Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Catherine Deroche, Françoise Gatel.
3. Questions d’actualité au Gouvernement
gestion du retour des djihadistes
Mme Nathalie Goulet ; M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Nathalie Goulet.
révision de la directive sur les travailleurs détachés
M. François Patriat ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
territoires à énergie positive pour la croissance verte
M. Raymond Vall ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Raymond Vall.
citoyens français emprisonnés à l’étranger
Mme Christine Prunaud ; Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; Mme Christine Prunaud.
généralisation du tiers payant
M. Bernard Jomier ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement ; M. Bernard Jomier.
transfert de la gestion du pacs aux communes
Mme Colette Mélot ; M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Colette Mélot.
mesures en matière de logement
Mme Dominique Estrosi Sassone ; M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
financement du surcoût du grand paris express
M. Laurent Lafon ; Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Laurent Lafon.
taxation des géants de l'internet
M. Didier Rambaud ; M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique.
M. Vincent Éblé, en remplacement de Mme Samia Ghali ; M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Pierre Charon ; M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Michel Forissier ; M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Michel Forissier.
aide à l'installation et au maintien des médecins
Mme Annie Delmont-Koropoulis ; M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement ; Mme Annie Delmont-Koropoulis.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
4. Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? – Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste
M. Daniel Dubois, pour le groupe Union Centriste
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires
M. Abdallah Hassani ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
Mme Éliane Assassi ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
Mme Valérie Létard ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
Mme Annie Guillemot ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Joël Guerriau ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Stéphane Ravier ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
Mme Maryse Carrère ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
Mme Dominique Estrosi Sassone ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. André Gattolin ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Fabien Gay ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Claude Kern ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Joël Labbé ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
Mme Viviane Artigalas ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Daniel Laurent ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Jacques Le Nay ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Franck Montaugé ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Guillaume Chevrollier ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Jean-Claude Tissot ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Antoine Lefèvre ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Jean-Raymond Hugonet ; M. Julien Denormandie, secrétaire d’État.
M. Philippe Pemezec ; M. Julien Denormandie, secrétaire d'État.
5. Service public d’eau potable. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Bernard Delcros, auteur de la proposition de loi
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 2 rectifié du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 1 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organisation des travaux
M. le président. Je vous propose, mes chers collègues, de décaler à seize heures trente le débat sur le logement social, initialement prévu à seize heures quinze.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé. (Exclamations amusées.)
J’ai « consulté le Sénat du regard » ! (Sourires.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Chacun d’entre vous sera attentif à deux choses : l’une, évidente, le respect des uns et des autres, l’autre, qui nécessite un peu de volonté, le respect du temps imparti.
gestion du retour des djihadistes
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
La situation des djihadistes de retour sur le territoire national ou européen constitue une cause d’inquiétude à court, moyen et long terme. Nous ne les avons pas vraiment vus partir ; j’ai quelques doutes sur le fait que nous les repérions quand ils reviennent.
Les femmes présentent un danger à peu près équivalent aux hommes. Quant aux enfants, leur prise en charge doit être assurée en fonction de leur âge, compte tenu des traumatismes qu’ils ont vécus ; plusieurs traumatologues évoquent un fort potentiel de dangerosité à terme.
Nous le savons, à ce stade, aucune politique de déradicalisation ne semble convaincante, ni en France ni à l’étranger. Pourtant, nous ne pourrons pas nous contenter de colloques, de forums, ni de rapports, et les détentions ne seront pas éternelles.
Monsieur le Premier ministre, ma question est extrêmement simple : quels éléments concrets pouvez-vous nous donner aujourd’hui pour répondre à notre inquiétude ? Que faisons-nous de ces djihadistes de retour sur le territoire national ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame Goulet, vous le savez, le Gouvernement porte une attention particulière au problème des returnees.
Les accords passés entre la Turquie et la France, dits « accords Cazeneuve », nous permettent de porter un regard particulièrement attentif sur celles et ceux qui reviennent des théâtres de guerre syro-irakiens. Plus de 240 majeurs et plus de 50 mineurs, dont la plupart ont moins de 12 ans, sont revenus depuis 2012 sur le sol français.
Vous le savez sans doute, le traitement judiciaire est un principe systématique, avec une qualification de nature criminelle, et c’est le procureur de la République de Paris qui a la charge de cette question.
La prise en charge des returnees passe depuis 2015 par un placement systématique en garde à vue des femmes et des hommes majeurs et des quelques mineurs combattants. Après leur placement en garde à vue, le juge des libertés et de la détention peut décider d’une incarcération, et une très grande majorité des returnees – plus de cent trente – est actuellement en prison. Quant aux autres, ceux qui sont en liberté, ils font évidemment tous l’objet soit d’un suivi administratif par les services de renseignement – DGSI ou SCRT –, soit d’un suivi judiciaire, lorsque les juges ont décidé d’un placement sous contrôle judiciaire.
Ainsi ce problème est-il parfaitement pris en charge aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Je ne doute pas, monsieur le ministre d’État, de votre bonne foi, pas plus que de celles du gouvernement actuel, du gouvernement précédent et du Parlement, qui a largement soutenu les dispositions adoptées depuis deux ou trois ans.
Je veux simplement vous dire que FRONTEX fonctionne mal, qu’il faut plus de moyens en hommes et en matériel, pour le contrôle des passeports et des frontières.
Je ne partage donc pas votre position. Je pense qu’il faut être beaucoup plus vigilant et qu’il faut, en toute hypothèse, accorder à ce sujet une attention majeure, notamment à l’échelon européen. Nous ne pourrons pas en sortir autrement qu’en confortant nos frontières. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
révision de la directive sur les travailleurs détachés
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, lundi dernier, à l’issue d’une très longue journée de concertation, les ministres des affaires sociales de l’Union européenne ont abouti à un compromis historique sur la révision de la directive « travailleurs détachés ». Il s’agit là d’une avancée importante, répondant aux vœux du Président de la République, qui voulait que l’on modifie le cadre juridique applicable aux travailleurs détachés de façon à construire une Europe qui protège.
C’est à l’issue d’un long tour des capitales européennes que le chef de l’État a réussi à convaincre ceux qui étaient jusqu’à présent réticents, aboutissant ainsi à ce que, demain,…
M. Jacques Grosperrin. Dans combien de temps ?
M. François Patriat. … sur notre territoire, on ne puisse plus profiter des différences de protection sociale et salariale existant entre les pays membres et qui pouvaient aller de un à trois dans l’Europe à quinze et de un à dix dans l’Europe à vingt-huit.
M. Jacques Grosperrin. Surtout chez les transporteurs !
M. François Patriat. Vous comprendrez que les travailleurs se sentiront un peu mieux protégés et que les entreprises subiront moins la concurrence internationale.
Nous aboutissons ainsi à quatre avancées majeures.
En premier lieu, dans tous les pays d’Europe, les salariés seront payés au tarif du pays où ils sont détachés. En deuxième lieu, la fraude sera mieux contrôlée. En troisième lieu, la durée du travail détaché ne pourra excéder douze mois, au lieu de vingt-quatre, voire plus, aujourd’hui. En quatrième lieu, la voie est maintenant ouverte à des améliorations dans le domaine routier, qui relèvera de la directive, au cours des six prochains mois.
Voici ma question, monsieur le Premier ministre (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) : quelles suites voyez-vous à cette décision historique, que mes collègues salueront tous, je l’espère, avec moi ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Patriat, je vous remercie de vos propos, qui saluent l’investissement du Président de la République, du Gouvernement et de l’ensemble de la diplomatie française.
Je veux, si vous me le permettez, remercier notamment de leur travail exceptionnel Mmes Muriel Pénicaud, ministre du travail, et Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.), qui ont toutes les deux parcouru de façon incessante les capitales européennes, pour expliquer la position française et convaincre de son bien-fondé.
Revenons un peu en arrière, mesdames, messieurs les sénateurs. Personne ici, je crois, ne considérait, voilà trois ans, que la situation prévalant sous l’empire de la directive telle qu’elle existait à l’époque, était une bonne situation.
M. François Patriat. Exactement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je n’ai jamais vu aucun parlementaire, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, se lever pour affirmer : « Cette directive est vraiment parfaite, surtout ne la changeons pas ! ».
M. André Gattolin. Absolument !
M. Jacques Grosperrin. C’est vrai !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. La solution n’était donc pas satisfaisante.
Il y a un peu plus d’un an, lorsque la Commission européenne a déposé sur la table sa proposition, peu de gens imaginaient que celle-ci serait susceptible de rencontrer rapidement un accord, parce que de très nombreux pays disaient ne pas vouloir d’une modification de la directive « travailleurs détachés ».
Lundi dernier, après un travail très important de conviction, après que nos partenaires les plus proches eurent décidé de se rallier à nous et que d’autres partenaires, plus lointains – je pense à un certain nombre de pays qui se trouvent à l’est de l’Europe et que l’on n’espérait pas forcément de notre côté sur ce sujet – eurent décidé de nous rejoindre, nous avons obtenu un accord. J’ai la conviction, et elle est largement partagée, que l’accord que nous avons obtenu sur la directive « travailleurs détachés » crée une situation bien meilleure aujourd’hui qu’hier.
M. André Gattolin. C’est bien mieux !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Est-ce que cela signifie qu’elle est parfaite ? Peut-être pas. Est-ce que cela signifie qu’elle est meilleure qu’hier ? Évidemment oui. (Marques de doute sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Mais si, vous verrez, vous-mêmes, vous le direz.
M. Martial Bourquin. Elle l’est un peu…
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y a donc eu des avancées majeures – M. Patriat les a précisées, je n’y reviens pas –, mais il y a encore beaucoup de travail pour que les éléments soient complètement stabilisés, car la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a pris, il y a quelque temps, une position qui n’est pas identique à celle que les États membres ont définie lundi soir, même si elle n’en est pas non plus très éloignée.
La commission de l’emploi et des affaires sociales, à la suite du travail très intéressant de notre compatriote Élisabeth Morin-Chartier, a en effet pris une position qui me paraît pouvoir se rapprocher rapidement de la nôtre, grâce à un dialogue ou, plus exactement, à un trilogue entre la Commission, les États membres et les députés européens. Je souhaite que cette discussion s’engage dès que possible, car, pour l’ensemble des États membres, pour l’ensemble des travailleurs européens, et non simplement français, ce texte représente une protection supplémentaire. Il importe donc qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible, et, pour cela, il faut que les discussions entre les acteurs encore autour de la table aient lieu dans les plus brefs délais.
J’ajoute que l’accord auquel nous sommes parvenus lundi soir rappelle que la directive s’applique aux travailleurs du secteur des transports ; mais, compte tenu des spécificités évidentes de ce secteur, des discussions interviendront pour préciser notamment les conditions dans lesquelles les contrôles s’appliquent aux travailleurs de ce secteur qui sont, par nature, mobiles. Il s’agit donc d’une discussion qui est devant nous et qui devra intervenir rapidement.
Je veux dire pour conclure, monsieur le président, que le travail effectué a été un travail de constitution d’une majorité européenne ; c’est un travail qui s’adresse à tous les partenaires de la France, non pas simplement aux partenaires les plus traditionnels et les plus importants par leur nombre ou par leur influence, mais, j’y insiste, à tous les partenaires de la France.
Ce qui a prévalu est donc une méthode : nous affichons et nous exprimons clairement nos ambitions, nous essayons de constituer des majorités avec un travail très fin, auprès de l’ensemble de nos partenaires, sans jouer de l’opposition, mortifère pour l’Union européenne, entre les pays de l’Ouest et ceux de l’Est, c’est un point sur lequel je veux insister. Dans la discussion qui est intervenue lundi soir, l’ensemble des pays ont veillé à ce que cette opposition ne prévale pas et à ce que des pays situés à l’est puissent rejoindre le compromis ; c’était précieux pour l’avenir de ce texte et c’est, à mon avis, précieux pour le reste de l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
territoires à énergie positive pour la croissance verte
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Raymond Vall. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, M. Nicolas Hulot. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
En 2014, le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer décide de lancer le programme Territoires à énergie positive pour la croissance verte, afin de territorialiser la politique de transition énergétique. À partir de là, 554 territoires sont labellisés sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, ce qui représente 15 000 communes et près de 40 millions de nos concitoyens.
Le bilan fait en avril 2017 a été très positif, puisque l’effet de levier obtenu par le fonds permet de multiplier par trois les investissements des collectivités, avec des résultats concrets pour l’environnement, pour l’économie locale et pour l’emploi. Ainsi, cela a représenté 810 000 tonnes de CO2 économisées, plus de 1,4 million de foyers supplémentaires alimentés à partir d’énergies renouvelables, plus de 3 500 véhicules électriques et hybrides, 4 millions de mètres carrés de surface photovoltaïque déployée et 200 territoires à zéro pesticide.
Aussi, monsieur le ministre d’État, vous comprenez bien que votre circulaire du 26 septembre dernier, accompagnée le 5 octobre suivant de son guide d’interprétation, ayant pour but d’arrêter tous les projets possibles afin de limiter le montant des crédits de paiement à 400 millions d’euros, alors que les engagements conclus s’élèvent à plus de 750 millions d’euros, ait déclenché un véritable tremblement de terre au sein de ces territoires, qui se sont engagés, forts de la signature de l’État, auprès de leur population et parfois des entreprises locales.
Monsieur le ministre d’État, cette décision brutale est perçue comme injuste ; elle doit faire l’objet d’une nouvelle évaluation, plus précise, avant que ne s’alimente une fois encore le sentiment que la parole de l’État n’est plus respectée. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Vall, vous imaginez bien que ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai déclenché cette onde sismique ; je partage comme vous la conviction que la transition écologique passe par les territoires – vous en avez fait la démonstration.
Effectivement, dans la dynamique issue de l’adoption de la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et à l’appel de l’État, des milliers de collectivités se sont engagées, vous l’avez mentionné, dans des projets de transition, en se regroupant entre elles et en associant des acteurs économiques locaux. Les collectivités françaises sont en pointe, il faut le reconnaître, dans la lutte contre le changement climatique.
Pour accompagner cette dynamique, une enveloppe spéciale de transition énergétique a été mise en place, mais elle n’a été abondée en 2015 et en 2016 qu’à hauteur de 400 millions d’euros de crédits de paiement. Or le problème que j’ai découvert est que les conventions conclues avec les territoires représentent un total de 748 millions d’euros. C’est au regard de cette insuffisance de crédits que j’ai effectivement adressé une circulaire aux préfets de région le 26 septembre dernier.
Pour trouver une solution, j’ai d’abord besoin d’un état des lieux précis. On doit mesurer le niveau d’avancement des projets et identifier ceux qui rencontrent des difficultés de mise en œuvre, afin de préciser le niveau d’engagement financier de l’État. La collecte d’informations est en cours et il est donc trop tôt pour répondre à toutes les interrogations qui nous remontent.
Toutefois, je sais que la confiance est nécessaire entre l’État et ces territoires, je peux par conséquent vous rassurer sur le fait que la parole de l’État sera tenue, les projets déjà lancés et qui seront menés à leur terme dans les délais seront financés.
Nous allons continuer à travailler dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, car ceux-ci sont, j’en suis convaincu comme vous, la clef pour réussir ma propre transition écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.
M. Raymond Vall. Monsieur le ministre d’État, j’ai bien enregistré ce que vous avez dit.
Simplement, et très sincèrement, si vous voulez pouvoir compter sur ces territoires pour mettre en œuvre le plan Climat très ambitieux que vous avez présenté en 2017, ne les laissez pas tomber. Eux aussi comptent sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains.)
citoyens français emprisonnés à l’étranger
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Christine Prunaud. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Madame la ministre chargée des affaires européennes, après avoir déjà passé sept ans en prison, notre compatriote Salah Hamouri a été une nouvelle fois arrêté par l’armée israélienne, le 23 août dernier. Le 18 septembre suivant, un tribunal militaire l’a de nouveau condamné à une détention administrative, qui peut être, vous le savez, renouvelable à l’infini sans justification.
Ses avocats n’ont toujours pas pu prendre connaissance des preuves sur lesquelles ces incriminations se fondent ; sa famille n’a toujours pas pu lui rendre visite.
Face à cet acharnement politique contre un défenseur des droits humains dont le dossier est vide, face aux méthodes israéliennes arbitraires et contraires, sur bien des points, au droit international, le Quai d’Orsay a enfin dénoncé, hier, cette détention administrative.
Il était temps ! Il était temps que notre pays intervienne en faveur de l’un de ses ressortissants, victime d’une injustice. Le légitime combat de Salah Hamouri pour la Palestine est pacifique ; il ne ressemble en rien à une entreprise terroriste.
Madame la ministre, être préoccupé et dénoncer, c’est bien ; mais l’exigence d’une libération immédiate de Salah Hamouri demeure. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
Mme Éliane Assassi. Je ne vois pas le rapport avec les affaires européennes…
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice Prunaud, le Gouvernement partage votre préoccupation sur la situation de Salah Hamouri, ressortissant palestinien, mais aussi français, donc notre compatriote.
Vous l’avez dit, il a été arrêté le 23 août dernier ; le juge de district israélien a confirmé, le 18 septembre, sa détention administrative ; la dernière audience en appel à l’encontre de cette décision de mise en détention s’est tenue à la Cour suprême israélienne de Jérusalem le 22 octobre. Ni notre compatriote ni ses avocats n’ont pu avoir connaissance des charges retenues contre lui.
Comme tous les Français détenus à travers le monde, Salah Hamouri bénéficie pleinement de la protection consulaire française, en conformité avec la convention de Vienne. Notre consul général lui a ainsi rendu visite sur son site de détention, et le consulat général était présent à chacune des audiences publiques auxquelles il a comparu.
Nous avons fait part aux autorités israéliennes de toute l’attention que nous portons à son cas et de notre préoccupation face à l’usage extensif de la détention administrative. En effet, je le rappelle, l’utilisation abusive et systématique de la détention administrative porte atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense. Nous demandons que l’ensemble des droits de notre compatriote soient respectés, et nous espérons sa libération. Nous sommes aussi intervenus pour demander que sa famille puisse lui rendre visite.
Soyez assurée, madame la sénatrice, de l’attention avec laquelle nous allons continuer de suivre la situation de M. Hamouri, et non pas seulement par des déclarations publiques. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour la réplique.
Mme Christine Prunaud. Je prends bonne note, madame la ministre, de l’attention que vous portez à cette affaire.
Les autorités françaises ont su engager des démarches similaires. Ce que vous avez pu exiger de la Turquie, un pays qui n’est pas non plus démocratique, pour la libération de Loup Bureau, nous souhaiterions que vous l’exigiez aussi pour Salah Hamouri, puisque ni l’un ni l’autre ne sont terroristes. Ce que nous voulons, c’est sa libération immédiate, et non pas dans deux, trois ou six mois.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Christine Prunaud. Telle est la volonté de beaucoup d’entre nous, sur ces travées, et de bien des associations.
Je vous saurais donc gré, madame la ministre, de bien vouloir être encore plus exigeante.
généralisation du tiers payant
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Bernard Jomier. Ma question s’adressait à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
En 2016, plus d’un quart des assurés sociaux ont renoncé à des soins. Si les causes de ce renoncement sont multiples, les spécialistes de la question sont unanimes pour affirmer que l’extension des dispenses d’avance de frais serait un levier majeur d’action pour résorber ce problème. Le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés l’a encore rappelé, hier, lors de son audition devant notre commission des affaires sociales.
Alors que le vote de la loi de modernisation de notre système de santé avait représenté un acte décisif en ce sens, les récentes déclarations de Mme la ministre entretiennent le flou et nous font craindre un retour en arrière. Pourquoi instiller le doute sur une mesure qui fonctionne et qui s’applique déjà, comme le souligne le rapport de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, de ce mois-ci ? En effet, sur le terrain, au quotidien, le tiers payant est mis en place par les professionnels de santé pour les patients pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Il reste, oui, à résoudre des difficultés techniques sur la part complémentaire, pour aboutir à un système qui doit bien entendu être simple et à flux unique pour les professionnels de santé. Je tiens à rappeler que, en Europe, vingt-quatre pays sur vingt-huit pratiquent d’ores et déjà la dispense totale de paiement.
En annonçant la généralisation du tiers payant, nous avons créé une forte attente et une approbation massive des assurés sociaux. Nous devons nous montrer à la hauteur de ces attentes et poursuivre l’action engagée en faveur de la dispense de paiement et dans le respect de la loi.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous confirmer l’engagement pris par le Président de la République pour la mise en place de cette mesure ? Pouvez-vous nous éclairer sur le délai dans lequel les Français pourront bénéficier d’une dispense complète d’avance de frais pour les actes pris en charge par l’assurance maladie ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Jomier, chacun d’entre nous est attaché à l’accessibilité la plus large possible aux soins ; jamais, non, jamais l’argent ne doit être un obstacle à ce que telle ou telle personne en bénéficie.
On observe bien, depuis quelques années, la montée en puissance de dispositifs assez similaires à celui de la généralisation du tiers payant. On le voit en particulier pour l’ensemble des publics en situation de précarité, notamment les bénéficiaires de la CMU complémentaire, mais encore ceux qui bénéficiaient de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ou ceux qui souffrent d’une ALD, une affection de longue durée.
Nous y sommes tous attachés, mais, au fond, dans ce pays, on se complaît trop souvent à confondre droits réels et droits formels ; il arrive à nos assemblées de penser qu’il suffit d’adopter un texte pour garantir sa mise en œuvre…
Or la réalité est un peu plus complexe et la ministre des solidarités et de la santé, que je vous prie d’excuser – elle est au banc du Gouvernement, à l’Assemblée nationale, pour l’examen du PLFSS –, a immédiatement diligenté une mission d’inspection de l’IGAS, pour apprécier la faisabilité de la mise en œuvre de cette mesure dans de bonnes conditions, afin de ne pas fragiliser les médecins, qui subissent déjà aujourd’hui les difficultés que chacun d’entre nous sait, et de faire en sorte que nous ne reculions pas, pour ceux qui en ont besoin.
Par conséquent, notre engagement a, tout d’abord, consisté à prendre acte de l’impossibilité technique de respecter les délais, sous peine de fragiliser l’ensemble de l’offre de soins sur nos territoires, mais aussi à se fixer une ambition : faire en sorte que le tiers payant soit généralisable le plus vite possible, qu’il soit garanti à toutes celles et tous ceux qui en ont le plus besoin, et qu’il soit généralisable pour toutes celles et tous ceux qui sont, en lien avec leur médecin, en capacité de le mettre en œuvre.
La ministre vous présentera, dans quelques jours ou dans quelques semaines, le plan d’action que nous voulons mettre en œuvre. Nous voulons faire en sorte que cet objectif se traduise concrètement dans les faits et non seulement dans les déclarations d’intention. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.
M. Bernard Jomier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne peux pas croire que, au XXIe siècle, en France, des problèmes informatiques qui ne sont pas si complexes que cela puissent mettre à bas une avancée sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous oubliez le logiciel Louvois ! Demandez donc aux militaires !
transfert de la gestion du pacs aux communes
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, conformément à la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, à compter du 1er novembre prochain, les officiers d’état civil seront chargés de toute la procédure du pacte civil de solidarité, le PACS : déclaration conjointe des partenaires, modification et dissolution de la convention, publicité et réalisation de statistiques semestrielles.
L’objectif, que l’on ne peut qu’approuver, est avant tout d’alléger la charge des tribunaux pour les recentrer sur des missions purement juridictionnelles. Il s’agit également d’une mesure de simplification au bénéfice des citoyens, qui ne seront plus contraints de se rendre au tribunal. Enfin, cette mesure rejoint la pratique de la majorité des pays européens.
On peut également saluer ce transfert qui traduit une forme de reconnaissance à l’égard de la commune et de ses élus, lesquels constituent le maillage démocratique de tout notre pays.
Pourtant, à quelques jours du transfert, il reste une ombre au tableau : la compensation financière de l’État. Au-delà du fait qu’un grand nombre de communes ne sont pas encore tout à fait prêtes pour ce changement imminent, ces nouvelles dispositions viennent s’ajouter à la gestion des passeports biométriques, des cartes d’identité, du changement de prénom et du système COMEDEC.
En outre, la loi précise que 284 communes auront à traiter les données numériques et les dossiers papier des PACS détenus par les greffes des tribunaux d’instance et de grande instance, et ce pour tous les justiciables des communes de leur ressort.
Il va donc souvent falloir aménager des locaux, restructurer des services, ce qui représente des dépenses supplémentaires pour les communes.
Je vous demande par conséquent, monsieur le ministre d’État, quelles compensations seront dégagées pour que ce nouveau transfert de charge ne vienne pas alourdir les budgets communaux malmenés, ces dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants - République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous appelez mon attention sur deux questions. La première est relative au transfert de gestion des demandes de passeport, qui a déjà eu lieu. Je vous rappelle que c’est une question ancienne.
Vous parlez des changements de prénom ; c’est aussi une question ancienne.
Mme Sophie Primas. C’est l’accumulation qui pose problème !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Enfin, vous m’interrogez sur le PACS, qui a effectivement été transféré aux mairies par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle en novembre 2016. Vous estimez qu’il aurait été nécessaire de prévoir une compensation financière pour cette nouvelle attribution. (Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. C’est dans la Constitution !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Cette question a été tranchée à l’occasion de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle par une décision du 17 novembre 2016. Le Conseil constitutionnel a décidé l’obligation pour l’État de compenser financièrement l’exercice de certaines compétences, mais cela ne s’applique pas à celles qui sont exercées au nom de l’État. Or le PACS est une mission exercée au nom de l’État. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. C’est trop facile !
M. François Grosdidier. Cela ne vous interdit pas de le faire !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Malgré cette jurisprudence, nous avons aujourd'hui inscrit 22 millions d’euros de crédits, dont j’aurai l’occasion de vous parler.
Cela dit, dans la même décision, le Conseil constitutionnel a ajouté, s’agissant du PACS, que le montant des sommes en jeu n’était pas tel qu’il portait atteinte à la libre administration des communes concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. On vous le répète : c’est l’accumulation qui pose problème !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.
Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre d’État, je souhaiterais que vous puissiez au moins examiner la possibilité, pour les 284 communes qui devront assurer un service public pour des non-résidents – j’y insiste – d’obtenir non pas une compensation, mais une indemnisation spécifique, comme ce fut le cas pour l’instruction des passeports biométriques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants - République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
mesures en matière de logement
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s’adresse à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Depuis l’annonce brutale d’une baisse de 5 euros par mois des APL au cours de l’été, le Gouvernement continue de s’enfoncer dans sa « stratégie logement », au travers de mesures injustes, à l’emporte-pièce, dictées par la seule volonté de réaliser 1,7 milliard d’euros d’économies dans le projet de budget pour 2018.
La baisse de 60 euros par an des APL, avec, pour contrepartie, la baisse des loyers équivalente imposée aux organismes d’HLM, est mortifère pour le logement locatif social et l’accession sociale et injuste pour nos concitoyens les plus modestes. Ce sont 2,2 milliards d’euros d’autofinancement qui ne seront plus réinvestis dans la production neuve, la réhabilitation, l’entretien et la réparation du parc existant.
Les contreparties financières proposées aujourd’hui ne sont pas acceptables, parce qu’elles ne produiront des effets un tant soit peu significatifs qu’à moyen et long terme.
Cette réforme, telle qu’elle est arrêtée aujourd’hui, ne fait que des perdants : les locataires, dont le pouvoir d’achat n’augmentera pas et qui verront leurs conditions d’habitat se dégrader ; les collectivités locales, qui garantissent les emprunts des organismes, dont 100 à 200 devraient être en faillite ; le programme de renouvellement urbain, qui devrait être impacté ; enfin, l’ensemble de la filière du secteur du bâtiment, qui va voir ses commandes chuter.
Dès lors, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à revoir votre copie et à prendre des mesures susceptibles de ne pas obérer l’avenir d’un secteur essentiel pour la solidarité nationale, l’emploi et l’aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je connais et salue votre engagement en faveur de la politique du logement, notamment en ce qui concerne la rénovation urbaine à Nice, pour laquelle vous êtes ô combien engagée depuis des années.
Quelle réforme souhaitons-nous pour le logement social ? Le constat, aujourd’hui, c’est qu’il y a à peu près 4,5 millions de logements sociaux en France et 1,5 million de ménages en attente d’un logement social. De facto, il n’y a pas assez de logements sociaux dans notre pays. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Quel rapport ?
M. François Grosdidier. Eh oui, ce n’est pas la question !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Que faisons-nous ? La réforme dont nous discutons avec l’ensemble des bailleurs sociaux repose sur plusieurs piliers.
Le premier vise à améliorer la mobilité au sein du parc social. Pour ce faire, il faut pouvoir réviser tous les six ans la situation de ceux qui vivent dans les logements sociaux.
Le deuxième pilier a pour objet de pousser à un regroupement des bailleurs sociaux, pour avoir des bailleurs sociaux plus forts, capables d’accueillir plus de publics fragiles et de réaliser plus d’investissements.
M. Philippe Dallier. Cela a le mérite d’être clair !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Le troisième pilier consiste à développer l’accession sociale à la propriété, en permettant que davantage de logements soient cédés par les bailleurs sociaux, ce qui accroîtra la capacité d’autofinancement de ces derniers.
Le quatrième pilier, que vous avez mentionné dans votre question, vise à améliorer les capacités de financement de l’ensemble des bailleurs sociaux, que nous finançons. Améliorer ces capacités, c’est leur consentir des prêts de plus longue durée, leur apporter des capitaux, leur accorder 3 milliards d’euros pour qu’ils agissent en faveur de l’efficacité énergétique et diminuer leurs charges. En contrepartie, nous luttons avec eux contre la spirale infernale de la hausse des APL.
Nous discutons tous les jours avec l’ensemble des bailleurs sociaux. M. le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, et M. le Premier ministre lui-même sont parties prenantes à cette discussion.
Les bailleurs sociaux eux-mêmes, que nous avons encore vus ce matin, estiment que le package financier que nous proposons va dans le bon sens. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Pour le moment, nous ne sommes pas encore parvenus à conclure un accord, mais la concertation continue et nous avons bon espoir qu’elle s’achève dans les tout prochains jours,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. … de sorte qu’elle puisse bénéficier aux locataires, qui ne seront pas impactés. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Que le dialogue se poursuive, personne ne va s'en plaindre, monsieur le secrétaire d'État. Seulement, avec l’injustice profonde que représente la réforme des APL, vous commettez un contresens économique terrible, qui se traduira par un choc de l’offre qui fera « pschitt »...
Le Président de la République a déclaré qu’il s’appuierait avant tout sur des mesures qui relancent l’offre de logements. Là, au contraire, vous obérez le choc de l’offre.
Si vous voulez conduire une vraie politique du logement,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Dominique Estrosi Sassone. … il faut des réformes profondes et structurelles, et non des coups de rabot ou des variables d’ajustement budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
financement du surcoût du grand paris express
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste.
M. Laurent Lafon. Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, le Grand Paris Express, avec ses 200 kilomètres de lignes automatiques et ses 68 nouvelles gares, est un projet structurant permettant enfin d’améliorer le quotidien et le cadre de vie de nombreux Franciliens. Il constitue également, pour les territoires et les communes qui bénéficieront de l’une des gares, un puissant levier de développement économique et de construction de logements.
Le Gouvernement a demandé, pendant l’été, de procéder à une actualisation du coût du projet. Il apparaît désormais que, évalué à l’origine à 25 milliards d’euros, ce coût s’établirait, dans une fourchette basse, à 28 milliards d’euros et, dans une fourchette haute, à 35 milliards d’euros. Ce surcoût suscite de nombreuses inquiétudes chez les élus locaux, dans le Val-de-Marne, en Essonne et en Seine-Saint-Denis, notamment. Ces élus s’interrogent sur l’origine de ces dépassements budgétaires et sur les financements qu’il sera désormais nécessaire de trouver, mais aussi sur le respect du calendrier et sur l’engagement que le projet sera bien réalisé dans sa totalité.
Alors que la mise en œuvre du nouveau réseau est officiellement prévue entre 2022 et 2030, il est nécessaire aujourd’hui de répondre aux interrogations et aux inquiétudes de façon claire et précise.
Aussi, monsieur le ministre d’État, ma question est simple : l’apparition de ces surcoûts va-t-elle amener l’État à remettre en cause la réalisation de ce projet dans sa globalité, à modifier le calendrier prévu à l’origine et à réétudier le financement et la participation des différents acteurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je tiens tout d’abord à excuser Mme Élisabeth Borne, qui n’a pas pu être présente aujourd’hui – elle est à Belfort avec Bruno Le Maire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
D’emblée, je veux rappeler l’importance du projet du Grand Paris Express, qui permet de faciliter la mobilité quotidienne de tous les Franciliens, en privilégiant les déplacements qui contournent Paris. Ce projet redessine véritablement la géographie de l’Île-de-France, en réduisant l’opposition entre Paris et sa banlieue. Il est absolument indispensable pour maintenir l’Île-de-France dans les tout premiers rangs des métropoles mondiales.
Je veux vraiment insister sur le fait que le schéma d’ensemble n’est pas remis en cause ; il est sanctuarisé.
Cependant, il faut que nous tenions compte de deux éléments nouveaux : la perspective des jeux Olympiques de 2024 et les surcoûts très importants qui sont apparus au cours des trois dernières années.
M. Roger Karoutchi. Et ce n’est pas fini !
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle le préfet de région a été chargé de faire un point précis sur le programme de réalisation du Grand Paris Express. Il a remis son rapport au Premier ministre à la fin du mois de septembre dernier. Ses propositions font actuellement l’objet d’une analyse.
Le Gouvernement annoncera ses choix très prochainement, avec la volonté réaffirmée de préserver au mieux les objectifs de ce projet, qui, je le répète, est absolument essentiel pour l’Île-de-France. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.
M. Laurent Lafon. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, même si elle me semble un peu de principe. J’attendais davantage de précisions, notamment sur la question du financement.
Je dois avouer que votre remarque sur les jeux Olympiques soulève une certaine inquiétude, pour moi comme pour un certain nombre d’élus. Je ne voudrais pas, et nous sommes nombreux dans ce cas, que les jeux Olympiques aboutissent à une priorisation du réseau pour les sites qui seront desservis, laissant les territoires qui ne bénéficieront pas de sites olympiques prendre du retard en matière de transports en commun. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants - République et Territoires.)
taxation des géants de l'internet
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche.
M. Didier Rambaud. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du numérique. Elle concerne plus particulièrement le sujet de la taxation des géants de l’internet, les fameux GAFA.
Aujourd’hui, il est facile aux entreprises du numérique de transférer artificiellement leurs bénéfices hors du pays où elles tirent un revenu grâce aux prix de transfert. Le tribunal administratif de Paris a ainsi jugé, en juillet dernier, que Google, n’ayant pas d’établissement stable en France, n’avait pas à subir de redressement fiscal.
L’heure est venue en Europe de taxer les GAFA, régulièrement accusés de faire de l’optimisation fiscale grâce à des montages financiers qui minimisent leur impôt. Ces géants peuvent transférer leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, en y rémunérant des actifs incorporels et en profitant de conventions fiscales. La commissaire européenne à la concurrence a récemment préconisé de fiscaliser les GAFA.
Derrière leur dynamisme se cache une révolution qui peut provoquer de sérieux dommages collatéraux. Prenons l’exemple d’Amazon, qui, à chiffre d’affaires égal, emploie cinq fois moins de salariés que Carrefour ou Casino. La progression d’Amazon est fulgurante, mais reste encore marginale dans l’alimentaire. On vient d’apprendre que ce géant américain cherche un cheval de Troie pour assurer sa conquête du marché français. Carrefour, Casino, Intermarché, Système U auraient été approchés pour servir de tremplin à cette firme, pour l’instant sans succès, mais nous savons ce développement inéluctable.
Pas question de faire la fine bouche sur la nature des emplois créés ni de construire une impossible ligne Maginot pour protéger nos grandes enseignes nationales ! Pour autant, dérouler le tapis rouge sans conditions à ces nouveaux prédateurs de la distribution, comme on l’a fait jusqu’à présent, pose question.
Dans un autre domaine, ces firmes, aux moyens gigantesques,…
M. le président. Votre question !
M. Didier Rambaud. … veulent attaquer le marché des droits de diffusion du sport à la télévision, jusqu’ici détenus par nos chaînes de télévision payantes et les opérateurs de télécommunications. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, au-delà de la taxation des GAFA, que compte faire le Gouvernement pour que ces entreprises soient soumises aux mêmes conditions que les nôtres ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique.
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les plateformes, depuis quelques années, jouent un rôle majeur de transformation de notre économie, à tel point que cela pose une question essentielle : comment nos innovateurs – nos start-up, nos PME, nos industriels, nos entreprises partout sur le territoire – peuvent-ils jouer à égalité avec ces grands groupes ? Je pense que la réponse tient en trois points.
Le premier concerne la fiscalité, que vous avez abordée. Ce sont les citoyens qui nous demandent cette réforme fiscale. Les citoyens, les patrons de PME constatent tous les jours cette inégalité et trouvent bizarre de verser autant d’argent à ces plateformes et de les voir, en échange, contribuer si peu à la solidarité nationale.
C’est ce soutien populaire de tous les peuples d’Europe qui a fait que nous avons pu, avec le Président de la République et Bruno Le Maire, proposer aux autres pays d’aller plus vite que l’agenda international porté au sein de l’OCDE, pour lequel nous restons un acteur mais dont le processus peut durer encore quelques années, et plus vite encore que l’agenda européen, avec la directive ACCIS, qui n’aboutira pas non plus avant plusieurs années.
Nous avons proposé une solution avec cette taxe d’égalisation, qui, nous l’espérons, doit aboutir dans les vingt-quatre prochains mois.
Mais, sur ce sujet, il faut que nous parvenions à réunir des majorités. Aujourd’hui, on parle déjà de dix-neuf pays qui nous soutiennent. On a dit que d'autres ne nous soutenaient pas, mais, voilà deux jours, au conseil Télécoms de l’Union européenne, ces mêmes pays ont rappelé leur engagement à trouver une solution pour cette taxation. Je crois que toutes les conditions sont aujourd’hui réunies. Encore une fois, c’est grâce aux peuples d’Europe, aux citoyens qui se sont mobilisés que nous sommes prêts à avancer.
Le deuxième sujet essentiel est celui de la transparence et de la loyauté. C’est pourquoi Bruno Le Maire et moi-même avons signé, au début du mois d’octobre, les décrets de la loi pour une République numérique, qui apporteront à tous les citoyens plus de transparence dans les résultats affichés aujourd'hui par ces plateformes.
J’en viens au troisième et dernier pilier, qui est aussi une invitation que je vous lance.
Nous avons passé l’après-midi d’hier ensemble, avec certains d’entre vous, à débattre assez longuement de l’intelligence artificielle.
M. le président. Il faut conclure !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État. La question qui se pose est celle de nos instruments juridiques en matière de concurrence et même de notre cadre de pensée.
Je vous invite à venir participer à cet échange. En effet, nous sommes aujourd'hui dans un jeu du prisonnier, ces plateformes, pour charmantes qu’elles soient, attirent les prisonniers-citoyens et les enferment dans des systèmes qui empêchent nos entreprises d’agir.
M. le président. S’il vous plaît !
M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État. Je vous invite à participer à cette réflexion. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) C’est ce troisième pilier qui nous permettra de préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. J’invite chacun à respecter les deux minutes qui lui sont imparties, y compris sur internet ! (Sourires.)
collectivités et sécurité
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, en remplacement de Mme Samia Ghali, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Vincent Éblé. Monsieur le président, permettez-moi de lire la question de notre collègue Samia Ghali, dont le vol depuis Marseille a été retardé.
« Monsieur le ministre d’État, cher Gérard Collomb, la violence à Marseille est devenue banale et s’ancre dans le quotidien des Marseillais. La bête se nourrit, et cette fatalité, la République ne l’arrête pas.
« Dans cette bataille entre la loi de la rue et la loi de la République, chaque ministre, dans son domaine, a le pouvoir, mais aussi le devoir d’agir, car la délinquance, elle, ne se met pas au chômage pendant que nous réfléchissons. Au contraire, elle gagne du terrain.
« J’ai écouté avec beaucoup d’attention le discours du Président de la République sur la sécurité intérieure. Sur cette question, je veux croire à sa volonté et à sa détermination, mais je m’interroge sur les moyens mis en face.
« La police de sécurité du quotidien à Marseille, oui, bien sûr ! Mais, seule pour intervenir dans les quartiers, elle sera inefficace et, surtout, en danger.
« Aujourd’hui, je suis inquiète pour la deuxième ville de France.
« Pendant que la délinquance s’enracine, la méthode de l’approche globale lancée en 2012 est au point mort, alors qu’elle commençait à faire ses preuves.
« Les moyens humains et matériels ont régressé, y compris dans les zones de sécurité prioritaires.
« Les véhicules ont 270 000 kilomètres au compteur. Six équipages de la BAC quadrillent une ville de 850 000 habitants. La sécurité publique a perdu une centaine d’agents en 2017, ainsi que deux compagnies de CRS sur trois.
« Je vous demande donc, monsieur le ministre d’État, car je vous sais attaché à Marseille, dans quelle mesure le Gouvernement est prêt à aider notre ville et quels moyens il est prêt à mettre en œuvre. Sans sécurité, il n’y a ni espoir ni liberté pleine et entière, et donc pas de République. »
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je salue Samia Ghali. Sa question est tout à fait pertinente quand on connaît les problèmes de Marseille.
Oui, il faut assurer la sécurité, qui est l’une des principales préoccupations de nos concitoyens, avec le problème de l’emploi. Comme vous le savez, c’est l’une des priorités du Président de la République. C'est la raison pour laquelle nous créerons 10 000 postes à la fois dans la police, la gendarmerie et les services de renseignement au cours des cinq prochaines années.
Lorsque l’on regarde l’évolution des chiffres, on s’aperçoit qu’entre 2007 et 2012 le nombre d’emplois dans les forces de sécurité a baissé de 12 500, peut-être en raison de la crise économique. Il a commencé à remonter à partir de la période 2013-2016, avec la création de 6 500 emplois.
En cette année 2017, ce sont 2 286 emplois qui seront créés.
Enfin, nous créerons 10 000 emplois, comme je viens de l’indiquer.
Vous pourrez annoncer à Mme Samia Ghali que, parmi les effectifs qui sortiront de l’école d’ici à la fin de l’année, 40 nouveaux policiers seront affectés à Marseille. Nous allons effectivement commencer à réimplanter un certain nombre de forces de l’ordre dans chaque ville. Ainsi, dans cinq ans, nous aurons pu assurer les conditions de la sécurité du quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
circulation à paris
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre d’État, il y a urgence à Paris.
L’annonce par le CIO de la qualification de Paris pour les JO de 2024 a été une bouffée d’air pur – je dis bien « une bouffée d’air pur », car la fermeture des voies sur berge a aggravé la pollution…
M. David Assouline. Bouffonnerie !
M. Pierre Charon. Ainsi, le comité d’évaluation de la fermeture des voies sur berges, comité indépendant dont fait partie AirParif, a rendu des conclusions sans appel : les dioxydes d’azote ont bien augmenté, alors qu’ils reculaient depuis dix ans.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Pierre Charon. De telles mesures révèlent que Paris n’est malheureusement pas prêt pour ce grand rendez-vous sportif.
À cause de certaines mesures prises par Anne Hidalgo, notre capitale devient une ville-musée.
M. David Assouline. Sortez du XVIe arrondissement ! Venez voir à quoi ressemble le XXe !
M. Philippe Pemezec. Laissez-le parler !
M. Pierre Charon. Pourtant, les valeurs de l’olympisme sont le mouvement et l’action, et non ce qui fossilise notre capitale.
La circulation devient un exploit sportif, la seule discipline olympique spécifiquement parisienne ! Sans parler des autres courses d’obstacles que subissent quotidiennement les Parisiens.
Avec son écologie punitive, la maire de Paris pénalise les faibles. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Cela fait fuir les Parisiens les plus modestes. La volonté d’interdire les véhicules diesel, puis ceux qui roulent à l'essence n’a d’autre objet que de satisfaire quelques bobos indispensables à la majorité municipale. (Protestations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
L’économie de Paris est en péril sans une circulation efficace. Les Parisiens délaissent ainsi les petits et moyens commerces, devenus inaccessibles.
Nous sollicitons l’aide de l’État pour mettre fin à ces mesures d’asphyxie, incompatibles avec la qualité de capitale organisatrice des JO.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi ! Pourquoi croyez-vous que Paris a été choisi ?
M. Pierre Charon. Monsieur le ministre d’État, nous avons besoin de vous et du préfet de police. Qu’envisagez-vous pour que Paris reste cette Ville lumière attractive face à ces mesures qui feront de Paris…
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. … l’une des villes les plus embouteillées d’Europe ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. Vous vous y connaissez en matière de bouchons, monsieur le ministre d’État, mais je ne vous parle pas ici des bouchons lyonnais, qui font la réputation de votre ville. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. Les voies sur berges portent le nom de Georges Pompidou. (Les marques d’impatience se répètent sur les mêmes travées.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Pierre Charon. Pour paraphraser celui-ci, arrêtons donc d’emmerder les Parisiens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. David Assouline. Et ils applaudissent à de telles bouffonneries !
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l’intérieur.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, si vous aviez posé cette question à l’ancien maire de Lyon, il aurait pu vous répondre, mais, aujourd’hui, le ministre de l’intérieur est un peu démuni, si je puis dire, dans la mesure où une loi du 28 février 2017 a conféré les principales compétences en matière de voirie à la mairie de Paris.
M. Roger Karoutchi. C’est un scandale !
M. Philippe Dominati. On peut abroger la loi !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. Le préfet de Paris peut donc formuler un certain nombre de remarques, mais, sauf sur les axes que l’on pourrait qualifier de « stratégiques », il est désormais démuni. Il peut donner un certain nombre de conseils, mais c’est aujourd’hui le maire de Paris et le Conseil de Paris qui décident. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la perspective des jeux Olympiques, nous avons demandé à Mme la maire de Paris, à qui j’ai écrit personnellement, d’avoir une réflexion globale, portant sur l’ensemble de l’agglomération parisienne. En effet, comme vous le savez, les jeux Olympiques vont se dérouler à la fois dans Paris intra-muros, mais également dans la première couronne. Il convient donc que nous ayons une réflexion globale sur les circulations à l’intérieur de ce grand secteur si nous voulons réussir les jeux Olympiques de 2024. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour le groupe Les Républicains.
M. Michel Forissier. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
La transition écologique est l’un des objectifs qui vous incombent, monsieur le ministre d’État. Les agences de l’eau doivent répondre à des défis d’une pertinence capitale pour l’avenir de l’humanité, à savoir adapter les politiques du changement climatique, atteindre 100 % du bon état des eaux en 2027, réussir la prise en main de la GEMAPI par les collectivités, élargir nos compétences à la biodiversité, accompagner le financement du renouvellement des réseaux et lutter contre les fuites.
Les arbitrages budgétaires du Gouvernement sont en parfaite contradiction avec les objectifs fixés. En effet, la réduction, de l’ordre de 30 %, des budgets successifs et la baisse des effectifs, d’une part, et l’augmentation de 25 millions à 50 millions d’euros pour le financement de l’Agence française pour la biodiversité et un nouveau prélèvement institué par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, d’autre part, ne nous permettront plus d’atteindre les objectifs.
Pouvez-vous, monsieur le ministre d’État, revenir sur ces arbitrages et redonner aux agences de l’eau les moyens de remplir leur mission et d’atteindre leurs objectifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, depuis que j’ai pris mes responsabilités, j’ai rencontré à deux reprises l’ensemble des présidents et des directeurs des agences de l’eau. Ma conviction, qui ne coulait pas de source – sans faire de mauvais jeu de mots (Sourires.) – pour d’autres interlocuteurs, est que leur gouvernance par bassin a du sens et doit être préservée. Ainsi que vous l’avez évoqué, les agences constituent un fantastique outil au service des politiques de l’eau, mais également de la biodiversité.
Cela dit, il nous semble que des évolutions sont nécessaires.
D’abord, les agences doivent avoir un rôle pivot dans la politique de l’eau et de la biodiversité. C’est bien dans cet esprit qu’elles vont désormais financer entièrement les opérateurs de la biodiversité, l’Agence française pour la biodiversité, les parcs nationaux et l’ONCFS, parce que le lien est évident entre la gestion de l’eau et les écosystèmes.
Vous m’interrogez sur les moyens. Ceux-ci sont tout de même importants. Ainsi, au titre du onzième programme, nous prévoyons plus de 12,6 milliards d’euros sur six ans. Cette somme est exactement intermédiaire par rapport aux deux programmes précédents, qui s’étaient vu allouer 13,6 milliards d’euros, pour le dixième programme, et 11,4 milliards d’euros, pour le neuvième programme.
Pour l’année 2018, le plafond des redevances qui pourront être versées aux agences de l’eau devait être baissé. Il a été remonté de 2,28 milliards d’euros, à la demande des députés. En contrepartie de cette hausse du plafond, qui était demandée par les agences, nous avons reconduit le prélèvement sur leurs fonds de roulement de 200 millions d’euros, somme à rapprocher de leur trésorerie, abondante par ailleurs à hauteur de 760 millions d’euros. La situation est cependant variable suivant les bassins.
Sachez en tout cas que je veillerai à permettre à chacune de ces agences d’exercer pleinement ses missions dans le cadre de ce onzième programme. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour la réplique.
M. Michel Forissier. Monsieur le ministre d’État, je suis profondément déçu par votre réponse.
Puisque l’heure est au jeu de mots, vous me permettrez de vous dire que, même si, pour l’instant, on ne manque pas d’eau en France, je crains que, à force d’avaler des couleuvres, vous ne preniez le risque de manquer d’air. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Selon moi, l’amendement qui a été présenté par le Gouvernement à l’Assemblée nationale est un leurre, parce qu’il conduit à un prélèvement supplémentaire, au profit direct de l’État, de 200 millions d’euros pour 2018. On donne un peu d’air pour le reprendre après !
L’eau est source de vie. Cet élément indispensable à l’existence de l’homme sur la Terre ne doit pas être considéré comme une base de fiscalité servant de facteur d’équilibre pour le budget de l’État. Cette conception est un retour au Moyen-Âge, lorsque l’on prélevait l’impôt sur le sel, symbole de l’archaïsme de la fiscalité.
M. le président. Il faut conclure !
M. Michel Forissier. L’eau est, au contraire, un bien commun, qui doit être préservé comme patrimoine essentiel de l’humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
aide à l'installation et au maintien des médecins
M. le président. La parole est à Mme Delmont-Koropoulis, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, le 13 octobre dernier, le Gouvernement a présenté son plan de renforcement de l’accès territorial aux soins. À cette occasion, le Premier ministre a pu déclarer que « chaque citoyen doit avoir accès à une médecine de qualité, quel que soit l’endroit où il vit ».
De trop nombreux territoires, dont la densité médicale est inférieure de 30 % à la moyenne nationale, souffrent d’inégalités d’accès à la santé. La Seine-Saint-Denis se trouve même dans une situation critique : ce département manque cruellement de médecins et 45 % de ceux qui y exercent sont âgés de plus de soixante ans. Cette situation est la même dans de nombreux départements ruraux.
Le projet de modification de zonage ambulatoire pour l’aide à l’installation des médecins récemment présenté ne fait qu’aggraver notre inquiétude. Les nouveaux critères d’accessibilité ne rendent pas compte de la situation réelle des territoires. Les communes aisées de l’Ouest parisien, par exemple, sont favorisées alors que les territoires fragilisés du nord-est francilien ne sont pas considérés comme des zones prioritaires.
Vous n’avez pas comptabilisé les médecins de secteur 2, ce qui fausse votre résultat. Dans les zones en difficulté, qu’elles soient rurales ou urbaines, n’exercent souvent que des médecins libéraux en secteur 1. Ce sont eux qui incarnent la médecine de proximité.
Madame la ministre, ma question est la suivante : la lutte contre l’inégalité d’accès aux soins de proximité dont souffre tant la Seine-Saint-Denis fait-elle réellement partie de vos priorités ou bien allez-vous permettre que se mette en place une médecine à deux vitesses dont les plus démunis seront les laissés-pour-compte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Buzyn, toujours retenue à l’Assemblée nationale pour défendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les ministres n’ayant pas de droit de réplique, je voudrais revenir un instant sur la question précédente. L’exemple du logiciel Louvois, mis en place en 2011 et dont nous ne tournerons la page qu’en 2021, devrait éclairer ceux qui voient dans les solutions informatiques la réponse à tout.
Sur des sujets aussi essentiels que le renforcement de la présence médicale en France, permettez-moi de penser qu’il ne sert à rien d’inventer de nouvelles solutions informatiques. Madame la sénatrice, qu’il s’agisse de la ruralité ou de n’importe quel quartier de votre département d’Île-de-France, nous devons trouver des solutions appliquées au terrain.
Il faut faire confiance à l’intelligence collective des territoires plutôt que de s’en remettre à la coercition. Imposer aux jeunes médecins de s’installer pour renforcer la présence médicale ne reviendrait qu’à les faire fuir, sinon à les décourager de s’engager dans cette profession.
À l’inverse, c’est au plus près du terrain que nous voulons chercher les solutions. Nous le faisons à travers le plan ambitieux qu’ont présenté le Premier ministre et la ministre de la santé, construit autour de la volonté de renforcer les coopérations avec, notamment, le doublement du nombre de maisons de santé. Elles ont fait leurs preuves, elles fonctionnent. Bien sûr, il faut aller plus loin, mais elles constituent un élément important de notre dispositif qu’il faut renforcer, dans les quartiers comme dans la ruralité.
Il faut aussi développer les capacités d’intervention sur l’ensemble de la chaîne médicale. Le dispositif ASALEE, qui permet aux infirmières et aux infirmiers de prendre en charge des maladies chroniques, sous l’autorité d’un médecin, va permettre aussi d’alléger, sur certaines fonctions, la charge de travail des médecins.
Il faut encore développer des pratiques avancées. Il s’agit d’un point essentiel qui permettra à certains professionnels d’exercer au-delà de leur spécialité initiale.
Dans le même esprit, nous voulons encourager l’innovation et le développement de la télémédecine en rémunérant les médecins pour les actes de télémédecine.
Nous voulons enfin simplifier la vie administrative des médecins pour faire en sorte qu’ils passent l’essentiel de leur activité non pas à faire de la paperasse, mais à accompagner les femmes et les hommes dans vos quartiers, comme dans l’ensemble de la France rurale.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Nous voulons améliorer et garantir un véritable accès aux soins pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
J’espère donc que vous ne maintiendrez pas les critères que j’ai pointés du doigt et qui conduisent à une situation inégalitaire.
J’en appellerai toujours à l’application du principe d’équité, qui, seul, peut endiguer l’inégalité d’accès aux soins dans les territoires fragilisés. Permettez-moi de citer l’exemple du démantèlement programmé de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, contre lequel s’élèvent tous les élus de Seine-Saint-Denis, toutes tendances politiques confondues. Tous ensemble, nous serons vigilants pour que l’accès aux soins…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annie Delmont-Koropoulis. … soit garanti sur le territoire. La défense de la santé…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annie Delmont-Koropoulis. … n’a pas de couleur politique et doit se garder des solutions technocratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 31 octobre 2017, à seize heures quarante-cinq.
Je remercie M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres de leur présence.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Merci, mes chers collègues.
4
Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ?
Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur le thème : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
L’orateur du groupe qui a demandé ce débat, en l’occurrence le groupe Union Centriste, disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Daniel Dubois, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Daniel Dubois, pour le groupe Union Centriste. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, le mouvement HLM, auquel se sont associés les professionnels du bâtiment et les associations de locataires, tire la sonnette d’alarme.
La demande faite aux bailleurs sociaux de compenser la baisse des APL, les aides personnalisées au logement, par une baisse de leurs loyers va les priver de 1,7 milliard d’euros de recettes. Dès 2018, le pronostic vital d’environ 200 organismes sera engagé. D’ici à cinq ans, c’est l’intégralité des bailleurs sociaux qui sera en grande difficulté.
À cela s’ajoute, dans le projet de loi de finances pour 2018, l’augmentation de 100 millions d’euros des cotisations au FNAP, le Fonds national des aides à la pierre, ainsi que le gel des loyers en 2018 pour un manque à gagner d’environ 150 millions d’euros. Au final, ce sont 2 milliards d’euros qui vont manquer au logement social.
Si le projet de loi de finances pour 2018 est adopté en l’état, nous connaîtrons un ralentissement brutal des constructions neuves, y compris dans le secteur privé – une partie des opérations, de caractère mixte, est vendue en VEFA, ou vente en l’état futur achèvement. Nous connaîtrons également un ralentissement des réhabilitations énergétiques, ainsi qu’une réduction drastique des crédits d’entretien.
Le Gouvernement ose parler d’un « choc de l’offre » ? À mon sens, il s’agit plutôt d’un choc dans le mur ! Il s’est enfermé dans une logique purement comptable qui pèche par son uniformité, alors même que les situations des bailleurs sur nos territoires sont diverses. Une logique au demeurant totalement injuste, puisqu’elle ponctionne les 9 milliards d’euros d’APL versés dans le secteur HLM sans s’interroger sur les 9 autres milliards d’euros versés, cette fois-ci, dans le secteur privé. Il semble que de telles considérations n’ont pas encombré le Gouvernement : il a besoin de 1,5 milliard d’euros pour équilibrer son budget et la mesure sur l’APL peut lui rapporter près de 2 milliards d’euros.
Ce ne sont pas l’amélioration des conditions d’emprunt, l’augmentation inapplicable des surloyers ou encore la vente de logements à des locataires impécunieux qui permettront de compenser une telle perte.
Je devine, monsieur le secrétaire d’État, les arguments du Gouvernement. Le Président de la République a lui-même déclaré qu’il a « deux problèmes avec les HLM » : premièrement, le trop grand nombre d’opérateurs, qu’il estime à 800 – notons que l’USH, l’Union sociale pour l’habitat, ne recense que 519 organismes dans le domaine du locatif social ; deuxièmement, la mauvaise circulation du capital, avec des organismes qui auraient des « trésors » sans construire.
Dès lors, la volonté du Gouvernement apparaît clairement : dans une première phase, appauvrir les bailleurs ; dans une seconde, livrer les plus fragiles à l’appétit des plus solides. Telle est la stratégie pour le logement qui sera mise en œuvre demain, si nous n’y prenons garde. Ainsi, on réduit drastiquement le nombre d’organismes ; ainsi, les capitaux circulent – circulez, circulez, il n’y a plus rien à voir !
Monsieur le secrétaire d’État, le gouvernement auquel vous appartenez a-t-il bien conscience des conséquences qu’aura sa politique ? Est-il conscient de son impact sur l’emploi ? Les HLM génèrent 17 milliards d’euros de travaux par an, mobilisent l’équivalent de 170 000 emplois non délocalisables dans le secteur du bâtiment, souvent de manière contracyclique.
Le Gouvernement est-il conscient de l’impact de cette politique sur la fiscalité ? Chaque année, les organismes d’HLM acquittent 1 milliard d’euros de TVA. Est-il conscient du fait que, faute de bailleurs, l’article 55 de la loi SRU va devenir inopérant ?
Le Gouvernement est-il conscient du risque encouru par les collectivités territoriales en cas de mobilisation des garanties d’emprunt ? Est-il conscient que les organismes d’HLM ne pourront plus s’engager dans la rénovation urbaine, alors même qu’ils avaient financé 45 % du PNR 1, soit 3 milliards d’euros, sur leurs fonds propres ?
Le Gouvernement est-il enfin conscient de la fracture sociale et territoriale qu’il va exacerber en créant des organismes de taille gigantesque, qui siphonneront les loyers des territoires périphériques pour construire en zone tendue ?
Monsieur le secrétaire d’État, baisser drastiquement les APL revient à déstructurer tout le secteur du logement social. Et tout cela, sans que nous en discutions, sans une bribe de débat et sans vision d’ensemble ! Je crains, pour tout vous dire, un incroyable rendez-vous manqué.
Permettez-moi d’identifier un problème de méthode. Est-ce comme cela que nous réformons dans notre pays ? Sans concertation, « en marche » forcée ? Avec des objectifs budgétaires, mais sans stratégie pour le secteur ?
Permettez-moi, ensuite, de pointer une vraie méconnaissance du monde HLM. Face aux millions de chômeurs, de pauvres, de mal-logés, face au défi de l’aménagement équilibré de notre territoire, le logement aidé est au cœur de notre pacte social. Il mérite un débat plus large qu’un débat budgétaire. S’il doit être réformé, cela ne peut être au détour d’un article du projet de loi de finances.
Profitons d’être à la croisée des chemins pour nous poser des questions fondamentales : à quoi doit servir le logement social ? À loger uniquement les plus défavorisés ou à organiser la mixité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Eh oui !
Mme Annie Guillemot. Très bien !
M. Daniel Dubois. Il s’agit d’un véritable débat de société.
Comment doit-il fonctionner ? Quel est le rôle de l’État ? Après s’être désengagé de l’aide à la construction, doit-il ne plus contribuer à la solvabilité des ménages ?
J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, avancer quelques propositions. Ne soyons pas uniquement fixés sur les économies à réaliser. Certes, le logement social doit pouvoir être plus efficient, nous ne remettons pas en cause ce constat ; mais il peut bénéficier de nouvelles recettes et en générer d’autres. Réfléchissons à la manière dont nous pouvons drainer de l’argent privé vers le logement social. Pourquoi pas par le biais de dispositifs de défiscalisation ? La fédération des OPH propose, par exemple, une hausse importante de la TVA sur la construction de logements neufs.
Réfléchissons à la mise en œuvre de deux stratégies distinctes en fonction des territoires : l’une, axée sur la production massive de logements en zones tendues ; l’autre, sur l’équilibre du territoire et le renouvellement des populations, en zones périphériques ou rurales, en élargissant les compétences des organismes autour d’objectifs partagés – revitalisation des centres-bourgs, services à la population, ingénierie auprès des collectivités...
Réfléchissons à optimiser le traitement de la demande de logement par le biais, par exemple, d’une plateforme nationale dont l’objectif serait la garantie d’une attribution à la suite d’une mutation professionnelle.
Réfléchissons aussi au bâti. Depuis la loi de 2005 sur l’accessibilité, on assiste à une dé-densification des constructions, alors même que le prix du foncier est un enjeu majeur. Les deux tiers des nouveaux immeubles ne dépassent pas trois niveaux. La plupart des logements sont accessibles, ce qui génère des surcoûts. Pourrions-nous réfléchir à des immeubles avec une mobilité assurée, quelle qu’en soit la hauteur, et à des logements vraiment évolutifs ?
Monsieur le secrétaire d’État, ce débat peut être passionnant et des solutions sont envisageables. Je propose donc, dans l’immédiat, et face à l’urgence budgétaire, que vous puissiez vous engager à réécrire l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018, en bonne intelligence et en lien avec tous les partenaires. Le Sénat s’honorerait de participer à un tel exercice. Sachez, par ailleurs, qu’il est très sensible à la problématique du logement dont la réalité se vit tous les jours dans les territoires. Il sera toujours disponible pour débattre et contribuer à une réforme globale du logement.
Je pense que vous aurez compris mon message : ne prenons pas le risque de déstabiliser durablement un secteur qui recouvre tant d’enjeux sociaux et économiques. Ne passons pas à côté d’une vraie réforme pour réaliser des gains relatifs si l’on considère l’effet levier du logement dans notre pays. J’espère que vous nous entendrez. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre, dès mon propos introductif, à beaucoup des points évoqués par M. Dubois.
Je souhaite tout d’abord dire, avec énormément de conviction et de fermeté, que le Gouvernement ne cherche en rien à déstabiliser le secteur HLM. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Je le dis avec d’autant plus de fermeté que nous avons entamé des discussions avec ces organismes depuis le premier jour, bien avant que ne s’ouvre le débat sur les APL, avec pour seul souci de réussir à résorber le manque de logements sociaux en France.
Sur ces questions, on a entendu tout et son contraire. On a d’abord accusé le Gouvernement, cet été, de vouloir revenir en arrière sur la loi SRU ; on a ensuite dit que nous allions modifier le revenu d’éligibilité au logement social afin de diminuer le nombre de demandeurs. Tout cela est totalement faux !
Depuis le premier jour, nous avons entamé, avec l’ensemble des bailleurs sociaux, une discussion de fond pour voir comment améliorer la situation, au bénéfice des locataires. Je reviendrai sur ce point.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de la nécessité de préserver le modèle du logement social.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de l’enjeu que représente la rénovation urbaine, qui n’est pas uniquement financée par l’État, par l’Union sociale pour l’habitat ou par Action logement, mais aussi par les bailleurs eux-mêmes, qui contribuent aux programmes de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et financent, par de la dette supplémentaire, les projets de rénovation urbaine.
L’État s’est engagé – nous y reviendrons lors du débat interactif – à consacrer 1 milliard d’euros supplémentaire pour doubler, in fine, son apport au nouveau programme de l’ANRU. Il s’agit du fameux milliard dont on entend parler depuis des années, mais qui n’a jamais été budgété. Nous, nous le faisons en inscrivant les premiers crédits dans le projet de loi de finances pour 2018.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est aussi conscient que le système actuel n’est pas optimal ni suffisamment efficient et qu’il peut être amélioré.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient que les différents offices des différentes sociétés n’ont absolument pas les mêmes caractéristiques, n’ont absolument pas la même solidité de bilan, n’ont absolument pas les mêmes capacités d’emprunt, n’ont absolument pas les mêmes niveaux de ressources et n’ont absolument pas la même attention vis-à-vis d’un public à aider très fortement. Le taux de locataires éligibles aux APL diffère ainsi de manière significative entre offices ou entre sociétés, de 15 % à 80 %. Ce sont d’ailleurs souvent les organismes ayant le plus grand nombre de locataires éligibles aux APL qui connaissent les situations financières les plus difficiles, dans des territoires trop souvent oubliés.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement a pleinement conscience de ces difficultés qu’il prend en considération dans tout ce qu’il entreprend.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement est attaché à une méthode de discussion, de concertation, que j’évoquais voilà quelques instants en répondant à une question de Mme Estrosi Sassone. Dès le premier jour de notre entrée au Gouvernement, Jacques Mézard et moi-même avons rencontré les bailleurs sociaux. Je les ai encore vus hier soir et ce matin. Je les vois tous les jours ou tous les deux jours, dans ce souci de concertation et de discussion.
Je vais vous parler en toute franchise et en toute transparence. Nous avons évoqué, avec l’ensemble des bailleurs sociaux, un certain nombre de pistes de travail, dont la première consiste à chercher comment améliorer le financement des opérations de logements sociaux. En effet, on le sait bien, un logement social est uniquement financé par du capital et de la dette. Cette dette est portée par l’État, plus précisément par la Caisse des dépôts et consignations, avec une contre-garantie des collectivités locales – c’est un point essentiel.
Les bailleurs sociaux nous ont indiqué qu’ils voulaient des prêts de haut de bilan. Sans entrer dans des considérations trop techniques, je dirai que cela permet d’avoir plus de capital et qu’il s’agit donc d’un dispositif extrêmement bénéfique. À ce titre, on leur propose 2 milliards d’euros.
Ils regrettent également de n’avoir à leur disposition que des prêts à taux variable, qui ne leur permettent pas de connaître à l’avance les sommes à rembourser. Pour la première fois, nous leur proposons des prêts à taux fixe, avec des remboursements in fine, qui n’interviennent qu’à la fin du prêt. Une telle mesure aura un impact direct sur leur trésorerie.
Ils souhaitent améliorer leurs capacités en matière de rénovation énergétique. Nous leur proposons à ce titre 3 milliards d’euros.
Ils veulent bénéficier, dans certains cas, d’allongements de prêts. Nous le ferons, à hauteur de 30 milliards d’euros. Mais cela n’aura de sens que si les coûts supplémentaires sont pris en charge par l’État et la Caisse des dépôts et consignations.
En revanche, ces gains doivent être mis au profit des locataires. Ne nous leurrons pas : le système actuel des APL, inflationniste au possible, n’est pas pérenne. Une erreur fondamentale a été faite à la fin des années soixante-dix, au moment où on est passé de l’aide à la construction à l’aide au logement. Par la suite, en effet, la conjoncture économique n’a pas permis d’accroître les aides personnelles au logement.
Les gains financiers dont bénéficieront les bailleurs sociaux devront finalement profiter à l’ensemble du mécanisme des APL et, donc, participer à la diminution de leur charge, qui représente aujourd'hui 18 milliards d’euros, soit la moitié du budget de la défense nationale. Telle est la réalité.
Je l’ai dit, un bailleur social est aujourd'hui financé par de la dette. Il existe 4,5 millions de logements sociaux. Avec les représentants de l’ensemble des organismes d’HLM, nous voulons travailler sur l’accession sociale, en permettant à certains d’acquérir leur logement. Pourquoi une telle volonté ?
Pour tous les bailleurs sociaux, le logement, c'est-à-dire l’actif, est valorisé à zéro dans les comptes, parce qu’il est réputé ne pas pouvoir être vendu. Or certains économistes évaluent ces 4,5 millions de logements sociaux à 230 milliards d’euros. Pour ma part, je ne pense pas qu’on puisse raisonner ainsi. Toutefois, permettez-moi de rappeler la multiplicité des logements sociaux : PLAI, ou prêt locatif aidé d’intégration, PLUS, ou prêt locatif à usage social, et PLS, prêt locatif social, proche du logement intermédiaire ou privé. Cette dernière catégorie représente à peu près 20 % du parc social, soit environ 900 000 logements, que certains locataires souhaitent acquérir. Cela emporte des difficultés, notamment de copropriété, qu’il faudra régler.
Chaque année, on vend autour de 8 000 logements. Si on réalisait demain la vente de 20 000 logements pour un prix moyen de 100 000 euros, on obtiendrait 2 milliards d’euros. Or le revenu annuel total des bailleurs sociaux s’élève à un peu plus de 20 milliards d’euros. Une telle vente représenterait donc 10 % des loyers. Il s’agit là d’une vraie piste d’amélioration : on pourrait ainsi mieux rentabiliser une opération et diminuer les loyers des bénéficiaires. Je parle bien d’accession sociale et non pas de vente aux institutionnels. Sur ce sujet, de nombreux bailleurs sociaux sont tout à fait enclins à réfléchir. D’ailleurs, dans le projet de loi Logement, on introduira les modifications visant à faciliter l’accession sociale.
Le troisième volet concerne le regroupement que vous avez évoqué, monsieur le sénateur Dubois. Les organismes et les sociétés d’HLM l’appellent aujourd'hui de leurs vœux. En effet, il élargit les possibilités d’accueil des personnes en grande difficulté financière. J’évoquais tout à l’heure les disparités entre bailleurs sociaux ; il convient donc de rassembler, pour accueillir des publics plus sensibles, et de mieux construire grâce à des capacités financières plus importantes. Nombre de bailleurs sociaux se sont déjà organisés en GIE, alors que d’autres se sont consolidés au sein de groupes.
Enfin, outre le financement, la vente et le regroupement, nous négocions aujourd'hui avec l’ensemble des bailleurs sociaux l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018. Comme je vous l’ai indiqué en toute transparence et en toute franchise, nous en discutons tous les jours.
Les bailleurs sociaux l’ont affirmé dès le début, les améliorations de financement que nous leur proposons ne leur conviennent pas. Nous avons donc travaillé, et le Premier ministre leur a écrit. Aujourd’hui, ils relèvent des avancées significatives pour ce qui concerne le package financier, qui ne leur convient toujours pas, je ne me voile pas la face. La presse, les campagnes de pub qu’ils financent le montrent.
Toutefois, de vraies pistes de travail existent. Par exemple, les bailleurs sociaux estiment que les mesures prévues à l’article 52 du projet de loi de finances, qui ne reposent que sur une baisse de loyer, s’appliqueraient trop rapidement. Ils nous demandent d’évoluer sur certains sujets, tels que la TVA, ce qui leur apporterait une plus grande souplesse pour monter en puissance. Nous travaillons donc ensemble sur ce point, l’objectif étant de diminuer la dépense relative aux APL, mais de manière plus progressive.
Sans vouloir être trop long, je souhaite encore insister sur trois points. Vous avez évoqué, monsieur Dubois, de nombreuses pistes de réflexion, en souhaitant que le Gouvernement puisse y répondre positivement. Nous sommes d’ores et déjà totalement en ligne avec certaines d’entre elles. Je pense notamment à la TVA, mais aussi à la rénovation des centres-bourgs des villes moyennes. Avec Jacques Mézard, nous avons la conviction que ce sujet a été laissé de côté ces dernières années. Par conséquent, au cours des négociations que nous avons menées ces deux derniers mois, nous avons lancé un plan en matière de rénovation de logements. Nous avons notamment obtenu d’Action logement le financement, à hauteur de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans, de la rénovation dédiée des centres-bourgs de villes moyennes. Cela doit être un axe fort de la politique du logement.
Vous avez également fait allusion, monsieur le sénateur, aux systèmes de plateforme, et notamment à la plateforme d’attribution SNE, qui doivent être améliorés.
J’en viens enfin à la question du bâti, et au prix du foncier. Vous avez raison, dans certaines opérations en zones tendues, le prix du foncier représente 30 % à 50 % du prix de l’opération. Que faisons-nous dans le cadre du « choc de l’offre » – et non pas du « choc dans le mur » ! – que nous portons ? Il s’agit d’aligner les intérêts des uns et des autres. Car tel n’est pas le cas dans le secteur privé, ce qui est aberrant. Or, quand les vents sont contraires à la marée, on n’avance pas !
C’est la raison pour laquelle nous procéderons à un abattement fiscal massif. Ainsi, si un citoyen a besoin d’un terrain, mais que les propriétaires ne peuvent le lui vendre parce qu’ils attendent vingt-deux ans pour ne pas payer d’impôt sur la plus-value immobilière, le système ne fonctionne pas ! Par conséquent, tout propriétaire foncier vendant d’ici à fin 2020 bénéficiera d’un abattement spécifique, de 100 % s’il s’agit de logement social, de 85 % s’il s’agit de logement intermédiaire et de 70 % s’il s’agit de logement privé. Nous alignons les intérêts.
M. le président. Il va falloir conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je conclus, monsieur le président.
Nous faisons la même chose avec les entreprises, conformément à l’axe de travail que nous avons défini dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, les logements évolutifs, sur lesquels nous avons beaucoup travaillé, notamment avec l’APF, l’Association des paralysés de France. Nous avons défini ensemble ce que doit être le schéma global d’un logement évolutif. Toutefois, ne nous trompons pas d’objectif : l’accessibilité des bâtiments aux personnes en situation de handicap concerne non pas les logements neufs, mais surtout les logements existants. Aujourd'hui, notre ministère n’est pas accessible aux personnes en situation de handicap ! Je suis donc mal placé pour donner des consignes aux uns et aux autres… (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Daniel Dubois applaudit également.)
Débat interactif
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Abdallah Hassani.
M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis un peu inquiet. Si, au plan national, il existe un déficit en matière de logement, que dire de l’outre-mer, et particulièrement de Mayotte, où nous avons seulement 300 logements sociaux pour une population de 300 000 habitants, avec 10 000 naissances par an ? Je vous laisse imaginer le retard que nous avons pris !
Des efforts importants ont été faits. Les conditions techniques pour produire durablement sont à présent réunies ; des projets et des opérateurs sont prêts. L’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, l’EPFAM, qui n’existait pas, est en place depuis juillet pour acquérir du foncier et améliorer les réseaux de desserte, ces deux sujets constituant deux freins au développement des constructions à Mayotte.
Mais le financement ne suit pas, monsieur le secrétaire d’État. En effet, l’EPFAM n’est doté que de 3 millions d’euros par an sur cinq ans, et ce montant est prélevé sur la ligne budgétaire unique, déjà très insuffisante, par laquelle le ministère des outre-mer contribue à l’amélioration de l’habitat. À Mayotte, elle ne recouvre même pas les besoins de la seule intercommunalité Dembeni-Mamoudzou, soumise par la loi SRU à l’obligation de produire 888 logements locatifs sociaux d’ici à 2019.
M. le président. Il va falloir songer à poser votre question !
M. Abdallah Hassani. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais savoir comment le Gouvernement prendra toute sa part au développement du logement social à Mayotte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Effectivement, si la situation du logement social est compliquée en métropole, elle l’est souvent encore plus dans un certain nombre de territoires d’outre-mer.
Permettez-moi de prendre des exemples très concrets. Il y a eu de longues discussions sur les SIDOM et leur actionnariat, alors qu’il aurait fallu aller de l’avant. Trop souvent, on a eu des débats de structure institutionnelle.
Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, grâce à un travail conjoint, nous avons mis en place l’EPFAM. Bénéficie-t-il de dotations suffisantes ? Je le rappelle, son financement est assuré par la LBU, ce qui introduit une limitation.
Tout d’abord, un travail est en cours avec le ministère des outre-mer pour évaluer et répartir spécifiquement les besoins d’un territoire à l’autre dans le cadre du déploiement de cette ligne budgétaire.
Ensuite, au-delà des capacités de financement de l’EPFAM et des débats qui se dérouleront dans le cadre du projet de loi de finances, je veux rappeler le travail de l’ANRU, acteur massif, notamment dans le cadre du NPNRU. Aujourd’hui, trois projets sont financés à Mayotte par l’ANRU. Pour accroître significativement la construction, il faut passer par de tels opérateurs et non pas uniquement par des lignes budgétaires.
La question qui se pose est donc la suivante : comment aller encore plus loin dans le développement grâce à un opérateur comme l’ANRU dans le cadre du NPNRU ?
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite d’abord remercier le groupe Union Centriste d’avoir fait le choix de ce sujet pour notre débat, à l’heure où les contours du projet de loi sur le logement sont dévoilés. À l’évidence, ce texte aggravera encore la situation des locataires en précarisant leurs droits : perte du maintien dans les lieux et extension de l’application du surloyer.
Dans le même mouvement, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, a annoncé une baisse brutale des subventions aux collectivités, qui sont pourtant des acteurs essentiels du logement social, une baisse brutale des aides à la pierre, ainsi qu’une ponction indue sur les offices d’HLM, lesquels devront prendre en charge les APL.
Le gel des crédits du budget de la politique de la ville pèse également fortement sur la politique du logement. À cela s’ajoute le gel du taux du livret A, alors que cette épargne finance la construction.
C’est une attaque sans précédent contre le modèle social du logement public. Ces mesures rendent impossible la réalisation des missions d’intérêt général des bailleurs sociaux et concrétisent le désengagement de l’État.
Dois-je vous rappeler les chiffres alarmants du mal-logement en France ? Ainsi, 4 millions de nos concitoyens sont mal logés, quand 12 millions sont en situation de fragilité. En outre, 79 % des Franciliens sont éligibles au logement social et 600 000 effectuent une demande chaque année. Défendre le logement social, c’est une exigence républicaine.
Or la seule option encouragée par le Gouvernement est la vente par les bailleurs de leur patrimoine pour être en mesure de continuer à financer la construction. Est-ce vraiment sérieux lorsque l’on connaît l’ampleur du nombre de demandeurs ? La diminution du nombre de logements sociaux est-elle votre réponse à la crise du logement ? Comment, dans de telles conditions, garantir le droit au logement pour tous ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je suis désolé de vous le dire, mais vous avez énoncé de nombreuses contrevérités.
Mme Éliane Assassi. Non !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. S’agissant du maintien dans les lieux, je l’ai dit à l’instant, nous proposons simplement d’introduire de la mobilité : la commission d’attribution des logements proposera tous les six ans – je dis bien « proposera », il n’y aura aucune obligation – au locataire…
Mme Éliane Assassi. Ça se fait déjà !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je vous assure que tel n’est pas le cas !
Le locataire acceptera ou n’acceptera pas la proposition de la commission. Le maintien dans les lieux est donc assuré.
Vous affirmez que nous voulons diminuer le nombre de demandeurs de logements sociaux. Or, je viens de le dire, nous n’aurons jamais recours à l’aberration consistant à diminuer le montant du revenu d’éligibilité au système social.
M. Pascal Savoldelli. Vous n’enlevez pas 3 milliards d’euros au logement social ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. S’agissant de la politique de la ville, l’ensemble des crédits qui lui sont affectés seront maintenus sur la durée du quinquennat, nous l’avons annoncé voilà quelques semaines.
Vous avez évoqué la question des personnes mal logées, et je voudrais donc répondre. Nous augmentons les crédits de 10 %, dans le cadre du programme 177 ; nous construisons entre 3 000 et 5 000 PLAI, soit des logements très sociaux, 40 000 logements dans le cadre de l’intermédiation locative et 10 000 pensions de famille. Reportez-vous aux propos tenus par les associations de lutte contre l’exclusion, avec qui nous avons encore passé la matinée, à propos du programme « logement d’abord ». Elles saluent l’action du Gouvernement en la matière. On ne peut donc pas dire que nous ne faisons rien en faveur des mal-logés. Bien au contraire, notre programme est très ambitieux.
M. Pascal Savoldelli. On va vérifier !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne peux pas démarrer mon propos sans rappeler le côté extrêmement massif, qui peut être une véritable bombe à retardement, pour des raisons budgétaires que l’on peut comprendre : l’État veut maîtriser sa dépense publique. Mais une situation comme celle-ci risque d’entraîner des effets collatéraux, à savoir une véritable fracture territoriale et sociale.
Je ne vais pas rappeler tous les chiffres, puisqu’ils ont été mis en avant par les uns et les autres. Mon collègue Daniel Dubois a évoqué tous les risques. Je m’attarderai plus particulièrement sur l’ANRU, le NPNRU et le PNRU en cours.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, l’État mettra 1 milliard d’euros ; Action logement, 2 milliards d’euros ; l’USH, 2 milliards d’euros, qui viendront s’ajouter au 1,7 milliard d’euros, soit 150 millions d’euros par an. Il faudra ensuite accompagner le FNAP au niveau de l’USH, ce qui viendra diminuer les fonds propres des organismes bailleurs, lesquels devront faire des choix : soit rénover thermiquement leurs logements, soit construire quelques logements nouveaux, soit participer à l’action de l’ANRU. Car ils ne pourront pas tout faire !
Vous nous parlez de vente du patrimoine. Je rappelle qu’on a créé des sites ANRU pour gérer les copropriétés dégradées liées à la vente de patrimoine.
Certes, il faut faire quelque chose, nous en sommes convaincus. Mais profitez du travail parlementaire qui sera fait au Sénat ! Vous l’avez vu, tout le monde ici est convaincu qu’il faut avancer dans le bon sens. S’agissant de l’ANRU, nous ne voulons pas que les 5 milliards d’euros annoncés, dont le milliard d’euros provenant de l’État, soient de pur affichage ! En effet, les collectivités ne garantiront plus un seul emprunt, parce qu’elles seront désormais tenues d’apporter leurs propres garanties, et qu’elles devront payer. La CGLLS, avec le peu d’argent qu’elle a, ne pourra pas assumer la situation. Et les collectivités seront mobilisées à hauteur de 50 %, une fois qu’on aura mis en croix les bailleurs !
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Valérie Létard. Bref, il faut reconstruire, monsieur le secrétaire d’État, un article 52 du projet de loi de finances qui nous permette de trouver des solutions, dans l’attente de la refondation d’une politique du logement et d’une rénovation urbaine en commençant par le commencement ! Il ne convient pas de raboter le budget en mettant en croix quelque chose, certes améliorable, mais également indispensable pour que les collectivités ne se fassent pas départir de leur rôle en matière de logement de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Philippe Dallier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En évoquant l’approche du Gouvernement, j’ai essayé d’être totalement transparent, franc et, je l’espère, convaincant. Je vous le dis avec la plus grande sincérité, madame la sénatrice, notre objectif n’est pas de casser les bailleurs sociaux. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Philippe Dallier. C’est bien parti !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Dans le cadre des quatre axes de réforme que j’ai indiqués, nous voulons discuter avec eux.
Certes, nous leur demandons un effort important. Les modifications prévues – je pense au cadre financier, au regroupement et à davantage d’accession sociale à la propriété – doivent leur permettre de participer à l’effort de diminution du modèle des APL et d’assurer leur pérennité. Cela nécessite deux choses, que vous avez rappelées : la prise en compte de leurs spécificités et celle de leur politique de proximité.
L’article 52 du projet de loi de finances constitue la base de la discussion et de la négociation avec les bailleurs sociaux. Madame Létard, je retiens votre proposition de travailler avec les sénateurs dans le cadre de l’examen de cet article par votre assemblée. Nos discussions devraient conduire – en tout cas, je l’espère, parce que cela voudra dire que nous avons trouvé un accord – à des modifications du texte.
S’agissant de l’ANRU, nous avons la volonté d’engager la discussion, j’insiste sur ce point. Dès le départ, nous avons pris en compte la contribution des bailleurs sociaux, qui constitue un élément important, l’ANRU ne pouvant être exclusivement financée par l’État.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne devons pas entendre les mêmes organismes d’HLM ni les mêmes associations, car nous n’avons vraiment pas les mêmes échos.
Je le rappelle, 4,2 millions de logements HLM sont occupés par plus de 10 millions de personnes ; 15 % des ménages, dont la moitié est en dessous du seuil de pauvreté, relèvent du logement social. Avec un loyer moyen de 390 euros, contre 570 euros dans le parc privé, les organismes d’HLM répondent à une demande sociale forte.
Par ailleurs, comme nous le savons tous ici, ils gèrent au quotidien de grands ensembles, qui cumulent souvent les handicaps : chômage, dégradation de l’habitat, échec scolaire, délinquance… Sans l’implication de ces organismes d’HLM, quelles seraient les perspectives pour ces quartiers, pour nos villes, y compris dans les copropriétés privées dégradées, où, justement, on va les chercher ?
Le logement n’est ni un luxe ni une marchandise comme une autre. Selon le projet de loi de finances, les organismes d’HLM disposeraient de 11 milliards d’euros de trésorerie. Dans les faits, ils ont 8 milliards d’euros en moyenne lissée, ce qui correspond à deux mois d’activité, soit un ratio normal pour une entreprise saine, dont 1 milliard d’euros provenant des dépôts de garantie des locataires et des provisions pour travaux planifiés.
Enfin, leur résultat d’exploitation, de 2,2 milliards d’euros, est intégralement réinvesti dans la production et la rénovation du parc, avec des effets démultiplicateurs en termes d’activité, d’emplois directs et indirects, et de TVA, à hauteur de 800 millions d’euros. Dès lors, parler de matelas ou de rente relève du contresens.
Après un examen attentif, l’article 52 du projet de loi de finances se révèle mortifère pour le logement social. La baisse des APL revient à prélever aux organismes 1,7 milliard d’euros en 2018 et 1,5 milliard en 2019, amputant ainsi leur capacité d’investissement de 75 %. Une telle ponction divisera par quatre les opérations de rénovation et de construction neuve, au détriment de l’offre. C’est la raison pour laquelle on ne peut vous suivre dans votre raisonnement.
En contrepartie, le Gouvernement propose un gel du taux du livret A sur deux ans. Or les organismes s’endettent sur quarante ans, voire plus. Parler de contrepartie opérante est donc un leurre.
Plus d’une centaine d’organismes d’HLM seront ainsi mis en péril, alors que plus d’une centaine d’autres connaîtront les plus grandes difficultés. Ils sont présidés par des élus locaux et des maires, ce que vous semblez oublier.
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Annie Guillemot. J’y viens.
M. le président. Rapidement !
Mme Annie Guillemot. Et ce sont généralement les villes qui garantissent leur dette.
Enfin, quel sera l’impact de votre politique sur le financement de la rénovation urbaine, comme l’a dit ma collègue, alors que les acteurs s’accordent pour estimer la note à 10 milliards d’euros ?
Alors que la question du logement est d’une cruelle actualité, ne serait-il pas plus raisonnable, monsieur le secrétaire d’État, de surseoir à l’application de l’article 52 du projet de loi de finances ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, nous rencontrons certainement les mêmes organismes, mais je ne suis pas sûr qu’ils vous disent tout ! (Exclamations sur diverses travées.)
Vous disent-ils que l’application de l’article 52 entraînera toutes les conséquences que vous venez d’évoquer ? Décrivent-ils les impacts du package financier que j’ai présenté tout à l’heure ?
Permettez-moi de vous donner trois exemples. Dans le département du Rhône, trois organismes, que je ne nommerai pas, ont des taux d’autofinancement de 15 %. Avec la réforme, ils déplorent une perte de leur capacité d’autofinancement, qui passera, effectivement, de 15 % à 9,8 % et à 14 % pour les autres. Le package financier que nous proposons leur permettra de revenir à une capacité d’autofinancement de 12 %, et même de 17 % pour l’un d’entre eux. La réforme lui sera donc bénéfique. Telle est la réalité !
Il s’agit non pas de ponctionner de l’argent aux bailleurs sociaux, mais d’avoir la réflexion la plus intelligente possible. Alors que l’État et la Caisse des dépôts et consignations financent depuis quarante ans le système, ils ne se sont jamais posé la question de savoir comment on pouvait améliorer les choses. Pourquoi ne fait-on que du taux variable et pas du taux fixe ? Pourquoi ne fait-on pas plus de prêts de haut de bilan ? Cela engendrerait pourtant de véritables gains !
Il faut aller jusqu’au bout des analyses, en prenant aussi en compte les conséquences de l’amélioration des financements.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’initiative de mes collègues centristes, qui ont placé au cœur de notre débat la question du logement social. L’intitulé de la question renvoie à la diversité de nos territoires, sujet qui mérite toute notre attention.
Nous manquons de logements sociaux pour les ménages qui peinent à se loger, c’est un constat. Les derniers textes législatifs ont démontré que de louables desseins sur le papier pouvaient aboutir sur le terrain à des objectifs inatteignables pour des territoires aux capacités foncières et financières limitées, ou conduisaient à une offre inadaptée à la demande.
Pour répondre aux objectifs de 25 % de logements sociaux, certaines intercommunalités ont intégré le principe de la mutualisation des objectifs triennaux de rattrapage des communes déficitaires dans leurs programmes locaux de l’habitat, pour atteindre de façon collégiale cet objectif à l’horizon de 2025. Quoi de plus naturel, finalement, au sein des intercommunalités ? Une démarche incitative et vertueuse que la loi Égalité et citoyenneté a failli supprimer. C’est un comble, à l’heure où l’EPCI est désormais l’échelle privilégiée des politiques d’habitat, d’urbanisme et, surtout, de déplacements urbains, toutes ces questions étant parfaitement liées à celle du logement.
Alors que la charge du logement est aujourd’hui confiée au ministère de la « cohésion des territoires », et non plus à « l’égalité des territoires » – ça, c’est heureux ! –, la mutualisation intercommunale permet la gestion des contradictions entre un objectif national uniforme et la prise en compte de la diversité des territoires et de leur histoire. Pourquoi ne pas encourager la généralisation de la mutualisation des objectifs de logements sociaux au niveau des intercommunalités, pour celles, bien sûr, qui le souhaitent, et ainsi enclencher une dynamique autrement plus positive que des amendes pénalisantes aux communes, afin de répondre au mieux à un enjeu crucial ? (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question renvoie plus généralement à celle de l’application de l’article 55 de la loi SRU. Plus précisément, vous m’interrogez sur la possibilité de généraliser l’objectif des 25 % dans le cadre d’un regroupement intercommunal. Vous avez également rappelé le dispositif que la loi Égalité et citoyenneté a failli détruire.
Nous devrons avoir cette discussion lors de l’examen du projet de loi Logement que nous portons. M. Jacques Mézard et moi-même avons ce débat avec beaucoup d’autres pour savoir s’il faut ou non toucher à l’article 55 de la loi SRU. Le sujet est très compliqué.
Certes, dans énormément de cas, c’est justifié ; cela relève même du bon sens. Il y a des communes qui, nous le savons, ne peuvent mathématiquement pas atteindre l’objectif fixé par la loi actuelle. Cela a même un effet démoralisant. Les communes ont l’impression qu’on leur dit : « Nous vous fixons un objectif, mais nous savons très bien que vous ne pourrez pas l’atteindre. »
Mais, à l’inverse, on ignore quelle sera la réaction de l’ensemble des acteurs, pris dans leur globalité, si l’on envoie le signal que l’on est prêt à toucher à la loi SRU. Ne risque-t-on pas d’avoir un manque de motivation chez certains ? Nous le savons, si beaucoup sont très motivés, d’autres le sont moins ; c’est un euphémisme. Si les personnes concernées se sentent de moins en moins obligées au regard de la loi SRU, cela peut être comme une reculade. C’est un vrai débat, et il n’est pas facile à trancher.
Aussi, à ce stade, nous n’avons pas souhaité modifier la loi SRU dans le projet de loi Logement. Mais je vous rejoins : le débat est légitime, et il faudra l’aborder dans le cadre de la préparation du texte.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous rapporter une tranche de vie. La scène se déroule au printemps 2014 dans le village de Sainte-Marthe, situé dans le septième secteur de Marseille, qui compte 150 000 habitants, dont 50 % de logements sociaux.
Le préfet de région fait un point sur l’avancée des travaux de rénovation d’une cité sociale implantée dans le XIVe arrondissement. Il a réuni pour cela le préfet délégué à l’égalité des chances, l’adjointe au maire de Marseille chargée de la politique de la ville – appelons-la « Arlette » –, un représentant de la police nationale, les bailleurs et le maire de secteur récemment élu, en l’occurrence votre serviteur. Un seul pourvoir est absent : la presse ! Ce qui permet au préfet de nous annoncer directement et sans tabou – mais c’était sans compter sur le fait que je ne sais pas garder un secret – ceci : « Mesdames et messieurs, je suis très inquiet. L’objectif du programme est de recréer de la mixité sociale. Or nous allons droit à l’échec. C’est d’autant plus regrettable que ce programme est le plus coûteux : 180 000 euros par logement ! Nous avons découvert dans cette cité une organisation clanique : les Gitans ont chassé les Maghrébins. Nous avons rencontré le chef des Gitans ; il est d’accord pour accueillir des familles qui viennent de l’extérieur… à la condition qu’elles soient gitanes. »
Nous nous sommes rendus ensuite sur les lieux. Et Arlette, l’adjointe de Jean-Claude Gaudin, de s’émouvoir et de m’interroger : « Stéphane, on ne va pas laisser ces gens dans cette situation ? » Et moi de lui répondre : « Humainement, non ! » Et, abandonnant un instant les versets de la religion laïque et obligatoire du vivre ensemble, Arlette de constater et de me confier : « Mais cela ne servira à rien. » Ou quand le mur de l’idéologie s’effondre devant la force de la réalité !
Monsieur le secrétaire d’État, cette histoire vraie, et il y en a tellement d’autres, résume à elle seule la situation que subissent bon nombre de nos compatriotes, et pas seulement dans la deuxième ville de France : concentration des programmes sur les mêmes territoires, communautarisme, incivilités et insécurité, qui interdisent à des familles d’accéder à des logements qu’elles ont financés et auxquels elles ont droit, et dont elles ont besoin ; démission et aveuglement idéologique des pouvoirs publics, qui se contentent de déverser des sommes considérables sans aucun contrôle, sans aucune volonté d’y faire respecter sinon le vivre ensemble, au moins le savoir-vivre !
M. le président. Il faut poser votre question !
M. Stéphane Ravier. Alors qu’un million et demi de nos compatriotes sont en attente d’un logement social – 80 % des Marseillais y sont éligibles –, 30 % du parc dans les grandes villes est occupé par des étrangers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Posez votre question !
M. Stéphane Ravier. Monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous tourner le dos à toute idéologie pour enfin prendre en compte la réalité des difficultés rencontrées par nos concitoyens dans les HLM ?
M. Pierre Ouzoulias. Vous n’y vivez pas !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je peux le dire avec fermeté, je ne partage absolument pas votre vision et vos propos.
M. Stéphane Ravier. Ce sont les propos du préfet !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je parle de vos propos de conclusion.
Ce n’est pas le fait de décréter que certains sont prioritaires par rapport à d’autres dans l’attribution des logements sociaux qui réglera en quoi que ce soit la situation que vous venez d’évoquer.
La situation de la politique de la ville, nous la connaissons. Cela fait quarante ans que nous y sommes confrontés ; cela fait quarante ans que les fractures ne cessent de s’accroître.
M. Stéphane Ravier. Quel aveu !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Pour ma part, je suis absolument persuadé que ce n’est pas avec le discours que vous venez de tenir que nous réussirons à franchir les frontières qui nous séparent des quartiers de la politique de la ville. En aucun cas !
Comment fait-on pour avoir plus de mixité sociale ? La réalité, c’est que la mixité sociale, la lutte contre les frontières territoriales, les frontières de société, cela passe par des opérations de terrain très concrètes.
La mesure la plus forte qui ait été prise depuis des années est très certainement le doublement des classes dans les zones REP+ que nous venons de décider. Très sincèrement, cela aurait dû être fait depuis bien longtemps. C’était compliqué, mais cela permet de donner un accès plus facile à l’éducation à des personnes qui en ont besoin.
Vous me pardonnerez de ne pas vous répondre sur des critères d’attribution des logements sociaux. Je pense très sincèrement que c’est d’abord un vecteur d’aggravation des fractures territoriales et des divergences de société. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque intervenant dispose de deux minutes au maximum. J’invite tous les orateurs à veiller au respect scrupuleux de cette règle.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je risque malheureusement d’être redondante, car le département des Hautes-Pyrénées n’échappe pas aux inquiétudes ressenties nationalement sur ce thème.
En matière de logement social, l’article 52 du projet de loi de finances a suscité de vives réactions de la part des bailleurs sociaux de mon département. À mon avis, cette disposition relève d’une vraie fausse bonne nouvelle pour les locataires. Si l’État réalise par ce biais une économie substantielle au travers de la diminution du montant des APL, il n’en fait pas moins porter le poids sur les budgets des organismes d’HLM, mettant en péril leur équilibre financier et menaçant alors la qualité même des logements. Certains d’entre eux ont d’ores et déjà annoncé geler leur production de logements jusqu’à nouvel ordre.
Permettez-moi de vous décrire ce que la baisse des loyers va occasionner pour deux organismes dans les Hautes-Pyrénées. La société d’économie mixte de construction de la ville de Tarbes estime sa perte financière entre 500 000 et 600 000 euros, se retrouvant avec un autofinancement négatif de 300 000 euros. L’office public de l’habitat du département évalue, quant à lui, cette perte à 4 millions d’euros, subissant une diminution de plus de 90 % de son autofinancement. Les deux organismes devraient alors faire appel, pour leurs encours, à leurs garants, qui ne sont autres que les communes et le conseil départemental, dont la marge de manœuvre budgétaire a été extrêmement mise à mal depuis plusieurs années.
Conséquemment à ces pertes budgétaires, c’est l’habitat lui-même qui se verrait amputé des programmes de rénovation, en particulier de la rénovation thermique. Ainsi, lorsqu’à moyen terme, il eût été envisageable de concevoir des économies liées à la performance énergétique du parc immobilier, l’absence d’investissements en la matière créera inévitablement des dépenses supplémentaires pour les locataires.
Enfin, cet article pourrait tout bonnement se révéler également contre-productif pour atteindre l’objectif d’amélioration de l’accès au logement des personnes les plus modestes.
M. le président. Pensez à conclure !
Mme Maryse Carrère. Car, en zones tendues particulièrement, peut-on raisonnablement penser que, au vu du danger financier que représentera pour un organisme d’HLM le fait d’avoir une majorité de locataires pour lesquels il serait contraint d’abaisser les loyers, sa commission d’attribution continuera à attribuer des logements aux plus modestes, une telle démarche impliquant une diminution de ses ressources ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, j’évoquais précédemment les offices ou sociétés pour lesquels les nouveaux modèles de financement que nous proposons ont un effet positif. Mais, vous avez raison, l’effet est négatif pour d’autres.
J’insiste sur la diversité des situations. Il y a 750 offices ou sociétés. Avec les sociétés d’économie mixte, le nombre d’entités qui financent du logement social s’élève aujourd'hui à 800. Vous le savez, car vous en avez toutes et tous sur vos territoires.
La difficulté est effectivement de mener cette réforme du financement, de la vente et du regroupement en faisant en sorte qu’elle n’ait pas un effet négatif sur les uns quand d’autres en sortiraient encore plus forts.
L’article 52 prévoit une mutualisation, une péréquation. Vous connaissez cela par cœur. Notre travail, dans la perspective de la finalisation du dispositif, est de faire en sorte que cette mutualisation, cette péréquation, soit pertinente.
J’évoquais tout à l’heure la TVA. C’est une piste de travail que proposent les bailleurs sociaux. Pourquoi est-ce intéressant ? Tout simplement parce que la TVA est directement fonction de l’activité : plus vous avez d’activité, plus vous pouvez bénéficier des nouveaux financements que nous proposons et plus, au final, vous pouvez les utiliser pour financer votre activité à moindre coût. Cela permet d’établir une corrélation, indépendamment des effets ou de la structure financière des offices ou sociétés. C’est donc un moyen d’avancer dans le bon sens.
Encore une fois, ce n’est pas une décision budgétaire. L’intérêt de diminuer les APL est réel. Il faut le faire ; il y va de la pérennité du système. Mais c’est une réforme globale du système des HLM que nous essayons de porter aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur la baisse des APL, puisque je vous ai interrogé sur le sujet lors des questions d’actualité. J’évoquerai plutôt la politique du logement adaptée à nos territoires.
Je regrette que la politique du logement du Gouvernement s’inscrive dans une démarche interventionniste et centralisatrice, bousculant quelque peu les élus locaux et resserrant l’étau autour des collectivités locales. Le logement tout court et, plus particulièrement, le logement social doit répondre à une demande en fonction des territoires, qu’ils soient tendus ou non. Dans les Alpes-Maritimes ou en Île-de-France, nos collectivités, au nom des 25 % de logements sociaux d’ici à 2025, se voient assigner des objectifs de production qui sont surréalistes et inatteignables, en tout cas dans le délai imparti : 2025, c’est demain ! Ces obligations finissent par décourager les élus, même les plus volontaires.
Dans la brochure de présentation de la « stratégie logement » du Gouvernement, les collectivités sont loin d’être au cœur des dispositifs proposés, alors que leur rôle central est d’initier localement une politique de l’habitat au nom de l’intérêt général, du principe de solidarité et, surtout, des spécificités des territoires. Le maire demeure bien le premier sollicité lorsque l’un de nos concitoyens procède à une demande de logement social.
Il faut donner plus de souplesse à l’application de la loi SRU, non pas, comme je l’entends dire souvent, pour exonérer les communes de leurs obligations de construction de logements, mais simplement pour permettre une meilleure adaptation des objectifs aux réalités des territoires dans un souci d’une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. C’est la raison pour laquelle il serait peut-être plus pertinent de définir entre le préfet et les collectivités une contractualisation arrêtant les objectifs réellement réalisables au vu, par exemple, de l’état du foncier disponible, des projets structurants définis et mis en œuvre. Les sanctions s’appliqueraient alors pleinement si cette contractualisation n’était pas respectée.
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le secrétaire d’État, quel est votre avis sur cette adaptation aux réalités locales qui – je le pense sincèrement – serait plus à même de créer un choc de l’offre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je souhaite souligner plusieurs éléments.
Premièrement, dans la politique du logement que nous avons engagée avec Jacques Mézard, nous avons objectivement eu le souci des collectivités. Nous n’avons pas voulu mettre en place un énième dispositif ; il y a eu les OIN, les PIL, les PIE, sans parler des PLU, des SCOT, etc. Nous avons décidé d’arrêter cette surenchère et de passer à des schémas de contractualisation avec les collectivités ; c’est beaucoup plus efficace.
Deuxièmement, ainsi que je l’évoquais, le débat sur la loi SRU est très compliqué. Vous avez objectivement raison : il y a des approches territoriales. L’exemple que vous avez donné rejoint celui que j’ai moi-même pris précédemment. La difficulté est la suivante : rouvrir le débat sur ce sujet alors qu’il manque un million et demi de logements sociaux en France aujourd’hui ne risque-t-il pas de se révéler contre-productif pour cette grande cause nationale qu’est la construction de logement social ?
Troisièmement, à titre personnel, je vous suis à 100 % sur la territorialisation de la politique du logement. Je vous donne un exemple très concret. Il existe le prêt à taux zéro, le dispositif Pinel. Certains sont en A, d’autres en A bis, d’autres encore en B1, B2, C. C’est très pratique pour territorialiser une politique de logement… Et cela fait des années que ça dure. Nous sommes donc en train de revoir cette territorialisation. Nous allons procéder à des aménagements et essayer de voir comment être plus proche de la réalité en fonction des différentes zones. À mon avis, à terme, il faudra effectivement de plus en plus territorialiser la politique du logement.
Une partie de ma famille vient de l’Oise. Dans le petit village, il n’y a plus de centre-ville ou de centre-bourg. En revanche, il y a énormément de pavillons autour, avec tous les problèmes que cela implique. Et, dans un petit village analogue que je suis allé visiter dans le Bas-Rhin, c’était l’inverse ! Pourtant, les deux sont en zone B2. Les financements et les dispositifs ne permettent pas de faire la même politique. À terme, il faudra donc territorialiser ; mais cela prendra du temps. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Ma question porte sur les entrées et les sorties dans le logement social.
Ces dernières années, beaucoup a été fait pour favoriser la construction de logement social neuf.
En février dernier, la Cour des comptes estimait que, sur les 17,5 milliards d’euros consacrés au logement social, plus de la moitié, pratiquement 55 %, soit 9,5 milliards d’euros, se rapportaient directement ou indirectement à la construction. Parmi les différentes incitations à la construction de logements neufs, on peut notamment mentionner la TVA à taux réduit, l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et les avantages liés à l’accès à l’épargne réglementée et aux prêts locatifs.
Même si les objectifs initiaux du précédent gouvernement ne sont pas remplis, la hausse du rythme de la construction au cours de dernières années doit nous réjouir. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, je veux porter à votre attention deux écueils liés à cette politique du logement social centrée sur la construction.
D’une part, il apparaît que les constructions ne sont pas suffisamment ciblées et ne tiennent pas compte, par exemple, des zones de tension ou encore de la taille des foyers, avec notamment l’accroissement des familles monoparentales alors que nous avons des logements qui sont prévus pour un plus grand nombre de personnes.
D’autre part, parmi l’ensemble des entrées dans le logement social, seulement une sur six s’effectue dans une construction neuve.
Comme la Cour des comptes l’a relevé, la rotation au sein du parc social demeure trop faible aujourd'hui. Il conviendrait utilement, à mon avis, de favoriser celle-ci, afin d’accroître le nombre global de logements proposés à la location sans tout focaliser sur la construction de logements nouveaux. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, quels sont les instruments que vous comptez utiliser pour fluidifier les entrées et sorties dans le parc social ? Une plus grande fluidité ne permettrait-elle pas, à coût constant, une meilleure redistribution de la part des organismes de logement social vers les foyers aux revenus les plus modestes ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les chiffres que nous avons déjà évoqués à plusieurs reprises – 4,5 millions de logements et 1,5 million de personnes en attente – représentent un véritable enjeu.
L’introduction de plus de mobilité est un problème compliqué. Cela renvoie à la question de tout à l’heure. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut décider par une loi ; cela se fait au plus près du terrain. Et vous en êtes les premiers garants. En effet, les ménages qui constituent les logements sociaux sont connus sur le terrain. Nous avons donc fait le choix de porter un aménagement au niveau des commissions d’attribution des logements. Ces dernières sont composées de celles et ceux qui connaissent véritablement ceux qui habitent dans les logements sociaux.
Notre objectif est de pouvoir le faire sur la base du volontariat. Nous voulons proposer tous les six ans d’autres solutions à celles et ceux qui habitent dans un logement social, si leur situation a évolué, par exemple parce que leurs enfants sont partis faire des études ou, inversement, parce qu’un héritage leur a permis d’acquérir un appartement dans une rue voisine. Si ces personnes ont droit au parc social, on leur propose d’autres solutions dans le parc social.
Pourquoi faut-il le faire rapidement ? Parce que, au bout de vingt-cinq ans dans un logement social, lorsque les enfants partent ou lorsque le bailleur propose un nouvel appartement, compte tenu de l’évolution des prix, le T5 a un loyer inférieur à un T3. La personne n’a donc aucun intérêt à changer de logement – cela ne représente aucun gain pour elle –, et elle reste dans son appartement. Il faut donc pouvoir faire une telle proposition rapidement. Nous avons donc retenu une période de six ans, afin que cela corresponde à un véritable gain de pouvoir d'achat.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’annonce cet été du coup de rabot sur l’APL a sonné comme un coup de tonnerre pour 6,5 millions de foyers : 5 euros en moins, c’est un mois de goûter pour les enfants ou encore les repas d’une journée, comme en témoignaient ce matin deux bénéficiaires de l’APL dans le journal L’Humanité.
Cette mesure injuste rapportera 390 millions d’euros au budget de l’État. Dans le même temps, Bruno Le Maire a annoncé : « Nous allons rendre 400 millions d’euros aux 1 000 premiers contributeurs à l’ISF. » En bref, vous pénalisez les 20 % de ménages français qui ont le plus besoin d’aide pour se loger au profit des 1 000 les plus riches, qui, on s’en doute, n’en ont pas besoin. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir s’ils appartiennent aux 3 250 familles qui détiendraient, selon Le Figaro du 30 septembre dernier, 150 milliards d’euros dans les paradis fiscaux. Et vous allez encore plus loin, en annonçant une baisse d’APL pour les locataires de logements sociaux compensée par une baisse des loyers équivalente. C’est donc aux bailleurs sociaux de compenser, encore une fois, le désengagement de l’État à hauteur de 1,5 milliard d’euros ! Autant d’argent en moins pour les réhabilitations, les constructions et le bien-être des habitants !
Enfin, cette mesure crée une inégalité insupportable entre les locataires. Car, demain, les bailleurs auront plus de scrupules à loger des bénéficiaires d’APL, dont les loyers seront plus faibles que ceux qui ne sont pas bénéficiaires de ces aides. D’autres personnes se verront barrer la route du logement social, car leurs revenus passeront en dessous du minimum requis par les commissions d’attribution.
Saisi par le collectif Vive l’APL, le Conseil d’État a promis qu’il rendrait sa décision avant vendredi. Mais vous pouvez agir avant. Ma question sera donc franche et directe, monsieur le secrétaire d’État : quand allez-vous retirer enfin ce décret insupportable pour tant de familles en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, le décret dont vous parlez est un décret d’exécution budgétaire sur l’année 2017. Était-ce une bonne idée de raboter de 5 euros ? Tout le monde s’est suffisamment exprimé, me semble-t-il, pour dire que les politiques de rabot ne sont pas la bonne solution. Simplement – vous savez très bien comment sont faits les budgets –, ce n’est pas nous qui avons conçu le budget pour 2017.
Mme Éliane Assassi. Nous non plus ! On avait même voté contre !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Ainsi que la presse l’a montré, la diminution des APL était déjà prévue. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Mais si, madame la sénatrice !
La réforme que nous proposons aujourd'hui, avec les débats que nous avons sur 2018, et les mécanismes que nous essayons de mettre en œuvre visent à apporter des financements aux bailleurs sociaux, à permettre les regroupements, ainsi que l’accession et en faire bénéficier le système des APL, pour en assurer la pérennité.
En outre, il y a une autre réforme dont on n’a pas parlé jusqu’à présent, mais dont il faudrait discuter : l’établissement du revenu des APL. Aujourd'hui, les APL sont établis sur la base des revenus n-2, qui ne sont donc pas les revenus actuels, c'est-à-dire les revenus réels. Ainsi, celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd'hui au chômage touche des APL au regard de son revenu d’il y a deux ans quand il était au travail : l’abattement forfaitaire qui est fait ne correspond pas réellement à ses revenus actuels.
Il s’agit donc typiquement d’une réforme intelligente, mais dont personne ne parle. La mesure est beaucoup plus juste pour celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd'hui au chômage, de même qu’elle est plus équitable pour celui qui travaille aujourd'hui alors qu’il était au chômage voilà deux ans.
M. Fabien Gay. Mais je vous parle des 5 euros que vous prenez aux familles qui n’ont déjà plus rien pour bouffer à la fin du mois !
Mme Éliane Assassi. Il faut aller chercher l’argent dans les paradis fiscaux !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en propos liminaires, j’insisterai sur le fait que la démarche d’élaboration d’un projet de territoire en matière de logement, qu’il soit social ou non, doit se faire en partenariat avec les collectivités locales. Elle oblige à articuler la réflexion sur le logement au sein de son contexte territorial et de ses dynamiques de développement et permet ainsi d’avancer de manière opérationnelle.
Dans les territoires, nous disposons d’éléments prospectifs : SCOT, PLH, SRADDET, notamment. À ce titre, la montée en puissance des collectivités territoriales et de l’intercommunalité a eu un impact important sur les politiques du logement. Or les contraintes sur les finances publiques deviennent un des principaux sujets de préoccupation des acteurs.
Dans ce contexte, il est primordial que les efforts soient maintenus d’un point de vue fiscal en faveur des zones rurales pour soutenir les investissements immobiliers. En effet, le logement social ou plutôt aidé a un effet de levier particulièrement puissant. Il constitue un investissement structurant pour les territoires. Or opérer un « rezonage » restrictif en matière de PTZ et de dispositif Pinel se révèle extrêmement contre-productif pour les territoires ruraux, puisqu’on leur fait perdre en attractivité et on les fragilise encore davantage. Et ce ne sont pas les engagements du Président de la République de prolonger de deux ans le PTZ neuf ou de quatre ans le PTZ ancien en zones B2 et C qui vont inverser la tendance durablement !
C’est la même chose en matière de taxation des plus-values immobilières réalisées au moment de la vente de terrains, notamment. Le Gouvernement propose, vous l’avez évoqué, des dispositions dans les zones tendues. Mais, encore une fois, il ne faut pas oublier les territoires ruraux ! Pourquoi ne pas élargir ce type de mesures aux zones rurales et non tendues ? Et jusqu’où êtes-vous prêt à aller le cas échéant ? Je pense, par exemple, à l’exonération quand il s’agit de projets relatifs aux logements aidés et au taux de réduction élevé pour les autres opérations.
Je vous remercie des éléments que vous pourrez nous fournir à ce sujet, afin que nos territoires restent attractifs en ce domaine et que les moyens développés puissent participer activement à la réduction de la fracture territoriale et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, concernant l’importance des collectivités, je souhaite aborder un point que je n’ai pas évoqué en répondant à Mme Estrosi Sassone. Nous avons pris un engagement très ferme : laisser le permis de construire aux mains des maires. Or il faut savoir que beaucoup de gens étaient venus nous voir le premier jour en nous disant que la meilleure solution pour construire du logement, social ou pas, était de retirer le permis de construire des mains des maires. Aujourd'hui, on ne peut pas construire sans l’accord de l’élu local ; ce n’est pas possible. Nous laissons donc le permis de construire aux mains des maires. Je tenais à le souligner, car c’est souvent occulté.
Sur les dispositifs PTZ et Pinel, il faut aussi voir d’où l’on part. Les précédents projets de loi de finances prévoyaient la fin de ces dispositifs au 31 décembre 2017. Nous avons pris un engagement très ferme : la reconduction de ces dispositifs, dans la plupart des cas sur quatre ans ; sur deux ans dans les zones B2 et C pour le PTZ neuf, et sur quatre ans dans ces mêmes zones pour l’ancien. Pourquoi sur une aussi longue durée ? Justement pour donner de la visibilité et de lisibilité aux acteurs. Objectivement, rares ont été les gouvernements qui ont pris un engagement de rallonger sur une aussi longue durée ces instruments financiers, que ce soit en zone dense ou en zone détendue.
Il y a une difficulté avec la zone détendue. C’est tout l’enjeu de la territorialisation de la politique de logements et des instruments. Il y a des zones détendues, comme celle que j’évoquais dans l’Oise : objectivement, ce qui tue l’âme du village est de n’avoir eu que des constructions aux alentours, du fait des dispositifs fiscaux, et pas du tout de rénovation du centre-ville. C’est pour cela que nous allons plus loin sur le PTZ ancien que le PTZ neuf dans certaines zones rurales. Mais il y a des cas où cet exemple ne s’applique pas. Par conséquent, aujourd'hui, nous faisons au mieux. Cela pose la question de la politique du logement à terme.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un aménagement équilibré des territoires en matière de logement social exige une répartition sur l’ensemble du territoire des nouvelles constructions, afin d’assurer à nos concitoyens des logements décents à des prix abordables, en termes de locations, mais aussi d’accession à la propriété.
Dans la logique d’une stratégie contrainte par la diminution de la dépense publique, le Gouvernement a fait le choix de recentrer les dispositifs Pinel et prêt à taux zéro sur les zones tendues. Cela limitera forcément le développement des autres territoires en augmentant les difficultés à monter des opérations mixtes : logement social, accession sociale, accession libre, en zones dites « non tendues ». Ainsi, de nombreuses intercommunalités vont se retrouver dans l’incapacité de mettre en œuvre leur politique locale de l’habitat, elles seront notamment incapables de répondre à leurs obligations SRU. Ces mesures cumulées sont contraires aux attentes d’un aménagement équilibré du territoire.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple. Comment comptez-vous concilier ces deux impératifs : faire face à la demande des zones tendues et accompagner les zones non tendues dans le développement d’une attractivité renouvelée ? (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est au centre des débats que nous avons eus jusqu’à présent, puisqu’elle porte sur la territorialisation, à terme, de toute la politique du logement.
Certaines pistes existent. On sait, par exemple, qu’en zone tendue il faut construire davantage, plus vite et moins cher. C’est donc assez facile : il faut un choc sur la fiscalité du foncier ; il faut aussi un choc sur les entreprises afin qu’elles abandonnent leurs locaux commerciaux pour pouvoir créer des logements à la place ; et il faut un choc en reconduisant massivement les dispositifs fiscaux permettant de construire dans ces zones, en ayant néanmoins le souci de construire davantage dans les zones peu denses, mais tout de même tendues. Nous avons tous en tête des exemples de bâtis peu denses autour de gares en pleine métropole, qui sont un non-sens urbanistique.
Inversement, comment faire une politique d’aménagement du territoire dans les zones détendues ? Par exemple, en reconduisant le PTZ plus longtemps dans l’ancien que dans le neuf. Aujourd'hui, en zone détendue, il importe que l’effort soit plus important en matière de rénovation que de construction nouvelle. Bien sûr, mes propos sont à prendre dans un sens très global. Encore, une fois, comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, je suis convaincu que chaque territoire garde sa spécificité. Il est donc très difficile de généraliser. Quoi qu’il en soit, nous devons relever le défi et tirer profit des outils qui existent, lesquels ne permettent que cette approche globale.
Le dernier point que vous évoquez, monsieur le sénateur, est l’attrait économique des territoires. J’ai passé des années à essayer de redresser des entreprises dans les territoires. Je n’ignore donc pas que l’attractivité ne dépend pas uniquement du logement. Elle repose en réalité sur le triptyque emploi, logement, transport. Voilà pourquoi le Gouvernement essaie de faire avancer ces trois dossiers dans le même sens. Tout cela nous renvoie au plan de rénovation des villes moyennes que j’évoquais tout à l’heure, et où le volet économique est très présent.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Ma question, monsieur le secrétaire d’État, concerne la baisse des APL.
Cette décision est injuste, car elle frappera en premier lieu plus de 6 millions de ménages parmi les plus modestes et les plus précaires, qui perdront 60 euros de pouvoir d’achat chaque année. Elle est injuste, car elle devra être compensée par une baisse des loyers HLM, sans aucun avantage pour les locataires. Par répercussion, elle coûtera aux organismes d’HLM près de 1,7 milliard d’euros par an et elle les obligera à augmenter les loyers des locataires ne disposant pas d’APL, via les surloyers.
Cette décision est aussi contre-productive, en premier lieu pour les offices d’HLM, qui verront leur capacité d’investissement gravement compromise, que ce soit pour entretenir les bâtiments, pour les rénover ou pour en proposer de nouveaux de même qualité. Les manifestations négatives de cette décision se font d’ailleurs déjà sentir en Midi-Pyrénées, par exemple, où dix-neuf organismes de logement social ont décidé de suspendre provisoirement le lancement de nouveaux programmes et toutes les opérations en vente en l’état futur d’achèvement. Ces organismes n’auront pas d’autre choix que de recourir à la mobilisation des garanties d’emprunts accordées par les collectivités locales, ce qui les placera dans une situation fragile.
C’est une mesure contre-productive également pour l’activité économique du secteur du bâtiment, qui peine déjà à se relancer et qui pourra s’en trouver fortement réduite, fragilisant ainsi l’emploi local.
Elle est enfin contre-productive lorsqu’il s’agit de mettre en place la transition énergétique décidée par le précédent gouvernement, en finançant notamment la rénovation thermique des bâtiments.
Monsieur le secrétaire d’État, la politique du logement social est certes une question économique, mais c’est aussi une question culturelle : nous parlons là du modèle de société que nous voulons avoir, et nous voulons une société solidaire. Vous n’ignorez pas que la décision du Gouvernement, ajoutée à la baisse des aides à la pierre, compromettra fortement les réinvestissements des bailleurs et la construction de nouveaux logements sociaux, dont le besoin se fait quotidiennement sentir dans nos territoires.
Ma question est donc simple : a-t-on réellement mesuré l’impact que cette mesure allait avoir sur l’économie locale, particulièrement dans le secteur du bâtiment ? Nous soutenons, en France, le droit à des logements sociaux de qualité. Comment, avec une telle mesure, comptez-vous répondre à cette exigence ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, encore une fois, le Gouvernement a bien conscience que la réforme que nous souhaitons engager est compliquée et difficile à mettre en œuvre. Elle ne se fera pas du jour au lendemain et elle devra s’accompagner de beaucoup de discussions, car il faudra notamment prendre en compte toutes les inquiétudes.
Néanmoins, il convient d’être juste quand on aborde le sujet. Il ne s’agit absolument pas, je le répète encore une fois, de ponctionner les bailleurs sociaux de 1,7 milliard d’euros pour mettre cette somme dans les caisses de l’État. J’espère vous avoir suffisamment convaincus aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, de tout ce que nous proposerons aux bailleurs sociaux. Je pense aussi bien aux évolutions récentes qu’à celles que nous envisageons de mettre en œuvre. Pour rebondir sur les propos de Mme Létard, il est évident que ces discussions se poursuivront avec vous, au Sénat, dans le cadre du projet de loi de finances.
Je citerai un exemple très concret, madame la sénatrice, qui englobe plusieurs points de votre question. Le Gouvernement prévoit 3 milliards d’euros de prêt, à des taux très avantageux, en faveur de la rénovation énergétique. Par ailleurs, nous prévoyons également 600 millions d’euros d’un autre type de prêt, encore plus avantageux, toujours en faveur de la rénovation énergétique. Ces prêts seront consentis par l’État, qui prendra à sa charge les coûts, c'est-à-dire la bonification. Ce dispositif permettra, in fine, une diminution des charges via la rénovation énergétique des bâtiments.
Dans cette réforme, notre position est simple : l’objectif d’un bailleur social n’est pas de gagner de l’argent qu’il mettrait de côté, mais est bien plutôt de construire davantage et d’investir au mieux l’argent des locataires. Si, demain, nous diminuons les charges qui pèsent sur les offices, car ce sont eux qui paient les charges, même si les locataires en acquittent une partie, il nous paraît légitime en contrepartie que les offices contribuent à améliorer le système, y compris dans son volet APL. Tel est notre raisonnement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette réforme du logement social et de l’APL préoccupe les bailleurs sociaux et les élus. Je suis assez étonné de constater cet après-midi à quel point les différents intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, sont tous hostiles à cette réforme.
Monsieur le secrétaire d’État, cela a été dit et répété, mais j’enfoncerai le clou : moins d’investissements, c’est moins d’emplois pour nos entreprises locales. Quant aux collectivités, avec toutes les contraintes qui pèsent déjà sur elles, votre réforme les mettra en péril si elles doivent garantir les emprunts des opérateurs en cas de faillite. Vous les exposez donc à un danger supplémentaire, ce qui soulève une vraie inquiétude.
Par ailleurs, les sommes en jeu sont considérables et les pertes financières peuvent être énormes. De l’avis général, les compensations promises ne seront certainement pas à la hauteur.
Vous ne souhaitez pas ruiner les bailleurs sociaux, dites-vous. Je vous saurais gré dans ce cas de bien vouloir modifier votre politique.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne les difficultés d’application de la loi SRU, notamment dans les zones littorales.
Je suis élu de la Charente-Maritime où la politique foncière urbaine est strictement cadrée. Une commune de mon département vient d’apprendre la déprogrammation de quinze logements alors qu’elle doit rattraper un retard de construction. D’autres communes ont perdu leur droit de préemption au profit de l’établissement public foncier, qui peine également à réaliser des projets en raison du coût du foncier et du nombre insuffisant d’agréments régionaux. Je pense également à la situation des communes nouvellement soumises aux obligations de construction de logements sociaux en dehors du zonage bénéficiant des dispositifs d’aide.
M. le président. Il va falloir conclure !
M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d'État, envisagez-vous d’adapter les objectifs de construction aux territoires ? Quelle réponse pouvez-vous nous apporter pour garantir une politique de l’habitat efficace ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur l’impact de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018. Je ne saurais que redire avec insistance combien tout cela doit être jugé à l’aune de l’ensemble de la réforme que nous proposons, et pas uniquement de l’article 52. Il faut donc prendre à la fois en compte l’ensemble des financements que j’ai évoqués, l’ensemble de la réforme sur le regroupement portée par les offices et les sociétés d’HLM et l’ensemble de nos actions en faveur de l’accession sociale.
Permettez-moi de revenir un instant sur l’exemple que j’ai pris tout à l’heure de la diminution des charges liée à la rénovation énergétique. Si l’État finance l’efficacité énergétique et que les bailleurs sociaux peuvent la mettre en place à moindre coût, il est juste que les économies réalisées grâce à la baisse des charges soient redistribuées également aux locataires.
Tout à l’heure, j’ai évoqué la vente de logements en accession sociale. J’ai souligné que si l’on ne vendait ne serait-ce que 20 000 logements à 100 000 euros – chiffre pris totalement au hasard –, sur un parc de 4,5 millions de logements, cela représenterait 2 milliards d’euros de recettes, soit environ 10 % de l’ensemble des loyers versés chaque année. Vous imaginez quel impact cela pourrait avoir sur la diminution des loyers pour l’ensemble des locataires ! J’irai même plus loin, le département de la Charente-Maritime compte aujourd’hui 25 000 logements sociaux, 10 000 demandeurs en attente et 2 500 attributions chaque année. Or la vente d’un logement en accession sociale permet en moyenne d’en construire deux ou trois.
M. Philippe Pemezec. Deux et demi !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. La question fondamentale est la suivante : comment portez-vous cette réforme d’ensemble ? Certes, elle est compliquée à mettre en œuvre, parce que le système fonctionne en l’état depuis des années. Néanmoins, il nous faudra la porter jusqu’à la fin.
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay.
M. Jacques Le Nay. Monsieur le secrétaire d'État, samedi dernier, j’ai présidé l’assemblée générale de l’association des maires et présidents d’EPCI de mon département.
Les maires des communes périurbaines et rurales, mais également des communes insulaires, ont rappelé avec insistance les difficultés rencontrées pour répondre aux besoins de logement en raison des règles d’urbanisme. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je me permets d’appeler aujourd’hui votre attention sur les difficultés engendrées par la loi ALUR.
L’impossibilité de construire dans les hameaux entraîne une situation catastrophique, tant pour les propriétaires que pour les personnes désirant accéder à un droit à construire, souvent de jeunes ménages espérant bénéficier d’un prêt à taux zéro. La situation est bien entendu également catastrophique pour le tissu économique local.
Il ne faut pas se cacher derrière la protection des terres agricoles pour justifier cette position. Dans la quasi-totalité des cas, les dents creuses sont des bouts de jardin ou des parcelles de terre à l’abandon, au milieu des villages et hameaux, totalement inadaptées à l’agriculture. Ces espaces représentent, à l’évidence, un fort potentiel de foncier constructible disposant d’équipements et de réseaux déjà financés par les communes.
Autre constat : dans le cadre de la loi SRU, le mode de calcul pour le nombre de logements sociaux prend en compte l’ensemble des résidences principales de la commune, au lieu de considérer le seul périmètre aggloméré. Ce principe de calcul pénalise les communes étendues qui possèdent de nombreux écarts. Par corollaire, le taux de 20 % de logements sociaux devient très difficile à atteindre, d’autant plus que ces communes se trouvent souvent éloignées du cœur de leur bassin de vie.
Compte tenu des difficultés qui s’annoncent pour les bailleurs sociaux, ces collectivités territoriales vont se retrouver doublement pénalisées.
Après trois ans d’application de la loi ALUR, le constat est sans appel : la grande majorité des maires souhaite une évolution en urgence de certaines dispositions de cette loi pour honorer les objectifs fixés dans les PLH.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous envisager d’assouplir les dispositions de la loi ALUR en rendant constructibles les dents creuses dans nos villages et hameaux, ce qui aurait pour effet d’éviter aux maires de France les nombreux contentieux dont ils font l’objet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il ne faut pas toujours se cacher derrière des arguments. L’ingénieur agronome que je suis n’ignore rien de l’artificialisation des terres agricoles. Le sujet me fait revenir à mes premières amours, avec toutes mes convictions. Il n’empêche que l’artificialisation des zones agricoles ne se fait pas au centre d’un hameau, comme vous l’avez dit.
Les dents creuses aujourd'hui, je parle sous votre contrôle, la loi ALUR les permet déjà, dès lors qu’il s’agit d’un bâti. La question qui se pose est : pouvons-nous élargir le dispositif au foncier et ne pas le limiter uniquement au bâti ?
Dans le cadre du projet de loi Logement, en cours de préparation, nous n’avions pas identifié le sujet ; par conséquent, il n’a pas été abordé. Je serai très heureux de pouvoir en discuter avec vous en amont afin de voir s’il est possible d’aller dans le sens que vous souhaitez. Ce projet de loi sera présenté en conseil des ministres mi-décembre et devant le Parlement à partir du premier trimestre de 2018. Nous avons donc un peu de temps devant nous pour étudier la question.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le modèle économique du logement social en France s’articule autour de cinq spécificités : un équilibre financier à long terme ; l’absence de bénéfices distribués ; un loyer lié aux coûts de production ; la transformation des dépôts sur livret A en prêts à long terme via la Caisse des dépôts et consignations ; et le recours à des subventions publiques.
Ce modèle est en fait un « tout » d’une extrême cohérence. Il est technique et financier, il intègre la production et la gestion locative. Il est basé sur des articulations de dispositifs essentiellement publics : aide à la personne et aide à la pierre ; aides et prêts ; politiques nationales et locales. Il repose sur la sécurisation systémique de tous les acteurs, y compris les locataires.
Compte tenu des décisions prises par le Gouvernement sur la baisse des APL et l’obligation de baisse des loyers, et sur la diminution des aides à la pierre, compte tenu également des conséquences des nouvelles règles du jeu de la fiscalité de l’épargne affectant déjà les dépôts des livrets A, de l’augmentation des coûts de production des logements et de l’affaiblissement des capacités d’intervention des collectivités, ce modèle est de fait remis en question. Quel nouveau modèle le Gouvernement entend-il mettre en œuvre – car c’est de cela qu’il s’agit – et sur la base de quels principes ? Vous parlez vous-même de réforme, monsieur le secrétaire d'État.
Personnellement, je ne souhaite pas le changement de notre modèle. Je pense au contraire qu’il faut le renforcer en donnant à tous les organismes d’HLM le pouvoir effectif de répondre aux objectifs fixés d’intérêt général.
Dans cette optique de justice sociale et d’égalité des territoires, et au regard de la diversité des situations financières constatées, ne pensez-vous pas indispensable et urgent de mettre en œuvre une péréquation nationale au bénéfice des organismes les plus en difficulté, souvent situés en zones rurales, mais pas seulement, et ce sans dégrader la situation de ceux qui se portent bien ou mieux que les autres ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, le modèle global ne doit pas être modifié, car, comme je le dis souvent, je ne crois pas du tout au big-bang. Autrement dit, je déteste les équilibres instables. Il me semble en effet que l’on réforme plus vite en gardant un équilibre ; l’idée est plutôt de l’améliorer.
Je citerai un exemple très concret. Vous avez parlé du taux du livret A, qui est un bon élément pour le financement du logement social. Cependant, quand les taux sont extrêmement bas, comme c’est le cas aujourd'hui, le livret A coûte énormément d’argent aux bailleurs sociaux. Qui plus est, le taux du livret A varie chaque année. Ne nous leurrons pas, les bailleurs sociaux ne s’endettent pas au taux du livret A. À celui-ci, vient s’ajouter une marge de 1,1 % ou de 1,2 % en fonction du type de logement.
Lorsque les taux sont comme aujourd'hui très bas, pourquoi proposons-nous aux bailleurs sociaux des taux fixes avec un remboursement in fine ? Tout simplement parce que c’est plus intéressant pour eux que les taux du livret A qui, avec une telle marge, sont très élevés ! Voilà pourquoi je suis partisan de maintenir les équilibres, mais en cherchant à les améliorer. Par exemple, en fixant le taux du livret A pour donner de la visibilité et de la lisibilité ; je pense à des prêts de long terme, avec un taux fixe et un remboursement in fine.
En ce qui concerne l’aide à la pierre, ma conviction c’est que cela prendra du temps ; on continuera à alimenter le FNAP. Chaque année, vous débattez de savoir s’il faut ou non lui accorder davantage, mais il s’agit toujours de sommes au final assez faibles.
La vraie discussion que nous avons avec les bailleurs sociaux est la suivante : si, demain, ils vendaient 20 000 ou 30 000 logements, contre 8 000 aujourd’hui, puisque ces logements ont bénéficié d’une subvention d’État, et aussi d’ailleurs du FNAP, pourquoi ne pas envisager qu’une partie du montant de chaque vente aille directement alimenter ce fonds ? Cela créerait un système où la vente viendrait financer elle-même la nouvelle construction. Si l’on pouvait arriver à mettre sur pied un tel ensemble, nous pérenniserions totalement le volet de l’aide à la pierre dans un équilibre stable.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le secrétaire d’État, comme d’autres collègues, je souhaite vous alerter sur le danger qui guette nos bailleurs sociaux, lesquels n’auront plus la même capacité qu’aujourd'hui pour investir dans les territoires ruraux faute d’autofinancement – ce sera notamment le cas dans mon département, la Mayenne.
Les bailleurs sociaux ruraux seront mis en grande difficulté par la contrainte des baisses de loyers qui leur sera appliquée. En effet, le taux d’APL est élevé dans les territoires, car les locataires ont des revenus souvent très modestes, et le prix des loyers est globalement peu élevé puisqu’il se situe 15 % en dessous des maximums autorisés.
Le projet de loi de finances pour 2018 actera donc une baisse de 30 à 50 euros des loyers pour les locataires qui bénéficient des APL. Pour les bailleurs sociaux de mon département, cette diminution imposée représentera une perte d’environ 7 millions d’euros, ce qui est considérable. Une telle mesure aura une incidence sur l’entretien du patrimoine et sur les capacités d’accompagnement. Des effets se feront aussi sentir sur les entreprises du bâtiment et des travaux publics, ainsi, bien sûr, que sur l’emploi local. Cette baisse impactera également l’État, au travers de la TVA. Néanmoins, les grands perdants seront les ménages eux-mêmes, en particulier les plus fragiles d’entre eux : une telle mesure aura un impact sur la modernisation des logements du parc social et affectera directement leur cadre de vie.
Monsieur secrétaire d’État, quelles contreparties envisagez-vous à cette baisse pour que nos bailleurs sociaux puissent continuer à investir ? Il convient de tenir compte du fait que les bailleurs sociaux permettent souvent dans les territoires ruraux le lancement d’opérations privées, notamment dans les centres-bourgs. En les fragilisant, vous obérez les possibilités d’opérations nouvelles. Dans ce domaine, comme dans d’autres, il importe de bien faire le discernement entre des territoires urbains et les territoires ruraux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison. J’ai déjà évoqué au fur et à mesure de mes réponses précédentes les contreparties que le Gouvernement entend mettre en place pour soutenir l’activité et l’ensemble des bailleurs : 3 milliards d’euros de prêts pour l’efficacité énergétique ; stabilisation du taux du livret A ; 2 milliards d’euros de prêts de haut de bilan ; 4 milliards d’euros de prêts à taux fixe in fine ; 30 milliards d’euros de rallongement de dette ; et 600 millions d’euros de prêt éco-PTZ.
M. Philippe Dallier. C’est formidable, on se demande pourquoi cela ne convient à personne ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Toutes ces mesures constituent une énorme manne financière.
La difficulté, c’est que les cas sont très différents selon les offices. Votre département constitue un bon exemple. J’ai en tête un office sur votre territoire dont la situation est déjà complexe et pour lequel les outils de financement que nous proposons ne sont pas forcément adaptés. Comment faire pour que certains bailleurs ne se retrouvent pas significativement impactés quand d’autres en tireraient uniquement profit ? Car j’ai cité l’exemple d’un organisme qui retirerait de toutes ces mesures un gain positif.
À mon sens, la difficulté se réglera grâce à la mutualisation et à la péréquation, en mettant en place une organisation entre les différents acteurs. Nous discutons d’ailleurs en ce moment de tout cela avec eux. Quoi qu’il en soit, soyez rassuré, nous avons bien présent à l’esprit le cas que vous avez évoqué.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2018, le prêt à taux zéro pour la construction de logements neufs est supprimé dans les zones dites « non tendues », soit les zones B2 et C. Cela représente 93 % des communes, essentiellement rurales, et 60 % de la population. S’ajoute à cela la suppression inacceptable de l’APL accession.
Le 6 octobre dernier, le Président de la République a annoncé le maintien du PTZ dans le neuf encore deux ans en zone rurale. Toutefois, le montant maximal du prêt à taux zéro accordé aux ruraux ne pourra pas dépasser 20 % de l’emprunt total, contre 40 % actuellement. Renchérir ainsi le coût de l’accession à la propriété pour les ménages modestes dans les zones rurales aura des effets non souhaitables : éloigner les familles les plus modestes de l’acquisition d’une construction neuve ; ramener ces familles qui souhaitent investir dans le neuf dans les villes, qui souffrent déjà d’une concentration de personnes à faibles ressources, a contrario des efforts de mixité sociale ; mettre en difficulté l’artisanat et l’économie locale hors des grands centres urbains. Vous n’avez d’ailleurs pas répondu à la question que ma collègue Viviane Artigalas vous a posée sur ce point précis. J’espère obtenir ici une réponse claire de votre part.
Par ailleurs, nous constatons dans nos communes que les bailleurs sociaux ne veulent plus investir dans les territoires ruraux. De fait, le manque d’investissement dans le parc HLM des zones rurales commence à se faire ressentir durement. Il devient ainsi indispensable de rénover les bâtiments construits dans les années quatre-vingt-dix. Nombre de ces logements sont de véritables « passoires énergétiques » et engendrent des charges parfois supérieures au loyer. L’APL, même diminuée, perd ainsi beaucoup de son sens, car elle ne porte que sur le loyer.
Les bailleurs sociaux ne peuvent ni effectuer les investissements nécessaires ni se séparer des logements pour des raisons comptables. J’aimerais donc proposer des pistes pour leur permettre de transmettre leur patrimoine en zones rurales sans aggraver leurs difficultés actuelles. Ne pourrait-on, par exemple, envisager de mettre en place un dispositif facilitant l’acquisition de ces bâtiments par les communes qui souhaitent revitaliser leurs bourgs et mener des programmes sociaux ?
De plus, dans le cadre de la « stratégie logement » du Gouvernement, il est prévu de faciliter l’accession des locataires à la propriété en sécurisant l’achat-vente grâce à une structure dédiée. Cette structure viserait à simplifier et à multiplier le nombre de ventes à l’occupant à moyen terme, portant leur nombre à 40 000 logements par an. Pouvez-vous nous préciser ce dispositif ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question est très dense et comporte de nombreux aspects. Je commencerai par le dernier point que vous avez abordé, à savoir le dispositif visant faciliter l’accession sociale à la propriété.
Aujourd'hui, pour faciliter l’accession sociale – je parle vraiment d’accession sociale et pas du tout de la vente à des institutionnels, qui plus est privés –, plusieurs dispositifs existent. Un certain nombre de mécanismes mériteraient d’ailleurs être simplifiés tant cela relève un peu du parcours du combattant pour les offices d’HLM qui souhaitent promouvoir l’accession sociale. Il serait important que nous puissions travailler à la chose ensemble dans le projet de loi Logement, car toutes les idées sont bonnes à prendre.
En ce qui concerne la copropriété, vous savez aussi bien que moi que les bailleurs sociaux n’en sont pas fans – c’est même un euphémisme ! On peut le comprendre, puisque ce n’est pas leur métier.
M. Philippe Pemezec. Ils savent faire !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Comment faire pour améliorer la situation ? Là aussi, le projet de loi Logement explorera un certain nombre de pistes. Nous avons notamment discuté avec Action logement et l’Union sociale pour l’habitat de la mise en place d’une structure qui rachèterait directement des immeubles. Cette structure saurait gérer de la copropriété, puisque telle serait sa finalité. L’idée est que les bailleurs qui le souhaitent, puisque certains n’en sont pas fans, puissent racheter directement un bloc de logements pour faire de la copropriété.
En ce qui concerne le deuxième volet de votre question, effectivement la quotité du prêt à taux zéro a diminué dans le neuf en zone rurale. Nous avons fait ce choix après de nombreuses discussions avec les parties prenantes ; il ne s’agit pas d’une quotité que nous avons inventée ou tirée de notre chapeau. Je vous ferai remarquer qu’elle ne diminue pas dans l’ancien. Cela répond à une partie de votre question : comment revitaliser plutôt que reconstruire dans le neuf ? C’est un vrai sujet. L’outil PTZ ancien versus PTZ neuf en zones B2 et C est aussi un outil d’aménagement du territoire, certes compliqué, avec des effets collatéraux, mais que nous avons essayé de bien calibrer.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, le rôle des bailleurs sociaux dans nos villes moyennes et dans nos centres-bourgs est déterminant.
Avec une production annuelle de 230 logements, 90 logements démolis et 50 logements vendus aux locataires, l’office d’HLM de l’Aisne et de Laon, que je présidais encore il y a quelques jours, est un acteur local indispensable au territoire : 200 logements réhabilités thermiquement par an, 50 millions d’euros d’investissements annuels, plus de 500 emplois non délocalisables.
Notre bailleur local revitalise nos centres-bourgs en transformant les anciens bâtiments publics, en reconvertissant des friches, en construisant des logements adaptés aux seniors près des commerces et des équipements. La promotion privée n’est pas là pour le faire, car il n’existe pas de marché sur nos territoires. Les très gros bailleurs HLM ne s’intéressent qu’aux métropoles régionales. Seuls les bailleurs locaux permettent de moderniser l’habitat de l’Aisne de façon visible. Ils ne doivent pas devenir des agences locales de gros bailleurs HLM lointains. Or, dans l’une de vos réponses, vous avez affirmé que l’objectif était bel et bien de favoriser les gros offices.
Pourtant, la France doit enrayer une dynamique de fracture territoriale très engagée. Sur un territoire comme l’Aisne, seuls les bailleurs locaux répondent à l’appel. Comment, monsieur le secrétaire d'État, avez-vous pu proposer une loi qui peut réduire à néant la capacité d’investir de nos OPH ? Comment avez-vous pu proposer une loi sans mesurer ni simuler les conséquences sur notre territoire ?
La réduction de loyer de solidarité que vous souhaitez imposer aux bailleurs sociaux pour compenser la baisse des APL va transformer un office HLM sain en un office HLM déficitaire. En ce qui concerne mon office, plus de 6 millions d’euros par an sont en jeu. Le voilà déficitaire et rendu par vos mesures incapable d’investir !
Monsieur le secrétaire d’État, vous proposez des compensations très floues à ce jour. Elles sont pour la plupart inadaptées pour nos territoires fragiles et prioritaires de fait.
Vous nous demandez de voter un projet de loi de finances dont l’article 52 relatif au logement social n’est pas abouti dans son analyse des risques. Vous exposez ainsi les collectivités ayant garanti les emprunts des bailleurs, que votre projet de loi rend déficitaires, et les placez donc, concrètement, en situation de mettre en jeu ces garanties.
Je vous invite, comme l’a très bien fait Daniel Dubois dans son propos introductif, à repousser cette mesure et à prendre le temps de la tester sur notre office avant d’entériner une loi nuisible dans sa formule actuelle pour la cohésion de nos territoires, cohésion à laquelle nous vous savons pourtant par ailleurs attaché.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, il s’avère que, dans le département que vous représentez, le secteur est beaucoup plus performant qu’ailleurs, avec 40 000 logements sociaux pour environ 5 000 demandes et 3 000 attributions chaque année, ratios qui se situent dans la fourchette la plus haute.
Vous avez tout à fait raison, il ne faut pas casser une dynamique, surtout dans les territoires comme le vôtre où ça marche. Bien sûr, tout peut toujours mieux fonctionner : 2 000 personnes n’ont tout de même pas accès au logement social chaque année. Il n’empêche que le système fonctionne déjà bien, et en tout cas beaucoup mieux que dans beaucoup d’autres territoires.
C’est l’exemple concret d’un office en perpétuelle activité, comme vous l’avez dit. C’est pourquoi la piste de la TVA, également mentionnée par M. Dubois dans son propos introductif, est intéressante pour les organismes HLM comme ceux de votre territoire.
Vous estimez que tous les financements que j’évoquais sont un peu flous : s’ils peuvent être difficiles à appréhender, ils ne sont pas flous, et ils ont en plus fait l’objet de communications très précises avec l’ensemble des bailleurs sociaux. Ils sont, c’est vrai, d’autant plus favorables que l’activité est forte. Or la TVA est aussi un vecteur d’activité. C’est pourquoi les offices et les sociétés nous demandent d’étudier avec eux cette piste, qui est très compatible avec l’activité.
Nous avons donc bien en tête la situation que vous décrivez. Nous en discutons, et nous aurons l’occasion d’en rediscuter au Sénat avec vous.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi SRU est un texte complexe qui a modifié en profondeur le droit de l’urbanisme et du logement en France.
Son article le plus notoire est l’article 55, qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants – 1 500 en Île-de-France – de disposer de 25 % ou de 20 % dans certains cas de logements sociaux à l’horizon 2025.
Cette loi, appliquée de manière comptable et dogmatique, soulève des difficultés.
Ainsi, certaines communes ayant fait le choix de l’intercommunalité ou se trouvant dans l’obligation de le faire à la suite de la réforme territoriale, se retrouvent contraintes d’appliquer les taux de logements sociaux obligatoires alors que ces derniers sont manifestement inadaptés à la réalité de territoires essentiellement composés de bourgs avec un habitat majoritairement pavillonnaire et encore éloignés des bassins d’emplois.
La question du logement social doit s’apprécier, sur un territoire donné, de manière globale.
Certaines communes possèdent peu de terrains constructibles. Elles peuvent, à l’inverse, avoir sur leur territoire des espaces naturels protégés ou des zones d’intérêt patrimonial remarquables.
Il semblerait donc logique que les injonctions faites aux communes et communautés d’agglomération pour réaliser des logements sociaux prennent en compte ces espaces spécifiques en minorant d’autant le taux obligatoire de logements sociaux.
Aussi, je souhaiterais savoir quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour établir une analyse objective des besoins et capacités réels des communes, afin d’éviter des coupures d’urbanisation sur des zones présentant un intérêt sur le plan environnemental et paysager.
On ne peut à la fois vouloir préserver un territoire de l’urbanisation dans un texte et prétendre imposer une urbanisation dans un autre, les deux s’appliquant en même temps à un même territoire !
Ne pourrait-on pas plutôt apprécier les efforts réalisés par les communes au regard des contraintes réelles et ne pas se contenter d’un examen exclusivement comptable des logements construits ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, c’est un débat que nous avons évoqué à plusieurs reprises.
Votre territoire compte à peu près 110 000 logements sociaux. Chaque année, 6 000 sont attribués, alors que le nombre de demandeurs est de 32 000. Il faudrait donc environ un quart de logements sociaux supplémentaires pour combler le manque.
J’entends totalement la difficulté et, étant ingénieur agronome de formation, je connais par cœur le sujet de l’artificialisation des sols. On sait que, dans certaines zones, il faut densifier. Construire des maisons autour d’une gare, en termes urbanistiques, c’est aberrant. C’est d’ailleurs un des objets du Grand Paris : il faut non pas construire des petits pavillons autour des gares, mais développer des projets d’urbanisation forte, dense, parce qu’il y a le tramway et le métro. Dans d’autres zones, on peut relâcher la pression, mais il y a une difficulté quand, pour 110 000 logements, il y a 32 000 demandes en attente. Relâcher la pression, c’est mettre beaucoup de personnes sur la touche.
Idéalement, vous avez raison, monsieur le sénateur, il faudrait réussir à territorialiser au maximum. Mais la question qui se pose à nous tous, alors que le déficit de logements est tel, est de savoir si l’on peut ouvrir ce chantier en prenant le risque de laisser penser qu’on peut être cool s’agissant de l’atteinte des objectifs. À ce stade, nous avons décidé de ne pas y toucher : le projet de loi sur le logement n’a pas de composante SRU, mais c’est évidemment un débat que nous aurons au Parlement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.
M. Philippe Pemezec. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes pas de la même sensibilité, mais nous ne voulons pas pour autant votre échec ! Je ne suis pas constructif, mais je suis positif, et j’ai surtout envie que notre pays réussisse.
J’ai entendu vos réponses aux nombreuses interrogations, qui sont d’ailleurs aussi les miennes, de mes collègues, mais, alors que notre débat prend fin, je ne comprends toujours pas votre politique. Vous voulez d’un côté construire des logements et rénover le patrimoine, et, en même temps, vous baissez les moyens financiers des organismes sociaux, avec toutes les conséquences déjà longuement évoquées. Non seulement c’est démagogique, mais c’est surtout une catastrophe pour nos communes !
Votre politique va inévitablement, même si vous vous voulez rassurant, forcer les bailleurs sociaux à faire jouer les garanties d’emprunt que les communes leur ont accordées. En cascade, on va encore une nouvelle fois mettre les communes en difficulté. Nos locataires, qui sont au cœur du sujet, ne vont plus bénéficier des travaux d’entretien, de réhabilitation, de rénovation. C’est une véritable catastrophe.
Où est la cohérence dans tout cela ? Je m’interroge. J’ai un peu le sentiment que vous voulez assassiner les offices publics, pensant trouver là un trésor caché qui n’existe pourtant pas.
Surtout, si vous voulez absolument que les offices vendent du logement social, vous savez qu’il faut, dans le même temps, reconstituer le patrimoine. Or les offices ne pourront y parvenir que s’ils en ont les moyens financiers. Si on les leur coupe, cela leur sera impossible, et votre politique ne pourra pas être menée à son terme.
Dans ma ville, j’ai 40 % de logements sociaux. J’ai besoin que ce patrimoine soit entretenu. Non seulement je n’aurai plus de travaux, mais je vais en plus devoir faire jouer les garanties, qui couvrent 80 % des emprunts engagés !
Monsieur le secrétaire d’État, j’attends que vous nous rassuriez de façon claire. Pourquoi voulez-vous remettre en cause un système de financement qui fonctionnait bien jusqu’à présent ?
Seconde petite question brève sur les attributions de logements : qui est mieux placé que le maire pour attribuer le logement ? Or, dans la précédente loi, on a fait en sorte que ce soit le préfet qui réattribue les logements sans avoir connaissance des lieux, pas même de leur cage d’escalier !
Il faut que vous fassiez confiance aux élus locaux. Vous avez l’air de les estimer et de les porter dans votre cœur, même si vous ne l’avez vous-même jamais été : il faut leur redonner le pouvoir d’attribuer les logements sociaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je profite de ma dernière prise de parole pour vous remercier toutes et tous de ce débat.
Oui, j’ai essayé d’être rassurant, mais en parlant avec beaucoup de franchise et de conviction. J’ai tenté de vous expliquer, de manière didactique, quel était le sens de la réforme que nous portons, quels étaient les éléments que nous proposions aux uns et aux autres, et quelle était notre boussole. Il s’agit de faire en sorte qu’aucun locataire allocataire ne soit pénalisé et de répondre à l’attente de 1,5 million de ménages qui n’ont pas accès au logement social.
Quelle est notre politique ? La résumer en une unique phrase serait concis, mais forcément trop court… Je dirai cependant que j’ai l’intime conviction que le système actuel, qui ne repose que sur les APL, n’est pas pérenne. Nous avons donc un choix. Je l’ai dit dans mon propos introductif, il y a quarante ans on a fait celui de l’aide personnelle au logement. Aujourd’hui, c’est une erreur : 18 milliards chaque année, contre 14 milliards il y a quelques années, et 24 milliards prochainement, ce n’est pas tenable. On peut essayer de se persuader du contraire, mais c’est difficile alors que les aides personnelles au logement représentent la moitié du budget de la défense nationale et que, dans le même temps, un Français sur six se considère comme étant en déficience de logement !
Il faut donc réformer le système pour être moins dépendants des APL, en trouvant des dispositifs plus justes, plus innovants, en améliorant les financements, en favorisant l’accession, qui alimente l’aide à la construction tout en permettant le parcours résidentiel, ou encore en rénovant énergétiquement les bâtiments.
C’est une telle approche qui nous fera passer d’un système qui continue inexorablement à prendre de l’ampleur à un système beaucoup plus pérenne et qui nous permette in fine de construire plus au bénéfice du 1,5 million de ménages en attente.
Voilà la logique. C’est difficile, et il aurait été beaucoup plus simple de ne rien faire. Cette logique n’est pas purement budgétaire. Certes, il y a un volet budgétaire, puisque les APL dérivent, mais ce n’est pas uniquement sur ce plan que se situe notre objectif, loin de là, et j’espère vous en avoir convaincus : nous voulons inverser la tendance et remettre le système dans le bon sens en alignant les intérêts.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? »
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre disponibilité et des réponses que vous avez apportées.
5
Service public d'eau potable
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable (proposition n° 703, [2016-2017], texte de la commission n°32, rapport n°31).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la proposition de loi.
M. Bernard Delcros, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout au long de mon parcours d’élu local, comme maire d’un tout petit village du Cantal et président d’une intercommunalité rurale, j’ai pu mesurer combien, au fil des ans, l’accumulation d’obligations, de démarches en tous genres, de réglementations, de procédures a complexifié la tâche des élus locaux et combien elle pénalise parfois les territoires, tout particulièrement dans les petites collectivités, qui ne disposent pas des services administratifs et techniques pour faire face à ces obligations subies.
Parmi ces obligations, certaines sont bien entendu nécessaires, et c’est le rôle des élus de les mettre en œuvre, mais d’autres sont parfois rendues inopérantes, incompréhensibles, voire contradictoires ou inefficaces, par leur empilement.
Je pense donc que, tout en veillant à accompagner les nécessaires mutations environnementales et sociétales, nous devons aussi avoir le souci permanent de simplifier, de clarifier, d’alléger les procédures. C’est aussi un gage d’efficacité !
Cela me semble possible dans de nombreux domaines, non pas en faisant de grandes révolutions, mais en prenant des mesures simples, pragmatiques, concrètes qui correspondent aux réalités du terrain.
C’est précisément l’objet de la proposition de loi que je vous soumets, au nom – j’y reviendrai – de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que préside notre collègue Jean-Marie Bockel.
De quoi s’agit-il ?
La simplification que je vous propose concerne le service public de distribution d’eau potable, qu’il soit géré par la collectivité compétente en régie ou confié à un délégataire. Il s’agit de simplifier la procédure de déclaration de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau et d’éviter que les collectivités subissent à tort une pénalité financière par le doublement de la redevance.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Au cours d’une même année, les collectivités sont soumises à deux obligations.
La première doit être remplie avant le 1er avril, date à laquelle elles doivent transmettre à l’agence de l’eau la « déclaration pour prélèvement sur la ressource en eau », faisant apparaître les indicateurs de performance de l’année n-1.
C’est à partir de cette déclaration, fondée sur des données non consolidées, que les agences calculent le montant de la redevance et appliquent un éventuel doublement de cette redevance si les indicateurs de performance ne répondent pas aux critères fixés par l’agence.
Poursuivons. Après cette première déclaration d’avril arrive la seconde déclaration, celle du 30 septembre, par laquelle les collectivités doivent publier « le rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’eau potable », ou RPQS, cette fois avec des données consolidées. Tant pis pour les collectivités qui auront été indûment pénalisées !
Voilà donc une situation incompréhensible pour les collectivités, qui sont contraintes de communiquer les mêmes indicateurs de performances deux fois par an, à quelques mois d’intervalle, en avril puis en septembre.
Pour couronner le tout, à cette situation s’ajoute une autre incohérence. Lorsque la gestion du réseau a été déléguée à un tiers, le délégataire est tenu de fournir à la collectivité compétente les données consolidées nécessaires à la déclaration d’avril, non pas avant le 1er avril, mais avant le 1er juin !
La pénalité n’est pas anecdotique : le Conseil national d’évaluation des normes estime qu’elle représente environ 15 % du coût global des majorations. On voit bien que cette situation est aberrante et le dispositif inefficace. Le CNEN évalue le surcoût de cette « majoration abusive » à environ 528 000 euros par an.
La proposition de loi vise tout simplement à rectifier cette incohérence de dates, à simplifier la procédure de déclaration et à protéger les collectivités d’un doublement indu de la redevance.
Comment ?
L’article 1er vise à empêcher le doublement à tort du taux de la redevance, du fait de données non consolidées avant le 1er avril, en fondant la déclaration de la redevance sur les indicateurs de performances non pas de l’année n-1, mais de l’année n-2, donc à partir des données consolidées publiées dans le rapport du mois de septembre de l’année n-1. Ainsi, le surcoût annuel de 528 000 euros serait supprimé.
L’article 2 tend à rapprocher les obligations déclaratives existantes en imposant aux agences de l’eau de préremplir la déclaration de redevance d’avril, puisque les agences disposeront des éléments pour le faire à partir du rapport qui aura été présenté le 30 septembre de l’année précédente.
Ainsi, les collectivités auraient à fournir leurs indicateurs de performance une seule fois, lors de la présentation du rapport en septembre.
L’article 3 prévoit la suspension pendant deux ans du doublement du taux de la redevance, quels que soient les indicateurs de performance constatés. Ainsi, ce doublement ne serait pas appliqué en 2020 et en 2021 pour les manquements constatés en 2018 et en 2019, ce qui offrirait aux collectivités une période de transition sécurisée sans majoration de redevance.
Enfin, l’article 4 a pour objet l’entrée en vigueur de cette loi au 1er janvier 2020.
La commission a un peu ajusté le texte pour permettre à l’outre-mer de bénéficier de ce dispositif ; j’y suis évidemment extrêmement favorable.
Pour terminer, je tiens à rappeler l’origine de cette proposition de loi.
Elle s’inscrit dans le cadre de la mission de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, mission qui a été confiée à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par un arrêté du bureau du Sénat de novembre 2014, dossier sur lequel s’investit beaucoup notre collègue et ami Rémy Pointereau.
La proposition de loi s’inscrit aussi dans la charte de partenariat signée en avril 2016 par Gérard Larcher, président de notre assemblée, par Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes, et par Jean-Marie Bockel, président de la délégation. Cette charte a pour objet de favoriser les synergies entre la délégation et le CNEN afin de rendre plus efficace notre action en faveur de la simplification des normes.
C’est dans ce cadre que le CNEN a saisi le 1er février 2017 notre délégation, qui a bien voulu confier à notre ancien collègue René Vandierendonck, qui a fait le choix de ne pas se représenter et que je le salue au passage, et à moi-même le soin d’élaborer cette proposition de loi.
Afin d’aboutir à une proposition partagée, nous avons souhaité établir un maximum de concertation avec l’ensemble des partenaires concernés. Nous avons organisé le 20 juin dernier une table ronde, comprenant le CNEN, la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, et le ministère de la transition écologique et solidaire.
Après un travail approfondi et de nombreux échanges, au cours de la table ronde et par la suite, nous avons abouti à une solution équilibrée, appuyée par l’ensemble des acteurs. Je tiens à remercier tous les partenaires et tous les participants à cette table ronde pour leur engagement et pour leur esprit d’ouverture : ils nous ont permis de trouver la solution que je vous propose.
Je vous invite, mes chers collègues, à donner une suite opérationnelle à cette mesure de simplification, car ce qui compte est qu’elle puisse s’appliquer, en approuvant cette proposition de loi. (Applaudissements.)
(M. Philippe Dallier remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Médevielle, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour discuter de la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable.
Cette proposition de loi a été déposée par nos collègues Bernard Delcros et René Vandierendonck 1er août 2017. Elle a été cosignée par plusieurs membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il s’agit ainsi d’une initiative transpartisane, démarche que je salue.
Le texte répond à un problème bien identifié dans le domaine du service public d’eau potable, qui a été soumis au Sénat en application du partenariat conclu le 23 juin 2016 entre le président du Sénat, Gérard Larcher, le président de la délégation aux collectivités territoriales, Jean-Marie Bockel, et le président du Conseil national d’évaluation des normes, notre ancien collègue Alain Lambert.
Chargés de cette saisine, nos collègues Bernard Delcros et René Vandierendonck ont mené un important travail de concertation avec les différentes parties prenantes avant d’élaborer ce texte. Je tiens à les saluer pour la justesse et le pragmatisme de leurs propositions.
En effet, ce texte donne une solution concrète à des difficultés administratives réelles que rencontrent de nombreux élus locaux. Il s’agit, en substance, d’un problème de calendrier pour la transmission de certains indicateurs qui conduit parfois à une majoration indue de la redevance pour les prélèvements destinés à l’alimentation en eau potable.
En décalant d’un an la transmission de ces indicateurs, le texte permettra une application stable du mécanisme de majoration.
Par ailleurs, en prévoyant le préremplissage par l’agence de l’eau de la déclaration à effectuer avant le 1er avril, à partir des éléments transmis au préalable dans le cadre du rapport sur le prix et la qualité de service, il réduira également la charge administrative imposée aux élus locaux.
Cette initiative parlementaire illustre parfaitement le rôle constitutionnel de représentant des collectivités territoriales du Sénat. Elle témoigne aussi de notre engagement en faveur de la simplification des normes, qui s’appuie depuis plusieurs années sur une mission spécifique, particulièrement active, dirigée par notre collègue Rémy Pointereau au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Enfin, ce texte concrétise le partenariat établi avec le Conseil national d’évaluation des normes. En ce sens, il montre la voie à suivre pour, je l’espère, de nombreuses autres initiatives de simplification dans les prochaines années – nous en avons grand besoin.
Comme l’a fait notre commission, qui a, il faut le souligner, adopté la proposition de loi à l’unanimité, je vous invite, mes chers collègues, à la soutenir sans réserve. Nous ferons ainsi œuvre utile en faveur des collectivités territoriales.
Permettez-moi de conclure en évoquant de façon plus globale la question de l’eau dans nos territoires.
La qualité de l’eau nécessite une attention permanente, non seulement pour assurer l’alimentation en eau potable, mais également pour lutter contre les pollutions et pour préserver les écosystèmes. La réduction des contaminations résultant de l’usage de pesticides – sujet d’actualité – ou de certains engrais doit être une priorité et s’accompagner de l’identification de solutions de substitution pour nos agriculteurs.
Par ailleurs, dans les prochaines années, la ressource en eau va devenir de plus en plus rare et précieuse, dans un contexte de changement climatique. Le niveau de perte sur les réseaux d’eau potable est en moyenne de 20 %. Autrement dit, un litre sur cinq est perdu dans les réseaux à cause de fuites, soit un milliard de mètres cubes par an pour la France entière. Il est indispensable de poursuivre nos actions pour réduire ces pertes.
À l’avenir, la gestion de l’eau devra permettre de mieux la préserver et de résoudre les conflits d’usages, qui vont se multiplier. Au-delà du présent texte, nous devrons donc être très vigilants et actifs sur ce sujet afin d’assurer une utilisation raisonnée, équitable et durable de ce bien commun. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, et sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, cher Pierre Médevielle, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une proposition de loi innovante dans sa genèse qui nous réunit sur l’initiative de Bernard Delcros et de votre ancien collègue René Vandierendonck, initiative dont je les remercie.
Des collectivités ont alerté le Conseil national d’évaluation des normes de difficultés administratives. Un diagnostic a été effectué et il est apparu nécessaire de faire évoluer la loi. Grâce à un partenariat conclu entre le CNEN et le Sénat, les parlementaires ont trouvé une solution, en réunissant l’ensemble des acteurs concernés, les collectivités et les représentants de l’État, cela dans un délai finalement assez bref. En effet, la saisine initiale du CNEN par les collectivités ne date que de quelques mois.
Ce processus illustre parfaitement la logique transpartisane qui doit nous guider pour améliorer l’efficacité collective de nos institutions et pour rechercher la simplification de nos mécanismes administratifs, simplification que le Gouvernement met en œuvre. Je pense notamment à l’empilement que vous avez si bien décrit, monsieur le rapporteur, du haut de votre expérience d’élu local.
En l’espèce, cette méthode a trouvé à s’appliquer au mécanisme de déclaration, par les collectivités, des informations nécessaires au calcul des redevances aux agences de l’eau, s’agissant en particulier de la mise en œuvre du dispositif de doublement de la redevance pour prélèvement d’eau pour l’usage « alimentation en eau potable » lorsque certaines conditions de diagnostic ou de rendement des réseaux ne sont pas réunies.
L’application de ce dispositif d’incitation fiscale pour encourager les collectivités à faire des économies d’eau, bien qu’essentielle à la rénovation de nos réseaux de distribution, s’est en effet avérée administrativement complexe à l’usage. Elle pèse, comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, sur nos collectivités locales.
La solution consiste à décaler d’un an la majoration de la redevance afin de leur laisser le temps nécessaire pour transmettre aux agences de l’eau les données techniques nécessaires au calcul. Cela évitera l’émission de titres de redevance majorée donnant lieu à des rectifications et des surcharges administratives inutiles.
Enfin, cette proposition de loi constitue aussi une bonne application du principe « dites-le-nous une fois » en permettant aux agences de l’eau d’utiliser des informations déjà transmises par les collectivités dans un autre cadre.
Je tiens à remercier de nouveau les parlementaires, qui ont su écouter les acteurs concernés et trouver une solution équilibrée. Tout en préservant l’esprit des textes et en assurant la poursuite de la modernisation de nos réseaux, cette solution simplifiera le travail des collectivités sans aggraver la charge de travail des agences de l’eau, qui effectuent depuis plusieurs années un effort de maîtrise de leurs effectifs.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, de même que la proposition d’extension de la simplification aux offices de l’eau des départements d’outre-mer.
Je défendrai simplement trois amendements rédactionnels visant à améliorer encore la lisibilité du texte et donc à faciliter son application par les agences et offices de l’eau et leurs redevables. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi technique vise à répondre à un problème concret auquel sont confrontées les collectivités. En effet, ces dernières sont parfois amenées à subir indûment une majoration des redevances sur l’eau, ce qui ne semble pas souhaitable dans le cadre de la baisse continue des dotations.
Néanmoins, nous formulons plusieurs réserves.
Premièrement, si la simplification proposée constitue un réel progrès pour les collectivités, qui n’auront plus qu’une seule déclaration à remplir, elle représente un lourd transfert de charge pour les agences de l’eau. Celles-ci devront développer des techniques informatiques et former des personnels à remplir leurs nouvelles missions. Or la situation des agences de l’eau est tendue puisqu’elles verront leurs moyens financiers et humains réduits dans le cadre de la loi de finances pour 2018.
Une telle situation aura des conséquences écologiques et économiques, au détriment de la gestion patrimoniale des réseaux d’eau et d’assainissement.
Deuxièmement, comme gage de stabilité pour les collectivités locales, la majoration du taux de la redevance liée à un mauvais entretien ne serait pas appliquée durant deux années. Si les collectivités ne doivent pas être inutilement pénalisées, nous considérons toutefois qu’il est nécessaire de prendre en compte l’état des réseaux, dans un souci d’incitation à la préservation de la ressource.
Je veux dire un mot des territoires de montagne. Le prélèvement sur la ressource est parfois plus important que ce qui serait nécessaire. Cette situation héritée d’aménagements anciens a permis, par le versement de trop-pleins d’eau, de créer une biodiversité particulière. Certaines communes de montagne sont inutilement taxées, alors qu’il n’est pas souhaitable de modifier le mode fonctionnement. Cette situation mériterait également une réglementation adaptée.
Pour finir, il convient de lier les difficultés des collectivités à fournir des éléments aux agences de l’eau à leur perte globale de savoir-faire dans ce domaine. Il faut donc agir non pas uniquement en allégeant les normes, mais également en leur apportant un véritable accompagnement dans l’exercice de leur mission de service public de l’eau.
Cet accompagnement doit se réaliser au travers d’une structure nationale dotée d’un corps de fonctionnaires formés, structure indispensable pour fournir aux élus locaux une mission de conseil, mais également pour promouvoir une utilisation économe de la ressource. Il est inacceptable et dangereux que l’expertise se situe quasi exclusivement au sein des majors de l’eau.
De la même manière, à force de complexité et de réglementations mal adaptées – je pense aux transferts automatiques de compétences –, de nombreuses collectivités vont être amenées à faire le choix de la délégation de service.
Si nous sommes favorables à la simplification des normes, nous estimons que celle-ci ne doit pas se faire au détriment d’un service public de qualité. La situation des agences de l’eau nous paraît beaucoup trop fragile pour que nous leur ajoutions une nouvelle charge.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Nelly Tocqueville.
Mme Nelly Tocqueville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable.
Elle a été déposée au Sénat le 1er août dernier par Bernard Delcros et notre ancien collègue René Vandierendonck, que je salue, ainsi que par les membres, auxquels je me suis associée, de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, ce qui témoigne du caractère transpartisan de ce texte.
Celui-ci est l’aboutissement de travaux menés en amont, au sein de la délégation, sur la simplification des normes. En effet, il s’inscrit dans la continuité de la signature, le 23 juin 2016, d’une charte de partenariat entre le Sénat et le Conseil national d’évaluation des normes, dont l’objectif principal est de mettre en œuvre une simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, et notamment des dispositions législatives afférentes au service public d’eau potable.
C’est la raison pour laquelle le CNEN a saisi, le 1er février 2017, la délégation aux collectivités territoriales afin d’examiner l’origine des difficultés rencontrées par l’ensemble des acteurs, communes, EPCI, mais aussi agences de l’eau.
Cette proposition de loi est bien le fruit – nous pouvons le vérifier – d’un riche travail de concertation avec les acteurs concernés et le ministère de la transition écologique et solidaire.
Par ailleurs, une table ronde portant sur ce même objectif s’est tenue au Sénat le 20 juin dernier.
La difficulté majeure mise en avant par le CNEN résulte de « l’articulation de deux obligations » auxquelles sont assujetties les collectivités territoriales. Il s’agit, d’une part, de l’obligation pour celles-ci de renseigner les indicateurs de performance, comme le rendement du réseau ou encore la gestion du patrimoine, devant figurer dans la déclaration de la redevance pour l’usage « alimentation en eau potable » avant le 1er avril de l’année suivant celle où le montant est dû ; d’autre part, de l’obligation pour le maire d’une commune ou le président d’un EPCI de présenter un rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’eau potable devant le conseil municipal ou l’assemblée délibérante, pour consolider ces mêmes indicateurs avant le 30 septembre.
Le caractère précoce de la date du 1er avril peut, en effet, amener les collectivités à déclarer des données non consolidées, alors que le rapport rendu au 30 septembre permet, quant à lui, de renseigner des indicateurs de façon plus certaine.
En outre, il est nécessaire de signaler que cette situation oblige les collectivités à effectuer deux opérations de relevés d’informations, ce qui engendre des coûts supplémentaires.
La proposition de loi sénatoriale que nous examinons a pour objet de mettre en œuvre une « solution de simplification équilibrée et opérationnelle, répondant aux difficultés des collectivités territoriales sans désorganiser les agences de l’eau », afin que les collectivités n’aient plus à supporter de surcoûts.
Elle prévoit, par ailleurs, que le mécanisme de doublement de taux de la redevance pour une année n soit basé sur les indicateurs de performance de l’année n-2 et non pas de l’année n-1. Ainsi, on s’assure que ceux-ci sont bien consolidés.
Il faut également saluer la mesure visant à suspendre temporairement, de façon transitoire en attendant la mise en œuvre effective des dispositions prévues aux articles 1er et 2, la majoration du taux de la redevance « alimentation en eau potable » pour les prélèvements effectués en 2019 ainsi qu’en 2020, quand la présente loi entrera en vigueur.
Il est important de noter que le dispositif a reçu l’accord de tous les acteurs concernés, notamment les agences de l’eau, alors même que celles-ci subiront une légère baisse de leurs recettes.
En conséquence, notre groupe votera cette proposition de loi, adoptée, je le rappelle, à l’unanimité en commission, car elle va dans le bon sens et remplit pleinement l’objectif que nous nous sommes fixé de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, a entraîné une importante redistribution des compétences de nos collectivités territoriales. Les transferts ne se sont pas toujours faits sans douleur, à cause parfois d’un manque de concertation ainsi que d’une importante baisse des dotations afférentes aux compétences perdues.
Aujourd’hui de nombreuses collectivités sont surchargées par le poids de leurs nouvelles responsabilités, sans pour autant recevoir l’accompagnement financier correspondant à celles-ci.
S’agissant de la compétence « eau », exercée jusqu’ici par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale, la loi NOTRe prévoyait son transfert obligatoire aux EPCI au plus tard le 1er janvier 2020. Le Sénat, à la demande des maires, avait rejeté cette obligation à l’unanimité en début d’année. Toutefois, l’Assemblée nationale renouvelée l’a réintégré il y a quelques jours. Une nouvelle fois, les territoires n’ont pas été écoutés !
La législation impose aux communes et EPCI le versement d’une redevance annuelle sur les prélèvements en eau de leur territoire. Cette situation entraîne un calcul par anticipation de la consommation des collectivités territoriales. Le caractère approximatif de ces estimations conduit les communes ou EPCI à être régulièrement soumis à des opérations de régularisation, voire à des pénalités financières imprévisibles et coûteuses pour leurs budgets.
Par ailleurs, le contexte financier des collectivités, que chacun de nous connaît, nous oblige plus que jamais à leur donner la visibilité nécessaire pour gérer les budgets communaux.
Soucieux d’accompagner nos communes et EPCI dans une simplification de leurs démarches et obligations administratives, le groupe Les Indépendants ne peut que s’associer à cette démarche de simplification des normes et d’assouplissement de la législation.
Mes chers collègues, nos territoires attendent des mesures fortes : écoutons-les ! J’avais à ce propos déposé, il y a plusieurs mois, une proposition de loi précisant qu’une norme nouvelle adoptée devait faire disparaître une norme existante. J’espère qu’elle finira par être discutée un jour ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Olivier Léonhardt. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est tout d’abord comme sénateur nouvellement élu que je tenais à m’exprimer pour la première fois dans notre assemblée sur cette proposition de loi qui incarne parfaitement les actions de bon sens devant être engagées et portées par le Sénat.
Les initiatives de ce type, essentielles pour le quotidien de nos collectivités, doivent être multipliées pour renforcer l’efficacité et la crédibilité de notre action publique, et donc la vitalité démocratique de notre pays.
N’ayant pas pu participer aux travaux préparatoires sur ce texte, je tiens à saluer la démarche partenariale et le travail mené par mes collègues qui ont suivi ce processus pragmatique et transpartisan jusqu’à aujourd’hui.
On se focalise bien souvent sur le « trop de normes » en matière de simplification, mais ce texte est aussi l’occasion de rappeler l’enjeu de l’amélioration des normes existantes. Il reste beaucoup à faire !
Je ne reviendrai pas en détail sur le bien-fondé de chacune des dispositions prévues. Je souhaite, en revanche, insister sur les conséquences indirectes de cette mesure, qui pourrait apparaître au premier abord purement technique, et sur ses bienfaits concrets pour la gestion du bien public de l’eau.
J’ai moi-même, dans mes précédentes fonctions de maire de Sainte-Geneviève-des-Bois et de président de Cœur d’Essonne Agglomération, territoire de 200 000 habitants en région parisienne, conduit le passage d’une délégation de service public de dix communes avec dix contrats distincts vers une régie publique de distribution de l’eau potable. C’était non pas un choix idéologique, mais une décision pragmatique et transpartisane pour un territoire avec ses spécificités, afin d’assurer un service public qui garantisse aux usagers une eau de qualité optimale au juste coût.
Or, si nous agissons aujourd’hui pour que les redevances et les majorations appliquées par les agences de l’eau soient fondées sur des données consolidées, soulignons aussi que cette mesure participera indirectement à renforcer la connaissance des réseaux de distribution et donc à rationaliser les choix d’investissement pour éviter les pertes et le gâchis d’eau.
En simplifiant le fonctionnement du service public d’eau potable, nous encourageons nos collectivités à s’investir plus avant dans la gestion du quotidien, nous favorisons des investissements plus pertinents par une meilleure connaissance des réseaux et nous participons à diminuer les pertes d’eau. À cet égard, il faut être clair, les opérateurs qui vendent l’eau n’ont pas toujours eu intérêt à parfaire leurs connaissances des réseaux de distribution.
Il s’avère souvent difficile, voire impossible, de connaître avec précision le rendement des réseaux de distribution à l’échelle d’un territoire ou d’un secteur lorsque les bassins desservis par les producteurs d’eau s’étendent sur des surfaces bien plus vastes. C’est notamment le cas en région parisienne.
Il faut donc développer des outils de mesure précis du rendement des réseaux. La reprise de la distribution d’eau potable par des régies publiques doit s’accompagner de l’installation de compteurs sectoriels qui permettent des investissements optimisés, avec un impact certain sur le coût de l’eau, et par conséquent sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Avec ce texte, au-delà de notre volonté de simplifier et de baser les majorations des agences de l’eau sur des indicateurs fiables, nous participons à la réduction de ces majorations par une meilleure gestion du bien public qu’est l’eau.
Le RDSE soutiendra évidemment la présente proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (M. Gérard Longuet applaudit.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, parler de l’eau est devenu une habitude pour nous. Transfert de compétence et délimitation de celle-ci, restauration des continuités écologiques, financement des agences de l’eau, composition des instances de bassin, sans oublier les inévitables fuites d’eau sur les réseaux d’eau potable ou même les contraintes d’autorisation de pompage : les occasions de nous saisir des questions afférentes à l’eau ont été nombreuses.
Malheureusement, face à l’instabilité législative et financière, face à la liberté d’interprétation que s’autorise parfois l’administration, les élus locaux se trouvent désemparés, et c’est souvent sur le Sénat qu’ils concentrent leurs espoirs. Cette proposition de loi est donc une nouvelle illustration du rôle et du devoir de notre assemblée : se porter au chevet des collectivités locales et des élus, qui ne comprennent pas toujours ce qui se passe « en haut ».
Je veux saluer le travail patient de nos collègues Bernard Delcros, Pierre Médevielle et Jean-Marie Bockel.
Certains considèrent que la portée de la proposition de loi est assez modeste, mais je préfère un petit pas à une idée générale qui produit une loi incolore et insipide. Cette simplification constitue une réponse concrète apportée aux syndicats des eaux et aux collectivités locales, qui éprouvent généralement les plus grandes difficultés à fournir des indicateurs de performance consolidés.
Il s’agit de faciliter la déclaration par les communes des éléments nécessaires au calcul de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau, laquelle est assise sur le volume d’eau prélevé au cours d’une année.
Si la transmission des éléments est effectuée au 1er avril de l’année suivante, alors même que la présentation du RPQS, le rapport annuel sur le prix et la qualité du service public d’eau potable, est exigible au 30 septembre de la même année, il n’y a rien d’étonnant à ce que les élus aient des difficultés à déclarer des données consolidées.
Le Conseil national d’évaluation des normes a évalué l’économie à 528 000 euros par an. C’est peut-être modeste, mais cela suffit à justifier l’intervention du législateur.
Je dirai un mot sur le financement des agences de l’eau. Madame la secrétaire d’État, vous le savez, l’État a pris la mauvaise habitude d’amputer chaque année le fonds de roulement des agences de l’eau. Cela représente 175 millions d’euros pour 2017. L’État le fait régulièrement depuis 2013, à hauteur d’environ 200 millions d’euros par an, afin de financer son propre budget. Ce prélèvement, ou plutôt cette captation, s’accompagne d’une diminution drastique et imposée des effectifs des agences de l’eau.
De ce point de vue, le prochain projet de loi de finances prévoit une fois de plus de piétiner le principe, que je croyais sacro-saint, selon lequel « l’eau paye l’eau » et qui est cher à notre ami Rémy Pointereau. Cela pénalisera inévitablement, par contrecoup, les collectivités locales et les syndicats avec qui les agences de l’eau travaillent, ce qui réduira par conséquent leurs capacités d’intervention.
S’agissant des contours de la compétence GEMAPI, relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations, il conviendrait que le Gouvernement clarifie sa position sur le traitement des eaux pluviales. Selon le Conseil d’État et aux termes d’une récente circulaire, cette compétence relève du bloc GEMAPI, alors que le code général des collectivités territoriales prévoit le contraire.
Malgré ces perspectives difficiles, je me réjouis que le Sénat prenne ses responsabilités et que nous puissions adopter cette proposition de loi. J’espère que le Gouvernement assumera ses responsabilités et usera des outils dont lui seul dispose. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis ravi, moi qui suis aussi un jeune élu, de prendre la parole dans cet hémicycle pour défendre un texte réunissant presque toutes les formations politiques du Sénat. Il s’agit là, vous en conviendrez, d’une situation qu’il convient d’apprécier à sa juste valeur.
Ce texte, empreint de pragmatisme et de bon sens, formule une solution concrète à des difficultés administratives réelles que connaissent nos communes partout en France, en métropole, mais aussi chez nos amis ultramarins.
Au nom du groupe La République En Marche, je salue l’objectif de simplification porté par cette proposition de loi transpartisane, l’intense travail d’évaluation et de concertation réalisé ces derniers mois, ainsi que l’investissement des rédacteurs du texte et de notre rapporteur.
Vous le savez, la simplification est un combat de tous les jours, et ce sujet a d’ailleurs été évoqué lors du débat organisé hier ici même sur l’aménagement du territoire. Je suis persuadé que nous y reviendrons encore et encore. Cette simplification s’inscrit pleinement dans le cap fixé par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires et par le Gouvernement. Nul doute qu’elle sera d’ailleurs, parmi d’autres sujets, au cœur du congrès de l’Association des maires de France de novembre prochain.
Avec cette proposition de loi que nous allons adopter ce soir, nous nous engageons bien volontiers sur cette voie et faisons ainsi figure de premiers de cordée.
J’en profite pour me féliciter également du partenariat signé entre le Sénat et le Conseil national d’évaluation des normes en 2016.
Partie du réel de nos territoires et de nos communes, cette proposition de loi permet de lutter concrètement contre une insécurité financière vécue – cela a été rappelé – par un grand nombre d’élus locaux. Cette mesure de bon sens supprimera le risque de majoration indue lié à l’obligation de transmettre des informations à une échéance trop précoce et réduira une charge administrative non négligeable pesant sur nos communes. Au plus proche des problématiques des territoires, le Sénat est ici pleinement dans son rôle de représentant des collectivités territoriales, et j’en suis heureux.
Je formule deux souhaits : d’abord, que la proposition de loi que nous allons adopter soit rapidement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ; ensuite, que ce texte transpartisan en faveur de la simplification pour nos territoires et nos entreprises soit le premier d’une longue liste. Nous devons partir du réel pour tendre vers un idéal : l’efficacité au service des politiques publiques et de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République En Marche votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi n’est pas seulement consensuelle ; elle est aussi technique. C’est un texte important, et je ne dis cela ni parce qu’il est inscrit dans l’espace réservé du groupe Union Centriste, auquel j’appartiens, ni parce que son auteur est notre collègue Bernard Delcros, que je félicite.
Si ce texte est important, c’est parce que la méthode ayant présidé à sa genèse devrait inspirer l’ensemble de nos travaux : une véritable concertation, une réelle démarche de simplification et un résultat transpartisan, le tout sous la houlette de notre délégation aux collectivités territoriales. C’est cela qui devrait être la marque de fabrique du Sénat.
Je ne m’étendrai pas longuement sur le fond. L’objet du texte a en effet été très bien exposé par notre collègue Pierre Médevielle, dont je salue, au nom du groupe Union Centriste, l’excellence du travail malgré des délais très contraints.
La proposition de loi simplifie les rapports entre les collectivités et les agences de l’eau dans le cadre de la redevance sur les prélèvements en eau, et ce sur deux points.
D’une part, pour déterminer le montant de la redevance due au titre d’une année, chaque collectivité doit aujourd’hui transmettre avant le 1er avril de l’année suivante les volumes prélevés, ainsi que plusieurs indicateurs de performance. Cette déclaration avant le 1er avril pose des difficultés à bon nombre de collectivités qui ne disposent pas de données stabilisées aussi tôt dans l’année. Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi prévoit que la transmission des indicateurs de performance pour une année n et l’application éventuelle de la majoration seront dorénavant effectuées non pas l’année n+1, mais l’année n+2.
D’autre part, le texte prévoit le préremplissage de la déclaration effectuée auprès de l’agence de l’eau avant le 1er avril.
Ces mesures constituent de véritables simplifications et sont souhaitées par toutes les parties prenantes.
Pour autant, lorsque l’on parle d’eau, tout n’est pas aussi consensuel.
Je rappelle le problème de la compétence « eau et assainissement », que la loi NOTRe fait remonter obligatoirement à l’intercommunalité d’ici à 2020.
Il y a aussi la question, évoquée par François Bonhomme, du véritable siphonnage du budget des agences de l’eau organisé par l’État depuis 2014. La première ponction de 210 millions d’euros devait être exceptionnelle. Elle a ensuite été fixée à 175 millions et poursuivie dans les budgets 2015, 2016 et 2017. La voici gravée dans le marbre dans le projet de loi de finances pour 2018 sous la forme d’un « plafond mordant », l’État s’autorisant à prélever les recettes dépassant le seuil de 2,1 milliards d’euros. Le prélèvement devrait atteindre de 175 millions à 200 millions d’euros.
Parallèlement, les agences de l’eau voient leurs compétences élargies au financement de l’Agence française pour la biodiversité pour 200 millions d’euros et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage pour 85 millions d’euros.
Au total, l’État va donc ponctionner près de 460 millions d’euros aux agences de l’eau, soit 20 % de leur budget. On est bien loin du principe « l’eau paye l’eau » !
Comme l’a fait remarquer l’Association des maires de France, « ces prélèvements se font au détriment direct des collectivités » puisque les agences de l’eau subventionnent les projets locaux, et cela à l’heure où il faut en plus mettre en œuvre la compétence GEMAPI !
Il ne s’agit pas là seulement de défendre les collectivités. Demain, les agences de l’eau auront-elles les moyens de remplir les obligations européennes en la matière ? Pourra-t-on satisfaire aux exigences de la directive-cadre sur l’eau qui impose à la France d’améliorer l’état écologique de nos masses d’eau ?
Madame la secrétaire d’État, la réponse à ces questions n’est pas des plus fluides... Néanmoins, le groupe Union Centriste votera la proposition de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, dernier orateur inscrit, qui dispose seulement de deux petites minutes.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, ces deux minutes me suffiront largement, car mon objectif est simplement de rappeler à Mme la secrétaire d’État que les présidents des deux groupes majoritaires du Sénat ont déposé le 11 janvier 2017 une proposition de loi tendant à renoncer au caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau et assainissement » aux intercommunalités. De mémoire, ce texte a été adopté par le Sénat le 23 février, sans scrutin public, mais sans opposition, c’est-à-dire à une très large majorité, car il répondait à une demande forte exprimée par les élus locaux.
Or, madame la secrétaire d'État, la nouvelle Assemblée nationale a voté le 12 octobre dernier une motion de renvoi en commission, ce qui est assez rare s’agissant d’une proposition parlementaire.
J’aimerais savoir si vous avez l’intention, comme l’article 39 de la Constitution vous le permet, d’utiliser votre maîtrise de l’ordre du jour pour sortir la proposition de loi de cet emprisonnement, de cet encellulement, afin qu’elle soit débattue de nouveau par l’Assemblée nationale.
Je comprends très bien qu’une assemblée composée en large majorité de nouveaux élus se soit donné le temps de la réflexion – ce n’est pas choquant. Mais le temps de la réflexion sur un sujet relativement simple a ses limites, et le Gouvernement a la faculté d’inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi.
Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d’État, si telle est l’intention du Gouvernement. Mes deux minutes sont maintenant épuisées ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Monsieur Longuet, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, a créé une compétence ciblée et obligatoire relative à la GEMAPI, la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations.
Cette compétence vise à mieux articuler l’aménagement du territoire et l’urbanisme avec la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Elle recouvre des missions d’aménagement des bassins, de gestion, de restauration des cours d’eau et des zones humides, ainsi que d’autres missions que je ne vais pas détailler ici.
La création de la compétence GEMAPI n’a pas donné lieu à l’attribution de nouvelles missions par rapport à celles qui étaient précédemment exercées de manière partagée par tous les échelons de collectivités territoriales.
La compétence GEMAPI regroupe donc au sein d’une même compétence plusieurs missions préexistantes et l’attribue, à titre obligatoire, aux EPCI à fiscalité propre.
M. François Bonhomme. C’est bien le problème !
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Par conséquent, le mécanisme de compensation des charges transférées entre l’État et les collectivités territoriales ne s’applique pas en matière de GEMAPI.
Pour l’exercice de cette compétence, une taxe facultative, prévue par l’article 1530 bis du code général des impôts, plafonnée à 40 euros par habitant résidant dans le périmètre et exclusivement affectée aux dépenses liées à son exercice, a été créée.
Le Gouvernement n’entend pas remettre en question cette compétence.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable
Article 1er
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 213-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau mentionnée à l’article L. 213-10-9 pour l’usage “alimentation en eau potable”, les éléments pris en compte pour l’application de la majoration prévue au V du même article L. 213-10-9 sont déclarés avant le 1er avril de la seconde année suivant celle au cours de laquelle ces éléments ont été constatés. » ;
2° Aux dixième et onzième alinéas du V de l’article L. 213-10-9, après le mot : « année », sont insérés les mots : « suivant celle ».
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les éléments cités à l’alinéa précédent sont reportés chaque année par les agences de l’eau dans la déclaration relative à cette redevance sur la base des éléments préalablement transmis au système d’information prévu à l’article L. 131-9 en application de l’article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales. » ;
…° Au deuxième alinéa de l’article L. 213-11, après la référence : « L. 213-10-11 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Le présent amendement, de nature rédactionnelle, vise à assurer une meilleure lisibilité des dispositions prévues aux deux premiers articles en les regroupant dans le chapitre du code de l’environnement dédié aux redevances des agences de l’eau, support qui semble mieux approprié que le code général des collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Médevielle, rapporteur. Cet amendement paraît logique : la commission émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je reprends la parole pour dire que je partage totalement l’avis de la commission et soutiens totalement l’amendement du Gouvernement ! Je ne vous tiens donc aucun grief, madame la secrétaire d'État, du fait que vous n’avez pas répondu à ma question. (Sourires.)
Il y a un profond malentendu, et je saisis l’occasion de cette explication de vote pour y revenir : vous ne m’avez pas compris, madame la secrétaire d'État.
Je parlais de la compétence « eau et assainissement », qui appartenait aux communes et qui va être, dans le cadre de l’intercommunalité, obligatoirement transférée notamment à des communautés de communes qui ne demandent pas ce transfert, alors que nous avons des réseaux communaux ou intercommunaux plus petits, ou parfois plus grands d’ailleurs, que celui de la communauté de communes, réseaux qui n’ont qu’une envie, celle de survivre. On leur demande d’adapter leur dispositif au dispositif intercommunal, ce qui les mécontente profondément pour une raison simple : pourquoi diable modifier quelque chose qui marche ?
Cela n’a rien à voir avec la politique GEMAPI, que j’ai parfaitement comprise et qui est beaucoup plus ambitieuse. Je parle d’une simple réalité : le dispositif fonctionne. Pourquoi le perturber, alors que la majorité du Sénat, qui représente les collectivités locales, demande son maintien ? Je conçois très bien qu’une nouvelle assemblée se donne le temps de la réflexion, mais le temps de la réflexion ne doit pas durer le temps de la législature !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’entends vos remarques, vos inquiétudes et les questions que vous soulevez.
Vous savez cependant comme moi que Jacqueline Gourault a annoncé la création d’un groupe de travail sur cette question, lequel fonctionnera en concertation avec les parlementaires et les parties prenantes concernées. Nous serons ravies, Mme la ministre et moi, d’en parler plus en détail avec vous, mais il me semble que ce n’est ni le lieu ni le moment pour le faire.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Médevielle, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° Aux huitième et neuvième alinéas du III de l'article L. 213-14-1, après le mot : « année », sont insérés les mots : « suivant celle ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Médevielle, rapporteur. Cet amendement vise à compléter une modification introduite en commission pour permettre l’application de la solution apportée par la proposition de loi aux départements d’outre-mer. Il étend à ceux-ci le décalage d’un an de la transmission des indicateurs nécessaires à l’application éventuelle de la sanction.
M. Victorin Lurel. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. J’émets un avis favorable sur cet amendement de cohérence qui vise à parachever l’extension du dispositif prévue par cette proposition de loi aux offices de l’eau des départements d’outre-mer, extension qui avait été amorcée en commission par un amendement de M. le rapporteur à l’article 3.
Les offices de l’eau des départements d’outre-mer perçoivent également des redevances au titre du prélèvement pour l’eau potable. Le code de l’environnement prévoit aussi un dispositif de majoration de cette redevance en cas de rendement non conforme sans plan d’action. Les enjeux de simplification de ce dispositif sont les mêmes qu’en métropole. Aucune raison ne justifierait de ne pas en faire bénéficier les collectivités d’outre-mer.
M. Dominique Théophile. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il détermine les modalités selon lesquelles les éléments transmis au système d’information prévu au même article L. 131-9 et pris en compte pour l’application de la majoration du taux de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau prévue au V de l’article L. 213-10-9 du même code, sont reportés chaque année par les agences de l’eau dans la déclaration par voie électronique de cette redevance. »
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Par cet amendement, le Gouvernement entend supprimer l’article 2, par cohérence avec son amendement rédactionnel précédent, qui importait le contenu de l’article 2 dans l’article 1er.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Médevielle, rapporteur. Par cohérence également, l’avis est favorable.
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3
La majoration du taux de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau prévue au V de l’article L. 213-10-9 du code de l’environnement et au III de l’article L. 213-14-1 du même code n’est pas applicable au titre des prélèvements effectués en 2019 et 2020. – (Adopté.)
Article 4
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2020. – (Adopté.)
Article 5
Les conséquences financières de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. Par le présent amendement, le Gouvernement entend lever le gage prévu à l'article 5 de la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Médevielle, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Je constate que l'amendement n° 4 a été adopté à l’unanimité des présents.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble de la proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d’eau potable.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Je me réjouis que cette proposition de loi ait été adoptée à la quasi-unanimité. Il est vrai, certains l’ont dit, qu’elle n’a ni une grande envergure ni une grande ambition, mais elle est – et Dieu sait que c’est important – concrète et pragmatique, et sera, je le pense, utile aux collectivités locales.
Elle est le fruit d’une démarche qui illustre bien ce qu’est le travail sénatorial, madame la secrétaire d'État – je me permets de le dire en m’adressant à vous qui connaissez moins bien cette maison que d’autres membres du Gouvernement. (Sourires.)
Après un travail engagé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, deux coauteurs appartenant à deux groupes politiques différents ont rédigé ce texte, auquel, vous l’avez vu, notre assemblée s’est largement ralliée.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de lui avoir apporté le soutien du Gouvernement. Je souhaite qu’il s’agisse d’un soutien actif et que vous œuvriez pour qu’il soit rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale afin qu’il ne tarde pas à entrer en application.
Je veux revenir brièvement sur ce qui a été dit au sujet du transfert de la compétence « eau ». Il est vrai que certains ont pu avoir le sentiment – j’avoue que c’est un peu mon cas – que le reproche principal qui était adressé à ce texte d’origine sénatoriale était qu’il était d’origine sénatoriale ! La preuve en est que, depuis, le Gouvernement a accepté de rouvrir le dossier en organisant une concertation qui, je l’espère, aboutira.
En tout cas, merci encore, madame la secrétaire d'État, pour votre soutien sur ce texte. Nous vous serions très reconnaissants s’il était rapidement examiné et adopté par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 31 octobre 2017 :
À quatorze heures trente :
Proposition de loi tendant à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage (n° 557, 2016-2017), en examen conjoint avec la proposition de loi visant à renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installations illégales en réunion sur un terrain public ou privé (n° 680, 2016-2017).
Rapport de Mme Catherine Di Folco fait au nom de la commission des lois (n° 44, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 45, 2017-2018).
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq : suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD