M. Philippe Kaltenbach. Pourquoi ?
M. Jean-Jacques Panunzi. Bien sûr, parce que les circonscriptions administratives départementales ne sont pas supprimées. On supprime les conseils départementaux, c’est tout.
Nous en serons toujours, disais-je, à 2 départements, 2 préfectures, 5 arrondissements, 3 sous-préfectures, 9 chambres consulaires, etc. Je pose la question : où est la simplification ? Est-ce ce modèle que vous voulez copier pour les autres régions dans quelques années ? Pour ma part, non, je ne suis pas d’accord.
À la suite de l’installation des futures majorités présidentielle et législative que nous appelons de nos vœux,…
M. Jacques Mézard. On l’a bien compris !
M. Jean-Jacques Panunzi. … nous proposerons l’élaboration et l’adoption d’une loi spécifique à la Corse, s’inscrivant dans une démarche globale, tant statutaire qu’économique, qui puisse constituer le cadre optimal d’exercice des compétences attribuées et, surtout, le cadre optimal d’épanouissement de la Corse au sein de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je veux, avant de passer à la discussion des articles, dire quelques mots pour remercier encore une fois le sénateur Portelli de la qualité de son rapport, mais aussi des propos qu’il a prononcés à la tribune, de son engagement et de son soutien sans faille quant à ces ordonnances et à la création de la collectivité unique. Il connaît bien ces sujets pour avoir, en d’autres temps, beaucoup œuvré sur la Corse. Il sait où est l’intérêt des Corses et de la Corse. Je tiens donc à le remercier et à rendre hommage au professeur de droit constitutionnel qu’il est, dont la parole est indiscutable quand il souligne que ce texte est un bon texte.
Je veux également remercier le sénateur Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour son implication dans l’examen de l’ordonnance financière. Je lui sais gré d’avoir souligné la qualité du travail accompli, et ce dans l’intérêt général des Corses et de la Corse.
Monsieur le sénateur Luche, je vous remercie de vos propos. J’ai bien entendu votre explication sur les avantages de la collectivité unique et votre engagement, au nom de votre groupe, à soutenir ce texte et donc, j’imagine, à le voter.
J’évoquerai le référendum, que vous-même, et d’autres, avez abordé. Je veux bien que, désormais, tout le monde en appelle en permanence au référendum. Mais il se passe des choses étranges. En effet, jusqu’à une période récente, la droite française n’avait quand même pas une préférence marquée pour le recours au référendum !
M. André Gattolin. Par exemple, sur les institutions européennes !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. On l’évoque quand cela peut sembler utile, sans d’ailleurs, généralement, y recourir quand on est au pouvoir !
Pour ma part, je fais partie de ces radicaux républicains qui sont partisans de la démocratie représentative. Je connais – je réponds par là même au sénateur Ravier – tous les dangers du référendum, dont on a vu, à chaque fois, qu’il n’apporte pas de réponse à la question posée. En l’occurrence, dans le paysage politique actuel, un référendum en Corse ne me semble pas la meilleure des formules pour préparer sereinement l’avenir institutionnel de l’île.
Je veux aussi dire au sénateur Ravier que la ruralité n’est pas oubliée en Corse : nous venons de lui conférer le statut d’île-montagne, une vieille revendication. Je suis moi-même allé signer sur place des contrats de ruralité. Les élus de l’île et l’État se soucient d’un aménagement du territoire harmonieux en Corse, et j’y veille personnellement puisque cela fait partie de mon portefeuille ministériel.
Monsieur le sénateur Kaltenbach, je vous remercie de votre soutien et, surtout, d’en avoir appelé à la cohérence politique. Je veux bien tout entendre, mais c’est quand même bel et bien la collectivité de Corse qui a souhaité la collectivité unique et délibéré en 2014 pour demander sa création !
On peut toujours faire l’exégèse, protester et prêter aux uns et autres tel ou tel avis. Parmi les documents que j’ai sous les yeux, je viens de lire qui avait voté pour la création de la collectivité unique. Je trouve parmi eux certains qui sont aujourd'hui en train de mener une opposition frontale à la collectivité unique alors qu’ils ont voté pour sa création lorsque la collectivité de Corse a délibéré sur le sujet. C’est quand même une duplicité rare dans la vie politique ; mais je reviendrai sur le sujet tout à l’heure.
Vous avez également eu raison, monsieur le sénateur, de souligner l’hétérogénéité des territoires. La Corse, c’est la France, c’est incontestable. Elle est un territoire de la République française, mais elle est aussi la Corse, ce qui implique quand même quelques légères différences. On ne peut pas dire que la région parisienne, le Tarn-et-Garonne ou l’Aveyron soient totalement similaires à la Corse. Alors, oui, la République est belle de ses différences et de son hétérogénéité.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Et elle s’enrichit de ses différences. Mais dès lors que l’on accepte cette idée – et j’entends que tout le monde est d’accord sur toutes les travées –, encore faut-il le reconnaître et mettre en accord ses actes avec ses idées. La Corse a besoin d’un certain nombre de statuts particuliers, et c’est ce que nous proposons.
Monsieur le sénateur Castelli, vous êtes un sénateur d’expérience, corse, de surcroît ; vous savez donc parfaitement de quoi vous parlez. Vous avez bien fait d’évoquer, dans un élan de sagesse, un juste équilibre institutionnel.
Vous avez également eu raison de penser aux agents. Vous êtes le seul à avoir évoqué leur sort, mais je connais votre engagement solidaire et social. Je puis vous dire que des dispositions ont été prévues à cet effet. Le président de la collectivité territoriale de Corse et les deux présidents des conseils départementaux se sont réunis et se sont mis d’accord. Je tiens à le préciser parce que certaines interventions laissent à penser que rien ne fonctionne en Corse et que tout a été oublié. Tel n’est pas le cas.
De même, vous avez bien fait d’aborder la question du désordre foncier. Comme vous, je regrette que l’amendement ait été déclaré irrecevable pour des raisons sur lesquelles je préfère ne pas revenir, mais qui sont bien loin de l’intérêt de la Corse : on a vu beaucoup de reniements et de pressions se conjuguer pour faire en sorte qu’il ne puisse pas venir en discussion.
Je ferai tout, au nom du Gouvernement, pour que nous puissions, sinon recoller la vaisselle cassée, du moins rattraper le temps perdu. Quoi qu’il en soit, il ne me semble pas très responsable ni très raisonnable d’avoir agi de la sorte. En tout cas, je sais que ce n’est pas l’intérêt des Corses et de la Corse, car le groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse n’aura pas fini son travail dans les délais impartis. D’ailleurs, si le projet de loi n’est pas adopté, je ne suis pas sûr que la future majorité, quelle qu’elle soit, ait le temps de légiférer sur le sujet avant le 1er janvier 2018.
Monsieur le sénateur Panunzi, vous m’étonnerez toujours ! Selon les lieux, je ne vous entends pas dire tout à fait les mêmes choses ni parler avec la même flamme. Si je vous ai bien – enfin ! – compris, vous êtes désormais contre la collectivité unique.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il n’a pas dit cela !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Pourtant, vous avez participé à toutes les réunions de concertation que j’ai menées en Corse à trois ou quatre reprises.
Je vais répéter aujourd'hui, devant vous, ce que j’ai dit à la préfecture d’Ajaccio : quelqu’un de l’extérieur se demanderait pourquoi ce ministre venu de Paris voudrait imposer la collectivité à tous les Corses, alors qu’elle a été réclamée par les Corses eux-mêmes. Vous avez effectivement toujours expliqué, avec beaucoup de constance, que vous souhaitiez une loi spécifique, tout en sachant très bien que cela reviendrait à la renvoyer aux calendes grecques. Que ne l’avez-vous faite quand vous étiez dans la majorité ? Ce n’est pas si vieux ! À vous entendre, on a l’impression que nous gouvernons la France depuis vingt ans ! Malheureusement, ce n’est pas le cas, sinon elle se porterait mieux. Cette loi spécifique, vous ne l’avez pas faite !
M. Jean-Jacques Panunzi. C’est vous qui êtes ministre, pas nous ! Nous n’avons pas voulu supprimer les départements !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Alors, maintenant, vous la proposez, vous la promettez, mais vous savez très bien que vous serez loin d’avoir une majorité pour la faire voter. Il n’est qu’à voir la position de vos collègues, les sénateurs du groupe Les Républicains, sur le sujet : la Corse, c’est la France, c’est ainsi, point barre, circulez, il n’y a rien à voir, il n’y a rien à dire ! Et tout cela, vous le savez très bien. Alors, ne vendez pas de chimères ou du rêve, même si, en politique, on a parfois tendance à le faire, et peut-être en Corse en particulier.
En tout cas, l’amendement sur la loi NOTRe procède bel et bien d’une demande de la collectivité territoriale de Corse en 2014. Et ces ordonnances – vous en êtes le témoin, vous avez participé à toutes les réunions –, elles ont été coconstruites avec les représentants de la collectivité territoriale de Corse et les présidents des conseils départementaux, qui ont assisté à toutes les réunions, qu’elles se soient tenues à Paris ou en Corse, où je me suis déplacé moi-même à plusieurs reprises. Les groupes de travail, le directeur général des collectivités locales, les collaborateurs de la collectivité territoriale de Corse et les représentants des deux départements se sont rencontrés plusieurs fois. Ils ont réalisé de nombreuses vidéoconférences. C’est un véritable travail de coconstruction qui a été réalisé, et les demandes des Corses ont été prises en compte.
M. Jean-Jacques Panunzi. Non, aucune !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Quant aux amendements de Mme Marylise Lebranchu auxquels vous avez fait allusion, nous les avons repris dans leur intégralité, à l’exception d’un seul, qui était irrecevable pour des raisons constitutionnelles. N’écrivez pas une histoire différente ! Vous réécrivez d’ailleurs complètement l’histoire !
Fallait-il concentrer le pouvoir dans les mains d’une seule assemblée ? Vous parlez d’un « roi de Corse ». Tout cela est un peu dépassé, ce sont des temps plus anciens ! (M. Jean-Jacques Panunzi fait un signe de protestation.)
Concernant les préfectures, je rappelle que la question de savoir s’il fallait garder, avec une collectivité unique, deux départements ou n’en prévoir qu’un seul a été posée. Tous les élus corses se sont prononcés pour conserver deux départements. Ne faites donc pas semblant de vous étonner maintenant qu’il y ait deux préfectures !
Quant à l’ensemble des institutions, combien de fois – et vous étiez là ! – ai-je interrogé les délégations pour savoir comment procéder pour un certain nombre d’institutions ? Devait-on les fusionner ? Fallait-il conserver deux SDIS, deux chambres de commerce, deux chambres de métiers et de l’artisanat, deux chambres d’agriculture ? Pour l’instant, je n’ai pas obtenu beaucoup de réponses, mais j’ai ouvert le débat, et la concertation a eu lieu. Manifestement, nous n’avons pas participé aux mêmes réunions. Pourtant, vous étiez présent, je puis en témoigner.
Monsieur le sénateur Favier, j’ai bien entendu vos propos concernant les départements. Vous me l’accorderez, s’il en est un auquel on ne peut pas reprocher de ne pas aimer les départements et de ne pas avoir lutté pour leur survie, c’est bien moi ! Nous avons au moins cela en commun.
Mais vous aussi, comme les sénateurs du groupe Les Républicains, vous êtes monté à la tribune pour démontrer pendant dix minutes combien serait nocive pour la Corse et pour ses habitants la collectivité unique de Corse. Pourtant, permettez-moi de citer les propos que vous avez tenus le 29 mai 2015 à propos de l’amendement à la loi NOTRe : « Même si chacun connaît notre attachement au département, notre groupe votera cet amendement. »
Mme Cécile Cukierman. Oui ! Continuez !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. « Nous considérons qu’il existe effectivement une spécificité de la Corse et qu’il est nécessaire de faire évoluer son statut. »
Mme Cécile Cukierman. Allez jusqu’au bout de la citation !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cette affaire me sidère donc quelque peu parce que je n’ai jamais vu autant de changements de pied, autant de reniements et autant de postures différentes !
Mme Cécile Cukierman. Ne tronquez pas la citation, c’est irrespectueux !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. On peut changer d’avis, on peut évoluer dans la vie, mais, à ce moment-là, il faut l’assumer et le dire franchement. Ce n’est pas le cas dans ce débat, qui me semble être un débat de dupes ! On oublie la seule chose essentielle, l’intérêt et l’avenir de la Corse et des Corses ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, je tiens avant tout à vous remercier d’avoir veillé à répondre à chacun des orateurs qui se sont succédé à la tribune pour exprimer leurs positions sur ce texte.
Je voudrais, pour ma part, vous faire part de deux observations.
La première concerne la collectivité unique. Oui, le Sénat a adopté la loi NOTRe, qui comporte les dispositions prévoyant la création de cette collectivité unique. Je vous rappellerai toutefois les conditions dans lesquelles cet amendement a été adopté.
Il s’agissait d’un amendement du Gouvernement, déposé à la toute dernière minute avant le débat. Nous ne l’avons adopté que pour deux raisons : d’une part, il nous a bien sûr semblé que la création d’une collectivité unique allait dans la bonne direction et, d’autre part, le Gouvernement avait alors fait état du consensus des partis politiques représentés dans les institutions départementales et territoriales de Corse. Cet élément a été, pour nous, absolument déterminant. En effet, nous ne prétendons pas, tous autant que nous sommes, être des spécialistes des questions institutionnelles relatives à la Corse. Mais je dois dire que ce consensus nous a rassurés.
Il n’en va pas de même aujourd’hui, puisque nous constatons que les responsables politiques corses ne sont pas tous en harmonie avec vos propositions quant au statut de l’Assemblée de Corse.
M. Philippe Kaltenbach. On ne peut pas changer d’avis tout le temps !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Un point, notamment, me paraît crucial – il revêt d’ailleurs une importance certaine pour l’ensemble du territoire national – : il s’agit du mode de scrutin.
Avec deux départements dont les conseillers départementaux sont élus au suffrage universel direct par canton, il s’opère une territorialisation des élus. En revanche, en supprimant les conseils départementaux au profit de l’Assemblée de Corse sans modifier le mode d’élection des conseillers territoriaux, on empêcherait toute territorialisation des élus de Corse. (MM. Yves Pozzo di Borgo et Jean-Jacques Panunzi approuvent.)
M. Philippe Kaltenbach. Enfin, 100 conseillers pour 300 000 habitants, cela fait beaucoup !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Or il nous semble que, dans les circonstances que connaît notre pays, et au vu du besoin ressenti par nos concitoyens d’avoir des élus référents qui puissent être accessibles de par leur proximité, un système politique reposant exclusivement, pour l’Assemblée de Corse, sur un mode de scrutin proportionnel avec prime majoritaire n’est pas satisfaisant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’y a pas de consensus sur ces ordonnances.
Par conséquent, nous pouvons fort bien avoir adopté le principe de la collectivité unique de Corse, tout en ayant un désaccord fondamental quant aux modalités de sa mise en œuvre, notamment le mode de scrutin.
M. Jean-Jacques Panunzi. Tout à fait !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous tenons à maintenir la cohérence que nous avons eue, et je tiens à souligner que cette préoccupation est partagée par nombre de collègues sur ces travées.
Ma deuxième observation porte sur la mise en ordre de la propriété en Corse. Sur ce sujet, nous n’avons pas de désaccord sur le fond, monsieur le ministre, sauf, naturellement, sur toute disposition qui pourrait avoir des impacts négatifs sur l’égalité devant l’impôt ou la sécurité du droit de propriété sur le continent. Des corrections peuvent être apportées au texte adopté par l’Assemblée nationale pour le rendre conforme à nos principes fondamentaux, ce que souhaitent d’ailleurs à juste titre tous les élus de Corse.
Pouvait-on, comme cela a été suggéré, intégrer ces dispositions, éventuellement amendées, au présent texte ? Monsieur le ministre, la réponse est non ! Vous êtes trop fin juriste et expert des procédures parlementaires, compte tenu de votre haute expérience, pour ne pas savoir que, lorsqu’un amendement est dépourvu de tout lien avec un texte en discussion, le Conseil constitutionnel, même lorsqu’il n’est pas saisi de cette difficulté, déclare d’office inconstitutionnelles les dispositions adoptées à la suite d’une telle procédure. Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est la jurisprudence même du Conseil constitutionnel ! Vous n’attendez tout de même pas de la commission des lois, gardienne du bon ordonnancement des textes constitutionnels, qu’elle aille violer une règle de procédure parlementaire aussi connue et aussi couramment pratiquée que celle-ci !
C’est la raison pour laquelle je ne peux pas accepter ce que je reçois comme un procès d’intention. Oui, nous voulons régler ce problème, mais c’est au Gouvernement, s’il en est convaincu, qu’il revient d’inscrire en temps utile à l’ordre du jour des travaux du Parlement la discussion d’un texte contenant ces dispositions. Vous verrez alors notre bonne foi, car nous les adopterons ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le président de la commission, je le répète : la concertation la plus large a été menée pour l’élaboration de ces ordonnances, tant au ministère – trois réunions y ont été tenues – qu’en Corse, où je me suis rendu quatre fois. Nos services, à qui je veux rendre ici hommage, ont travaillé avec ceux de la collectivité territoriale de Corse, comme avec ceux des deux départements. J’avais demandé que des groupes de travail soient constitués ; ils l’ont été, et ils ont accompli un travail utile et digne d’éloges. Nous avons retenu certains points issus de ces travaux.
En outre, d’autres membres du Gouvernement – Mme Cosse, ministre du logement, et Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale – ont aussi œuvré sur les dispositions relevant de leurs domaines respectifs. Je ne peux donc pas laisser dire que le travail de concertation n’a pas eu lieu : il s’agit d’une réelle coconstruction avec les spécialistes des départements et de la collectivité territoriale de Corse, qui sont excellents : il y a même parmi eux un conseiller d’État !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il fallait me le dire plus tôt ! (Sourires.)
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je voulais surtout vous dire que, au cours de ces nombreuses discussions, la question du mode de scrutin n’a été abordée à aucun moment. C’est seulement aujourd’hui que vous venez m’expliquer que vous vous opposerez à la ratification de ces ordonnances parce que le mode de scrutin ne serait pas le bon. Je veux bien tout entendre, mais je pèse mes mots, monsieur le président de la commission, car je vous sais attaché, de manière sourcilleuse sinon susceptible, aux bonnes relations entre le Parlement et le Gouvernement, ce en quoi vous avez raison – nous les partageons : il ne faut quand même pas pousser le bouchon trop loin !
Jamais, dans toutes ces réunions, la question du mode de scrutin n’a été évoquée : personne n’a signalé à mes collaborateurs ou à moi-même que la territorialisation constituerait un problème. (M. Jean-Jacques Panunzi proteste.) On aurait pu avoir ce débat ! Mais pourquoi avoir attendu aujourd’hui, le bout du bout de la discussion, pour soulever ce point ?
M. Philippe Kaltenbach. Ils ont peur de perdre les élections, c’est tout !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Au contraire, les rares fois où le mot « scrutin » a été prononcé, j’ai souligné que nous ne touchions à rien, pour qu’on ne puisse pas nous accuser de vouloir, par un chamboulement du mode de scrutin, influer sur les électeurs ou le scrutin lui-même.
Je crois donc que, quand bien même je le dis avec beaucoup de modération, ce procès que vous faites au Gouvernement est très exagéré, et ce d’autant plus que le mode de scrutin retenu est conforme aux dispositions présentes dans la loi NOTRe et qui ont été adoptées par le Parlement, y compris par le Sénat.
Concernant le désordre foncier, j’avais pris la précaution d’étudier si cette façon de faire était possible ; vous le savez mieux que quiconque. En effet, malheureusement, quoique certains m’aient affirmé qu’ils créeraient les conditions de nature à trouver une niche parlementaire dans les délais permettant l’adoption définitive de ce texte – j’avais cru comprendre que le groupe Les Républicains devait s’en charger –, cela n’a pas été fait. Quand je l’ai constaté, et après m’en être entretenu avec le président de ce groupe, qui m’a confirmé que la proposition de loi sur ce sujet ne serait pas inscrite à l’ordre du jour qui lui est réservé, j’ai cherché comment nous pouvions sauver ce texte d’intérêt général, attendu par tous les Corses. Je ne sais s’ils s’intéressent tous à notre débat sur les institutions et la collectivité unique – connaissant le goût des Corses pour la politique, je me doute néanmoins qu’ils sont nombreux ! –, mais, ce dont je suis certain, c’est que tous les Corses attendent avec impatience que nous créions les conditions nécessaires au règlement du problème des arrêtés Miot.
Cela mériterait mieux – permettez-moi de le dire tel que je le pense – que ces manœuvres misérables, qui se sont déroulées sous mes yeux : alors que j’avais trouvé une solution qui me semblait la bonne – et mes amis radicaux, Jacques Mézard et Joseph Castelli, que je remercie, avaient accepté d’y contribuer –, nous nous retrouvons – là encore, permettez-moi l’expression – cul par-dessus tête. Cela est bien dommage pour l’intérêt général, celui des Corses et celui de la Corse. Certes, nous essaierons de rattraper les choses, mais je vous rappelle que les travaux du Parlement seront suspendus à compter du 24 février prochain.
Très tranquillement, je tiens à mettre chacun d’entre vous devant ses responsabilités : si, comme je l’ai annoncé tout à l’heure, je parviens à faire inscrire cette proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale à l’unanimité, à l’ordre du jour du Sénat durant une semaine réservée au Gouvernement, ce dont je ne doute pas, il faudra que le vote du Sénat soit conforme. En effet, si tel n’est pas le cas, à trois semaines de la fin de la législature, le Parlement n’aura pas le temps d’adopter définitivement ce texte. Il faudra alors que vous vous en rendiez compte devant les Corses, car c’est bien leur intérêt qui est en jeu, au-delà de tout ce que j’ai pu évoquer et des manœuvres auxquelles nous avons assisté.
On ne pourra pas dire, monsieur le président de la commission, que je ne vous aurai pas prévenus ! Je vais créer les conditions nécessaires pour que ce texte puisse être examiné, puisqu’il est trop tard pour qu’un groupe le demande. Je le répète, je regrette que le groupe Les Républicains ne l’ait pas fait ; c’était à son initiative, à l’Assemblée nationale, que ce texte avait été examiné. La tradition comme la cohérence auraient voulu que le même groupe demande l’inscription de ce texte à l’ordre du jour des travaux du Sénat, mais il ne l’a pas fait – il faudra un jour qu’on nous dise pourquoi.
M. Philippe Kaltenbach. Des paroles, mais pas d’actes, comme d’habitude !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ce texte sera donc examiné sur le temps réservé par priorité au Gouvernement. Toutefois, son adoption sera impossible si le vote n’est pas conforme, j’y insiste, car nous avons perdu trop de temps dans cette affaire ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en corse
Article 1er
I. – L’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse est ratifiée.
II (nouveau). – Au dernier alinéa du d du 1° du I de l’article 8 de l’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 précitée, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l’article.
M. Jacques Mézard. Je suis heureux d’assister à ce débat. Certes, nous ne sommes pas nombreux, mais tous sont passionnés. D’ailleurs, monsieur le ministre, j’aimerais que le Gouvernement – celui-ci ou le prochain, quel qu’il soit – consacre autant de temps au problème de l’insularité de l’intérieur ! (Sourires.)
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Le Cantal ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Cela dit, cette séance fut un magnifique concert de jésuitisme !
M. Philippe Kaltenbach. Il y a des spécialistes !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est un compliment !
M. Jacques Mézard. Venant de ma part, certainement, vous n’en doutez pas ! (Nouveaux sourires.)
Qu’ai-je pu constater ?
Je suis de ceux qui n’ont pas voté en faveur de la loi NOTRe, mais notre groupe avait voté l’amendement relatif à la collectivité unique de Corse, parce que tous les élus de Corse, ainsi que M. Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois, étaient d’accord. La loi NOTRe, en revanche, constituait, selon moi, un accord contre nature entre les deux groupes dominants de la Haute Assemblée ; c’est pourquoi nous avions voté contre.
Je n’ai jamais été très convaincu par la collectivité unique, mais vous l’avez tous voulue, chers collègues. Alors, venir nous dire aujourd’hui que vous n’en voulez plus ! Ma foi, il semblerait qu’un candidat à l’élection présidentielle ait donné pour consigne de bloquer ce texte, car, s’il gagne, tout sera changé ! Il faut le dire publiquement : c’est la stricte réalité. Voilà la vérité ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)