu être. Vous réduisez cette différence tendancielle à 14 milliards d’euros, ce qui montre que, dans ce budget, le grand absent est la maîtrise de la dépense publique.
Cette maîtrise de la dépense publique, vous la faites porter principalement par les collectivités locales – ce sujet étant d’actualité, je ne voudrais pas interférer dans un débat qui est organisé au Sénat, mais aussi au congrès des maires au même moment –, collectivités locales dont les dépenses de fonctionnement verraient leur croissance plafonnée à 0,5 % en 2018, ce qui est parfaitement contradictoire avec les responsabilités sociales que celles-ci prennent pour assurer une certaine harmonie du fonctionnement de la société française. Les collectivités locales sont la porte d’entrée de la vie collective : lorsque l’État est absent, elles sont présentes. C’est pourquoi ce chiffre est ressenti par les élus locaux comme l’expression d’une sorte de désinvolture à l’égard de leur mission.
Vous aviez également envisagé, comme l’a rappelé le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, une maîtrise de la dépense sociale à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or vous ne la chiffrez pas, vous ne la fléchez pas, vous ne l’identifiez pas. C’est plus un vœu pieux qu’une vérité.
Je relève un bon point dans ce balayage : si vous ne réduisez pas la dépense publique comme vous auriez dû commencer à le faire au début de ce quinquennat, au moins les présentations des chiffres sont-elles plus sincères. La commission des finances estime que les mesures de « rebasage » visant à restituer de la vérité représentent 4,2 milliards d’euros, ce qui montre l’ampleur de la turpitude précédente résultant de budgets insincères. C’est la raison pour laquelle – c’est une orientation que vous aviez comprise et acceptée en son temps, mes chers collègues – nous avions refusé le débat budgétaire en 2016 pour l’année 2017.
Seulement trois missions verront leurs dépenses diminuer de plus de 100 millions d’euros. Deux d’entre elles ont ouvert un débat, dont la mission Travail et emploi qui verra ses crédits diminuer de 1,5 milliard d’euros. On sait que les contrats aidés ne sont pas des solutions de long terme, mais vous pouvez comprendre, parce que vous êtes des élus locaux, que l’annonce brutale du recentrage énergique et immédiat de ces contrats aidés pose, notamment aux collectivités locales et à la vie associative, des problèmes absolument sans solution.
De la même façon, l’économie de 1,7 milliard d’euros que vous proposez sur la mission Cohésion des territoires – Philippe Dallier est plus compétent que moi sur le sujet du logement – ouvre une crise qui, à cet instant, n’est absolument pas réglée. Je ne peux pas vous en vouloir, car il est toujours difficile de diminuer la dépense publique (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), mais il n’est pas inutile de réfléchir à des solutions globales, plutôt que de donner de prétendus coups de pied dans la fourmilière qui, en réalité, déplacent les problèmes sans les régler.
La masse salariale, par exemple, va continuer d’augmenter. Les chiffres sont cruels : Emmanuel Macron, lorsqu’il était candidat à la présidence de la République, avait envisagé une diminution durant le quinquennat des effectifs des fonctionnaires de l’État de 50 000 sur un total de 2,2 millions – je le dis de mémoire.
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Cette année, ce budget de l’État envisage une baisse de 1 600 équivalents temps plein, soit 16 % de la diminution annuelle prévue, ce qui est évidemment tout à fait éloigné des objectifs que vous vous étiez vous-même fixés.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances proposera au Sénat d’adopter deux amendements : le premier vise à augmenter le temps de travail moyen des salariés du secteur public pour le rapprocher du temps de travail moyen des salariés du secteur privé ; le second tend à porter de un à trois jours le délai de carence, afin d’augmenter la force de travail des fonctionnaires du secteur public pour exercer les missions qu’ils assument avec toujours beaucoup de bonne volonté et dévouement.
J’évoquerai maintenant la taxe d’habitation. Le jugement du rapporteur général est clair à cet égard : cette réforme est injuste et précipitée. Elle est injuste, car il manque le préalable, comme vous l’avez évoqué, monsieur Darmanin, de la remise en cause de la vétusté des valeurs locatives. C’est un serpent de mer, mais puisque le monde a changé et qu’il est « en marche », on aurait pu imaginer un mouvement sur les valeurs locatives.
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Or ce mouvement est reporté aux calendes grecques, en vertu d’une tradition forte d’une cinquantaine d’années.
Vétusté des valeurs locatives, injustice et absurdité : la commission des finances a ainsi établi que, dans 3 200 communes, c’est-à-dire 10 % des communes françaises, il n’y aura que cinq contribuables au maximum qui cotiseront à la taxe d’habitation. Et dans certaines communes, il n’y en aura qu’un : imaginez le climat qui en résultera dans ces communes et, surtout, l’injustice qu’entraînera cette décision ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’ajoute que les 20 % de nos compatriotes qui continueront de payer la taxe d’habitation acquittent déjà 80 % de l’impôt sur le revenu. Il faut savoir ce que l’on veut faire : veut-on encourager ceux qui investissent, qui entreprennent, en considérant que ceux qui sont économiquement actifs rendent service à la communauté, même si leur motivation est d’abord personnelle ?
Une motivation personnelle peut avoir des effets parfaitement positifs, d’autant que 22 milliards d’euros de taxe d’habitation représentent un tiers des recettes du bloc communal. Monsieur le ministre, vous allez les prendre en charge par un tour de passe-passe. Vous nous dites que vous augmentez le pouvoir d’achat par la diminution de la taxe d’habitation. Toutefois, dans la mesure où la dépense des collectivités locales ne diminue pas et où l’État devra la rembourser, je serais curieux de savoir qui va assumer ces 22 milliards d’euros, si ce n’est le contribuable de l’État au lieu du contribuable local. C’est un choix qui inquiète les maires, mais ils disposent d’une autre tribune pour vous rappeler à l’ordre sur ce sujet.
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Je dirai un mot sur la procédure budgétaire en m’adressant à l’Assemblée nationale, où une belle majorité composée de gens enthousiastes, passionnés, découvre la vie publique. Ils ont raison, car il faut un renouveau. Ce n’est pas moi qui les condamnerais, j’ai été jeune aussi ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Certes, l’examen et le vote du budget prennent du temps, mais c’est le prix de la démocratie.
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Heureusement, le débat parlementaire est long, minutieux et difficile, car les sommes en jeu sont considérables et emportent avec elles une certaine conception de la vie commune, du respect mutuel, du projet collectif. Outre les débats en séance, le Sénat écrit : la commission des finances a par exemple présenté 41 rapports de contrôle budgétaire ces douze derniers mois.
Vous avez la possibilité, messieurs les ministres, de vous nourrir de ces rapports budgétaires pour faire évoluer la situation, en particulier pour reprendre en main la dépense publique.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous demandera d’adopter ce projet de loi de finances pour 2018, sous réserve que soient votés des amendements concernant les familles, notre compétitivité et, par conséquent, la fiscalité de l’investissement, avec quelques économies sur les dépenses, qui sont certes symboliques, mais montrent que l’on peut faire bouger les lignes en matière de prélèvements publics à partir de la maîtrise de la dépense du budget de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous poursuivons une session budgétaire au cours de laquelle nous avons déjà examiné de nombreux textes. Cela nous a montré les inconvénients de l’éclatement de la législation fiscale entre lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.
Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, vous avez eu raison de relancer le débat sur les conditions de l’examen des textes financiers au Parlement, débat qui était un peu au point mort depuis l’échec du projet de révision constitutionnelle de 2010.
La commission des finances du Sénat jouera tout son rôle dans ce travail. Nous devrons examiner aussi bien les modalités de discussion des différents textes dans chaque assemblée que leur calendrier de dépôt et d’examen, ainsi que l’organisation de la navette, surtout si l’idée de fusionner les parties recettes des lois financières prospère. Mais ce sont aussi les comportements et les pratiques qui doivent évoluer. Nous devons nous mettre en situation de voter en étant toujours pleinement éclairés, ce qui suppose de recevoir les réponses aux questions que nous posons et d’avoir du temps pour analyser les propositions du Gouvernement qui arrivent encore trop souvent par amendements déposés fort tardivement.
Aujourd’hui, nous sommes saisis du projet de loi de finances de l’année, sur lequel se sont penchées toutes les commissions et, en particulier, les 76 rapporteurs pour avis et les 48 rapporteurs spéciaux, dont je salue l’implication.
L’exécution d’une loi de finances est tributaire du contexte macroéconomique dans lequel elle s’inscrit. C’est sur ce point que je voudrais formuler mes premières remarques.
D’abord, la nouvelle majorité bénéficie pleinement des mesures visant à redresser la compétitivité de l’économie mises en place sous le précédent quinquennat : le Gouvernement bénéficie d’une accélération marquée de la croissance et d’un dynamisme des recettes.
Cette reprise tient notamment aux mesures mises en œuvre depuis 2012 pour redresser la compétitivité et enrichir la croissance en emplois. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le Pacte de responsabilité ont ainsi largement contribué au net redressement des marges des entreprises observé depuis 2013, soit + 2 points. Les efforts de modernisation du marché du travail commencent à porter leurs fruits, le nombre de déclarations d’embauche en CDI étant désormais à son plus haut historique. Les parts de marché à l’exportation sont stabilisées, après une baisse continue entre 2000 et 2012, et les projets d’investissements internationaux sont en forte hausse : + 34 % en 2016.
Deuxième remarque : pour ramener le déficit public en dessous de 3 % du PIB en 2017, on peut considérer que le Gouvernement s’est contenté de « surfer » sur la reprise. Le Gouvernement a « dramatisé » en juillet les résultats de l’audit des finances publiques de la Cour des comptes, pour finalement mettre en œuvre des mesures de régulation budgétaire d’un montant comparable aux années précédentes – 4,2 milliards d’euros.
Avec la taxe sur les dividendes, on a retrouvé le même schéma : le Gouvernement dramatise en évoquant un « scandale d’État » avant de déboucher sur des propositions technocratiques et bien modestes de réformes de la procédure d’élaboration de la loi.
En réalité, en l’absence d’embellie conjoncturelle, la prévision de déficit public pour 2017 serait nettement supérieure au seuil de 3 % du PIB. Autrement dit, le Gouvernement, loin d’avoir pris des mesures de redressement « exceptionnelles », s’est contenté de surfer sur la conjoncture.
Troisième remarque : le Gouvernement a même profité de la reprise pour relâcher l’effort de maîtrise de la dépense en 2018, au risque de nous mettre en porte-à-faux par rapport à nos engagements européens. L’an prochain, le Gouvernement s’est fixé pour objectif de contenir la croissance de la dépense publique à 0,5 %, loin de l’objectif affiché en juillet d’une stabilisation de la dépense. Près d’un tiers des économies programmées est ainsi reporté sur la fin du quinquennat.
Au regard de nos engagements européens, le Gouvernement joue avec le feu. La réduction – et rien n’est fini, monsieur le ministre, quoi que vous en disiez – du déficit structurel prévue l’an prochain, limitée à 0,1 point de PIB, est ainsi très inférieure à nos engagements européens – 0,6 point – et à l’objectif fixé par le précédent gouvernement – 0,5 point. Nous allons saturer dès l’année prochaine les marges de flexibilité que nous permet le pacte de stabilité.
La gravité de cette remarque va au-delà des considérations budgétaires : à l’heure où le Gouvernement entend porter une réforme de la zone euro, c’est la crédibilité de notre pays qui pourrait être atteinte. La France sera le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d’endettement ne devrait pas diminuer l’an prochain.
Ma quatrième remarque me conduit à regarder les solutions retenues par le Gouvernement pour éviter une « sortie de route » budgétaire. Si je résume, il a choisi de différer les baisses de cotisations sociales prévues pour les classes moyennes, récupérant ainsi 4,5 milliards d’euros, plutôt que de reporter les réformes de la fiscalité du capital.
Justement, au-delà du contexte macroéconomique, il faut s’intéresser au budget de l’État et à la politique fiscale.
D’abord, le Gouvernement ne se prive jamais de charger la précédente majorité, alors que ce projet de budget capitalise sur des mesures qui ont été prises sous le quinquennat précédent.
Sur les 12,4 milliards d’euros de baisses d’impôts contenues dans ce budget, quelque 5,9 milliards d’euros, donc près de la moitié, correspondent à des mesures prises par le gouvernement précédent. Par exemple, la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés est un peu revue par ce projet de loi de finances, mais son principe avait déjà été voté, et c’est la mesure prise par la précédente majorité qui entrera en vigueur en 2018.
Ensuite, en observant ce qui relève des décisions du nouveau gouvernement, la situation est, si j’ose dire, moins rose. Ce projet de loi de finances ne porte pas la marque du sérieux budgétaire.
Regardons d’abord le déficit de l’État : il avait baissé sans interruption entre 2012 et 2016, pour revenir à 69,3 milliards d’euros. En 2017, la situation se dégrade avec 76,9 milliards d’euros, dégradation qui s’accentue en 2018 avec un déficit de 82,9 milliards d’euros !
Je m’inquiète aussi des annonces du Gouvernement consistant à sacrifier le patrimoine de l’État pour débudgétiser le financement d’annonces aux contours flous. Depuis six mois, deux fonds dotés de 10 milliards d’euros issus en tout ou partie de cessions de participations ont été annoncés, sans que l’on sache si l’un se substitue à l’autre, comment ils devraient fonctionner, et sans aucune justification de la rationalité économique et financière de ces cessions.
Ce budget montre que les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales doivent être repensées en profondeur. La loi de programmation met en place un mécanisme novateur de contractualisation censé s’appliquer dès 2018. Au 23 novembre, nous ne savons toujours rien de la manière dont il va s’appliquer concrètement. Les collectivités vont voter leur budget sans savoir où elles devront faire des efforts ni comment ils seront mesurés.
Pour le reste, cette année se caractérise, certes, par une DGF qui ne diminue pas, mais les dotations d’investissement, elles, sont réduites de 200 millions d’euros, en raison notamment de la très contre-productive suppression de la réserve parlementaire. La péréquation progresse moins.
En matière de finances locales, arrêtons le bricolage et osons une réforme globale. Nos impôts directs locaux sont à bout de souffle, nos compensations ne font que cristalliser les inégalités de richesse. Il faut changer de logiciel !
Surtout, ce budget n’est pas le budget du pouvoir d’achat.
Le Gouvernement met en avant les quelques mesures favorables qu’il propose, par exemple les revalorisations exceptionnelles de la prime d’activité ou l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés. Mais ces allocations font dans le même temps l’objet de réformes de leurs paramètres qui conduisent à reprendre d’une main ce que l’autre a donné.
Au niveau agrégé, et alors que les crédits des ministères progresseraient dans leur ensemble de 4,4 milliards d’euros, deux missions verraient leurs crédits baisser très fortement : le logement et l’emploi. À chacun ses priorités !
En dehors de ces deux secteurs, le Gouvernement peine à expliquer comment il va faire des économies sur la suite du quinquennat, s’en remettant au processus Action publique 2022 qui parviendra, à n’en pas douter, à identifier en moins de six mois les leviers d’économie qui permettront de redresser nos finances publiques.
En matière de fiscalité, la réforme emblématique en faveur du pouvoir d’achat des ménages est celle de la taxe d’habitation. Si elle franchit la haie du Conseil constitutionnel, elle bénéficiera à 80 % des foyers qui verront leur impôt réduit de 30 % en 2018 et de 100 % en 2020. Le gain moyen par foyer est estimé à 166 euros en 2018.
Mais ce gain, même cumulé avec celui de la « bascule » des cotisations salariales sur la CSG, ne sera pas forcément un gain net. Il faut le mettre en regard des autres modifications apportées aux prélèvements sur les contribuables modestes ou moyens et en particulier en matière de fiscalité écologique, qui va augmenter de 46 milliards d’euros d’ici à 2024. Compte tenu de la structure de la consommation des ménages, la convergence entre l’essence et le diesel et la nouvelle trajectoire de la contribution carbone vont surtout toucher les ménages pauvres, pour lesquels les mesures de compensation – chèque énergie, prime à la conversion – ne seront pas forcément à la hauteur des surcoûts. On peut aussi mentionner la fiscalité de l’épargne qui soumettra les détenteurs de plans d’épargne en actions, les PEA, et d’assurance vie aux mêmes hausses de CSG que les détenteurs d’autres types d’actifs financiers, tout en enregistrant une hausse des prélèvements fiscaux.
La politique fiscale du Gouvernement se résume donc à des gains relatifs ou inexistants pour les ménages modestes ou moyens et à des gains certains et importants pour les contribuables les plus fortunés. Nous aurons ce débat au moment de la discussion des articles, mais je ne pourrai que m’opposer à la création du prélèvement forfaitaire unique et à la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, deux réformes dont la combinaison reviendra à accorder aux 100 plus gros contribuables de l’ISF un gain moyen annuel de 1,5 million d’euros. Cela ne contribuera pas à améliorer significativement notre tissu économique, puisqu’on attend de cette réforme la création à long terme de 50 000 emplois seulement, soit bien peu au regard du coût de la réforme : 4,5 milliards d’euros, voire plus de 5 milliards d’euros, qui manqueront chaque année au budget de l’État.
Nous reviendrons sur tous ces points lors de la discussion des articles et des missions, car cette année nous allons, selon toute vraisemblance, examiner l’ensemble du projet de loi de finances.
Nous verrons que ce budget est moins celui du nouveau monde que celui des vieilles ficelles, et c’est pourquoi, avec mon groupe, je ne le soutiendrai pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Bocquet et Savoldelli, Mmes Assassi, Cohen, Cukierman, Gréaume et Prunaud et MM. Collombat, Foucaud, Gay, Gontard, P. Laurent, Ouzoulias et Watrin, d’une motion n°I-358.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préambule, je voudrais adresser au nom de mon groupe tous mes vœux de prompt rétablissement à M. le rapporteur général, qui a été hospitalisé ce matin.
Hier, le commissaire européen à l’économie et aux finances, Pierre Moscovici, a alerté sur le risque de « non-conformité » du budget de la France. La réduction du déficit public serait trop faible, les réformes insuffisantes, etc. Tout est dans cette formule : « non-conformité ». Non-conformité à quoi ? Non-conformité pour qui ? Qui décide de cette non-conformité ?
Bien entendu, il s’agit de la soumission aux fameux critères libéraux qui structurent l’actuelle construction européenne, ces critères que l’on appelle les critères de Maastricht, repris par le traité de Lisbonne.
Ce sont ces critères, refusés par le peuple en 2005, qui placent depuis des décennies maintenant la rentabilité financière au-dessus de la satisfaction des besoins humains, à commencer par le droit au travail, par le libre accès aux services publics.
Aujourd’hui, le Président de la République et son gouvernement répondent avec zèle aux exigences de la Commission européenne : projet après projet, des ordonnances réformant le code du travail à ce budget, en passant par la loi de financement de la sécurité sociale.
De la réduction des APL, calamiteuse pour le logement social, de la sélection à l’université en passant par l’alignement institutionnel sur les desiderata bruxellois, cette politique s’aligne totalement sur les préceptes du traité de Lisbonne.
La surenchère de la commission des finances était donc attendue, elle servira – qui peut en douter – de prétexte pour enfoncer le clou de l’austérité, pour accélérer la casse des services publics, pour passer un cap en privatisant, par exemple, des éléments clés du secteur public.
D’entrée, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste entend afficher son désaccord total, son opposition totale à ce cadre contraint, à ce budget qui devient une figure imposée, selon des règles dogmatiques sur lesquelles nous, parlementaires, mais surtout nos concitoyens, n’avons pas de prise.
M. Macron a-t-il été élu pour plus d’austérité ? Pour la destruction du code du travail ? Pour la baisse des APL et l’asphyxie des collectivités territoriales et du secteur public ? Nous ne le pensons pas.
La motion tendant à opposer la question préalable que j’ai l’honneur de défendre aujourd’hui exprime ce rejet global et vous savez tous ici qu’elle n’abrégera pas notre discussion, puisque ses chances d’adoption, d’après mes informations, sont quasiment nulles.
Seul groupe d’opposition déclaré à la politique d’Emmanuel Macron, que l’éditorialiste d’un journal qui ne défend pas nos idées qualifia par le titre « Au bonheur des riches ! », nous utilisons cette procédure pour permettre à l’opposition de s’exprimer clairement et fortement.
Oui, notre groupe refuse cette loi de finances pour 2018, parce qu’elle inaugure, d’une certaine manière, un nouveau quinquennat de sacrifices et de souffrances pour nos concitoyens sans que cela se traduise en plus par une amélioration durable des comptes publics et de la situation économique et sociale.
Cela fait tellement d’années que le chantage est ainsi pratiqué à l’endroit de nos concitoyens qu’il en devient presque indécent de rappeler les contours de cette logique et de ces politiques d’austérité qui ont tant nui à la situation !
Ce projet de loi de finances s’inscrit dans un système idéologique qui, comme je l’ai indiqué, perdure depuis des années.
Mais, mes chers collègues, où vivons-nous ?
Avez-vous oublié que cela fait plus de trente ans que les salariés de ce pays goûtent aux délices de la flexibilité de l’emploi, avec une bonne trentaine de types de contrat de travail existant sur le marché ?
Cela fait plus de trente ans que, sensibles aux sirènes du MEDEF et, à l’époque d’Yvon Gattaz, président du Conseil national du patronat français, le CNPF, les gouvernants successifs ont estimé qu’il était temps de réduire les cotisations sociales, « d’alléger les charges », selon le discours convenu, pour créer de l’emploi.
Nous en connaissons le résultat.
Trente ans après les premiers textes de la loi sur la flexibilité, nous offrons à 6 millions de nos compatriotes l’insécurité de périodes de chômage entrecoupées de petits boulots, de contrats à durée déterminée et autres missions d’intérim !
La transformation prochaine du CICE en allégement pérenne de cotisations sociales – élément du salaire sans cesse réduit depuis quelques années déjà – devrait conduire le SMIC français aux alentours du SMIC de certains pays de l’Est européen, cotisations comprises ! Quel progrès ! Quelle avancée !
Ces cadeaux au patronat, offerts par dizaines de milliards, sans le moindre résultat en matière de politique industrielle et d’emploi doivent cesser.
La flexibilité de l’emploi sur la durée est l’une des causes des maux dont souffre notre économie du point de vue de la compétitivité. Il faut le rappeler, le chômage coûte cher à la Nation, il épuise les comptes publics alors que le licenciement est une variable d’ajustement pour satisfaire des actionnaires.
Oui, nous ne pouvons pas parler de ce budget sans évoquer les choix économiques et sociaux. Ce qui plombe les finances publiques, c’est le maintien dans une économie de rigueur dont l’objet premier est le maintien de la rentabilité financière et la stabilité de l’État. Notre ambition est radicalement opposée. Pour nous, c’est l’humain d’abord et certainement pas le bonheur des riches !
La politique fiscale que vous proposez avec ce budget sert également les intérêts privés minoritaires. Des orateurs ne manqueront pas de relever les points saillants de ce texte, s’agissant de la réforme de la taxe d’habitation, de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, des portefeuilles financiers ou de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique.
Ce débat est fort éloigné de la situation des 9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté !
Mes chers collègues, puisque l’occasion nous en est offerte, comment ne pas pointer qu’il a suffi de l’examen d’un collectif budgétaire pour que nous remarquions qu’un peu plus de 300 grandes entreprises ou groupes généraient, ensemble, rien moins que 1 620 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 80 % du produit intérieur brut du pays, et s’acquittaient de 94 % de l’impôt sur les sociétés, soit un peu plus de 30 milliards d’euros ? Tout est dit ou presque dans ces deux chiffres : 1 620 milliards d’euros d’un côté et 30 milliards d’euros de l’autre.
Année après année, loi de finances après loi de finances, nous avons vu croître et embellir les allégements de fiscalité des entreprises ayant entraîné des pertes de recettes tant pour l’État que pour les collectivités locales, si bien qu’il est possible de penser que la matrice de nos déficits d’aujourd’hui se trouve là.
Et que fait le Gouvernement, si déterminé à réformer la France ? Eh bien, il continue, et même il prolonge et aggrave les travers du passé !
En valeur brute, l’impôt sur les sociétés, ce sont 57 milliards d’euros. Cette somme doit être comparée à l’excédent brut d’exploitation des entreprises, c’est-à-dire à leurs profits bruts, qui sont évalués à 665 milliards d’euros.
Et dire qu’il y a encore des gens pour affirmer que l’économie manque de fonds pour investir ! Ces 57 milliards d’euros ne seront plus que 28,5 milliards à l’arrivée… Nous avons aujourd’hui un impôt sur les sociétés qui pèse, au regard du PIB, ce que pèse l’impôt sur les sociétés perçu par le gouvernement de la République d’Irlande !
Nous connaissons effectivement nombre de chefs d’entreprise, de PME pour tout dire, qui expriment un ressenti assez nettement différent. Je les comprends. Ce n’est pas pour eux que l’on a baissé, par exemple, le taux de l’impôt sur les sociétés. C’est d’abord et avant tout pour que la France devienne, ce qu’elle est devenue en réalité, un paradis fiscal pour les grands groupes à vocation transnationale…
M. Philippe Dallier. Ça, il fallait oser !
Mme Éliane Assassi. … où le gaspillage du capital ira de pair avec les plans sociaux.
Je dirai quelques mots du cadre d’incitation à l’investissement des fameux « premiers de cordée » cités par le Président de la République.
Les Bernard Arnault, aux châteaux juridiquement déplacés, les Marc Ladreit de Lacharrière, généreux mécènes faisant quelques affaires avec les émirats du Golfe, les Patrick Drahi, riches des dettes que vont payer les 5 000 suppressions d’emplois chez SFR… À leur sujet, comme pour d’autres, le temps me manque pour évoquer le scandale inouï de l’évasion fiscale, de ces 1 000 milliards d’euros détournés de l’économie réelle dans le monde pour la satisfaction d’une élite réduite à quelques centaines de personnes.
Il faut dénoncer, oui. Mais maintenant, il faut arranger la loi, rendre illégale l’optimisation fiscale et sanctionner.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Il faut remettre les banques au service de l’intérêt général. Comme le propose mon collègue et ami Éric Bocquet, il faut réunir d’urgence une COP sur l’évasion fiscale, car c’est là un problème planétaire.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Posons la question préalable, là encore.
Voici des gens – le grand patronat, les riches – qui ont bénéficié de la baisse du taux marginal de l’impôt sur le revenu, qui vont tirer parti de la suppression de l’ISF et qui ont su, en leur temps, profiter de la réforme des donations.
Voici des gens qui vont, sans effort excessif, récupérer en 2018 des sommes considérables, sans commune mesure avec l’aumône publique de la baisse de la taxe d’habitation pour les contribuables modestes et moyens, laquelle fait vaciller les collectivités territoriales. Ces dernières sont pourtant au cœur du service public et de l’investissement public.
En cette semaine du congrès des maires, il faut entendre l’alerte envoyée par l’appel de Grigny. Sacrifier les collectivités territoriales, c’est briser le pacte républicain. Avec d’autres, de tous horizons, nous ne laisserons pas faire !
Mes chers collègues, nous ne suivrons pas Emmanuel Macron et le gouvernement d’Édouard Philippe dans le pari sur l’avenir qu’ils viennent d’engager avec ce premier exercice budgétaire. Cadeaux fiscaux consistants, mais incertains en termes d’effets sur l’activité, baisse de la dépense publique, aggravation de la condition des fonctionnaires, absence de réponse aux urgences de la situation sociale du pays, attaques sans précédent contre les collectivités territoriales : tout cela ne peut que justifier l’adoption de la question préalable que nous soumettons à votre vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Personne ne demande la parole contre la motion ?…
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Éliane Assassi. Argument suprême !
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. … nous sommes donc hostiles à cette motion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. J’approuve tout à fait l’avis exprimé par notre rapporteur général par intérim. Je suis simplement étonné qu’il n’ait pas dit la même chose l’année dernière… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme Annie Guillemot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Bien entendu, les élus du groupe La République En Marche voteront contre cette motion tendant à opposer la question préalable.
Tout d’abord, nous devons respecter le débat parlementaire : dans notre démocratie, il est nécessaire que les différents groupes politiques puissent s’exprimer.
Ensuite, il est opportun que les Françaises et les Français observent la position de ceux qui tiennent un double langage, qui souhaitent peut-être que la France échoue et, surtout, qui n’ont pas su mener les réformes dont notre pays a besoin.
Ce projet de loi de finances, que nous allons étudier, est un budget de transformation. Pour la première fois depuis longtemps, il baisse la fiscalité pesant sur les ménages et sur les entreprises. Il va restituer du pouvoir d’achat à beaucoup de Français : je pense notamment à la réforme de la taxe d’habitation.
Nous aurons le temps, en séance publique, d’évoquer les nombreuses autres transformations assurées par ce budget.
Mes chers collègues, je vous invite à rejeter cette motion !
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Mes chers collègues, après avoir écouté l’argumentaire développé par Mme Assassi, les membres du groupe Union Centriste s’opposeront, eux aussi, à cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-358, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances pour 2018.
Je rappelle également que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 29 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 14 |
Contre | 329 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mme Éliane Assassi. Quelle surprise ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. En effet ! (Nouveaux sourires.)
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Julien Bargeton. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, avant tout, permettez-moi de souhaiter un bon rétablissement à Albéric de Montgolfier.
Le texte qui va occuper nos heures et nos journées n’est pas anodin ; mais un projet de loi de finances ne l’est jamais vraiment.
Ce projet de loi de finances s’inscrit dans un contexte européen singulier, qui a de quoi déconcerter : le Brexit qui, comme tous les divorces, n’est pas un moment heureux pour le projet européen, les tensions en Espagne, les incertitudes sur l’avenir budgétaire de l’Italie et, désormais, une crise politique inédite en Allemagne, faute de majorité claire au Bundestag.
Nous n’avons aucune raison de nous réjouir de cette situation, mais nous devons la garder à l’esprit lors de nos débats à venir.
Notre pays, longtemps décrit comme frappé de « fièvre hexagonale » du fait de son instabilité institutionnelle et politique, est à présent un îlot de stabilité sur un continent secoué par les frissons. En effet, l’espoir né de l’élection du Président de la République ne s’arrête pas à nos frontières, et nous avons collectivement l’opportunité de contribuer au retour de la France en Europe. À cet égard, l’avis de la Commission européenne nous pousse à agir, mais pas dans le sens d’une aggravation des déficits.
Nous aurons des débats, parfois techniques, mais cette chance historique est un aiguillon.
La stabilité politique n’est pas synonyme d’inertie. Elle est au contraire une invitation à une transformation profonde de nos politiques publiques et de notre système fiscal.
À présent, nous devons agir à partir d’un diagnostic lucide sur l’état de nos comptes publics, ce qui a été fait par le Gouvernement dès le mois de juillet, sur les freins qui entravent le financement de notre économie, avec un regard critique sur les résultats qui sont en deçà des attentes quotidiennes de nos concitoyens : la politique de l’emploi et la politique du logement.
C’est véritablement le bon moment pour agir. Les signes d’affermissement de la reprise de la croissance sont bien documentés par l’INSEE. Il s’agit de tirer parti de ce contexte économique favorable pour réduire durablement les prélèvements obligatoires et réduire tout aussi durablement certaines dépenses publiques devenues inefficientes.
Cela étant, la dépense publique n’est pas par nature mauvaise. Il n’est d’ailleurs pas rare que ceux qui réclament la réduction de la fiscalité en première partie soient les mêmes qui s’opposent aux mesures d’économies en seconde partie.
M. Julien Bargeton. À titre indicatif, je rappelle que la dépense publique entre 2002 et 2008 avait progressé en volume de 2,1 % par an, et que le Gouvernement s’est engagé, avec la trajectoire pluriannuelle des finances publiques, à un ralentissement inédit de la dépense à hauteur de 0,4 % par an entre 2018 et 2022.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, entendons-nous bien sur la notion d’économies. À l’Assemblée nationale, les élus du groupe Les Républicains ont déjà aggravé de 10 milliards d’euros le déficit public en première partie. De votre côté, vous avez creusé le déficit public de 7 milliards d’euros au terme de l’examen du PLFSS au Sénat, et de 5 milliards d’euros au titre du projet de loi de finances rectificative. Je ne doute pas de votre volonté – l’amendement de suppression de l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, en est déjà un premier témoignage – de faire de même au cours de ce débat.
La semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2017, relatif à la taxe sur les dividendes, vous nous avez proposé d’utiliser le surcroît de recettes pour régler ce contentieux. Nous ne vous avons pas entendus, mais peut-être était-ce à cause de la fatigue, défendre une réduction de la dépense publique à ce moment-là. « Étonnant, non ? », pour citer Pierre Desproges, que M. le ministre de l’action et des comptes publics affectionne.
M. Julien Bargeton. Je doute que cette attitude soit à la hauteur des enjeux du moment.
Il est vrai que le moment est un peu long. Âgé de 44 ans, je n’ai vécu que deux ans dans un pays avec des comptes publics en excédent, car depuis 1975 nous sommes systématiquement dans le rouge. C’est dire !
Ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes collectivement assis. Le Sénat – et je le regrette – n’est plus une évidence pour nos concitoyens, et nous devons être capables de leur redonner confiance en l’action publique. Je conçois que telle ou telle formation politique puisse avoir son agenda interne. Mais ne donnons pas une image caricaturale : notre assemblée, ce budget et, surtout, nos concitoyens méritent mieux.
La première partie, que nous allons examiner, porte sur la fiscalité, et je souhaite m’y attarder un peu.
La stratégie fiscale du Gouvernement passe d’abord par un allégement de la fiscalité pesant sur les ménages. Le principal, mais non unique levier de cette politique est l’exonération de taxe d’habitation pour 80 % des foyers à l’horizon 2020.
La commission des finances a fait le choix, que je n’approuve pas, d’ajourner ce gain de pouvoir d’achat,…
M. Philippe Dallier. Mais c’est une mesure inconstitutionnelle, tout le monde le sait !
M. Julien Bargeton. … qui profitera en priorité aux classes moyennes. Nous aurons, je pense, l’occasion d’y revenir au cours de nos débats, et je ne trahis pas un secret en disant que le chef de l’État abordera ce sujet cette après-midi.
Les membres du groupe La République En Marche souhaitent être partie prenante et force de proposition des initiatives sénatoriales visant à transformer notre fiscalité locale, difficile à piloter pour les élus et incompréhensible pour à peu près tout le monde.
L’exigence de transformation se traduit également dans les mesures relatives à la fiscalité du capital. C’est le cas du prélèvement forfaitaire unique.
L’objectif de cette mesure n’est pas, comme on l’a beaucoup entendu, de faire un cadeau aux Français les plus aisés,…
M. Claude Raynal. C’en est pourtant la conséquence !
M. Julien Bargeton. … mais de faciliter le financement des entreprises.
C’est le même souci qui anime la réforme très commentée de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, laquelle est devenue un totem pour les deux côtés de l’hémicycle. Les uns y voient un moyen de contenir les inégalités de patrimoine, en oubliant au passage que nous sommes en économie ouverte ; les autres souhaitent la suppression totale de l’ISF.
L’ISF est un impôt épouvantail qui n’est pas un atout, dans un contexte de compétitivité internationale. En revanche, l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, est justifié, car l’investissement immobilier au-delà de la résidence principale, reconnaissons-le, n’est pas celui qui contribue le plus à l’économie de la connaissance et de l’innovation, que le Gouvernement souhaite consolider.
Je suis également satisfait de voir que ce budget comporte des mesures fiscales attendues par les entreprises. Nous aurons l’occasion d’en parler lors de l’examen des articles non rattachés.
M. Julien Bargeton. Je pense notamment aux mesures relatives à l’impôt sur les sociétés. S’y ajoute la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en allégements de charges à l’horizon 2019.
Quelques jours après la désignation de notre capitale comme destination de l’Agence bancaire européenne, la suppression de la tranche additionnelle de 20 % de taxe sur les salaires tire, de façon positive, les conséquences que le Brexit entraîne pour la place financière de Paris.
Sur ce point, mon intervention ne peut être exhaustive. Je rappellerai simplement que la politique fiscale n’est pas un jeu de Meccano.
En décidant de supprimer la hausse de la CSG, la majorité sénatoriale a déstabilisé l’ensemble de l’édifice, car si les textes sont distincts, la stratégie fiscale est cohérente. Il est très facile de se faire le défenseur des retraités en omettant de dire non seulement que l’exonération de taxe d’habitation leur profitera, mais aussi que la hausse de la TVA, que certains proposent, frapperait tous les retraités, y compris ceux qui ne sont pas concernés par la hausse de la CSG.
Telle n’est pas notre philosophie de l’action. Clarté des choix fiscaux, crédibilité des hypothèses retenues, contrôle des deniers publics : les élus du groupe La République En Marche ont toutes les raisons de soutenir le projet de loi de finances issu des travaux de l’Assemblée nationale, car il réconcilie l’eau et le feu (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.),…
M. Philippe Dallier. C’est beau comme l’antique, mais c’est too much !
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Le rouge et le noir, le yin et le yang…
M. Julien Bargeton. … l’eau et le feu de la politique fiscale française des vingt dernières années, la solidité de notre économie et la solidarité entre les citoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, permettez-moi de saluer à mon tour, très amicalement, M. le rapporteur général.
Nous entamons aujourd’hui l’examen du premier projet de loi de finances élaboré par ce nouveau gouvernement.
Il s’agit évidemment de donner à l’État un budget pour l’année prochaine. Mais, bien au-delà, ce premier projet de loi de finances fixe clairement les lignes directrices pour le quinquennat qui s’ouvre.
Messieurs les ministres, vous venez d’entrer dans la maison France : aussi pensons-nous qu’il eût été fort utile de procéder à un état des lieux exhaustif de notre société et de la République. Liberté, égalité, fraternité : aujourd’hui, cette magnifique devise est bien souvent remise en cause par la réalité de la vie quotidienne vécue par une très grande majorité de nos concitoyens.
Cet état des lieux eût été facile à établir, compte tenu des nombreux documents disponibles pour ce faire. Je pense aux rapports récents d’organisations non gouvernementales comme OXFAM, le Secours populaire français ou, plus récemment encore, le Secours catholique. Ces organisations sont unanimes, malheureusement, pour relater le constat qu’elles ont pu établir.
Vous nous rétorquerez peut-être, comme d’autres le firent avant vous, que nous ne sommes plus à l’époque de Zola. Certes, et c’est bien là que le bât blesse ! Les données pour 2017 sont absolument effarantes pour un pays comme le nôtre, qui, à ce jour, est encore la sixième puissance du monde.
Nous ne pouvons pas faire l’économie de quelques chiffres. En 2016, les 10 % des Français les plus riches détiennent 56 % des richesses, quand les 50 % les plus pauvres se partagent 5 % de l’ensemble. Plus d’un tiers des Français a « expérimenté » la pauvreté. Le seuil de pauvreté perçu est à un niveau toujours plus élevé, 1 015 euros, et se rapproche dangereusement du niveau du salaire minimum, qui s’établit aujourd’hui à 1 140 euros.
Cette pauvreté qui prend racine dans notre pays a évidemment des conséquences concrètes dans la vie de nos concitoyens : 20 % d’entre eux déclarent avoir renoncé à des soins dentaires du fait de leur coût, 12 % à l’achat de lunettes et 16 % à une consultation chez un médecin spécialiste.
Le concept d’égalité, disais-je en préambule, est quelque peu mis à mal dans notre République : lorsqu’on porte le regard vers le haut de la pyramide, vers les « premiers de cordée », on se dit qu’il y a effectivement quelque argent en ce bas monde.
Un magazine économique aux feuilles de papier glacé publie chaque année, en juillet, un numéro spécial nous présentant le palmarès des 500 premières fortunes de France. Il suffira ici de citer un extrait de l’éditorial du numéro de cette année : « Le constat saute aux yeux, à voir l’évolution du classement des 500 fortunes professionnelles depuis [la] première édition [du magazine] en 1996, le patrimoine des ultra-riches en France a considérablement progressé depuis deux décennies. Les chiffres attestant de leur prospérité impressionnent. Le nombre des milliardaires a explosé, de 11 à 92, et, au total, la valeur des 500 fortunes est passée de 80 à 570 milliards, multipliée par sept. »
En janvier 2015, le ministre Emmanuel Macron conseillait aux jeunes Français d’avoir envie de devenir milliardaires.
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Millionnaire, ça suffit ! (Sourires.)
M. Éric Bocquet. Au regard de ces chiffres, l’opération risque, me semble-t-il, de prendre un certain temps…
Nous pourrions également citer, à titre d’exemple, le cas des 3 250 ménages les plus riches de France qui ont transféré 140 milliards d’euros dans les paradis fiscaux de par le monde. C’est l’occasion de rappeler ici le scandale de l’évasion fiscale.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Éric Bocquet. Ce dernier est régulièrement révélé de manière spectaculaire dans les médias. Puis, quand le tumulte médiatique s’apaise au bout de quelques jours, le silence se fait, et le scandale continue.
Mes chers collègues, rappelons-le sans cesse, la République perd chaque année entre 60 milliards d’euros et 80 milliards d’euros : c’est l’équivalent du déficit que vous vous apprêtez à voter.
Mes chers collègues, ce combat doit nous rassembler au-delà de nos sensibilités propres, et il doit être mené sans faiblesse, sans compromission. C’est la mère des batailles, au nom de la République et de la démocratie !
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Éric Bocquet. Messieurs les ministres, nous ne pensons pas que votre budget soit la bonne réponse au constat que nous venons d’évoquer.
Nous constatons d’abord qu’il s’inscrit dans la lignée des budgets antérieurs – Éliane Assassi l’a rappelé –, enserré dans les carcans que vous vous êtes donnés, après la révision générale des politiques publiques, la RGPP, la modernisation de l’action publique, la MAP, ou encore le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Le dogme de la réduction de la dépense publique a encore été réaffirmé ce matin : comme si celle-ci était nuisible par nature, comme si elle ne contribuait pas, elle aussi, à la croissance et au développement ! Aussi cette continuité se traduit-elle dans vos choix budgétaires.
Nous détaillerons notre propos au cours des jours à venir dans cet hémicycle. Aujourd’hui, nous nous contenterons d’évoquer trois mesures fortes de votre projet, au premier rang desquelles la suppression de la taxe d’habitation.
Le fait de commencer par cette question en cette Haute Assemblée a bien sûr un sens très particulier.
Le sujet a été abondamment débattu lors de la récente campagne des élections sénatoriales, et pour cause, il suscite toujours beaucoup d’inquiétude chez les maires et les élus locaux.
Il y avait certainement une réforme à mener en matière d’impôts locaux : cela ne fait aucun doute. Mais elle ne doit évidemment pas éluder le sujet épineux de la valeur locative.
À nos yeux, cette annonce est démagogique. Qu’en sera-t-il demain de la taxe foncière ? Nos concitoyens auront-ils à subir en conséquence des hausses des taxes locales et des tarifs des services publics locaux ? Cette suppression signifie aussi que, à terme, 20 % des contribuables se retrouveront seuls à payer.
Certes, on évoque les compensations par l’État, mais les élus locaux conservent en mémoire la décision de suppression brutale, unilatérale, de la taxe professionnelle, prise il y a quelques années. Cette suppression devait, elle aussi, être compensée à l’euro près : vous le savez, tel ne fut pas le cas. Le compte n’y est pas.
Que se passera-t-il après 2018 ? Les communes seront privées, à terme, de 10 milliards d’euros de ressources. Or, chacun le sait ici, la taxe d’habitation représente environ 35 % de leurs rentrées fiscales. Ces préoccupations se sont largement exprimées cette semaine dans les travées du congrès des maires de France.
Messieurs les ministres, les collectivités territoriales représentent encore plus de 70 % de l’investissement public dans ce pays et seulement 9 % de la dette globale de la France. Nous vous suggérons de les solliciter comme un levier de sortie de crise et non comme une variable d’ajustement budgétaire.
Enfin, cette mesure est combattue par nombre de personnes, car elle est contraire à l’article 72 de la Constitution, qui sanctuarise le principe de la libre administration des collectivités territoriales en leur garantissant leur autonomie financière.
Oui, il faut une réforme de la fiscalité locale, mais une réforme globale et en concertation. Pour ces raisons, nous proposerons la suppression de l’article 3.
J’en viens à l’article 11, qui met en place le prélèvement forfaitaire unique, ou PFU. Là encore, point de nouveauté : cette disposition figurait par exemple dans les propositions de M. Fillon, candidat du parti Les Républicains lors de la dernière élection présidentielle.
Cette taxation unique à 30 % a pour première conséquence de revenir sur le principe de progressivité de la fiscalité, en vigueur jusqu’à présent. Ainsi, il n’y aura plus de variation en fonction des revenus. Comme tout impôt à taux unique, le PFU sera donc inégalitaire et profitera aux plus aisés.
Cette taxe a deux sources, un taux de cotisations sociales de 17,2 % et un taux forfaitaire d’impôt sur le revenu de 12,8 %. À terme, ce dispositif peut donc susciter une forme d’optimisation fiscale, car les revenus du capital seront moins taxés. En conséquence, il s’agit d’une véritable bombe à retardement pour les finances publiques. Le PFU transformera durablement une fiscalité déjà favorable aux plus aisés en une grande machine à redistribuer à l’envers.
Quant à l’article 12, il supprime l’ISF et met en place l’IFI.
Je relève déjà que, symboliquement, le mot « solidarité » disparaît : dans le contexte d’inégalités aggravées que j’ai précédemment évoqué, ce choix prend un sens très particulier. Ni Jacques Chirac ni Nicolas Sarkozy n’avaient osé toucher à l’ISF : M. Macron le fait.
Selon nous, ce n’est pas en supprimant un impôt socialement juste, ce n’est pas en cédant à une « lubie » du MEDEF, comme le disait lui-même Emmanuel Macron en 2014, que la France deviendra plus attractive. Mais, autres temps, autres mœurs !
Notre gouvernement propose de transformer l’ISF en IFI en sortant de l’assiette de l’ISF les valeurs mobilières, détentions d’actions, d’entreprises, d’obligations, de plans d’épargne en actions, ou PEA, d’assurances vie, etc. Le but est de diriger l’épargne vers les investissements productifs et, nous dit-on, de dynamiser l’économie. La perte de ressources pour l’État est estimée à 3,2 milliards d’euros par an.
L’effet combiné de cet impôt sur la fortune immobilière et du prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes sera absolument hallucinant pour les bénéficiaires de ces dispositifs.
Messieurs les ministres, je m’en réfère à la réponse faite par vos services au courrier que vous a adressé le président de notre commission des finances, Vincent Éblé, le 26 octobre dernier. Le président de la commission vous interrogeait quant aux conséquences de la mise en œuvre et de l’IFI et du PFU. Les éléments de réponse sont tout à fait édifiants. Nous en citerons quelques-uns.
Avec le PFU, les 100 premiers contribuables à l’ISF gagneront chacun, en moyenne, 582 380 euros par an.
Pour les 1 000 premiers contribuables, le gain moyen lié au PFU s’élèvera à 172 220 euros par an. Le bénéfice lié à la mise en place du PFU apparaît ainsi extrêmement concentré : 44 % du gain total est capté par le 1 % des ménages dont le revenu est le plus élevé. Cerise sur le gâteau, dernier élément d’analyse, pour les 100 premiers contribuables à l’ISF, le gain total lié aux deux réformes peut être estimé à environ 1,5 million d’euros par an, soit un montant supérieur à l’ISF qu’ils acquittaient jusqu’à présent !
C’est aussi un symbole sidérant que la sortie des yachts et autres lingots d’or de l’assiette de l’impôt.
Messieurs les ministres, vous allez bientôt ressembler à Don Salluste dans La Folie des grandeurs !
M. Gérald Darmanin, ministre. « Et mes acclamations ? Mon enthousiasme ? » (Sourires sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains.)
M. Éric Bocquet. Pour illustrer concrètement les effets de notre proposition, citons le cas d’un PDG du CAC 40. Cette personne, qui a souhaité garder l’anonymat, détient un bien immobilier de 1,5 million d’euros et 15 millions d’euros de valeurs mobilières diverses. L’ISF actuel lui vaudrait une contribution de 195 700 euros ; avec l’IFI, elle paiera la somme de 3 900 euros.
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Éric Bocquet. M. le Président de la République aura du mal à se débarrasser, pendant ce quinquennat, du sparadrap du Président des riches, version 2 !
Enfin, je dirai un mot de l’article 15, qui réduit l’assiette de la taxe sur les transactions financières.
Par ce projet de loi de finances, le Gouvernement propose de revenir sur l’une des mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2017 : l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les transactions financières française aux opérations dites « intraday ». Ces opérations dénouées au cours d’une même journée sont considérées comme les plus spéculatives.
Cette extension du champ de la taxe sur les transactions financières avait été obtenue de haute lutte, après cinq années d’âpres débats dans l’hémicycle. Elle est censée entrer en vigueur au 1er janvier 2018 et contribuer à l’amélioration du rendement de ladite taxe : de 1 milliard d’euros environ actuellement, celui-ci atteindrait, après l’élargissement aux opérations « intra-day », entre 2 et 4 milliards d’euros.
Chacun se souvient aussi que, en juin dernier, la Cour des comptes a publié un rapport à charge tirant à boulets rouges sur la taxe sur les transactions financières et sur l’éventuelle extension de celle-ci. Sans doute convient-il de rappeler ici que ce sont bien les élus, dans cette République, qui fixent les règles et lèvent l’impôt pour financer l’intérêt général.
On comprend bien le sens de ce signal fort adressé à l’industrie financière européenne, notamment après le Brexit : rendre la place financière de Paris plus attractive – pour les financiers.
Vous nous expliquez, monsieur le ministre, qu’il faut encourager ceux qui prennent des risques et libérer la fortune d’un excès de taxes pour orienter les capitaux vers l’économie réelle.
D’illustres de vos prédécesseurs, en France et ailleurs, ont puisé aux mêmes sources du néolibéralisme. Pensons à Mme Thatcher, qui, dès les années 1980, tenait le même discours, dans les mêmes termes exactement, au sujet de la célèbre théorie du ruissellement que vous nous vendez aujourd’hui, devenue théorie des « premiers de cordée » dans sa version 2017. Premiers de cordée dont on apprend que beaucoup transfèrent leur richesse sous des cieux fiscaux plus cléments, aux Bermudes, à Jersey ou à l’île de Man – pas pour investir, mais pour fuir l’impôt…
Cette théorie du ruissellement n’a jamais fait la preuve de son efficacité. En effet, alors que la distribution des dividendes tend à diminuer partout dans le monde, la France reste championne d’Europe dans ce domaine.
Vous avez raison quand vous exprimez le souhait d’orienter l’argent vers l’économie réelle ; mais votre méthode ne répond pas du tout à cet objectif. Chacun sait pertinemment que moins de 2 % des transactions financières dans le monde ont un lien avec l’économie réelle !
Ce projet de loi de finances aurait dû être l’occasion de s’attaquer frontalement à la question criante des inégalités, au nécessaire renforcement des services publics et à la domination insolente des marchés financiers dans l’économie. Ce n’est pas le chemin que vous avez choisi.
Vos premières mesures montrent déjà leur nocivité. Songeons à la grande inquiétude des élus locaux à la suite des annonces de cet été sur les collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, votre budget va aggraver les inégalités. Allez-vous, demain, appliquer la double peine aux plus démunis ? Allez-vous persister dans vos choix généreux à l’endroit des plus aisés ?
L’état des lieux présenté au début de notre intervention n’étant pas pris en compte, vous comprendrez que le groupe CRCE ne puisse pas apporter son soutien à votre projet de loi de finances pour 2018 ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, au moment où s’ouvre dans notre assemblée le débat sur le projet de loi de finances pour 2018, je rappellerai la ligne qui sous-tendra l’action de l’Union Centriste et qui guidera nos choix, en toute indépendance – j’y insiste –, lors de l’examen de ce texte comme dans les prochaines années.
Cette ligne repose sur deux idées simples.
Premièrement, nous devons enfin donner un coup d’arrêt à cette sorte de fuite en avant qui nous conduit à accroître sans cesse l’endettement de notre pays : près de 2 200 milliards d’euros…
Au-delà même de nos engagements européens, au-delà même de la crédibilité de la France au sein de l’Union européenne et dans le monde, il s’agit d’abord de la responsabilité que nous portons devant les générations qui viennent. (M. Jean-François Longeot acquiesce.) Comment pouvons-nous accepter de continuer à accroître sans limite la dette que nous laisserons à ces nouvelles générations ?
Bien sûr, mettre fin à cette dérive appelle des décisions courageuses. Je pense que le moment est venu et que les conditions politiques et économiques peuvent être réunies pour prendre une telle orientation de façon durable. Ces décisions-là, nous les devons à nos enfants. Sachez, monsieur le ministre, que nous serons toujours à vos côtés pour les soutenir.
M. Bernard Delcros. Deuxièmement, la réduction de nos déficits et de notre endettement ne doit en aucun cas avoir pour corollaire d’aggraver la fracture sociale et la fracture territoriale de notre pays, de pénaliser davantage encore les plus fragiles de nos concitoyens, les plus fragiles de nos territoires.
Le risque existe, nous le savons. Il est donc impératif d’accompagner cette politique budgétaire de mesures renforcées de solidarité. Cela s’appelle, tout simplement, l’équité sociale et territoriale. Nous le devons à nos concitoyens, nous le devons aux territoires de France.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris : redresser la situation financière de la France tout en veillant avec exigence à réduire les inégalités, telles sont nos priorités ; telle est la ligne de crête le long de laquelle nous souhaitons vous accompagner.
Notre collègue Michel Canevet évoquera les grands équilibres de ce budget et les données macroéconomiques. Pour ma part, je traiterai plus précisément des collectivités territoriales.
Je commencerai par la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Le candidat s’y était engagé, le président honore cet engagement. Tenir les engagements doit devenir une constante, si l’on veut réussir à réconcilier nos concitoyens avec l’action publique.
Sur le fond, nous sommes favorables à un allégement des charges qui pèsent sur les familles les plus modestes, surtout dans un contexte de hausse de la CSG. Je sais que, sur la suppression de la taxe d’habitation, les avis sont partagés. À titre tout à fait personnel, je suis favorable à la suppression de cette taxe qui pénalise plus particulièrement les habitants des territoires les moins peuplés.
Pour autant, deux questions se posent. D’abord, comment peut-on imaginer maintenir durablement cette taxe pour 20 % des ménages, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’elle est profondément injuste ?
M. Gérard Longuet, au nom de la commission des finances. Eh oui !
M. Bernard Delcros. Ensuite, cette mesure ne doit en aucun cas se traduire par une perte de recettes pour les collectivités territoriales, non plus que par une dégradation de leur autonomie fiscale.
Vous avez pris en compte la réalité de ce risque et l’inquiétude des élus locaux. Vous y avez répondu, d’une part, par un dispositif de dégrèvement et, d’autre part, par la possibilité pour les collectivités territoriales d’augmenter leur taux. C’est une réponse concrète et positive, jusqu’en 2020 ; mais, au-delà, le choix du dégrèvement n’apporte pas suffisamment de garanties aux élus.
Dès lors, monsieur le ministre, cette mesure ne doit-elle pas amorcer une réforme plus globale de la fiscalité locale ? Dans cette hypothèse, seriez-vous disposé à engager une concertation avec le Sénat, représentant des territoires et des collectivités territoriales, notamment via sa commission des finances, avec deux objectifs : rendre la fiscalité locale plus juste et garantir l’autonomie fiscale des collectivités territoriales dans la durée ?
Sur la question des dotations, je le dis comme je le pense : les collectivités territoriales ne pouvaient pas être absentes de l’effort national de redressement des comptes publics. À dire vrai, elles y ont largement contribué, puisque, au terme de ces dernières années, le montant annuel de leur dotation globale de fonctionnement accuse une baisse de près de 11 milliards d’euros par an.
Désormais, il est impératif que les collectivités territoriales conservent leurs marges d’action. Pour 2018, vous nous proposez un pacte global et cohérent : fin de la baisse de la dotation globale de fonctionnement, création d’une ressource dynamique pour les régions par l’attribution à celles-ci d’une part de TVA et hausse de la péréquation verticale, accompagnée toutefois d’un élargissement de l’assiette des variables d’ajustement, qui intègre désormais la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du bloc communal, ce qui n’est évidemment pas sans incidence sur les dotations d’un certain nombre de collectivités territoriales.
Vous proposez en outre le maintien de la péréquation horizontale, avec un fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales stabilisé, ainsi que celui de la dotation de soutien à l’investissement local créée en 2016, qui subit toutefois une légère baisse cette année.
Enfin, vous proposez aux plus grosses collectivités territoriales un contrat visant à plafonner la hausse de leurs dépenses de fonctionnement. Il sera important que cette démarche contractuelle, que nous soutenons, tienne compte des situations financières de chacune des collectivités territoriales. Je pense en particulier à certains départements, qui doivent faire face à une hausse importante des allocations individuelles de solidarité, des dépenses subies sur lesquelles ils n’ont pas de prise.
Dans l’ensemble, monsieur le ministre, nous partageons les grandes lignes de vos orientations pour les collectivités, même si, sur plusieurs points, nous proposerons des modifications ou des adaptations.
Je veux revenir un instant sur les inquiétudes de nombre de nos élus, que nous saluons à l’occasion du congrès qui les réunit cette semaine. Je pense en particulier aux élus des plus petites communes. Ils ont besoin de visibilité sur la fin de leur mandat ; entre baisses de dotations ces dernières années, incertitudes sur l’avenir et discours ambiant, ils ont besoin d’y voir clair.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez les rassurer et leur donner de la visibilité, en leur garantissant le maintien de la dotation globale de fonctionnement sur la fin de leur mandat, c’est-à-dire les trois prochaines années.
Le texte dont nous commençons l’examen traduit une volonté de réforme que nous approuvons. Il introduit de nouvelles mesures que nous soutiendrons. En revanche, d’autres dispositions doivent être amendées, et certaines entièrement réexaminées, comme les dispositions touchant au logement, qui ne répondent pas aux enjeux de l’habitat, ne sont pas suffisamment équilibrées et, par ailleurs, pénalisent les territoires ruraux. Nous contribuerons donc activement au débat budgétaire qui s’ouvre.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que l’Union Centriste sera un partenaire exigeant et attentif à vos côtés, pour réussir à répondre aux enjeux de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-François Longeot. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous allons débattre du premier budget du quinquennat du Président de la République : c’est un moment politique fort, un moment de dialogue entre l’exécutif et la représentation nationale. Nous espérons qu’il sera l’occasion d’une discussion franche et pragmatique, avec un seul guide : l’intérêt général – et pas les postures.
Nous abordons un texte qui a déjà été abondamment commenté ; il a déjà fait l’objet de critiques, voire de caricatures et même d’annonces martiales de la part des uns et des autres.
Certains fustigent un « budget pour les riches », oubliant au passage où nous a menés la frénésie fiscale du précédent quinquennat.
Mme Éliane Assassi. Nous n’y sommes pour rien !
M. Emmanuel Capus. Comme si le régime de fiscalité punitive duquel nous sortons avait fait la preuve de son efficacité et de sa capacité à relancer la croissance !
Nous, nous saluons au contraire un budget équilibré, qui restaure en partie l’attractivité de notre pays, relance l’investissement dans l’économie réelle et rend du pouvoir d’achat à ceux qui en ont le plus besoin. Le prélèvement forfaitaire unique est en ce sens une bonne mesure, qui nous permet de nous rapprocher du niveau européen de prélèvement sur le capital.
D’autres critiquent la sincérité de ce projet de loi de finances, oubliant que nous sortons d’une ère d’insincérité et d’irresponsabilité budgétaires sans précédent, dont les conséquences, hélas, se font encore sentir aujourd’hui.
Mme Éliane Assassi. Nous n’y sommes pour rien non plus !
M. Emmanuel Capus. Nous, nous saluons au contraire un budget qui est probablement l’un des plus sincères depuis dix ans, tant dans ses hypothèses macroéconomiques que dans les évaluations des dotations budgétaires.
D’autres, enfin, se croient autorisés à donner des leçons de courage politique, oubliant au passage les renoncements du passé : à la tiédeur du pouvoir succède soudain le jusqu’au-boutisme de l’opposition…
Mme Éliane Assassi. Et vous, où étiez-vous ?
M. Emmanuel Capus. Nous, nous saluons au contraire un budget courageux, qui ose aborder de front les grandes questions fiscales et apporte des solutions, bien sûr imparfaites, à de vieux problèmes français.
Madame le président du groupe CRCE,…
Mme Éliane Assassi. « Madame la présidente », s’il vous plaît !
M. Emmanuel Capus. Madame la présidente du groupe CRCE, donc, je soulignais un fait sur lequel vous avez vous-même insisté : certains gouvernements de droite n’ont pas pris les mesures qui sont aujourd’hui proposées.
Mme Éliane Assassi. Mais vous-même, où étiez-vous ?
M. Emmanuel Capus. J’étais à Angers et je n’étais pas encore élu, ma chère collègue.
Nous voyons d’un bon œil la suppression des trois quarts de l’ISF, une mesure qu’aucun des gouvernements précédents n’a eu le courage de prendre depuis la création de cet impôt. Nous veillerons néanmoins à ce que le nouvel impôt sur la fortune immobilière remplisse bien sa mission, qui est la réorientation de l’épargne vers les investissements productifs, sans pénaliser à outrance l’investissement immobilier. (M. le ministre de l’économie et des finances acquiesce.)
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires estime ainsi que plusieurs mesures de ce projet de loi de finances vont dans le bon sens. Je voudrais néanmoins évoquer plusieurs points négatifs ou de vigilance, qui appelleront des propositions de notre part au cours des débats.
Premièrement, les efforts budgétaires consentis, qui sont réels, ne doivent pas nous tromper : le Gouvernement profite de la reprise pour passer sous silence un effort structurel faible et une hausse de la dépense publique qui demeure inquiétante. Les alertes récentes de la Commission européenne révèlent ainsi que la stratégie du Gouvernement de reporter les efforts sur la fin du quinquennat pourrait mettre en péril nos engagements européens.
Nous émettons des doutes sur la soutenabilité des objectifs annoncés et sur les moyens mis en œuvre pour les respecter. À cet égard, le plan Action publique 2022 apparaît modeste en comparaison des efforts que l’État devra consentir.
Nous sommes également préoccupés par le sort réservé aux collectivités territoriales dans ce budget. Les maires, que nous recevons cette semaine, notamment au Sénat, sont les piliers de la République ; avec les autres échelons locaux, ils contribuent à la vitalité de notre démocratie et à la qualité de nos services publics. Nous veillerons à ce que la refondation de la fiscalité locale, que nous savons tous nécessaire, ne se fasse pas au détriment de leur liberté ni de leur capacité d’action.
Dans cet esprit, nous ferons des propositions pour que la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages français ne se traduise pas par une perte d’autonomie financière pour les communes.
Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réforme d’ampleur des valeurs locatives, qui sont obsolètes et injustes. Mais il nous semble que l’on prend trop souvent ce serpent de mer comme prétexte à l’inaction. La mesure du Gouvernement, imparfaite et perfectible, a le mérite de poser les bonnes questions.
Là est peut-être le plus grand mérite de ce projet de loi de finances : il pose de vraies questions de société et prépare l’avenir, après de nombreuses années de faux-semblants, de renoncements ou de facilités. Dans ces conditions, un esprit d’opposition systématique pourrait nous faire manquer, collectivement, un rendez-vous avec la transformation du pays.
Pour cette raison, le groupe Les Indépendants – République et Territoires est prêt, messieurs les ministres, à travailler avec vous pour améliorer ce texte. Nous le ferons en responsabilité, mais sans complaisance, avec la volonté d’agir au service de l’intérêt national ! (MM. Claude Malhuret et Didier Rambaud applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à M. le rapporteur général.
Je ne tournerai pas autour du pot, le Marseillais que je suis ira droit au but… Ce projet de loi de finances est en opposition complète avec notre vision philosophique et politique de la société française !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est heureux !
Mme Éliane Assassi. Ça nous rassure !
M. Stéphane Ravier. Il s’inscrit dans la continuité de ce que vos prédécesseurs infligent à nos compatriotes depuis des décennies.
Tout d’abord, votre budget est résolument tourné vers les plus riches, abandonnant à leur sort les classes moyennes. Que les choses soient claires : je ne suis pas de ceux qui compartimentent et divisent les Français en les enfermant dans des cases ou dans des classes.
Mme Éliane Assassi. Vous faites pire que cela !
M. Stéphane Ravier. Je laisse à d’autres le soin de le faire ; je sais qu’ils sont nombreux à vouloir diviser les Français, y compris dans cet hémicycle.
Force est de constater que votre politique s’attaque aux classes moyennes, alors qu’elle caresse dans le sens du poil les grandes puissances financières ultralibérales, déconnectées et déracinées !
En remplaçant l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière, le Gouvernement fait la part belle aux placements financiers, au détriment de ceux qui détiennent un bien immobilier ou plusieurs. Cette volonté de privilégier la détention de valeurs boursières au détriment des biens immobiliers met à nouveau en lumière la philosophie politique d’Emmanuel Macron : partout, il faut détruire les attaches et les liens et s’en prendre à la France durable, qui est aussi la France des propriétaires. La finance n’est pas l’ennemie de l’Élysée ; elle ne l’a d’ailleurs jamais été…
Quitte à envisager une réforme de l’ISF, la formule la plus juste serait, à l’inverse, d’en exonérer la résidence principale, une mesure favorable aux contribuables assujettis à l’ISF essentiellement à cause de la valeur de leur patrimoine immobilier, fruit souvent d’un héritage familial ou d’une vie de labeur. Le maintien de ce patrimoine paraît vital pour notre pays à l’heure du grand déracinement !
C’est toujours la même philosophie qui vous anime lorsque vous instaurez un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les biens mobiliers, qui favorisera les plus aisés.
Vous choisissez non seulement de ne pas lutter contre l’immigration de masse,…
Mme Éliane Assassi. Nous y voilà ! Cela faisait longtemps !
M. Stéphane Ravier. … mais de la favoriser en augmentant le budget de l’aide médicale de l’État et celui alloué à l’accueil des migrants. M. Macron a beau communiquer, la réalité de votre budget annonce urbi et orbi que la France continuera à accueillir toute la misère du monde !
Vous choisissez toujours plus d’Union européenne, en augmentant de plus de 2 milliards d’euros la contribution de la France à ses institutions.
Vous étranglez toujours plus les collectivités territoriales, en supprimant la taxe d’habitation et en abaissant la dotation globale de fonctionnement.
Vous fermez les yeux sur les vrais problèmes qui polluent nos banlieues et nos quartiers : la politique d’immigration massive, l’insécurité, le communautarisme, la haine de la police et de tout ce qui peut représenter la France et l’État. Vous maintenez coûte que coûte une politique de la ville ruineuse, dont l’inefficacité a pourtant été maintes fois dénoncée par la Cour des comptes.
Pendant ce temps, les classes moyennes et les Français les plus modestes trinquent : augmentations du prix du diesel, du tabac et des péages des compagnies d’autoroutes auxquelles vous avez bradé notre réseau… Bientôt viendra le 1er janvier, avec ce que l’on ose encore appeler les « traditionnelles augmentations ».
Tout cela pour quel résultat ? Une Union européenne qui pourrit littéralement le quotidien de nos compatriotes avec des normes infernales !
Quant à l’armée, si son budget est annoncé comme sans précédent, il reste largement en deçà des besoins réels et urgents de nos forces pour mener à bien leurs missions.
À présent, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi une petite digression pour revenir sur un événement qui s’est produit la semaine dernière, lors de l’examen par notre assemblée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Après que j’eus présenté deux amendements visant respectivement à réserver les allocations familiales aux familles dont un parent au moins est Français et à supprimer ces allocations aux familles dont l’un des membres a été condamné pour terrorisme, notre collègue Alain Milon, membre du groupe Les Républicains, mais dont le cœur est En Marche, a pris la parole pour exprimer son étonnement et saisir la présidence. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Voici ce qu’a dit M. Milon : « Ces amendements écrits me semblent discriminatoires, et je me demande comment ils sont arrivés jusqu’ici. »
Mme Éliane Assassi. Il a eu raison !
M. Stéphane Ravier. Je tiens à condamner de la manière la plus ferme qui soit cet appel à la censure et à vous interpeller tous, mes chers collègues – même vous, madame Assassi – : qu’en est-il de la liberté d’expression ? Il est vrai, ma chère collègue, que ce n’est pas votre priorité…
Mme Éliane Assassi. Pour des propos racistes et discriminatoires, certainement pas !
M. Stéphane Ravier. Oui, qu’en est-il de la liberté d’expression dans ce pays, et plus particulièrement dans cet hémicycle ?
Souffrez qu’une voix discordante s’exprime et s’oppose dans ce lieu soi-disant de débat démocratique !
Mme Éliane Assassi. Et vous, respectez la loi !
M. Stéphane Ravier. On peut, on doit ne pas avoir la même opinion ; et chacun doit pouvoir exprimer la sienne sans être victime de la censure. Nous ne sommes pas encore à Pyongyang ou à La Havane, madame Assassi !
Souffrez que 11 millions d’électeurs s’expriment ici par mon intermédiaire, alors que, sur 925 parlementaires, députés et sénateurs confondus, 10 seulement représentent le Front national !
Pour conclure, j’en appelle à la raison et à l’honnêteté intellectuelle. Débattons argument contre argument, projet contre projet, projet de société contre projet de société : ce sont les Français, seuls souverains dans ce pays, qui décideront, pas un Fouquier-Tinville d’opérette ! (M. Philippe Dallier proteste.)
Face à la situation dans laquelle se trouve notre pays et à la guerre que le terrorisme islamiste lui a déclarée, nous estimons, au Front national, que la France doit retrouver sa place dans le concert des nations libres, que notre économie doit se tourner plus particulièrement vers les classes moyennes et les plus modestes et que la fracture entre nos métropoles et nos arrière-pays doit être réduite.
Ce projet de loi de finances est mauvais ; nous le pensons, nous le disons, si toutefois M. Milon et Mme Assassi le permettent ! (Mme Claudine Kauffmann applaudit.)
M. Philippe Dallier. On n’attaque pas les gens en leur absence !
M. Stéphane Ravier. Je n’y peux rien s’ils sont absents !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur Longuet, qui remplacez notre rapporteur général - j’ai une pensée pour lui en cet instant -, mes chers collègues, nous débutons l’examen du projet de loi de finances pour 2018 dans un contexte d’embellie économique, qui marque un changement par rapport à ces dernières années de croissance atone, en particulier entre 2012 et 2013.
C’est, à l’évidence, une bonne nouvelle, qui permet au Gouvernement de fonder son budget sur des hypothèses de croissance réalistes, contrairement, là aussi, à ce que nous avons connu au cours des derniers exercices budgétaires.
Vous vous offrez même le luxe – si je puis dire – de rester sur la prévision de 1,7 % de progression du PIB, au lieu des 1,8 % finalement attendus ; c’est une décision de sagesse comme on les aime au Sénat. Le Haut Conseil des finances publiques relève aussi un scénario gouvernemental « prudent pour 2017 et raisonnable pour 2018 ».
Pour ma part, je salue cet effort de sincérité budgétaire, car nous ne sommes pas à l’abri d’un aléa ; nous le voyons malheureusement avec le fiasco de la taxe de 3 % sur les dividendes.
Si la France profite de la bonne santé de la zone euro, on peut reconnaître aussi que certaines des mesures du précédent quinquennat portent leurs fruits. Je citerai le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui, malgré ses défauts, a permis aux entreprises de reconstituer leurs marges et de reprendre leurs investissements.
Dans ces conditions, que peut-on attendre du budget de l’État ? De l’audace, de la justice et de l’efficacité sans doute.
L’audace, tout d’abord. De ce point de vue, je constate qu’il n’y a clairement rien de révolutionnaire dans le premier projet de loi de finances de la majorité actuelle. On y retrouve des recettes anciennes consistant à aménager, toiletter ou raboter, ce qui conduit à une maîtrise des dépenses encore insuffisante. En effet, si l’on peut se féliciter du retour du déficit sous la barre des 3 % à terme, l’ajustement structurel ne sera que de 0,1 point.
Le prélèvement à la source est reporté ; nous en prenons acte.
En dehors des principales mesures, comme la création de l’impôt sur la fortune immobilière et celle du prélèvement forfaitaire unique, l’audace a surtout consisté à instaurer un dégrèvement de taxe d’habitation ; mais, comme vous pouvez l’imaginer, messieurs les ministres, nous nous serions bien passés de cette réforme.
Nous sommes en plein congrès des maires, et vous savez combien les efforts sans cesse demandés aux collectivités territoriales ont dépassé la limite du supportable. À travers de nombreux autres dispositifs, c’est le principe d’autonomie fiscale des collectivités territoriales qui est de plus en plus affecté.
Aussi les maires attendent-ils d’être rassurés. J’espère que le Président de la République prendra cet après-midi, porte de Versailles, des engagements pour ne pas décevoir nos élus, confrontés à un quotidien local de plus en plus difficile. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler dans cette discussion budgétaire.
Est-ce un budget juste ? Certaines mesures vont dans ce sens, si l’on songe aussi à certains dispositifs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Je pense à la revalorisation de la prime d’activité, de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ainsi, bien sûr, qu’à la baisse des cotisations salariales.
Je m’inquiète toutefois, messieurs les ministres, de la fin des contrats aidés, qui constituaient une opportunité d’embauche pour les plus fragiles.
Enfin, ce budget sera-t-il efficace ? L’avenir nous le dira…
Clairement, le projet de loi de finances pour 2018, notamment avec les deux dispositifs phares auxquels j’ai fait référence, l’impôt sur la fortune immobilière et le prélèvement forfaitaire unique, vise à encourager l’activité économique. C’est un signe fort en direction des entreprises.
Si l’on peut toujours critiquer les contours de ces mesures, comme on l’a fait pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, on ne peut pas nier qu’une partie des revenus de l’épargne libérés sera sans doute, du moins l’espérons-nous, réinjectée dans l’économie productive.
Je regrette toutefois que l’agriculture soit souvent oubliée dans les mesures d’encouragement à l’activité, alors que ce secteur, en particulier l’élevage, a connu une grave crise des prix ces dernières années. Mon groupe a déposé quelques amendements visant à mieux prendre en compte les besoins de l’agriculture, notamment l’un portant sur le micro-bénéfice agricole.
Mes chers collègues, comme nous sommes nombreux à le répéter chaque année, notre pays doit retrouver une trajectoire saine de ses finances publiques ; c’est une question de survie dans une compétition mondiale de plus en plus difficile et contrainte.
M. Yvon Collin. La majorité des membres du RDSE regarde ce budget avec bienveillance et devrait l’approuver, mais nous serons bien sûr attentifs aux discussions de ces prochains jours ! (M. le président de la commission des finances applaudit. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement, puis, à seize heures quinze, pour la suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2018.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.)
PRÉSIDENCE DE Mme Marie-Noëlle Lienemann
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Mes chers collègues, au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacune et chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres, ainsi que celui du temps de parole pour permettre à chaque collègue de bénéficier de la diffusion complète de sa question et de la réponse.
audiovisuel public
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste et républicain. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. David Assouline. Madame la ministre, dans ce monde où les médias ont un impact profond et quotidien sur la vie de nos concitoyens, et dans un contexte où la révolution technologique bouleverse tous les formats, les usages et les régulations passées, un débat national est nécessaire !
Au cœur de ce débat, il faudra accorder une place centrale à notre service public de l’audiovisuel, dont le financement ne sera plus assuré par une redevance assise sur le téléviseur – puisque beaucoup utilisent déjà d’autres supports –, redevance que notre ami Jack Ralite, à qui je veux rendre hommage aujourd’hui, défendait avec force ici même en la qualifiant joliment « d’actionnariat populaire ».
Nous devrions vite organiser non pas un Grenelle, mais un Valois de l’audiovisuel, avec pour priorité le service public : notre devoir est de lui donner les moyens d’être fort et créatif et de répondre à ses missions d’intérêt général grâce à des programmes de qualité.
Cette année, l’État manque à sa parole en privant France Télévisions de 79 millions d’euros. Mais ce qui nous inquiète encore davantage, c’est le document budgétaire qui a « fuité » de votre ministère et qui, sous couvert de synergie, rejoint dans les faits le vieux rêve de la droite de réduire le périmètre et les moyens humains de l’audiovisuel public (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe Union Centriste.)…
M. Jacques Grosperrin. On ne peut pas parler de la gauche, il n’y en a plus !
M. David Assouline. … en supprimant des chaînes comme France Ô – je parle pour l’outre-mer – ou France 4, et en affaiblissant de façon certaine une présence à laquelle nous tenons tous ici, mes chers collègues, celle de France 3 dans tous les territoires, ainsi que l’investissement dans la création.
Or, une fois de plus, on ne partirait pas d’un projet ou d’une réforme ambitieuse pour justifier des moyens nécessaires, mais on ferait l’inverse !
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si ce document constitue bien votre base de travail ? Pouvez-vous également nous dire si vous comptez toujours porter plainte contre la fuite publiée par le journal Le Monde, ce qui traduirait un mépris envers le secret des sources de la presse qui ne vous ressemblerait pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, cher David Assouline (Rires. – Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. François-Noël Buffet. Collusion ! (Sourires.)
Mme Françoise Nyssen, ministre. … je vous remercie pour cette question qui me donne l’occasion de m’exprimer clairement et solennellement devant la représentation nationale sur le sujet de l’audiovisuel public.
Comme je l’ai déjà dit, le document que vous évoquez et qui a été rendu public n’est pas une ébauche de stratégie, mais un exercice de recensement des pistes mises sur la table ces dernières années…
M. Bruno Sido. Rien à voir ! (Sourires.)
Mme Françoise Nyssen, ministre. … par divers rapports, notamment des rapports parlementaires issus de votre Haute Assemblée ou de la Cour des comptes. Il s’agit donc d’un document provisoire que je n’ai pas validé.
Sur la méthode et sur le fond, je tiens à dire deux mots de notre approche, nos deux mots d’ordre, qui sont « dialogue » et « transformation ».
S’agissant du dialogue, j’ai demandé des contributions aux sociétés de l’audiovisuel public en parallèle du travail réalisé par les administrations. Ces contributions nous sont parvenues et montrent une vraie volonté d’avancer. Je les en remercie ! Dès demain, je recevrai d’ailleurs individuellement chaque dirigeant pour échanger sur ces propositions.
Concernant la transformation, elle doit être engagée pour que l’audiovisuel public ne subisse pas la révolution numérique qui s’accélère, mais en soit un acteur. Demain, si l’audiovisuel public veut continuer à jouer un rôle central de média universel et populaire, il doit offrir une vraie alternative.
Je veux rappeler et saluer ici la force et les singularités des médias de service public, lesquels assurent une information de référence dans un univers où circulent les fausses nouvelles, engagent un investissement déterminant dans la création et dans les formats originaux, proposent une offre globale qui doit s’adapter au numérique, et traduisent une volonté de s’adresser à la jeunesse et de contribuer au rayonnement international de la France !
Comme vous l’avez déjà mentionné, monsieur le sénateur, il faudra sans doute, lorsque nous aurons avancé sur cette réforme, ouvrir le chantier de son financement ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
politique européenne de la pêche
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Madame la ministre, le ministre de l’agriculture a participé au conseil interministériel de la mer réuni vendredi dernier à Brest par le Premier ministre. Je profite de cette occasion pour saluer l’intérêt du Gouvernement pour les problématiques liées à la mer et aux océans, qui représentent une opportunité majeure pour l’économie et le développement durable de notre pays.
Néanmoins, comme vous le savez, le 27 novembre prochain, les marins pêcheurs français ont décidé de bloquer le port de Calais pour protester contre l’usage de la pêche électrique près de nos côtes, notamment de la part de navires hollandais. Ces derniers profitent d’une dérogation incompréhensible au droit de l’Union européenne, qui interdit en principe la pêche électrique.
L’action des pêcheurs français est un signal fort de leur détresse face à une pratique qui détruit de manière massive et sans distinction les stocks de poissons, met en péril leur reproduction et a des conséquences désastreuses sur l’environnement. Il y a quelques jours, mon collègue député Paul Christophe a attiré l’attention du ministre de l’agriculture sur cet enjeu majeur pour l’avenir de la filière des produits de la pêche maritime.
Cet exemple de la pêche électrique révèle les dilemmes de la politique commune de la pêche au niveau européen. Elle apparaît tiraillée entre, d’un côté, une gestion durable des ressources halieutiques et, de l’autre, un déficit commercial abyssal en matière de produits de la mer.
Madame la ministre, je voudrais connaître avec précision la position que la France entend défendre au niveau européen pour concilier protection de l’environnement, autosuffisance et revenus décents pour les pêcheurs français.
Je souhaite ajouter que le niveau européen sera crucial pour traiter la question du Brexit. Ce sont les pêcheurs français, de Bretagne et des Hauts-de-France notamment, qui auraient le plus à perdre si le Royaume-Uni fermait l’accès à ses eaux territoriales. Nous espérons que vous porterez les inquiétudes de la filière au niveau européen dans vos échanges avec votre homologue britannique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur certaines travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Simon Sutour applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Decool, la pêche au chalut électrique est interdite dans l’Union européenne. Cependant, comme vous l’avez relevé, les règles communautaires prévoient des dérogations pour un nombre limité de navires : au maximum 5 % des chaluts à perche par État membre.
En mars 2016, la Commission européenne a proposé de supprimer cette limitation ; la France s’y est fermement opposée au conseil des ministres de l’agriculture et de la pêche du 11 mai 2017. En l’état actuel de nos connaissances et faute d’évaluation précise de son impact sur les stocks de poissons et sur l’environnement, ce mode de pêche doit rester strictement limité. Le Gouvernement continuera donc à défendre cette position dans les discussions engagées avec le Parlement européen. Le ministre de l’agriculture Stéphane Travert évoquera, quant à lui, cette question avec son homologue néerlandaise lors du conseil des ministres de l’agriculture des 11 et 12 décembre prochains.
Permettez-moi enfin de rappeler que le Gouvernement est mobilisé pour défendre les intérêts des pêcheurs français, qu’il s’agisse des négociations du Brexit ou de la future politique commune de la pêche après 2020. Comme l’a dit le Premier ministre, le secteur de la pêche fait partie de nos priorités dans la négociation sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous soutenons Michel Barnier qui mène cette négociation.
Les échanges débuteront dès que le Conseil européen estimera que des progrès suffisants ont été accomplis sur la première phase des discussions avec les Britanniques. Nous sommes par ailleurs déterminés à travailler dans le sens d’une amélioration de la politique commune de la pêche, qui peut et qui doit concilier protection de l’environnement et niveau de vie décent pour nos pêcheurs, comme vous le demandez !
impact de la réforme du logement sur les collectivités
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question, à laquelle j’associe Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier, s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la question du logement est prégnante dans notre pays : elle est au cœur des préoccupations et, surtout, des obligations de tous les maires de France dans les quartiers sinistrés, dans nos centres-bourgs ou dans la ruralité.
Aujourd’hui, les maires sont inquiets. Vous vous apprêtez à mettre en œuvre dans le projet de loi de finances non pas une réforme globale, mais une disposition financière qui ne relève en rien d’une stratégie globale et qui n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les élus locaux ! Sa conséquence directe est la mise à mal d’un grand nombre de bailleurs sociaux, mais aussi de collectivités locales, dans la mesure où ces dernières sont engagées par les garanties d’emprunts.
La ponction que vous souhaitez effectuer sur les organismes aura un impact sur les constructions nouvelles, l’entretien du parc existant et la rénovation. Les élus locaux ont le sentiment que cette mesure n’a d’autre raison d’être que de trouver une issue pour pallier les conséquences d’une annonce impopulaire, trop rapide et mal ficelée, celle de la baisse des APL, les aides personnalisées au logement.
Ce Gouvernement s’inscrit dans la lignée du précédent : toujours plus de contraintes pour les maires, toujours plus d’obstacles pour construire !
Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que, sur des sujets de cette importance, il serait préférable pour nos concitoyens et pour notre pays qu’une concertation préalable constructive soit engagée et que s’établisse vraiment un nouveau mode de relations avec ceux qui sont en première ligne, je veux parler des maires ? Le Sénat y est prêt ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, je vous remercie de cette question, à laquelle je réponds bien volontiers. Je salue votre engagement sur ce sujet, ainsi que celui de la sénatrice et du sénateur que vous avez bien voulu associer à votre question.
Avec l’article 52 du projet de loi de finances, nous avons en effet proposé au Parlement un dispositif qui constitue une invitation pressante à la discussion, je le dis tel quel.
M. Marc-Philippe Daubresse. Une convocation, plutôt !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je discute régulièrement avec les représentants des organismes de logement social, avec lesquels vous êtes vous-même en contact. Je leur ai toujours dit que cet article 52 n’était pas une cathédrale, mais une porte d’entrée.
La cathédrale, c’est la réforme du logement que le Gouvernement proposera, que le Parlement discutera et qu’il nous faut préparer. La porte d’entrée, c’est la volonté clairement exprimée et parfaitement assumée de faire en sorte que le montant des crédits budgétaires affectés aux aides personnalisées au logement diminue de 1,5 milliard d’euros dans un horizon de court terme.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est un objectif comptable !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il s’agit d’un objectif et je l’assume ! Vous avez bien entendu raison d’indiquer, madame la sénatrice, que cet objectif ne résume pas une politique du logement.
Cependant, cette porte d’entrée, cette obligation de discuter avec les organismes de logement social, doit nous permettre d’atteindre trois objectifs que je veux rappeler.
Le premier objectif est de réorganiser le tissu du logement social, dont vous savez comme moi, madame la sénatrice, qu’il pourrait être mieux organisé qu’aujourd’hui.
Deuxième objectif : nous voulons mieux valoriser le capital amorti et le capital constitué par les organismes de logement social en autorisant des cessions sous certaines conditions : il s’agit également d’un objectif que j’assume !
Le troisième objectif que nous cherchons à atteindre est la simplification des règles : il n’est pas forcément question de les unifier toutes, mais de les simplifier, notamment les règles qui relèvent parfois de la commande publique et qui s’appliquent aux organismes de logement social. Je pense, madame la sénatrice, qu’il s’agit d’un objectif que nous pouvons partager.
Ce sont des objectifs à l’échéance de trois ans. Ils ne résument pas la totalité de la politique du logement, mais ils traduisent ce que nous visons en matière de logement social : nous cherchons à favoriser le développement du logement social sans jamais mettre en péril les finances des collectivités territoriales. Vous avez d’ailleurs raison de le souligner, le montant des garanties d’emprunt que les collectivités locales accordent aux organismes de logement social est à peu près égal au montant de l’endettement de ces collectivités – en tout cas, pour les communes, il y a à peu près équivalence. Il est donc extrêmement important de garantir une bonne santé financière à l’ensemble des acteurs du logement social.
Tous ceux qui connaissent parfaitement ce sujet – vous en faites partie tout comme nous – savent qu’il existe des voies d’amélioration, et que la Cour des comptes, que l’on ne peut pas suspecter d’être a priori contre le logement social, a elle-même pointé le fait que la dépense publique et le système des financements publics dans le logement social étaient tels qu’il existait des marges de manœuvre et d’économies. Ceux qui connaissent bien le logement social parlent parfois – bien que je ne m’approprie pas cette formule – de « dodus dormants » : vous les connaissez ? Moi aussi !
Ce que je veux vous dire, madame la sénatrice, c’est qu’en discutant sur le fondement de l’article 52 du projet de loi de finances, nous pourrions atteindre un objectif, celui d’améliorer le monde du logement social tout en baissant les crédits budgétaires.
J’ai fait un certain nombre de propositions aux organismes de logement social, notamment celle d’associer à la baisse des crédits budgétaires une éventuelle augmentation de la TVA qui pèse sur le logement social, afin d’éviter d’affecter trop durement leurs recettes d’exploitation. J’ai proposé des contreparties importantes : plus de 6 milliards d’euros pour le logement social ! Cette somme permettrait d’accompagner les efforts d’investissements à l’avenir.
Autrement dit, notre plan est très complet, et je crois que vous le savez, madame la sénatrice. Je crois que tous ceux qui regardent ce sujet avec attention le savent. Les discussions sont en cours et avancent bien à certains égards. Elles ne sont toutefois pas terminées et tout ce qui pourrait être fait pour nous permettre de sortir par la porte que représente l’article 52 sera bienvenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.
Mme Sophie Primas. Monsieur le Premier ministre, je vous ai bien entendu. Je vous remercie d’avoir exprimé votre volonté sur le fond, mais je vous parlais de la forme : je pense que la conférence de consensus proposée par le président du Sénat Gérard Larcher est une belle occasion pour nous tous de travailler ensemble sur les enjeux que vous avez rappelés !
N’oubliez jamais, monsieur le Premier ministre, que c’est à la porte de la mairie du Havre que vont frapper nos concitoyens mal logés du quartier de Caucriauville, pas à la porte de Matignon ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
malaise des policiers
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour le groupe Union Centriste.
Mme Sophie Joissains. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Ces dernières semaines ont été tragiques pour les policiers et les gendarmes. Une vague de suicides a touché nos forces de sécurité, ce qui ne peut bien entendu pas nous laisser indifférents.
Après un pic en 2014, année noire au cours de laquelle cinquante-cinq policiers et une trentaine de gendarmes avaient mis fin à leurs jours, le taux de suicide parmi les forces de l’ordre a décru en 2015 et 2016. Cela ne sera malheureusement pas le cas cette année.
Le métier qu’exercent policiers et gendarmes au quotidien n’est pas un métier comme les autres, car ceux-ci sont évidemment régulièrement confrontés à la mort, à la violence, ainsi qu’à la misère humaine. Le stress que subissent nos forces de sécurité – gendarmes et policiers confondus – depuis la mise en place de l’état d’urgence a accru le malaise et parfois la détresse dans leurs rangs.
L’ampleur du risque terroriste, la violence quotidienne et, enfin, le manque de reconnaissance, voilà ce qui use policiers et gendarmes ! Il y a aussi, comme le pointe un syndicat, le manque d’effectifs : « 70 % des forces de police expliquent ne plus pouvoir faire face à leur charge de travail ». Le même syndicat dénonce aussi l’existence de formations parfois considérées comme inadaptées ou trop courtes.
En 2015, votre prédécesseur avait annoncé un plan de prévention qui prévoyait notamment le recrutement de psychologues ou la refonte des cycles de travail. Quasiment trois ans après, la situation se dégrade à nouveau dans de larges proportions : qu’en pensez-vous ? Ces mesures ont-elles été effectivement mises en œuvre ou se sont-elles révélées inefficaces ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, chère Sophie Joissains, il est toujours difficile d’expliquer de tels gestes dont les raisons sont multiples, dont les causes sont complexes. Si ce sont souvent des raisons intimes, liées à la maladie ou à la vie personnelle, qui expliquent le passage à l’acte, il est incontestable qu’on ne peut pas éluder la dureté des tâches de nos policiers et de nos gendarmes. Ils doivent en effet maintenir l’ordre public, sont amenés à lutter contre le terrorisme, traquent les criminels et les délinquants, et sont donc confrontés à la violence, ainsi qu’à la part la plus sombre de notre société. Oui, cela peut mener à une tension et à un stress extrêmes.
C’est pourquoi, pour répondre précisément à votre question, nous avons renforcé le soutien psychologique par l’embauche de psychologues cliniciens, aussi bien dans la police nationale que dans la gendarmerie nationale.
Nous avons également développé une politique de sensibilisation personnalisée des élèves dans les écoles de gendarmerie et de police.
Je me suis moi-même personnellement rendue à la sous-direction de l’action sociale de la Direction des ressources et des compétences de la police nationale, la DRCPN, pour rencontrer les psychologues qui font un travail d’écoute et de soins absolument remarquable.
Enfin, nous allons renforcer les effectifs avec le recrutement de quelque 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires dès 2018, comme l’a annoncé le Président de la République. Comme vous le savez, ce nombre atteindra les 10 000 avant la fin du quinquennat. Nous restituons ainsi leur capacité d’action à la police et à la gendarmerie nationales et nous les augmenterons en les modernisant !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour la réplique.
Mme Sophie Joissains. Je vous remercie, madame la ministre. Policiers et gendarmes espèrent et nous espérons également beaucoup !
situation de l’entreprise ascométal
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.
M. Michel Amiel. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances et concerne les difficultés de la filière sidérurgique et l’actualité de la société Asco Industries.
Alors que la filière de l’aciérie a connu de nombreuses difficultés ces dernières années, le cas de la société Asco Industries est particulièrement criant. Plombé par une dette de 360 millions d’euros, le groupe Ascométal a été placé en redressement judiciaire le 7 mars 2014. Le tribunal de commerce de Nanterre a choisi un mois plus tard l’offre de reprise du groupe français, portée à l’époque par Frank Supplisson, ancien directeur de cabinet d’Éric Besson, ministre de l’industrie, et par l’industriel Guy Dollé, ex-directeur général d’Arcelor.
Aujourd’hui, ce projet bat de nouveau de l’aile et Asco Industries, cette société qui compte 1 500 employés et qui a contracté une dette de plus de 40 millions d’euros, cherche à nouveau un repreneur. La société vient d’être déclarée en cessation de paiement et placée en redressement judiciaire, ce qui lui permettra évidemment de négocier au mieux avec d’éventuels repreneurs. D’ailleurs, un article du journal Le Monde faisait état d’au moins trois sociétés européennes qui auraient déposé une lettre d’intention.
Alors que la situation semble s’enliser une fois de plus, les salariés d’Ascométal risquent tout simplement de perdre leur emploi. De plus, de nombreuses entreprises fournissant des matières premières vont se retrouver en grande difficulté, risquant même jusqu’au dépôt de bilan. C’est le cas par exemple de l’entreprise COMFER avec ses trente employés directs, ses deux cents employés indirects en sous-traitance de transport et de récupération des métaux, ou de la société DADDI.
Monsieur le ministre, je souhaiterais donc connaître votre position et vos engagements face à une situation qui, à force de se répéter, met un pan entier de notre économie en danger ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Amiel, je connais bien les difficultés que rencontre le groupe Ascométal. Soyez assuré que les services du ministère de l’économie et des finances, ainsi que mon cabinet, y sont évidemment très attentifs.
Je veux d’abord saluer les quelque 1 600 salariés qui, malgré leur inquiétude, et celle de leur famille et de leurs proches, poursuivent avec détermination leur travail.
Depuis la reprise à la barre du tribunal en 2014, Ascométal n’a malheureusement pas retrouvé le chemin de la rentabilité. Ce producteur d’aciers longs spéciaux à destination de l’automobile et de l’industrie, notamment du pétrole et du gaz, continue d’enregistrer des pertes massives.
Dans ce contexte, face aux besoins de financement pour opérer le redressement du groupe, il a été décidé il y a plusieurs mois d’engager une recherche de repreneurs pour l’ensemble du groupe. Je vous confirme que, à ce stade, plusieurs candidats ont manifesté leur intérêt pour cette reprise. L’objectif est bien d’organiser rapidement la reprise de l’ensemble du groupe pour garantir la pérennité de l’activité et des emplois : mes services y veillent tout particulièrement.
Hier, le tribunal de grande instance de Strasbourg a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit du groupe, qui répond à l’impasse de trésorerie à laquelle il faisait face à court terme. Cette décision devrait donner du temps et permettre de retrouver un cadre favorable à la reprise, ce qui est assez décisif dans de telles périodes. La procédure en cours vise donc à organiser une cession ordonnée d’Ascométal, facilitée par l’existence d’un travail en amont sur cette possible reprise.
Nous avons un calendrier clair pour déposer une offre de reprise, qui sera par ailleurs fixé dans les jours qui viennent. Pour que la reprise soit un succès, il est nécessaire qu’elle s’appuie sur un projet jugé crédible au niveau industriel, social et, évidemment, financier.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que je reste très attentif à l’impact de la situation sur les partenaires commerciaux du groupe que vous avez cité, notamment ses fournisseurs. En effet, quand on a un employeur de cette taille dans un bassin d’emploi, il faut être très vigilant à l’égard des sous-traitants et de l’ensemble des emplois qui pourraient malheureusement être touchés par une fermeture ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour la réplique.
M. Michel Amiel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de rappeler que vous n’oublierez pas non plus les sous-traitants ni les fournisseurs. (M. François Patriat applaudit.)
avenir des jeunes à la sortie des centres éducatifs fermés
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Josiane Costes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
Les mineurs en danger sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance ou, dans les cas de délinquance avérée, par la Protection judiciaire de la jeunesse.
Les missions des uns et des autres visent à favoriser l’intégration sociale, scolaire et professionnelle des jeunes et, dans les cas les plus graves, à protéger la société contre des exactions qu’ils pourraient commettre. Qu’ils soient placés en famille d’accueil ou dans un établissement, l’investissement des équipes éducatives est remarquable et les résultats sont globalement positifs.
Toutefois, à 18 ans, ils doivent brutalement quitter les structures et retrouver leur milieu d’origine. Les risques de replonger dans la délinquance, voire parfois dans la radicalisation, sont avérés. Il s’agit là d’un gâchis tant sur le plan humain que sur le plan financier, lorsque l’on sait, par exemple, qu’une journée en centre éducatif fermé coûte environ 570 euros par jeune !
Ne pourrait-on pas envisager un accompagnement transitoire, afin que la sortie des dispositifs soit moins brutale ? Cette sortie ne pourrait-elle pas se faire de façon plus progressive, de manière à davantage consolider les améliorations constatées dans le comportement de ces jeunes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je vous sais très attentive à un sujet que vous traitez – me semble-t-il – dans le cadre de votre rapport budgétaire.
Effectivement, il existe actuellement plusieurs dispositifs pour accompagner les jeunes dans ces temps un peu délicats de rupture, que ce soit le passage à la majorité ou la sortie des structures contenantes que vous évoquez.
De ce point de vue, il faut distinguer la matière pénale et la matière civile.
En matière pénale, les jeunes qui sont confiés à la Protection judiciaire de la jeunesse peuvent bénéficier d’une mesure éducative de protection judiciaire, qui a été prévue par l’article 16 bis de l’ordonnance de 1945. Elle peut être prononcée pour une durée qui dépasse la majorité. Elle permet ainsi, avec l’accord du jeune, de poursuivre le placement et de continuer la mesure d’accompagnement éducatif.
La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle favorise le développement de ces mesures en autorisant les tribunaux pour enfants à prononcer cumulativement une peine et une mesure éducative. Dès lors, un jeune qui a commis des faits suffisamment graves pour justifier une sanction pénale pourra également bénéficier de la continuité de son placement dans des établissements relevant de la Protection judiciaire de la jeunesse, qu’il s’agisse d’une structure de type foyer ou d’une autre structure.
En matière civile, ce sont les départements qui jouent un rôle essentiel. Beaucoup d’entre eux ont mis en place des contrats jeunes majeurs qui permettent de suivre ces jeunes. La Protection judiciaire de la jeunesse peut aussi intervenir – mais c’est à titre exceptionnel – en termes d’accompagnement.
Malgré ces dispositifs, les ruptures sont encore trop nombreuses. C’est pourquoi la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant propose aux conseils départementaux de signer des conventions avec les services de l’État pour accompagner ces jeunes.
J’ai moi-même demandé à la Protection judiciaire de la jeunesse, que j’ai vraiment mobilisée sur le sujet, de réorganiser son dispositif pour mieux prendre en compte les sorties de placement, en développant la progressivité de ces sorties et l’accompagnement des jeunes tout au long de leur accession à la majorité, ainsi que vous le souhaitez ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour la réplique.
Mme Josiane Costes. Madame la garde des sceaux, je vous remercie pour ces propos rassurants parce que, comme vous l’avez dit, il s’agit d’une période transitoire toujours très délicate pour ces jeunes !
projet de loi relatif à l’enseignement supérieur
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Michelle Gréaume. La France, avec d’autres pays européens, s’était donné l’objectif de construire « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » en augmentant ses dépenses en matière de recherche et d’enseignement supérieur. Le but était de rattraper notre retard structurel en profitant de l’effet de levier avéré des investissements dans ces domaines.
Près de vingt ans plus tard, ce grand dessein a été abandonné, et notre pays demeure toujours dans le bas des classements des dépenses par étudiant et de proportion de titulaires de doctorats.
La démographie relativement dynamique de notre pays va accroître le nombre de bacheliers d’environ 35 000 pendant une dizaine d’années. Cet apport précieux aurait pu être mis à profit par le Gouvernement pour tenter de redresser notre situation dans le domaine de la connaissance. Malheureusement, obnubilés par le dogme de la réduction de la dépense publique, vous ne concevez cette masse supplémentaire d’étudiants que comme un trop-plein fâcheux qu’il faut administrer sans frais supplémentaires. Vous avez donc décidé de détourner une partie de ce flot des universités en donnant à celles-ci la possibilité de le filtrer.
Dans notre pays, seule la moitié des formations est librement accessible. Vous venez de prendre la grave décision de diminuer encore cette proportion, au risque de jeter sur le marché de l’emploi de nombreux jeunes sans formation.
Ce terrible choix, vous ne l’assumez pas directement, vous le reportez sur les universités dans des conditions d’impréparation qui inquiètent élèves, parents et professeurs ; les risques sont grands d’aboutir à une rentrée universitaire encore plus chaotique que la précédente…
Alors qu’il en est encore temps, nous vous le disons solennellement : renoncez à votre projet, ayez confiance en notre jeunesse et donnez-lui les chances de sa réussite ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale. Madame la sénatrice Michelle Gréaume, je suis un peu étonné par la teneur de votre question, parce que ce que vous venez de décrire correspond bien plus au passé, à un passé très récent, qu’au futur.
Ce passé très récent, c’est la situation que nous avons trouvée (Vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.) : une situation d’inégalités très graves, où la sélection se faisait par le hasard, par le tirage au sort. Cette situation avait été créée au nom d’une pseudo-égalité, qui était en réalité de l’uniformité, et elle a abouti à ce que vous décrivez. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. C’est la droite qui applaudit !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Vous pouvez applaudir aussi, c’est ouvert ! Vous avez tous le droit d’applaudir, mesdames, messieurs les sénateurs, si vous êtes contre les inégalités, puisque 60 % des jeunes sont en échec en licence à cause de ce que nous avons trouvé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Si la vérité vous dérange, il faut le dire ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Et voilà !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ce que nous avons d’abord fait, Mme Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, et moi-même, a été de mettre en place une concertation. Cette concertation a permis de préparer un système qui est beaucoup plus humain maintenant que ne l’était le précédent
Mme Esther Benbassa. Mais oui, la situation est très humaine, c’est sûr !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ce système permet ainsi d’avoir, dès maintenant, un conseil personnalisé. Dès maintenant – je viens de le constater ce matin dans un lycée de Nancy –, chaque classe de terminale a deux professeurs principaux. Dès maintenant, les conseils de classe conseillent les élèves. Dès maintenant, le site terminales2017-2018.fr, qui existe, donne les bons conseils. Dès maintenant, nous programmons, au travers du projet de loi de finances pour 2018, la création de nouveaux BTS, qui permettront à des bacheliers professionnels de réussir leur insertion professionnelle au lieu d’être en échec.
Il y a ainsi, à la fois, une vision et des moyens nouveaux pour l’université, puisque, en outre, 1 milliard d’euros y sont consacrés. Nous allons donc vers plus d’égalité, mais vers la véritable égalité. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
esclavage en libye
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Xavier Iacovelli. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la situation des réfugiés en Libye est d’une extrême gravité. Nous avions été choqués par les images de ce petit garçon, Aylan, retrouvé sans vie, face contre terre, sur une plage turque. Nous voilà à nouveau confrontés à l’inadmissible : les enquêteurs de l’ONU et plusieurs médias ont mis en lumière des cas d’esclavage en Libye.
Concrètement, il s’agit d’hommes, de femmes, d’enfants qui sont vendus aux enchères comme du bétail sur les marchés libyens. Ne faisons pas semblant de le découvrir, nous le savions tous. Depuis des années, les ONG nous alertent ; leurs derniers rapports de 2016 faisaient état de 45 millions de femmes, d’hommes et d’enfants asservis ; 45 millions, chers collègues ! C’est l’équivalent de la population espagnole !
Voilà bientôt cent soixante-dix ans, la France abolissait l’esclavage. Voilà seize ans, sur ces travées, nous adoptions la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Pourtant, ces camps, financés par l’Europe, se développent désormais, avec notre aval, dans des conditions qui constituent un véritable scandale humanitaire. Familles séparées, viols, torture, surpopulation, conditions sanitaires déplorables, tel est le quotidien de ces réfugiés, et, lorsqu’ils parviennent à échapper à ces camps, ils se noient dans la Méditerranée.
L’objectif de l’Union européenne, en finançant ces camps à hauteur de 400 millions d’euros, sans droit de regard sur les conditions humaines, était d’éviter à tout prix l’arrivée des réfugiés sur notre continent. Résultat : ces camps sont devenus des viviers pour les marchands d’êtres humains, troisième trafic le plus lucratif au monde après la drogue et les armes – ce sont d’ailleurs les mêmes personnes qui organisent les trois…
Le temps de l’indignation doit maintenant laisser la place au temps de l’action. C’est pourquoi la France, pays des droits de l’homme, doit porter un message fort, qui fera honneur aux valeurs qui nous unissent.
Monsieur le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères a indiqué que la France avait demandé une réunion expresse du Conseil de sécurité de l’ONU. Un sommet réunissant l’Union européenne et l’Afrique aura également lieu dans cinq jours à Abidjan. Pouvez-vous, dès lors, nous préciser quelle sera la position de la France visant à mettre fin à ce marchandage de vies humaines ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous avez raison, ce que nous avons vu, les images diffusées montrant la traite d’êtres humains en Libye, est inadmissible. Vous avez raison, il s’agit d’un crime contre l’humanité ; d’ailleurs, le Président de la République a qualifié cette pratique comme telle.
Vous avez aussi raison de rappeler que, hier, Jean-Yves Le Drian a appelé à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies. La France, terre de droits de l’homme, prend ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité, pour porter ce drame humain au plus haut niveau.
En revanche, je ne vous rejoins pas lorsque vous parlez de camps financés par l’Union européenne, car ce n’est pas le cas. L’Union européenne vient en aide au HCR et à l’Organisation internationale pour les migrations, pour faire en sorte d’améliorer la vie et le traitement des migrants dans ce pays, la Libye, qui ne connaît pas d’État stable et encore moins de respect des droits de l’homme.
Ce que nous faisons en outre, à titre bilatéral, est que nous nous rendons au Niger et au Tchad pour examiner, sur le continent africain lui-même, la situation de ceux qui ont un besoin évident de protection, afin que ceux qui bénéficieraient manifestement du droit d’asile puissent rejoindre directement l’Europe.
Ce que nous faisons également est que nous multiplions les efforts pour que la situation en Libye se stabilise. Nous ne pourrons traiter un problème de cette ampleur – l’Organisation internationale pour les migrations a parlé de 300 000 migrants en Libye et certaines estimations vont jusqu’à 700 000 personnes – que le jour où la Libye aura retrouvé un État stable et mis fin à la situation de conflit et de chaos qu’elle connaît et qu’elle traverse. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
proposition de loi sur la stabilité du droit de l’urbanisme
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Ma question s’adresse au Premier ministre, et j’y associe mes collègues Mathieu Darnaud et François Calvet. Elle porte sur un sujet largement abordé hier au congrès des maires par différents intervenants, notamment par le président du Sénat, Gérard Larcher : la simplification des normes.
Depuis 2014, le Sénat s’est engagé dans une ambitieuse action de simplification des normes, en particulier de celles qui sont applicables aux collectivités. Je n’en décrirai pas toute l’ampleur, mais je rappellerai simplement notre dernière initiative : une proposition de loi portant simplification du droit de l’urbanisme. Cette proposition de loi est le fruit d’un travail transpartisan et elle est issue du terrain, puisque nous avons réalisé une consultation nationale des élus locaux ayant reçu plus de 10 000 réponses ; elle a été adoptée à l’unanimité au Sénat, le 2 novembre 2016.
À plusieurs reprises, nous avons demandé que cette initiative à caractère très consensuel et contenant des mesures utiles pour nos élus locaux puisse parcourir toutes les étapes de la navette parlementaire, sans succès. Une requête en ce sens a d’ailleurs été réitérée hier dans cet hémicycle, mais nous restons toujours sans réponse.
Je profite donc de cette période rare où le Gouvernement s’intéresse aux collectivités locales pour vous demander, dans un premier temps, ce que vous envisagez de faire pour répondre à la frénésie normative qui bride les actions de nos élus et qui coûte très cher à nos collectivités. Dans un second temps, même si, j’en conviens, cela ne relève pas totalement du Gouvernement, je voudrais savoir si celui-ci peut obtenir l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et en faire l’une de ses priorités. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, permettez-moi de saluer la proposition de loi que vous avez évoquée, qui a été effectivement adoptée à l’unanimité par votre chambre, il y a peu. Cette proposition de loi répond exactement aux mêmes objectifs que le projet de loi que le Gouvernement défend aujourd’hui. Il s’agit, d’abord, de construire plus et moins cher et, ensuite, de construire mieux et plus rapidement là où c’est nécessaire.
Permettez-moi de vous dire que le projet de loi que Jacques Mézard et moi-même présenterons au cours des toutes prochaines semaines reprend la quasi-exhaustivité de la proposition de loi que vous évoquiez. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. Eh bien, alors ?
M. Jacques Grosperrin. Rejoignez-nous !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Je veux simplement évoquer quelques points.
Dans la proposition de loi que vous avez adoptée figurait par exemple la question des recours ; notre projet de loi ira très loin dans la lutte contre eux. Il y avait également la question de la sécurisation des opérations d’aménagement, y compris lorsque celles-ci ne sont plus conformes au PLU ; nous inclurons dans le texte l’ensemble des dispositions que vous avez adoptées à ce sujet. Votre proposition de loi facilitait également les opérations d’aménagement et simplifiait les actes y afférents et, enfin, elle prévoyait l’articulation entre les documents d’urbanisme ; tous ces éléments, nous les reprenons.
Il s’avère que le projet de loi que Jacques Mézard et moi présenterons va plus loin dans d’autres domaines, notamment dans celui de l’hébergement d’urgence et dans celui des dispositifs favorisant le déploiement du numérique. Il comprendra encore un ensemble d’autres actions, en faveur notamment de nouveaux baux, comme le « bail mobilité », institué au bénéfice de ceux qui sont en formation professionnelle.
Ainsi, encore une fois, monsieur le sénateur, travaillons de concert,…
MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido. Voilà !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. … parce que nous avançons exactement dans le même sens et que les dispositions de votre proposition de loi seront incluses dans notre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite très sincèrement que vous traduisiez en actions ce que vous venez de dire.
Néanmoins, pour ce qui concerne notre proposition de loi relative à l’urbanisme, je vois que celle-ci fera encore l’objet d’une tactique, malheureusement récurrente, celle qui consiste à bloquer un texte issu du Sénat pour en proposer un autre, comme nous l’avons vu dernièrement avec la proposition de loi relative à l’eau et à l’assainissement, ce qui est bien regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel et Mme Sophie Joissains applaudissent également.)
réforme du dispositif « pinel »
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Catherine Fournier. Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Mon propos porte sur la loi Pinel et sur sa reconduction restreinte ; seules trois zones ont été retenues pour bénéficier des anciens avantages à compter de 2018 : les zones A, A bis et B1. Les zones B2 et C en seront donc exclues.
Cela revient tout simplement à pénaliser les villes moyennes et leur périphérie au bénéfice des grandes concentrations urbaines. Ces villes et ces villages ne sont plus identifiés comme devant bénéficier de cette incitation à l’investissement privé locatif aidé, aux logements intermédiaires ou au prêt à taux zéro, le PTZ. Pourtant, le revenu des habitants de ces zones n’est pas très élevé, et le PTZ faciliterait leur accès à la propriété.
Pour vous donner un exemple, dans le département dont je suis élue, le Pas-de-Calais, 211 communes classées en zone B2 sortiront du dispositif. La ville de Calais en fait partie, et ce n’est pas une bonne nouvelle dans le contexte migratoire qui l’agite et qui fait fuir les investisseurs de tous ordres.
Ces zones évincées ont pourtant toutes besoin de cette relance. Dans la situation actuelle, dans laquelle les bailleurs sociaux sont, en raison de la baisse imposée des loyers, gravement fragilisés dans leur capacité à investir, que restera-t-il à ces communes pour maintenir leur dynamisme, d’autant que leur budget diminué limite leurs marges de manœuvre ?
J’ai le sentiment, monsieur le ministre, que priver ces territoires de cette potentialité ne fera que les isoler davantage dans leurs difficultés et que cela accentuera leurs déséquilibres, ainsi que le clivage ville-campagne. Pensez-vous donc revoir votre copie et proroger cette loi, au moins pour la zone B2, jusqu’en 2021 ou envisagez-vous d’éventuelles dérogations ou expérimentations ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En effet, madame Fournier, il faut absolument ne pas oublier – c’est l’objectif de ce gouvernement – les territoires dits de zones détendues dans toute notre politique du logement ; vous avez mille fois raison.
La question à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés réside dans l’articulation de cette politique avec deux dispositifs fiscaux : les prêts à taux zéro et le dispositif Pinel. Vous le savez, on a décidé de prolonger ces dispositifs, notamment le prêt à taux zéro, y compris dans les zones détendues – ces fameuses zones B2 et C, que vous avez évoquées dans votre question.
Pour ce qui concerne le dispositif Pinel, nous avons pris la décision de ne le reconduire que dans les zones A, A bis et B1, les zones tendues, et de ne le maintenir, dans les zones B2, que pour les permis de construire déposés avant la fin de l’année avec une vente au cours de l’année 2018. Pourquoi ? Parce que la difficulté de ces dispositifs est qu’il s’agit d’éléments destinés à la fois à favoriser la création de logements et à aménager le territoire.
La grande difficulté est que ces dispositifs, qui sont pensés depuis Paris, sont confrontés à une diversité, dans les territoires, y compris dans les zones B2, qui est très compliquée à prendre en compte.
M. Marc-Philippe Daubresse. C’est faux ! C’est une vision technocratique ! Vous n’y êtes pas, dans les territoires !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Ainsi, il existe, en zone B2, des territoires où il faut effectivement favoriser la redynamisation du centre-ville et du bâti ancien, et non la construction nouvelle, et d’autres où, inversement, il faut favoriser plus de constructions nouvelles, alors que, je le répète, ces deux types de territoires se trouvent en zone B2. Voilà la difficulté !
Alors, quelle est la bonne solution ? Cela passe par deux actions. D’abord, il faut revoir ces zonages ; c’est un engagement que nous avons pris et que nous remplirons au premier semestre de 2018. Ensuite, il faut favoriser de plus en plus une territorialisation de la politique du logement ; c’est quelque chose qui prendra du temps, mais c’est le sens de l’histoire et c’est ce vers quoi il faut avancer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
situation politique au cambodge
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République en Marche.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, la France et le Cambodge entretiennent des relations extrêmement étroites et privilégiées ; c’est le fruit d’une histoire commune. En particulier, durant le terrible régime des Khmers rouges et le génocide, la France a accueilli des dizaines, des centaines, des milliers de réfugiés. Aujourd’hui, plus de 300 000 Français d’origine cambodgienne vivent sur notre territoire. Cette histoire commune s’est aussi écrite en 1991, lorsqu’ont été signés, en France, les accords de Paris, qui ont permis à la fois le retour à la paix, le développement économique du pays et un processus de transition vers l’État de droit.
Or, au cours de la semaine passée, le régime usé du Premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis trente-deux ans, a procédé à un véritable putsch institutionnel, via une cour suprême à sa botte, en supprimant purement et simplement le Parti du sauvetage national du Cambodge, principale force d’opposition. Ce sont ainsi 55 députés, sur les 123 que compte l’Assemblée nationale du Cambodge, qui ont été éliminés.
M. Vincent Éblé. Ainsi que des maires !
M. André Gattolin. En outre, 1 500 collectivités territoriales ont été touchées, et des maires – effectivement, cher collègue –, qui venaient d’être élus en juin dernier, n’ont plus le droit d’exercer leurs fonctions.
Je veux bien sûr saluer ici le travail de la diplomatie française, qui a condamné l’arrestation, le 3 septembre dernier, de Kem Sokha, le leader de ce parti, et qui s’inquiète de cette situation gravissime. Pour autant, les États-Unis, le service européen pour l’action extérieure et, très récemment, la Suède viennent de décider d’engager des sanctions.
Aussi, face à cette situation, monsieur le secrétaire d’État, quelle est la position de la France ? Compte-t-elle appliquer, elle aussi, des sanctions à l’encontre du Cambodge ? Est-ce que la France, coprésidente de la conférence de Paris et garante des accords en cas de violation de ceux-ci, entend convoquer prochainement la vingtaine d’États qui en sont parties prenantes, afin de persuader le Cambodge et son gouvernement de revenir sur la voie de la démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Éblé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Gattolin, oui, la France, qui a effectivement parrainé les accords de 1991 et qui a accueilli la conférence sur son sol, est très préoccupée par la situation cambodgienne, à l’approche des élections législatives qui doivent se tenir en juillet 2018.
La dissolution du principal parti d’opposition, le PSN, qui avait remporté à peu près la moitié des suffrages lors des dernières élections locales, avec une mobilisation importante du corps électoral – près de 90 % de participation –, semble de nature à remettre en cause le processus démocratique initié voilà déjà vingt-cinq ans. L’arrestation de M. Kem Sokha et l’absence probable de ce parti pour les prochaines échéances sont très préoccupantes.
Dans ce cadre, la France est naturellement soucieuse d’être particulièrement mobilisée et présente. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’en est entretenu très directement avec son homologue, M. Prak Sokhonn, le 20 novembre dernier, à l’occasion du sommet de l’ASEM. Dans les prochains jours, je réitérerai l’expression de notre préoccupation, à l’occasion de la conférence ministérielle de l’Organisation internationale de la francophonie, dont le Cambodge est membre, puisque nous partageons, dans cette instance, un certain nombre de valeurs communes et que nous devons les appliquer. Enfin, dans le cadre européen, il va de soi que le régime préférentiel accordé au Cambodge doit s’accompagner du respect des droits fondamentaux.
Pour terminer, je veux saluer, au travers de votre question, la contribution des sénateurs à la diplomatie parlementaire et au respect des libertés publiques. C’est une caractéristique constante de la Haute Assemblée, et nous savons donc que nous avons votre soutien entier. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
situation des territoires ruraux
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, la France n’est pas faite que de métropoles et de centres urbains qui concentreraient les actifs et les surdiplômés. (Eh non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je rappelle que plus de la moitié de la population vit dans une commune de moins de 10 000 habitants.
Or il se trouve que, depuis quelques années, l’État a particulièrement délaissé les habitants des territoires ruraux, qui ont le sentiment de ne plus exister, de ne plus être considérés par lui. Les manifestations de cet abandon sont multiples : fermetures régulières de services publics, recul de notre industrie, particulièrement dans les zones déjà fragilisées, disparition de commerces dans les centres-villes des petites communes, déserts médicaux et offre médicale qui reflue, et difficultés persistantes pour accéder au réseau numérique.
Pourtant, les Français qui habitent dans ces territoires attendent de l’État de pouvoir bénéficier de ces services essentiels à la vie sociale et à la vie tout court. Il n’y a pas que les centres métropolitains ; je crois même que la ruralité est un acteur essentiel et qu’elle dispose d’un potentiel largement oublié dans la stratégie de l’État et dans ses politiques publiques.
Je le sais, vous n’ignorez pas que les élus locaux de ces territoires se découragent et que même, parfois, ils désespèrent, alors qu’ils sont souvent le seul et le dernier interlocuteur public. Ils attendent une véritable politique d’aménagement du territoire qui ne fasse pas le choix du « tout-métropolitain ».
Ne pensez-vous donc pas qu’il est temps de répondre aux appels que nous lancent ces maires ruraux, qu’il est temps d’ajouter, au plan Banlieue, un plan Ruralité, qu’il est temps de rééquilibrer les politiques publiques entre grandes agglomérations et communes rurales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez mille fois raison, il y a un sentiment de délaissement, et parfois d’abandon, chez un nombre incroyable de personnes habitant dans les territoires ruraux.
M. André Reichardt. Alors, que faites-vous ?
Mme Éliane Assassi. Allez en Seine-Saint-Denis, vous en verrez, de l’abandon !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Toutefois, permettez-moi de vous le dire, ce sentiment n’est pas nouveau, il ne date pas d’il y a six mois. Cela fait des années, vous l’avez dit, qu’il existe.
Le Gouvernement poursuit deux buts.
Premièrement, il ne faut pas opposer les territoires les uns aux autres ; arrêtons d’opposer la ruralité à la métropole, les quartiers aux centres-villes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.) Ce qui importe, c’est la cohésion des territoires. Cette cohésion des territoires, c’est-à-dire la lutte contre les fractures territoriales, est si importante que, lorsque l’on considère votre département, le Tarn-et-Garonne, on constate que c’est l’un de ceux où le taux de croissance démographique est le plus élevé de la France métropolitaine. Cela veut dire que la ressource, l’avenir se trouvent là et non pas uniquement dans le centre métropolitain, en l’occurrence Toulouse.
Deuxièmement, il faut absolument avoir une politique très forte en faveur de ces territoires ruraux, pour lutter contre ces fractures territoriales et retrouver cette cohésion des territoires.
Or que faisons-nous, quand nous lançons le plan Numérique – Mounir Mahjoubi et moi passons personnellement nos journées à faire en sorte que soient accessibles partout et pour tous les Français le haut débit en 2020 et le très haut débit en 2022 –, quand la ministre de la santé double le nombre de maisons de santé, lance le plan Santé sur les territoires et lutte contre les déserts médicaux, quand la ministre des transports organise des Assises de la mobilité centrées uniquement sur la mobilité du quotidien, notamment des territoires ruraux, quand le ministre de l’éducation nationale annonce certaines mesures, notamment les internats dans les territoires ruraux, quand on assure que l’ensemble des dotations de fonctionnement, dont vous avez tant discuté ici, ne diminuera pas et que les dotations aux investissements continueront ? Tout cela va dans le sens de cette cohésion des territoires.
Cela dit, in fine, notre seule boussole sera la perception des Français. Tant que la perception de ceux qui habitent en zone rurale n’aura pas changé, cela voudra dire que nous ne serons pas allés assez loin, et nous continuerons. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Monsieur le secrétaire d’État, je ne cherche pas à opposer les territoires ruraux aux territoires urbains, même si, cet été, vous avez signé un décret d’avance qui a supprimé à la fois la DETR et des crédits pour la politique de la ville.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. François Bonhomme. Je dis simplement que les maires sont sortis laminés des réformes territoriales,…
M. Pierre Laurent. Autant de mesures que vous avez votées !
M. François Bonhomme. … qui ont été complètement ratées, et de tous les sacrifices qu’on leur demande. Ils ne veulent plus être le jouet et la variable d’ajustement des politiques publiques de l’État ; je ne dis que cela. Ils veulent, pour demain, une relation claire, durable, contractuelle et équilibrée ; voilà tout ce que je dis ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
taxe sur les dividendes et taxe foncière
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour le groupe Les Républicains.
M. Sébastien Meurant. L’encadrement des ressources et des dépenses des collectivités, la diminution sans concertation des contrats aidés, les annulations de crédits, les engagements non respectés créent une grande inquiétude pour les élus locaux. Leur crainte est de ne plus pouvoir répondre aux demandes des populations, notamment des plus fragiles.
L’autonomie financière des collectivités locales, pourtant garantie par la Constitution, est battue en brèche. La réforme hâtive de la taxe d’habitation en est une nouvelle illustration. Cette réforme affaiblit le pouvoir fiscal des communes et menace la pérennité de leurs ressources. Le dégrèvement est un moyen pour l’État de reprendre la main et de revenir sur la décentralisation et l’autonomie des collectivités territoriales.
Cette réforme accroîtra les disparités entre communes riches et communes pauvres, elle frappera de plein fouet 20 % des Français qui acquittent déjà 80 % de l’impôt sur le revenu, elle affaiblira le lien entre le citoyen et le financement des services publics communaux. Dans 8 000 communes, on comptera moins de dix contribuables et, dans 3 000, moins de cinq…Voilà qui pose la question de l’acceptation de l’impôt, du respect de l’égalité devant l’impôt. Votre projet ne règle en rien les injustices qui résultent de l’obsolescence des bases locatives ; il les concentre sur quelques contribuables.
Pourquoi, alors, ne pas toucher à la taxe foncière, dont les bases de calcul sont à peu près similaires ? Quel manque de cohérence et de vision ! Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait préférable, au lieu de se précipiter dans une réforme mal ficelée, de construire avec les maires et le Sénat une fiscalité moderne qui garantisse l’autonomie fiscale des collectivités et qui assure un juste lien entre le citoyen et le contribuable ? Ne craignez-vous pas que l’histoire ne se répète et que, après l’annulation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les dividendes, votre réforme subisse le même sort ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
M. Ladislas Poniatowski. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l’économie et des finances.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le sénateur, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers français a été approuvée massivement lors de l’élection présidentielle et des élections législatives qui ont suivi. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le Président de la République, à l’époque candidat à l’élection présidentielle, a mis au cœur de son projet l’objectif de rendre du pouvoir d’achat à nos concitoyens, qui l’ont entendu.
Vous appelez de vos vœux une remise à plat de la fiscalité locale, serpent de mer dans cet hémicycle, comme dans celui de l’Assemblée nationale, depuis plus de trente à quarante ans. Cela fait tellement longtemps que l’on en parle que peu ont engagé ce travail…
Vous le savez – le Premier ministre l’a rappelé dans son discours de politique générale –, nous sommes prêts à engager une réflexion avec l’ensemble des territoires et avec les deux chambres sur une refonte en profondeur de notre fiscalité locale. Qui peut ici considérer qu’il est juste que les personnes résidant dans le centre de Paris acquittent une taxe d’habitation trois fois inférieure aux habitants d’Argenteuil, à nombre de mètres carrés équivalent ?
La taxe d’habitation est injuste socialement et elle est inefficace. C’est la raison pour laquelle, dans un souci de redistribution du pouvoir d’achat, mais également au nom de l’équité fiscale entre les populations de territoires qui ne disposent pas des mêmes atouts, nous procéderons à sa suppression, étalée sur trois années, pour 80 % des foyers.
À n’en pas douter, nous aurons l’occasion d’en débattre dans quelques instants, après la séance de questions au Gouvernement. En tout état de cause, sachez que nous sommes déterminés à rendre du pouvoir d’achat à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 28 novembre 2017 à seize heures quarante-cinq et seront retransmises sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Loi de finances pour 2018
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l’économie et des finances, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer le retour de notre rapporteur général, Albéric de Montgolfier (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.), qui fait mentir le vieux proverbe français selon lequel « tout mal guérit par la patience ». C’est bien l’impatience d’être parmi nous pour assumer ses responsabilités qui l’a guéri, comme s’il s’agissait d’un miracle démocratique… (Sourires.) Merci, monsieur le rapporteur général, d’être avec nous cet après-midi !
Un budget, c’est une arithmétique, mais c’est d’abord une politique. C’est vrai de ce budget comme des autres, et même de ce budget plus que des autres. En effet, il s’agit du premier budget de ce gouvernement, donc du plus important. C’est un point de départ qui va déterminer la trajectoire économique, financière et politique du quinquennat. C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur le Sénat pour l’examiner sur le fond, avec cet esprit de responsabilité qui est notre marque de fabrique, sans complaisance – comptez sur nous (Sourires.) –, mais aussi, bien entendu, sans manque d’objectivité.
L’objectivité doit nous permettre de reconnaître – nous l’avons fait – que nous nous trouvons devant un budget sincère, contrairement à celui qui nous avait été présenté l’an passé et que nous avions dénoncé. Elle nous conduira à reconnaître les mesures qui vont dans le bon sens et que nous pourrons voter, à l’instar d’un certain nombre de missions budgétaires.
Pour être objectif, il faut pouvoir juger et apprécier un budget avec des critères. Je vous en propose deux, qui me semblent être les critères principaux.
Premièrement, ce budget apporte-t-il des réponses à la hauteur de la situation de la France ?
Deuxièmement, ce budget est-il à la hauteur de ce qu’en dit le Président de la République ? Est-ce un budget de transformation ?
Pour ce qui concerne les réponses du budget, il faut savoir que la France supporte aujourd’hui deux énormes handicaps, que résume finalement l’expression « déficits jumeaux » : le déficit budgétaire et le déficit commercial. Je vais les évoquer successivement.
Que dit le budget sur le déficit budgétaire ? Quelles solutions y apporte-t-il ?
Voilà quelques mois, j’entendais le Premier ministre s’exprimant à cette même tribune évoquer les habitudes budgétaires de la France et parler d’« une addiction française ». Mettez-vous fin à cette addiction ? Non !
Le déficit de l’État va augmenter. La dépense publique va augmenter. Certes, comme nous l’avons dit ce matin, vous n’êtes pas comptable de la dérive de la masse salariale, mais vous êtes comptable des efforts que vous pourriez faire et que vous ne faites pas, notamment en matière d’économies sur les postes de la fonction publique de l’État. Or on ne compte que 324 postes en moins.
Cette situation aura des conséquences. Nous sommes le premier pays européen dont le ratio d’endettement ne baissera pas, ainsi que M. le président de la commission l’a dit tout à l’heure. Nous sommes, avec l’Espagne, l’autre pays européen qui apparaît toujours sur le radar de la procédure de déficit excessif. La Grèce ne fait plus l’objet de cette procédure depuis septembre dernier…
Enfin, nous venons hier de faire l’objet de remontrances, d’un coup de semonce de la Commission européenne, qui a du mal à croire à la confirmation de vos hypothèses.
Votre volonté de mettre fin à la dérive de la dépense publique, qui est un mal français, pose donc problème.
Le déficit commercial, quant à lui, exprime, mois après mois, la dégringolade de la compétitivité française, de « l’entreprise France ». Quelles solutions y apporte le budget ? Aucune, puisque, en 2018, les entreprises devront supporter plus de 3 milliards d’euros – et plus encore – de charges supplémentaires. Vous allez même en faire des collecteurs d’impôts, avec la retenue à la source.
Albéric de Montgolfier a proposé d’autres formules, plus contemporaines. On peut à la fois être moderne et ne pas peser sur les entreprises avec des tracasseries administratives. Vous avez préféré la CSG à la TVA, qui était la seule façon de taxer les produits chinois,…
Mme Sophie Primas. Exact !
M. Bruno Retailleau. … d’imposer à nos frontières une sorte de régulation de la mondialisation sauvage et du dumping social. Vous ne l’avez pas fait.
Pour résumer, quels sont les reproches que nous adressons à ce budget ?
Premièrement, nous pensons – preuves à l’appui, que nous développerons – que c’est un budget non de transformation, mais de continuation.
Comme avant, vous ferez les efforts les deux dernières années du mandat. Comme par habitude, la France va rester championne de la dépense publique. Comme avant, la France va rester championne des prélèvements obligatoires et, comme par habitude, elle n’engagera pas de réforme structurelle. D’ailleurs, l’effort structurel est six fois moindre que ne l’exige la toise européenne.
Deuxièmement, nous pensons que ce budget ne fait pas porter une charge équivalente sur toutes les catégories de Français. Il fait des gagnants et des perdants.
Évidemment, comme cela a été dit, les plus grands gagnants sont les détenteurs des patrimoines les plus élevés, qui intègrent un maximum de valeurs mobilières. Les perdants, ce sont les familles.
Vous poursuivez le matraquage commencé avec M. Hollande, privant le pays d’un dynamisme démographique, le privant finalement de son propre avenir. Les perdants, ce sont les ruraux, la France pavillonnaire, les Français qui doivent utiliser leur voiture, qui consomment du diesel. Les perdants, ce sont les propriétaires et tant d’autres. Bref, ce sont les classes moyennes et les classes moyennes supérieures, qui supportent aujourd'hui l’essentiel de la charge publique, avec des impôts directs qui seront de plus en plus concentrés – c’est déjà le cas pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques, et ce sera encore plus le cas demain, avec la taxe d’habitation –, touchant ainsi au cœur même du principe du consentement à l’impôt et contredisant l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel la charge publique doit être supportée de façon équivalente et en fonction des possibilités de chacun.
Ce que nous reprochons à ce budget, c’est cette hyperconcentration de l’impôt direct et, bien évidemment, une formidable injustice à l’égard des collectivités locales. Je ne veux pas en parler maintenant. J’attends la déclaration du Président de la République, qui va peut-être s’exprimer incessamment devant les maires.
Quoi qu’il en soit, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement sait désormais que votre réforme, sur laquelle vous vous êtes exprimé pendant les questions au Gouvernement, est anticonstitutionnelle. Vous allez sans doute devoir supprimer la totalité de la taxe d’habitation.
M. Philippe Dallier. C’est sûr !
M. Antoine Lefèvre. Il y a des chances !
M. Bruno Retailleau. En l’état, ce mécanisme de suppression partielle de la taxe d’habitation va créer une injustice, puisque les communes pauvres s’appauvriront, quand les communes riches, pouvant bénéficier d’un dynamisme fiscal plus important, s’enrichiront. C’est, finalement, le summum de l’injustice !
Monsieur le secrétaire d'État, comprenez-nous bien : nous essaierons évidemment d’être justes dans les débats. Nous ferons des propositions, et nous ne nous contenterons pas de nous opposer. Le rapporteur général a déposé, au nom de la commission des finances, un certain nombre d’amendements. Nos propositions porteront notamment sur les familles, sur la compétitivité de nos PME et sur le logement. Dominique Estrosi Sassone et Philippe Dallier y ont beaucoup travaillé. Bien sûr, nous ferons aussi des propositions visant à réaliser des économies.
De grâce, si j’ose dire pour conclure, ne gâchez pas une fenêtre de tir exceptionnelle. La croissance est en train de revenir. Demain, la situation sera peut-être moins bonne. Quand la croissance est là, il faut faire des réformes, parce que celles-ci sont alors plus indolores. Demain, les taux d’intérêt et le prix du pétrole peuvent remonter, et, ceux qui connaissent un peu ce phénomène économique le savent, quand le chômage s’ajustera à la limite du chômage structurel, la croissance s’alignera dans le même temps sur une croissance potentielle très faible, autour de 1 %. Ne gâchez donc pas cette chance pour la France ! Transformez vraiment, plutôt que de conserver les vieilles habitudes ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite d’abord partager avec vous une première satisfaction,…
M. Philippe Dallier. Ah !
M. Claude Raynal. … celle de faire, cette année, comme vous tous, mon travail de parlementaire.
MM. Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous l’avons aussi fait l’année dernière !
M. Claude Raynal. L’année dernière, tout à votre primaire et à votre incapacité de vous mettre d’accord sur un programme présidentiel – quelles priorités ? Quel niveau d’économies : 50 milliards, 100, 120 ? Sur quelles missions ? –, vous avez, au nom d’une prétendue insincérité (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), préféré fuir le débat budgétaire. Rappelons que la correction des sous-budgétisations tant décriées portait, selon la commission des finances, sur environ 4 milliards d’euros, sur un budget total de 236 milliards d’euros, soit à peine plus de 1 % du budget.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et quid des hypothèses macroéconomiques ?
M. Claude Raynal. Il y avait vraiment de quoi s’affoler…
M. Dominique de Legge. Bien sûr que oui !
M. Claude Raynal. On se souviendra encore de cette magnifique envolée lyrique de notre rapporteur général – je peux le citer, puisqu’il est revenu parmi nous – stigmatisant, en novembre 2016, « une prévision de croissance qui frôle l’irréalisme ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et le rapport de la Cour des comptes ?
M. Claude Raynal. Je rappelle que le Gouvernement avait, à l’époque, tablé sur une croissance au taux « irréaliste » de 1,5 %. Finalement, ce taux s’établira, en cette fin d’année, à 1,7 %, voire 1,8 % !
M. Philippe Dallier. Et les dépenses ?
M. Claude Raynal. Je sais bien, monsieur Dallier, que, quand la croissance est faible, c’est toujours à cause du Gouvernement et que, quand elle est meilleure, c’est grâce à la conjoncture. C’est toujours comme ça !
Et si l’on s’en tenait aux faits, comme nous y invite, paraît-il, le nouveau monde ?
Et si l’on se disait qu’il est plus facile, grâce aux gouvernements successifs du Président Hollande, de faire un budget pour 2018 avec 3 % de déficit public et 1,8 % de croissance qu’un budget pour 2013 avec 5,2 % de déficit public et 0,2 % de croissance ?
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, l’amélioration attendue d’à peine 0,1 % du déficit public en 2018 peut surprendre, surtout que ce résultat est essentiellement dû à l’effort demandé aux administrations de sécurité sociale et aux collectivités locales.
Pour autant, nous espérons vivement que notre pays pourra enfin sortir de la procédure de déficit excessif à laquelle nous sommes soumis depuis trop d’années. Malgré la récente position de la Commission sur le déficit structurel, ce pourrait être l’une des trop rares bonnes nouvelles de ce projet de loi de finances.
Ce dernier est avant tout marqué par deux grands types de mesures : d’une part, une réduction massive de la fiscalité sur le capital, dont le coût budgétaire est malheureusement gagé par des taxes nouvelles – tabac, diesel… – et des économies sur des politiques publiques profitant aux plus faibles, que ce soit en matière de contrats aidés ou de soutien au logement social ; d’autre part, un dégrèvement de taxe d’habitation dont le coût, sur trois ans, de 10 milliards d’euros, n’est pas sans rappeler le montant des économies de fonctionnement demandé aux collectivités locales… Vision certes schématique, mais pourtant assez juste.
La réforme de la fiscalité du capital mobilier constitue bien la mesure majeure de la première partie de ce PLF. Elle porte sur la suppression de l’impôt sur la fortune, remplacé par un impôt sur la fortune immobilière, ou IFI, et par un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les dividendes, intérêts et plus-values mobilières. L’ensemble entraîne une perte de recettes d’au moins 4,5 milliards d’euros en 2018 et de 5,5 milliards d’euros en 2019. Comment ne pas s’interroger sur cette perte de recettes quand le Gouvernement poursuit parallèlement une politique de baisse de la dépense publique ?
Cette mesure ne saurait évidemment recueillir notre approbation et les raisons de s’y opposer sont nombreuses. Purement idéologique, elle repose sur des a priori d’inspiration libérale que nous ne partageons pas.
Elle rompt tout d’abord l’égalité que nous avions instaurée en 2013 entre revenus du travail et revenus du capital, au bénéfice de ces derniers.
Elle crée ensuite un biais entre investisseurs, au détriment de la pierre, et favorise par là même les plus gros revenus, ceux pour lesquels la part de l’immobilier dans le patrimoine est la plus faible. Notre commission des finances a ainsi appris de vos services que les 100 plus gros contribuables économiseront, grâce à cette mesure, près de 150 millions d’euros par an. Elle peut, de ce fait, avoir un impact sur la production de logements neufs dans notre pays.
Enfin, elle sous-tend l’idée que les bénéficiaires réinvestiraient immédiatement dans l’économie productive, ce qui relève plus de la foi du charbonnier que d’une réelle expertise. La confiance de vos services est d’ailleurs telle que le retour attendu à long terme du dispositif est estimé à 0,5 point de PIB et 50 000 emplois.
Par ailleurs, il est surprenant de constater, chers collègues de la majorité sénatoriale, que, partageant le même constat sur l’IFI, nous en tirions des conséquences aussi opposées. Votre volonté de supprimer totalement l’ISF se traduisant d’ailleurs par une aggravation du déficit d’environ 1 milliard d’euros que vous oubliez juste de compenser. Il aura fallu que La République En Marche ouvre la voie pour que, vous armant de courage, vous essayiez de tenir une promesse que vous n’aviez jamais jusqu’à ce jour osé concrétiser.
Il est tout de même permis de s’interroger : ces 5 milliards d’euros par an ne seraient-ils pas mieux utilisés, par exemple, à doter correctement la BPI, dont les résultats sont unanimement reconnus, voire l’Agence des participations de l’État ? En cette matière, on nous explique doctement chaque année que l’APE doit céder des parts d’entreprises pour investir dans les projets de demain ou pour conforter des fleurons nationaux. Au lieu de vendre des concessions autoroutières, des sociétés de gestion aéroportuaire ou, nous dit-on, des sociétés comme la Française des jeux, nous pourrions utiliser ces ressources en les fléchant directement vers le développement économique de notre pays.
Pour résumer, nous disons non à l’impôt sur la fortune immobilière, mais oui au rétablissement de l’impôt sur la fortune.
Par pure charité, je préfère passer sous silence les différentes taxes purement cosmétiques sur les yachts et les voitures de luxe dont nos collègues de l’Assemblée nationale auraient pu se dispenser.
M. Philippe Dallier. Ça, c’est vrai !
M. Claude Raynal. Quand on fait des choix, on doit les assumer jusqu’au bout.
Monsieur le secrétaire d’État, nous aurons plus de considération pour la deuxième grande mesure fiscale de ce projet de loi de finances, à savoir celle portant sur la taxe d’habitation, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le parti socialiste a toujours considéré que cette taxe était particulièrement injuste pour les ménages et inéquitable pour les collectivités.
Ensuite, il s’agit de la seule mesure qui permette de redonner rapidement un peu de pouvoir d’achat aux Français – celle consistant à prendre aux retraités pour augmenter dans le temps le salaire net des salariés n’ayant pas notre assentiment. Nous ne voterons donc pas l’amendement de suppression présenté par la majorité sénatoriale, mais nous voulons être clairs.
En 2018, et les années suivantes, les collectivités locales ne doivent en rien être impactées par cette mesure de dégrèvement. Les bases nouvelles doivent être prises en compte, tout comme les éventuelles augmentations de taux.
L’exposé des motifs de l’article 3, selon lequel « un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées ultérieurement par les collectivités sera discuté dans le cadre de la conférence nationale des territoires », est loin de nous rassurer, monsieur le secrétaire d’État. Nous attendons votre réponse sur ce point précis.
Enfin, dans notre esprit, et je crois que cette idée progresse, 2018 devra être, à l’issue de la mission Bur-Richard et en lien avec les commissions des finances des deux assemblées, l’année de la réforme en profondeur de la fiscalité locale, tant notre système apparaît à bout de souffle. À cet égard, 2018 doit être une année décisive.
Après moi, mon collègue Thierry Carcenac reviendra plus longuement sur l’appréciation que nous portons sur les sujets touchant plus particulièrement au financement des collectivités locales.
Au moment où s’ouvre le débat sur ce projet de loi de finances pour 2018, permettez-moi de résumer ainsi la position du groupe socialiste du Sénat : hostile à la réforme de l’impôt sur la fortune ; consterné par la brutalité des décisions concernant les emplois aidés et les aides au logement notamment ; mais ouvert à une première tranche de dégrèvement sur la taxe d’habitation, sous réserve que soit élaboré, en 2018, un projet de loi portant sur la réforme de la fiscalité locale en association avec les deux chambres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme Bruno Retailleau l’a rappelé, il y a finalement peu de baisses de dépenses dans ce projet de loi de finances. Mais s’il est un secteur particulièrement mis à contribution en 2018, ainsi que dans le triennal 2018-2020, c’est celui du logement. Je dois dire que je ne comprends pas la méthode du Gouvernement, non plus que son discours, en la matière.
Chacun s’accorde à dire que nous vivons toujours une crise du logement, malgré l’embellie certaine que nous connaissons après le creux dramatique des années 2013-2015. Pour paraphraser Clemenceau, il n’y a qu’une solution à cette crise : construire, construire et encore construire.
M. Bruno Retailleau. Bravo !
M. Philippe Dallier. Encore faut-il se poser les bonnes questions : construire quoi, construire où et à quel coût ?
Ce n’est pourtant pas du tout ainsi que le Gouvernement aborde le problème. Certes, il affiche un discours volontariste, nous parle de réforme structurelle et de choc d’offre, mais je ne vois, dans ce PLF, que des mesures de rendement budgétaire.
Ayant dit cela, monsieur le secrétaire d’État, je ne plaide pas pour une augmentation sans fin des moyens destinés à la politique du logement, car j’ai bien conscience que les résultats ne sont pas à la hauteur des 40 milliards d’euros que nous y consacrons. Mais je ne crois pas non plus que la nécessaire réduction de la dépense publique, sans réforme structurelle préalable, sans vision d’ensemble, soit la bonne solution. Or c’est ce que vous faites dans ce PLF, à travers l’article 52, mais pas seulement.
Vous supprimez l’impôt de solidarité sur la fortune pour ne conserver qu’un impôt sur la fortune immobilière, qui touchera les seules classes moyennes et classes moyennes supérieures et pas les grandes fortunes.
Vous supprimez la taxe d’habitation pour ne conserver que la taxe foncière, laquelle restera la variable d’ajustement des budgets communaux.
Vous supprimez l’aide aux maires bâtisseurs – elle n’était pas très élevée, mais elle existait.
Vous recentrez le dispositif Pinel et celui du PTZ.
Vous supprimez la prime d’État pour les titulaires d’un plan d’épargne logement.
Vous supprimez l’APL-accession, alors que, dans le même temps, vous souhaitez voir la vente d’HLM atteindre 40 000 logements par an – j’ai un peu de mal à comprendre votre logique.
Vous taxez cette même vente d’HLM.
Vous abaissez à 50 millions d’euros la participation de l’État au FNAP, rompant la promesse d’une parité entre les moyens apportés par l’État et ceux des bailleurs sociaux.
Vous pérennisez le coup de rabot de 5 euros sur les APL, mesure inintelligente, selon le Président de la République, mais pérenne, puisqu’elle rapportera 400 millions d’euros en 2018.
Enfin, l’article 52 de ce PLF prévoit non pas un nouveau coup de rabot, le terme est trop faible, mais une extrême ponction de 1,5 milliard d’euros sur les APL, doublée d’une baisse imposée des loyers, qui coûtera aux bailleurs sociaux près de 1,7 milliard d’euros en raison des effets d’aubaine dont bénéficieront certains locataires.
Avec tout cela, monsieur le secrétaire d’État, vous pensez sérieusement déclencher un choc d’offre, trouver des investisseurs, publics ou privés – car il en faut pour construire – et mobiliser les collectivités territoriales très inquiètes pour leur dotation, pour leur autonomie budgétaire et en raison des emprunts qu’elles ont garantis ?
Vous aurez beau, dans un second temps, simplifier les normes et les procédures – ce que tout le monde réclame –, vous aurez beau engager une restructuration souhaitable des bailleurs sociaux, mais qui demandera du temps pour produire des effets, vous prenez le sérieux risque de donner un coup de frein au secteur du logement.
Qu’auront gagné l’économie française et le budget de l’État à retomber dans les mêmes erreurs, à retrouver la situation ayant suivi l’adoption de la loi ALUR de Mme Duflot ? N’avez-vous tout simplement pas mis la charrue devant les bœufs ? Il est encore temps de vous poser la question.
La politique du logement est un tout, une chaîne, dont la fragilisation d’un maillon fragilisera à coup sûr l’ensemble. Or ce maillon faible, dans ce PLF, c’est le logement social, avec 200 bailleurs qui pourraient se retrouver au tapis dès l’an prochain. Certains seront même, dès 2018, en autofinancement négatif, et beaucoup d’autres en autofinancement si faible qu’ils auront du mal à entretenir le parc existant.
Je connais bien la petite musique de fond, que l’on entend depuis longtemps à Bercy, selon laquelle les bailleurs sociaux sont assis sur un tas d’or et qu’on trouverait là une réserve de moyens disponibles. C’est oublier un peu vite, monsieur le secrétaire d’État, que tous les bailleurs ne sont pas dans la même situation : certains concentrent les publics allocataires de l’APL et seront donc particulièrement touchés par vos mesures ; quant aux « dodus dormants » – et il y en a –, ils ne sont pas majoritaires et se trouvent rarement en zone tendue.
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Vous proposez aux bailleurs des mesures censées compenser cette perte sèche de recettes. Mais comment ne pas relever que c’est la veuve de Carpentras, que l’on aimait invoquer en commission des finances, qui va payer la facture finale du gel du taux du livret A ? Avec un taux bloqué à 0,75 %, alors que le taux du marché est de 1,25 %, elle va perdre la différence. Qui va encaisser cette différence ? Eh bien, ce sont les banques ! Dès 0,25 % de différentiel, elles réalisent un profit de 900 millions d’euros. Avec 0,50 %, cela représente 1,8 milliard d’euros, soit le montant de la réforme, dont on ne peut pas dire qu’elle sera perdue pour tout le monde.
Vous demandez ensuite à la Caisse des dépôts et consignations de proposer aux bailleurs sociaux des prêts de haut de bilan, pour 2 milliards d’euros, considérés comme des quasi-fonds propres. Vous proposez également aux bailleurs des prêts bonifiés et un rééchelonnement de leur dette. Mais des prêts, monsieur le secrétaire d’État, fussent-ils bonifiés ou rallongés, restent des prêts qu’il faut un jour rembourser. Or la baisse des ressources propres des bailleurs impactera leur capacité à entretenir leur patrimoine et à construire de nouveaux logements.
Il n’est pas inutile de rappeler ici, au Sénat, que ce sont nos collectivités territoriales qui garantissent les prêts contractés par les bailleurs sociaux. Jusqu’à présent, il n’y a jamais eu d’accident – la CGLLS est faite pour cela. Mais il ne faudrait pas, à force de vouloir tout faire faire à la Caisse de garantie du logement locatif social, donner l’idée aux banques ou aux agences de notation d’évaluer le niveau d’endettement des collectivités en fonction des garanties d’emprunts qu’elles ont accordées. Certaines ne trouveraient alors plus personne pour les financer – ou à quel prix ?
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Voilà beaucoup de raisons, sur beaucoup de sujets, qui me conduisent à dire, chers collègues, que le Sénat ne peut maintenir en l’état les dispositifs adoptés par l’Assemblée nationale.
S’agissant de l’article 52, et même si nos collègues députés ont cherché à étaler dans le temps les effets du dispositif du Gouvernement, le compte n’y est pas. On ne peut en rester là. Le compromis que nous recherchons toujours ne peut passer que par un adoucissement de la baisse trop importante de la part de l’État pour équilibrer le FNAL.
Comme nous ne souhaitons pas dégrader le solde budgétaire, monsieur le secrétaire d’État, nous proposerons, en première partie de ce PLF, de relever le taux de TVA sur les opérations de constructions et de réhabilitations en prenant garde d’exclure ceux qui n’étaient pas concernés par votre dispositif initial. Nous pensons ainsi trouver environ 600 millions d’euros, même si nous devons encore calibrer le dispositif. Pour ce faire, nous avons besoin de l’aide des services de Bercy, aide que nous avons eu bien du mal à obtenir jusqu’à présent.
Nous irons chercher le reste en seconde partie. Plusieurs solutions sont envisageables. Nous n’avons pas encore trouvé le bon compromis, celui qui suppose que chacun fasse de nouveau un pas vers l’autre.
Le Gouvernement et les bailleurs en ont fait un premier en acceptant le principe du relèvement de la TVA. Reste, me semble-t-il, pour avancer en seconde partie, à obtenir du Gouvernement, et c’est là le point le plus important, monsieur le secrétaire d’État, la garantie que ce partage des 1,5 milliard d’euros entre recettes nouvelles et baisses des dépenses, que nous pouvons encore calibrer, soit la solution pérenne sans monter en charge dans les trois prochaines années. Voilà les conditions que le Sénat y met !
Monsieur le secrétaire d’État, la balle est maintenant dans le camp du Gouvernement. Le Sénat est prêt à jouer tout son rôle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’effort financier consacré par l’État en 2018 aux territoires ultramarins s’élève à 17,2 milliards d’euros, contre 16,6 milliards d’euros en 2016 et 16,2 milliards d’euros en 2015. Les dépenses fiscales étant estimées à 4,2 milliards d’euros, l’effort total de l’État devrait s’élever à 21,4 milliards d’euros, selon le document de politique transversale outre-mer.
M. Victorin Lurel. C’est contestable !
M. Georges Patient. Ce document présente la quasi-totalité de l’effort budgétaire et financier consacré par l’État aux territoires ultramarins. Cet effort, il faut le préciser, correspond à 3,9 % du budget général, alors que les populations ultramarines représentent 4,3 % de la population nationale, même s’il est indiqué dans le document de politique transversale que les crédits inscrits ne traduisent pas le « coût des outre-mer », mais la mise en œuvre budgétaire des politiques publiques conduites par l’État pour ces territoires.
La hausse de 1,26 % de ce budget par rapport aux exercices précédents s’inscrit dans une certaine continuité, en dépit d’une situation financière nationale toujours contrainte.
Ce budget se présente comme un budget de responsabilité au regard de la priorité donnée au Gouvernement de rétablir les comptes publics de la France, mais surtout comme un budget de transition pour les territoires ultramarins, dans la perspective des Assises des outre-mer. Le Gouvernement s’est en effet engagé à s’appuyer, pour les prochains projets de loi de finances, sur le Livre bleu outre-mer, qui résultera des Assises des outre-mer, lancées en octobre 2017 et devant s’achever au printemps de 2018.
Monsieur le secrétaire d’État, les Ultramarins auront-ils la patience d’attendre demain, alors que la situation est aujourd’hui plus qu’alarmante ? Tous les voyants sont au rouge : emploi, insécurité, immigration, éducation, finances locales, pour ne citer que ces domaines.
Les maires des communes d’outre-mer que j’ai rencontrés au congrès des maires sont tous en ébullition. Les socio-professionnels sont excédés, confrontés à une chute de leurs commandes et à des grèves qui se multiplient. Tous exhortent le Gouvernement à agir urgemment, évoquant le risque d’explosion sociale, les événements de Guyane de mars et avril derniers étant encore dans toutes les mémoires.
Je sais le Président de la République très attentif et conscient des enjeux. Il a l’expérience de ces dossiers. Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, il y a urgence à agir dès ce budget pour 2018 en envoyant des signes positifs sur des sujets très sensibles.
Je pense aux accords de Guyane, qui manquent de visibilité dans ce budget, notamment le plan d’urgence qui semble avancer le frein à main tiré.
Je pense aussi à la suppression brutale des contrats aidés, sujet unanime de mécontentement dans les outre-mer. Il semblerait que des dispositions particulières pour ces territoires soient prises, mais elles mériteraient d’être davantage mises en lumière.
Je pense encore aux dispositions d’incitation fiscale à l’investissement productif et dans le secteur du logement. Un moratoire sur la défiscalisation, en attendant d’aller plus loin, serait bienvenu.
Le CICE outre-mer, porté à 9 %, est également un sujet sensible. Pourquoi ne serait-il pas maintenu ?
La baisse de plus de 8 % des crédits affectés au logement est un autre sujet sensible, de même que la baisse des crédits affectés à la mobilité, à la continuité territoriale.
Je pense enfin aux finances locales : la Cour des comptes a elle-même constaté, dans son dernier rapport d’octobre 2017, que le système de péréquation actuel était défavorable aux communes d’outre-mer.
Sur ces différents points, je proposerai des amendements visant à offrir des opportunités de plus grande adaptation de ce budget à nos réalités ultramarines. J’espère que vous leur donnerez une suite favorable.
Pour terminer, à la lumière de toutes les difficultés que vous rencontrez pour faire rentrer dans ce budget les attentes des populations ultramarines, je veux insister sur la nécessité d’instaurer dans nos territoires la responsabilité d’un réel développement propre, de façon à sortir de cette dépendance budgétaire que vous-même vous ne souhaitez pas non plus.
La croissance par les transferts publics a atteint ses limites. Le Président de la République lui-même veut donner une nouvelle marque, un nouveau souffle aux politiques publiques. Ce qui vaut pour la France doit aussi pouvoir servir d’objectif à la réflexion des outre-mer sur leur avenir – les moyens ne pouvant évidemment être identiques.
Les outre-mer doivent sortir par leurs propres moyens de l’économie de transfert. Le développement endogène devient une nécessité urgente. Nous devons penser notre développement en fonction de nos réalités, de notre environnement complexe, de nos caractéristiques mentales et sociales propres. Il ne saurait y avoir d’égalité réelle sans émancipation réelle, pour reprendre les mots de notre collègue député Serge Letchimy.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis, au nom du groupe Union Centriste, d’examiner le projet de budget cette année. Vous vous rappelez tous que, le 30 novembre de l’année dernière, sur proposition du rapporteur général, dont je salue le retour, nous avions décidé de ne pas examiner le projet de loi de finances pour 2017, qui présentait des signes d’insincérité. L’audit confié par le nouveau gouvernement, dès son entrée en fonction, à la Cour des comptes a confirmé cette insincérité, évaluée à 8 milliards d’euros. Le président de la Cour des comptes, dans son analyse, a évoqué des risques de dérapage résultant d’une sous-estimation des dépenses de l’État et d’estimations volontairement optimistes de l’impact de certaines mesures.
Tout cela, nous l’avions décelé lors de l’examen du projet de budget en commission. Nous nous inquiétions notamment de la croissance de la masse salariale, des conséquences des augmentations des dépenses de sécurité et de défense et des grands travaux d’infrastructures annoncés.
L’élection présidentielle a apporté un nouveau souffle, tout d’abord en raison de la très bonne image dont bénéficiait le nouveau Président de la République en France et, surtout, à l’étranger. Lors de sa campagne électorale, ce dernier a défendu l’esprit d’entreprise et annoncé un certain nombre de mesures de soutien à l’économie de nature à restaurer la confiance, dont nous avons tant besoin, dans notre pays.
Le groupe Union Centriste partage la volonté de réforme du Président de la République, qui nous semble absolument nécessaire. La France est dans une situation très préoccupante : la dette publique a fortement augmenté – 32 points de PIB en dix ans – et devrait représenter, pour l’État, plus de 1 750 milliards d’euros en 2018. Il y a de quoi être inquiet ! Très récemment, le Venezuela a failli se retrouver en cessation de paiement pour une dette publique de 150 milliards… C’est dire combien il est urgent d’agir. Il est d’ailleurs paradoxal de constater que les intérêts de la dette ne cessent de diminuer – 43 milliards d’euros en 2014, contre 40 milliards d’euros dans ce projet de budget –, alors que la dette continue d’augmenter en valeur.
Notre déficit public est également particulièrement préoccupant. Il s’élèvera à 83 milliards d’euros en 2018, ce qui appelle des réformes.
Il en va de même de notre balance commerciale : notre déficit s’élève à 34 milliards d’euros sur le premier semestre de 2017, quand l’Allemagne dégage un excédent commercial de plus de 110 milliards d’euros, et alors même que les cours du pétrole restent relativement bas. Il faudra sans doute s’engager dans un processus de baisse des charges sociales pour permettre à nos entreprises de retrouver de la compétitivité à l’exportation.
Lors des questions au Gouvernement, le dogme de la dépense publique a été évoqué. Oui, nous sommes préoccupés par la question de la dépense publique : elle est la plus élevée d’Europe avec 56 % du PIB, soit près de 10 points de plus que la moyenne des pays de la zone euro. C’est dire l’importance de l’effort à engager.
À elle seule, la croissance ne nous permettra pas de résorber ce déficit particulièrement important. Or il est essentiel, eu égard à nos engagements européens, mais aussi dans un souci de bonne gestion de nos finances publiques et afin de restaurer la confiance de nos concitoyens, de s’attaquer à ce problème.
S’agissant des recettes, je salue les propositions du Gouvernement dans un certain nombre de domaines, notamment le logement et le travail. Il s’agit d’un premier pas qui en appelle d’autres.
Je voudrais aussi saluer la volonté, manifeste dans ce budget, de réduire les prélèvements obligatoires. Ces dernières années, le ras-le-bol fiscal de nos concitoyens a été largement commenté. Il est nécessaire que des mesures soient prises pour y remédier. À cet égard, j’applaudis la volonté de corriger la trajectoire de l’impôt sur les sociétés afin de fixer son taux, d’ici à 2022, au niveau de celui des autres pays européens.
Il faut également saluer les mesures de soutien à l’investissement productif, notamment l’instauration du PFU et la baisse des charges sociales, qui a été annoncée.
En revanche, s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, et eu égard aux différentes dispositions analogues qui ont été prises par le passé, la proposition d’imposition forfaitaire sur l’immobilier ne me paraît pas la meilleure solution. Il aurait été plus astucieux, me semble-t-il, de conserver l’impôt sur la fortune…
M. Philippe Dominati. Non, non !
M. Michel Canevet. … le temps que l’état des finances publiques s’améliore, avant, le cas échéant, de le supprimer, par l’exonération, tout à fait légitime, des actifs relevant de l’investissement productif. Il faut tenir compte de la situation des finances publiques avant de supprimer une ressource, quelle qu’elle soit.
Restent quelques points sur lesquels notre vigilance s’exercera tout particulièrement. Je pense notamment aux moyens des opérateurs de l’État, ainsi qu’à la trajectoire par mission des dépenses de l’État. Nous devrons y être attentifs.
Notre taux de croissance s’annonce positif, à hauteur de 1,7 %, un peu en deçà de la situation moyenne de la zone euro néanmoins. Nous aurons donc à travailler pour restaurer la confiance. De ce point de vue, on peut saluer le choix de Paris pour l’installation de l’Agence bancaire européenne, premier signe positif en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2018 permet de définir les orientations que souhaite mettre en œuvre le Gouvernement : au-delà des mots, nous pouvons juger sur pièces ses premiers choix.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, le « vivre ensemble », auquel vous êtes, avec le Gouvernement, très attaché, comme nous tous ici, quelles que soient nos convictions économiques, ne concerne pas seulement les individus ; il existe des structures qui le rendent possible et le font vivre, au premier rang desquelles les collectivités locales, aux échelons reconnus par la Constitution et dans la limite des compétences qui leur sont dévolues.
Par ailleurs, je rappelle les termes, fixés dès 1789, de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Dès lors, l’exonération des revenus des plus aisés par l’instauration, certes subtile, et néanmoins injuste, d’une « flat tax » ou par la suppression de l’ISF – je préfère d’ailleurs l’ancien nom d’IGF, impôt sur les grandes fortunes, et j’en profite pour rendre hommage au Président Mitterrand, qui savait ce que les mots veulent dire –,…
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! Excellent !
M. Thierry Carcenac. … ainsi que la suppression de tout lien fiscal entre certains contribuables, même s’il s’agit des plus modestes, et la collectivité nationale ne sont pas de bons signaux envoyés à nos concitoyens. En effet, les classes dites moyennes, inférieures ou supérieures, ont le sentiment d’être les « dindons de la farce », les oubliés du nouveau monde dont vous nous rebattez tant les oreilles.
Discriminer ce qui serait un investissement productif d’un autre désigné à la vindicte populaire comme improductif est également un mauvais signal adressé à nos concitoyens. C’est ainsi qu’il sera préférable d’alimenter un compte bancaire, totalement exonéré, plutôt que d’investir dans des biens immobiliers destinés à la location, opération économique qui participe de la chaîne productive et de son dynamisme. Dans nos territoires, l’adage « Quand le bâtiment va, tout va » retrouve tout son sens. Claude Raynal a déjà évoqué brillamment ces choix fiscaux inopportuns et injustes.
Mais revenons à mon propos, qui concerne, dans son premier moment, les collectivités locales, instances privilégiées de la cohésion nationale et du « vivre ensemble ».
Monsieur le secrétaire d’État, la problématique du financement des collectivités locales, telle qu’envisagée dans votre projet de loi de finances, vous conduit à mettre la charrue devant les bœufs. Pourquoi, alors que vous nous annoncez une réforme globale à venir de la fiscalité locale, procéder dans l’immédiat par ajustements, en ne menant ni travail de réflexion ni concertation approfondie avec les principaux intéressés, à savoir les représentants des collectivités locales ?
Nous qui étions à la tête d’un exécutif le savons bien : nous avons en mémoire la réforme de la taxe professionnelle de 2010, qui s’est traduite, pour certains départements, par un plafonnement des compensations d’équilibre, et qui est peut-être à l’origine de situations particulièrement difficiles pour ces territoires. Ce précédent inquiète à juste titre les élus ; il s’agit certes d’un dégrèvement de fiscalité, mais ce dispositif est-il appelé à évoluer dans la durée ?
S’agissant de l’exonération de taxe d’habitation, l’objectif annoncé est qu’elle doit concerner 80 % des ménages, au motif que cette taxe serait injuste, tant dans son principe qu’en raison des valeurs locatives sur lesquelles elle est assise. Cet argument de l’injustice perdurera pour les 20 % de ménages qui resteront assujettis à cet impôt, mais également pour l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Ce qui est injuste ici, donc, ne le serait plus là ? Qu’en est-il du devenir de l’expérimentation de révision des valeurs locatives réalisée sur cinq départements et qui a vocation à être étendue à l’ensemble du territoire national ?
La suppression de la taxe d’habitation, si elle s’appliquait en l’état, outre qu’elle ne résoudrait pas les problèmes d’injustice, pourrait être considérée comme inconstitutionnelle – cela dépendra de ses modalités d’application. Monsieur le secrétaire d’État, vous prenez là un grand risque, cette mesure étant emblématique du programme du Président de la République et destinée à compenser la hausse de la CSG, et non simplement à accroître le pouvoir d’achat. De surcroît, cette disposition mécontente et inquiète la communauté des élus. Les maires vous en ont fait part récemment au cours de leur congrès.
S’agissant des départements, qui sont déjà en grande difficulté financière, leurs dépenses sociales, notamment les allocations individuelles de solidarité – je citerai le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et l’aide sociale à l’enfance pour les mineurs non accompagnés –, ne sont pas des dépenses de fonctionnement dont l’évolution serait maîtrisable. Fixer un nouveau ratio d’endettement ainsi qu’une règle d’or renforcée, qui imposerait d’affecter prioritairement les capacités d’autofinancement au désendettement, conduirait les départements à ne plus investir. Or, depuis 2010, la baisse des dépenses d’investissement est un fait établi. Il convient pourtant d’entretenir le réseau routier départemental ou de répondre aux besoins de nos collégiens en construisant des établissements scolaires. Dans la conjoncture actuelle et au vu de la situation de l’emploi, qui s’est encore dégradée, nous nous interrogeons donc sur la pertinence de ce choix.
L’option consistant à soutenir les départements les plus en difficulté, qui sont, nous dit-on, au nombre de dix-neuf, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017, par un fonds d’urgence de 100 millions d’euros prélevés sur la CNSA, n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Le précédent gouvernement avait proposé 200 millions d’euros, et le compte n’y était pas. Je précise que certains départements ne rembourseront plus l’avance mensuelle du RSA effectuée par les caisses d’allocations familiales, décalant ainsi à l’année suivante le remboursement de cette allocation, ce qui a l’air de ne préoccuper personne, et surtout pas les préfets.
S’agissant des régions, la compensation du transfert de la compétence économique par l’attribution de 1 point de TVA, impôt dynamique, paraît satisfaisante ; mais le compte, là encore, n’y est pas : 450 millions d’euros étaient annoncés, et cet engagement n’a pas été respecté. C’est pourquoi il serait préférable d’envisager une révision générale des financements des collectivités locales, au lieu d’additionner les décisions prises en urgence, visant à sortir au coup par coup d’une impasse budgétaire ou d’une autre.
Nous entrerions dans une quatrième phase de la décentralisation ; mais cette phase ressemble plutôt à une phase I de recentralisation ! En effet, le préfet disposait déjà du pouvoir d’attribution des crédits de la DETR, dans lesquels seront intégrés cette année les contrats de ruralité ; il voit son rôle accru par la mise en œuvre de la contractualisation avec 319 collectivités territoriales, voire davantage, et par la responsabilité qui lui échoit du suivi de l’endettement – si les engagements ne sont pas respectés, ce suivi pourrait conduire à ce qui ressemblerait à une mise sous tutelle de la collectivité concernée par le préfet et par la chambre régionale des comptes, sans parler du malus sur le montant des dotations.
La règle d’or, qui interdit le financement par l’emprunt des dépenses de fonctionnement, encadre déjà efficacement les budgets des collectivités territoriales. Dans le même temps, la collectivité nationale poursuit son endettement, avec une hausse de 4,5 % en 2018, qui vient d’être critiquée par la Commission européenne. L’État ne s’applique pas à lui-même la rigueur qu’il impose aux autres.
En outre, le Gouvernement fixe l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement à 1,2 % par an ; le Sénat, beaucoup plus raisonnable, retient un chiffre de 1,9 %.
Devant le comité des finances locales, dans le monde ancien donc, l’objectif d’évolution de la dépense locale n’avait pas de valeur contraignante pour les collectivités locales ; il était analysé en fonction de la nature des collectivités, une différenciation étant faite entre pôle communal, département et région. Qu’en sera-t-il à l’avenir ?
Plutôt que de ne retenir que les dépenses, ne pourrait-on pas, à l’avenir, envisager de définir un « panier » moyen de dépenses par collectivité, afin d’y adapter les ressources ? L’appréciation du reste à charge serait rendue plus juste pour les départements, s’agissant des allocations individuelles de solidarité, alors même que la compensation diminue d’année en année.
Que dire par ailleurs des ressources inégalement réparties ? En macroéconomie, on évoque toujours la hausse des recettes des DMTO. Mais, là encore, en dépit d’une péréquation dite horizontale, les inégalités sont flagrantes entre les territoires.
Enfin, ne sont pas évoquées les conséquences de décisions unilatérales de l’État concernant le protocole PPCR ou l’augmentation du point d’indice.
On avance vraiment à l’aveugle, ici dans l’attente du rapport de MM. Alain Richard et Dominique Bur, là au gré des décisions fluctuantes d’un préfet, lesquelles ne seraient assorties d’aucune possibilité d’appel.
Des rapports existent, comme celui de MM. Carrez et Thénault, publié en 2010, sur l’évolution des dépenses locales, tombé dans l’oubli, comme beaucoup de rapports, hélas, qui mériteraient d’être exhumés.
Monsieur le secrétaire d’État, il est à craindre que, dans les années à venir, si vous poursuivez dans cette logique strictement comptable sans prendre en compte le contexte dans lequel s’inscrit la vie des collectivités territoriales, le contrat social existant entre nos concitoyens et lesdites collectivités soit mis à mal, par renoncements successifs à certains services.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Carcenac. En conséquence, vous le comprendrez très bien, monsieur le secrétaire d’État, je partage les propos du président Éblé et de M. Raynal : je rejette vos choix, qui sont injustes et ne répondent pas aux exigences inhérentes au lien de confiance entre les collectivités territoriales et l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’examen du premier projet de loi de finances d’un quinquennat est un événement d’une grande importance pour la Nation, parce qu’il détermine d’emblée les principales orientations du Gouvernement, et ce pour cinq ans.
Cet examen devrait être en premier lieu l’occasion de briser un certain nombre de tabous français, s’agissant par exemple de notre addiction à la dépense publique et à une fiscalité complexe, peu lisible et, dans certains domaines, peu efficace. Il doit en outre ouvrir des pistes de réflexion pour l’avenir, en préparant des réformes difficiles mais nécessaires, qui ont été trop longtemps repoussées. Il doit enfin traduire en actes les promesses de campagne du Président de la République, afin de préserver la crédibilité de la parole publique et de concrétiser la vision politique qui a reçu l’approbation du suffrage universel.
Le texte que nous allons examiner satisfait plusieurs de ces critères. Le groupe des Indépendants examinera donc de façon ouverte les orientations correspondantes de ce projet de loi de finances, mais il examinera aussi, bien entendu, l’ensemble de ce projet avec vigilance. Nous aurons également à cœur d’être force de proposition, afin d’améliorer ce projet dans le sens de valeurs qui nous paraissent essentielles : la justice sociale, la responsabilité budgétaire, une efficacité économique au service de tous et le respect d’un développement durable sur le long terme.
La justice sociale, d’abord : il s’agit de faire en sorte que le travail procure les ressources qu’ils méritent à ceux qui l’exercent et que la solidarité nationale soit aux côtés des plus fragiles. La vision que nous défendons, de ce point de vue, est celle d’une société juste, qui donne à chacun les mêmes opportunités de réussir et ne laisse personne au bord du chemin. Nous avons porté cet objectif lors des discussions sur le PLFSS, et nous aurons la même exigence pendant la discussion du projet de loi de finances.
La responsabilité budgétaire, ensuite : elle revient à faire de notre sortie de la procédure européenne pour déficit excessif une priorité. Sans ce préalable, notre politique européenne est vouée à l’échec. Malgré les efforts consentis dans le projet de loi de programmation et dans ce projet de loi de finances, le différentiel de trajectoire avec l’Allemagne est préoccupant, tant en matière de dépense publique que de désendettement.
La Commission européenne a rappelé hier les interrogations qui pèsent sur l’évolution de notre effort structurel. Honorer nos engagements budgétaires et renouer avec une dépense publique saine et maîtrisée doivent être nos priorités pour l’avenir, au service d’une influence retrouvée en Europe. Sans crédibilité budgétaire, il n’y aura pas de crédibilité politique.
L’efficacité économique, en troisième lieu, signifie rompre avec une logique punitive selon laquelle l’argent serait mieux utilisé par l’État que par les acteurs économiques. Il faut rendre aux entrepreneurs français la volonté d’investir dans l’innovation, dans la créativité et dans l’emploi en France. Ce projet de loi de finances contient des mesures qui vont dans ce sens, et nous ferons nous-mêmes des propositions pour restaurer la confiance des acteurs économiques et l’attractivité du territoire.
Enfin, répondre au défi du développement durable, c’est admettre l’existence d’une nécessité impérieuse pour notre société et pour notre planète, mais également saisir les opportunités économiques de l’avenir. Ce premier budget du quinquennat doit être l’occasion de préparer la transition de notre économie vers un modèle de production et de consommation plus responsable.
Dans le cadre de ce projet de loi de finances, nous aurons l’opportunité de réformer la fiscalité énergétique et d’introduire dans la législation des incitations nouvelles à l’innovation.
Nous serons en outre particulièrement vigilants sur le sort réservé aux collectivités territoriales. Le Gouvernement s’est employé cette semaine à rassurer les maires sur ses intentions. L’intervention du Premier ministre a permis de clarifier un certain nombre de questions. Le Président de la République s’exprime en ce moment même devant le congrès des maires, à la porte de Versailles.
Néanmoins, plusieurs points demeurent encore flous ou imprécis, notamment les mécanismes de contractualisation proposés. Sans faire au Président de la République un mauvais procès sur d’éventuelles velléités recentralisatrices, notre groupe et l’ensemble de cette assemblée seront attentifs à préserver la liberté d’action des collectivités, qui agissent au plus près des Français, à leur service, au quotidien.
Le groupe des Indépendants veillera à ce que les principes que j’ai évoqués soient inscrits dans ce texte et nourrissent nos débats. Nous participerons aux discussions avec un esprit constructif et nous aurons à cœur d’être force de proposition. En un mot, monsieur le secrétaire d’État, nous aurons la volonté d’agir, en responsabilité et au cas par cas, au service de l’intérêt national. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
M. Jean-Marc Gabouty. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il convient de replacer l’examen du projet de loi de finances pour 2018 dans un contexte économique, social et financier national, mais aussi international, notamment européen. L’Europe a renoué avec une phase de croissance plus soutenue, à hauteur de 2 % environ sur l’année 2017, mais ce chiffre est encore, en France, sensiblement inférieur à la moyenne de la zone euro. En revanche, notre endettement est nettement supérieur à la moyenne européenne, et ce ratio d’endettement, qui se rapproche des 100 % du PIB, ne pourra s’améliorer que très lentement au cours des prochaines années. En termes de déficit public et de balance du commerce extérieur, nous ne figurons pas non plus parmi les bons élèves de l’Europe.
Ce simple constat devrait conduire ceux qui ont gouverné ou soutenu les politiques menées au cours de la dernière décennie à la plus grande modestie, ainsi qu’à une certaine réserve, dans leurs critiques et leurs propositions.
Face à cette situation, notre pays doit diminuer son endettement et réduire en priorité les déficits budgétaires de l’État et des administrations sociales. Cet endettement est une véritable épée de Damoclès pesant sur nos finances publiques ; il pourrait nous plonger dans une crise budgétaire très grave si les taux d’intérêt venaient à remonter. La charge de la dette se situe déjà dans une fourchette de 40 milliards à 50 milliards d’euros par an, c’est-à-dire l’équivalent du budget de l’éducation nationale.
Dans le même temps, nous devons transformer notre économie et la rendre plus compétitive et créatrice d’emplois. En réduisant les charges sociales patronales et salariales et en allégeant la pression fiscale sur les agents économiques, nous permettrons aux entreprises de se développer par l’innovation et l’investissement. Ces mesures sont complétées par un programme de réformes sans précédent, engagées ou en préparation, qui portent sur les négociations sociales et le droit du travail, la formation professionnelle, l’apprentissage et l’indemnisation du chômage.
Simultanément, nous devons conserver des leviers pour améliorer le pouvoir d’achat des Français et renforcer la solidarité à l’égard des plus défavorisés. Cette équation est difficile, mais le pari est tenable, car le Gouvernement propose une rigueur budgétaire s’appuyant sur une maîtrise des dépenses – certes, celle-ci nous paraît encore insuffisante – et non sur une majoration des prélèvements obligatoires.
Cette ligne de conduite contribue au retour d’un climat de confiance avec les partenaires économiques, confiance qui est l’un des moteurs essentiels de notre attractivité, de l’investissement et du développement des entreprises. Selon un récent sondage – n’en déplaise aux grincheux –, jamais l’envie d’entreprendre dans notre pays n’aura été aussi forte et appréciée que depuis quelques mois.
Ce cycle vertueux et dynamique, il nous appartient de l’accompagner, en soutenant la politique budgétaire du Gouvernement et même en incitant ce dernier à améliorer ses performances, tout en conservant bien entendu la liberté d’amender certaines dispositions qui ne nous paraîtraient pas adaptées aux objectifs poursuivis.
Dans ce projet de loi de finances, le Gouvernement a fait des choix clairs, que l’on retrouve logiquement dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Il privilégie – donc, il augmente – les budgets de la défense, de la sécurité, de la santé, de la justice et de l’éducation, autant de priorités auxquelles on peut facilement adhérer. Parallèlement, il oriente les capitaux vers l’économie productive, en réformant l’ISF. Cette mesure, critiquée par des opposants de droite ou de gauche, pour des raisons d’ailleurs diamétralement opposées, remplace d’anciens dispositifs d’exonérations et de déductions fiscales complexes et peu lisibles. Si ce choix est contestable, il est assumé, et il semble quoi qu’il en soit préférable de privilégier l’activité et le travail par rapport à la rente.
Pour ce qui concerne les collectivités locales, je souhaite qu’un dialogue rénové permette une meilleure compréhension.
En 2018, l’enveloppe normée sera stable ; elle ne comporte donc pas de baisse de dotations. Quant à la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, elle sera neutre pour les collectivités ; elle leur assurera même une certaine liberté ou autonomie financière, dans la mesure où le taux voté donnera un produit qui sera entièrement perçu.
La technique du dégrèvement est rassurante. Néanmoins, rien ne nous garantit qu’elle sera conservée dans la durée. C’est là une source d’inquiétude à laquelle il conviendrait de répondre, les collectivités ayant besoin de visibilité s’agissant des méthodes adoptées pour les dispositifs de compensation – en la matière, elles ont par le passé été échaudées. Il s’agit bien, en l’occurrence, d’un dégrèvement, et non d’une compensation ; mais qui nous prouve qu’il s’agira toujours, en 2022, d’un dégrèvement ?
Concernant la maîtrise de l’évolution des dépenses des collectivités, le choix du périmètre semble judicieux ; la méthode de la contractualisation est la bonne, mais la base de négociation, c’est-à-dire l’évolution tendancielle des dépenses de fonctionnement, n’est pas acceptable. Vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, un objectif de 1,2 % ; l’estimation du Sénat, qui donne un chiffre de 1,9 %, est certainement plus proche de la réalité et plus conforme à la méthode qui a été utilisée pour le calcul analogue concernant l’État.
Par ailleurs, si l’on veut maintenir le niveau des services et les capacités d’investissement, la maîtrise des dépenses des collectivités passera par des réformes structurelles dans la répartition et la manière de gérer les compétences. Il faut redonner de la souplesse et plus de liberté aux élus, en réhabilitant le principe de subsidiarité, un peu abandonné depuis dix ans. Les réformes de la dernière décennie ont peut-être engendré, dans un certain nombre de cas au moins, davantage de surcoûts que d’économies, avec l’inconvénient supplémentaire d’éloigner la décision du citoyen.
Nos craintes portent également sur la politique du logement, qui, si elle n’est pas amendée, pourrait avoir des effets contraires aux objectifs poursuivis : le risque est d’accentuer les fractures territoriales au détriment des régions et des territoires les moins attractifs. Il conviendrait, a minima, d’améliorer l’atterrissage du dispositif Pinel et d’aborder avec plus de discernement le financement de la baisse des APL. Si certains opérateurs sociaux disposent de réserves significatives, d’autres risquent d’être fragilisés par l’assèchement de leurs capacités d’autofinancement et seront conduits à renoncer au lancement de nouveaux programmes.
Nous n’approuverons pas toutes les modifications votées par la commission des finances – je pense notamment à celles qui remettent en cause la ligne directrice de ce budget. Si, toutefois, nous souhaitons certaines inflexions, nous aborderons ce débat avec une appréciation d’ensemble positive à l’égard du projet présenté par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voici le premier projet de loi de finances du quinquennat, dans un contexte politique nouveau et inédit. Il nous arrive animé d’une ambition nouvelle, dont on perçoit les grandes lignes de force : sortir des errements du passé et favoriser la réussite de la France. Sachez, monsieur le secrétaire d’État, que vous trouverez chez nous une volonté de participer à la réalisation de cette ambition, même si nous n’en partageons pas toutes les modalités.
Ce projet de loi de finances s’inscrit dans un contexte assez particulier, qu’il convient de rappeler : faible inflation, taux d’intérêt toujours extrêmement bas, matières premières bon marché, embellie économique de la zone euro, avec, en France, une croissance sensiblement plus élevée qu’au cours des dernières années, début de retournement de la conjoncture de l’emploi – nous sommes encore loin, néanmoins, de connaître une dynamique favorable –, signaux positifs, dans le domaine privé, de reprise des investissements – tel n’est pas le cas pour les collectivités locales, et cela dure depuis trois ans –, déficit important et préoccupant de notre commerce extérieur et, surtout, très fort niveau d’endettement, aujourd’hui à la limite du soutenable. Attention – nos collègues l’ont rappelé, à commencer, ce matin, par Gérard Longuet – : dans ce contexte, la France ne réduit toujours pas le niveau de sa dépense publique !
Je veux donc évoquer plus particulièrement la situation des collectivités locales, pour lesquelles ce mandat présidentiel est mal engagé. Regardons les actes !
Il avait été annoncé qu’un effort serait demandé, à hauteur de 10 milliards d’euros ; le Président de la République, trois jours après avoir proposé ici même un pacte de confiance, relevait ce chiffre à 13 milliards d’euros. Les coupes dans les dotations en faveur de l’investissement local, notamment dans les zones rurales, s’élèvent à 200 millions d’euros ; une coupe claire de 450 millions d’euros frappe les ressources des régions ; le fonds d’urgence en faveur des départements voit son budget diminuer de 100 millions d’euros dans le collectif budgétaire que nous examinerons dans trois semaines ; les dotations de compensation, théoriquement sanctuarisées, baissent de 380 millions d’euros – en particulier, cette année, on constate la baisse de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du bloc communal.
On note également, à comparer le nouveau dispositif avec la dotation d’action parlementaire que vous avez supprimée, monsieur le secrétaire d’État, une baisse de 50 millions d’euros des subventions aux communes. La hausse de la péréquation verticale diminue de 100 millions d’euros ; un certain nombre de contrats aidés sont brutalement supprimés. Est en outre programmée la suppression de la principale ressource des communes, la taxe d’habitation ; le Président de la République vient d’ailleurs, devant les maires, à la porte de Versailles, de fixer à 2020 l’horizon de la refonte de la fiscalité locale. Monsieur le rapporteur général, avec le comité des finances locales, vous allez y être associé.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous le serons tous !
M. Jean-François Husson. S’annonce également une contractualisation aux contours encore flous avec les grandes collectivités de plus de 50 000 habitants. Enfin, le Président de la République a affiché sa volonté de réduire le nombre des élus locaux, dont je veux dire une fois de plus qu’ils sont des bénévoles engagés au service de la réussite de notre pays.
Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, je vous propose d’écouter avec une grande attention, dans le cadre de la discussion de ce projet de loi de finances, le résultat des travaux du Sénat. Nous proposons de modifier la trajectoire présentée, s’agissant notamment des efforts demandés aux collectivités locales, mais aussi des risques que représenterait une éventuelle mise sous tutelle, à un degré ou à un autre, de l’investissement public.
Je ne reviendrai pas sur la taxe d’habitation, car nous aurons l’occasion d’en parler. Mais quand on pense que dans 7 300 communes moins de cinq habitants paieront la taxe d’habitation et que dans 500 communes il n’y aura plus qu’un seul contribuable à cette taxe, ça ne manque pas de sel !
Ne jouons pas avec le feu ! Profitons du fait que le Sénat représente les collectivités locales pour ne pas opposer deux légitimités démocratiques récentes : celle des élus locaux, les maires, élus préférés des Français ; et celle du Président de la République, dont la légitimité est toute fraîche.
Faisons en sorte de concilier ces deux légitimités pour trouver et tracer le chemin d’une France qui gagnera demain de nouvelles parts de marché et se doit de réussir pour elle-même. Faisons de cette situation une opportunité pour défricher utilement des voies nouvelles permettant à notre pays de retrouver une place plus conforme à ses ambitions, grâce à une situation économique, financière et sociale devant nous placer en tête du peloton européen. Ainsi, nous répondrons à l’objectif fixé ce matin devant nous par le ministre de l’économie, qui souhaitait que la France retrouve sa pleine souveraineté financière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les mesures prises par le Gouvernement à l’égard de l’AEFE, en coupant les subventions de 33 millions d’euros, vont porter une grave atteinte à notre réseau d’enseignement français à l’étranger, alors que le ministère de l’éducation nationale bénéficie pour la France d’une hausse de 1,3 milliard d’euros. La commission des finances proposera de rétablir 30 millions d’euros de crédits par voie d’amendement, mais il faudrait en rétablir 33 millions ; 3 millions d’euros, c’est beaucoup d’argent à aller chercher encore une fois auprès des familles…
Le Président de la République s’était engagé devant les élus de l’AFE à ne pas diminuer les crédits en 2018 et en 2019 : « Les crédits de l’AEFE seront préservés à partir de 2018, ce qui veut dire, à mes yeux, pour les deux années consécutives, parce qu’il faut de la visibilité pour développer une stratégie et parce que le défi est un défi tant en termes de crédit que parfois en termes de réorientation qualitative du réseau et on ne peut pas de manière crédible, comme je l’ai fait et comme je le crois profondément, dire qu’on est pour que la France à l’étranger accompagne celles et ceux qui vivent et que vous représentez et dire que, l’un des enjeux fondamentaux de notre bataille, c’est la francophonie et ne pas s’en donner les moyens. »
Le Président de la République avait été très applaudi. Malheureusement, en 2017, c’est 33 millions d’euros de crédits qui venaient d’être supprimés sans préavis, sans que les élus en aient pris conscience.
Une décision prise fin novembre pour une application début janvier est clairement impossible. Les établissements conventionnés ne sont pas des centres de profit. Leurs budgets sont gérés au plus juste pour limiter les charges sur les familles vivant à l’étranger. Un changement de cotisation en cours d’année scolaire signifie une augmentation des tarifs non provisionnée par les familles.
Même dans le cas d’un report à la rentrée de septembre, bon nombre de lycées français à l’étranger feront le choix de modifier leur partenariat avec l’AEFE. En commençant par le déconventionnement, certains lycées pourraient être tentés d’aller plus loin par manque de confiance à l’égard de leur partenaire. Ce serait une perte d’influence pour la France, puisque beaucoup d’établissements scolaires français de l’étranger sont également fréquentés par des enfants venant de la population locale : pour eux, c’est un enseignement d’excellence.
Au contraire d’une diminution, nous devions obtenir des crédits supplémentaires pour que les parents d’enfants avec des besoins particuliers puissent bénéficier d’une aide pour payer les assistantes de vie scolaire qui les accompagnent. Il faudrait également des crédits pour que ces enfants puissent bénéficier d’un dépistage précoce leur permettant d’être pris en charge le plus rapidement possible, leur donnant ainsi une véritable opportunité de réintégrer notre système. Au lieu de cela, nous continuerons à avoir des enfants déscolarisés, qui restent à la maison, faute d’être pris en charge dans les établissements scolaires français à l’étranger, et qui seront à la charge de leurs parents et de la société jusqu’à la fin de leurs jours.
Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le secrétaire d'État, en espérant un peu d’humanité pour les Français vivant à l’étranger, la plupart du temps parce que la France n’a pas été capable de leur permettre de nourrir correctement leurs familles sur le territoire national.
Mme Nathalie Goulet. Oh !
Mme Jacky Deromedi. Ces Français méritent que l’on s’occupe d’eux, même en dehors des périodes électorales.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, l’examen du projet de loi de finances pour 2018 constitue un temps fort comme chaque année. Il fait suite à l’examen et au vote au Sénat, la semaine dernière, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui représente également plusieurs centaines de milliards d’euros.
L’examen du projet de loi de finances et de ses nombreuses missions a mis en évidence le travail de grande qualité des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, ainsi que celui de l’ensemble du personnel de la Haute Assemblée.
Établir un projet de budget constitue un objectif extrêmement complexe pour un gouvernement, quel qu’il soit. En effet, le déficit budgétaire se dégrade pour atteindre en 2018 près de 83 milliards d’euros. Dans le cadre de l’examen de la mission « Engagements financiers de l’État »,…
Mme Nathalie Goulet. Excellente mission !
M. Marc Laménie. … la charge de la dette s’élève à 40,24 milliards d’euros, soit l’un des postes budgétaires les plus importants. L’encours de la dette a progressé de 17 % de 2012 à 2016 et progresse de 4,5 % entre 2017 et 2018 pour atteindre un montant exceptionnel de 1 752 milliards d’euros. La situation est très grave. Comment respecter l’engagement européen de maintenir le déficit sous le seuil des 3 % du PIB ?
S’agissant des recettes totales, celles-ci s’élèveraient à 356 milliards d’euros. Elles sont stables ; la TVA, qui constitue la première recette, à hauteur de 206 milliards d’euros, progresse d’environ 2 milliards d’euros.
Il est incontestablement nécessaire, cela a été rappelé par de nombreux collègues, de donner la priorité au développement économique et au monde des entreprises.
S’agissant des dépenses totales, elles s’élèveraient en 2018 à environ 441 milliards d’euros tout confondu. Comment maîtriser les dépenses ? La tâche reste immense depuis de nombreuses années, alors que nous devons faire face à des enjeux importants. Certaines missions doivent être renforcées : le budget des armées, la sécurité intérieure, l’enseignement, l’éducation nationale, la justice, en particulier. À ce titre, je rappelle l’importance des moyens humains inégalement répartis sur l’ensemble du territoire entre la métropole et les territoires ultramarins.
Le nombre d’emplois de la fonction publique de l’État et des opérateurs s’élève à près de 1 950 000 équivalents temps plein, dont un peu plus de 1 000 000 pour l’éducation nationale. Parallèlement, il convient de prendre en considération les deux autres fonctions, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, qui méritent elles aussi une particulière attention.
En outre, j’aborderai le partenariat indispensable – et de confiance – entre l’État et les collectivités territoriales. Plus de 40 milliards d’euros sont prélevés sur les recettes de l’État pour aider au financement des collectivités territoriales. L’État est donc le premier partenaire financier des collectivités. Les élus sont particulièrement inquiets concernant les dotations de fonctionnement ; je pense en particulier à la DGF, ce qui a été maintes fois évoqué.
L’autonomie financière des communes et des intercommunalités sera touchée avec la suppression à court terme de la taxe d’habitation.
S’agissant de l’investissement des collectivités locales, domaine important pour la relance du bâtiment et des travaux publics, des incertitudes subsistent sur les répartitions de la DETR, du FSIL, sans oublier la disparition de la dotation d’action parlementaire – ex-réserve parlementaire –, soit une perte de plus de 140 millions d’euros à destination en particulier des communes rurales. Nous ne pouvons que déplorer la disparition de cette dotation.
En conclusion, je souhaite vivement que, au cours de l’examen en séance publique ces prochaines semaines du projet de loi de finances pour 2018, le Sénat puisse être réellement entendu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aurai malheureusement du mal à répondre en vingt minutes à toutes les questions qui ont été évoquées depuis ce matin en présence du ministre de l'économie et des finances. Je ne doute pas une seconde que les jours et les semaines qui viennent nous permettront de débattre des nombreux sujets abordés sur tous les articles du projet de loi de finances. Le Gouvernement assurera ce débat avec le sens aigu des responsabilités qui lui incombe en ce moment particulier que traverse notre pays, avec la plus grande des sincérités et avec la certitude qu’ici, au Sénat, ni le Gouvernement ni les élus ne céderont à la facilité de la rhétorique, ni même à la dictature de l’urgence. Certains arguments portent haut dans certaines chambres, mais sont peu utiles au débat public et peu à même de faire avancer nos dossiers, nos territoires et les sujets dont nous débattons.
Soyez assurés que le Gouvernement est attentif aux nombreuses préoccupations qui concernent vos territoires. Comme le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler tout à l’heure, porte de Versailles, nous savons le rôle que les élus locaux jouent dans cette période d’angoisse pour certains de nos territoires et pour beaucoup de nos concitoyens. Les élus locaux sont finalement les soldats de première ligne face aux difficultés liées à l’emploi, à la question de l’identité et de la mobilité sociale.
L’un d’entre vous a rappelé que les maires étaient les élus préférés de nos concitoyens.
M. Jean-François Husson. C’est vrai !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Il n’est pas anormal que ceux dont le titre est l’anagramme du verbe « aimer »…
Mme Nathalie Goulet. Très joli !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. … soient les élus les plus appréciés par nos concitoyens.
Vous m’avez interrogé sur la question, essentielle, des inégalités et du pouvoir d’achat.
Avec ce budget, nous avons tâché de tenir la promesse faite par le Président de la République de rendre du pouvoir d’achat aux Français et de protéger les plus fragiles et les plus modestes de nos concitoyens. Nous le faisons notamment en proposant la suppression de la taxe d’habitation, sujet qui sera débattu à n’en pas douter, pour 80 % des foyers. Nous le faisons également avec le crédit d’impôt pour l’emploi à domicile pour les ménages qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Nous l’avons fait aussi via des mesures qui ont été présentées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale par Agnès Buzyn et Gérald Darmanin. Je pense à la revalorisation du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés, ou au plan pour renforcer l’accès territorial aux soins.
Nous avons la conviction que nous ne viendrons pas à bout des inégalités par un traitement strictement monétaire et financier. Il s’agit certes d’un aspect important, et dont nous débattrons en examinant ce texte, mais c’est une bataille qui ne se mènera pas uniquement sur le plan financier. Il faudra également aborder la question des transports, de l’éducation, de la vie quotidienne, de la mobilité, de l’accès au très haut débit. Je reviens de Normandie, et j’en ai dit un mot tout à l’heure lors des questions d’actualité au Gouvernement. Bref, c’est un pacte global qui ne se limite pas simplement à la question du montant du pouvoir d’achat.
Pour vous donner juste un ordre d’idée, d’après les prévisions établies, six ménages sur dix devraient être gagnants de l’application de l’ensemble des mesures qui seront discutées, avec un gain d’un peu plus de 850 euros par an à la fin du quinquennat. Ce gain de pouvoir d’achat est particulièrement renforcé pour nos compatriotes qui ont les revenus les plus fragiles.
Je dirai également un mot sur la question de l’impôt de solidarité sur la fortune et de sa transformation en impôt sur la fortune immobilière, ainsi que sur la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique.
Il n’est pas question ici de faire des cadeaux aux uns ou aux autres ; il s’agit de permettre à notre économie de résoudre l’un des problèmes qui est le sien depuis bien longtemps – en tant qu’élus des territoires vous le savez mieux que quiconque –, à savoir la difficulté des PME à accéder à des financements.
Une personne qui souhaite créer une toute petite entreprise peut bénéficier des fonds d’amorçage. C’est un dispositif qui fonctionne plutôt bien. Il existe aussi de nombreux mécanismes d’accompagnement mis en œuvre par les régions de manière intelligente. Un chef d’entreprise qui cherche des financements sur les marchés, parce que ses besoins sont très importants, bénéficie également de l’efficacité du système de financement et de notre marché de capitaux. En revanche, pour les PME qui ont besoin d’investir dans la recherche et l’innovation, pour des « tickets », comme on dit dans le jargon, allant de 3 millions à 20 millions d’euros, Bpifrance a été utile, mais ne peut pas répondre à la totalité des besoins de financement.
Nous avons donc fait le pari de sortir la partie mobilière de l’ISF pour réorienter le capital vers ces investissements. Cela ne se fera pas de manière parfaitement naturelle : il y aura une bataille culturelle à mener, car notre pays marque depuis longtemps une nette préférence pour la pierre. C’est d’ailleurs l’une des difficultés à laquelle nous devrons faire face. Pour autant, de nouveaux véhicules sont à l’étude. Un travail parlementaire a été engagé à l’Assemblée nationale par l’une de vos collègues, Amélie de Montchalin, travail auquel je vous invite à participer. Il s’agit de réfléchir avec les grandes institutions bancaires et avec nos partenaires à la mise en place de nouveaux produits permettant d’orienter l’épargne des Français vers l’appareil productif, vers l’investissement et vers nos entreprises.
Je ne reviendrai pas trop longuement sur la taxe d’habitation, car je suis certain que nous aurons l’occasion d’en débattre dans les jours et les semaines qui viennent. La réforme qui est proposée permet, en l’état, d’exonérer 80 % des contribuables. Jusqu’à 27 000 euros de revenu fiscal de référence pour une personne seule, les contribuables en seront exonérés.
J’entends qu’il existe une inquiétude liée aux finances des collectivités locales. Mais le débat lors de l’élection présidentielle a été fort sur la question de la réduction des dépenses publiques. Le Président de la République s’était engagé sur une baisse de 13 milliards d’euros. D’autres candidats soutenaient des baisses d’une plus grande ampleur ; il nous a semblé qu’elles n’étaient pas raisonnables, car elles étaient peu tenables.
De nouveau, cette année, nous n’allons pas procéder à une baisse unilatérale de la dotation globale de fonctionnement. Le principe qui est le nôtre, dans le dialogue exigeant que nous allons engager avec les collectivités, est celui de la responsabilité partagée. Nous voulons finalement donner aux collectivités locales la liberté de choisir les secteurs où elles souhaiteront faire porter l’effort.
L’un d’entre vous a cité François Mitterrand. Je suis petit-fils de Morvandiau, originaire d’Autun, pas très loin de Château-Chinon où le Président de la République élu le 10 mai 1981 au soir a réuni les élus locaux dont il avait été président de conseil général pendant de nombreuses années. Sa première phrase a été de leur dire, lui qui aimait les mots : « Ce pouvoir que les Français m’ont confié, je vais vous le rendre ! »
C’est dans cet état d’esprit que nous travaillons, comme l’a rappelé le Président de la République cet après-midi dans son intervention : un esprit de liberté et de responsabilité partagé entre l’État et les collectivités locales. C’est un ancien élu départemental qui vous le dit.
La question du déficit budgétaire a également été longuement évoquée. Certains ont souligné que les efforts consentis ne seraient pas assez importants au regard des enjeux.
La situation se dégrade depuis très longtemps. Le dernier budget voté à l’équilibre dans notre pays remonte à 1974 ; je n’étais pas encore de ce monde.
Mme Nathalie Goulet. Quelle chance ! (Sourires.)
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Notre objectif est de pouvoir opérer, à la fin de ce quinquennat, une sorte de retour en arrière en votant un budget avec un déficit à zéro.
Le ministre de l’économie et des finances a rappelé trois chiffres ce matin dans son intervention : l’objectif de baisser de 5 points la dette publique à l’horizon de 2022, de 3 points les dépenses publiques et de 1 point les prélèvements obligatoires. Vous le savez tous, la pression fiscale sur nos concitoyens est trop forte, et il faut la faire diminuer.
Je dirai également un mot du déficit commercial, qui est l’autre grand mal français en plus du déficit budgétaire. Sur le sujet, il nous faudra mener un double combat.
Il s’agira d’améliorer la compétitivité du prix de l’heure de travail dans les entreprises en France. Le CICE a répondu en partie à cette problématique.
Nous avons fait le choix de baisser de manière pérenne les charges qui pèsent sur les entreprises. C’est une décision qui permet de donner de la lisibilité, de la visibilité et de la transparence à beaucoup de responsables et de chefs d’entreprise. Cette diminution des charges est totale sur les très bas salaires et est échelonnée jusqu’à 2,5 SMIC. Le rapport Gallois, qui date de 2012, sur la compétitivité de l’industrie française, a proposé d’aller au-delà. En l’état, au regard de l’obligation de respecter nos engagements budgétaires européens, cette solution n’est pas envisageable. Néanmoins, c’est une réflexion qu’il nous faut ouvrir.
Certes, aujourd’hui, l’heure de travail dans l’industrie française est redevenue compétitive à l’échelle européenne, mais si l’on veut dans un second temps, voire en même temps, une industrie qui monte en gamme, qui innove et qui investisse, il faut immanquablement des compétences supplémentaires. Or qui dit compétences supplémentaires dit niveaux de salaires plus élevés que ceux qui sont proposés en bas de la grille indiciaire dans certaines industries.
Nous devrons mener ce travail pour réduire notre déficit commercial de front, à la fois sur la compétitivité prix et sur la compétitivité hors prix. La compétitivité hors prix passe par la formation – l’un d’entre vous l’a souligné –, c'est-à-dire par l’investissement dans l’économie de la connaissance, de la compétence et de l’innovation. C’est le crédit d’impôt recherche sanctuarisé pour nos entreprises, c’est la création du fonds pour l’innovation de rupture, financé à hauteur de 10 milliards d’euros par les cessions de participations dans des entreprises publiques, que nous assumons parfaitement. L’État n’a effectivement pas vocation à rester actionnaire majoritaire, voire actionnaire, dans toutes les entreprises publiques, car les fonctions de l’État et ses missions ont changé. C’est d’ailleurs heureux ! En vertu de quoi serait-il le seul acteur du monde économique à rester figé, droit dans ses bottes, alors que les transformations sont quasi quotidiennes dans l’ensemble de notre modèle économique ? Il est donc naturel que les champs d’intervention qui, hier, pouvaient encore lui incomber ne lui incombent sans doute plus demain.
C’est en menant le combat à la fois sur le front de la compétitivité prix et de la compétitivité hors prix que nous inverserons cette tendance du déficit commercial.
Se posera aussi la question, dont nous débattrons certainement avec les sénateurs représentant les Français établis hors de France, des outils pour conquérir les marchés. Le sénateur Richard Yung est l’un des parlementaires qui participent aux travaux du projet de loi sur la croissance et la transformation de nos entreprises, dont l’un des objectifs – c’est d’ailleurs le chantier sur lequel M. Yung travaille – est la question de l’internationalisation des outils à l’export. Il s’agit de rationaliser les outils existants, qui sont très nombreux, mais pas très efficaces à en juger par l’état de notre déficit commercial. Néanmoins, ces outils peuvent nous permettre demain de gagner des marchés et de convaincre des investisseurs étrangers. Quelques bons signaux commencent à affleurer en ce sens.
J’ai souvent eu l’occasion de me déplacer à l’étranger dans le cadre des différentes missions qui m’ont été confiées. Le fait que l’Autorité bancaire européenne déplace son siège à Paris (M. le rapporteur général applaudit.), le fait que quelques grandes banques et quelques grands fonds aient fait le choix de se relocaliser à Paris après les procédures engagées dans le cadre du Brexit sont des premiers signaux. Sont-ils suffisants ? À l’évidence, non ! Ces signaux sont-ils des signaux faibles ? La réponse est également négative.
Il me semble au contraire que le regard sur notre pays, et c’est heureux, a changé à l’étranger. Nous offrons, pour beaucoup d’investisseurs et d’entreprises qui souhaitent investir en Europe continentale, un cadre de stabilité,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Stabilité : c’est le mot juste !
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. … une stabilité probablement politique plus forte encore que celle de nos voisins allemands, qui, on l’a vu ces derniers jours, marquent le pas sur ces questions. À l’évidence, notre pays offre également plus de stabilité que nos voisins britanniques, qui avaient pour habitude d’attirer les investissements, notamment dans le domaine des services.
Cette compétitivité, vous le voyez, est présente. La conjoncture est bonne. Mais tout cela est très fragile. La volonté de ce gouvernement, non seulement dans le projet de budget qui vous est présenté, mais aussi dans la réforme qui a été engagée sur le marché du travail, est de réconcilier enfin le capital et le travail dans notre pays. Je suis certain que nous pouvons y arriver. À n’avoir fait le choix que de l’un ou de l’autre, alternativement, nous avons réussi le miracle de n’avoir aucun des deux : nous manquons de financement pour nos entreprises et nous avons 3,5 millions de chômeurs !
Je dirai un mot, même si je le ferai moins bien que le Premier ministre précédemment lors des questions d’actualité au Gouvernement, sur la question du logement social. Je ne doute pas que l’article 52 du projet de loi de finances sera abondamment discuté. Je ne voudrais donc pas priver les gourmands de cette discussion en déflorant trop les arguments que seront amenés à développer les responsables du Gouvernement qui se succéderont au banc, à savoir Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et moi-même.
Je ferai simplement un constat, qui est partagé : nous consacrons 2 % de notre richesse nationale, soit un peu plus de 40 milliards d’euros par an, à la question du logement, c'est-à-dire deux fois plus que la moyenne des autres pays européens, pour un résultat qui n’est pas deux fois meilleur. Il s’agit, encore une fois, d’une exception très française puisque nous sommes parvenus à organiser un système totalement inflationniste en subventionnant, d’un côté, les bailleurs et en solvabilisant, de l’autre, les locataires. De mes quelques souvenirs de cours d’économie, je ne me souviens pas d’un seul marché où, quand on injecte de l’argent aux deux bouts du tuyau, on n’aboutit pas à un système d’inflation. Nous devons donc collectivement repenser et remettre à plat le système, évidemment avec d’autres dispositifs. Je suis certain que les dispositifs Pinel et PTZ seront évoqués dans le débat, car nous devons promouvoir une approche globale.
Je sais aussi que, dans certains territoires, y compris dans les territoires dont vous êtes les élus, les choix en termes de politique du logement ne sont pas toujours très heureux. Je suis un ancien élu du département de Saône-et-Loire, où les choix faits en matière d’aménagement et d’étalement urbains ne répondaient à l’évidence pas aux exigences du développement durable. Ils ne répondaient pas non plus à l’exigence de limiter les problèmes liés à la gestion des déchets, pas plus qu’aux besoins relatifs à la gestion des transports, au syndicat d’électricité ou à l’ensemble des problématiques que vous côtoyez au quotidien. Sans doute peut-on intelligemment travailler à avancer sur tous ces sujets.
L’Assemblée nationale a adopté le principe de détendre les dispositifs qui devaient, pour certains d’entre eux, s’arrêter de manière brutale le 31 décembre de cette année. Un laps de temps supplémentaire a été octroyé. C’est une bonne chose ! Je ne crois pas à l’arrêt brutal ; en revanche, je crois profondément au recentrage de ces dispositifs et de ces politiques qui sont coûteux.
Nous avons eu un débat à l’Assemblée nationale sur les outre-mer. Il se trouve que j’étais à ce moment-là au banc du Gouvernement. La question m’a été posée – je ne doute pas qu’elle sera soulevée ici – de la suppression du CICE. Les dispositifs déjà en œuvre dans les territoires d’outre-mer sont mis en difficulté par la suppression du CICE. Les taux de charge étaient très dérogatoires au droit commun. Le choix du Gouvernement est de ne pas pénaliser plus avant les territoires ultramarins et de trouver des dispositifs qui leur permettront de bénéficier de ces mécanismes.
J’ai répondu de manière sans doute trop décousue à l’ensemble des problématiques qui ont été abordées. Au fond, nous défendons aussi ce budget pour des questions de justice sociale, car, je suis d’accord avec ce qui a été dit, il n’y aura pas de croissance juste si la croissance n’est pas partagée entre les Français et entre les territoires. Soyez certains que ce budget est le moyen pour la France de retrouver de la voix en Europe.
Je terminerai sur ces quelques mots. Notre pays et l’Europe se trouvent à un moment historique ; un moment où des voies peuvent être empruntées de manière irréversible. Je pense notamment à la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne ; si elle n’en était pas un des membres fondateurs, elle y a toujours eu une importance particulière.
Il ne s’agit pas d’être un eurobéat ; il faut être critique et exigeant avec l’Europe. Mais avec la montée des populismes et de l’anti-européisme, la France, en respectant ses engagements, retrouve sa voix en Europe, une voix qui a par trop manqué ces dernières années.
Nos voisins comptent sur nous. Ce budget nous placera à la hauteur de leurs attentes, en redonnant à la France la place qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’occuper en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous abordons la discussion de l’article liminaire.
projet de loi de finances pour 2018
Article liminaire
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2018, l’exécution de l’année 2016 et la prévision d’exécution de l’année 2017 s’établissent comme suit :
|
(En points de produit intérieur brut) |
||
Exécution 2016 |
Prévision d’exécution 2017 |
Prévision 2018 |
|
Solde structurel (1) |
-2,5 |
-2,2 |
-2,1 |
Solde conjoncturel (2) |
-0,8 |
-0,6 |
-0,4 |
Mesures exceptionnelles (3) |
-0,1 |
-0,1 |
-0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-3,4 |
-2,9 |
-2,6 * |
* L’écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s’explique par l’arrondi au dixième des différentes valeurs |
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, sur l’article.
M. Didier Rambaud. L’article liminaire que nous nous apprêtons à voter est important ; il fixe en effet la prévision de soldes structurel et effectif de l’ensemble des administrations publiques. Dit autrement, il pose le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi de finances.
Le groupe La République En Marche est très fier de défendre ce budget, qui, comme l’a noté le rapporteur général, dont je salue le retour parmi nous, est un budget de sincérité. Ainsi, les hypothèses macroéconomiques sont solides. Prenons l’exemple de l’écart de production, estimé à moins 1,5 % pour 2016, quand il était estimé à moins 3,5 % en avril dernier. Or, vous le savez, cette réévaluation rend l’effort à mener par le Gouvernement plus important.
Le rapporteur général l’a aussi noté, le texte que le Sénat examine est un texte de responsabilité. Disons-le à tous les donneurs de leçons : nous sommes très loin du creusement du déficit observé au début des années 2000.
Ce budget prévoit un effort structurel inédit sur la dépense. La France, pays dont la dépense représente 56 % du PIB, va enfin opérer une baisse dans ce domaine. Oui, c’en est fini des hausses d’impôts pour éviter de transformer le pays et de faire les réformes !
Cette responsabilité permet à la France de passer durablement sous le seuil de 3 %. Il y a eu beaucoup à faire en 2017, par exemple trouver 10 milliards d’euros à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité de la taxe à 3 % sur les dividendes, mais la majorité présidentielle a tenu son cap.
À cet égard, notre groupe regrette une nouvelle fois le double langage d’une partie de la droite sénatoriale, qui a voté le creusement du déficit public de notre pays de 7 milliards d’euros supplémentaires, avec des amendements coûteux déposés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le groupe La République En Marche votera donc cet article et souhaite que le Sénat respecte les engagements européens de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le ton de mon intervention risque de dissoner par rapport à celui des précédents orateurs.
L’écart avec la trajectoire imposée que le TSCG autorise sur un seul exercice, vous l’utilisez, monsieur le secrétaire d’État, en supprimant l’ISF, en instaurant la PFU – mesures qui n’auront qu’un effet très incertain sur la croissance et l’emploi – et en menant une violente charge sur des politiques directement tournées vers les Français les plus modestes, comme l’emploi et le logement.
Dans ces conditions, on ne peut être que très inquiet pour le projet de budget pour 2019, qui devra à la fois transformer le CICE et rattraper le différentiel observé sur cet exercice par la Commission européenne. Il y aura donc de nouvelles très lourdes baisses de dépenses publiques. Elles seront subies, une fois de plus, par ceux qui ont pour seul capital le service public. Vous évoquez la société du risque ; il est sûr que les Français les plus modestes vont en subir les effets.
Plusieurs pays européens, plusieurs parlementaires ont demandé la révision du mode de calcul du fameux solde structurel, assez défavorable à la France. J’ai demandé au commissaire Pierre Moscovici, lors de son audition, où en était la Commission européenne sur cette question. Il nous a répondu que « les problèmes de soldes structurels ont fait l’objet de travaux qui n’ont pas été validés par les ministres des finances ». Il est vrai que nous n’avons pas entendu le Gouvernement sur ce dossier, pourtant essentiel pour respecter nos engagements européens, tout en préservant nos services publics et en répondant à l’urgence sociale. Mais cela, préserver nos services publics et répondre à l’urgence sociale, ne semble pas être votre problème.
À quoi sert un gouvernement de la zone euro si les règles actuelles étranglent l’action publique de l’État, vecteur majeur de redistribution ?
On le voit bien, même les meilleurs élèves de l’Europe subissent des crises politiques liées aux montées des nationalismes, lesquels sont exacerbés par la hausse des inégalités. Parce que la vertu d’un pays européen n’est pas mesurée par sa situation sociale, mais par un calcul baroque de solde structurel, dont tout le monde sait qu’il n’est que très théorique.
Pour conclure, je tiens à dire que vous avez utilisé les marges de manœuvre existant sur cet exercice pour favoriser les plus aisés au détriment des plus défavorisés, sans satisfaire pour autant la Commission ; vous n’avez pas renégocié le mode de calcul de ce fameux solde structurel ; vous n’avez pas cherché, et vous ne chercherez pas, à utiliser les flexibilités prévues par le TSCG, notamment la non-prise en compte dans le déficit des dépenses de défense.
Vous opposerez certainement à mes arguments le poids de la dette. Tous ici, vous parlez d’addiction à la dépense publique. Je pense surtout que notre société a une addiction à la pauvreté et au creusement des inégalités, ce dont, finalement, vous vous satisfaites. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.
M. Pascal Savoldelli. Je veux dire d’abord que l’intervention de ma collègue, élue du Val-de-Marne et pourtant membre d’un autre groupe que le mien, était très bonne.
Je ne veux pas faire de polémique, mais j’entends que le sénateur Rambaud fustige ceux qui « donnent des leçons » ; je ne sais pas à qui vous pensiez, mon cher collègue. Peut-être aux membres du groupe communiste ?… Sauf que l’article liminaire, ce n’est rien d’autre que le traité de 2012, mes chers collègues !
M. Jean-Claude Requier. C’est la faute de l’Europe !
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas une question d’Europe. Je vous avoue que, dans mon groupe, on s’interroge : quelle est la marge d’autonomie, de souveraineté des deux assemblées ? Parlons plus particulièrement de la nôtre, du Sénat.
L’article liminaire est très important, parce qu’il fixe le cadre. Cela veut dire que, dans la zone euro, notre assemblée, mais c’est vrai aussi des assemblées des autres pays européens, ne peut pas débattre en dehors de ce cadre. C’est donc bien dans ce cadre-là qu’on prépare notre loi de finances.
J’entendais M. Le Maire ce matin dire que l’ISF faisait fuir le capital et que nous, communistes, on était dans la posture, la caricature. Moi, je ne me permets jamais d’interpeller un ministre ou un collègue de droite pour lui dire qu’il est dans la posture, la caricature. Alors, ne le faites pas aux autres et arrêtez de dire que l’ISF a fait fuir le capital ! J’ai ici des données fournies par la direction générale des finances publiques, autrement dit par les services de l’État : en 2015, les capitaux des exilés fiscaux qui se sont envolés représentaient 0,2 % des assujettis à l’ISF. (M. le rapporteur général s’exclame.)
Je suis très heureux de vous voir de retour parmi nous, monsieur le rapporteur général, mais ce n’est pas Montgolfier ou Savoldelli qui le dit, c’est la DGFiP, et moi je la crois !
Il y a donc une contrainte, qui nous oblige à ne plus avoir d’impôt de solidarité sur la fortune et à remplacer cet impôt par un impôt sur l’immobilier. Franchement, comment voulez-vous qu’on accepte ce cadre européen, alors que la France fait face à tant de difficultés : populisme, extrémisme, fractures sociales ? Et il faudrait être fier de ce budget ? C’est affolant !
J’ai lu la plaquette de présentation du projet de loi de finances éditée par Bercy – cela ne vient ni de L’Humanité, ni des Échos, ni du Figaro.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Pascal Savoldelli. Je finis mon propos.
Mme la présidente. Rapidement !
M. Pascal Savoldelli. Savez-vous combien paiera désormais un contribuable disposant de 11 millions d’euros, qui payait 108 690 euros d’ISF ? Eh bien, zéro euro d’IFI ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-485 rectifié est présenté par MM. Requier, Collin, Gabouty, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Vall.
L’amendement n° I-599 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, tableau, dernière colonne
1° Avant-dernière ligne
Remplacer le nombre :
- 0,1
par le nombre :
- 0,2
2° Dernière ligne
Remplacer le nombre :
- 2,6
par le nombre
- 2,8
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° I-485 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de conséquence, dont l’objet est d’actualiser l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2018 après l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les dividendes, laquelle entraîne une perte de 10 milliards d’euros pour l’État en 2017-2018.
Comme on l’a vu lors des débats prolongés du premier projet de loi de finances rectificative, la perte de 5 milliards d’euros que nous connaîtrons cette année sera bien compensée, ce qui ne sera pas le cas l’an prochain : le Gouvernement prendra alors la responsabilité d’inscrire 5 milliards d’euros de pertes dans son budget. La décision a donc pour effet de dégrader le solde effectif en 2018 de 0,2 point, ainsi que le solde conjoncturel.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, dans un souci de clarté et de sincérité budgétaires.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° I-599.
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. M. Requier a devancé le souhait du Gouvernement, qui présente un amendement identique au sien.
Je retire donc l’amendement n° I-599 et propose au Sénat d’adopter l’amendement n° I-485 rectifié.
Mme Sophie Primas. Quelle élégance !
Mme la présidente. L’amendement n° I-599 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-485 rectifié. ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances, car il a été déposé après sa réunion de ce matin. À titre personnel, j’y suis favorable, car son dispositif se borne à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur le solde public de 2018, le fameux 0,2 point dont nous avons longuement débattu.
Il n’y a donc pas d’appréciation politique à porter sur cet amendement. Pour autant, il ne faut pas se glorifier du niveau de déficit. Cela a été rappelé, aujourd’hui, seuls deux États en Europe relèvent du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance et font l’objet d’une procédure pour déficit excessif : la France, dont le déficit est le plus élevé de la zone euro, à 2,8 %, et l’Espagne, dont le déficit est de 2,2 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je m’exprimerai à la fois sur l’article liminaire et sur l’amendement.
L’article liminaire a pour objet de prendre acte des données chiffrées du solde public français et l’amendement n° I-485 rectifié vise à tirer les conséquences de leur modification. Sur l’article comme sur l’amendement, nous nous abstiendrons donc généreusement. (Mme Sophie Primas s’esclaffe.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-138, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
En euros courants et selon les hypothèses, les méthodes et les résultats des projections sur la base desquelles est établi le présent projet de loi de finances, décrits dans le rapport prévu par l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2018, de l’exécution de l’année 2016 et la prévision d’exécution de l’année 2017 s’établissent comme suit :
(En milliard d’euros courants) |
|||
|
Exécution 2016 |
Prévision d’exécution 2017 |
Prévision 2018 |
Solde structurel (1) |
-55,7 |
-50,2 |
-49,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-17,8 |
-13,7 |
-9,4 |
Mesures exceptionnelles (3) |
-2,2 |
-2,3 |
-2,3 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-75,8 |
-66,2 |
-61,1* |
*L’écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s’explique par l’arrondi au dixième des différentes valeurs
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Le dispositif de cet amendement est extrêmement simple. Il s’agit seulement de rendre le tableau figurant au sein de l’article liminaire compréhensible par les Français grâce à la traduction des points de PIB en euros.
Les Français ne font pas leurs courses en points de PIB ! Le ratio de PIB n’est pas compréhensible, au contraire des nombres en euros, qui permettent à chacun de constater l’étendue de notre situation financière.
Cet amendement devrait donc être adopté à l’unanimité.
Mme la présidente. L’amendement n° I-293 rectifié bis, présenté par MM. Leroux et Bonhomme, Mmes Bories et Deroche, MM. Grand et Karoutchi, Mme Lavarde, MM. Magras, Paccaud et Paul, Mme Deromedi et M. Kennel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
(En milliards d’euros) |
|||
|
Exécution 2016 |
Prévision d’exécution 2017 |
Prévision 2018 |
Solde structurel (1) |
-55,7 |
-50,2 |
-49,3 |
Solde conjoncturel (2) |
-17,8 |
-13,7 |
-9,4 |
Mesures exceptionnelles (3) |
-2,2 |
-2,3 |
-2,3 |
Solde effectif (1+2+3) |
-75,8* |
-66,2 |
-61,1* |
*L’écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s’explique par l’arrondi au dixième des différentes valeurs.
Ces soldes correspondent aux valeurs suivantes :
(En milliards d’euros) |
|||
|
2016 |
2017 |
2018 |
PIB |
2 229 |
2 284 |
2 349 |
Ensemble des administrations publiques (APU) |
|
|
|
Dépenses |
1 257 |
1 280 |
1 305 |
Recettes |
1 181 |
1 213 |
1 244 |
La parole est à M. Sébastien Leroux.
M. Sébastien Leroux. Cet amendement a le même objet que celui qu’a présenté Nathalie Goulet. Il vise en effet à rendre les lois financières lisibles et compréhensibles par tous.
Comment informer nos concitoyens, comment les mobiliser sur la nécessité de redresser nos finances si on ne leur parle pas dans la monnaie de leurs propres comptes ?
L’article liminaire a été imposé par la loi de 2012 pour donner une image fidèle et synthétique de l’évolution de nos finances. Tel que rédigé, il est incompréhensible pour le commun des mortels. Il est donc proposé ici d’ajouter une traduction en milliards d’euros des montants indiqués dans le projet de loi de finances en ratio de PIB. De cette façon, il sera possible de lire dans notre monnaie à quoi correspondent les déficits publics, comparés aux recettes et aux dépenses publiques, ainsi qu’au PIB.
Si cette traduction en euros méritait une correction, il serait parfaitement loisible au Gouvernement de donner au Sénat les chiffres dont il dispose. En revanche, s’interdire de rassembler tous les chiffres dans un tableau synthétique reviendrait à offrir une image floue du budget et à faire naître des doutes sur sa sincérité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission a examiné ces deux amendements lors de sa réunion de ce matin.
Habituellement, les engagements européens de la France figurent en points de PIB. C’est la raison pour laquelle les tableaux fournis par le Gouvernement comportent ces données.
Dans un souci de clarté et de compréhension, il ne serait peut-être pas inutile de les traduire en chiffres, plus précisément en milliards d’euros. La commission des finances a donc vu d’un bon œil ces deux amendements.
Cependant, nous venons d’adopter un amendement modifiant le tableau figurant dans l’article liminaire. La traduction en milliards d’euros que ces deux amendements tendent à insérer mériterait donc d’être révisée au cours de la navette pour en tirer les conséquences.
La commission, qui était favorable ce matin à ces deux amendements, s’en remet donc, désormais, à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’État. Nos engagements européens en matière de finances publiques sont exprimés dans un langage légèrement technocratique : en points de PIB. Le format dans lequel est rédigé l’article liminaire est donc usuel. Je pourrais presque dire que je suis né avec le chiffre de 3 %, qui apparaît dans tous les débats.
L’inscription de ce chiffre en euros courants peut être de nature à brouiller la compréhension du respect de nos engagements en cas d’évolution macroéconomique différente.
J’ai une autre réserve : le contenu de l’article liminaire est défini par l’article 7 de la loi organique relative à la programmation et la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012, qu’il faudrait avant toutes choses modifier si l’on voulait faire figurer d’autres éléments dans les tableaux.
J’ajoute un élément d’appréciation plus personnel, moins juridique. Je conviens qu’assez peu de nos concitoyens font leurs courses en points de PIB, ou alors leurs revenus sont importants. Néanmoins, je ne suis pas certain que des montants en milliards, dizaines de milliards, centaines de milliards, voire milliers de milliards d’euros, si l’on parle de la dette, soient plus évocateurs pour nos concitoyens.
Je partage parfaitement la volonté des auteurs de ces amendements de faire de la pédagogie. J’aimerais d’ailleurs en faire preuve devant vous : depuis que nous débattons, la dette de la France s’est accrue de 17,4 millions d’euros.
Vous aurez compris de ces remarques que le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Les données introduites par cet amendement seront améliorées en cours de navette. Franchement, son adoption ne devrait pas poser de problèmes.
Jongler avec les milliards n’est certes pas à la portée de tout le monde, mais c’est bien la moindre des choses que d’informer les contribuables sur les proportions prises par la dette qu’on leur demande de rembourser.
Nous ne faisons que commencer l’examen du projet de loi de finances, monsieur le secrétaire d’État ; vous aurez largement le temps d’être défavorable aux amendements que nous allons déposer dans les prochains jours. Alors, laissez passer celui-là ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d’État, 17,4 millions d’euros, cela me parle : c’est le budget de la ville dont j’étais maire il y a encore quinze jours ! Les chiffres ont un sens, ils parlent à nos concitoyens. Je voterai donc les amendements déposés par nos collègues.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° I-293 rectifié bis n’a plus d’objet.
La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote sur l’article.
M. Emmanuel Capus. Je ne comprends pas pourquoi les esprits s’échauffent dès la discussion de l’article liminaire. Il s’agit seulement de présenter les soldes structurel et effectif, dont on ne peut pas faire grief au Gouvernement d’être responsable.
Nous avons tous l’objectif de sortir de la procédure pour déficit excessif. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc, évidemment, l’article liminaire.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Mme la présidente. Nous allons tout d’abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2018, l’article 27 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
article 27 et participation de la france au budget de l’union européenne
Mme la présidente. Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre chargée des affaires européennes, mes chers collègues, l’article 27 du présent projet de loi de finances traite du montant de la contribution de la France au budget européen pour l’année 2018. Le vote de cet article, même s’il est contraint, est l’occasion pour le Parlement d’apprécier chaque année la pertinence des priorités européennes mises en œuvre.
L’année 2018 s’inscrit dans un contexte particulier : le Brexit et les négociations en vue de son dénouement, l’arrivée à mi-parcours de la programmation 2014-2020, le contexte lié à la prénégociation du programme de l’après-2020.
Pour rappel, la France se plaçait en 2016 à la deuxième place des contributeurs nets en volume, après l’Allemagne. Notre pays était, dans le même temps, le troisième bénéficiaire en volume des dépenses européennes, après l’Espagne et l’Italie.
Ce budget de l’Union européenne bénéficie de manière très concrète à l’ensemble de nos territoires, ce qui n’est pas toujours correctement perçu par la population française, qui témoigne, comme la population d’autres pays européens, d’une certaine défiance à l’égard de l’Union. Je pense bien entendu à la politique agricole commune, qui contribue à garantir un revenu aux agriculteurs, concourt à l’aménagement de notre territoire et accompagne les efforts des agriculteurs vers la transition écologique. J’aurais pu également citer le Fonds européen pour les investissements stratégiques mis en place dans le cadre du plan Juncker, qui permet aujourd’hui de soutenir 57 projets sur l’ensemble du territoire, et dont la France est l’un des premiers bénéficiaires.
L’article 27 du projet de loi de finances pour 2018 évalue le montant de la contribution française à 20,2 milliards d’euros, soit une hausse de 3,8 milliards d’euros par rapport au montant qui devrait être effectivement payé en 2017. Cette progression s’explique essentiellement par la montée en charge des programmes de la politique de cohésion, après plusieurs années de sous exécution en début de programmation.
Le 18 novembre dernier, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord sur le budget, pour un montant légèrement inférieur à celui proposé par la Commission européenne.
Madame la ministre, dans la mesure où les crédits proposés dans le projet de loi de finances étaient fondés sur les chiffres de la Commission, le montant du prélèvement sur les recettes pour 2018 fera-t-il l’objet d’un ajustement à la baisse, comme cela était le cas pour les crédits prévus initialement au titre de l’année 2017 ?
L’année 2018 verra s’intensifier les négociations en vue de la programmation pour l’après-2020. À cet égard, un certain nombre de défis se posent à l’Union : comment combler la perte nette de recettes consécutive à la sortie du Royaume-Uni ? Comment financer de nouvelles priorités – la transition écologique, les enjeux migratoires ou la lutte contre le chômage des jeunes – sans sacrifier la politique agricole commune et la politique de cohésion ? Comment rééquilibrer le système de ressources propres ?
Depuis les années 1980, le budget européen dépend principalement des contributions des États membres. Or les budgets nationaux sont de plus en plus sous pression. Les États tentent de limiter leurs contributions au financement de l’Union, afin de réduire ce qu’ils considèrent comme un coût sur le budget national. C’est pourquoi il est urgent que l’Europe se dote de ressources propres.
Cette réforme du système des ressources propres doit être l’occasion de faire avancer l’harmonisation fiscale en Europe et de lutter contre la concurrence déloyale entre États membres qui, le scandale des « Paradise papers » nous l’a rappelé, prospère toujours.
Parmi les pistes en cours de discussion, le projet d’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés est certainement le plus ambitieux. Fondé sur le principe selon lequel « les impôts sont payés là où les bénéfices sont réalisés », il présenterait l’avantage d’accroître la justice fiscale, tandis qu’une part de son produit pourrait être affectée au budget de l’Union.
Des options plus pragmatiques, comme une taxe sur les chiffres d’affaires des grandes entreprises du numérique, les fameux GAFAM, doivent et peuvent être adoptées rapidement. Sur ces sujets, il importe en effet de progresser vite, car les attentes de nos concitoyens sont fortes. C’est une question de justice fiscale et sociale.
S’agissant des conséquences du Brexit, qui entraînera une perte de recettes d’environ 10 milliards d’euros nets par an, il nous faudra être vigilant sur la politique de cohésion. En effet, pour équilibrer le budget de l’Union, plusieurs pistes de réduction des dépenses sont à l’étude. Parmi elles, une baisse de 15 % à 30 % des crédits affectés à cette politique.
Cette politique est d’autant plus fragilisée que d’importants retards de mise en œuvre sont constatés dans tous les États membres, dont la France. La lourdeur des procédures de contrôle et d’audit semble y être pour beaucoup, mais aussi la prolongation du délai de mise en œuvre du dégagement d’office. Cette situation est dommageable pour les porteurs de projet, mais elle fait aussi peser un risque sur la bonne exécution du cadre financier.
Pourtant, la politique de cohésion constitue un lien essentiel entre l’Union européenne et les collectivités territoriales, y compris les plus pauvres et les plus isolées. À cet égard, la prise en compte de territoires homogènes au regard de leur richesse dans le cadre de la nomenclature des unités territoriales statistiques constitue un enjeu essentiel pour l’avenir.
Permettez-moi enfin d’insister sur le fait que le budget européen que nous voulons pour demain doit nous permettre de renforcer la vocation d’origine de l’Union, qui est d’assurer la prospérité, la solidarité et la lutte contre les inégalités. Il nous faut aussi donner à l’Union les moyens nécessaires pour être une puissance d’avenir, à la fois compétitive et capable de faire évoluer son modèle de développement. C’est à cette condition que l’on renforcera la souveraineté européenne garantissant la démocratie, la liberté et la paix.
En conclusion, pour revenir sur le seul aspect budgétaire, je recommande, au nom de la commission des finances, l’adoption sans modification de l’article 27 du projet de loi de finances pour 2018. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le travail du rapporteur spécial de la commission des finances, Patrice Joly. Après lui, je constate la progression de la contribution de la France. Cette évolution doit nous conduire à prendre conscience des trois défis que le budget européen est appelé à relever, avec les conséquences qui en résultent pour la contribution de notre pays.
Le premier défi regroupe les nouvelles priorités que l’Union européenne est appelée à assumer, avec leurs conséquences budgétaires : la sécurité, le contrôle des frontières, le terrorisme, la défense, les crises migratoires – autant de défis et d’attentes qui sont également ceux de nos concitoyens.
Le deuxième défi est d’avoir un budget européen adaptable à l’imprévu, sinon à l’imprévisible. La crise migratoire a démontré la difficulté pour l’Union de trouver rapidement, dans ses procédures budgétaires, la flexibilité nécessaire à des réponses efficaces.
Le troisième défi est la réduction programmée des ressources budgétaires de l’Union. Le Brexit, tout comme la nécessaire maîtrise des budgets nationaux, va peser sur la marge d’action financière des politiques européennes. Pour bon nombre d’États membres, dont la France, le Brexit entraînera, à budget européen constant, une contribution plus élevée au budget européen.
Ces trois défis doivent conduire à réinventer le cadre budgétaire sous au moins trois aspects.
Premièrement, il faut avancer sur la question des ressources propres, qui sont aujourd’hui insuffisantes, autour de 25 % à 28 %. Il est nécessaire que la contribution des États au budget de l’Union européenne ne soit plus, comme le rappelait M. Monti, un simple enjeu de « juste retour ». Des propositions précises sont désormais sur la table des gouvernements, qui doivent s’en emparer.
Deuxièmement, le moment est venu d’établir des priorités et de les hiérarchiser. À cet égard, un critère doit prévaloir, celui de la valeur ajoutée européenne. C’est à l’aune de ce concept que seront désormais mesurées la légitimité et l’acceptation sociétale des politiques européennes.
Troisièmement, deux politiques sont en particulier concernées : la politique agricole commune et la politique de cohésion. L’exercice de réflexion est bien sûr nécessaire, mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. La PAC, c’est un mécanisme de gestion des marchés, qui permet de prévenir les crises et d’assurer la protection de la partie vulnérable des populations agricoles européennes. C’est aussi un enjeu essentiel de sécurité alimentaire, de développement durable, de climat et d’environnement.
La politique agricole relève donc, à mon sens, de la valeur ajoutée européenne. Si elle peut paraître un peu ancienne aux yeux de certains, notamment en Europe du Nord, elle n’a jamais été aussi pertinente.
Quant à la politique de cohésion, sa valeur ajoutée européenne n’est guère contestable. Mais nous avons besoin d’un véritable « choc » de simplification administrative et de mise en cohérence des fonds. Il est bien évident que, dans une période de contrainte budgétaire nationale, ces fonds de cohésion ont aussi, à l’adresse des maires de notre pays, une lisibilité plus forte encore. Ils visent les mêmes cibles, mais avec aujourd’hui des réglementations concurrentes, sinon contradictoires. Il faut rationaliser les règles complexes de contrôle et d’audit qui bloquent cette politique depuis longtemps, avec en contrepartie une logique de la performance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « La France est solidaire de l’Europe, quoi qu’elle fasse et quoi qu’elle veuille. Elle l’a été dans la souffrance, elle l’est dans son économie, elle le sera dans son destin. La France a une tâche européenne qu’elle ne peut éluder ». Je sais qu’il est de bon ton de citer Albert Camus, même si cela peut paraître un peu décalé, voire incongru, dans le cadre d’une discussion budgétaire.
Ces superbes mots de Camus, dont on oublie parfois qu’il fut un penseur incisif et visionnaire de l’Europe, ont été écrits au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une Europe exsangue qui venait de se déchirer comme jamais auparavant. Ils méritent, à mon sens, d’être rappelés aujourd’hui, à une époque où notre continent est traversé par de multiples crises et s’interroge sur son avenir, sa cohésion et le sens à donner encore aux mots de solidarité entre les peuples et les nations qui le composent.
Ces superbes mots de Camus ne sont sans doute pas si incongrus et inutiles à rappeler quand il s’agit de donner un peu de sens et de profondeur à l’article 27 du projet de loi de finances, dont le moins que l’on puisse dire est que sa formulation est des plus concises et des plus arides : 34 mots pour plus de 20 milliards d’euros engagés, ce qui fait environ 594 millions d’euros le mot ! (Sourires.) Ce n’est ni donné ni clair…
Je ne m’étendrai pas ici sur le mode de calcul un peu complexe de notre contribution annuelle au budget européen, d’abord, parce que les orateurs qui m’ont précédé l’ont fait avec brio, comme le feront aussi ceux qui me succéderont, et, ensuite, parce que cela contribuerait à éluder une partie pourtant essentielle du débat qui doit être attaché à la discussion de cet article : quelle Europe voulons-nous et de quels moyens sommes-nous prêts à nous doter pour y parvenir ? Mais, avant d’effleurer cette question, je voudrais procéder à un ou deux constats, qui résultent de la lecture strictement comptable de cet article.
Premier constat : la contribution de la France au budget de l’Union européenne augmente de 8 % par rapport à l’an passé, après avoir connu une baisse par rapport à l’exercice antérieur. Je m’en réjouis fortement, car, même s’il ne s’agit que de l’une des variables qui impactent le calcul de notre niveau de contribution, cela signifie que notre revenu national brut s’améliore et surtout que les données prévisionnelles de la Commission européenne qui fondent ce calcul témoignent d’une confiance retrouvée en notre économie, en tout cas en la sincérité de nos comptes.
Second constat : la France est, après l’Allemagne, le deuxième pays contributeur au budget de l’Union. Mais ce que ce projet de loi de finances – comme les précédents – ne peut malheureusement ni dire ni faire apparaître dans les recettes du budget de l’État, c’est que notre pays est aussi le troisième bénéficiaire en volume des aides accordées par l’Union.
Certes, et très formellement, la France reste un contributeur net d’environ 9 milliards d’euros. C’est le sens même de la solidarité entre nations et régions sur laquelle s’est fondée, puis a prospéré, l’Union européenne depuis sa création. C’est cette solidarité qui a aussi permis d’instaurer une paix durable au sein de l’Union, et il est bon aujourd’hui, je crois, de le rappeler.
En réponse à celles et ceux qui, à gauche comme à droite – surtout à l’Assemblée nationale, dont j’ai relu les travaux portant sur cet article –, entament aujourd’hui l’antienne thatchérienne du « I want my money back ! », il est bon aussi de rappeler que cette contribution nette de la France, qui les gêne tant, n’intègre naturellement pas les apports positifs du plan Juncker en matière d’investissements dans notre pays et moins encore la dynamique positive – évidente, mais plus difficile à chiffrer précisément – pour notre économie de notre appartenance à l’Union. Ceux qui doutent encore de cette dynamique n’ont qu’à se pencher sur ce qui commence à se passer de l’autre côté de la Manche depuis la décision de nos voisins britanniques de quitter l’Union.
Madame la ministre, précisément parce que la nature de la construction de notre budget national laisse à penser que l’Europe nous coûte beaucoup plus cher qu’elle nous rapporte, j’avais il y a quatre ans, dans un rapport sur la citoyenneté européenne commis pour le compte de notre belle commission des affaires européennes,…
M. Simon Sutour. Excellent rapport !
M. André Gattolin. … suggéré que le Gouvernement produise annuellement un rapport largement publicisé qui évalue plus formellement les apports concrets de l’Europe à l’économie de notre pays. Le gouvernement de l’époque, en dépit du soutien de mon ancien président de commission Simon Sutour, n’a jamais donné suite à cette suggestion, car il considérait sans doute à l’époque que, parler d’Europe, c’était automatiquement prêter le flanc à la critique…
Alors que nous nous apprêtons dans les mois qui viennent à engager dans notre pays et dans le reste de l’Union une large consultation de nos concitoyens sur notre avenir commun, je crois qu’il serait bon d’envisager à nouveau l’opportunité d’une telle publication, bien plus pédagogique que les chiffres que nous étudions ici.
Pour conclure mon propos, je veux souligner ici combien la question du budget de l’Union est capitale et dépasse largement le strict enjeu financier. Le budget de l’Union, c’est un enjeu politique au sens noble du terme. Comment redynamiser, comment refonder l’Europe si nous ne nous dotons pas des moyens pour le faire ?
Au moment où commence en catimini à s’élaborer le prochain cadre pluriannuel financier de l’Union, ayons le courage de tirer les conclusions du cadre financier 2014-2020, qui touche bientôt à sa fin. Le malthusianisme qui avait présidé à sa construction finale nous a profondément handicapés, nous contraignant à des logiques excessives de fongibilité entre les différents chapitres de ce cadre financier, nous forçant à diminuer nos ambitions initiales, déjà bien rabattues, pour ne répondre que partiellement à de nouvelles urgences apparues depuis 2014.
Dans un monde en profonde mutation, tout le monde s’accorde à penser qu’il est aberrant de bâtir un cadre financier pour sept ans, surtout quand celui-ci dépend presque exclusivement des contributions nationales des États membres et n’offre aucune véritable marge de manœuvre en cours de route.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. André Gattolin. Madame la ministre, pourriez-vous nous dire quels sont, sinon les choix arrêtés par le Gouvernement, tout au moins sa philosophie en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Simon Sutour applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Permettez-moi de ne pas descendre de ma montagne pour m’exprimer, cela fera gagner du temps à tout le monde…(Sourires.)
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, notre débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne intervient en un moment très particulier. En effet, dans un rapport publié le 16 novembre dernier, la Cour des comptes européenne dressait un bilan accablant des trois plans européens prétendument destinés à « aider » la Grèce. Dans le même temps, nous apprenions que la Banque centrale européenne avait réalisé 7,8 milliards d’euros de plus-values entre 2012 et 2016 sur ses rachats de titres grecs et qu’elles seraient redistribuées aux banques centrales nationales de la zone euro. Ainsi, le budget dont nous discutons aujourd’hui est nourri des misères imposées au peuple grec, de la même façon que Kronos, « le dieu aux pensées fourbes », dévorait ses enfants pour assurer son pouvoir.
Après sept années de gestion directe de la Grèce par la troïka, ce pays est exsangue. La politique dogmatique et implacable de la Commission européenne a consisté à réduire drastiquement les dépenses publiques et à augmenter sans fin, dans les mêmes proportions, la pression fiscale. Cette saignée a eu les mêmes résultats que les purges imposées par le pseudo-médecin Diafoirus de Molière à ses patients, qui mouraient guéris.
Après cette cure dévastatrice, la Cour des comptes européenne constate que la pauvreté de la Grèce est terrible, que les jeunes actifs ont quitté le pays, que l’économie est toujours aussi atone, que le système financier est totalement délabré et que la dette est à un niveau tellement insoutenable qu’il est douteux qu’elle puisse être remboursée un jour. La même Cour considère que les politiques économiques appliquées à la Grèce étaient totalement inappropriées et conclut son bilan par ce constat : « En l’absence de feuille de route stratégique pour stimuler les moteurs potentiels de la croissance, la stratégie d’assainissement budgétaire n’a pas été propice à la croissance. »
Gardons à l’esprit cette appréciation, nous qui allons voter, pour notre pays, un budget dont l’esprit est très proche de celui qui a été imposé à la Grèce. Il est à craindre en effet que l’austérité sévère que vous imposez à la dépense publique et la ponction fiscale supplémentaire dont vous affligez les foyers qui gagnent le moins aient des conséquences désastreuses sur la consommation.
Ces efforts supplémentaires ont été jugés insuffisants par la Commission européenne, qui considère que le déficit structurel de la France va continuer de s’accroître dans des proportions qu’elle estime à 0,4 point de PIB. Sur cette pente et dans la logique de l’ordolibéralisme, les efforts ne vont jamais assez loin.
Des organismes internationaux, comme le FMI et l’OCDE, recommandent l’abandon de cette politique de l’offre pour engager une politique volontaire de soutien de la demande. Pourquoi ne sont-ils pas entendus par la Commission européenne et le Gouvernement ?
Le Portugal a eu le courage politique de sortir des ornières dans lesquelles on voulait le maintenir en augmentant le salaire minimum de 15 %, en réduisant le temps de travail des fonctionnaires, en bloquant les privatisations et en relançant des grands projets d’aménagement. Ces mesures l’ont engagé dans un cercle vertueux de croissance qui le place aujourd’hui dans une situation sociale et économique bien meilleure que celle de la France et qui lui permet même de respecter les critères de la Commission européenne avec un déficit public ramené à 1 % en 2018. Une autre politique budgétaire est donc possible !
La France, parce qu’elle est l’un des principaux contributeurs au budget de l’Union européenne, dont elle apporte 15 % du montant total, et parce qu’elle verse 5 milliards d’euros en sus de ce qu’elle reçoit, aurait toute légitimité pour demander à la fois un bilan critique des politiques économiques coercitives mises en œuvre par la Commission et un examen poussé de l’efficacité du budget de l’Union européenne ainsi que de la pertinence des actions entreprises. En effet, il y a urgence à renouer le lien social entre l’Europe, ses citoyennes et ses citoyens. L’essor continu et général des partis d’extrême droite racistes et xénophobes, y compris en Allemagne, et les mesures ouvertement contraires aux valeurs humanistes européennes par lesquelles plusieurs États de l’Union y répondent sont autant de symptômes de la crise sérieuse traversée par l’Europe. Elle est de moins en moins perçue comme l’horizon d’attente d’une construction politique au service de la paix et de l’émancipation humaine et de plus en plus comme un empilement de structures bureaucratiques à la disposition d’un pouvoir économique qui agit contre l’intérêt des peuples.
Nous avons besoin d’une nouvelle Europe qui les protège et les aide dans leurs projets d’émancipation, une Europe qui encourage la constitution d’une communauté fondée sur le partage de nos valeurs communes. La froide rigueur comptable de cet article 27 ne contient rien de tout cela. Nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Sophie Taillé-Polian et M. Jean-Claude Tissot applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’Europe a été « trop faible, trop bureaucrate, incapable de répondre aux enjeux qui se présentaient à elle ». Combien de fois avons-nous entendu ces critiques souvent fondées ? Aujourd’hui, pourtant, j’ai le sentiment que les discours évoluent. Malgré, ou peut-être grâce, au Brexit, l’Europe redevient porteuse d’espoir. « L’avenir de l’Europe est bien plus important que le Brexit », disait voilà quelques jours Angela Merkel.
Confrontés au risque de voir exploser ce modèle de société construit depuis quarante ans, nous mesurons les choix qui se présentent désormais à nous. Voulons-nous moins d’Europe, comme le Royaume-Uni – et, si oui, pour évoluer vers quel modèle de société ? –, ou voulons-nous une Europe solidaire et renouvelée dans son organisation, dans sa méthode, dans ses missions, une Europe apte à relever les défis ?
Nombreux sont ceux qui partagent la vision ambitieuse du Président de la République, prônant une Europe de la confiance, de la convergence, qui s’empare des sujets stratégiques et, comme le disait Jean-Claude Juncker, « s’occupe davantage des grands sujets et moins des petites choses ». Cette recherche d’efficacité oblige à de grands pas en avant en matière de création d’un budget propre à la zone euro, d’un ministère des finances, d’une Europe de la défense, de lutte contre le terrorisme avec un parquet européen, de politique migratoire avec un office européen de l’asile pour harmoniser les procédures, de police aux frontières, de lutte contre le dumping social, de taxation des géants du net, de transition écologique ou encore d’aide au développement.
L’Europe doit devenir audacieuse, oser « avancer » plus vite et plus loin, quitte à organiser plusieurs niveaux d’intégration, favorisant les « avant-gardistes » sans pour autant exclure les moins intrépides ; une Europe unie – mais pas uniforme –, démocratique et souveraine, qui se numérise et innove dans le cadre d’un marché unique alliant protection, exigences sociales, environnementales et stratégie commerciale.
La France et l’Allemagne ont un rôle moteur à jouer pour fonder cette nouvelle Europe.
Le rapport des commissions des affaires européennes et des affaires étrangères du Sénat sur la relance de l’Europe propose une série de mesures propices à renforcer la légitimité démocratique dont a tant besoin l’Union européenne pour renouer la confiance nécessaire. Il préconise l’association et la reconnaissance des parlements nationaux, voire des citoyens, pour lancer des initiatives, interpeller les représentants et engager des débats. La reconstruction doit partir des peuples pour insuffler l’envie d’Europe.
Aujourd’hui simples gardiens du principe de subsidiarité, les parlements nationaux pourraient, demain, déléguer à une convention restreinte, chargée de statuer souverainement à la majorité qualifiée sur les mesures économiques et financières, notamment lorsqu’elles impliquent une modification du traité fondateur.
Quant à la Commission, elle doit devenir le véritable gouvernement européen, responsable devant son parlement.
Ainsi, les citoyens européens pourraient identifier clairement et, s’ils le jugent opportun, renverser ceux qui détiennent les responsabilités.
Il est inacceptable pour les salariés, les entreprises et les gouvernants que des conditions de travail et de protection sociale déséquilibrées puissent subsister, comme cela a été le cas avec la directive dite « Travailleurs détachés ». L’initiative de la France de la réviser est déterminante pour la cohésion à venir de l’Europe.
La convergence fiscale doit s’imposer, pour limiter le dumping entre les différents États membres. Elle nous permettra également de nous protéger des stratégies d’optimisation de certaines multinationales, dont les GAFA sont les exemples les plus frappants. Une Europe qui adopte des règles justes et équilibrées, qui ne s’imposent pas au détriment des citoyens ou des acteurs économiques, que ce soit à l’échelle du marché unique, mais aussi dans le cadre des traités internationaux, c’est le préalable d’une Europe puissante et convergente.
Cette Europe sera propice aux initiatives, au développement économique, à l’innovation technologique, à une véritable politique économique commune servie par l’intégration budgétaire et une fiscalité propre.
Le gouvernement économique de la zone euro, doté d’une légitimité politique, sera l’interlocuteur de la Banque centrale européenne en matière de stratégie monétaire. Il sera compétent pour adopter des politiques industrielles communes, dans des domaines clés et stratégiques, tels que le numérique, l’intelligence artificielle, les nanotechnologies, la transition énergétique, l’aérospatiale, afin d’additionner les atouts de nos secteurs d’activité les plus performants, d’assurer les nécessaires transitions tout en réduisant les coûts, et aussi de garantir nos approvisionnements et notre indépendance technologique.
Dans cette nouvelle donne stratégique, une nouvelle politique agricole commune a toute son importance, même si, avec le temps, l’actuelle PAC s’est diluée dans autant de politiques nationales, perdant ainsi sa capacité à incarner un dessein européen.
La PAC mobilise aujourd’hui 43 % du budget européen, dont 17 % reviennent à la France. Face aux perspectives, il y a lieu de s’interroger sur les conditions de sa subsistance. Pourtant, l’enjeu alimentaire du XXIe siècle est incontournable, mais pas seulement. Nous avons plus que jamais besoin d’une politique agricole commune à l’échelle européenne pour assurer à nos concitoyens une alimentation de qualité et en quantité, dans une logique de développement durable, et pour relever le défi de l’évolution climatique, de la préservation des ressources naturelles et des énergies renouvelables. En ce sens, les agriculteurs européens doivent s’approprier ces enjeux et développer des outils technologiques innovants au service d’une agriculture alliant performances économiques et environnementales.
Pour atteindre ces objectifs, la question du montant du budget européen, pilier d’une relance de l’Union européenne, est donc centrale. Pour nous, centristes, la participation de la France, à hauteur de 20,2 milliards d’euros en 2018, s’impose. Nous sommes tous conscients que le budget européen, de 158 milliards, sera insuffisant pour répondre aux enjeux d’une Europe audacieuse, tels qu’ils ont été identifiés.
Comme le soulignait il y a quelques jours Michel Barnier lors d’une audition au Sénat, le groupe centriste est convaincu que seule l’Europe a cette masse critique et dispose d’une autorité légitime pour porter les valeurs de la France et ses intérêts dans le monde. Aussi voterons-nous ce budget.
Mais, avant toute chose, il s’agit de bien négocier le deal du Brexit. À ce jour, les Vingt-Sept ont réussi à dépasser les flottements qui ont suivi l’annonce du Brexit et à échapper à une vague de populisme qui aurait pu balayer l’Europe, prouvant ainsi la solidité et même le regain de l’idéal européen. Ils sont aujourd’hui « unis » pour négocier et « solder les comptes du Royaume-Uni », dans le cadre d’un retrait ordonné qui doit s’achever en mars 2019.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Anne-Catherine Loisier. Cette méthode doit permettre « d’objectiver » les conséquences de la sortie de l’Union européenne : il n’est pas question de payer à vingt-sept ce qui a été décidé à vingt-huit. Être en dehors de l’Union ne peut impliquer les mêmes relations que le fait d’être membre à part entière.
Pour conclure, je citerai une fois de plus notre négociateur : « Il y a une chose que j’ai comprise, c’est que ce que nous ne ferons pas ensemble, entre Européens, pour construire notre avenir, personne ne le fera à notre place. » (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le début de nos échanges sur le projet de loi de finances pour 2018 nous amène, tout naturellement, à examiner l’article 27 relatif à la participation de la France au budget de l’Union européenne. C’est un sujet de première importance, sachant que la France est le deuxième contributeur net européen après l’Allemagne, avec 19,1 milliards d’euros versés en 2017. Notre participation au budget européen représente ainsi 13 % de l’ensemble des contributions nationales. En retour, la France a touché 14,5 milliards d’euros de dépenses, soit 11 % des dotations accordées à des États membres. Notre pays est ainsi le premier bénéficiaire européen des dépenses de la politique agricole commune, avec une dotation européenne de 9 milliards d’euros. Il est également intéressant de noter que l’Union européenne abonde également les fonds français de politique de recherche et de développement, à hauteur de 2,221 milliards d’euros.
En réalité, vous le savez, l’Union européenne redistribue la quasi-intégralité de ses moyens auprès des États membres. Seules 6 % des dépenses européennes sont effectivement consacrées au fonctionnement des institutions, essentiellement aux frais administratifs des trois institutions européennes.
L’actualité brûlante des dernières années nous incite cependant à revoir rapidement notre stratégie d’affectation des crédits européens.
Depuis plus de trente ans, des dirigeants de tous les pays européens appellent à renforcer le budget européen pour accroître nos capacités d’action. D’ailleurs, un groupe de travail planche depuis plus de trois ans sur la recherche de nouvelles ressources propres pour l’Union européenne. Dépenser davantage ensemble, c’est en effet conduire des économies, en limitant nos dépenses individuelles et en mutualisant nos actions.
Il est plus que temps de donner à l’Union européenne les moyens d’agir. Le rapport Monti de janvier 2017 a ainsi tiré la sonnette d’alarme sur l’urgence de réformer le budget européen, tant sur les recettes que sur les dépenses.
Ce besoin de repenser le budget européen n’est d’ailleurs pas une demande franco-française. Pour répondre à la crise économique et financière, puis à la crise migratoire, l’Union européenne a multiplié ces dernières années les fonds hors budget européen, comme le Mécanisme européen de stabilité créé en 2012.
Deux défis méritent notre attention dans la réflexion sur la participation française au budget européen : la nouvelle politique européenne de défense et l’épreuve du Brexit.
Sur la politique européenne de défense, 20 États membres ont signé, mercredi 8 novembre, un pacte de défense visant à créer un noyau dur de pays capables de financer et de faire vivre une vraie coopération militaire au niveau européen, avec la production de nouveaux matériels militaires, la mise en place d’une force commune d’intervention et l’établissement d’un budget européen de défense. Ces engagements, que nous soutenons fortement, s’inscrivent dans la continuité de la Coopération structurée permanente, la PESCO, signée en juillet dernier.
S’agissant des conséquences du Brexit sur le budget européen, il convient de rappeler que l’Union européenne perdra l’un de ses principaux contributeurs. Le départ du Royaume-Uni déclenchera ainsi une perte de recettes à court terme, avec l’arrêt du versement de sa contribution, soit une diminution de 6 % à 7 % du budget européen actuel.
De nombreuses options sont encore sur la table, mais le doute subsiste sur l’avenir de l’équilibre financier de l’Union européenne. Il s’agira donc de s’assurer que le Royaume-Uni s’engage à respecter, coûte que coûte, ses engagements financiers conclus dans le cadre du cadre financier pluriannuel 2014-2020.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, face aux nouveaux défis de ce siècle, une action collective au plan européen est la seule solution viable. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires vous invite donc à envisager une participation plus ambitieuse de la France au projet européen, afin de doter l’Union européenne des moyens nécessaires à son développement. Nous souhaitons que le Gouvernement poursuive son engagement en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Simon Sutour applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, l’Europe est une réalité,…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Ça commence bien !
M. Stéphane Ravier. … une réalité géographique, historique, culturelle et cultuelle. Cette Europe réelle, charnelle, c’est une union des nations, une Europe qui, tout en reconnaissant ses dénominateurs communs, respecte chacun des peuples qui la composent et sont attachés à leur liberté et leur identité propre.
On a beaucoup dévoyé la position du Front national sur l’Europe. Aussi, je le dis ici de façon claire et définitive, oui, nous sommes Européens ! De fait, que vous soyez, comme vos parents, né à Brest ou à Vladivostok, vous êtes Européen ; vous ne le serez jamais si vous résidez à Istanbul !
C’est précisément parce que nous sommes pour une Europe des nations libres et des peuples souverains que nous combattons cette Union « européiste », véritable machine à broyer les libertés, les souverainetés, les identités nationales. Un monstre froid, bureaucratique, technocratique, dogmatique qui ignore la volonté des peuples pour imposer une Europe de la finance, une Europe qui ne serait plus qu’un terrain de jeu pour le nomadisme économique et migratoire.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Ça dérape !
M. Stéphane Ravier. Quand, de Paris à Londres, en passant par Vienne, Varsovie, Budapest, Amsterdam et même Berlin, les peuples se lèvent pour dire non à votre Europe antidémocratique, quelle est votre réponse ? Une incarcération européenne plus dure encore, décidée par les geôliers de la Commission de Bruxelles et la Cour européenne des droits de l’homme – des droits de l’homme, mais jamais du citoyen !
Or la réalité européiste est accablante : la politique européenne de défense est une chimère ; la politique agricole commune a ruiné notre agriculture ; la directive sur les travailleurs détachés est un véritable fléau et l’opération d’agitprop d’Emmanuel Macron, largement relayée par des médias complaisants, n’y changera rien, puisque le nombre de ces travailleurs dépasse désormais les 350 000 ; la politique commune de contrôle des frontières, avec l’agence Frontex, est un échec, comme nous le rappellent la déferlante migratoire et les attentats islamistes ; enfin, la politique d’uniformisation de nos collectivités territoriales est en opposition totale avec notre modèle français.
Afin de faire disparaître les États-nations, l’Union européenne encourage l’émergence de grandes régions capables de passer outre le niveau étatique. Cette stratégie de désintégration nationale n’est pas sans responsabilité dans la crise que subit aujourd’hui l’Espagne.
Depuis plusieurs années, notre contribution au budget de l’Union européenne est en constante augmentation. Elle atteint aujourd’hui près de 20 milliards d’euros. Depuis 1982, elle a été multipliée par cinq. Pour quel résultat ? Augmentation dramatique du chômage et de la pauvreté, austérité budgétaire, immigration massive, démantèlement de notre industrie et de notre agriculture, et j’en passe.
Alors que l’Union européenne nous reverse seulement 13 milliards d’euros, ce sont donc 7 milliards d’euros que nous offrons, chaque année, à nos geôliers…
M. Simon Sutour. C’est le principe de solidarité !
M. Stéphane Ravier. … pendant que nos communes verront, elles, leur budget amputé de 10 milliards d’euros de ressources fiscales.
L’Europe, mes chers collègues, ce n’est pas seulement un marché, ni un supermarché dans lequel la France occuperait le rayon « bronze-cul ». L’Europe, c’est le berceau de la civilisation occidentale, helléno-chrétienne. C’est un héritage, un équilibre, un assemblage de nations qui aspirent à coopérer, tout en préservant leur liberté.
Nous ne saurions dès lors cautionner une telle soumission à la vieille construction européiste, qui a démontré toute sa nocivité.
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.
M. Stéphane Ravier. Notre position est claire : Européens, d’accord, mais Français, d’abord !
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, s’exprimant à la Sorbonne le 26 septembre dernier, le Président de la République a justement rappelé que l’Europe était « notre histoire, notre identité, notre horizon, ce qui nous protège et ce qui nous donne un avenir ».
Je partage cette vision, qui nous éloigne d’une Europe comptable. Mais l’examen de ce jour sur le prélèvement européen des recettes de l’État, fixé à 20,2 milliards d’euros pour 2018, nous invite immanquablement à une approche plus terre à terre. Comme on pourrait le dire plus familièrement au regard de notre contribution, en avons-nous pour notre argent ?
Nous connaissons l’équation, notre rapporteur spécial l’a d’ailleurs brillamment détaillée : la France est le deuxième contributeur net, en volume, au budget de l’Union européenne, derrière l’Allemagne, tout en étant le troisième bénéficiaire des politiques européennes. Notre pays profite en particulier des deux principaux instruments d’investissement de l’Union européenne : la politique agricole commune et le Fonds européen pour les investissements stratégiques.
S’agissant de la PAC, nos agriculteurs percevront 9 milliards d’euros en 2018, soit la moitié, environ, de notre contribution. Cela dit, je m’inquiète de la diminution des soutiens européens au cours des derniers exercices budgétaires. Cette baisse est le fruit de l’actuelle programmation financière pluriannuelle de l’Union européenne et jette un doute sur la volonté de maintenir la PAC comme une priorité.
Madame la ministre, vous connaissez la situation difficile que traversent beaucoup d’agriculteurs. Nous devons pouvoir compter sur vous pour que l’agriculture européenne soit confortée dans le cadre financier pluriannuel post-2020. La politique agricole commune doit demeurer une priorité de la politique communautaire.
S’agissant du Fonds européen pour les investissements stratégiques, le bilan tiré de la première phase arrêtée en 2016 a démontré que notre pays était le principal bénéficiaire du plan Juncker, avec 15 milliards d’euros. Nous devons nous en féliciter. Nous pouvons ajouter à cette logique de « juste retour » des externalités positives non quantifiables, telle l’appartenance à un marché unique. Il n’est alors plus besoin de démontrer que nous ne devons jamais douter de l’Europe.
Toutefois, mes chers collègues, ces points positifs pour la France n’exonèrent pas d’une réflexion sur l’architecture et le niveau des ressources européennes, réflexion rendue plus pressante à l’approche de la sortie du Royaume-Uni de l’Europe. À terme, nous le savons, le Brexit privera le budget européen de 10 milliards d’euros.
Des travaux ont été menés, notamment par le groupe de haut niveau sur les ressources propres. Un consensus existe sur la nécessité d’avoir des recettes plus lisibles, plus transparentes et plus équitables. Je tiens d’ailleurs à souligner la nécessité de mettre fin aux rabais et aux corrections, qui faussent les règles de solidarité, une valeur pourtant au cœur du projet européen. Il me semble également nécessaire d’instituer un cadre financier plus souple, afin de répondre, aux côtés des politiques traditionnelles, à la montée en puissance de certains enjeux : sécurité, lutte contre le terrorisme, gestion des flux de réfugiés et de migrants ou enjeux de défense – quid des opérations extérieures ?
Dans les situations d’urgence, l’Union européenne a pu actionner les mécanismes de flexibilité dont elle disposait pour doubler les crédits. Mais on a aussi vu se développer, en parallèle, des mécanismes hors budget. Une part plus importante de budget non affecté pourrait donc être envisagée dans le prochain cadre pluriannuel.
Plus précisément, sur la défense – je souhaiterais terminer mon propos en évoquant ce sujet –, l’effort demandé sera croissant compte tenu du contexte international actuel.
Le Fonds européen de la défense, annoncé par la Commission européenne en juin dernier, est une bonne initiative. C’est un pas de plus vers l’Europe de la défense, même s’il reste encore un long chemin à parcourir. En attendant, il faudra encore compter sur l’engagement et le sens des responsabilités de certains États membres, au premier rang desquels la France, qui assume bien souvent, aux côtés du Royaume-Uni, l’essentiel des déploiements militaires extérieurs. Aussi, dans le cadre des discussions sur la contribution de chacun au budget européen, je pense qu’il serait opportun de prendre en compte le coût des engagements nationaux fournis par les États membres pour assurer la sécurité de l’Europe, engagements pour lesquels leur contribution est entière.
Mes chers collègues, le RDSE a eu l’honneur de compter parmi ses membres l’illustre Maurice Faure, cher à notre président de groupe Jean-Claude Requier, qui fut signataire du traité de Rome et pour qui l’Europe était une idée, un esprit, une communauté de valeurs, mais aussi une réponse à des situations géopolitiques successivement dévastatrices. L’élu de la Meuse que je suis en est pleinement conscient. Sachons nous mobiliser pour assurer l’avenir de l’Europe ! Nous voterons donc, madame la ministre, votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le montant du financement de la France à l’Union européenne pour l’année 2018. Cet exercice, je le rappelle, est très contraint puisqu’il s’inscrit dans le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, qui court de 2014 à 2020, alors que s’engagent d’ores et déjà les discussions pour le prochain cadre financier pluriannuel post-2020.
Pour mémoire, le montant global du budget présenté par la Commission européenne pour l’année prochaine s’élève à 145 milliards d’euros en crédits de paiement, dont plus de 55 milliards d’euros pour les fonds structurels et d’investissements – nous les avons évoqués –, 59 milliards d’euros pour l’agriculture et le développement rural, le solde étant affecté à la recherche, à différents programmes, tels que le programme Erasmus+, et, bien sûr, aux politiques mises en œuvre en matière migratoire et sécuritaire.
Pour notre pays, le montant du prélèvement sur recettes européen est estimé à 20,2 milliards d’euros pour 2018, contre 17,9 milliards d’euros en 2017. C’est un effort important, puisqu’il s’agit du quatrième poste du budget de l’État.
Le budget européen doit aujourd’hui répondre à trois exigences : relever les défis ponctuels, préserver les politiques qui font l’identité de l’Union européenne et lancer de nouveaux projets communs.
Parmi les défis à relever, la lutte contre le terrorisme et le renforcement de la sécurité sont devenus une priorité depuis les attentats ayant frappé nombre de pays de l’Union européenne. Je ne reviendrai pas en détail sur l’ensemble des mesures prises qui, si elles sont encore insuffisantes, vont tout de même dans le bon sens. La commission des affaires européennes du Sénat a été en pointe sur ces sujets,…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. C’est vrai !
M. Simon Sutour. … et vous avez pu, mes chers collègues, approuver dans cet hémicycle, au cours de ces deux dernières années, de nombreuses résolutions européennes en ce sens.
Cette prise de conscience récente d’une politique commune en matière de sécurité, comme en matière de migration, a bien évidemment un coût, qui n’était pas forcément anticipé dans le cadre financier pluriannuel actuel. La Commission européenne a toutefois mobilisé les crédits nécessaires, faisant preuve – c’est assez nouveau pour être signalé – de pragmatisme et de souplesse, même s’il convient d’être vigilant sur la réaffectation de crédits dont pourraient souffrir d’autres politiques de l’Union européenne.
D’ailleurs, au-delà de la question des mécanismes de financement du budget européen, l’introduction de plus de souplesse et la simplification de l’exécution budgétaire sont indispensables. On ne peut plus continuer avec un cadre budgétaire pluriannuel aussi rigide, car, au contexte budgétaire délicat que connaissent à la fois l’Europe et les pays membres, s’ajoute un système d’exécution particulièrement lourd et archaïque. Ainsi, à l’occasion de la révision à mi-parcours du cadre financier actuel, les instruments de flexibilité ont dû être débloqués au maximum. Il a fallu batailler pour préserver le financement de politiques pourtant considérées, dans les discours, comme prioritaires.
Cette mauvaise prévisibilité a eu entre autres conséquences une multiplication des budgets rectificatifs – déjà six en 2017 –, des restes à liquider importants et une non-consommation des crédits budgétaires en 2017 de 7,7 milliards d’euros, notamment, comme évoqué par des orateurs précédents, sur la politique de cohésion.
L’Europe doit bien évidemment être une « assurance stabilité », et il est souvent positif de programmer telle ou telle politique sur le long terme. Mais l’Europe doit aussi être capable de réagir vite et de façon massive. Elle est aujourd'hui soumise à des aléas d’ordre financier, économique, climatique, géopolitique et social qu’il faut être en mesure de traiter. La hausse de la dotation de l’initiative pour l’emploi des jeunes, pour la porter à un total de 600 millions d’euros, ou encore la montée en puissance du plan Juncker sont de ce point de vue tout à fait satisfaisantes.
Rapprocher l’Europe et le citoyen, c’est avant tout construire une Europe dynamique, qui protège les citoyens européens.
Bref, aussi bien pour le financement que pour l’exécution budgétaire, il est temps de changer le logiciel. La négociation du futur cadre budgétaire post-2020 sera ainsi abordée dans un contexte budgétaire délicat. Il n’y aura pas d’issue sans argent frais !
Plusieurs scénarios sont proposés, en particulier par le groupe présidé par Mario Monti, qui a réfléchi pour trouver des moyens de financement plus transparents, simples, équitables et démocratiquement responsables. Il est peut-être temps de passer à l’action pour doter l’Union européenne de nouvelles ressources propres. Malheureusement, nous l’affirmons chaque année avec une force croissante, mais sans grand succès.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. C’est vrai !
M. Simon Sutour. La question budgétaire est au cœur de la refondation de l’Union européenne : il faut mettre en adéquation les financements avec les ambitions. Ce budget doit en être le signal.
Je voudrais aborder maintenant la question de la PAC. L’impact du Brexit est inquiétant, puisque, alors que le budget actuel est déjà en baisse de 11 %, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2019 se traduira par une perte estimée entre 10 milliards et 11 milliards d’euros pour le budget global européen, dont au moins 4 milliards d’euros pour la PAC.
S’agissant de la politique de cohésion, deux éléments suscitent l’inquiétude : d’une part, la sous-consommation des crédits actuels déjà évoquée et, d’autre part, les pistes de réforme pour la période postérieure à 2020.
Au milieu de l’année 2017, moins de 10 % des crédits d’engagement de la politique de cohésion avaient donné lieu à des paiements, tous États confondus. Je ne reviendrai pas sur les causes de cette situation, qui ont été très bien explicitées par notre rapporteur spécial.
L’autre sujet d’inquiétude dans ce domaine concerne le septième rapport sur la cohésion adopté par la Commission européenne le 9 octobre dernier. Cette dernière n’a pas hésité à lancer des pistes de réformes, qui conduiraient à de grands bouleversements : fin de la couverture intégrale du territoire européen, renforcement des conditionnalités d’attribution des fonds structurels et d’investissement, mise en place d’un fonds unique d’investissement, augmentation des taux de cofinancement nationaux, comme pour la PAC d’ailleurs, régionalisation des recommandations pays par pays dans le cadre du semestre européen, création d’un nouveau fonds pour soutenir les réformes structurelles. Elle prévoit également la possibilité d’une introduction de nouveaux critères dans l’attribution des enveloppes budgétaires. Ce serait alors la victoire de ceux qui essaient, depuis des années, d’introduire ce système de conditionnalités, contre l’avis de la France.
Plusieurs organisations européennes représentant les collectivités locales et régionales se sont inquiétées, à juste titre, de ces pistes de réflexion. Nous devons appeler à la mobilisation de toutes et tous pour sauver la politique de cohésion, et même pour encourager son amplification.
Enfin, il ne faudrait pas que, à une politique de subventions, soit substituée une politique de prêts garantis. C’est un changement de doctrine qui apparaît en filigrane dans certaines politiques de l’Union européenne. Prenons l’exemple d’Erasmus et Erasmus+, qui permettent l’octroi de bourses d’études : certains ici ou là souhaiteraient que le fonctionnement de ces dispositifs soit calqué sur le plan Juncker et que, à la place de bourses, les étudiants aient accès à des prêts avantageux. Il faut veiller à ce que l’Union européenne ne multiplie pas les dispositifs de prêts, qui vont, pour le coup, plus en direction du secteur privé et moins en direction du secteur public. Pour notre part, nous serons vigilants et intransigeants sur ce point particulier.
Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure !
M. Simon Sutour. Beaucoup d’orateurs ont dépassé leur temps de parole bien plus que moi, madame la présidente, mais je conclus.
Nous souhaitons que l’Europe dispose des moyens de ses ambitions. Nous souhaitons qu’elle puisse se réformer pour être plus réactive et en phase avec les défis contemporains. Nous souhaitons qu’elle puisse répondre aux attentes des citoyens européens. Nous souhaitons tout simplement qu’elle réussisse.
Mme la présidente. Merci, cher collègue !
M. Simon Sutour. Il faut maintenant que l’Europe redevienne une idée populaire chez les citoyens. Le groupe socialiste et républicain agira avec force en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la contribution française au budget de l’Union européenne est un moment fort du débat parlementaire consacré à l’Europe. Celui que nous menons aujourd’hui ne fait pas exception à la règle, et, à la lumière des éléments apportés par le rapporteur spécial de la commission des finances, le groupe Les Républicains votera en faveur du prélèvement sur recettes tel qu’il est proposé. Mais nos discussions revêtent cette année une dimension supplémentaire, puisqu’elles entrent en résonance avec le débat sur la refondation de l’Europe. En effet, la mue que l’Union européenne va devoir opérer ne saurait se satisfaire d’un statu quo budgétaire. Très clairement, le prochain cadre financier pluriannuel, dont les premiers contours seront présentés en mai 2018, devra faire face à d’importants défis.
Le premier d’entre eux est bien évidemment le Brexit. Au-delà des négociations sur la facture dont le Royaume-Uni devra bien sûr s’acquitter à son départ, le Brexit entraînera un manque à gagner d’environ 10 milliards d’euros par an pour le budget européen.
Par ailleurs, un certain consensus semble se dessiner sur la nécessité d’une action commune dans le domaine des « nouvelles priorités » que sont la défense, la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ou encore la gestion des frontières extérieures et des migrations. S’il faut à mon sens s’en féliciter, il n’en reste pas moins que les ambitions affichées devront se matérialiser par des niveaux de financement crédibles, comme cela est proposé, par exemple, dans le domaine de la défense via l’initiative d’un fonds européen spécifique.
Selon la Commission européenne, le besoin de financement découlant de ces priorités se chiffrerait à 10 milliards, voire à 15 milliards d’euros par an. Sans même évoquer la question des différents projets de budgets spécifiques à la zone euro ou celle des crédits accordés à d’autres objectifs politiques majeurs, ce serait donc, au bas mot, 20 milliards à 25 milliards d’euros annuels qu’il faudrait trouver. Si l’on s’en tient, comme cela me semble souhaitable, à l’impossibilité pour l’Union européenne d’émettre de la dette, la solution de cette équation ne peut donc passer que par deux leviers : d’une part, une réduction des dépenses et, d’autre part, une augmentation des recettes.
S’agissant des dépenses, permettez-moi tout d’abord d’insister sur la nécessité de leur passage en revue systématique à l’aune des principes de subsidiarité et d’efficacité. En effet, si l’Europe n’a pas vocation à régenter les détails de notre vie quotidienne, elle n’a pas non plus vocation à financer ce qui relève à l’évidence de l’action nationale, voire locale. La clarification que nous devrons mener sur la répartition des compétences entre l’Europe et les États membres devra ainsi trouver son corollaire au niveau budgétaire, en recentrant les financements communautaires sur l’ensemble des défis communs.
Chaque euro dépensé devra faire la preuve de sa valeur ajoutée, c’est-à-dire être investi dans des domaines et des projets pour lesquels l’action européenne n’est pas seulement appropriée, mais indispensable et, surtout, efficace. À cette fin, une « culture d’évaluation de la dépense » doit se faire jour au niveau européen, en miroir de l’évaluation législative désormais à l’œuvre. Mais nous devons également avoir à l’esprit que la réflexion sur les dépenses accentuera nécessairement la pression sur la politique de cohésion et la politique agricole commune, ces dernières représentant les deux tiers du budget. Si l’on souhaite préserver autant que possible leur financement – tout particulièrement celui de la PAC, à laquelle mon groupe est profondément attaché –, il faudra les faire évoluer.
S’agissant de l’augmentation prévisible du volet « recettes », si la composition de ce dernier n’est pas modifiée, c’est la ressource d’équilibre fondée sur le revenu national brut, dite ressource RNB, qui sera une nouvelle fois mobilisée pour faire face aux besoins financiers. Pour notre pays, contributeur net dont le prélèvement sur recettes représente tout de même le quatrième poste de dépenses de l’État, cela constituerait un effort supplémentaire non négligeable.
Dès lors, et même si je suis convaincu que le budget de l’Union européenne est bien plus qu’un simple jeu à somme nulle opposant des contributeurs à des bénéficiaires, il faudra à mon sens engager une réflexion sur la manière de prendre en compte la participation des contributeurs nets dans le calcul de leurs déficits publics. En effet, il serait pour le moins difficile de comprendre qu’une contribution française en hausse significative puisse éventuellement se traduire par des difficultés à respecter les critères du pacte de stabilité et de croissance.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
M. Pierre Cuypers. Par ailleurs, comment accepter une pression accrue sur nos finances publiques si celle-ci ne s’accompagne pas, enfin, de la suppression définitive de tous les rabais et autres corrections dont bénéficient plusieurs États membres ? Cette réforme ne peut plus être repoussée, car il en va non seulement de la transparence sur les ressources de l’Union européenne, mais également du principe d’équité entre les États membres.
En tout état de cause, ces éléments montrent bien à quel point il serait malaisé de mobiliser encore davantage les contributions directes issues des budgets nationaux. Bien que ce sujet soit indéniablement sensible, le temps paraît ainsi venu de donner plus de place à des ressources véritablement propres.
De nombreuses propositions ont d’ores et déjà été avancées en la matière. Il me semble néanmoins que plusieurs principes, dont certains ont d’ailleurs été rappelés par le groupe de haut niveau présidé par Mario Monti, doivent guider notre réflexion.
Tout d’abord, je crois que l’Union européenne devrait se pencher prioritairement sur la ressource TVA existante. Celle-ci pourrait contribuer beaucoup plus au financement de l’Union européenne, en particulier si la lutte contre la fraude – estimée à 150 milliards d’euros par an – et, plus largement, la lutte contre l’évasion fiscale étaient rendues plus efficaces.
Ensuite, rappelons que les ressources propres ne peuvent être assimilées à des taxes européennes, car le pouvoir fiscal est, et doit bien évidemment demeurer, du ressort national.
Par ailleurs, le but ne doit pas être en soi d’augmenter automatiquement le budget européen, dont le volume adéquat doit faire l’objet d’un débat spécifique. L’objectif premier doit bien être de modifier la composition des recettes qui l’alimentent et, donc, de contribuer à stabiliser, voire à réduire les contributions directes des États membres.
La réforme du financement de l’Union européenne ne devra pas non plus conduire à alourdir l’imposition des citoyens. De ce fait, chaque euro prélevé au bénéfice de l’Union européenne devra diminuer d’autant la charge fiscale au niveau national.
Il sera en outre indispensable de veiller à ne pas plomber la compétitivité européenne en asphyxiant la production, et donc privilégier les options qui seront au contraire de nature à la conforter, comme, par exemple, l’instauration d’une taxe carbone aux frontières ou, plus largement, de taxes antidumping robustes.
Enfin, de telles évolutions rendront encore plus indispensable, selon moi, une implication accrue des parlements nationaux dans le processus de décision budgétaire, notamment lorsqu’il s’agira de définir des ressources propres, d’adopter le cadre financier pluriannuel ou de contrôler l’exécution du budget de l’Union européenne.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez constaté, si le vote du groupe Les Républicains en faveur du prélèvement sur recettes marque sa volonté de donner à l’Europe les moyens de réaliser les objectifs que nous lui assignons, il n’en est pas moins l’expression d’une vigilance exigeante pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le vice-président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord vous remercier pour ce débat : c’est un moment démocratique important pour évoquer la contribution de la France au budget commun et ce qu’elle en retire, mais aussi pour mettre l’accent sur la valeur ajoutée des politiques que nous menons ensemble, au niveau européen.
Naturellement, il me sera impossible de répondre à l’ensemble de vos interventions, mais je tiens à revenir sur quelques points.
Vous l’avez mentionné, monsieur le rapporteur spécial, un accord a pu être trouvé la semaine dernière entre le conseil des ministres et le Parlement européen sur le budget européen pour 2018, qui s’élèvera donc à 160,1 milliards d’euros au titre des crédits d’engagement et à 144,7 milliards d’euros au titre des crédits de paiement.
Cela respecte les objectifs que nous nous étions fixés en termes de marge sous plafond. Les services du ministère de l’action et des comptes publics en étudient actuellement l’impact sur l’estimation de notre prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour 2018.
En ligne avec nos priorités européennes, ce budget, qui doit encore être formellement adopté par les deux institutions d’ici à la fin du mois, permettra de dégager les financements nécessaires pour la croissance, l’investissement, l’emploi – oui, monsieur Ouzoulias, ce sont bien là nos préoccupations prioritaires, et aujourd’hui, l’ensemble de la zone euro a renoué avec la croissance ! –, et les mesures en faveur de la jeunesse, qui en sont les principales priorités, avec, notamment, une montée en charge sur les programmes comme Erasmus+, ainsi que vous l’avez, à juste titre, relevé, monsieur Sutour, et un renforcement des moyens du Fonds européen pour les investissements stratégiques, établi dans le cadre du plan Juncker, dont vous avez parlé, monsieur Menonville.
Nous y avons veillé, les montants dédiés à la croissance et l’emploi ont globalement été accrus par rapport à la proposition initiale de la Commission.
Ce budget permettra aussi le renforcement des moyens destinés à l’aide humanitaire et la poursuite de la montée en puissance de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.
Dans le même temps, un accord a été obtenu à la demande, notamment, du Parlement européen pour réduire de 105 millions d’euros les crédits destinés à la Turquie au titre de la préadhésion et pour mettre en réserve d’autres crédits destinés à ce pays, à hauteur de 70 millions d’euros en crédits d’engagement et 35 millions d’euros en crédits de paiement, qui seront mobilisables en fonction de la situation de l’État de droit, de la démocratie, des droits de l’homme et de la liberté de la presse.
Je viens de revenir brièvement sur les grands paramètres des dépenses du budget 2018. Pour appréhender le montant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, il est légitime de chercher à nous situer par rapport aux autres États membres.
Plusieurs d’entre vous l’ont relevé, la France est le deuxième contributeur net en volume, après l’Allemagne. Notre solde net est de fait négatif, bien entendu, et nous l’assumons, monsieur Ravier. Car il est avant tout l’expression du fait que nous sommes dans le groupe des « pays moteurs » de l’Union, et que nous exprimons notre solidarité envers nos partenaires en rattrapage économique et dont on oublie encore trop souvent d’où ils viennent.
Nous concentrer uniquement sur ce solde net présenterait néanmoins le risque de réduire notre débat à un chiffre qui ne permet en aucun cas de prendre la juste mesure de l’ensemble des bénéfices que nous retirons de notre appartenance à l’Union européenne : en premier lieu, faire partie d’un grand marché unique de 500 millions d’Européens, dont nos entreprises tirent chaque jour profit. Nos amis britanniques en font d’ailleurs l’amère expérience en mesurant, au fil des annonces des opérateurs économiques qui envisagent de quitter le Royaume-Uni, les conséquences de leur sortie prochaine.
S’agissant du Brexit, je souhaite souligner que son impact sur le budget européen sera nul pour l’année à venir. Quant aux budgets suivants, tout dépendra de l’issue des négociations en cours entre l’Union européenne et le Royaume-Uni en ce qui concerne le règlement financier dont devra s’acquitter Londres au titre des engagements souscrits en tant que membre de l’Union européenne.
Dans l’hypothèse d’un hard Brexit, et si le Royaume-Uni cessait brusquement toute contribution, l’impact budgétaire serait majeur dès 2019. On ne peut écarter ce scénario, même si nous travaillons activement pour que la raison prévale.
Au-delà, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne entraînera le départ d’un important contributeur au budget européen, ce qui pèsera sur le prochain cadre financier pluriannuel pour l’après-2020, comme l’ont rappelé le président Bizet et Mme Mélot.
Parmi l’ensemble des défis auxquels l’Europe est confrontée, de nouvelles priorités sont par ailleurs apparues ou montent en puissance, comme la défense, la sécurité ou bien encore le défi migratoire.
La révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 a permis quelques premières avancées en ce sens. Ces nouvelles priorités devront donc être prises en compte dans les prochaines perspectives financières de l’Union, tandis que d’autres politiques plus traditionnelles, comme la politique agricole commune et la politique de cohésion, que vous êtes nombreux à avoir mentionnées, resteront pleinement d’actualité.
Plus que réviser à la marge ces politiques sous contrainte budgétaire, nous devons, de façon équilibrée, procéder à des transformations de fond dans le respect de nos intérêts. Le Président de la République l’a dit, par exemple, au sujet de la PAC, monsieur Cuypers, monsieur Menonville, madame Loisier. Celle-ci doit être rénovée pour devenir « l’instrument de la transition agricole, de notre souveraineté, face aux grands défis de la mondialisation ». Nous y travaillons avec le ministère de l’agriculture et l’ensemble des ministères concernés.
Concernant la politique de cohésion, monsieur Sutour, n’ayons pas peur des mots, ni de réfléchir à des conditionnalités : le respect de l’État de droit par les États membres de l’Union européenne, par exemple, cette valeur sur laquelle nous ne devons pas transiger,…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. … mais aussi davantage de convergence sociale et fiscale. Cohésion veut dire convergence.
Parmi les nouvelles priorités de l’Union européenne, vous l’avez évoqué, madame Mélot, monsieur Menonville, celle de l’Europe de la défense est en train de devenir une réalité politique. Nous progressons sur le Fonds européen de la défense. Vingt-trois États membres ont notifié officiellement lors du dernier conseil Affaires étrangères du 13 novembre leur intention de participer à la coopération structurée permanente, qui devrait être lancée en décembre.
Bien sûr, du point de vue budgétaire, nous n’en sommes qu’au tout début. C’est dans le prochain cadre financier que l’effort sera véritablement à faire. Je voudrais malgré tout mentionner deux aspects concrets qui relèvent des budgets pour 2018 et 2019.
Tout d’abord, l’action préparatoire sur la recherche en matière de défense, finance, à hauteur de 90 millions d’euros entre 2017 et 2019, dont 40 millions en 2018, des projets de recherche qui ne pourraient pas être financés dans le cadre du programme de recherche européen Horizon 2020.
Cette action préfigure le volet « recherche » du Fonds européen de la défense, dont nous souhaitons le lancement au début de 2018. Ce fonds comportera également un volet destiné au développement de capacités, qui s’inscrira dans le prolongement du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, proposé par la Commission et qui devrait pouvoir financer des premiers projets dès 2019.
Ensuite, plus largement, permettez-moi de souligner que, si le départ britannique est une contrainte forte, il est aussi une opportunité de repenser le budget européen au regard de nos priorités politiques. Et cela est vrai des dépenses comme des recettes.
S’agissant de ce second volet, la sortie du Royaume-Uni représente une occasion historique de remettre à plat le système de financement du budget européen. La France a d’ailleurs accueilli favorablement le rapport final du groupe de haut niveau sur les ressources propres, présidé par Mario Monti, que vous avez mentionné, monsieur le rapporteur spécial, monsieur Sutour, et attend avec intérêt l’examen à venir par la Commission des pistes de nouvelles ressources propres envisagées.
En tout état de cause, le départ du Royaume-Uni entraîne mécaniquement la disparition du rabais britannique, et la France soutient en conséquence la disparition de l’ensemble des chèques et des rabais dont quelques contributeurs bénéficient, contrairement à nous – vous avez raison, monsieur Cuypers.
À terme, nous avons également pour objectif la création d’un budget pour la zone euro, qui financera des investissements et sera doté d’une fonction de stabilisation.
Parmi les pistes de ressources envisageables pour financer celui-ci, le Président de la République a évoqué dans son discours de la Sorbonne des taxes européennes dans le domaine du numérique ou de l’environnement, ou bien encore l’affectation de la fraction d’un impôt à ce budget, par exemple l’impôt sur les sociétés, une fois son harmonisation réalisée.
Je souligne d’ailleurs que nous portons l’ambition commune avec l’Allemagne de parvenir dans les quatre prochaines années à l’harmonisation des bases de l’impôt sur les sociétés. En outre, la France a proposé une feuille de route européenne sur la fiscalité du numérique.
Après le Conseil européen d’octobre, une proposition législative de la Commission est attendue au début de 2018.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après le discours de la Sorbonne du Président de la République et les débats que nous avons eus dans cet hémicycle sur l’avenir de l’Union européenne, la question qui m’amène aujourd’hui est bien plus immédiate : au nom du Gouvernement, je vous demande en effet d’autoriser le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour l’année 2018.
Pour conclure, je voudrais souligner combien cette contribution est fondamentale non seulement pour l’équilibre du budget européen pour 2018, mais aussi parce qu’elle exprime notre adhésion à la construction européenne, notre volonté d’agir ensemble et de pouvoir tirer profit ensemble des bénéfices qu’apporte la participation au plus grand marché unique et à la plus puissante zone commerciale intégrée au monde, comme vous l’avez rappelé, monsieur Gattolin.
Bien évidemment, la construction européenne crée aussi des frustrations et des insatisfactions. Je gage que nous ne sommes pas forcément tous d’accord sur la meilleure manière de refonder l’Europe. Ces divergences sont légitimes. C’est la raison pour laquelle le Président de la République souhaite, parallèlement au processus de refondation de l’Europe, l’organisation de conventions démocratiques, qui permettront d’écouter les citoyens européens sur ce que l’Union fait bien, trop peu, trop, ou trop difficilement. Je sais pouvoir compter sur le Sénat pour participer à cette réflexion.
Il reste cependant, et c’est là l’essentiel, que notre contribution nationale au budget européen marque notre engagement européen. Nous avons bien la conviction que c’est à l’échelle de l’Europe que nous pourrons au mieux garantir notre souveraineté.
Je vous remercie, et je reste à la disposition du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires européennes applaudit également.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article 27.
Article 27
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2018 à 20 212 000 000 €.
Mme la présidente. L'amendement n° I-396, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Remplacer le montant :
20 212 000 000
par le montant :
18 909 000 000
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. J’imagine que cet amendement a pu susciter chez nos collègues une certaine perplexité en ce qu’il concrétise peut-être une forme d’anticipation des conséquences sinon annoncées, du moins évoquées du Brexit.
Nous sommes quand même un peu étonnés d’être les seuls à avoir déposé un amendement sur un article aussi important : 20 milliards d’euros, la participation de la France au budget de l'Union européenne, ce n’est pas une petite somme, ce n’est pas une subvention à une association de pêcheurs à la ligne ; c’est une participation importante. André Gattolin le disait dans son intervention : ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement une question de chiffres, ce n’est pas une décision budgétaire uniquement ; c’est l’adhésion à un projet européen, sur lequel on ne peut que s’interroger.
On constate bien que le lien entre les peuples et l’Union européenne et, à tout le moins, ce projet ont été gravement atteints ces dernières années pour toutes les raisons qu’on imagine et que je ne développerai pas ici. Selon nous, il faut interroger le projet européen libéral de concurrence libre et non faussée. C’est l’occasion de le faire, de prolonger un peu le débat que nous venons d’avoir. C’est une Europe qui inquiète, on le sait, une Europe qui divise, une Europe qui oppose tout le monde à tout le monde, malheureusement, c’est l’Europe du dumping social et dumping fiscal que l’on a déjà évoquée. Ce sont là des questions de fond.
La question se pose singulièrement : quelle destination pour cette contribution financière au projet européen ? Alors oui, parlons de l’Europe. Nous, nous voulons changer cette Europe – contrairement à ce que l’on entend souvent, les communistes seraient, de toute façon et par principe, contre l’Europe ! –, nous sommes pour une Europe humaniste, une Europe de la coopération mutuellement avantageuse entre les nations et les peuples, une Europe de la paix dans le monde et de la solidarité, une Europe de l’harmonisation fiscale, enfin, et également de l’harmonisation sociale à terme – cela ne se fera pas en deux ans, mais si l’on décide de le faire, on y arrivera s’il y a une vraie volonté politique.
On ne refait pas l’Histoire, mais si, en 1957, on avait inscrit dans le traité de Rome comme objectif l’harmonisation fiscale et l’harmonisation sociale, nous y serions à l’heure qu’il est, soixante ans plus tard, et le contexte serait sans doute différent.
En 1957, on a créé un marché commun, mais on voit bien que le marché ne règle pas tout, ne suffit pas. Tel est le sens de cet amendement symbolique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. La commission considère que la France doit faire face à ses engagements : les estimations qui nous sont proposées dans le cadre du projet de loi de finances ne paraissent pas manifestement erronées. Elle vous propose donc de rejeter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre. À l’image de la commission, le Gouvernement considère que la France doit tenir ses engagements envers l’Union européenne et demande donc le retrait ou le rejet de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Le groupe Union Centriste est particulièrement attaché à l’Europe et, pour traduire cet attachement, considère qu’il faut conforter l’Europe, plutôt que lui enlever des moyens. D’autant que les différents pays européens se sont mis d’accord pour fixer le montant de la contribution de chacun. Il convient donc d’honorer ces engagements. C’est pourquoi il est nécessaire de doter l’Europe des moyens lui permettant d’agir.
En même temps, on sait bien qu’un certain nombre de problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ne pourront se régler que par une meilleure coopération entre les différents pays européens. Je pense, par exemple, à la lutte contre les paradis fiscaux et autres errements que l’on connaît dans le domaine de la finance. Cela doit se faire avec nos partenaires européens ; le faire sans eux n’aurait aucun sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Le groupe socialiste et républicain se rangera évidemment à l’avis de la commission.
Je m’étonne quand même de ce raccourci historique, mon cher collègue. Pour dire les choses, si, en 1957, la fiscalité avait été placée au cœur des débats, je ne suis pas sûr que l’on ait signé le moindre traité ! Il faut relire l’Histoire comme étant une création, avec des avancées successives. Commencer par mettre en commun la fiscalité aurait été, je le répète, la meilleure façon de ne signer aucun traité européen !
Je m’étonne aussi que votre groupe propose une minoration, certes symbolique – vous l’avez dit –, de la contribution française au budget de l’Union européenne, alors que, très souvent, plusieurs de nos groupes – ce fut souvent le cas pour le vôtre – en appellent à plus de contributions, plus de projets européens. Il aurait fallu que le symbolique aille dans le sens de l’augmentation.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Très rapidement, je veux dire que je m’associe à ce vote positif sur cette participation de la France au budget de l’Union européenne à hauteur de 20,2 milliards d’euros. C’est un montant très important, c’est un engagement de solidarité nationale, et on a pu le mesurer en écoutant les interventions des collègues qui se sont exprimés avec beaucoup de passion. L’an passé, ce montant était inférieur, tandis que les prochaines années, cette contribution dépassera 21 milliards, voire 22 milliards d’euros.
Je rejoins les collègues qui ont aussi parlé de la politique agricole commune, qui représente un enjeu particulièrement important.
Je soutiens donc et voterai l’article 27.
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 24 novembre 2017, à quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi de finances pour 2018, adopté par l’Assemblée nationale (n° 107, 2017-2018) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2017-2018) ;
Avis fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 109, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 110, 2017-2018), tomes I à XI ;
Avis fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 111, 2017-2018), tomes I à VIII ;
Avis fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 112, 2017-2018), tomes I à VI ;
Avis fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 113, 2017-2018), tomes I à IX.
Avis fait au nom de la commission des lois (n° 114, 2017-2018), tomes I à XIV.
Suite de l’examen des articles de la première partie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD