compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaire :
M. Christian Cambon.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Retrait d’une question orale
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question orale n° 1587 de M. Robert Laufoaulu est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
3
Conventions internationales
Adoption en procédure d’examen simplifié de cinq projets de loi dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de cinq projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Pour ces cinq projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
convention entre le gouvernement de la république française et le conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'annemasse à genève
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l'exploitation de la ligne ferroviaire d'Annemasse à Genève, signée à Paris le 19 mars 2014 (ensemble un échange de lettres interprétatif du 10 novembre et du 16 décembre 2015), et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant la modernisation et l’exploitation de la ligne ferroviaire d’Annemasse à Genève (projet n° 847 [2015-2016], texte de la commission n° 225, rapport n° 223).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité des présents.)
convention entre le gouvernement de la république française et le conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la suisse de l'opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne belfort-delle ainsi qu'à l'exploitation de la ligne belfort-delle-delémont
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l'opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu'à l'exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont, signée à Berne le 11 août 2014, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative aux travaux et au cofinancement par la Suisse de l’opération de réactivation du trafic ferroviaire sur la ligne Belfort-Delle ainsi qu’à l’exploitation de la ligne Belfort-Delle-Delémont (projet n° 154 [2015-2016], texte de la commission n° 224, rapport n° 223).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité des présents.)
convention d'extradition signée le 2 mai 2007 entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de l'état des émirats arabes unis
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition signée le 2 mai 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis (ensemble un échange de lettres interprétatif, signées à Abou Dabi le 11 novembre 2012 et le 11 août 2014), et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition signée le 2 mai 2007 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis (projet n° 448 [2014-2015], texte de la commission n° 201, rapport n° 200).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
avenant portant première modification à l'entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du québec et avenant portant seconde modification au protocole d'entente du 19 décembre 1998 entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération
Article 1er
Est autorisée l'approbation de l'avenant portant première modification à l'entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec, signé à Québec le 28 avril 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
Est autorisée l'approbation de l'avenant portant seconde modification au protocole d'entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération, signé à Québec le 28 avril 2016, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’avenant portant première modification à l’entente en matière de sécurité sociale du 17 décembre 2003 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec et de l’avenant portant seconde modification au protocole d’entente du 19 décembre 1998 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération (projet n° 135, texte de la commission n° 227, rapport n° 226).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité des présents.)
accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du tadjikistan relatif à la construction d'une tour de contrôle sur l'aéroport de douchanbé
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d'une tour de contrôle sur l'aéroport de Douchanbé (ensemble une annexe), signé à Douchanbé le 13 juillet 2015, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la construction d’une tour de contrôle sur l’aéroport de Douchanbé (projet n° 136, texte de la commission n° 199, rapport n° 198).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité des présents.)
4
Loi de finances rectificative pour 2016
Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2016 (projet n° 250, rapport n° 251).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget et des comptes publics. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est le douzième texte financier, le dernier, normalement, que j’aurai à présenter devant vous au cours de cette législature. C’est donc un moment important pour moi.
Depuis le mois d’avril 2014, j’ai en effet eu à défendre devant vous un projet de loi de finances rectificative, un projet de loi de programmation des finances publiques, un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale – c’est peu courant – et à chaque automne les trois textes habituels, projet de loi de financement de la sécurité sociale, projet de loi de finances rectificative et projet de loi de finances.
L’examen de ces douze textes nous a mobilisés pendant de longues heures, parfois la nuit et même le samedi. J’ai toujours essayé de faire preuve de l’écoute, je dirais même – sans prétention aucune – de la pédagogie, nécessaire. Et faire preuve de pédagogie, c’est expliquer la situation telle qu’elle est, ce n’est pas imposer sa vision.
Or j’avoue que depuis un peu plus d’un an, je suis désarçonné par l’attitude du Sénat.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ah bon ?...
M. Dominique de Legge. Il en faut plus !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, la Haute Assemblée avait supprimé de nombreux crédits, sans que l’on sache vraiment si elle en voulait plus ou moins. Le texte adopté alors ne comportait ni trajectoire des finances publiques ni article liminaire ; le solde tel qu’issu des différents votes ne voulait rien dire.
Cette année, vous avez adopté un projet de loi de financement de la sécurité sociale sans fixer de niveau pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, sans vous prononcer sur l’opportunité ou non de revaloriser le tarif de la consultation des médecins généralistes, sans indiquer vos priorités dans ce domaine.
Par ailleurs, vous n’avez même pas examiné le projet de loi de finances pour 2017.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il était trop mauvais !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Vous avez indiqué pourtant avoir beaucoup travaillé sur ce texte.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’était un travail contemplatif, alors, qui consistait à regarder passer les articles et à en inspecter l’uniforme ! Je ne crois pas que ce soit la bonne façon de procéder.
Quant au projet de loi de finances rectificative, vous y avez introduit de très nombreux articles, comme si vous regrettiez votre attitude lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017.
Cette attitude, que vous assumez, est dangereuse pour les institutions. Elle est, au-delà du Sénat, dangereuse pour l’image de tous ces parlementaires qui consacrent beaucoup d’heures de travail à des sujets très complexes. Hélas, nos concitoyens ne retiendront de tout cela qu’une chose : sur les principaux choix de société, le Sénat s’est avancé masqué ; il n’a pas proposé de solution alternative à celle qui était promue par le Gouvernement. Or vous avez certainement des idées sur l’étagère ! Le débat démocratique qui s’ouvre dans notre pays aurait mérité que le Sénat, où la majorité est de droite, fasse connaître une position claire.
Après ces quelques remarques de forme, je souhaite évoquer avec vous le bilan de l’action du Gouvernement en matière budgétaire depuis cinq ans.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, les déficits budgétaires dépassaient les 6 % du PIB. J’ai l’habitude de dire, en employant une formule un peu dure, que la France avait les huissiers à sa porte. En 2012, l’avenir de l’euro n’était pas assuré. Certains disaient même que, après la Grèce, l’Espagne et le Portugal, la France était la principale fragilité de la zone euro.
Peut-être en contesterez-vous le rythme ou la méthode – c’est votre droit –, mais, en cinq ans, nous avons réduit les déficits. Cela m’irrite toujours quand je vous entends prétendre parfois dans cette enceinte même que ceux-ci ont explosé !
Certes, la dette a continué à augmenter,…
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … mais à un rythme quatre fois moins important que lors du quinquennat précédent.
Or pourquoi la dette augmente-t-elle ? Les Français ignorent souvent le fonctionnement de la dette d’un pays, très différent de celui d’un emprunt pour les particuliers. Il s’agit bien d’un emprunt pour une durée donnée, mais dont on ne rembourse, pendant cette période, que les intérêts.
MM. Philippe Dallier et Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est bien le problème !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Et cela vaut pour tous les pays : la France, pas plus que les autres, n’amortit pas sa dette. Je précise, d’ailleurs, que cela ne remonte pas seulement à ce gouvernement.
M. Philippe Dallier. C’est sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La conséquence est simple : tant que les budgets seront votés et exécutés en déficit, la dette augmentera.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est M. de La Palice qui parle !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On pourra toujours se rassurer en rapportant la dette au PIB : si celui-ci augmente plus vite que la dette, le pourcentage de cette dernière par rapport au PIB diminuera. C’est une façon de présenter les choses.
Ce que j’ai pu entendre sur l’explosion des déficits et de la dette n’est pas intellectuellement admissible. Nous avons réduit les déficits, aussi bien pour l’État que pour la sécurité sociale et l’ensemble des administrations locales.
Vous pourrez toujours dire que le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, connaît actuellement un déficit de 3,8 milliards d'euros, pour 4,1 milliards d'euros en 2012, mais les quatre autres branches du régime général de la sécurité sociale seront bien à l’équilibre en 2017, à 400 millions d'euros près : l’épaisseur du trait, convenons-en.
Ce n’est pas rendre service à nos concitoyens, dans la marche qui sera forcément longue vers un retour à l’équilibre, que de leur faire croire que la situation budgétaire de notre pays est pire aujourd'hui qu’en 2012 : c’est faux !
Je le répète, on peut contester les méthodes : peut-être estimez-vous que nous avons trop recouru à l’impôt ? Peut-être estimez-vous que certaines de nos réformes n’ont pas répondu à vos souhaits, qu’il aurait fallu les remplacer par d’autres ? C’est le sens du débat politique.
Mais ne trompons pas les Français : aujourd'hui, pour l’État comme pour la sécurité sociale, les déficits ont été réduits, et ce, sans négliger nos priorités.
J’en dénombrerai trois.
L’éducation nationale, d’abord. On peut raconter ce que l’on veut sur le nombre de fonctionnaires ou le classement PISA. Vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, des élus de terrain, vous savez comment se passent les rentrées scolaires. Vous savez qu’au mois de février, quand celles-ci sont préparées, les projets de fermeture de classes sont connus. Or, qui dans cet hémicycle pourrait avancer sérieusement que les dernières rentrées scolaires ne se sont pas effectuées dans de bien meilleures conditions que les années passées, alors que le nombre d’enseignants avait été diminué ?
On peut toujours regretter l’affectation des enseignants, déplorer qu’ils soient trop nombreux en Seine-Saint-Denis ou trop peu en Lozère, ou encore estimer que la répartition des moyens dans les anciennes zones d’éducation prioritaire n’est pas adéquate.
Moi aussi, je suis un élu de terrain, j’ai toujours un regard pour ma circonscription : je vois que le recrutement de 60 000 enseignants a permis que les rentrées scolaires se fassent dans de bonnes conditions.
Deuxième priorité que nous avons maintenue : la sécurité sens large, c'est-à-dire la police, la gendarmerie, la justice, mais aussi les armées. Bien sûr, je lis la presse, comme vous. J’ai lu les titres de ce matin. Mais qui peut nier que, pour la première fois depuis très longtemps, une loi de programmation militaire a été votée, pour les années 2014-2019 ? Qui peut nier que cette loi a été actualisée pour intégrer des ambitions à la hausse ? Qui peut nier que ses dispositions ont été respectées ?
On peut toujours discuter de la nécessité pour les dépenses militaires d’atteindre 2 % du PIB ; c’est un débat légitime. Que je sache, cependant, la diminution des effectifs dans l’armée n’a pas été décidée en 2012, vous le savez bien. La trajectoire en matière d’effectifs avait été fixée dans des livres blancs sur la défense et la sécurité nationale successifs, bien avant que la majorité actuelle n’arrive au pouvoir. Nous, nous avons infléchi cette trajectoire ; nous avons mis fin à la baisse des crédits alloués à nos forces armées.
Troisième priorité que nous avons préservée : la formation professionnelle. Qui peut nier que, avec le plan « 500 000 formations supplémentaires », par exemple, qui a fait l’objet d’un contrat avec les régions, nous n’avons pas respecté nos priorités ?
J’en arrive au dernier point de mon intervention. J’aimerais vous parler de l’administration que j’ai eu l’honneur et la fierté de diriger. Au ministère, nous avons travaillé en profondeur sur six réformes, des réformes sur lesquelles personne ne reviendra.
La première concerne la lutte contre la fraude. Nous avons mis en place des mesures jamais vues.
Mme Hélène Conway-Mouret. C’est vrai !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est le fruit d’un travail législatif, auquel vous avez participé, et du travail de mon administration. C’est aussi le fruit de la décision prise par Bernard Cazeneuve, alors ministre délégué au budget, de mettre en place le service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, qui nous a permis d’identifier de l’ordre de 30 milliards d'euros d’avoirs à l’étranger – et ce n’est pas terminé ! – et d’encaisser depuis trois ans plus de 4,5 milliards d'euros d’impôts et de pénalités.
C’est la première réforme majeure que nous avons faite. Elle sera bouclée avec la mise en application des engagements pris par différents pays pour mettre fin au secret bancaire au 1er janvier 2017 pour certains, au 1er janvier 2018 pour la plupart.
Lorsque nous aurons couplé le travail du STDR avec le devoir de communication des listes de contribuables ayant des comptes à l’étranger, nous aurons fait un pas énorme en matière de lutte contre la fraude.
Deuxième réforme que je veux rappeler : la modernisation de nos services. Aujourd'hui, on peut quasiment tout faire en ligne : payer son timbre-amende, télépayer, télédéclarer. Je veux en cet instant saluer le travail et l’engagement des administrations pour que les services offerts aux particuliers soient plus « conviviaux », même si le terme peut faire sourire quand il s’agit de payer une amende.
Personne ne conteste aujourd'hui que la relation entre l’administration et les contribuables s’est considérablement améliorée. Ce sujet n’est ni de droite ni de gauche. Ce n’est pas votre serviteur qui a mis en place cette réforme : c’est l’ensemble de notre administration.
Troisième réforme : la mise en place de la déclaration sociale nominative, une véritable révolution. Je recevais ce matin le président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables. Nous avons échangé sur cette réforme, qui n’est pas encore totalement aboutie. Là encore, il s’agit d’une réforme qui n'est ni de droite ni de gauche, qui avait été entamée, d’ailleurs, avant que les affreux socialistes arrivent au pouvoir. (Protestations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vous qui le dites !
M. Jean-Paul Émorine. Nous n’avons jamais dit « affreux » !
M. Antoine Lefèvre. Il y en a des bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Être sérieux n’empêche pas de se livrer, de temps en temps, à une petite plaisanterie !
La déclaration sociale nominative est une révolution, je le disais, dans la relation entre les entreprises et les administrations : l’URSSAF, les centaines de caisses de retraite complémentaires, la Caisse nationale d'assurance vieillesse, ou CNAV…
La déclaration sociale nominative existe, elle fonctionne, même si des réglages restent à faire. Elle va permettre des échanges entièrement automatisés entre les entreprises et l’ensemble des organismes auprès desquels elles doivent déclarer et payer des cotisations. Selon une étude du cabinet Ernst & Young, elle fera économiser 3,5 milliards d'euros par an en déclarations diverses : fiche de paie, calcul de cotisations… Et si elle ne faisait économiser que la moitié de cette somme, ce serait déjà énorme.
Une quatrième réforme a été lancée à votre demande et grâce à votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs ; elle est désormais achevée. Je veux parler de la réforme des valeurs locatives des locaux professionnels qui a demandé à notre administration un travail de bénédictin.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Amen !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’est agi, en effet, de recenser tous les locaux professionnels, d’en fixer les valeurs locatives, d’imaginer les aménagements devant y être apportés. La mise en place de cette réforme qui devait se faire voilà deux ans a de ce fait été retardée d’un an. C’est aujourd'hui une avancée considérable en matière de justice et d’équité.
Avec votre appui, nous avons entamé la même démarche pour les valeurs locatives des locaux d’habitation. C’est le travail d’une nuée de bénédictins qu’il faut cette fois produire, tant les choses sont complexes ! Mais nos concitoyens ne comprennent plus qu’il existe des écarts du simple au double, si ce n’est plus, entre deux contribuables habitant le même quartier, dans des conditions de confort et pour une surface comparables, selon que la maison est ancienne ou récente. Tout cela parce que les valeurs locatives datent des années 1970, et qu’elles ont été révisées de manière forfaitaire, sans jamais être réactualisées.
Cinquième réforme : l’économie collaborative, sujet sur lequel vous aviez travaillé l’année dernière et fait des propositions, que nous n’avons pas toutes suivies.
L’économie collaborative se développe : tant mieux ! C’est attendu et même souhaité par le plus grand nombre de nos concitoyens. Ce secteur représente une activité économique certaine, qui crée de la valeur ajoutée. Il représente aussi, on en voit des exemples tous les jours, une distorsion de concurrence – le mot est peut-être fort – avec l’exercice traditionnel de certains métiers. Nous pensons tous à Uber, mais le constat n’en est pas moins vrai pour les locations de meublé, les échanges de services, les achats et les ventes de biens qui évoluent aujourd'hui dans une zone de non-droit ou presque.
Nous avons progressivement mis en place, de manière collective, une méthodologie. Elle n’est peut-être pas aboutie ; il faudra même sans doute y revenir. C’est un vieux débat : la loi doit-elle précéder ou accompagner l’évolution des mœurs ?
Toujours est-il que nous avons posé les jalons d’une plus grande équité entre les différentes formes d’activité, sans nuire au secteur de l’économie collaborative. Nul n’aurait dans cette enceinte l’intention, pour ne pas dire la bêtise, de contrecarrer le développement de toutes ces formes d’économie nouvelle.
Sixième et dernière réforme : le prélèvement à la source. Cette réforme placera la France au niveau de tous les pays du monde. Il n’y avait plus que la Suisse et Singapour à ne pas appliquer un tel prélèvement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Deux pays bien gérés !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La situation était imbécile : vous votez l’impôt – le projet de loi de finances a été adopté en lecture définitive hier soir –, alors même que l’année est terminée. Nos concitoyens choisissent de recevoir, ou non, des revenus dont ils ignorent les conditions d’imposition jusqu'au dernier jour de l’année – voire au premier jour de l’année suivante, lorsque le Conseil constitutionnel doit se prononcer.
La rétroactivité fiscale permanente, tout le monde la dénonce. Les entreprises nous ont reproché d’y avoir eu recours. C’est exact, même si nous ne sommes pas les premiers à l’avoir fait. Mais l’impôt sur le revenu, sans prélèvement à la source, est systématiquement rétroactif.
Je tiens donc à saluer le travail colossal mené par la direction de la législation fiscale, la direction générale des finances publiques, les membres de mon cabinet pour nous permettre de disposer, enfin, d’un texte à l’appui de ce qui n’était jusque-là qu’une expression. Tout le monde pensait qu’il fallait le faire : c’est fait.
Cette réforme, là encore, n’est ni de droite ni de gauche. Certains en ont fait un enjeu politique – j’allais dire « politicien ». C’est dommage.
M. Francis Delattre. Il fallait faire cette réforme dès le début !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je crois en effet très sincèrement que le prélèvement à la source rendra de nombreux services en termes d’adaptation immédiate, ou quasi immédiate, de l’impôt par rapport aux revenus.
M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certains ont employé des termes exagérés : « usine à gaz », « complexité »…
« Où est le problème ? », me demandait le président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables ce matin. Il n’y en a pas !
La déclaration sociale nominative permet l’échange d’informations entre la direction générale des finances publiques, la DGFIP, et les entreprises, et favorise donc le calcul des résultats, qui sont ensuite transmis de nouveau. Il n’y a pas de complexité !
J’ai conscience d’être intervenu longuement,… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce fut un plaisir !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … mais, puisque nous avons passé beaucoup de temps ensemble durant ces trois années, ou presque, je veux vous faire part de mon sentiment de fierté, ou en tout cas de sérénité, quant au travail que nous avons conduit et aux réformes que j’ai citées, lesquelles ont profondément modifié – on l’oublie trop souvent ! – le calcul et le recouvrement de l’impôt.
Je tenais à le faire avant que le débat électoral ne s’enflamme, au cours des semaines et des mois à venir, à l’occasion de joutes verbales et de discours souvent caricaturaux… (Protestations sur les travées de l'UDI-UC.)