COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Corinne Bouchoux,
M. Christian Cambon.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 2 février 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle, déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 2 février 2017.
3
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé :
-l’inscription à l’ordre du jour du jeudi 16 février, après l’examen de trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié, de la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle, sur laquelle il a engagé la procédure accélérée ;
-l’examen, le même jour, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité publique, ou de sa nouvelle lecture, avant l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la Corse, ou de sa nouvelle lecture.
Acte est donné de ces demandes.
La commission des finances se réunira pour examiner le rapport sur la proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle le mardi 14 février après-midi. Le délai limite de dépôt des amendements sur ce texte pourrait être fixé au mercredi 15 février, à dix-sept heures.
Le Gouvernement a également demandé d’avancer à dix heures trente, le jeudi 23 février, le débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises, qui était initialement prévu à onze heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, l’ordre du jour des jeudi 16 et jeudi 23 février 2017 s’établit comme suit :
JEUDI 16 FÉVRIER 2017 |
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À 10 h 30 et à 14 h 30 |
- 3 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié : => Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs (n° 84, 2016-2017) => Projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (n° 848, 2015-2016) => Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (procédure accélérée) (A.N., n° 4263) • Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 14 février à 17 heures - Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération issues de la transformation de syndicats d’agglomération nouvelle (ex SAN) (procédure accélérée) (A.N., n° 4445) Ce texte sera envoyé à la commission des finances. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 février, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 14 février après-midi • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 15 février, à 17 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : jeudi 16 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 février, à 17 heures |
À 10 h 30 et à 14 h 30 (suite) |
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité publique ou nouvelle lecture • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 février à 17 heures En cas de nouvelle lecture : • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : à l’ouverture de la réunion de commission • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 16 février matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale - Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse ou nouvelle lecture • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 février, à 17 heures En cas de nouvelle lecture : • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : à l’ouverture de la réunion de commission • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 16 février matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale |
JEUDI 23 FÉVRIER 2017 |
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À 10 h 30 |
- Débat sur le bilan du « choc de simplification » pour les entreprises (demande de la délégation sénatoriale aux entreprises) • Temps attribué à la délégation sénatoriale aux entreprises : 10 minutes • Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 22 février, à 17 heures |
À 15 heures |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 23 février, à 11 heures |
À 16 h 15 |
- Proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes, présentée par MM. Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO, Philippe BAS et Mathieu DARNAUD (n° 291, 2016-2017) (demande du groupe Les Républicains) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 février, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 février matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 22 février, à 17 heures |
À 16 h 15 (suite) |
- Proposition de loi permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins, présentée par MM. Philippe BAS, Mathieu DARNAUD et plusieurs de leurs collègues (n° 758, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 13 février, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 15 février matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 20 février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 22 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 22 février, à 17 heures |
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique est parvenue à un texte commun.
5
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel relatif aux chiffres de la politique de l’immigration et de l’intégration.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois et à celle des affaires sociales.
6
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 2 février 2017, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation lui a adressé un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime (Redressement et liquidation des exploitations agricoles – Exclusion des personnes morales) (2017-626 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
7
Lutte contre l'accaparement des terres agricoles
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle (proposition n° 316, texte de la commission n° 345, rapport n° 344).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous revenons aujourd’hui, à la suite d’un recours, sur un débat qui avait déjà eu lieu au Sénat et qui concerne le foncier agricole, le biocontrôle, ainsi que – et ce sujet me tient particulièrement à cœur – les certificats d’économie de produits phytosanitaires, les CEPP.
S’agissant tout d’abord du foncier, nous avions trouvé ici un certain nombre de voies et moyens pour lutter contre l’accaparement des terres. Notre débat faisait suite à l’acquisition de 1 700 hectares dans l’Indre par des fonds chinois, sans que quiconque, et notamment les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ait pu détecter ce qui se passait.
Lors de nos discussions sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, nous avions proposé que le portage de ce type de mouvements fonciers puisse être repéré par les SAFER, ce qui avait été voté à une très large majorité dans cet hémicycle. Cela faisait droit à l’idée, que nous devons garder à l’esprit, selon laquelle l’accès au foncier est essentiel pour nos agriculteurs. En effet, si nous ne nous donnons pas les moyens de limiter la capacité d’accaparement du foncier, l’installation des jeunes agriculteurs deviendra problématique.
La solution trouvée consistait à renforcer les capacités d’action des SAFER et à permettre à des groupements fonciers d’agir à l’occasion de telles opérations foncières, lesquelles n’étaient jusqu’alors pas perceptibles.
Cette solution issue des discussions sur la loi Sapin II, dont l’objet était de nous donner des outils pour éviter les accaparements de terres agricoles, devrait de nouveau faire consensus. Je le rappelle, nous débattons en effet une fois encore de ce sujet simplement à cause d’un problème de forme – un cavalier législatif dans la loi Sapin II –, et non de fond. Je souhaite, dès lors, que nous puissions avancer rapidement et convenir des bonnes réponses, en l’occurrence celles que nous avions déjà adoptées ensemble à l’occasion de ladite loi.
Les certificats d’économie de produits phytosanitaires constituent un autre sujet, qui revient en débat parce qu’un recours a été déposé devant le Conseil d’État par un certain nombre d’acteurs concernés, en l’occurrence des vendeurs de produits phytosanitaires, qui contestent la mise en place de ces certificats. La contestation portait, là aussi, sur une question de procédure. Il s’agissait de savoir à quel moment ouvrir l’enquête publique et si cela ressortait de l’ordonnance ou de l’arrêté. Du fait d’une erreur d’interprétation, qui n’est pas du fait du ministère, nous retrouvons donc cette question.
Je veux rappeler l’objectif des CEPP. Il s’agit d’une procédure expérimentale qui vise à responsabiliser tous les acteurs, dans le cadre de la vente comme de l’achat des produits phytosanitaires.
Pour ce qui concerne les agriculteurs, nous avons mis en place le plan Écophyto II, lequel vient après le plan Écophyto I, en nous appuyant sur ce qui avait déjà été fait – les fermes Dephy et le Certiphyto, le certificat individuel de produits phytopharmaceutiques – et en développant une stratégie visant à démontrer qu’une baisse de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques était tout à fait possible.
Je veux pour preuve de cette baisse les résultats du plan Écophyto II, qui ont été publiés : dans les fermes Dephy, on observe une diminution significative du recours à ces produits dans les secteurs des grandes cultures, de l’arboriculture, des productions tropicales – avec une diminution, dans ce secteur particulier, de l’ordre de 70 % – et du maraîchage, alors même que leur utilisation augmente globalement dans d’autres domaines de l’agriculture.
Dans le même temps, ma ligne a toujours été d’éviter d’augmenter la taxe sur les produits phytosanitaires. Il existe un principe selon lequel, en augmentant cette taxe, on réduit la consommation de ces produits. Mais qui paie ? Les agriculteurs !
Autant l’agroécologie et le plan Écophyto II permettent la mise en place, au niveau des agriculteurs et de la production agricole, des objectifs de réduction des produits phytosanitaires qui reposent sur des bases nouvelles et de nouveaux modèles de production – et cela marche ! –, autant il est nécessaire de responsabiliser ceux qui vendent ces produits.
Il est facile de dire aux agriculteurs qu’ils portent la responsabilité de l’utilisation des produits phytosanitaires et qu’ils doivent payer pour que cette consommation diminue quand, dans le même temps, les vendeurs n’assument aucune responsabilité. Ce n’est pas ainsi que l’on parviendra à réduire l’usage de ces produits !
Au-delà même de la question, qui se pose au sein de notre société, des pesticides et autres produits phytosanitaires, il y en a une autre, toute simple : économiquement, moins on consomme de produits intermédiaires, moins les agriculteurs achètent des produits phytosanitaires, et meilleurs sont les résultats des exploitations agricoles.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Bruno Sido. C’est évident !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Entre 2014 et 2015, pour la première fois, la consommation des produits phytosanitaires a baissé. J’ai d’ailleurs noté que tous les acteurs, et en particulier la profession agricole, étaient satisfaits de cette diminution.
La responsabilisation des vendeurs est au cœur du dispositif des CEPP. Je vous demande donc, messieurs, mesdames les sénateurs, d’être attentifs à ce qui a été engagé à l’occasion de l’expérimentation et qui commence à porter ses fruits, de maintenir ce dispositif et de ne pas le remettre en cause.
Je sais qu’il y a au Sénat une préoccupation portant sur les sanctions qui vont tomber si l’objectif de diminution de 20 % de la vente des produits phytosanitaires n’est pas atteint au bout de cinq ans, sachant que des objectifs alternatifs, comme le biocontrôle, sont disponibles.
Le montant de ces sanctions a fait l’objet de négociations avec la profession agricole. Il était de 11 euros pour un nombre de doses unités, ou NODU, au tout début de la mise en place des certificats d’économie de produits phytosanitaires. Je l’ai ramené à 5 euros à l’issue de discussions avec les agriculteurs.
La profession, lors du comité de pilotage du plan Écophyto II, a fini par accepter ce montant.
M. Bruno Sido. De guerre lasse !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, si l’on ne prend pas les décisions nécessaires, celles-ci finiront par s’imposer et ce seront les agriculteurs qui paieront, ce que je ne veux pas !
Je souhaite que tous les acteurs soient responsabilisés et qu’ils aient tous des objectifs convergents. Il ne peut pas y avoir, d’un côté, des agriculteurs sur lesquels s’exerce la pression médiatique et citoyenne, et, de l’autre, des vendeurs de produits phytosanitaires exemptés de toute responsabilité. Tous les acteurs de la filière phytosanitaire sont concernés. Les certificats d’économie de produits phytosanitaires ont précisément pour objet de responsabiliser les vendeurs. Sans ce dispositif, on risque de ne pas atteindre notre objectif.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment à ceux d’entre vous qui appartiennent à la majorité sénatoriale, que, lors du Grenelle de l’environnement, l’objectif du plan Écophyto I était de réduire de 50 % le recours aux produits sanitaires à l’échéance 2018. Lorsque je suis arrivé aux affaires en 2012, j’ai indiqué au Sénat – c’est même là que je l’ai dit pour la première fois – que l’utilisation de ces produits augmentait encore à hauteur de 12 % et que l’objectif d’une baisse de 50 % était inatteignable.
Allons-nous continuer à laisser les choses suivre leurs cours ou allons-nous nous donner les moyens d’obtenir des résultats ? Or la responsabilisation des vendeurs de produits phytosanitaires à l’échéance de cinq ans n’est-elle pas la meilleure méthode pour inciter tous les acteurs à moins recourir à ces produits et à développer des alternatives à l’utilisation de la chimie et des pesticides ? Voilà, selon moi, une conception que nous devons partager.
Les CEPP constituent un projet global. S’il n’y a plus de sanctions, et je sais que c’est ce point qui fera débat au Sénat, qui aura intérêt à réaliser l’objectif de diminution ? Plus personne !
M. Bruno Sido. Les agriculteurs !
M. Bruno Sido. J’en suis un ! (M. Charles Revet opine.)
M. Stéphane Le Foll, ministre. … et dites-leur que c’est à eux qu’incombe toute la responsabilité !
Pour ma part, je ne crois pas qu’ils soient les seuls à devoir assumer cette responsabilité. Les industriels et tous ceux qui vendent des produits phytosanitaires en portent aussi une part.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Si vous ne voulez pas le comprendre, nous manquerons l’objectif et, une fois encore, tout sera mis à la charge des agriculteurs. Le débat est là, pas ailleurs !
Je le redis, la baisse du montant des sanctions de 11 à 5 euros par NODU a été obtenue en négociant un accord avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA. Revenir sur cette question aujourd’hui sous prétexte qu’un recours a été introduit concernant les CEPP, ce serait remettre en cause l’accord trouvé.
J’ai été très satisfait de constater que la consommation de produits phytosanitaires avait baissé entre 2014 et 2015 de 2,7 %, même si cette diminution est modeste et correspond juste à une inversion de la courbe. Il nous faut poursuivre en ce sens, et ne surtout pas nous arrêter !
J’agis, quant à moi, au nom des agriculteurs de France. Si vous détricotez les CEPP en gardant les fiches-action, qui sont parfaites, mais en supprimant les sanctions, alors il vous faudra assumer vos responsabilités s’agissant des phytosanitaires à la fois devant les agriculteurs et devant nos concitoyens. Vous savez combien ce sujet est sensible et pèse politiquement sur les débats, combien d’émissions lui ont été consacrées dans les médias… Si nous ne prenons pas collectivement les bonnes décisions, si nous ne mettons pas en place les bons outils, nous n’obtiendrons pas les résultats souhaités par tous. Je souhaite que cette responsabilité soit partagée.
En mettant en place les CEPP, on ouvre des alternatives à la chimie. C’est ce que l’on appelle le biocontrôle, qui figure dans la proposition de loi que nous examinons et qui permet d’autres ouvertures, notamment via l’élargissement du principe de dispense d’agrément, pour faciliter les agréments de produits de biocontrôle. Le recours à ces produits se développe. Je l’ai dit, dans les fermes Dephy, notamment dans le secteur de l’arboriculture, l’utilisation des produits phytosanitaire a diminué de 30 %.
Ces résultats sont importants et intéressants ! Pourquoi s’en plaindre ? Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique en mettant en place des outils pour une fois efficaces, qui donneront satisfaction à nos concitoyens et aux consommateurs, et qui permettront de ne pas faire peser sur les seuls agriculteurs la charge et les coûts des demandes qu’on leur impose ?
Les CEPP sont un moyen expérimental de créer des processus non pas normatifs et fiscaux, mais collectifs d’engagement de la responsabilité de chacun des acteurs. C’est pourquoi je tiens fortement à ce dispositif.
Pour ce qui est du foncier, j’y insiste, les solutions que nous avions trouvées lors de la discussion de la loi Sapin II devraient être des éléments de rassemblement.
S’agissant du biocontrôle, j’imagine que les choses iront dans le bon sens.
Pour les certificats d’économie de produits phytosanitaires, l’esprit et l’objectif sont les mêmes : il s’agit de faire évoluer les pratiques sans sanctionner, mais en faisant en sorte que chacun assume la part de responsabilité qui lui revient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi consacrée à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle fait l’objet d’un examen à grande vitesse : déposée fin décembre, elle a été examinée mi-janvier à l’Assemblée nationale et au Sénat aujourd’hui.
Mais discussion rapide ne veut pas dire discussion bâclée.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Daniel Gremillet, rapporteur. J’ai ainsi procédé à quatorze auditions pour recueillir les avis les plus larges et les plus variés sur ce texte, car il est toujours important de s’enrichir de l’ensemble des avis.
La question centrale que ce texte aborde est celle de la préservation des terres agricoles. Cette question ne nous est pas inconnue, puisque nous l’avions traitée dans la loi Sapin II.
Lors de l’examen de ce texte, nous avions travaillé avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, Dominique Potier, et les services du ministère de l’agriculture pour trouver des solutions à la fois ambitieuses et réalistes. Nous y étions, je le crois, parvenus. D’ailleurs, si la commission mixte paritaire avait échoué, ce n’était pas sur les questions agricoles, car nous avions dégagé un accord qui est resté dans le texte final.
Malheureusement, le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions constituaient des cavaliers législatifs et les a annulées. Il fallait donc reprendre tout ce travail. C’est ce qu’a souhaité faire Dominique Potier en déposant avec Olivier Faure, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi reprenant, d’une part, l’intégralité des dispositions sur le foncier agricole contenues dans la loi Sapin II et introduisant, d’autre part, des dispositions sur le biocontrôle et les certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.
Vous devez reconnaître, monsieur le ministre, que les CEPP sont apparus au travers d’un amendement du Gouvernement lors du débat à l’Assemblée nationale.
En ce qui me concerne, j’ai fait un choix différent, en déposant une proposition de loi dans laquelle je m’en tiens au consensus trouvé lors de l’examen de la loi Sapin II sur le seul sujet du foncier agricole. Le dispositif avait en effet été fortement retravaillé au Sénat, car nous avions alors souhaité nous placer dans une démarche constructive. Je continue d’adopter cette attitude aujourd’hui sur une question très importante pour nos agriculteurs.
La question de la maîtrise des terres agricoles par les paysans eux-mêmes est tout à fait fondamentale pour l’avenir de notre agriculture. Des travaux du Centre d’études et de prospective du ministère de l’agriculture publiés en mai 2016 montraient en effet que la propriété de leurs terres, ou d’au moins une partie d’entre elles, par les agriculteurs et leurs proches constituait un des critères majeurs du modèle de l’agriculture familiale que nous défendons.
Or l’acquisition de terres par des acteurs « hors agriculture » est un phénomène qui se développe rapidement. Le faire-valoir direct des terres par les agriculteurs, qui ne cesse de baisser depuis cinquante ans, est désormais minoritaire.
Des montages juridiques permettent de conserver la propriété des terres dans le cadre familial, par exemple à travers les groupements fonciers agricoles ou les groupements fonciers ruraux. Mais on assiste aussi à l’arrivée d’investisseurs, dans les terres agricoles comme dans les forêts. Le prix des terres est en effet plutôt bas en France par rapport à ceux qui se pratiquent chez nos voisins européens – 6 010 euros en France en 2014 pour les terres et prés libres, contre deux à trois fois plus au Danemark, en Allemagne ou en Italie.
Les fermages rapportent peu, mais la montée des prix des terres agricoles peut laisser espérer d’importants gains en capital.
La France s’est dotée d’un outil puissant d’intervention sur le foncier agricole : les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER. Bras armé du remembrement il y a plusieurs décennies, elles ont vu leurs missions confortées par la loi agricole de 2014, avec un objectif fort d’accompagnement de la consolidation des exploitations ou de l’installation de jeunes agriculteurs.
Pour atteindre les objectifs fixés par la loi, les SAFER disposent d’une prérogative exorbitante du droit commun : le droit de préemption en cas de vente de terres agricoles, ou encore de bâtiments en zone rurale.
Ce droit de préemption a été étendu par la loi agricole de 2014 aux cessions totales de parts de société, pour les exploitations agricoles constituées sous cette forme. Or cette disposition n’aurait pas suffi pour permettre à la SAFER de s’interposer dans l’affaire qui a défrayé la chronique et suscité les dispositions foncières de la loi Sapin II, à savoir l’acquisition par des investisseurs étrangers, en l’occurrence chinois, de 1 600 hectares de terres dans le Berry. En effet, la cession de parts sociales n’a pas été totale.
Le mécanisme mis en place par la loi Sapin II et repris dans l’actuelle proposition de loi repose sur deux piliers. D’abord, on oblige les sociétés à acquérir des terres à travers une société dédiée au portage foncier : c’est l’article 1er. Ensuite, on étend le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts sociales : c’est l’article 3.
Nous savons faire preuve de discernement dans l’application de ce mécanisme : la filialisation des acquisitions foncières ne sera pas obligatoire pour les groupements fonciers agricoles, les GFA, les groupements fonciers ruraux, les GFR, les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC ou les entreprises agricoles à responsabilité limitée, les EARL.
Nous avons aussi ajouté en commission une exception pour les sociétés agricoles qui rachètent les terres dont elles sont déjà locataires : on n’est pas là pour déstructurer le monde rural !
La filialisation ne sera pas non plus obligatoire pour les petites acquisitions de terres, en deçà des seuils du contrôle des structures. Finalement, seules les opérations importantes y seront soumises, pour plus de transparence.
La possibilité pour les SAFER de préempter des parts sociales, même lorsque la cession ne porte pas sur la totalité des parts, est discutée par les juristes, car la rétrocession peut exposer au fait d’obliger des partenaires à travailler ensemble au sein d’une société alors qu’ils ne l’ont pas choisi. Mais je note que cette possibilité existe déjà pour les sociétés civiles immobilières, les SCI, dans le secteur de l’immobilier résidentiel. Pourquoi ne pourrait-on pas suivre le même raisonnement pour protéger les terres agricoles ?
Je suis conscient cependant que, si le mécanisme mis en place par la proposition de loi crée de nouvelles possibilités d’intervention pour protéger le foncier agricole, il ne règle pas tous les problèmes. Nous devrons probablement travailler avec tous les partenaires – agriculteurs, propriétaires ruraux, SAFER, collectivités locales – à l’élaboration d’un grand texte foncier qui permette de revoir les possibilités d’associer des apporteurs de capitaux extérieurs au monde agricole ; j’y travaille d’ores et déjà. Ces investisseurs sont en effet nécessaires et un partenariat de long terme doit être noué pour alléger le fardeau financier des agriculteurs et, en même temps, leur garantir un droit pérenne d’utilisation des terres de leur exploitation.
Outre les deux dispositions phares sur le foncier agricole concernant la filialisation des acquisitions de terres par les sociétés et l’extension du droit de préemption des SAFER, la proposition de loi réintroduit les autres dispositions foncières annulées de la loi Sapin II : l’obligation de conservation des parts sociales détenues à la suite d’apports de terre durant cinq ans ; la suppression du répertoire des valeurs des terres agricoles, qui n’avait jamais existé que sur le papier, au profit du barème, qui existe depuis de nombreuses années à titre provisoire ; ou encore la facilitation de l’attribution de conventions d’occupation précaire des réserves foncières des collectivités territoriales.
S’agissant du foncier, les députés avaient ajouté un article 7 bis qui supprimait la commission nationale paritaire des baux ruraux et les comités techniques départementaux. Or, si la simplification est un objectif louable, pourquoi supprimer ces comités dans les départements où « ça marche » ?
Par ailleurs, pourquoi se priver de la possibilité de saisir une commission nationale plutôt que de renvoyer la gestion des conflits sur les minima et maxima des fermages aux seuls préfets ?
Nous avons donc supprimé cette nouvelle disposition, qui ne fait pas consensus. Notre décision va dans le sens des intérêts des agriculteurs et permettra d’éviter l’engorgement des tribunaux.
La proposition de loi que nous examinons contient aussi une partie sur les produits phytopharmaceutiques et le biocontrôle.
Cette question n’avait pas été traitée dans la loi Sapin II, monsieur le ministre, et n’a strictement rien à voir avec le foncier agricole ! Je n’avais d’ailleurs pas intégré de telles dispositions dans ma proposition de loi.
Les articles 8 et 9 visent à encourager le développement des méthodes alternatives comme le biocontrôle et l’utilisation de préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP : l’article 8 dispense d’agrément les entreprises qui utilisent ces produits ; l’article 9 dispense de Certiphyto les personnels qui les utilisent.
Les auditions m’ont montré qu’il y avait un large accord sur cet assouplissement du droit, même si je souligne qu’il ne faut pas toujours considérer que les substances, parce qu’elles sont naturelles, seraient inoffensives. Attention à ne pas développer de fausses croyances dans le domaine de la protection des plantes !
L’article 10 concerne l’expérimentation des CEPP.
Prévus par la loi agricole de 2014, les CEPP ont été mis en place par une ordonnance de 2015, mais cette ordonnance a été annulée, là encore pour un motif de procédure, par le Conseil d’État.
J’ai l’impression que le volet sur les produits phytopharmaceutiques de la proposition de loi de Dominique Potier existe précisément pour réintroduire dans la loi le plus vite possible les dispositions annulées. Au final, un amendement du Gouvernement adopté en séance a restauré l’ensemble du texte de l’ordonnance.
La commission des affaires économiques n’a pas remis en cause le dispositif – je tiens à le préciser, monsieur le ministre, car nous aurions pu considérer qu’il n’avait pas sa place dans le texte –, même s’il y a été inséré « à la hussarde ». Cependant, elle a souhaité que l’encouragement à l’adoption de méthodes alternatives de protection des plantes passe par une logique plus incitative que punitive. Ainsi, nous avons supprimé la sanction financière prévue pour non-atteinte des objectifs d’acquisition de CEPP. Soyons honnêtes, monsieur le ministre, nous savons bien que si une pénalisation financière est prévue, c’est l’agriculteur qui la paiera au final !
La commission des affaires économiques est donc passée à une posture offensive d’encouragement à bien faire. Vous l’avez dit, les paysans et leurs fournisseurs savent travailler correctement et atteindre les objectifs fixés. Les CEPP restent utiles pour mesurer les efforts réalisés et, éventuellement, pour apporter des subventions aux projets les plus prometteurs en matière de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques conventionnels. Mais nous ne voulons pas qu’ils soient un instrument de contrainte pour les coopératives, les distributeurs ou les agriculteurs.
Enfin, j’ai fait évoluer la proposition de loi en introduisant un article 8 A qui vise à résoudre un problème que nous rencontrons actuellement, celui du dépérissement du buis.
En effet, les dernières lois votées ont supprimé toute possibilité de traitement phytopharmaceutique classique pour les collectivités territoriales depuis le 1er janvier 2017 et pour les particuliers en 2019. Or il n’existe parfois aucune technique alternative, comme c’est le cas pour le buis attaqué par une maladie redoutable due à un champignon. Devrait-on se résoudre à couper les buis, qui sont partie intégrante de notre patrimoine historique et constituent l’un des socles du jardin à la française ? La commission a pensé qu’il fallait permettre des assouplissements mesurés à la loi pour ne pas interdire aux collectivités ou particuliers de sauver une espèce végétale lorsqu’aucun traitement de substitution, comme le biocontrôle, n’est possible.