M. le président. Il va falloir conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je conclus, monsieur le président.
Nous faisons la même chose avec les entreprises, conformément à l’axe de travail que nous avons défini dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, les logements évolutifs, sur lesquels nous avons beaucoup travaillé, notamment avec l’APF, l’Association des paralysés de France. Nous avons défini ensemble ce que doit être le schéma global d’un logement évolutif. Toutefois, ne nous trompons pas d’objectif : l’accessibilité des bâtiments aux personnes en situation de handicap concerne non pas les logements neufs, mais surtout les logements existants. Aujourd'hui, notre ministère n’est pas accessible aux personnes en situation de handicap ! Je suis donc mal placé pour donner des consignes aux uns et aux autres… (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Daniel Dubois applaudit également.)
Débat interactif
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Abdallah Hassani.
M. Abdallah Hassani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis un peu inquiet. Si, au plan national, il existe un déficit en matière de logement, que dire de l’outre-mer, et particulièrement de Mayotte, où nous avons seulement 300 logements sociaux pour une population de 300 000 habitants, avec 10 000 naissances par an ? Je vous laisse imaginer le retard que nous avons pris !
Des efforts importants ont été faits. Les conditions techniques pour produire durablement sont à présent réunies ; des projets et des opérateurs sont prêts. L’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, l’EPFAM, qui n’existait pas, est en place depuis juillet pour acquérir du foncier et améliorer les réseaux de desserte, ces deux sujets constituant deux freins au développement des constructions à Mayotte.
Mais le financement ne suit pas, monsieur le secrétaire d’État. En effet, l’EPFAM n’est doté que de 3 millions d’euros par an sur cinq ans, et ce montant est prélevé sur la ligne budgétaire unique, déjà très insuffisante, par laquelle le ministère des outre-mer contribue à l’amélioration de l’habitat. À Mayotte, elle ne recouvre même pas les besoins de la seule intercommunalité Dembeni-Mamoudzou, soumise par la loi SRU à l’obligation de produire 888 logements locatifs sociaux d’ici à 2019.
M. le président. Il va falloir songer à poser votre question !
M. Abdallah Hassani. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais savoir comment le Gouvernement prendra toute sa part au développement du logement social à Mayotte. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Effectivement, si la situation du logement social est compliquée en métropole, elle l’est souvent encore plus dans un certain nombre de territoires d’outre-mer.
Permettez-moi de prendre des exemples très concrets. Il y a eu de longues discussions sur les SIDOM et leur actionnariat, alors qu’il aurait fallu aller de l’avant. Trop souvent, on a eu des débats de structure institutionnelle.
Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, grâce à un travail conjoint, nous avons mis en place l’EPFAM. Bénéficie-t-il de dotations suffisantes ? Je le rappelle, son financement est assuré par la LBU, ce qui introduit une limitation.
Tout d’abord, un travail est en cours avec le ministère des outre-mer pour évaluer et répartir spécifiquement les besoins d’un territoire à l’autre dans le cadre du déploiement de cette ligne budgétaire.
Ensuite, au-delà des capacités de financement de l’EPFAM et des débats qui se dérouleront dans le cadre du projet de loi de finances, je veux rappeler le travail de l’ANRU, acteur massif, notamment dans le cadre du NPNRU. Aujourd’hui, trois projets sont financés à Mayotte par l’ANRU. Pour accroître significativement la construction, il faut passer par de tels opérateurs et non pas uniquement par des lignes budgétaires.
La question qui se pose est donc la suivante : comment aller encore plus loin dans le développement grâce à un opérateur comme l’ANRU dans le cadre du NPNRU ?
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite d’abord remercier le groupe Union Centriste d’avoir fait le choix de ce sujet pour notre débat, à l’heure où les contours du projet de loi sur le logement sont dévoilés. À l’évidence, ce texte aggravera encore la situation des locataires en précarisant leurs droits : perte du maintien dans les lieux et extension de l’application du surloyer.
Dans le même mouvement, le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, a annoncé une baisse brutale des subventions aux collectivités, qui sont pourtant des acteurs essentiels du logement social, une baisse brutale des aides à la pierre, ainsi qu’une ponction indue sur les offices d’HLM, lesquels devront prendre en charge les APL.
Le gel des crédits du budget de la politique de la ville pèse également fortement sur la politique du logement. À cela s’ajoute le gel du taux du livret A, alors que cette épargne finance la construction.
C’est une attaque sans précédent contre le modèle social du logement public. Ces mesures rendent impossible la réalisation des missions d’intérêt général des bailleurs sociaux et concrétisent le désengagement de l’État.
Dois-je vous rappeler les chiffres alarmants du mal-logement en France ? Ainsi, 4 millions de nos concitoyens sont mal logés, quand 12 millions sont en situation de fragilité. En outre, 79 % des Franciliens sont éligibles au logement social et 600 000 effectuent une demande chaque année. Défendre le logement social, c’est une exigence républicaine.
Or la seule option encouragée par le Gouvernement est la vente par les bailleurs de leur patrimoine pour être en mesure de continuer à financer la construction. Est-ce vraiment sérieux lorsque l’on connaît l’ampleur du nombre de demandeurs ? La diminution du nombre de logements sociaux est-elle votre réponse à la crise du logement ? Comment, dans de telles conditions, garantir le droit au logement pour tous ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je suis désolé de vous le dire, mais vous avez énoncé de nombreuses contrevérités.
Mme Éliane Assassi. Non !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. S’agissant du maintien dans les lieux, je l’ai dit à l’instant, nous proposons simplement d’introduire de la mobilité : la commission d’attribution des logements proposera tous les six ans – je dis bien « proposera », il n’y aura aucune obligation – au locataire…
Mme Éliane Assassi. Ça se fait déjà !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je vous assure que tel n’est pas le cas !
Le locataire acceptera ou n’acceptera pas la proposition de la commission. Le maintien dans les lieux est donc assuré.
Vous affirmez que nous voulons diminuer le nombre de demandeurs de logements sociaux. Or, je viens de le dire, nous n’aurons jamais recours à l’aberration consistant à diminuer le montant du revenu d’éligibilité au système social.
M. Pascal Savoldelli. Vous n’enlevez pas 3 milliards d’euros au logement social ?
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. S’agissant de la politique de la ville, l’ensemble des crédits qui lui sont affectés seront maintenus sur la durée du quinquennat, nous l’avons annoncé voilà quelques semaines.
Vous avez évoqué la question des personnes mal logées, et je voudrais donc répondre. Nous augmentons les crédits de 10 %, dans le cadre du programme 177 ; nous construisons entre 3 000 et 5 000 PLAI, soit des logements très sociaux, 40 000 logements dans le cadre de l’intermédiation locative et 10 000 pensions de famille. Reportez-vous aux propos tenus par les associations de lutte contre l’exclusion, avec qui nous avons encore passé la matinée, à propos du programme « logement d’abord ». Elles saluent l’action du Gouvernement en la matière. On ne peut donc pas dire que nous ne faisons rien en faveur des mal-logés. Bien au contraire, notre programme est très ambitieux.
M. Pascal Savoldelli. On va vérifier !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne peux pas démarrer mon propos sans rappeler le côté extrêmement massif, qui peut être une véritable bombe à retardement, pour des raisons budgétaires que l’on peut comprendre : l’État veut maîtriser sa dépense publique. Mais une situation comme celle-ci risque d’entraîner des effets collatéraux, à savoir une véritable fracture territoriale et sociale.
Je ne vais pas rappeler tous les chiffres, puisqu’ils ont été mis en avant par les uns et les autres. Mon collègue Daniel Dubois a évoqué tous les risques. Je m’attarderai plus particulièrement sur l’ANRU, le NPNRU et le PNRU en cours.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, l’État mettra 1 milliard d’euros ; Action logement, 2 milliards d’euros ; l’USH, 2 milliards d’euros, qui viendront s’ajouter au 1,7 milliard d’euros, soit 150 millions d’euros par an. Il faudra ensuite accompagner le FNAP au niveau de l’USH, ce qui viendra diminuer les fonds propres des organismes bailleurs, lesquels devront faire des choix : soit rénover thermiquement leurs logements, soit construire quelques logements nouveaux, soit participer à l’action de l’ANRU. Car ils ne pourront pas tout faire !
Vous nous parlez de vente du patrimoine. Je rappelle qu’on a créé des sites ANRU pour gérer les copropriétés dégradées liées à la vente de patrimoine.
Certes, il faut faire quelque chose, nous en sommes convaincus. Mais profitez du travail parlementaire qui sera fait au Sénat ! Vous l’avez vu, tout le monde ici est convaincu qu’il faut avancer dans le bon sens. S’agissant de l’ANRU, nous ne voulons pas que les 5 milliards d’euros annoncés, dont le milliard d’euros provenant de l’État, soient de pur affichage ! En effet, les collectivités ne garantiront plus un seul emprunt, parce qu’elles seront désormais tenues d’apporter leurs propres garanties, et qu’elles devront payer. La CGLLS, avec le peu d’argent qu’elle a, ne pourra pas assumer la situation. Et les collectivités seront mobilisées à hauteur de 50 %, une fois qu’on aura mis en croix les bailleurs !
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Valérie Létard. Bref, il faut reconstruire, monsieur le secrétaire d’État, un article 52 du projet de loi de finances qui nous permette de trouver des solutions, dans l’attente de la refondation d’une politique du logement et d’une rénovation urbaine en commençant par le commencement ! Il ne convient pas de raboter le budget en mettant en croix quelque chose, certes améliorable, mais également indispensable pour que les collectivités ne se fassent pas départir de leur rôle en matière de logement de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Philippe Dallier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. En évoquant l’approche du Gouvernement, j’ai essayé d’être totalement transparent, franc et, je l’espère, convaincant. Je vous le dis avec la plus grande sincérité, madame la sénatrice, notre objectif n’est pas de casser les bailleurs sociaux. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Philippe Dallier. C’est bien parti !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Dans le cadre des quatre axes de réforme que j’ai indiqués, nous voulons discuter avec eux.
Certes, nous leur demandons un effort important. Les modifications prévues – je pense au cadre financier, au regroupement et à davantage d’accession sociale à la propriété – doivent leur permettre de participer à l’effort de diminution du modèle des APL et d’assurer leur pérennité. Cela nécessite deux choses, que vous avez rappelées : la prise en compte de leurs spécificités et celle de leur politique de proximité.
L’article 52 du projet de loi de finances constitue la base de la discussion et de la négociation avec les bailleurs sociaux. Madame Létard, je retiens votre proposition de travailler avec les sénateurs dans le cadre de l’examen de cet article par votre assemblée. Nos discussions devraient conduire – en tout cas, je l’espère, parce que cela voudra dire que nous avons trouvé un accord – à des modifications du texte.
S’agissant de l’ANRU, nous avons la volonté d’engager la discussion, j’insiste sur ce point. Dès le départ, nous avons pris en compte la contribution des bailleurs sociaux, qui constitue un élément important, l’ANRU ne pouvant être exclusivement financée par l’État.
M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot.
Mme Annie Guillemot. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne devons pas entendre les mêmes organismes d’HLM ni les mêmes associations, car nous n’avons vraiment pas les mêmes échos.
Je le rappelle, 4,2 millions de logements HLM sont occupés par plus de 10 millions de personnes ; 15 % des ménages, dont la moitié est en dessous du seuil de pauvreté, relèvent du logement social. Avec un loyer moyen de 390 euros, contre 570 euros dans le parc privé, les organismes d’HLM répondent à une demande sociale forte.
Par ailleurs, comme nous le savons tous ici, ils gèrent au quotidien de grands ensembles, qui cumulent souvent les handicaps : chômage, dégradation de l’habitat, échec scolaire, délinquance… Sans l’implication de ces organismes d’HLM, quelles seraient les perspectives pour ces quartiers, pour nos villes, y compris dans les copropriétés privées dégradées, où, justement, on va les chercher ?
Le logement n’est ni un luxe ni une marchandise comme une autre. Selon le projet de loi de finances, les organismes d’HLM disposeraient de 11 milliards d’euros de trésorerie. Dans les faits, ils ont 8 milliards d’euros en moyenne lissée, ce qui correspond à deux mois d’activité, soit un ratio normal pour une entreprise saine, dont 1 milliard d’euros provenant des dépôts de garantie des locataires et des provisions pour travaux planifiés.
Enfin, leur résultat d’exploitation, de 2,2 milliards d’euros, est intégralement réinvesti dans la production et la rénovation du parc, avec des effets démultiplicateurs en termes d’activité, d’emplois directs et indirects, et de TVA, à hauteur de 800 millions d’euros. Dès lors, parler de matelas ou de rente relève du contresens.
Après un examen attentif, l’article 52 du projet de loi de finances se révèle mortifère pour le logement social. La baisse des APL revient à prélever aux organismes 1,7 milliard d’euros en 2018 et 1,5 milliard en 2019, amputant ainsi leur capacité d’investissement de 75 %. Une telle ponction divisera par quatre les opérations de rénovation et de construction neuve, au détriment de l’offre. C’est la raison pour laquelle on ne peut vous suivre dans votre raisonnement.
En contrepartie, le Gouvernement propose un gel du taux du livret A sur deux ans. Or les organismes s’endettent sur quarante ans, voire plus. Parler de contrepartie opérante est donc un leurre.
Plus d’une centaine d’organismes d’HLM seront ainsi mis en péril, alors que plus d’une centaine d’autres connaîtront les plus grandes difficultés. Ils sont présidés par des élus locaux et des maires, ce que vous semblez oublier.
M. le président. Il faut poser votre question !
Mme Annie Guillemot. J’y viens.
M. le président. Rapidement !
Mme Annie Guillemot. Et ce sont généralement les villes qui garantissent leur dette.
Enfin, quel sera l’impact de votre politique sur le financement de la rénovation urbaine, comme l’a dit ma collègue, alors que les acteurs s’accordent pour estimer la note à 10 milliards d’euros ?
Alors que la question du logement est d’une cruelle actualité, ne serait-il pas plus raisonnable, monsieur le secrétaire d’État, de surseoir à l’application de l’article 52 du projet de loi de finances ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, nous rencontrons certainement les mêmes organismes, mais je ne suis pas sûr qu’ils vous disent tout ! (Exclamations sur diverses travées.)
Vous disent-ils que l’application de l’article 52 entraînera toutes les conséquences que vous venez d’évoquer ? Décrivent-ils les impacts du package financier que j’ai présenté tout à l’heure ?
Permettez-moi de vous donner trois exemples. Dans le département du Rhône, trois organismes, que je ne nommerai pas, ont des taux d’autofinancement de 15 %. Avec la réforme, ils déplorent une perte de leur capacité d’autofinancement, qui passera, effectivement, de 15 % à 9,8 % et à 14 % pour les autres. Le package financier que nous proposons leur permettra de revenir à une capacité d’autofinancement de 12 %, et même de 17 % pour l’un d’entre eux. La réforme lui sera donc bénéfique. Telle est la réalité !
Il s’agit non pas de ponctionner de l’argent aux bailleurs sociaux, mais d’avoir la réflexion la plus intelligente possible. Alors que l’État et la Caisse des dépôts et consignations financent depuis quarante ans le système, ils ne se sont jamais posé la question de savoir comment on pouvait améliorer les choses. Pourquoi ne fait-on que du taux variable et pas du taux fixe ? Pourquoi ne fait-on pas plus de prêts de haut de bilan ? Cela engendrerait pourtant de véritables gains !
Il faut aller jusqu’au bout des analyses, en prenant aussi en compte les conséquences de l’amélioration des financements.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’initiative de mes collègues centristes, qui ont placé au cœur de notre débat la question du logement social. L’intitulé de la question renvoie à la diversité de nos territoires, sujet qui mérite toute notre attention.
Nous manquons de logements sociaux pour les ménages qui peinent à se loger, c’est un constat. Les derniers textes législatifs ont démontré que de louables desseins sur le papier pouvaient aboutir sur le terrain à des objectifs inatteignables pour des territoires aux capacités foncières et financières limitées, ou conduisaient à une offre inadaptée à la demande.
Pour répondre aux objectifs de 25 % de logements sociaux, certaines intercommunalités ont intégré le principe de la mutualisation des objectifs triennaux de rattrapage des communes déficitaires dans leurs programmes locaux de l’habitat, pour atteindre de façon collégiale cet objectif à l’horizon de 2025. Quoi de plus naturel, finalement, au sein des intercommunalités ? Une démarche incitative et vertueuse que la loi Égalité et citoyenneté a failli supprimer. C’est un comble, à l’heure où l’EPCI est désormais l’échelle privilégiée des politiques d’habitat, d’urbanisme et, surtout, de déplacements urbains, toutes ces questions étant parfaitement liées à celle du logement.
Alors que la charge du logement est aujourd’hui confiée au ministère de la « cohésion des territoires », et non plus à « l’égalité des territoires » – ça, c’est heureux ! –, la mutualisation intercommunale permet la gestion des contradictions entre un objectif national uniforme et la prise en compte de la diversité des territoires et de leur histoire. Pourquoi ne pas encourager la généralisation de la mutualisation des objectifs de logements sociaux au niveau des intercommunalités, pour celles, bien sûr, qui le souhaitent, et ainsi enclencher une dynamique autrement plus positive que des amendes pénalisantes aux communes, afin de répondre au mieux à un enjeu crucial ? (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, votre question renvoie plus généralement à celle de l’application de l’article 55 de la loi SRU. Plus précisément, vous m’interrogez sur la possibilité de généraliser l’objectif des 25 % dans le cadre d’un regroupement intercommunal. Vous avez également rappelé le dispositif que la loi Égalité et citoyenneté a failli détruire.
Nous devrons avoir cette discussion lors de l’examen du projet de loi Logement que nous portons. M. Jacques Mézard et moi-même avons ce débat avec beaucoup d’autres pour savoir s’il faut ou non toucher à l’article 55 de la loi SRU. Le sujet est très compliqué.
Certes, dans énormément de cas, c’est justifié ; cela relève même du bon sens. Il y a des communes qui, nous le savons, ne peuvent mathématiquement pas atteindre l’objectif fixé par la loi actuelle. Cela a même un effet démoralisant. Les communes ont l’impression qu’on leur dit : « Nous vous fixons un objectif, mais nous savons très bien que vous ne pourrez pas l’atteindre. »
Mais, à l’inverse, on ignore quelle sera la réaction de l’ensemble des acteurs, pris dans leur globalité, si l’on envoie le signal que l’on est prêt à toucher à la loi SRU. Ne risque-t-on pas d’avoir un manque de motivation chez certains ? Nous le savons, si beaucoup sont très motivés, d’autres le sont moins ; c’est un euphémisme. Si les personnes concernées se sentent de moins en moins obligées au regard de la loi SRU, cela peut être comme une reculade. C’est un vrai débat, et il n’est pas facile à trancher.
Aussi, à ce stade, nous n’avons pas souhaité modifier la loi SRU dans le projet de loi Logement. Mais je vous rejoins : le débat est légitime, et il faudra l’aborder dans le cadre de la préparation du texte.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous rapporter une tranche de vie. La scène se déroule au printemps 2014 dans le village de Sainte-Marthe, situé dans le septième secteur de Marseille, qui compte 150 000 habitants, dont 50 % de logements sociaux.
Le préfet de région fait un point sur l’avancée des travaux de rénovation d’une cité sociale implantée dans le XIVe arrondissement. Il a réuni pour cela le préfet délégué à l’égalité des chances, l’adjointe au maire de Marseille chargée de la politique de la ville – appelons-la « Arlette » –, un représentant de la police nationale, les bailleurs et le maire de secteur récemment élu, en l’occurrence votre serviteur. Un seul pourvoir est absent : la presse ! Ce qui permet au préfet de nous annoncer directement et sans tabou – mais c’était sans compter sur le fait que je ne sais pas garder un secret – ceci : « Mesdames et messieurs, je suis très inquiet. L’objectif du programme est de recréer de la mixité sociale. Or nous allons droit à l’échec. C’est d’autant plus regrettable que ce programme est le plus coûteux : 180 000 euros par logement ! Nous avons découvert dans cette cité une organisation clanique : les Gitans ont chassé les Maghrébins. Nous avons rencontré le chef des Gitans ; il est d’accord pour accueillir des familles qui viennent de l’extérieur… à la condition qu’elles soient gitanes. »
Nous nous sommes rendus ensuite sur les lieux. Et Arlette, l’adjointe de Jean-Claude Gaudin, de s’émouvoir et de m’interroger : « Stéphane, on ne va pas laisser ces gens dans cette situation ? » Et moi de lui répondre : « Humainement, non ! » Et, abandonnant un instant les versets de la religion laïque et obligatoire du vivre ensemble, Arlette de constater et de me confier : « Mais cela ne servira à rien. » Ou quand le mur de l’idéologie s’effondre devant la force de la réalité !
Monsieur le secrétaire d’État, cette histoire vraie, et il y en a tellement d’autres, résume à elle seule la situation que subissent bon nombre de nos compatriotes, et pas seulement dans la deuxième ville de France : concentration des programmes sur les mêmes territoires, communautarisme, incivilités et insécurité, qui interdisent à des familles d’accéder à des logements qu’elles ont financés et auxquels elles ont droit, et dont elles ont besoin ; démission et aveuglement idéologique des pouvoirs publics, qui se contentent de déverser des sommes considérables sans aucun contrôle, sans aucune volonté d’y faire respecter sinon le vivre ensemble, au moins le savoir-vivre !
M. le président. Il faut poser votre question !
M. Stéphane Ravier. Alors qu’un million et demi de nos compatriotes sont en attente d’un logement social – 80 % des Marseillais y sont éligibles –, 30 % du parc dans les grandes villes est occupé par des étrangers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Posez votre question !
M. Stéphane Ravier. Monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous tourner le dos à toute idéologie pour enfin prendre en compte la réalité des difficultés rencontrées par nos concitoyens dans les HLM ?
M. Pierre Ouzoulias. Vous n’y vivez pas !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je peux le dire avec fermeté, je ne partage absolument pas votre vision et vos propos.
M. Stéphane Ravier. Ce sont les propos du préfet !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Je parle de vos propos de conclusion.
Ce n’est pas le fait de décréter que certains sont prioritaires par rapport à d’autres dans l’attribution des logements sociaux qui réglera en quoi que ce soit la situation que vous venez d’évoquer.
La situation de la politique de la ville, nous la connaissons. Cela fait quarante ans que nous y sommes confrontés ; cela fait quarante ans que les fractures ne cessent de s’accroître.
M. Stéphane Ravier. Quel aveu !
M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. Pour ma part, je suis absolument persuadé que ce n’est pas avec le discours que vous venez de tenir que nous réussirons à franchir les frontières qui nous séparent des quartiers de la politique de la ville. En aucun cas !
Comment fait-on pour avoir plus de mixité sociale ? La réalité, c’est que la mixité sociale, la lutte contre les frontières territoriales, les frontières de société, cela passe par des opérations de terrain très concrètes.
La mesure la plus forte qui ait été prise depuis des années est très certainement le doublement des classes dans les zones REP+ que nous venons de décider. Très sincèrement, cela aurait dû être fait depuis bien longtemps. C’était compliqué, mais cela permet de donner un accès plus facile à l’éducation à des personnes qui en ont besoin.
Vous me pardonnerez de ne pas vous répondre sur des critères d’attribution des logements sociaux. Je pense très sincèrement que c’est d’abord un vecteur d’aggravation des fractures territoriales et des divergences de société. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)