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Autoconsommation d'électricité et énergies renouvelables
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (projet n° 269, texte de la commission n° 286, rapport n° 285).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà dix-huit mois, à la suite d’une discussion parlementaire intense, qui a contribué à enrichir et améliorer le texte que défendait Ségolène Royal, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte était promulguée, ouvrant la voie à la stratégie nationale bas carbone, à la programmation pluriannuelle de l’énergie et à l’accord historique sur le climat obtenu à Paris le 12 décembre 2015.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette loi, le développement des énergies renouvelables est la principale priorité, pour diversifier notre mix énergétique, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et favoriser l’essor des filières de la croissance verte et la création des emplois de demain.
C’est pourquoi, sans attendre la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie le 28 octobre dernier, et pour l’application de l’objectif de la loi d’atteindre 32 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030, le Gouvernement avait déjà publié le volet « énergies renouvelables » de cette programmation pluriannuelle dès le 24 avril dernier. C’était un document très attendu par les filières des énergies renouvelables, pour avoir de la visibilité.
L’ambition est considérable. Par exemple, il s'agit de plus que tripler la puissance photovoltaïque installée, de plus que doubler la puissance éolienne terrestre installée, ou d’augmenter de plus de 50 % la production de chaleur renouvelable.
Grâce à cette ambition résolue, une dynamique est à l’œuvre. Ainsi, depuis 2014, la puissance éolienne et solaire installée a augmenté de 25 %. Les énergies renouvelables électriques produisent désormais, à la pointe de midi, l’équivalent de six réacteurs nucléaires et contribuent à la sécurité de l’alimentation. Les projets de chaleur renouvelable et de récupération qui sont aidés par le Fonds chaleur ont augmenté de près de 30 %. Au total, ce dernier a ainsi permis d’accompagner près de 4 000 opérations d’investissement, pour un montant total de 1,4 milliard d’euros.
Ces résultats se traduisent en termes de créations d’emplois et de croissance verte. Au 31 décembre 2015, la filière éolienne comptait ainsi près de 15 000 emplois sur le territoire français et 800 sociétés actives dans le secteur. En 2015, la croissance des emplois éoliens a été de 15,6 % par rapport à 2014, avec près de 2 000 créations d’emplois supplémentaires. Par rapport à 2013, les emplois éoliens ont crû de 33,3 %, soit 3 620 emplois supplémentaires. La première usine de construction d’éoliennes terrestres en France achève d’ailleurs sa construction : il s’agit de l’usine Poma, en Isère.
Pour prolonger cette dynamique, l’ordonnance relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, que ratifie l’article 1er du projet de loi dont vous êtes saisis, permet une meilleure intégration des énergies renouvelables au marché et au système électrique et prévoit la mise en œuvre de nouvelles procédures de mise en concurrence, plus adaptées au stade de maturité de certaines énergies renouvelables.
En particulier, l’ordonnance supprime la priorité d’appel pour les installations de production d’électricité à partir de charbon, contradictoire avec la priorité qui doit être donnée à la production à partir d’énergies renouvelables.
Elle introduit une priorité d’appel pour les installations produisant de l’électricité à partir d’énergies renouvelables dans les zones non interconnectées, comme c’est déjà le cas en métropole continentale.
Elle ouvre la possibilité de recourir à d’autres procédures de mise en concurrence que l’appel d’offres, telle que la procédure de dialogue concurrentiel, qui tire les leçons des premiers appels d’offres éoliens en mer, et permettra désormais une évolution des projets au fil de la procédure et ainsi réduire les délais.
Elle est en cours dans le cadre de l’appel d’offres éolien en mer que Ségolène Royal a lancé au large de Dunkerque et s’appliquera également pour l’appel d’offres au large d’Oléron.
L’article 1er du projet de loi ratifie également l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité. Elle permet de doter la France d’un cadre légal qui facilite le développement de l’autoconsommation.
Le développement de l’autoconsommation est en effet un objectif vertueux, pour les énergies renouvelables, pour les réseaux d’électricité et pour les factures énergétiques. Un appel d’offres a ainsi été lancé à l’été dernier pour le développement de l’autoconsommation dans les secteurs industriels, tertiaires et agricoles. Les soixante-douze premiers lauréats de cet appel d’offres, qui a rencontré un très grand succès, sont désormais connus, ce qui témoigne de l’ambition des territoires, des citoyens et des acteurs économiques à évoluer vers un système énergétique plus décentralisé.
L’ordonnance prévoit également la définition des opérations d’autoconsommation, en reconnaissant notamment l’autoconsommation collective. Elle reconnaît l’obligation pour les gestionnaires de réseau de faciliter les opérations d’autoconsommation, ainsi que l’établissement par la Commission de régulation de l’énergie d’une tarification d’usage du réseau adaptée aux installations en autoconsommation, pour tenir compte des réductions de coûts d’utilisation des réseaux que peuvent apporter ces opérations.
Nous sommes très attachés à ce que les tarifs d’usage des réseaux intègrent dès à présent ce nouvel usage qu’est l’autoconsommation, pour en favoriser le développement. L’ordonnance prévoit enfin la simplification des procédures pour les installations de petite taille faisant de l’autoconsommation partielle.
Pour aller plus loin, afin d’accompagner l’autoconsommation, l’Assemblée nationale et votre commission ont introduit un dispositif d’exonérations de taxes – contribution au service public de l’électricité et taxes locales sur la consommation d’électricité – pour l’électricité autoconsommée à l’article 1erbis A. Nous y sommes très favorables.
Mme la ministre de l’environnement a souhaité cette discussion parlementaire pour la ratification des ordonnances, pour que celles-ci puissent bénéficier de vos enrichissements. Il s’agit là d’une méthode de coconstruction, à laquelle Ségolène Royal et moi-même tenons beaucoup. Je veux vous remercier des améliorations apportées au texte.
Au-delà de la ratification des ordonnances, la mise en application de la loi de transition énergétique, que ce soit à travers la publication des textes réglementaires, conduite tambour battant avec aujourd’hui plus de 95 % des décrets adoptés, ou des appels d’offres, a permis d’identifier des dispositions complémentaires permettant d’accélérer et de simplifier la transition énergétique et la croissance verte en France. C’est le sens des autres articles du projet de loi qui vous est soumis.
L’article 2 prévoit d’interdire le cumul de la valorisation des garanties d’origine de l’électricité renouvelable avec le bénéfice d’un dispositif de soutien : tarif d’achat ou complément de rémunération. L’objectif est de garantir que l’électricité soutenue par des dispositifs nationaux, qui sont financés par tous les consommateurs, revienne bien à l’ensemble des consommateurs, sans que les fournisseurs puissent bénéficier d’une double rémunération indue, et de favoriser le développement de l’électricité renouvelable.
Maintenir ce principe de non-cumul est également nécessaire pour sécuriser juridiquement les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables dont nous avons obtenu la validation par la Commission européenne le 12 décembre dernier.
Ce dispositif a fait l’objet de débats importants à l’Assemblée nationale. Les députés ont prévu que les garanties d’origine issues des installations de production d’énergies renouvelables bénéficiant d’un dispositif de soutien soient mises aux enchères par l’État.
Votre commission a contribué à améliorer le dispositif en prévoyant la possibilité d’un allotissement par filière et par zone géographique. Je suis convaincue que le travail intense d’écoute conduit par les parlementaires a permis d’aboutir à un dispositif équilibré, et je tiens à vous en remercier. Notre objectif est que le décret d’application de ce dispositif soit publié dans les meilleurs délais, après une concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
L’article 3 met en place une réduction des coûts de raccordement au réseau électrique pour les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, dite « réfaction tarifaire ». En effet, le coût du raccordement se révèle parfois un obstacle pour les projets des producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable. Tel est notamment le cas pour les installations de petite ou moyenne puissance, notamment en milieu rural, dont l’éloignement par rapport au réseau nécessite parfois une extension significative de ces derniers, afin d’évacuer l’électricité produite.
Ce dispositif a pu susciter l’inquiétude de certaines entreprises locales de distribution de petite taille. Certaines ont pu craindre que, en cas de réfaction importante sur le raccordement d’installations d’énergie renouvelable de très grande taille, le dispositif pèse sur leur trésorerie.
Je voudrais ici les rassurer, en précisant que l’objectif de la réfaction est bien de favoriser le développement des énergies renouvelables en milieu rural, là où les coûts de raccordement sont souvent plus élevés qu’en milieu urbain ou périurbain. C’est une mesure d’équité.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Je pense en particulier aux agriculteurs qui s’engagent dans des projets de méthanisation ou de photovoltaïque. Les coûts plus importants de raccordement peuvent actuellement les défavoriser dans les appels d’offres. Ce seront donc les installations de petite taille qui bénéficieront du taux maximal de réfaction de 40 %.
L’article 3 permet également de clarifier les modalités de prise en charge des indemnités en cas de retard de raccordement pour les parcs éoliens en mer. Cette visibilité était indispensable pour mener à bien les procédures administratives des appels d’offres et accélérer la mise en service des parcs éoliens en mer.
L’article 4 propose de confier la coordination des opérations associées à la modification de la nature du gaz acheminé dans des réseaux aux gestionnaires de ces réseaux.
Cette clarification des responsabilités lors des opérations de modification de la nature du gaz acheminé dans des réseaux est tout particulièrement nécessaire pour préparer la prochaine conversion des réseaux de transports de distribution de gaz à bas pouvoir calorifique, situés dans le nord de la France – comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une région à laquelle je suis particulièrement attachée (Sourires.) –, en lien avec la baisse de la production du champ néerlandais de Groningue, qui va devoir conduire à les alimenter à l’avenir avec du gaz à haut pouvoir calorifique comme le reste du pays.
Pour les consommateurs dont les appareils et équipements peuvent être réglés ou adaptés au changement de la nature du gaz naturel, l’ensemble des coûts associés à ce changement de la nature du gaz sera donc pris en charge par le gestionnaire de réseau de distribution et répercuté dans les tarifs d’utilisation du réseau.
Toutefois, certains appareils très anciens ou ne respectant pas les normes européennes ne peuvent être adaptés ou réglés à la modification de la nature du gaz, et devront donc être remplacés. Cela concerne moins de 5 % des appareils actuellement en fonctionnement.
Une attention particulière doit être apportée pour les ménages en situation de précarité, qui devront supporter le coût du remplacement de ces appareils très anciens. Il sera nécessaire de les accompagner financièrement. Votre rapporteur propose un amendement tendant à demander au Gouvernement un rapport qui devra proposer des solutions pour accompagner ces ménages précaires. J’accueille très favorablement cette demande de rapport, et je souhaite que ses conclusions puissent être mises en œuvre dans un délai compatible avec les opérations de conversion.
En conclusion, je voudrais souligner combien le travail parlementaire a permis d’améliorer le projet du Gouvernement.
M. Bruno Sido. C’est bien vrai ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. De nombreuses dispositions ont été adoptées pour clarifier et améliorer la lisibilité du texte législatif.
La discussion d’aujourd’hui permettra, j’en suis sûre, de nouvelles avancées dans ce sens. À l’issue de ces débats, nous souhaitons que le texte puisse rapidement avancer sur le chemin de son entrée en vigueur, afin de tirer tout le parti de ses dispositions pour accélérer encore la mise en œuvre de la transition énergétique et de la croissance verte en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (M. Bruno Sido applaudit.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les parlementaires, surtout lorsqu’ils sont dans l’opposition, n’aiment pas beaucoup le recours aux ordonnances. (Exclamations amusées.)
M. Charles Revet. Ça, c’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. On peut changer d’avis ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pourtant, cela me paraît tout à fait justifié lorsque l’urgence d’une réforme ou la technicité de la matière l’exigent, pour autant que le Parlement – c’est précisément le cas aujourd’hui – en soit ensuite saisi pour contrôler et ratifier explicitement le travail du Gouvernement.
J’ajoute que nous, parlementaires, n’avons parfois que ce que nous méritons quand, sur de trop nombreux textes, nous empilons les articles additionnels jusqu’à plus soif. À cet égard, les exemples des lois Travail, Macron ou encore Transition énergétique parlent d’eux-mêmes, avec un nombre d’articles qui aura doublé, triplé ou quadruplé entre le texte initial et la loi adoptée ! Je tenais à le souligner. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Sur le fond, sous des abords assez techniques, le texte qui nous est soumis n’en comporte pas moins plusieurs enjeux importants pour le fonctionnement de notre système électrique.
Ainsi, la première ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier fixe pour la première fois un cadre légal à l’autoconsommation.
Cette pratique, appelée à se développer fortement dans les années à venir, pourrait en effet permettre de réduire les coûts du réseau, sous réserve qu’un certain nombre de règles soient prévues pour assurer une bonne synchronisation de la production et de la consommation, dimensionner les installations en fonction des besoins et garantir que la production soit située à proximité des lieux de consommation. Sur ce dernier point, notre commission vous proposera de compléter le texte, afin de limiter les opérations d’autoconsommation individuelle à un même site, car, en l’état, un client « multisites » pourrait produire dans sa résidence secondaire, par exemple dans le Midi, et consommer dans sa résidence principale, ce qui solliciterait le réseau et donc ne créerait aucune économie.
Pour le reste, notre commission a approuvé les avancées prévues par l’ordonnance, qu’il s’agisse de la garantie d’accès au réseau, de la possibilité de céder les surplus à titre gratuit ou de la fixation d’un tarif d’accès au réseau spécifique pour les plus petites installations. Elle les a même complétées par plusieurs dispositions fiscales ou techniques facilitatrices. Je mentionnerai seulement l’extension du champ de l’autoconsommation collective, qui autorisera les échanges d’énergie entre deux bâtiments tout en préservant le caractère de proximité sur le réseau de l’opération. Vous avez bien voulu le rappeler, madame la secrétaire d’État.
La seconde ordonnance comporte plusieurs mesures techniques pour accompagner le développement des énergies renouvelables et améliorer leur intégration au réseau. Je pense en particulier à la possibilité pour l’État de recourir à d’autres formes de mise en concurrence que le traditionnel appel d’offres, au renforcement de la coordination entre les producteurs et les gestionnaires de réseaux, ou encore à l’extension de la priorité d’appel dans les zones non interconnectées.
L’article 2 du projet de loi, qui a fait l’objet, à juste titre, de nombreux débats, a trait aux garanties d’origine associées à la production d’électricité renouvelable, qui permettent de certifier le caractère « 100 % vert » d’une offre de fourniture. Jusqu’à présent, seules les garanties d’origine de la production non subventionnée étaient valorisées en France, en moyenne entre 0,1 euro et 0,3 euro par mégawattheure, et pour un volume total de vingt-cinq térawattheures, soit environ le quart de la production renouvelable.
Dans la version initiale du texte, le Gouvernement proposait d’interdire toute émission des garanties d’origine en cas d’aides publiques à la production, afin en particulier d’éviter que le consommateur ne paie deux fois pour la même électricité renouvelable, une première fois par la fiscalité énergétique, et une seconde fois en souscrivant à une offre verte. Or cette solution n’aurait pas permis de tracer l’électricité verte subventionnée, dont les garanties auraient ainsi été « perdues » pour la collectivité.
Pour résoudre la difficulté, l’Assemblée nationale, en lien avec le Gouvernement, a prévu un mécanisme de mise aux enchères, organisé par et au bénéfice de l’État, qui présente le triple avantage d’éviter toute double rémunération des producteurs, d’assurer la traçabilité de l’électricité verte soutenue et de dégager des recettes qui viendront en déduction des subventions versées aux énergies renouvelables.
La fixation d’un prix de réserve évitera par ailleurs de déstabiliser un marché des garanties déjà largement excédentaire, de même que l’obligation d’inscription des seules installations de plus de 100 kilowatts limitera les coûts de gestion du système et dispensera les plus petites installations, à commencer par celles des particuliers, d’une obligation inutile.
Au total, notre commission a jugé qu’il s’agissait d’un bon compromis et que le mécanisme ainsi mis en place restait relativement simple. Elle n’y a donc apporté que quelques compléments, dont la possibilité d’allotir par type de filière et par zone géographique, pour mieux répondre aux demandes en faveur d’un mix diversifié et d’une énergie produite localement.
L’article 3 traite d’un autre problème important. Il propose de rétablir la réfaction tarifaire, c’est-à-dire le financement par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, d’une partie des coûts de raccordement des installations de production d’électricité renouvelable, et ce pour favoriser la réalisation de projets plus éloignés du réseau. Sont prioritairement visées des installations situées en milieu rural, le cas le plus représentatif étant celui des panneaux solaires installés sur des bâtiments agricoles, qui, par définition, ne peuvent pas être déplacés pour réduire les coûts d’extension et de renforcement du réseau.
Après une analyse approfondie, notre commission a approuvé une disposition dont certains des inconvénients potentiels ont été corrigés par nos collègues députés.
Ainsi, pour éviter une réduction indifférenciée quelle que soit la taille des projets, la modulation du taux de réfaction selon le niveau de puissance ou la filière, désormais explicitement prévue dans le texte, permettra d’adapter la mesure à la diversité des situations, donc d’aider davantage les petits producteurs que les gros, qui n’en ont pas besoin. De même, pour éviter une différence de traitement entre le gaz et l’électricité renouvelables, la mesure a été opportunément étendue aux installations produisant du biogaz, dont l’injection sur le réseau sera ainsi facilitée.
Nous avons enfin examiné une autre difficulté, à laquelle vous avez fait référence, madame la secrétaire d’État : la charge excessive de trésorerie que la réfaction pourrait faire peser, avant remboursement par le TURPE, sur les gestionnaires de réseaux, et en particulier sur les entreprises locales de distribution les plus petites.
Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat, mais ces ELD peuvent d’ores et déjà être rassurées. Outre la modulation des taux, dont le Gouvernement pourra sans doute nous préciser le « calibrage » – du moins, je l’espère, madame la secrétaire d’État –, cette charge sera encore minorée par l’abaissement du taux maximal de réfaction, décidé par votre commission, à 40 %, qui réduira sensiblement le coût de la mesure.
J’évoquerai brièvement une disposition introduite au même article par l’Assemblée nationale pour créer un régime indemnitaire spécifique en cas de retard de raccordement des énergies renouvelables en mer, et dont le coût, certes plafonné, sera pris en charge en tout ou partie par le TURPE, le reste relevant du gestionnaire du Réseau de transport, RTE, selon que sa responsabilité sera engagée ou non.
Là encore, notre commission a examiné avec d’autant plus d’attention le dispositif qu’il pourrait engager, en cas de survenance du risque couvert, plusieurs centaines de millions d’euros. Elle l’a cependant jugé nécessaire pour permettre la réalisation des parcs d’éoliennes en mer déjà attribués ou à venir, considérant que la spécificité des aléas visés, en particulier la faillite d’un câblier, justifiait un régime dérogatoire du droit commun et une « socialisation » partielle du risque.
Enfin, l’article 4 du projet de loi aborde un sujet conjoncturel, certes, mais qui aura son importance pour une grande partie des Hauts-de-France. (Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité opine.) En raison de l’arrêt programmé du gisement néerlandais qui alimentait la région en gaz d’un type particulier, dit « gaz de type B », une partie du réseau doit être convertie pour accueillir un autre gaz, dit « gaz de type H », qui dessert déjà le reste de la France. Au total, ce sont environ 10 % de la consommation française et 1,3 million de clients en distribution qui sont concernés.
Or, si la question avait déjà été abordée dans la loi de transition énergétique, il est apparu nécessaire de compléter ce cadre législatif, notamment pour permettre aux gestionnaires de réseaux d’intervenir sur les installations intérieures de gaz, afin de les contrôler et, le cas échéant, de les adapter ou de les régler. Il s’agira d’une opération d’ampleur, puisque, sur la période 2016-2029, quelque 650 millions d’euros devraient être engagés et couverts par les tarifs de réseaux, dont 400 millions d’euros pour les seules opérations de contrôle.
Comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, deux sujets restent cependant à traiter. J’espère que le Gouvernement pourra nous répondre au cours du débat.
D’une part, les sites de stockage du gaz, qui sont aussi concernés que les réseaux par un changement de nature du gaz acheminé, ne sont aujourd’hui pas inclus dans le dispositif alors que leurs coûts d’adaptation seront significatifs.
D’autre part, rien n’est prévu à ce stade pour accompagner les consommateurs aux revenus modestes qui seraient contraints de remplacer un ou plusieurs appareils inadaptables. Sur ce dernier point, et faute de pouvoir introduire dès à présent une aide sous peine de nous voir opposer l’article 40 de la Constitution, notre commission, qui a exprimé cette préoccupation sur toutes ses travées, demandera la remise d’un rapport sur le sujet. Il s’agit d’une pratique à laquelle nous ne sommes habituellement guère favorables, mais j’ai cru comprendre que, en l’espèce elle permettrait au Gouvernement d’avancer dans sa réflexion et de proposer un dispositif opérationnel dans une prochaine loi de finances.
Sous réserve des quelques amendements complémentaires que je vous présenterai, la commission des affaires économiques vous proposera donc d’adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Roland Courteau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est assez rare que les projets de ratification d’ordonnances soient inscrits à l’ordre du jour et examinés. Nous ne pouvons que nous féliciter que ce soit le cas aujourd'hui.
Cette ratification par le Parlement permettra de sécuriser le dispositif juridique mis en place par les ordonnances, lesquelles ont pour objet de dynamiser plus encore la transition énergétique. Nous sommes donc au cœur de la transition énergétique, cette transition qui constitue l’un des chantiers législatifs majeurs de ces dernières années face au dérèglement climatique et qui a fait de la France un pays en pointe sur le plan européen et mondial dans ce domaine. Cela a contribué au succès de la COP21 lors du sommet de Paris.
Si ce projet de loi permet de ratifier notamment les deux ordonnances, il contient aussi de nombreuses dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz, ainsi qu’aux énergies renouvelables, ce qui conforte la mise en œuvre de la transition énergétique.
Cela étant, la ratification de l’ordonnance de juillet 2016 sur l’autoconsommation répond à de fortes attentes sociétales en ce domaine, car le fait de produire sa propre énergie est perçu par le citoyen de manière positive pour des raisons d’indépendance et de contribution citoyenne. De plus, la baisse du prix des équipements, notamment des panneaux photovoltaïques, facilitera le choix de l’autoconsommation.
Selon le Syndicat des énergies renouvelables, les panneaux photovoltaïques ont enregistré une baisse de 80 % entre 2009 et 2015. Cette diminution des coûts devrait se poursuivre. Cela dit, le choix de l’autoconsommation à partir d’énergies renouvelables pourrait être, par ailleurs, favorisé par la hausse de la facture d’électricité.
Il n’en demeure pas moins que ce choix, qui reste relativement coûteux, doit être encouragé. C’est l’objet de cette première ordonnance, et c’est un signal fort pour faciliter le développement de l’autoconsommation. Il était donc devenu nécessaire à la fois d’encourager le choix de l’autoconsommation et d’anticiper son développement, tout en fixant un cadre pour bien la maîtriser.
En effet, plusieurs risques peuvent être liés à un développement incontrôlé, comme le souligne à juste titre un rapport issu de l’Assemblée nationale. Par exemple, l’émergence de réseaux de distribution « sauvages », dissimulés derrière un point d’alimentation, un transfert de charges des autoconsommateurs vers le reste des utilisateurs ou enfin l’apparition de difficultés non négligeables pour le réseau de transport d’électricité.
La deuxième ordonnance vise à simplifier le droit existant et à permettre une meilleure intégration des énergies renouvelables dans le marché électrique, notamment en supprimant le plafond législatif de 12 mégawatts applicable aux installations sur obligation d’achat.
À cette meilleure intégration au système électrique peut aussi s’ajouter la mise en œuvre, pour les appels d’offres, d’une procédure de dialogue concurrentiel, procédure plus souple, donc plus adaptée à certaines filières. On peut aussi évoquer la suppression de l’appel à priorité par Réseau de transport d’électricité, ou RTE, des centrales à charbon.
En peut enfin se féliciter de la création d’une priorité d’appel pour les énergies renouvelables dans les zones non interconnectées : ce peut être un plus pour le développement des centrales à biomasse et des énergies renouvelables.
Concernant l’interdiction, à l’article 2, du cumul de la valorisation des garanties d’origine avec les dispositifs de soutiens publics, comme l’obligation d’achat ou le complément de rémunération, il nous paraît normal d’éviter que le consommateur ne paye plusieurs fois l’origine renouvelable de l’électricité.
L’autre avantage de cette interdiction était, nous semble-t-il, d’encourager le développement de nouvelles capacités renouvelables, avec pour objectif d’une meilleure intégration au marché. Cependant, par rapport au texte initial, nous craignions que cette interdiction ne se traduise par la disparition de toute traçabilité, dans la mesure où l’on ne pourrait plus faire mention de la garantie d’origine. La nouvelle rédaction va dans le bon sens en interdisant les cumuls, tout en préservant la traçabilité de l’électricité verte.
Ainsi, l’État, et non plus les producteurs, détiendra le bénéfice des garanties d’origine pour l’électricité produite sous mécanisme de soutien. Il pourra ensuite mettre ces garanties d’origine aux enchères auprès des fournisseurs d’énergie, qui pourront dès lors proposer des offres vertes aux consommateurs. Voilà qui valorisera la traçabilité tout en allégeant la facture des consommateurs, puisque les recettes tirées des enchères réduiront les charges de service public de l’électricité.
Au sein de la commission, un amendement est venu modifier l’article 2 pour permettre à l’État une mise aux enchères partielle des garanties d’origine issues de la production renouvelable soutenue par l’obligation d’achat ou par le complément de rémunération.
Certes, cet amendement vise à apporter une certaine flexibilité au dispositif, mais celui-ci ne répond plus à la demande de traçabilité totale souhaitée. Cela risquerait de compromettre l’équilibre global tel qu’il a été intensément recherché. Nous restons donc sceptiques sur l’opportunité d’une telle modification.
L’article 3 permet au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, de couvrir une partie des coûts de raccordement aux réseaux de distribution des producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables.
Cette prise en charge partielle, appelée « réfaction tarifaire », va tout à fait dans le bon sens, car les coûts de raccordement constituent souvent un obstacle à l’implantation d’installations en énergies renouvelables, notamment en milieu rural, comme Mme la secrétaire d’État l’a souligné.
Cela dit, le reste à charge qui sera supérieur à 50 % du coût de raccordement devrait normalement inciter les producteurs à localiser, de façon optimale, les installations produisant des énergies renouvelables.
À ceux qui s’inquiéteraient des conséquences sur le TURPE de cet élargissement de la « réfaction tarifaire », rappelons que son effet sera négligeable, puisque la réfaction sera compensée par une hausse du tarif de seulement 0,65 %, soit environ 80 à 90 millions d’euros pour un TURPE de 13 milliards d’euros.
J’en viens aux énergies renouvelables en mer, lesquelles mobilisent des investissements importants. Il était donc indispensable de prévoir un régime particulier pour les indemnités versées aux producteurs en cas de délais non respectés pour la mise à disposition des ouvrages de raccordement. C’est ce que prévoit la nouvelle rédaction du texte, qui distingue deux hypothèses.
Soit la cause du retard n’est pas imputable au gestionnaire de réseau et, dans ce cas, les indemnités ne sont pas à la charge de celui-ci et seront couvertes par le TURPE dans la limite d’un plafond fixé par décret.
Soit la cause est imputable au gestionnaire de réseau et, dans ce cas, le TURPE ne couvrira qu’une partie des indemnités.
Je salue d’autant plus ces deux dispositions que nous aurons prochainement au large des côtes audoises deux fermes-pilotes d’éoliennes. Elles seront plus précisément installées au large de Gruissan-Port-la-Nouvelle et de Leucate. Je remercie le Gouvernement de ce choix pertinent ! (Sourires.)
Enfin, concernant l’article 4 et le projet « Tulipe », c’est-à-dire le projet dans les Hauts-de-France de conversion des réseaux de gaz B en gaz H, notre intention était de parvenir à une solution nous permettant d’attribuer des soutiens financiers aux consommateurs en situation de précarité qui seraient dans l’obligation, du fait des modifications de la nature du gaz acheminé, de remplacer des équipements et appareils inadaptables.
Nous avons évoqué cette importante préoccupation en commission. Nous avons donc travaillé à la rédaction d’un amendement visant à instaurer un mécanisme d’aide à caractère social. Néanmoins, la crainte de nous heurter à une irrecevabilité financière nous a conduits à abandonner cette proposition. En conséquence, monsieur le rapporteur, nous nous rallierons à votre amendement.
Par ailleurs, par voie d’amendements, nous allons tenter de compléter le texte, mais je ne m’étendrai pas ici davantage.
En conclusion, réussir la transition énergétique nécessite d’être innovant. Ce texte l’est assurément. Il représente une avancée majeure pour le présent et l’avenir. Dès lors, nous le voterons avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)