M. Alain Gournac. C’est un peu long !
M. Alain Bertrand. … et spéculer sur votre réussite. Nous voulons, nous aussi, redonner confiance et « une place à chacun des Français et à chacun des territoires ».
M. le président. Attention au dépassement du temps de parole !
M. Alain Bertrand. Je conclus, monsieur le président.
La République est un idéal partagé. Nous serons à vos côtés et, à l’heure où les Français demandent de l’efficacité et des résultats effectifs, peut-être devrez-vous faire preuve d’adaptabilité. Mais ensemble, nous pouvons réussir.
C’est ce que le RDSE souhaite pour le président Macron, pour votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, pour la France et pour les Français. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe La République en marche. – Mme Michèle André et M. Didier Guillaume applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le quinquennat qui démarre doit être utile et tant le discours de politique générale entendu hier que les propos tout juste tenus nous donnent bon espoir que ce soit le cas. De toute façon, nous n’avons plus le choix !
Aussi, le groupe Union Centriste ne souhaite qu’une chose : le succès du Gouvernement et la réussite de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Richard Yung applaudit également.)
Nous le souhaitons d’autant plus que le projet porté par le Président de la République et le Gouvernement est globalement conforme aux valeurs centristes.
Pour que ce quinquennat réussisse, des réformes structurelles s’imposent, celles-là mêmes qui, trop souvent, ont été ajournées, différées, diluées. Force est de le reconnaître : ces réformes sont à l’agenda du Gouvernement, selon des modalités qui suscitent, certes, des interrogations ou qui appelleront de notre part des propositions.
Mais, dans ses grandes lignes, monsieur le Premier ministre, nous souscrivons au programme présenté.
Dans les quelques minutes qui me sont imparties, il m’est impossible d’embrasser un champ aussi large que celui que vous avez balayé entre hier et aujourd'hui. Nous aimerions aussi pouvoir parler de santé, de retraite, de handicap, de numérique, d’outre-mer, de culture, de sécurité ou d’innovation, sujets sur lesquels nous nous rejoignons très souvent.
Je me concentrerai donc sur les réformes qui, à nos yeux, sont les « réformes socles ».
Ces mesures sont de deux ordres.
Les premières parent au plus urgent. En effet, l’état d’urgence n’est pas seulement sécuritaire ; il est aussi économique et social : nous devons relancer la croissance et l’emploi.
La France ne peut rester plus longtemps à la traîne d’une reprise qui s’est intensifiée partout ailleurs.
Pour répondre à ce défi, nous pensons comme vous, monsieur le Premier ministre, qu’il faut alléger les charges pesant sur la production et flexibiliser les conditions d’emploi.
Mais pourquoi avoir choisi d’augmenter la contribution sociale généralisée, la CSG, plutôt que la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, pour compenser la baisse des charges sociales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Bonne question !
M. François Zocchetto. Est-il opportun de faire payer le retraité français plutôt que l’exportateur chinois ? Voilà le type d’interrogations que nous avons aujourd'hui et que nous soulèverons lors du débat à venir, dans quelques jours.
En contrepartie de la flexibilisation du droit du travail, nous devons garantir des droits aux salariés tout au long de leur vie professionnelle, en particulier en matière de formation.
Mais là encore, une question se pose : peut-on réformer la formation professionnelle sans traiter du problème de fond, tabou s’il en est, du financement du syndicalisme salarial et patronal ?
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. François Zocchetto. La relance de notre économie est également conditionnée par la maîtrise de nos comptes publics.
Le rapport de la Cour des comptes, comme vous-même, monsieur le Premier ministre, vient encore de rappeler que nous n’en avions pas fini avec les déficits ! Rien de surprenant pour nous, puisque, au Sénat, nous avions massivement dénoncé l’insincérité du budget pour 2017 ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur la plupart des travées du groupe Les Républicains.)
Il n’y aura pas de retour de la croissance et de l’emploi, pas de rétablissement des marges de manœuvre de l’État, ni d’efficacité de la dépense publique sans assainissement des comptes publics.
La technique du rabot a montré ses limites depuis plusieurs années. C’est la raison pour laquelle notre groupe vous accompagnera dans les efforts courageux, notamment de maîtrise de la masse salariale de la fonction publique, que vous avez annoncés.
Mais il faut aussi revoir en profondeur le périmètre de l’action de l’État, d’où cette question, encore : pourrons-nous le faire sans s’interroger sur l’évolution des statuts de la fonction publique, qu’elle soit d’État ou territoriale ?
Il y va aussi de notre crédibilité européenne. N’oublions pas qu’avec l’Espagne, la France est le dernier pays de la zone euro encore sous le coup d’une procédure pour déficit excessif. À l’heure de la relance du couple franco-allemand, cette situation est inacceptable.
C’est justement à l’échelle de l’Union européenne que nous devons prioritairement agir.
Là réside sans doute l’un de nos principaux points communs avec le Gouvernement : au sein du groupe Union Centriste, nous sommes fondamentalement européens. Nous sommes pour une Europe plus forte, mieux intégrée, une Europe qui protège, et ce même si le dernier Conseil européen a démontré à quel point la tâche était ardue en la matière.
Nous avons aussi besoin d’une Europe à l’offensive pour défendre les intérêts communs de ses membres, sans agressivité et sans naïveté. C’est à ce prix que nous pourrons réconcilier les Français avec l’Europe.
Telles sont, selon nous, les conditions du rétablissement de la situation présente, ce qu’il est urgent et indispensable de faire.
Mais il nous faut aussi réformer pour garantir l’avenir.
Je dirai deux mots sur l’enjeu vital que représente l’environnement.
En matière d’écologie, l’entrée de Nicolas Hulot au Gouvernement a donné, c’est vrai, un signal encourageant, signal relayé par la détermination du chef de l’État sur les accords de Paris et par son engagement à défendre le pacte mondial pour l’environnement.
Nous ne pouvons que saluer ces intentions. Toutefois, pour parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050, il faudra bien trancher la question de l’évolution de la filière nucléaire, ce qui nécessitera ambition, mais aussi pragmatisme. Il faudra être clair en la matière !
L’école représente, bien entendu, un autre enjeu pour l’avenir de notre pays.
De longue date, ici, nous avons appelé de nos vœux une revalorisation réelle des filières professionnelles et l’effacement du mur entre la formation initiale et la formation continue, mur qui semble parfois infranchissable.
À nouveau, je soulèverai quelques interrogations car l’équation budgétaire en matière d’éducation nous semble encore incertaine. Comment allez-vous accompagner les collectivités pour, soit revoir les rythmes scolaires, soit maintenir la semaine de quatre jours et demi ? Comment seront financés les redéploiements d’enseignants sur les réseaux d’éducation prioritaire renforcés ?
Nous sommes d’accord avec vous sur le fait que les efforts à fournir dans les enseignements primaire et secondaire doivent contribuer à compenser les inégalités socioculturelles entre les élèves, afin d’obtenir de meilleurs résultats jusqu’au baccalauréat et au-delà.
L’idée selon laquelle un meilleur accompagnement de tous les élèves en début de parcours permet d’obtenir de meilleurs résultats ensuite nous est apparue dans vos propos, tels que nous les avons compris. Si elle se confirme, vous pourrez compter sur l’appui de notre groupe sur ce point.
Enfin l’avenir, et nous vous remercions de l’avoir mentionné dans cet hémicycle, c’est évidemment celui de nos territoires.
À cet égard, je me permets de signaler que vous comptez dans votre gouvernement, à vos côtés, notre ancienne collègue du groupe Union Centriste Jacqueline Gourault, qui est une spécialiste de cette question.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Eh oui !
M. François Zocchetto. S’agissant des territoires, nous ne pouvons que soutenir les lignes de force de votre action : expérimentation, liberté, réduction du millefeuille, délégations entre collectivités, couverture numérique, lutte contre les déserts médicaux. Ce sont aussi les nôtres, ici au Sénat, depuis des décennies !
Mais au-delà des déclarations d’intention, il n’est jamais aisé de les concrétiser. Combien de fois a-t-on malheureusement complexifié en voulant simplifier ? C’est avec cette préoccupation en tête que nous vous accompagnerons dans les travaux de la conférence des territoires.
Une inquiétude concernant la suppression de la taxe d’habitation, que vous avez évoquée : cette suppression ne distendra-t-elle pas le lien entre les élus et leurs administrés ? (M. Philippe Dallier s’exclame.)
M. Henri de Raincourt. C’est sûr !
M. François Zocchetto. Comme nous tous ici, vous avez l’expérience de la vie locale. Nous soumettons donc à votre appréciation la nécessité de conserver ce lien – s’il n’existe plus au travers de l’impôt, il faudra trouver autre chose – car les exigences des administrés, bien que légitimes, ne peuvent pas être toutes satisfaites.
Nous ne demandons pas seulement des compensations ; nous demandons plutôt des recettes dynamiques et pérennes. C’est cela qui permettra d’assurer l’autonomie, que vous avez rappelée voilà quelques instants, des collectivités locales.
Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, sous réserve de ces interrogations, des propositions que nous formulerons et du traitement qui leur sera réservé, nous abordons ce quinquennat avec confiance, et avec la conviction d’un quinquennat enfin utile. Ce ne sera pas facile tous les jours ; permettez-moi donc de vous souhaiter bonne chance ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et La République en marche. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Monsieur le Premier ministre, après le cap fixé par le Président de la République lundi, à Versailles, vous êtes entré dans les détails de la politique gouvernementale, présentant une action que vous avez souhaité articuler autour d’un triple axe : rassembler les Français, les protéger et préparer l’avenir de notre pays.
Ces objectifs vous honorent et je crois qu’il ne viendrait à l’idée de personne, dans cet hémicycle, de les renier.
Vous venez d’évoquer un certain nombre de sujets : l’égalité des chances, le bicamérisme, la revitalisation des territoires, la future conférence des territoires. Tout cela nous convient.
Mais je voudrais insister sur la question des territoires ruraux en souffrance. Les technocrates, géographes et autres penseurs qui n’ont jamais mis un pied au-delà du boulevard périphérique utilisent l’expression « la France périphérique » pour les désigner. C’est une insulte à tous les Français qui vivent dans ces territoires. (M. Jean-Claude Carle opine.)
Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous demanderai, de grâce, de ne pas employer ces termes lors de la conférence des territoires. Les habitants de l’Aisne, de la Haute-Savoie, des Pyrénées-Atlantiques ou du Pas-de-Calais sont des Français comme les autres. Ce ne sont pas des habitants de la France périphérique, non, mais des chefs d’entreprise, des artisans, des commerçants ou encore des chômeurs (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Christine Prunaud applaudit également.) qui souffrent et peinent à se déplacer.
Vraiment, essayons de nous défaire de tous ces termes technocratiques et de toute cette technostructure dont la France regorge ! Mettons du pragmatisme dans la vie de nos territoires !
Si tel est le cas, monsieur le Premier ministre, nous vous suivrons toutes et tous.
Vous avez annoncé des intentions ; passons aux actes.
À Versailles, a été annoncée une volonté de légiférer moins. J’ai pourtant cru comprendre que vous aviez de nombreux textes de loi dans vos cartons… Il faudra être attentif sur ce point puisque nous devons légiférer moins et mieux !
Dans leur immense majorité, les sénateurs socialistes et républicains, souhaitant la réussite de la France, appellent de leurs vœux celle de votre gouvernement. Ils ne se placent pas dans l’opposition et entendent vous accompagner. En effet, certains l’ont dit avant moi, nous n’avons plus aucune autre chance ! (M. Philippe Dallier s’exclame.) Il faut que vous réussissiez et, pour cela, nous devons aussi avancer ensemble.
Votre programme repose sur trois objectifs ; je fixerai trois exigences pour ce travail commun : une exigence de justice sociale, une exigence économique, une exigence européenne.
S’agissant de l’exigence de justice sociale, vous avez avancé, dans votre discours de politique générale, de nombreuses mesures visant à améliorer la santé et l’inclusion, ainsi que des mesures de lutte contre la pauvreté. Nous ne pouvons qu’approuver votre démarche, sur laquelle nous reviendrons, néanmoins, dans les semaines qui viennent.
Toutefois, ce matin, dans Le Quotidien du médecin, votre ministre de la santé a émis des interrogations sur la pérennité du tiers payant.
Mme Catherine Procaccia. Avec raison !
M. Didier Guillaume. Je veux donc dire très clairement, au nom de mon groupe, que le tiers payant est une belle mesure de justice sociale et d’équité républicaine, permettant désormais à chacun de se soigner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Il fallait le rappeler !
M. Didier Guillaume. Il importe vraiment, monsieur le Premier ministre, que vous veilliez à ce que ce tiers payant puisse se généraliser, car il permet aux plus pauvres d’entre nous de pouvoir aller consulter un médecin.
La justice sociale ne repose pas que sur l’établissement de nouvelles mesures sociales. Elle est aussi une ligne de conduite.
À cet égard, je vous l’ai dit, nous serons vigilants sur deux points particuliers : la réforme du code du travail et le pouvoir d’achat des Français.
Sur le premier, vous avez souhaité légiférer par ordonnances et, s’agissant ici d’une annonce faite à l’occasion de la campagne présidentielle, vous disposez de l’aval du peuple français pour le faire.
Les ordonnances ne me gênent pas en leur principe, mais il faut évidemment savoir ce qu’elles contiendront. La transparence doit être totale, afin que nous puissions voter en toute connaissance de cause.
S’agissant du fond de la réforme du code du travail, vous avez évoqué la sécurisation des parcours professionnels.
Il s’agit pour nous d’un point essentiel de la prochaine réforme. Il ne peut y avoir d’assouplissement de certaines règles sans contrepartie forte en termes de protection des travailleurs.
La précédente majorité avait créé le compte personnel d’activité. Ce n’est qu’une étape ! Il faut continuer !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Didier Guillaume. Il faut absolument faire en sorte que cette réelle avancée en matière de sécurisation du parcours des travailleurs perdure.
De même, le compte prévention pénibilité, peut-être difficile à mettre en œuvre (Mme Catherine Deroche s’exclame.), doit être maintenu et amélioré si besoin est.
En tout état de cause, monsieur le Premier ministre, nous souhaitons qu’un point d’étape précis des négociations sociales soit réalisé le plus rapidement possible, afin que nous ayons une vue d’ensemble des ordonnances avant le vote de l’habilitation.
Le deuxième point est le pouvoir d’achat des Français.
Nous saluons l’augmentation annoncée de la prime d’activité, le coup de pouce aux salaires et la suppression des cotisations sociales. Mais permettez-nous une remarque : nous pourrons certes soutenir – sans réserve, en ce qui me concerne – l’augmentation de la CSG en parallèle de la baisse des charges, mais nous nous opposerons à cette augmentation pour les retraités et les personnes âgées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il n’est pas possible que les retraités moyens soient taxés dans ce cadre-là. Il faut impérativement pouvoir y revenir.
Vous avez précisé à l’instant le calendrier de la suppression de la taxe d’habitation. C’est l’impôt le plus injuste. Cela fait un demi-siècle que les bases n’ont pas été revalorisées, personne n’ayant eu le courage de le faire. Elles ne le seront donc jamais. Aussi, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % de nos concitoyens est une bonne réforme.
M. Alain Gournac. Pas pour les collectivités locales !
M. Didier Guillaume. Il faut évidemment penser aux contreparties pour les collectivités locales, mais je pense aussi aux 36 millions de Français qui gagneront en pouvoir d’achat grâce à cette mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche.)
Notre deuxième exigence concerne l’économie. Nous partageons votre volonté d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises. Vous avez évoqué le CICE. Vous avez aussi mis sur la table votre sérieux budgétaire. Très bien !
C’est au nom de ce même sérieux budgétaire que nous souhaitions examiner ici l’hiver dernier le budget de la Nation, ce que la majorité sénatoriale a refusé, préoccupée par d’autres choses…C’est bien dommage. Puisque certains membres de la majorité sénatoriale ont évoqué l’audit de la Cour des comptes, j’aurais aimé qu’ils nous disent, en décembre dernier, ce qu’ils auraient fait de mieux, ce qu’il aurait fallu changer, ce qu’il aurait fallu faire différemment ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République en marche. – Vives exclamations et protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce n’est pas la peine de siffler, mes chers collègues !
En 2012, 5 % de déficit, contre 3,2 % en 2017 : c’est peut-être de la mauvaise gestion, mais la dette a baissé entre-temps ! (Protestations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique Bailly. C’est pourtant la vérité !
M. Didier Guillaume. Madame la présidente de la commission des finances, si vous en êtes d’accord, vous devriez auditionner Christian Eckert. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
Nous ne tomberons pas dans le piège de la caricature des finances publiques que l’on nous tend, et je n’accepte pas que l’on prenne en otage l’ancien secrétaire d’État chargé du budget sans qu’il puisse s’exprimer. Ceux qui ont assisté à la réunion de la commission des finances ont pu s’apercevoir que de très nombreux sénateurs sont intervenus dans le même sens auprès du Premier président de la Cour des comptes.
Monsieur le Premier ministre, vous souhaitez faire des économies : nous vous soutiendrons. Baisser la dépense publique, oui ! Mais maintenir les services publics, trois fois oui ! On ne peut pas réduire les budgets de fonctionnement et réduire les services publics.
Notre troisième exigence, c’est l’exigence européenne.
Sur ce point, le Président de la République est très clair depuis son élection : comment rapprocher l’Europe des peuples ? Comment faire que les peuples retrouvent confiance dans l’Europe ? Sans doute en donnant un projet politique ambitieux aux institutions. C’est un enjeu majeur, que notre groupe veut accompagner.
Lundi, à Versailles, comme à chaque occasion depuis son élection, le Président de la République a prononcé un plaidoyer dans ce sens. Il faut le soutenir, il faut aller plus loin, sur les questions de défense, sur la protection sociale, sur les travailleurs détachés, sur la zone euro. La liste est longue.
Démontrons à nos concitoyens que l’idéal européen est toujours notre horizon. L’Europe qui protège ses peuples sera la plus belle Europe possible.
Monsieur le Premier ministre, vous ne demandez pas aujourd’hui au Sénat un vote de confiance, mais ayez confiance dans notre vigilance et sachez notre exigence pour faire réussir notre pays et mieux protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du groupe La République en marche et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, lundi dernier, devant le Congrès, le Président de la République a dit une chose assez juste : « Il y a en chacun de nous une part de cynisme, contre laquelle il faut lutter. »
Disant cela, il appelait les parlementaires à agir, sans arrière-pensée, dans le seul intérêt du pays.
Alors chiche, monsieur le Premier ministre !
Mais pour cela, il y a des préalables.
Le premier, c’est le respect de l’opposition.
Ni à gauche ni à droite (Vive le centre ! sur certaines travées du groupe Union Centriste.) nous ne sommes les deux bouts de l’omelette qu’il s’agirait de réduire pour ne conserver que la partie centrale, fût-elle importante aujourd’hui.
Contrairement à certains, je ne vois ici, sur toutes les travées, que des représentants de la Nation. Il n’y a pas d’un côté des constructifs,…
M. Philippe Dallier. … de l’autre des démolisseurs ; il n’y a ici que des parlementaires disposant du droit et du devoir de contrôler l’action du Gouvernement, du droit d’amendement des textes, du droit de proposer des lois.
Ces droits, nous entendons les exercer pleinement.
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. Philippe Dallier. Le second préalable, c’est le respect des Français et de la parole donnée.
Nous sortons de deux campagnes électorales qui auraient dû être l’occasion, pour les candidats, de dresser un état des lieux objectif de la situation du pays.
Nous savons maintenant ce qu’il en est.
D’ailleurs, je suggère qu’à l’avenir nous demandions à la Cour des comptes un audit six mois avant les élections, et non pas juste après pour justifier, à peine élu, l’abandon du calendrier des promesses électorales.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Philippe Dallier. Pourtant, le candidat Emmanuel Macron était l’un de ceux qui pouvaient le moins ignorer cette situation, pour avoir été, pendant quatre années, au cœur du pouvoir.
Certes, il a plaidé pour le rétablissement de nos comptes publics et l’inversion de la courbe de la dette, qui va finir par nous entraîner par le fond.
Certes, il a posé le problème de la compétitivité de nos entreprises et annoncé une hausse de la CSG – ce n’était pas notre choix – pour financer des baisses de charges, pour les entreprises comme pour les salariés, et la fin du CICE dès 2018.
Certes, il a proposé 60 milliards d’euros d’économies, mais sans jamais entrer dans le détail.
M. Alain Vasselle. C’est exact !
M. Philippe Dallier. Vous ne l’avez pas fait davantage, monsieur le Premier ministre.
Pour le reste, les Français ont eu droit à une liste de promesses toutes plus sympathiques les unes que les autres, jusqu’à, cerise sur le gâteau, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % d’entre eux, ce qui coûtera 10 milliards d’euros par an.
Sur l’équilibre de notre système de retraite, aucun besoin, disait Emmanuel Macron en campagne, de toucher à l’âge de départ à la retraite. On unifierait les différents régimes sans toucher au montant des pensions, et les conséquences de tout cela seraient reportées au-delà de cinq ans, soit après 2022, ce qui doit être une heureuse coïncidence de calendrier…
Seulement voilà, patatras ! Le Conseil d’orientation des retraites vient de le contredire, réaffirmant que, sans nouvelle réforme, la situation continuerait de se dégrader, ce qui reporte aux calendes grecques le règlement du problème.
La semaine dernière, la Cour des comptes a rendu son audit dénonçant un dérapage de 8 milliards à 9 milliards d’euros du budget 2017, rappelant combien la situation de nos comptes publics est dégradée, laissant la France à la remorque de quasiment tous les pays européens.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez surpris en feignant de piquer une colère et en vous exclamant : « Comment cela ? On nous avait donc caché des choses ? »
Ainsi, nous aurions un Président de la République et un Premier ministre qui découvriraient ce que tous les parlementaires savaient…
Vous pourrez raconter cela aux néophytes de l’Assemblée nationale, qui croiront peut-être que vous ne saviez pas, mais ceux qui ont un peu d’expérience, en particulier ici, savent ce qu’il en était.
Monsieur le Premier ministre, vous étiez pourtant, comme M. le ministre de l’économie et des finances, membre du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale. Or notre excellent collègue Gilles Carrez, alors président de la commission des finances, avait, à l’automne dernier, alerté sur l’insincérité du budget 2017. Je ne doute pas qu’à l’époque vous l’écoutiez avec attention.
Ici même, au Sénat, notre rapporteur général, Albéric de Montgolfier, avait fait de même et la majorité sénatoriale avait repoussé ce budget, refusant de l’examiner en séance – mais pas en commission –, car jamais nous n’avions vu budget aussi insincère.
Aujourd’hui, alors que la Cour des comptes ne fait que confirmer notre analyse – dans son rapport, Albéric de Montgolfier annonçait un déficit à 3,2 % du PIB –, vous feignez de vous en étonner et vous sautez sur l’occasion pour justifier, déjà, le décalage de certaines baisses d’impôts et de charges.
N’y aurait-il pas là un peu de cynisme, un manque de respect envers les Français et la parole donnée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je pense que nos concitoyens l’ont bien compris : la hausse de la CSG et du prix du tabac, c’est pour tout de suite ; les baisses d’impôts et de charges, ce sera pour plus tard.
La première décision de tout gouvernement constatant une telle situation aurait dû être de présenter un collectif budgétaire, dans l’esprit de la LOLF. Vous vous y refusez.
L’urgence, c’est une trente-deuxième loi de moralisation de la vie publique…
Vous allez donc tenter de contenir le déficit 2017 à coup de nouveaux gels ou de surgels de crédits – Didier Migaud nous a dit lors de son audition que le congélateur était plein et qu’il fallait en finir avec ces pratiques. Elles ne sont en effet pas acceptables, car elles dessaisissent la représentation nationale de ses prérogatives. Nous espérons que tout cela ne se terminera pas par des reports de charges, qui ne feraient qu’aggraver le problème en 2018…
Pour autant, on comprend bien que, pour vous, cette technique a l’immense avantage d’éviter un débat devant le Parlement, et donc devant les Français. Je pense que vous faites là une erreur.
Autre sujet de préoccupation, particulièrement ici au Sénat : vos annonces concernant les collectivités locales.
On avait cru comprendre, d’après ce qu’avait dit Emmanuel Macron au cours de la campagne, qu’il n’y aurait plus de baisses des dotations de l’État, le Président souhaitant en contrepartie une baisse de nos dépenses de 10 milliards d’euros.
Je n’ai toujours pas compris comment cela était possible. Comment le Gouvernement peut-il imposer des baisses de dépenses aux collectivités locales ? Il peut imposer des baisses de recettes, mais vous dites que vous ne le ferez pas.
La suppression annoncée de la taxe d’habitation pour 80 % des Français pose un vrai problème, peut-être même constitutionnel.
La taxe d’habitation est, avec la taxe foncière, la dernière ressource propre des communes.