M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je voudrais essayer de vous convaincre qu’on ne peut pas voter le texte tel qu’il est rédigé à ce stade. Pourquoi ?
Tout le monde comprend que nous sommes, ici, dans la situation où une commune nouvelle est constituée de communes qui appartiennent à plusieurs communautés de communes distinctes. Il est alors demandé à cette commune nouvelle de choisir la communauté de communes à laquelle elle va se rattacher. Jusque-là, tout est clair, mais il ne faut pas ajouter que, à défaut d’accord entre les communes sur cette question, « elles sont réputées favorables au rattachement de la commune nouvelle à l’EPCI à fiscalité propre dont elles sont membres », car les communes sont membres de plusieurs EPCI. Nous serions alors dans une situation ingérable : une partie de la commune nouvelle appartiendrait à une communauté de communes et le reste à une autre…
C’est pourquoi je suis en accord avec la proposition que vient de faire, de manière très pertinente, M. Raoul. Il est vrai que nous n’avions pas vu ce point, lorsque nous avons adopté la proposition de loi de Mme Gourault et M. Darnaud.
En supprimant cette phrase – qui me semble d’ailleurs inutile –, nous conservons simplement le fait que les communes décident souverainement de la communauté de communes à laquelle la commune nouvelle se rattache.
La proposition de M. Raoul est donc tout à fait logique, sinon nos amis députés ne manqueront pas de procéder à cette correction.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En ce qui me concerne, je suis convaincu par ces explications, mais j’observe qu’il est toujours très difficile de ciseler des rédactions en séance publique. Je peux comprendre que le ministre, sans être soupçonneux, s’interroge sur une éventuelle modification du sens de l’amendement, alors que je crois comprendre qu’il s’agit plutôt d’en améliorer la rédaction.
L’une des vertus de la navette parlementaire et du bicamérisme consiste justement à améliorer les textes : soit le ministre est convaincu aujourd’hui, comme je le suis moi-même, et nous adoptons l’amendement ainsi modifié, soit il ne l’est pas encore et je lui demande, si tel est le cas, d’ouvrir la porte à une analyse plus précise de ce point, sans que cela engage une modification du fond de sa proposition.
Je crois qu’il serait inutile de s’acharner à vouloir, à tout prix, obtenir la rédaction parfaite ici et maintenant…
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. La phrase dont il est question a été insérée pour inclure le cas où les communes ne sont pas d’accord entre elles, en vue de leur laisser le temps de trouver une solution.
Je me rallie donc à l’excellente proposition du président de la commission des lois : nous allons retravailler cette question, en liaison avec la commission.
Le système français est bicaméral, c’est bien pour permettre d’améliorer les textes…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est aussi pour d’autres raisons !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Bien sûr, mais c’est l’une des vertus premières du bicamérisme !
D’ici à la lecture par l'Assemblée nationale, nous aurons tranché ce point, et, monsieur le président Bas, monsieur le rapporteur, monsieur Sueur, je vous tiendrai tous au courant de notre analyse. Mais, je le répète, il importe de prévoir tous les cas de figure, pour éviter toute difficulté. Le ministre de l’aménagement du territoire que je suis peut vous dire que le nombre de conflits nés à cause de textes insuffisamment précis ou interprétés de manière différente est considérable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous ne nous opposerons pas à cet amendement, car nous voyons bien l’incohérence qu’il vise à résoudre.
Toutefois, nous voyons bien aussi qu’il entre dans une logique de regroupement accéléré des communes, processus envers lequel nous restons dubitatifs, comme vous le savez.
Je veux également souligner que nous sommes en train, une fois de plus, de faire la démonstration des limites de l’improvisation législative ! C’était déjà le cas au moment des débats sur la loi NOTRe et, pourtant, nous y avons passé du temps… Des réformes importantes ont alors été précipitées, sans prendre le temps d’y réfléchir, quitte à créer, comme nous le voyons ici, des incohérences qu’il faut ensuite réparer.
Aujourd’hui, nous sommes saisis à vingt heures…
M. le président. Bientôt vingt heures quinze, même !
M. Pierre Laurent.…d’un amendement du Gouvernement à un projet de loi qui n’est pas destiné à traiter ce genre de sujet. Tout cela n’est guère sérieux !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 41.
Nous en revenons, au sein de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier, à l’article 10, précédemment réservé.
Titre Ier (suite)
Réforme du statut de Paris
Chapitre Ier (suite)
Création de la collectivité à statut particulier de la Ville de Paris
Section 2 (suite)
Dispositions diverses et transitoires
Article 10 (précédemment réservé)
Le maire de Paris, ses adjoints, les autres conseillers de Paris ainsi que les maires d’arrondissement, leurs adjoints et les conseillers d’arrondissement en fonction lors de la création de la Ville de Paris sont maintenus dans leurs mandats et leurs fonctions jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux.
Lors de la première séance du conseil de Paris qui suit la création de la Ville de Paris, le conseil de Paris fixe le nombre des membres de la commission permanente qu’il élit en son sein dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l’article L. 2512-5-2 du code général des collectivités territoriales.
Par dérogation aux dispositions de ce même article et jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la commission permanente n’est composée que du maire et des membres élus dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article.
Les représentants désignés par la commune de Paris et le département de Paris dans des organismes extérieurs y représentent la Ville de Paris à compter de sa création et jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux.
M. le président. L’amendement n° 150, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de la suppression de l’article 4 visant à instituer une commission permanente de la Ville de Paris.
Comme il s’agit du dernier amendement, je profite de l’occasion pour remercier M. le président de la commission des lois pour la tenue des échanges que nous avons eus tant en commission qu’en séance publique. Je remercie aussi les administrateurs pour la qualité de leur travail. Pour avoir l’avis le plus pertinent possible et le plus enrichi, nous avons organisé, depuis plusieurs semaines, de nombreuses auditions pour appréhender des sujets très techniques, notamment en ce qui concerne le statut de Paris
Je remercie également les ministres qui se sont succédé. Nos échanges ont parfois été vifs, mais ils ont toujours été constructifs.
Je souhaite également remercier l’ensemble de mes collègues, qui ont enrichi le débat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous le comprendrez, cet amendement ne saurait recueillir l’aval du Gouvernement, puisqu’il est une conséquence de la suppression de la commission permanente prévue à l’article 4, une suppression à laquelle je m’étais opposé.
C’est pourquoi l’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Roger Madec, pour explication de vote.
M. Roger Madec. Le Sénat a examiné le projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, dans le texte adopté par la commission des lois.
Dès la discussion générale, j’ai indiqué, au nom du groupe socialiste et républicain, que les modifications apportées par la majorité de la commission détricotaient le texte. Ces modifications nous sont apparues quelque peu dogmatiques, et nous avons eu la démonstration, tout au long des débats, que ce sentiment était fondé.
En effet, le texte déposé par le Gouvernement proposait simplement de continuer le mouvement émancipateur pour la Ville de Paris, sous la tutelle de l’État. Il nous apparaissait nécessaire de rapprocher le droit applicable à Paris de celui qui est en vigueur dans toutes les autres communes de France.
Nous pensions qu’il revenait à notre assemblée, chambre des représentants des collectivités locales, d’accompagner ce mouvement de décentralisation voulu par la maire de Paris et les élus parisiens. Nous nous sommes trompés, et nous le regrettons.
Quel bilan pouvons-nous dresser ce soir ?
C’est tout d’abord un texte entièrement déséquilibré : il ne correspond pas du tout à celui qui a été présenté par le Gouvernement, qui constituait pourtant un point d’équilibre susceptible de rassembler la quasi-unanimité de cette assemblée.
La proposition, qui a été rejetée, de regrouper les quatre premiers arrondissements de la capitale partait du souci d’assurer une représentativité égale de tous les élus, ce qui n’est pas le cas actuellement.
En ce qui concerne la proposition de renforcer les pouvoirs des maires d’arrondissement dans le respect de l’équilibre entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, plusieurs amendements introduits sur l’initiative de la commission des lois sont marqués par la volonté de porter atteinte à l’unité de la ville.
Ce texte envisageait également de rendre au maire de Paris des pouvoirs de police qui sont exercés par les maires d’autres communes. Bizarrement, nous avons examiné un amendement visant à placer certaines compétences liées à la circulation sous la tutelle de la région, c’est-à-dire d’une autre collectivité. C’est tout de même surprenant !
Finalement, le projet de loi, tel que modifié par le Sénat, ne correspond pas aux attentes et à notre volonté de renforcer l’efficacité de l’organisation de la Ville de Paris.
Je n’évoquerai pas particulièrement le débat qui nous a occupés cet après-midi, mes collègues se sont largement exprimés.
Globalement, nous ne sommes pas satisfaits du texte auquel nous avons abouti. C’est pourquoi nous voterons contre.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Après trois jours de débats, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi. Le texte initial, qui manquait cruellement d’ambition et ne correspondait qu’à une demande de la maire de Paris, n’aurait jamais dû être présenté de la manière dont il l’a été, car il aurait dû traiter l’ensemble de la métropole. Pour 2 millions d’habitants, tout cela est un peu ridicule. L’examen en séance publique a, heureusement, permis d’aboutir à une version plus dense et plus pertinente.
Je salue l’ouverture dont a fait preuve le rapporteur, et je l’en remercie. Il a soutenu nombre de nos propositions et a apporté, au nom de la commission, beaucoup d’améliorations qui allaient dans le sens de celles que nous défendions.
Nous nous félicitons de la suppression de la commission permanente à l’article 4. Cette ville n’est pas très démocratique. Par tradition, perpétuée par les maires successifs, elle reste dirigée avec une culture préfectorale, et une commission permanente ne ferait que renforcer cela. À quoi serviraient alors les 163 conseillers de Paris, si ce n’est à déambuler dans l’enceinte du Conseil ?
Ensuite, le texte ne comprenait quasiment rien sur les missions confiées aux maires d’arrondissement. Je vous rappelle que, sur un budget total de 8,5 milliards d’euros, les vingt mairies d’arrondissement ne disposent que de 148 millions. Or une mairie comme celle du XVe arrondissement compte une population plus importante que celle de Bordeaux. Tout cela est ridicule ! Le projet de loi ne prévoyait presque rien sur ce sujet. Nous lui avons donné un peu de consistance pour que les arrondissements puissent vivre, tout en ne touchant pas à la structure juridique générale de la ville.
En ce qui concerne le transfert des pouvoirs du préfet de police au maire de Paris, ce sujet rejoint la proposition de loi que j’avais présentée avec MM. Charon et Dominati et qui avait été votée par le Sénat. Ce qui a été fait dans ce texte correspond à ce que nous demandions.
En conclusion, je veux dire que le projet de loi n’est pas acceptable. De nombreuses critiques que j’avais formulées lors de la discussion générale restent valables : manque de vision d’ensemble, confusion intellectuelle du Gouvernement, réforme isolée du statut de Paris, pour 2 millions d’habitants, alors qu’il aurait fallu traiter la question à l’échelle de la métropole.
Ce texte est déconnecté des enjeux métropolitains, de la réflexion sur la métropolisation dans le monde et de ce que doit être une grande capitale. Ces critiques de fond restent d’actualité, et je regrette vraiment que le Sénat ait été obligé de travailler sur un texte aussi médiocre. Je remercie d’autant plus le rapporteur de lui avoir donné un peu de consistance.
M. Charles Revet. Il a très bien travaillé !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Nous avions abordé cette discussion avec l’ambition de renforcer le texte et avec trois objectifs : rendre au peuple de Paris les pouvoirs qui lui reviennent de droit ; travailler à une agglomération parisienne plus coopérative et plus solidaire ; veiller à ce que les transferts de compétences prévus pour Paris respectent les droits des fonctionnaires concernés.
Mais nous avons assisté, tout au long du débat, à une volonté de la droite de dénaturer le titre Ier du texte qui concerne Paris. Si l’évolution vers un statut particulier continue de constituer le fil conducteur du texte, des dispositions qui en modifient profondément le sens ont été instillées par la droite de cet hémicycle.
Au travers d’une série d’amendements et à des fins partisanes, on a cherché à casser ce qui caractérisait les éléments fondamentaux de l’unicité de Paris, socle d’une solidarité moteur de progrès sociaux, qui ont toujours constitué l’âme de la ville capitale. De surcroît, certains arrondissements, les plus riches, ont été protégés contre toute construction solidaire.
Sur les questions de logement, d’aménagement, d’urbanisme, les modifications adoptées ont posé, noir sur blanc, l’idée d’une ville et d’une agglomération coupées en deux avec, à l’ouest, les richesses, les immeubles de bureaux et les beaux quartiers et, à l’est, des quartiers qui ne bénéficieraient pas de l’effort de solidarité générale. Et je ne parle même pas des tentatives pour imposer, par la voie législative, une police municipale et une régionalisation de la voirie, que les Parisiens ont refusées lors des dernières élections municipales.
Toutes ces évolutions ne nous permettent pas de voter le texte en l’état.
Dans le titre II, je veux retenir que des évolutions positives, à nos yeux, ont pu être enregistrées : l’abandon de l’article 41 relatif à la création de nouvelles métropoles. En effet, cet article en rajoutait encore dans la logique d’une évolution territoriale que nous jugeons préoccupante.
Nous tenons aussi aux deux amendements importants qui ont été adoptés, dans le consensus, au sujet du centre de santé de Nanterre, ainsi qu’aux modifications introduites aux articles 35 et 37 sur les établissements publics d’aménagement. Nous espérons que ces évolutions positives du texte seront maintenues.
Au total, les évolutions négatives du titre Ier et les quelques progrès dans le titre II nous conduisent à nous abstenir sur le projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Paris, dont l’organisation administrative n’a pas été modifiée depuis plus de trente ans, doit relever de nombreux défis pour entrer dans la modernité.
Comme l’a réaffirmé le conseil de Paris, il est capital d’amplifier la solidarité et le développement de nos territoires, d’assurer l’égalité d’accès aux services publics, d’améliorer la proximité des politiques publiques, de rendre l’action publique toujours plus efficace et, surtout, de renforcer l’exigence démocratique.
À l’issue de ces trois jours de débat, qui n’ont pas toujours été d’une tenue exemplaire avec la succession de scrutins publics, la question qui se pose à nous est simple : le texte élaboré par le Sénat est-il à la hauteur des enjeux ?
C’est avec regret que le groupe écologiste répond par la négative. En conséquence, il ne soutiendra pas ce texte en l’état.
Nous regrettons également que la majorité sénatoriale ait parfois donné dans la caricature et supprimé des dispositions d’importance majeure pour les Parisiennes et les Parisiens.
Il n’est plus permis d’en douter, le découpage actuel des arrondissements ne correspond plus aux attentes des habitants en termes d’égalité d’accès au service public et pose de nombreuses difficultés dans la mise en pratique de la démocratie participative. Il nous était alors proposé de réunir les quatre premiers arrondissements, afin d’amorcer ce rééquilibrage. Vous avez préféré, chers collègues, pour des motifs parfois politiciens, supprimer purement et simplement ces dispositions.
Vous avez également refusé de faire avancer la démocratie au sein des métropoles en rejetant l’élection au suffrage universel des conseillers métropolitains, seule à même de permettre une représentativité des diverses sensibilités politiques et une représentation paritaire.
Le projet de loi initial, présenté par le Gouvernement, aurait certes pu aller plus loin, mais il constituait une première étape tout à fait importante qui ne sera malheureusement pas franchie aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je serai bref. Ce texte comportait en fait deux parties.
D’un côté, il y avait l’article 41. Sa suppression nous satisfaisant, nous aurions volontiers voté pour le texte. De l’autre, il y avait l’essentiel, c’est-à-dire les dispositions relatives au statut de Paris. J’ai été quelque peu déçu par ce qui s’est passé, dans la mesure où nous avons commencé notre parcours à bord d’un véhicule avec conduite à gauche et nous l’avons fini dans un véhicule avec conduite à droite. Dans les deux cas, on ne peut pas dire qu’une réflexion d’ensemble ait été menée sur le problème. Au contraire, des considérations liées à la situation politique actuelle ont présidé aux prises de position.
Pour l’ensemble de ces raisons, la grande majorité du groupe du RDSE s’abstiendra sur ce texte, un seul de ses membres votant pour.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter le rapporteur qui a consacré toute son énergie à ce texte dans des délais très brefs, essayant de formuler des propositions pour l’améliorer. Il laisse admiratifs tous ceux qui connaissent la technicité et la difficulté du sujet.
Nous avions connu M. le ministre comme un défenseur des collectivités locales. Il a été un ministre discipliné, appliquant la règle formulée par M. Chevènement à une autre époque, et a donc rendu la copie du Gouvernement. Cette copie était très mauvaise, manifestement rédigée par des gens qui n’aiment pas Paris, puisque c’est un texte de régression. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
En effet, il fait sortir la capitale du statut de droit commun des collectivités de France : c’est donc un statut d’exception. Au cours de ce débat, nous nous sommes très vite aperçus que ce statut allait permettre au pouvoir exécutif de s’ingérer dans les affaires parisiennes, pour s’occuper aussi bien de problèmes d’urbanisme, de voirie, de nettoyage, etc.
C’est donc un vrai texte de régression présenté à quelques semaines de la fin de la législature, par un gouvernement qui a essayé, sans l’assentiment des Parisiens, de le faire passer en catimini, car j’aimerais que vous me disiez, vous qui prétendez défendre les Parisiens, comment vous avez expliqué ce texte dans vos mairies et dans vos quartiers ! Il n’y avait qu’une seule raison de procéder ainsi, c’est le tripatouillage électoral auquel vous vous êtes livrés à l’article 18.
Évidemment, il fallait un habillage et, pour le défendre, monsieur le ministre, il fallait quelqu’un qui ne connaisse pas Paris ou qui n’aime pas Paris… (Mme Esther Benbassa proteste.) En réalité, vous n’avez même pas essayé de porter ce texte ; vous avez accompli la mission dont vous étiez chargé et qui, finalement, a échoué, aussi bien sur la réforme du statut de Paris que sur l’évolution des métropoles.
J’ai eu l’occasion de le dire dans mon propos introductif, pour la première fois sous la Ve République, nous avons un Président de la République qui ne s’intéresse pas à la région capitale. Il en résulte qu’on nous soumet un projet technocratique, absurde. Malgré les efforts du rapporteur et le dialogue qui a été tenté dans cet hémicycle, le résultat est un texte inconcevable.
Il ne vous reste plus que deux solutions : soit vous reprenez tout à zéro, mais vous n’avez plus ni le temps ni la légitimité pour le faire – je parle de la légitimité de ce gouvernement sur laquelle il y aurait beaucoup à dire, monsieur le ministre, pas de la vôtre ! – ; soit vous imposez votre réforme en la faisant adopter par l’Assemblée nationale.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Philippe Dominati. Dans ces conditions, lors de l’alternance, nous agirons très vite : il suffira d’une ligne pour abroger ce très mauvais texte. Tel est le destin qui l’attend, au lendemain de ces trois jours de débat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. J’ai entendu l’expression des oppositions et je voudrais dire à Mme Benbassa que j’ai essayé, autant que possible, de faire preuve d’audace, mais c’était très difficile, compte tenu du socle, comme vient de le dire M. Dominati. Quoi qu’il en soit, l’appréciation de l’audace est forcément subjective, et je comprends que ce que j’ai tenté de faire puisse ne pas lui convenir.
S’agissant du statut de Paris, nous regrettons que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée, parce que, à l’évidence, eu égard à la technicité et à la complexité du sujet, eu égard à la nécessaire réflexion de fond qui s’imposait, nous avons dû parfois restreindre le débat et notre capacité de proposition. Nous avons été malgré tout une force de proposition, parce que le Sénat avait anticipé ces questions – je pense notamment au rapport de notre collègue Alain Marc sur la proposition de loi tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police, déposée par nos collègues Yves Pozzo di Borgo, Pierre Charon et Philippe Dominati.
Sur les autres dispositions, en particulier la fusion des arrondissements ou le transfert de compétences aux maires d’arrondissement, je pensais que nous pourrions également avoir une réflexion de fond, mais ces sujets n’étaient pas suffisamment mûrs.
S’agissant, enfin, du titre II, M. le président de la commission des lois a très bien expliqué que nous regrettions que les critères de création des métropoles n’aient pas été clairement précisés à l’article 41. Certes, monsieur le ministre, l’intérêt du débat est de permettre aux choses d’évoluer, mais, pour une question aussi importante, il est essentiel de disposer au départ d’un texte clair.
Je fais miens les propos tenus par certains de nos collègues : il faudra aller plus loin, notamment sur le statut de Paris, pour répondre aux souhaits qui ont été exprimés en matière de proximité et de gouvernance, de même qu’il faudra sûrement revenir sur la question des métropoles, mais c’est un autre débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Sur la forme, je veux remercier M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois et l’ensemble des sénateurs, car le débat a été respectueux, serein et apaisé, à de rares exceptions près – n’est-ce pas, monsieur Dominati ? Certes, quelques interventions ont fait exception, mais j’ai retrouvé cette tradition sénatoriale que je connais : elle permet d’échanger sans que l’on partage les mêmes idées, en se parlant tranquillement, et ne met que davantage en valeur celles et ceux qui s’excluent de ce sentiment républicain.
Sur le fond, ce texte n’est plus celui du Gouvernement. Je ne me reconnais pas dans les dispositions qui sortent in fine de ces débats. Je regrette très sincèrement que le Sénat, contrairement à sa tradition, n’ait pas manifesté une volonté positive de coconstruction. J’étais tout à fait disposé, sur un certain nombre de sujets, à échanger avec vous pour améliorer le texte, le faire évoluer, peut-être le modifier. Or nous nous sommes trouvés face à un clivage insurmontable opposant droite et gauche, majorité et opposition. Nous n’avons jamais pu échanger sérieusement pour améliorer le texte, alors que c’est le fondement même du travail parlementaire, davantage au Sénat qu’ailleurs.
Ce texte n’est plus, je le répète, celui du Gouvernement. Il va de soi que, dans la logique du système bicaméral que j’évoquais, je redéposerai un certain nombre d’amendements à l’Assemblée nationale. Qu’il s’agisse du statut de Paris ou de la création des métropoles, nous aurions pu essayer de mieux travailler ensemble. Telle est ma manière de concevoir l’action publique et le travail au sein du Gouvernement ; d’ailleurs, j’ai eu l’occasion de vous parler précédemment de la concertation avec les pré-métropoles.
À l’Assemblée nationale, qui est pourtant un forum plus turbulent et agité que le Sénat, j’ai pu obtenir que la majorité et l’opposition coconstruisent le texte de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Ce texte a été adopté à l’unanimité, alors que mon interlocuteur, M. Laurent Wauquiez, n’a pas la réputation d’être le moins dynamique ni le moins tonique de vos collègues députés ! Mais nous y sommes arrivés !
Ici, les sénateurs de droite n’ont pas souhaité que le débat aboutisse. Je le regrette, car on a peut-être manqué une occasion. Ce texte se construira autrement à l’Assemblée nationale, mais j’aurais aimé que vous puissiez apporter votre pierre à l’édifice. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.
(Le projet de loi est adopté.)